Serbie: presse
Mardi 9 mars 2010 La Serbie va amnistier ses déserteurs
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Jeudi 14 août 2008, 20h34
La famille de Radovan Karadzic pourrait être poursuivie SARAJEVO (Reuters) - La famille de Radovan Karadzic pourrait être poursuivie pour avoir aidé l'ancien président des Serbes de Bosnie à échapper aux recherches pendant onze ans, a déclaré jeudi Raffi Gregorian, numéro deux du bureau international qui supervise le processus de paix en Bosnie. Selon lui, les membres de la famille Karadzic ont joué un rôle actif au sein du réseau de soutien à l'ancien dirigeant bosno-serbe pendant toutes ces années. Arrêté le 21 juillet près de Belgrade, Radovan Karadzic a été transféré aux Pays-Bas pour être jugé par le Tribunal pénal international sur l'ex-Yougoslavie (TPIY) à La Haye. Quelques semaines avant son arrestation, sa femme et ses enfants affirmaient qu'il était mort. Depuis, les enquêteurs ont découvert au domicile de sa femme des lettres d'un certain Dragan Dabic, le nom adopté par Karadzic dans la clandestinité. "Ils ont pris part au réseau qui a fait l'objet pendant de nombreuses années d'investigations", a dit Gregorian, diplomate américain qui est l'adjoint du haut représentant international en Bosnie. "Leurs comptes en banque gelés depuis cinq ans, comment ont-ils fait pour vivre sans soutien visible pendant tout ce temps? Ils ont de nombreuses propriétés, ils vont en vacances au Monténégro, ils se rendent à Belgrade. Comment? Pas d'argent, pas de travail, ils ne paient pas l'impôt sur le revenu, ils ont de l'argent liquide chez eux et ne peuvent expliquer d'où il vient", a-t-il poursuivi. Pour Gregorian, c'est le même réseau de soutien qui vient en aide à l'ancien général bosno-serbe Ratko Mladic, toujours en fuite. Adam Tanner, version française Guy Kerivel
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Le Courrier de la Serbie
Victoire sans appel de la Serbie démocratique et pro-européenne Par Jean-Arnault Dérens Mise en ligne : dimanche 11 mai 2008 La Coalition pour une Serbie européenne du Président Boris Tadic a remporté une victoire sans appel aux élections parlementaires de dimanche, avec 38,75% des suffrages, très loin devant le Parti radical serbe (SRS), qui n’obtient que 29,22%, et la coalition DSS-NS de Vojislav Koštunica (11,34%). Le Parti socialiste de Serbie (SPS) se retrouve en position d’arbitre avec 7,57% des suffrages, le Parti libéral démocratique obtenant 5,3%. Les minorités obtiennent 7 sièges au sein du nouveau Parlement. Les électeurs ont fait mentir les sondages, qui prévoyaient un match très serré entre le Parti radical serbe (SRS, extrême droite nationaliste) et la Coalition pour une Serbie européenne, qui regroupe, autour du Parti démocratique (DS), de petites formations comme le Mouvement serbe du renouveau de l’inusable Vuk Draškovic, grande figure de l’opposition serbe depuis le début des années 1990, ou les libéraux du G17 Plus. Le Parti radical n’a obtenu que 29,2% des voix, une évidente contre-performance alors que son candidat, Tomislav Nikolic, n’avait été battu que d’une courte tête par Boris Tadic au second tour des élections présidentielles, le 3 février dernier. L’autre grand perdant de la journée de dimanche est le Premier ministre démissionnaire, le conservateur Vojislav Koštunica, dont les partisans n’ont recueilli que 11,3% des suffrages. S’adressant à plusieurs centaines de sympathisants rassemblés dimanche soir dans le centre de Belgrade, Boris Tadic a souligné le sens de cette victoire : les Serbes aspirent à une vie « normale », ce qui suppose la poursuite du processus d’intégration européenne du pays. Dans les jours qui ont précédé l’élection, l’Europe a pris plusieurs gestes qui ont sûrement pesé sur l’issue du scrutin : le 29 avril, l’Accord d’association et de stabilisation (ASA), première étape vers l’intégration, a finalement été signé avec la Serbie et, il y a une semaine, 17 pays européens ont décidé d’octroyer des visas gratuits à certaines catégories de citoyens serbes. Pour une population privée de liberté de circulation depuis 1992, cette mesure donne une signification concrête à la perspective européenne. Malgré sa large victoire, le Parti démocratique se retrouve néanmoins devant la tâche difficile de former un nouveau gouvernement, et de trouver des partenaires de coalition. En théorie, une alliance serait possible avec le Parti libéral démocratique (LDP), qui disposera de 14 députés. Le DS peut aussi compter sur les 7 élus des minorités nationales (2 pour la Liste bosniaque de Sulejman Ugljanin, 4 pour la Coalition hongroise de Voïvodine et 1 pour les Albanais de la Vallée de Preševo), mais cela ne suffira pas. De toute façon, la formation la plus courtisée sera certainement le Parti socialiste de Serbie (SPS), fort de ses 20 députés. L’ancien parti de feu Slobodan Miloševic se retrouve en effet en position d’arbitre. La logique voudrait qu’il penche du côté des nationalistes, mais il a amorcé depuis plusieurs mois des tractations en coulisse pour se rapprocher du Parti démocratique. L’objectif des derniers fidèles de Miloševic est simple : devenir un parti de gauche respectable et adhérer à l’Internationale socialiste. Dans cette perspective, le Parti socialiste de Serbie pourrait devenir un partenaire de coalition fort acceptable pour le Parti démocratique. Pour l’instant, le SPS a déclaré qu’il allait prendre langue avec la coalition DSS-NS, mais sans annoncer ses intentions.
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![]() Serbie : 14 inculpations pour crime de guerre Traduit par Jacqueline Dérens Publié dans la presse : 29 novembre 2007 Quatorze anciens soldats de l’Armée fédérale yougoslave, la JNA et anciens paramilitaires ont été inculpés pour avoir tué 70 civils croates pendant la guerre de 1991 en Croatie. Le groupe est présumé « avoir torturé, tué et infligé des traitements inhumains » à des Croates dans un village à la frontière de la Serbie, selon la déclaration du bureau du Procureur du tribunal pour crime de guerre de Serbie. Ces inculpations viennent après la découverte de fosses communes dans le village de Lovas par les autorités croates qui ont établi que les victimes avaient été tuées en octobre et novembre 1991quand la JNA contrôlait la région. Les procureurs ont déclaré que les suspects avaient tué 22 Croates en s’en servant comme boucliers humains en les forçant à marcher dans un champ de mines. 48 autres habitants de Lovas ont été abattus dans leurs maisons, dans la rue ou en détention. Sept de ces inculpés sont détenus par la police serbe, il n’y a pas d’information sur les sept autres inculpés. La guerre en Croatie a éclaté en 1991 quand la république croate a déclaré son indépendance de la république fédérale de Yougoslavie. Les Serbes de Croatie avaient alors formé leur propre Etat, soutenu par la JNA. Le conflit a pris fin en 1995 quand les troupes croates ont envahi la zone serbe, provoquant la fuite de plus de 200 000 personnes en Serbie. La Serbie a commencé à juger les suspects de crimes de guerre après la chute de Sobodan Miloševi ? en 2000.
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![]() Serbie : amer retour au pays pour les réfugiés expulsés d’Europe occidentale Traduit par Jacqueline Dérens Publié dans la presse : 11 juillet 2007 Des milliers de réfugiés, expulsés des pays d’Europe occidentale, sont abandonnés à eux-mêmes dans le Sandjak, une province serbe à majorité musulmane. Sans possibilité d’emploi ni de réinsertion sociale, ils sont parqués dans des centres collectifs. Souvent, les enfants, nés à l’étranger, ne parlent pas un mot de serbe. Dans la commune de Sjenica, un habitant sur quatre serait un rapatrié ! Le gouvernement de Belgrade a signé des conventions de réadmission avec les pays occidentaux, mais n’a mis en place aucune politique d’accueil. Par Zoran Maksimovic Djijan Osmanovic, un garçonnet de neuf ans, ne connaît pas un mot de sa langue maternelle, le rromani, et à peine plus en serbe, la langue du pays dont ses parents sont originaires et où il vit maintenant. Avec ses copains, parmi les maisons en ruine du camp de Savci, à Novi Pazar, il préfère utiliser l’allemand, la langue qu’il parle depuis toujours. Il est né en Allemagne, où ses parents étaient réfugiés avant d’aller plus tard au Danemark. En 2004, quand il avait 7 ans, sa famille a été expulsée et installée d’office dans le Sandjak de Novi Pazar. Dans le camp de Savci, où sa famille vit maintenant avec 37 autres familles rapatriées, beaucoup préfèrent parler allemand, plutôt que serbe ou rromani, tout comme les 80 enfants qui fréquentent l’école primaire. « J’ai appris à parler allemand avec mes copains. Maintenant j’essaie d’apprendre le serbe à l’école, mais c’est difficile et tout est différent ici », dit le petit Djijan dans un allemand courant. Son père, Saban, nous apprend que son fils et d’autres enfants n’ont pas pu reprendre l’école tout de suite à leur arrivée parce qu’ils ne connaissaient pas la langue Le Sandjak, situé au carrefour de trois pays, la Serbie, le Monténégro et la Bosnie-Herzégovine, a accueilli près de 50 000 personnes de retour depuis 2000. La plupart avaient quitté la Serbie dans les années 1990 à cause des guerres dans la région, à cause de la politique discriminatoire de Belgrade à l’encontre des minorités non-serbes et du sentiment général d’insécurité qui prévalait alors. Nombreux sont ceux qui sont revenus à Novi Pazar et dans la ville voisine de Sjenica où, selon les statistiques, un citoyen sur quatre est un rapatrié. Les plus nombreux sont ceux qui reviennent d’Allemagne, près de 70%, arrivent ensuite les rapatriés de Hollande, de Suède, du Danemark et du Luxembourg. La plus forte vague de retour a lieu en 2003 et 2004 : chaque mois, on enregistrait de 900 à 1000 personnes rapatriées. Une organisation locale du Sandjak, Réintégration, qui s’occupe de ces personnes, affirme qu’un tiers de ces rapatriés ont été expulsés, c’est-à-dire que ces retours ne sont pas volontaires. Kadrija Mehmedovic, le président de l’association, explique que le problème le plus sérieux pour les enfants est leur ignorance de la langue, mais ce n’est pas le seul problème à affronter. « En moyenne, ces familles ont vécu une douzaine d’années à l’étranger. 80% des enfants rapatriés ont plus de 12 ans et ils sont nés à l’étranger, la moitié ne parlent pas un mot de serbe et plus de 30 % n’ont pas repris le chemin de l’école ». À leur retour en Serbie, les rapatriés doivent affronter la pauvreté et le chômage, et ils regrettent que le gouvernement n’ait pas réussi en mettre en place de programmes spéciaux pour aider les enfants de rapatriés à reprendre leur éducation. Ces critiques semblent fondées, car la Serbie n’a pas de stratégie pour accueillir les rapatriés et n’a pas ouvert de centres d’accueil pour les aider. Certains ont abandonné leurs papiers et documents dans leur pays d’origine. Beaucoup de choses ont changé en Serbie depuis leur départ. Safet Osmanovic reconte que lorsqu’il est revenu à Savci, il a trouvé sa maison en ruine et envahie par la végétation. Il n’a pas de travail, sa femme non plus, tout comme beaucoup de rapatriés. « Seulement 2% d’entre nous ont un emploi stable, personne n’a retrouvé l’emploi qu’il avait avant de partir ». Hajrija Rezovic est partie pour l’Allemagne en 1999 et s’est installée dans la ville de Wilhemhaven dans un centre pour demandeurs d’asile. Elle a tout de suite eu droit à l’aide sociale aux réfugiés et elle a donné naissance à une fille. Mais, sur la base de l’accord signé par la Serbie avec 17 pays d’accueil en Europe occidentale en juillet dernier, elle a été expulsée et rapatriée vers la Serbie avec sa fille Emma et son mari. « Quatre policiers sont venus chez moi à 6 heures du matin et nous ont dit que nous avions une heure pour faire nos bagages. Nous devions emporter seulement 36 kilos de bagages et c’est que ce nous avons emporté avec nous dans l’avion. Je suis revenue avec presque rien ». À son retour au pays natal, Hajrija Rezovic a dû affronter de multiples problèmes. Elle n’avait pas de papiers d’identité, sa fille n’avait pas d’acte de naissance et elle n’avait pas le droit d’être inscrite sur les registres de naissance serbes. Beaucoup de rapatriés rroms et bosniaques ont dû s’installer au Sandjak, même s’ils ne sont pas de la région, mais du Kosovo, tout proche du Sandjak : retourner au Kosovo est inimaginable à cause de la forte hostilité des Albanais. Hamid Pepic est l’un de ces rapatriés. Sa maison au Kosovo a été détruite en 1999 et il a cherché refuge aux Pays-Bas. Aujourd’hui, on le renvoie vivre avec sa famille de six personnes au Sandjak où il n’a aucune attache et aucun moyen de gagner sa vie. Selon la Convention de Genève, les personnes qui ont quitté l’ex-Yougoslavie et qui sont parties dans les pays occidentaux avaient le droit de demander le statut de réfugiés si leurs droits fondamentaux avaient été violés et s’il était clairement établi qu’elles étaient en danger. Mais quand les conditions ont permis la restauration de leurs droits, la Serbie a été obligée d’accepter le retour de ces citoyens sur la base des accords de réadmission signés par la Serbie avec 17 pays occidentaux. Georg Einwaller de l’ambassade d’Allemagne en Serbie reconnaît qu’il faudrait plus de travail bilatéral pour aider les familles rapatriées au Sandjak qui ont passé plusieurs années à l’étranger et qui ont oublié la langue et la culture. « Nous devons travailler avec nos collègues de Serbie pour la réinstallation de ces familles en les aidant à résoudre le problème de papiers, en faisant en sorte qu’ils bénéficient de leurs droits sociaux, de leurs droits à la santé et à l’éducation ». Marija Vojinovic, assistante du directeur du service serbe pour les droits de la personne et les droits des minorités est du même avis que Kadrija Mehmedovic, qui insiste sur le fait qu’en dehors des institutions internationales, les autorités locales et les organisations non gouvernementales, le gouvernement de Serbie doit aussi aider au processus des retours. Elle estime que 150 000 personnes pourraient revenir en Serbie cette année et l’an prochain, dont la moitié seraient des Bosniaques du Sandjak. Elle affirme que son service, le seul qui s’occupe indirectement des rapatriés a une stratégie et un plan d’action. Le problème est que ce plan n’est pas appliqué. Hannelore Valier, le chef de la mission du département de la démocratisation pour la Serbie de l’OSCE estime que si la question des rapatriés n’est pas traitée avec plus d’humanité et de sensibilité, il y aura des problèmes. Cette question pourrait même selon elle « être un danger pour la stabilité de la région ».
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![]() Kostunica s’allie avec l’extrême-droite au Parlement de Serbie Traduit par Jean-Arnault Dérens Publié dans la presse : 8 mai 2007 Tomislav Nikolic, le chef de l’extrême droite serbe, a été élu cette nuit président du Parlement de Serbie, après une longue séance où ont fusé les insultes et les noms d’oiseaux. Nikolic a été soutenu par les députés du DSS de Kostunica et ceux du Parti socialiste (SPS) La séance parlementaire reprend aujourd’hui à 14 heures. Tomislav Nikolic a écarté l’hypothèse d’une participation ou d’un soutien du SRS au nouveau gouvernement. 142 députés du Parti radical serbe (SRS), du Parti socialiste de Serbie (SPS), et de la coalition Parti démocratique de Serbie-Nouvelle Serbie (DSS-NS), tandis que la candidate du Parti démocratique (DS), Milena Milosevic, a reçu le soutien de 99 députés, y compris ceux du G17 Plus, du Parti libéral-démocratique (LDP), la Ligue des sociaux-démocrates de Voïvodine (LSV) et des représentants des minorités. Les députés ont voté ouvertement et nominalement, après 15 heures de déchirements. La prochaine séance, au cours de laquelle doivent être désignés les vice-présidents du Parlement et les membres des commissions, doit avoir lieu aujourd’hui. Le nouveau président Tomislav Nikolic a convoqué la séance à 14 heures, et les consultations avec les chefs de groupes parlementaires à 12 heures. Dans sa première déclaration après son élection, Tomislav Nikolic a appelé à la poursuite des travaux du Parlement. Selon lui, le soutien que lui a apporté le DSS concernait « exclusivement » son élection, ajoutant que le choix des vice-présidents aurait « vraisemblablement » lieu dès aujourd’hui. « Nous ne nous sommes entendus sur rien d’autre. Nous ne pensons absolument pas au gouvernement, et nous ne souhaitons aucunement participer au gouvernement, ni même apporter notre soutien à un quelconque gouvernement », a déclaré le dirigeant du SRS. Tomislav Nikolic a tenu à déclarer « qu’il n’était pas un danger pour le Serbie », et que la vie démocratique allait régner à l’assemblée. Selon lui, le SRS envisage une collaboration avec tous les partis, mais seulement dans le cadre du Parlement. Tomislav Nikolic a appelé « ceux qui ont refusé de reconnaître le résultat de l’élection » à être présents lors de la reprise de la session parlementaire. Lors du décompte des voix de l’élection et de la prise de fonction du nouveau Président, les députés du DS, du LDP et du G17 Plus avaient quitté la salle. Tomislav Nikolic a déclaré aux journalistes présents dans le hall qu’il attendait un rapport sur le travail du Comité pour le Kosovo et Metohija, et que les lois prévues par la nouvelle Constitution - sur l’administration locale, la Présidence de la République et l’armée - soient adoptées. Il a déclaré qu’il allait essayer que ces lois soient adoptées, « même si commence une nouvelle campagne électorale ». Le chef du groupe parlementaire du DS, Dusan Petrovic, a déclaré que la décision du DSS de soutenir Tomislav Nikolic montrait que ce parti avait fait « le choix de s’orienter vers le Parti radical serbe ». « Les prochains jours montreront s’il est possible d’inverser ce processus », a-t-il déclaré aux journalistes, ajoutant que le choix du DSS de soutenir Tomislav Nikolic représentait un immense pas en arrière après les changements du 5 octobre 2000. Dusan Petrovic a déclaré que les chances de former un gouvernement entre le DS, le DSS et le G17 Plus étaient très théoriques, tant qu’une autre majorité n’était pas formée, « avec le SRS ou le Parti socialiste de Serbie ». « Tout demeure possible : de nouvelles élections, la formation d’un gouvernement minoritaire, ou celle d’un gouvernement majoritaire avec le DSS et le SRS. Nous le saurons très vite, car la date du 14 mai, terme fixé pour la formation du gouvernement, s’approche ». Le chef du groupe parlementaire du DS a ajouté que son parti ferait tout pour contribuer à la formation d’un gouvernement qui puisse rapprocher la Serbie de l’Europe. Nikolic : le fidèle bras droit de Vojislav Seselj Tomislav Nikolic est né à Kragujevac en 1952. Il est technicien du bâtiment. Il a travaillé sur de nombreux chantiers à travers toute la Yougoslavie, même si la remeur veut qu’il ait aussi été directeur du cimetière municipal de Kragujevac, dont son sobriquet de « Toma le fossoyeur ». Il s’est engagé en politique dans les rangs du Parti national-radical (NRS) en 1991. À son initiative, ce parti a fusionné avec les groupes locaux du Mouvement tchétnik de Vojislav Seselj pour former le Parti radical serbe (SRS), le 23 février 1991. Vojislav Seselj a été élu président du nouveau parti, et Tomislav Nikolic vice-président. Nikolic est député au Parlement de Serbie depuis 1992, et il est le seul député à siéger sans interruption depuis cette date. En mars 1998, il est devenu vice-Premier ministre de Serbie, et à la fin de l’année 1999 vice-Premier ministre du gouvernement fédéral yougoslave. Après le départ de Vojislav Seselj pour le TPI de La Haye, en février 2002, il a été choisi à trois reprises comme dirigeant intérimaire du SRS, dont Seselj demeure toujours le président. Tomislav Nikolic a été candidat à trois reprises à la présidence de la République, en 2000, 2003 et 2004. Lors de ces deux derniers scrutins, il était arrivé en tête au premier tour.
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![]() Traduit par Persa Aligrudic Publié dans la presse : 11 janvier 2007 Dans la ville serbe de Kragujevac, un voisin grincheux veut faire expulser des boulangers gorani, et les traite bien sûr de shiptars. Les habitants du quartier se mobilisent pour sauver le petit commerce. Histoire de quartier, de tolérance, d’intolérance et de solidarité. Une centaine d’habitants de Kragujevac a empêché la démolition d’une petite « buregdzinica » [1] appartenant à la famille des Murati, des Gorani originaires du Kosovo. Bien que le tribunal municipal de Kragujevac ait pris la décision de démolir la boutique, après la plainte déposée par leur voisin Velimir Petrovic, les Murati refusent de quitter les lieux et affirment que la sentence a été prononcée sur la base de documents frauduleux. Les Murati dirige leur petit commerce avec succès depuis plus de 40 ans, mais leur proche voisin Velimir Petrovic, après voir acheté la maison adjacente, a aussi enregistré à son nom le terrain sur lequel se trouve leur boutique. Merdzan Murati affirme que cela a été fait de façon illégale : « nous ne partirons pas vivants d’ici. Nous savons que ce terrain n’est pas à lui. Le 30 janvier, un nouveau procès va avoir lieu pour clôturer cette affaire. Il va certainement le perdre ». Un ami de la famille des Murati, l’avocat Zvonko Markovic, confirme que la décision du tribunal de démolition a été prise sur la base de documents falsifiés : « Il s’agit d’une tromperie de Velimir Petrovic et de son épouse Marica Petrovic, qui travaille au tribunal municipal et qui a authentifié plusieurs contrats à textes différents sous le même numéro, ce qui est absolument illégal ». Quant à Velimir Petrovic, il affirme que tout a été fait conformément à la loi : « L’affaire est actuellement devant le tribunal. La sentence est en procédure d’exécution ». Murati raconte aussi que son voisin Petrovic humilie sa famille sur la question nationale : « Ils nous appellent « Shiptari », alors que nous sommes des Gorani. Je n’ai pas d’autre pays que la Serbie ». Les Gorani sont des Slaves de confession musulmane, originaires des montagnes du Sar, au sud du Kosovo. Beaucoup d’entre eux avaient émigré à travers toute l’ancienne Yougoslavie. Ils sont réputés pour leurs talents de boulangers et de pâtissiers. Les habitants du quartier se sont mobilisés pour défendre leur « buregdzinica ». Leurs protestations et leur soutien ont empêché la démolition du commerce des Murati, mais un nouvel ultimatum a été fixé au 25 janvier. Une vingtaine de policiers ont maintenu l’ordre et aucun incident ne s’est produit. [1] établissement où l’on fabrique et vend des bureks, sorte de feuilletés
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Serbie : quinze années
de combat syndical indépendant
Traduit par Persa Aligrudic L’Union des syndicats UGS Nezavisnost va fêter ses quinze années d’existence à l’occasion de son Sixième congrès qui se tiendra en novembre 2006. Ces années ont été marquées par la lutte difficile pour les droits des travailleurs sous le régime de Milosevic. Nezavisnost a joué un rôle majeur en contribuant à l’émergence des revendications des mouvements sociaux en Serbie. Par Jasmina Colak Il est évident que l’organisation syndicale UGS Nezavisnost, quinze ans après son premier congrès et tous les défis qui lui ont été imposés par le régime de Slobodan Milosevic aux cours des années 1990, est devenue aussi bien le pilier incontournable pour des centaines de milliers de travailleurs en Serbie, que le maillon clé des négociations avec les autorités sur les droits touchant à la protection des travailleurs. Les membres de cette organisation estiment qu’ils ont vécu deux périodes déterminantes. La première va jusqu’en 2000, au cours de laquelle se sont déroulés quatre congrès. Une prise de position contre la guerre Cette prestigieuse organisation syndicale est née de la nécessité de répondre au régime autiste, nationaliste, qui voulait discipliner les travailleurs et les transformer en « grands Serbes ». Ce qui caractérise Nezavisnost, c’est que sa position a toujours été contre la guerre. « Le besoin s’est fait sentir de former un syndicat démocratique autonome. Après le Premier Congrès tenu en 1991, Nezavisnost semblait être plutôt un mouvement social pour les changements, à l’instar de Solidarnost en Pologne, qu’un syndicat au moindre sens du terme », constate Zoran Stojiljkovic, vice-président de UGS Nezavisnost. Cette organisation syndicale était un « parapluie » pour toutes les organisations non gouvernementales ; là, au sens figuré, s’y « cachaient » et littéralement y séjournaient provisoirement les rédactions et les journalistes de Nasa Borba et de Danas. Les mouvements estudiantins et Otpor sont pratiquement inimaginables sans l’aide de Nezavisnost. Il était habituel de licencier les membres du syndicat pour incompétence. C’était l’image reflétée par cette organisation car il fallait alors prendre beaucoup de risques et être fidèle à ses idées. La deuxième période n’a pas été très facile non plus, d’après les « combattants des premiers rangs ». En effet, la campagne Partenariat pour les changements démocratiques a été formée à partir 2000. Après le Quatrième Congrès, une collaboration avec les partis politiques démocratiques et les organisations non gouvernementales s’est établie. Au cours de cette même année, les membres de UGS Nezavisnost sont parvenus à défendre la mise en place de l’économie de marché, des rapports industriels pluralistes et du dialogue social, et cela a été le message principal du Ve Congrès et de tout ce qui a été fait pour le développement du dialogue social, l’institutionnalisation du tripartisme et des négociations collectives. « Nezavisnost s’est penché sur les problèmes de la transition, de la récession transitoire, du grand nombre de chômeurs, de la privatisation, des licenciements et ce sont ces questions qui seront traitées à l’avenir dans leur plateforme. Il est difficile de ici de maintenir les emplois, de garder les travailleurs, ce qui bien exprimé dans le slogan “Nous ne sommes pas des dépenses, nous sommes des investissements”, qui est prévu pour le Sixième Congrès », estime Stojiljkovic. Il explique que les employeurs regardent toujours le salarié comme une dépense. Partout, le produit et la ressource principale sont représentés par l’homme et ses connaissances, sa volonté de changer de travail, d’accepter une partie des risques et d’être pour ainsi dire la main-d’œuvre. « Les employeurs ont pris ce risque, donc cela signifie investissement. Nos buts sont le dialogue, le pacte social, le partenariat social, tandis que les grèves et les conflits sont permis seulement dans la mesure où ils ne peuvent être évités ; or, les autorités font preuve la sourde oreille et sont tellement tournées vers les structures oligarchiques et les hommes riches, qu’il est actuellement plus compliqué pour les syndicats d’agir que cela était le cas en 2003 », souligne Stojiljkovic. Des hommes courageux et libres Nebojsa Savic, également vice président de cette organisation syndicale, rappelle que le Premier Congrès de l’union des syndicats Nezavisnot, c’est-à-dire l’assemblée fondatrice, a été tenue le 23 novembre 1991 dans la salle de Dom Omladine (Maison de la Jeunesse), où elle a acquis sa pleine légitimité. « Dom Omladine était le seul endroit où nous pouvions nous réunir car ailleurs on nous refusait tout accès. Nous étions constamment suivis et menacés par le régime de Slobodan Milosevic et du SPS. Au tout début il y avait un grand nombre de syndicats indépendants agissant sur le territoire de la Serbie et après nous être associés, nous représentions une force de 10 à 15.000 syndiqués, ce qui à cette époque était un chiffre imposant. C’étaient des hommes courageux, libres, qui ont eu l’audace de s’organiser pour la première fois librement en syndicat. C’est ce qui a fait la valeur du Premier Congrès car notre message aux salariés de Serbie était clair : il y avait une alternative et la Fédération des syndicats de Serbie avait perdu le monopole et le droit d’exister en tant que seul grand syndicat en Serbie. C’est ainsi que nous avons donné leur chance à ceux qui ont réfléchi sur le fait d’être organisés librement, et vous pouvez imaginer ce que signifiait la liberté en ce temps-là », raconte Savic. La première assemblée a élu ses dirigeants, son conseil exécutif et elle a assuré un nouvel espace pour l’organisation syndicale libre. Le Deuxième Congrès tenu en 1993 devait être un congrès extraordinaire car il concernait les protestations générales qui devaient avoir lieu en Serbie. Ainsi Nezavisnost a commencé à montrer une certaine puissance et à annoncer que des changements étaient indispensables en Serbie et que les syndicats libres ne pouvaient survivre dans l’atmosphère dans laquelle vivait la Serbie, à l’époque de l’hyperinflation, de la ruine de l’économie , lorsque les ouvriers étaient plus à l’extérieur qu’à l’intérieur de la société, des décisions prises qui ne jouaient pas en faveur des employés, et pour lesquelles Nezavisnost a réagi en laissant son empreinte. Nezavisnot s’était renforcé comme en témoigne le Troisième Congrès de 1996 qui s’est tenu à l’hôtel Jugoslavija et le syndicat comptait alors environ 100.000 membres. On a Il y avait une une meilleure organisation avec plusieurs branchesplusieurs branches, et l’on a commencé à éduquer les syndicalistes à différentes formes d’activités syndicales. « Nous étions alors plus un mouvement luttant pour une législation appropriée du travail et des affaires sociales ainsi qu’un environnement démocratique efficace. Nous avons orienté toute notre force et notre énergie vers le changement de la situation sociale, car nous n’avions pas la possibilité à travers le dialogue social d’assurer un niveau adéquat et la qualité des droits pour les salariés. Toute notre activité résidait dans nos discours pour dire aux gens que tant qu’il n’y aurait pas de changements démocratiques, les conditions de fonctionnement et de travail des syndicats ne seraient pas créées, conformément aux Conventions 87 et 98 qui traitent de la liberté d’organisation syndicale mais aussi des négociations collectives », explique Savic. Au Quatrième congrès tenu en 1998, Nezavisnost a présenté sa Plateforme pour la mise en œuvre des actions syndicales et politiques des affiliations syndicales. La voie à prendre est clairement définie pour les quatre années suivantes -pour atteindre les objectifs prévus. Plus d’une cinquantaine d’organisations syndicales internationales assistaient à ce congrès, de même que les membres de la Confédération Internationale des Syndicats Libres (CISL), et la Confédération Européenne des Syndicats (CES). Une chance pour les salariés La nouvelle manière de travailler de Nezavisnost a été marquée par le signe du Cinquième congrès tenu en janvier 2001. En fait, les changements du 5 octobre 2000 ont eu lieu grâce aux activités menées par les membres de cette organisation en utilisant toutes leurs capacités. « C’est alors qu’a commencé en Serbie la privatisation, qui entraîne à la fois des avantages et des inconvénients. Elle devait aapporter certains éléments de justice sociale afin que tout travailleur sans emploi soit socialement soutenu jusqu’à une nouvelle embauche. Un programme social a été proposé après une grande pression des syndicats, tandis que le premier Conseil socio-économique du gouvernement de Zoran Djindjic a été formé à l’initiative de notre syndicat. Nous sommes en fait les promoteurs de la création d’un nouveau mode de communication entre les partenaires sociaux », souligne Savic. Le Sixième Congrès de USG Nezavisnost se tiendra le 23 novembre de cette année, et aux dires de Savic, le syndicat se rassemblera là où il est né : au Dom Omladine, mais le Congrès lui-même aura lieu au Centre Sava en présence de 300 délégués et d’une centaine d’invités. Cette année encore la stratégie et la politique des syndicats seront fixées pour la prochaine période. « Je pense que notre plus grand succès est d’avoir donné la la chance aux salariés de Serbie de pouvoir s’organiser librement en syndicats. Il n’est pas nécessaire que ce soit notre syndicat, mais celui qui a besoin de s’organiser en a le droit. Personne ne peut lui prendre cette liberté. De même, nous nous engageons toujours à juste répartition des propriétés syndicales, ce qui, malheureusement, est toujours d’actualité, car le SSSS (Fédération des syndicats autonomes de Serbie) a gardé le monopole de biens qui ne lui appartient pas, il en profite seul et ne les utilise pas pour des activités syndicales mais les entretient dans le seul but de les vendre », conclut Savic.
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![]() Traduit par Jasna Andjelic Publié dans la presse : 6 novembre 2006 Il y a une semaine, des wahhabites provoquaient des affrontements dans une mosquée de Novi Pazar. Cette forme radical et sectaire de l’islam se développe de manière certaine en Serbie et au Monténégro, malgré l’oppositions des structures traditionnelles de l’islam. Les États prennent-ils, par contre, toutes leurs responsabilités ? Enquête à Novi Pazar et au Monténégro, où des incidents se sont multipliés, de Bijelo Polje à Ulcinj. Trois personnes ont été blessées dans un rixe entre des croyants « ordinaires » et des wahhabites vendredi dernier, dans la mosquée Arap de Novi Pazar. La communauté islamique a décidé de fermer provisoirement la mosquée à cause de cet incident, « couronné » par des tirs d’armes à feu. La police a arêté Izet Fijuljanin pour tentative d’hommicide, et 16 autres personnes font objet d’une procedure d’infraction judiciaire. C’est ainsi que Novi Pazar, calme ville du Sanjak, importante pour l’histoire de l’islam et de l’orthodoxie dans la région, est devenue encore une fois l’objet de l’attention des journalistes. Ces dernières années, les incidents se sont succédés, qu’il s’agisse d’affrontements entre supporteurs de football serbes et bosniaques, des tirs des armes à feu contre le siège du Parti démocratique du Sandjak (SDP) de Rasim Ljajic avant les dernières élections législatives - deux personnes ont été blessées -, de l’interruption du concert du groupe Balkanika par des wahhabites, du meurtre d’un candidat de la Liste pour le Sandzak durant les dernières élections locales, de l’irruption des partisans de Sulejman Ugljanin et des actes de vandalismes commis dans le bâtiment de la Faculté islamique après un meeting électoral... Tout cela repose sur les querelles et les accusations mutuelles entre le maire de Novi Pazar et patron du SDA, Sulejman Ugljanin, son opposant Rasim Ljajic et le mufti du Sandjak, Muamer Zukorlic. Ces violences se produisent dans le contexte d’une crise qui a détruit l’économie locale, d’une explosion de la toxicomanie et de la criminalité. L’État ne controle rien, et les citoyens ne cessent de s’étonner. Le gouvernement se souvient de Novi Pazar et du Sandzak uniquement quand il a besoin de voix supplémentaires au Parlement de Serbie. À dire la vérité, les organismes étatiques ne disposent pas de mécanismes de manoeuvre efficaces dans le cas des wahhabites. Selon le directeur du BIA, les services de renseignement, Rade Bulatovic, l’apparition de cette conception extrémiste de l’islam est le résultat des circonstances sociales dans un sens large, avec une influence internationale non négligeable. Ceux qui ne savant pas que la solidarité est une des bases des l’islam et que le nombre de wahhabites et de femmes « couvertes » dans notre région est directement lié au nombre des musulmans tués en Iraq ou en Liban, ainsi qu’avec l’islamophobie qui se développe en Occident, ne peuvent pas comprendre ces phénomènes. Il ne faut pas négliger non plus les nombreuses fondations islamiques, financièrement puissantes et fort douteuses. À Novi Pazar, des bruits courent depuis longtemps sur les subsides abondants qu’accorderaient ces wahhabites à l’allure pourtant modeste. Cependant, personne n’a trouvé de preuves sur l’origine et l’importance des moyens financiers dont ils disposent. La communauté islamique et les croyants doivent être les premiers à se saisir du problème des wahhabites, parce que ce sont qui en subissent les plus grands dommages. Puisque la bêtise ainsi que le port de la barbe et de pantalons courts ne représentent pas des délits, l’État n’est en mesure de réagir que s’ils commettent des infractions à la loi. Pour que les musulmans et leur organisations puissent règler les comptes avec ces « voyous infiltrés dans leur rangs », il est nécessaire qu’ils mettent de côté les conflits qui existent entre les différents partis politiques bosniaques, et que l’État ne protège pas ses favoris politiques. De son côté, l’État devrait réagir dans tous les cas qui relèvent de ses compétences. Rappelons-nous que personne n’a été poursuivi pour l’incendie de la mosquée de Belgrade, en mars 2004, et que le jugement contre les néonazis de Nacionalni Stroj est très lent. Les wahhabites arrivent aussi au Monténégro Par Veseljko Koprivica Deux imams de la commune de Bijelo Polje ont eu, l’année dernière, une confrontation directe avec les wahhabites. Ces derniers ont attaqué, au mois de mai, l’imam de la mosquée de Lozna. Il a été hospitalisé, la police a identifié les attaquants, mais elle n’a jamais informé le public sur d’éventuelles sanctions. Un jeune homme portant la barbe a également attaqué l’imam de la mosquée de Rasovo. Celui-ci avait appelé un groupe de jeunes gens portant la barbes et des pantalon courts à ne pas gêner un enterrement en cours. C’est ainsi que sont arrivées les premières informations sur les wahhabites au Monténégro, suivies d’une brève polémique entre des personnalités bosniaques et musulmanes sur l’existence de ces wahhabites au Monténégro. La conclusion en a été qu’un groupe de jeunes du Nord du Monténégro avait tenté d’imiter les wahhabites et que cet événément avait attiré une attention exagérée des medias. Le quotidien Vijesti de Podgorica a consacré plusieurs articles au mouvement wahhabite, laissant penser que certains de ces adeptes avaient trouvé refuge dans notre pays. « Les événements dans la région, les longues incertitudes sur le statut étatique et d’autre problèmes ont fait du Monténégro un sol fertile pour l’installation des wahhabites », reconnaît le reisu-l-ulema de la Communauté islamique du Monténégro, Rifat efendija Fejzic. Il n’a pas voulu préciser s’il y avait des imams wahhabites dans les villes de Plav, Ulcinj, Podgorica et dans la région de Malesija près de Podgorica. « Je pense que nous n’avons pas de problèmes avec les imams pour le moment. Certains sont surveillés et, en cas de constat qu’ils agissent à l’encontre de leurs obligations, la Communauté islamique est prête à les destituer. Si cette activité provoquait des problèmes, nous nous adresserions à l’État », déclare le reis. Ancien président de l’Union démocratique internationale et bon connaisseur de l’islam, Harun Hadzic affirme qu’il ne connaît pas le nombre des wahhabites au Monténégro. « Je pense qu’on exagère et que quelqu’un souhaite toujours faire peur à l’Europe et au monde chrétien avec le soi-disant islam radical et militant. La question des wahhabites sert de prétexte », affirme-t-il. Redzep efendija Ljuljanovic, l’imam principal de Gusinje, affirme qu’il n’y a pas de wahhabites dans la région. Le maire de Plav, Skender Sarkinovic, a reconnu qu’il y avait dans sa commune plusieurs jeunes gens qui se distanciaient des autres par leur physique, mais qu’il ne savait pas s’il s’agissait o unon d’une secte. Il est évident qu’on rencontre de plus en plus de femmes au visage complètement voilé à Bijelo Polje, Plav et Rozaje, ainsi que des hommes en pantalons courts et avec des barbes caractéristique, ce qui provoque les rumeurs sur l’expansion rapide du mouvement wahhabite au Monténégro. L’été dernier, sur la Grande plage d’Ulcinj, il y avait un groupe de jeunes hommes en shorts, qui commençaient la prière tous les jours à cinq heures de l’après-midi, sur leurs serviettes de plage.« Ce sont des wahhabites. Il leur est interdit de prier dans la mosquée et ils le font ici », expliquaient les résidents aux touristes curieux. Asim Lukovic, originaire d’Ulcinj, a expliqué à Vijesti que les wahhabites n’existaient pas et qu’il s’agissait d’un malentendu terminologique. « Ce nom nous est attribué seulement par des gens méchants ou ignorants. Nous sommes des musulmans, pas des wahhabites ». Il ne cache pourtant pas ses désaccords et ceux des ses amis avec les représentants de la communauté islamique. L’imam principal de Podgorica, Dzemo Redzematovic, explique que tous les employés de la Communauté islamique du Monténégro doivent d’abord signer un contrat confirmant leur engagement conforme à l’islam traditionnel. L’infraction à cette disposition du contrat entraîne sa dissolution. « Le phénomène du wahhabisme sur le territoire monténégrin est devenu visible après la défaite que celui-ci a enregistré en Bosnie-Herzégovine, grâce à l’activité des cadres religieux et à l’incompatibilité de nouvelles tendances musulmanes avec l’islam traditionnel bosniaque », ajoute Dzemo Redzematovic. Il considère que le wahhabisme est un phénomène inutile dans le monde islamique. L’imam principal de Rozaje Ernad efendija Ramovic est du même avis. « Comme toutes les autres formes de radicalisme, celui des wahhabites n’est pas bon. Nous devons lutter contre les extremistes de toutes les religions et nations, qui ne peuvent que nuire à l’humanité ». Il assure que la communauté islamique prend ses distances par rapport aux wahhabites, et pense que l’État monténégrin devrait faire quelque chose à ce sujet.
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samedi 30 septembre 2006, 23h06
Serbie: le Parlement approuve une nouvelle constitution affirmant la souveraineté de Belgrade sur le Kosovo BELGRADE (AP) - Le Parlement serbe a approuvé samedi une nouvelle constitution affirmant que le Kosovo, administré par les Nations unies, fait partie intégrante de l'Etat des Balkans, en dépit des négociations en cours sur l'avenir de la province. Les parlementaires -dont 242 étaient présents- ont voté à l'unanimité en faveur du texte qui va remplacer l'actuelle constitution élaborée en 1990 par l'ancien maître de Belgrade, Slobodan Milosevic. La nouvelle constitution doit encore recevoir l'aval des électeurs à l'occasion d'un référendum national, avant d'entrer en vigueur. Lors d'un vote, le Parlement a fixé la tenue de cette consultation aux 28 et 29 octobre. "C'est un jour historique", a estimé le Premier ministre Vojislav Kostunica, ajoutant que le texte "cimenterait la vérité que le Kosovo a toujours fait partie intégrante et fera toujours partie intégrante de la Serbie". Le président pro-occidental Boris Tadic a pour sa jugé que la constitution définirait la Serbie comme un "Etat européen, moderne". La constitution -fruit de quelques semaines de consultations entre les principaux dirigeants- vise à souligner l'opposition de la Serbie à la possible indépendance du Kosovo, au terme des discussions sur l'avenir de la province se déroulant sous l'égide des Nations unies. Le texte définira également la Serbie comme un Etat indépendant pour la première fois depuis l'éclatement de la Yougoslavie au début des années 1990. Plusieurs centaines de personnes, opposées au gouvernement, se sont rassemblées devant le Parlement au cours de la séance pour protester contre la nouvelle constitution, estimant qu'elle mettait en danger l'avenir de la Serbie en affirmant la souveraineté de Belgrade sur le Kosovo. Les protestataires ont annoncé une campagne pour boycotter le référendum. Le Kosovo est formellement une province de la Serbie mais Belgrade n'a plus d'autorité sur la région séparatiste depuis que les bombardements de l'OTAN en 1999 ont contraint les autorités à mettre fin à leur campagne de répression contre les albanophones et à retirer leurs forces. Les négociateurs internationaux ont exprimé leur souhait de conclure les discussions sur le statut de la province à la fin de l'année. AP
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![]() Pourquoi la Serbie fait-elle (toujours) fuir les investisseurs ? Traduit par Persa Aligrudic Publié dans la presse : 29 août 2006 Les investissements étrangers manquent en Serbie, ce qui est le principal handicap de la croissance. Selon les estimations des experts, il faudrait, dans les dix prochaines années, au moins quatre milliards d’euros d’investissements par an pour remettre en route une économie en stagnation. Mais les investisseurs étrangers préfèrent investir en Roumanie et en Bulgarie plutôt qu’en Serbie. Par M.N. Stevanovic Les investisseurs étrangers apprécient tous les pays de la région, et la plupart d’entre eux affirment même que la Serbie a dix à quinze ans d’avance sur ses voisins en ce qui concerne la formation technologique de la main d’œuvre. Les données indiquent pourtant qu’avec 180 euros d’investissements étrangers par an et par tête d’habitant, la Serbie est loin derrière la Croatie, la Roumanie et la Bulgarie tandis que dans la région de l’Europe du sud est, seules la Bosnie-Herzégovine et l’Albanie sont moins intéressantes pour les investisseurs potentiels. Les grands investisseurs sont d’accord pour dire que le marché serbe présente des perspectives, et à l’appui de cette affirmation, ils ne laissent jamais passer l’occasion d’investir leur argent dans l’achat de banques ayant un réseau organisé, ou de cimenteries et autres grandes usines ayant une production continue. Il faut s’attendre à ce que les compagnies étrangères montrent leur intérêt aussi pour la privatisation de NIS, EPS et RTB Bor, mais les véritables investissements qui relancent la croissance économique, emploient de la main d’œuvre et contribuent à un développement continu doivent se faire dans les petites et moyennes entreprises. Pour quelle raison les investissements manquent-ils dans ce secteur ? L’impression générale est que l’une des raisons réside dans des règlements législatifs inadéquats, alors que le ministre des Relations économiques avec l’étranger, Milan Parivodic, a récemment précisé que notre administration était corrompue et que la juridiction appliquait les lois de façon sélective. S’ils arrivent d’une certaine façon à surmonter tous ces obstacles, les investisseurs étrangers sont ensuite confrontés à un marché chaotique, alourdi par les hypothèques des temps passés. Faillite du textile serbe L’un des meilleurs exemples en est l’industrie textile où, autrefois, même les grands producteurs perdaient leur souffle. Néanmoins, plus de 300 nouvelles maisons de confection sont apparues dans le secteur des petites entreprises privées qui tentent de restituer l’ancienne renommée. Ces petites entreprises sont pourtant conscientes du fait que sans investissements importants, c’est un travail de Sisyphe. L’État, pour sa part, a essayé d’apporter son aide, de sorte que des contrats intéressants ont été conclus avec l’Union Européenne et la Russie, qui permettent l’exportation des marchandises sans dédouanement. Mais comme cela sous-entend que les matières premières doivent avoir une origine locale, alors que toutes les usines de textile sont depuis des années en liquidation ou en faillite, cet avantage n’est pas suffisamment utilisé. La loi sur la procédure de faillite, qui est appliquée depuis plus d’un an et demi et qui devrait réduire l’agonie de la faillite, n’a pas fait avancer les choses. Lorsqu’on ajoute à cela le grand poids de l’économie parallèle, que l’administration publique ne semble pas avoir de véritable volonté de supprimer, il n’est pas étonnant de constater que déjà plusieurs producteurs mondiaux d’Italie et de Grande Bretagne, après avoir visité des usines serbes prêtes à la privatisation, ont déclaré qu’ils étaient satisfaits par les bâtiments et la main d’œuvre disponible, pour ouvrir finalement leurs ateliers de production en Bulgarie et en Roumanie. Le bon exemple d’Indjija Les modèles réussis pour attirer les capitaux étrangers, tel celui de la commune d’Indjija, en Voïvodine, qui a quasiment obtenu le quart des investissements de l’an dernier, sont des exceptions qui confirment la règle. Goran Jesic, maire de la commune d’Indjija, déclare que dans ses efforts pour assurer des programmes d’investissement intéressants dans sa région, il dépense la grande part de son énergie dans les négociations avec les administrations de la République de Serbie. Il est réaliste d’espérer que les problèmes seront en partie surmontés avec la réalisation du Plan national d’investissements (NIP), qui prévoit d’investir environ 46 millions d’euros dans la construction et l’équipement de zones industrielles dans une cinquantaine de communes. Bien que ce soit moins de 5% du total des fonds qui seront placés par le NIP, une bonne chose est, comme cela a été annoncé, que l’argent sera investi dans les milieux moins développés ce qui, de l’avis du ministre de l’Économie, Predrag Bubal, devrait contribuer à un développement économique plus égalitaire. Si ces plans sont réalisés, il ne restera plus qu’à se mettre au travail pour former administration efficace. « Les investisseurs étrangers savent que nous n’avons pas le soutien de l’État, et ils exercent une pression maximum sur nous lors des négociations », déplore Goran Jesic, le maire de la commune d’Indjija. « Par exemple, quand nous concluons un bon contrat avec une société qui désire fonder une usine, elle demande à ce que nous assurions une infrastructure appropriée, c’est-à-dire que nous lui fournissions l’électricité, l’eau, le téléphone, internet. L’administration locale doit payer tout cela à l’avance, bien que l’argent du futur utilisateur ne soit pas encore à notre disposition. Le problème c’est qu’il n’y a pas un fonds pour mettre en application le contrat, ce qui nous permettrait au moins de nous associer aux entreprises publiques pour construire en commun des zones industrielles, de sorte que la collaboration proclamée entre les secteurs public et privé est laissée à l’initiative des administrations locales ». Il confirme que les lois adoptées sont bonnes, mais que l’administration publique est incapable de les appliquer. |
![]() Serbie : le tabou de la régionalisation et de la décentralisation Traduit par Persa Aligrudic Publié dans la presse : 21 juin 2006 Alors que la Serbie doit adopter au plus vite une nouvelle Constitution, le débat politique demeure marqué par un tabou majeur : celui de la décentralisation, qui est perçue comme une tentative de nouveau dépeçage du pays. Pourtant, la décentralisation et la régionalisation sont nécessaires pour engager une véritable démocratisation de l’État et de la société. Par Jovan Zivkovic Je ne sais pas si le gouvernement de la République de Serbie contrôle l’Assemblée nationale, alors que ce devrait être l’inverse, mais il est évident que les autorités actuelles n’ont pas eu jusqu’à présent la possibilité de mettre à l’ordre du jour la question de la nouvelle Constitution. En dépit du fait que plusieurs versions ont été élaborées, qui ne s’écartent jamais du concept de l’Etat unitariste et centraliste, à mon avis, en tant que citoyen de Serbie, il est clair que les politiciens liés à la tradition de notre pays, ses particularités et aux hiérarchies, orientent la conscience des citoyens vers les valeurs du XIXe et de la première moitié du XXe siècle. Ils ne sont absolument pas en mesure d’ouvrir avec sérieux et responsabilité l’une des questions vitales : la décentralisation de la Serbie. Le premier pas vers la déconcentration des autorités est la régionalisation de la Serbie. Or, c’est un sujet dorénavant proscrit, surtout après le référendum du Monténégro (comme s’il avait fait partie de la Serbie !). Au lieu de démontrer aux citoyens qu’il ne s’agit pas d’une division de la Serbie et du traçage de nouvelles frontières, mais que la régionalisation est un processus social permettant le rapprochement dans la vie des citoyens à travers des formes institutionnelles permettant que les questions soient résolues d’une manière plus efficace et plus proche. La régionalisation sous-entend la création d’un État plus fonctionnel. Depuis des décennies, les droits collectifs des citoyens habitant dans la région du pays qu’on appelle, de manière euphémique et archaïque, la « Serbie intérieure », sont violemment enfreints. N’y a t-il donc personne pour dire que les Serbes ne sont pas solidaires et que ceux qui produisent actuellement les revenus, il devrait rester une part pour l’amélioration de leur vie, étant donné que la province ne pouvait servir qu’à cela tant que le centre se souciait d’elle. La question de l’égalité, qui est l’une des questions centrales d’un État social et de droit, a été tellement détournée par les autorités socialistes - jusqu’à devenir une substitution au patriotisme serbe (« Vous êtes arrivés comme des ouvriers et vous repartez comme des Serbes »). Tout cela n’était rien d’autre qu’un paravent cachant une exploitation des plus rigides. Car celui qui ose mentionner le régionalisme à une oligarchie bien installée dans les directions des partis et au sommet de l’Etat est considéré comme un traître et un incitateur de complots. Il ne reste plus qu’à évoquer la question de la monarchie et de l’Église comme les promoteurs des autorités de ce monde et nous revoilà, définitivement, au XVe siècle - l’époque du complet assujettissement de la société à la religion, puisque nos dirigeants actuels font fi des décisions du traité de Paix de Westphalie de 1648, quand ont été séparés les pouvoir spirituel et séculaire. Si l’on pense que la notion d’assujettissement est inadéquate pour notre temps, alors nous rappelons que c’est il y a seulement une décennie que Milosevic a accompli la nationalisation de la Serbie (Loi sur les fonds en propriété de la République de Serbie, 1995) et que personne n’y a vu un anachronisme, tout comme actuellement on nous répète que la Serbie est déjà décentralisée, c’est-à-dire qu’elle sera démocratisée si de moindres pouvoirs sont conférés à l’administration locale. Que personne ne conteste le nouvel ajournement d’une véritable démocratisation, est évident, étant donné qu’il n’y a eu aucune réaction sur les projets constitutionnels proposés qui définissent en ce qui concerne la propriété, étant donné que les bases n’y sont pas suffisamment et précisément exprimées. En même temps on évoque la propriété, d’autant plus que dans la partie de l’organisation territoriale on garantit le droit à la propriété. A travers l’entremêlement des expressions, deux sont cruciales : les biens et la propriété ; ces deux notions centralisent les droits et obligations des personnes morales, là où la catégorie des biens est une expression plus large et la propriété une expression plus limitée. Dans les deux cas, qu’il s’agisse des biens de l’Etat ou ou des biens publics, cela concerne les modes qui ont un avantage hiérarchique par rapport aux formes inférieures : « Le genre et le montant des sources de revenus de la province autonome sont établis par la loi de l’organisme » (art.151, al.2), tout comme « est garanti le droit de la commune, de la ville et de la province autonome à la propriété et aux propres sources de revenus ainsi que le droit à la libre disposition des revenus, dans le cadre de leurs compétences constitutionnelles » (art.162, al. 1 - chapitre Propriété et sources de revenus, experts du président de Serbie). Il faut encore ajouter la confusion suivante pour les citoyens : on restituera d’abord la propriété aux villes et aux communes, après quoi la proposition sera retirée, ainsi que la plus récente annonce du nouveau Projet de loi sur le financement des administrations locales selon lequel environ 2,1 milliards de dinars seront répartis aux communes de Serbie, il devient absolument clair que le gouvernement continue à avoir une approche unitariste, qu’il ne pense pas à la Serbie en tant que pays régionalisé (avec « un niveau central des pouvoirs » - donc une décentralisation verticale), et qu’il n’a pas l’intention d’élargir les compétences élémentaires des communes, sur la base desquelles l’argent n’irait pas d’abord à Belgrade, et ensuite de la part qui est récoltée (seulement pour quelques prérogatives de l’Etat) - on alloue la part fixée pour l’Etat au niveau des régions ou des administrations locales. Somme toute, non seulement la future Serbie ne se projette pas comme un Etat avec des droits égaux des citoyens, pas non plus comme une communauté où la solidarité serait une catégorie institutionnalisée, et encore moins comme un pays dans lequel le citoyen serait un sujet - car le degré de sa liberté sera toujours strictement et inévitablement déterminée par la volonté du pouvoir central. Et comment pourrait-on s’attendre à autre chose, lorsque ce ne sont que les partis qui débattent sur la nouvelle constitution, et non pas un large public professionnel ? D’après les plus récents sondages, ce sont les partis qui sont perçus comme les principaux freins à la démocratie. D’ailleurs, cette question sera aussi, tout porte à le croire, un point sur lequel l’Union Européenne aura, tôt ou tard, le mot de la fin, tandis que notre entrée dans l’Europe - où la régionalisation de l’Etat est aussi une condition - n’est pas aussi importante pour les pays de l’UE que ne le sont les valeurs sur lesquelles repose toute forme de vie individuelle et sociale, avec une dimension d’humanité, de responsabilité, d’initiative et, naturellement, de solidarité institutionnelle. |
![]() Traduit par Thomas Claus Mise en ligne : lundi 19 juin 2006 En Serbie, l’assassinat d’un repenti vient d’ébranler le monde politique et judiciaire. Zoran Vukojevic témoignait dans le procès relatif à l’assassinat de l’ex-Premier ministre Djindjic. Une fois encore, on soupçonne les auteurs d’être issus de l’appareil d’Etat. Par Danijela Nenadic Deux homicides récents laissent à penser une fois de plus que la lutte contre la criminalité organisée en Serbie ne donne pas les résultats attendus, et que l’emprise mafieuse est encore vivace. Le premier est celui de Zoran Vukojevic Vuk, un repenti comparaissant comme témoin au procès relatif à l’assassinat de l’ex-Premier ministre Zoran Djindjic. Le second est celui de Zoran Povic Pova, membre du « Clan de Zemun ». Ces homicides, commis à quelques heures d’intervalle le 3 juin dernier, possèdent des similitudes fortes avec le scénario utilisé lors de l’attentat contre l’ex-Premier ministre Zoran Djindjic et dans d’autres affaires similaires. Selon la presse de Belgrade, Zoran Povic Pova figurait parmi ceux qui ont organisé l’enlèvement de Zoran Vukojevic Vuk. Après l’enlèvement, Vuk a été tué. La police a retrouvé son corps nu, à moitié calciné et avec des menottes aux poignets, non loin de l’aéroport de Belgrade. Pendant l’enlèvement, Zoran Povic a été blessé : ses comparses l’ont laissé à proximité d’un service d’urgence de la capitale. Dans sa poche, la police a trouvé les documents du repenti assassiné. La blessure de Zoran Povic - mort d’une hémorragie interne - ne serait par contre pas la conséquence d’une tentative s’assassinat, puisqu’on a découvert sur son corps deux blessures par balle sur la partie inférieure du thorax. Or, la majeure partie des exécutions se fait en tirant une balle dans la tête. La nouvelle de la mort de ces deux criminels célèbres a résonné dans tout Belgrade, suscitant de nombreuses réactions. Comme à l’habitude, différentes versions possibles et informelles circulent sur l’assassinat de Zoran Vukojevic Selon la première théorie, il aurait été assassiné par des anciens membres de la Sûreté de l’Etat, qui désiraient s’assurer de cette manière que leur noms ne soient pas cités dans ses déclarations devant la justice. Une seconde version affirme que le repenti aurait été tué par les anciens membres des unités spéciales de la police (JSO), afin de se venger de l’arrestation de plusieurs de leurs anciens membres, dont leur chef, Milorad Ulemek Legija. Jusqu’ici, on ignore qui a pu découvrir les itinéraires de Vukojevic. On ignore également s’il a été trahi par l’un des anciens amis avec qui il était en contact pendant les derniers jours de sa vie. Ces faits, et d’autres, devraient être éclaircis par les enquêtes que la police est en train d’effectuer. Efficace, la lutte contre le crime organisé ? Mais Zoran Vukojevic n’est pas le premier témoin à être assassiné. Début 2004, Kujo Krijestorac a été assassiné d’une balle en plein front. Propriétaire d’une boulangerie à Belgrade, il avait témoigné au cours du procès conte les membres du Clan de Zemun pour l’assassinat de Zoran Djindjic le 12 mars 2003. Milos Vasic, analyste pour l’hebdomadaire Vreme et spécialiste de la question de la criminalité organisée, a déclaré au quotidien Dnevnik de Novi Sad que l’assassinat de Vukojevic a lancé l’alarme et déclenché la panique. Selon lui, l’affaire s’est produite alors que la police était chargée de suivre, au moins discrètement, le repenti. Le Parti Démocratique (DS) a immédiatement demandé la démission du ministre de l’Intérieur, Dragan Jocic. Le parti le considère responsable du peu d’efficacité des actions de lutte menées contre le crime organisé, mais aussi du manque de coopération avec le Tribunal Pénal International pour l’ex-Yougoslavie (TPIY). Le Ministre de l’Intérieur affirme que l’assassinat du repenti représente une preuve évidente qu’on a affaire à une lutte interne au sein du même groupe criminel. Il dit également s’inquiéter de la longueur du procès et des lenteurs quant à l’émission d’un jugement sur l’assassinat de l’ex-Premier ministre Djindjic. Dragan Jocic semble donc vouloir renvoyer le poids des responsabilités sur la justice. Une position similaire à celle adoptée par le ministre de la Justice, Zoran Stojkovic, qui a déclaré à l’agence Beta que les citoyens [serbes] doivent s’inquiéter de ces deux homicides. « Lorsque les tribunaux travaillent lentement et que la majeure partie des suspects reste en liberté, on obtient une situation comme celle-ci », a-t-il ajouté. De son côté, la porte parole de la Cour spéciale du tribunal de Belgrade, Maja Kovacevic, a déclaré qu’il est impossible de travailler plus vite, étant donné qu’il s’agit de procès délicats et complexes. Le leader du Parti libéral démocrate, Cedomir Jovanovic, a accusé le gouvernement serbe et le directeur de la BIA (l’Agence pour la Sécurité et le Renseignement), Rade Bulatovic, d’être les commanditaires de l’assassinat de Zoran Vukojevic. Il affirme que ce dernier a émis dans son témoignage des accusations directes contre les plus proches collaborateurs du Premier ministre Kostunica : il aurait accusé Rade Bulatovic et le Général Aco Tomic d’être impliqués dans l’assassinat de l’ex-Premier ministre Djindjic. Les représentants du mouvement citoyen « 5 octobre » ont quant à eux déclaré à l’agence Beta que la mort de Vukojevic est un signe du retour du Clan de Zemun. Selon eux, les « escadrons de la mort de Milosevic ont envoyé un message : nous sommes revenus. La lutte contre la mafia n’a pas de sens, puisque ce régime transforme les repentis témoins en témoins défunts. » Les affaires se suivent et se ressemblent La Cour spéciale est en train de juger des affaires dont la plus importante est celle de l’assassinat de l’ancien Premier ministre Zoran Djindjic. Des membres du Clan de Zemun et du Clan de Maki ont été accusés dans cette affaire, ainsi que dans l’assassinat de l’ancien Président serbe Ivan Stambolic et dans la tentative d’assassinat de l’actuel Ministre des Affaires étrangères Vuk Draskovic a Budva. Il est intéressant de noter que les principaux accusés dans l’affaire Stambolic sont Rade Markovic, Nebojsa Pavkovic, Milorad Bracanovic, Milorad Ulemek Legija et Dragan Maricic Gumar, tous issus de structures d’Etat. En ce qui concerne l’affaire Stambolic, un jugement a été émis en 2005. Une seconde procédure est en cours, la défense ayant fait appel. Lors du premier jugement, Rade Markovic, ancien chef de la DB (Sécurité de l’Etat), a été condamné à quinze ans de prison. L’ancien commandant des JSO, Milorad Ulemek Legija, a été condamné à la peine maximale : quarante ans de réclusion. Selon des sources officieuses, la Cour Suprême aurait confirmé cette peine pour l’assassinat de Stambolic et la tentative d’assassinat de Vuk Draskovic. Un autre procès suscitant une grande attention de la part de l’opinion est celui de l’affaire dite de « l’autoroute de l’Ibar », en octobre 1999, au cours de laquelle quatre membres du SPO (le Mouvement pour le Renouveau Serbe) perdirent la vie. Ce procès se déroule auprès du Tribunal du district de Belgrade, et non auprès de la Cour spéciale, car l’acte d’accusation a été émis en 2001, alors que la loi sur la lutte contre le crime organisé n’avait pas encore été adoptée. Le premier jugement a été émis en 2003. La défense, le procureur et les avocats de la partie civile ont fait appel. Après l’assassinat de l’ex-Premier ministre Djindjic, les accusations se sont élargies. En plus de Rade Markovic, Branko Djuric Buca (l’ancien chef de la police à Belgrade) et Mihajlo Kertes (l’ancien directeur de l’administration des douanes), ont été accusés Milorad Ulemek Legija et d’autres membres de la JSO. Le nouveau procès a commencé fin 2003. Il s’est terminé en juin 2005 et a confirmé les sentences déjà émises. L’ensemble des parties ayant fait appel, la Cour suprême de Serbie a fixé le nouveau procès pour juin 2006. Certains jugent avec sévérité la manière dont ce procès est mené. C’est le cas au SPO. Vuk Draskovic, le leader du parti, a exprimé sa profonde insatisfaction quant au fait que la Cour suprême n’ait pas transformé les sentences en peines maximales, et qu’elle ait préféré suspendre l’exécution des peines et recommencer le procès au point de départ. Dans une déclaration au quotidien Glas Javnosti, Vuk Draskovic avait alors qualifié de « politique et criminelle », la décision du la Cour de suspendre le processus, évoquant même la possibilité que le SPO quitte la coalition gouvernementale. Selon Milan Simic, spécialiste de la criminalité organisée, « le plus grand manquement du pouvoir démocratique depuis le 5 octobre [2000, date de la chute de Milosevic] se reflète dans l’absence de rupture dans les services de sécurité, ainsi que dans l’absence de réformes consistantes, de réformes qui ne soient pas des modifications cosmétiques et personnelles. La conséquence de cette inaction fut l’assassinat du Premier ministre et l’instabilité politique qui perdure encore aujourd’hui. » |
« Bože pravde » : la
Serbie retrouve le vieil hymne du royaume
Traduit par Persa Aligrudic Publié dans la presse : 8 juin 2006 L’hymne créé en 1872 est redevenu l’hymne officiel de la Serbie indépendante, qui doit être encore trouver son blason. Cette chanson, dont il existe plusieurs versions, est aussi l’hymne officiel de la Republika Srpska de Bosnie. La défunte union de Serbie-Monténégo avait conservé l’hymne yougoslave, qui sera encore une fois entonné lors de la Coupe du monde de football. Par S. Bisevac En assumant la continuité de l’ancienne union, la Serbie, est (re)devenue, de manière certes un peu inhabituelle, un État indépendant, de sorte qu’elle a du adopter ses symboles nationaux : l’hymne, le drapeau et le blason. Le drapeau de la Serbie a été hissé devant le ministère de la Défense de l’hymne « Boze pravde ». Deux jours plus tôt, on avait pu l’entendre avant le match de basket-ball disputé entre le FMP et Crvena Zvezda. Cependant, l’hymne n’a pas été entonné quand le drapeau de la défunte Union de Serbie-et-Monténégro a été descendu du bâtiment du parlement de Serbie. Comme dans de nombreux autres domaines, les symboles nationaux et leur utilisation ne sont que partiellement définis par la loi. La Serbie n’a pas de loi sur les symboles nationaux, de sorte que ce domaine était réglementé, au temps de Milosevic comme de nos jours, par des recommandations législatives. L’article 5 de l’actuelle Constitution stipule seulement que la République de Serbie possède son blason, son drapeau et son hymne. « Le blason, le drapeau et l’hymne de la République de Serbie sont établis selon la procédure prévue pour le changement de Constitution », est-il indiqué au paragraphe 2 de cet article. Du temps du Parti socialiste de Serbie (SPS), en juillet 1992, une recommandation parlementaire avait supprimé l’étoile rouge du drapeau tricolore, mais la Serbie n’a obtenu ni nouvel hymne ni nouveau blason. Lors de débats menés pour choisir le chant solennel le plus approprié comme nouvel hymne, les propositions étaient : « Boze pravde », « Mars na Drinu » et « Vostani Serbje ». La Serbie-et-Monténégro n’avait pas d’hymne Pendant sa courte existence de trois ans, l’USM na pas eu d’hymne, bien que la Charte constitutionnelle prévoyait que l’État commun obtienne tous les symboles nationaux. Le conseil des ministres avait adopté en août 2004 une proposition d’un hymne consistant en une compilation du chant serbe « Boze pravde » et de l’hymne monténégrin « Oj, svijetla majska zoro ». Musique et texte ont été envoyés à l’assemblée de l’USM, mais après l’opposition du patriarche Pavle, ce sujet n’a plus été mis à l’ordre du jour. En effet, le patriarche Pavle n’avait pas aimé le fait que l’hymne monténégrin « Oj, svijetla majska zora » reprenne un texte de Sekula Drljevic. L’hymne proposé était, selon le patriarche, un « centaure ridicule pour le Monténégro aussi bien que pour la Serbie « , avait estimé le patriarche. Cette proposition d’hymne avait été faite à l’occasion des jeux olympiques d’Athènes en 2004. Nos politiciens avaient voulu empêcher que ne soit chanté l’hymne, fréquemment sifflé, de l’ancienne Yougoslavie « Hej, Sloveni », mais comme nos sportifs à Athènes n’ont pas obtenu le moindre succès, il n’a pas été nécessaire de chanter l’hymne. Les députés de l’assemblée de Serbie ont adopté en août 2004 le projet d’une Recommandation relative à l’utilisation du blason, du drapeau et de l’hymne, votée par les députés de la coalition gouvernementale, le Parti démocratique (DS) et le Parti radical serbe (SRS). L’emblème adopté représentait un aigle blanc à deux têtes, avec un écu, une croix, quatre « S » et la couronne des Nemanjic. Nous avons obtenu un drapeau « populaire » et « national ». Le premier est le tricolore rouge-bleu-blanc, et le deuxième est identique, mais avec une couronne. L’hymne choisi est le chant « Boze pravde » de Jovan Djordjevic, sur la musique de Davorin Jenko. Le même hymne que la Republika Srpska « Boze pravde » est aussi l’hymne de la Republika Srpska (RS), une des deux entités de la Bosnie-Herzégovine. À la différence de la Serbie, la RS a adopté les vers originaux qui glorifient le roi serbe. La Cour suprême de Bosnie a récemment émis un arrêt, estimant que cet hymne n’était pas acceptable car, contrairement aux lois, il mentionne et glorifie un seul peuple. Bien qu’il existe plusieurs versions du texte de l’hymne, le texte qui correspond le mieux à la forme républicaine de l’État de la Serbie actuelle est celui où l’accent est mis sur le peuple. Dans un autre version, c’est surtout le roi qui est au premier plan, de sorte que si la Serbie devenait une monarchie, ce serait cette version qui serait adoptée. Le président du Parlement, Predrag Markovic, a assisté au lever du drapeau de Serbie devant le parlement et, lorsque l’hymne a été entonné, il avait les trois doigts posés sur sa poitrine et le visage souriant. À cette occasion, Predrag Markovic avait annoncé que les symboles nationaux seraient fixés par la nouvelle Constitution, et que le blason serait complété par d’autres détails symboliques renforçant l’identité des autres nationalités vivant en Serbie. Les députés des deux partis bosniaques, Bajram Omeragic et Esad Dzudzevic, n’ont pas participé au vote de la Recommandation sur l’utilisation des symboles nationaux de Serbie. Bajram Omeragic a déclaré aux journalistes qu’il était surpris de la rapidité avec laquelle cette Recommandation avait été adoptée, tout en estimant que cette manière n’était pas conforme à la Constitution. « Les symboles nationaux sont modifiés par vote à la majorité des deux tiers au parlement et confirmés par référendum, et non pas par une simple décision de la majorité au parlement », a déclaré Omeragic, dont la Liste pour le Sandjak siège dans l’opposition. L’histoire d’une chanson, qui suvrivra à l’Union de Serbie-et-Monténégro Le chant « Boze pravde » a été créé en 1872 à l’époque du prince Milan Obrenovic, dont la majorité a été solennellement célébrée le 10 août 1872 au Théâtre national de Belgrade. Après la cérémonie, a été jouée la pièce Le sabre de Marko, écrite sur commande par le directeur du théâtre Jovan Djordjevic, inspiré par l’allégorie de Jovan Sterija Popovic Le rêve du prince Marko, datant de 1848. À la fin de la pièce, sur une musique du Slovène Davorin Jenko, chapelain et compositeur du Théâtre national, les deux premières strophes de l’hymne actuel ont été chantées. Le texte évoquait le prince serbe puisque Milan Obrenovic l’était à ce moment là. Jovan Djordjevic et Davorin Jenko ont connu un destin artistique fort différent. Tandis que Djordjevic était accusé par beaucoup d’être un plagiaire et l’artiste de tous les régimes, Jenko était indubitablement estimé. D’origine slovène, il a longtemps vécu à Pancevo et à Belgrade, et Stevan Mokranjac louait et soutenait les efforts de Jenko pour développer la culture musicale chez le peuple serbe : « Nous l’aimons et nous l’aimerons toujours comme le meilleur de tous les Slovènes musiciens qui ont travaillé chez nous ». Jenko a composé une série de chants patriotiques serbes, et il a montré son attachement à la Serbie dans son testament par lequel il a légué une partie de son argent aux pauvres. L’hymne est resté inchangé sous le règne de Pierre Karadjordjevic. Les changements ont lieu avec la formation du Royaume de Yougoslavie, dont l’hymne était une compilation des chansons serbe, croate et slovène - « Boze pravde », « Ljepa nasa » et « Naprej, zastava Slave », cette dernière ayant été également composée par Jenko. À la fin de la Deuxième guerre mondiale, un nouvel hymne apparaît : « Hej, Sloveni ». Ce chant panslovène solennel survivra à la disparition du dernier État « yougoslave » des territoires balkaniques, non seulement parce que c’est aussi l’hymne officiel de la Pologne, mais aussi parce que les sportifs de l’USM qui vient de s’éteindre l’entonneront encore à l’occasion de plusieurs championnats mondiaux, dont la coupe du monde football. |
![]() Traduit par Persa Aligrudic Publié dans la presse : 7 juin 2006 La séance de mercredi du Parlement de Serbie a été marquée par de nouvelles insultes lancées par un député du Parti radical serbe (SRS) contre Ivana Dulic-Markovic, du G17+. Un signe de ce que deviendrait la Serbie si les Radicaux gagnaient les prochaines élections. Le G17+ dénonce le « langage de la haine » et demande l’interdiction du SRS. Ratko Bozovic, professeur de théorie de la culture à la faculté des Sciences politiques, a déclaré sur les ondes de B92 qu’il ressort que Dulic Markovic est « coupable » en raison de son appartenance nationale - elle est issue de la communauté croate -, mais aussi parce qu’elle a dit la vérité, notamment en ce qui concerne l’affaire des fourgons frigorifiques [1]. « Tout cela est typique des Radicaux. De telles scènes remettent en question le comportement moral, le bon sens et la culture politique. Mais il est peut-être bon que cela se soit produit. Pour voir où nous sommes parvenus sur la voie d’une société civilisée, mais encore plus pour attirer l’attention des citoyens sur ce qui leur arriverait sous un éventuel règne des radicaux », explique Ratko Bozovic. Rappelons que le député radical Zoran Krasic, ministre du Commerce dans le deuxième gouvernement de Mirko Marjanovic, sous la présidence de Milosevic, a émis toute une série d’insultes sur le compte de l’actuelle ministre de l’Agriculture Ivana Dulic Markovic, au cours du débat sur la proposition de loi relative au règlement des salaires des fonctionnaires d’État. « Prenez par exemple votre vice-présidente Ivana Dulic-Markovic, elle réunit tous ses oustachis et les embauche pour qu’ils deviennent ses conseillers. Où était donc sa famille, et son frère où était-il, dans l’armée de la Republika Srpska ou dans les milices croates ? C’est cette même dame qui a dit que c’étaient les autorités de l’époque qui égorgeaient et transféraient les cadavres dans des containers sanglants ». Comme pratiquement toujours dans ce genre de débat, le langage de la haine depuis la tribune parlementaire est resté impuni. Le président de séance, Vojislav Mihailovic, n’a pas réagi à ces propos, tandis que les députés du Groupe G17+, en signe de protestation, ont quitté la séance. Ivana Dulic-Markovic, visiblement très troublée, a répondu que sa famille et elle-même étaient fières d’être des citoyens de Serbie : « J’aimerais seulement dire que ceci est un vocabulaire entièrement empreint de haine et de mensonge sur les faits, qui en dit plus long sur ceux qui le profèrent que sur ma famille, qui est une famille respectable. Nous sommes très fiers d’être des citoyens de Serbie et des citoyens de Voïvodine. Ceci est pour moi un encouragement à continuer, avec une force centuplée, de me battre pour une Serbie européenne et pour les réformes que j’ai commencées. En aucun cas, il ne peut être question que j’en sois empêchée par des fascistes qui jettent ma famille en pâture à divers malades ». Les députés radicaux offensent fréquemment les ministres dans leurs discours, leurs cibles les plus fréquentes sont le ministre des Affaires étrangères Vuk Draskovic, le Président de la République Boris Tadic, le défunt Premier ministre assassiné Zoran Djindjic, mais aussi les journalistes. [1] Ayant servi à transférer en Serbie des corps d’Albanais tués au Kosovo |
![]() Les États-Unis premiers investisseurs étrangers en Serbie Traduit par Stéphane Surprenant Publié dans la presse : 12 avril 2006 14 ans après avoir pressé les Nations Unies d’imposer des sanctions contre Belgrade, les États-Unis sont devenus les principaux investisseurs étrangers en Serbie et au Monténégro. Ce sont les grandes sociétés, qui sont les plus présentes, dans le marché du tabac, de l’acier ou du pétrole. L’instabilité politique demeure cependant un frein aux investissements. Par Senita Slipac La Banque Mondiale confirme que les sociétés des USA ont compté pour approximativement un tiers des 3,5 milliards de dollars américains de capitaux investis depuis l’étranger en Serbie entre 2002 - année de la levée des sanctions - et la fin de 2004. Bien qu’entre un et deux millions de descendants serbes vivent aux États-Unis, les liens de l’immigration avec la « mère patrie » ont joué un rôle négligeable dans le flux de ces investissements. Certes, le Congrès de l’Unité serbe, basé aux États-Unis, et la Chambre serbo-américaine de Commerce organisent périodiquement des conférences et informent les investisseurs des opportunités d’affaire en Serbie. Mais peu d’Américains d’origine serbe ont effectivement investi de l’argent là-bas. Ce sont plutôt les grandes sociétés capitalisées en bourse qui ont montré la voie, comme Phillip Morris, US Steel, Galaxy Tire, la firme de contrôle de trafic aérien AAR et Ball Corporation. Bien que l’embargo contre Belgrade ait été levé peu après la chute du régime de Slobodan Milosevic en 2000, les investissements majeurs ont attendu 2003 pour vraiment décoller. Cette année-là, Phillip Morris a acquis une usine de tabac de Nis pour 605 millions d’euros, tandis que US Steel achetait l’unique usine d’acier de Serbie pour une somme de 205 millions d’euros. Ces deux seules acquisitions ont représenté plus de la moitié du total des 1,3 milliards d’euros en investissements étrangers directs en Serbie cette année-là, selon la Economist Intelligence Unit. Cela a également propulsé les États-Unis en première place des investisseurs en Serbie et Monténégro, contre une cinquième place l’année précédente. Ralentissement en 2004 Les investissements étrangers ont cependant dégringolé en 2004 en raison du ralentissement des privatisations. La Hypo Alpe-Adria Bank, qui gère beaucoup d’investissements dans la région, a constaté que seulement 250 entreprises avaient été privatisées en Serbie en 2004, comparativement à 800 en 2003. Cette stagnation était liée à une certaine instabilité politique. Sans président depuis 2002 en raison des taux de participation insuffisants aux élections présidentielles, la Serbie semblait alors à la dérive. C’est seulement en juin 2004 que Boris Tadic, du Parti Démocrate (DS), a été élu Président, défaisant l’ultranationaliste Tomislav Nikolic du Parti Radical serbe. Le nouveau chef d’État avait mené sa campagne sur la promesse de stimuler l’économie en améliorant les relations avec les États-Unis et l’Union Européenne. Ainsi, en 2005, les investissements étrangers ont connu un bond pour atteindre environ 2 milliards de dollars US. Les prévisions misent sur une poursuite de la croissance en 2006. À la fin de l’an dernier, Thomas Kelly, directeur des opérations de US Steel en Serbie, a déclaré à l’Agence serbe pour la Promotion des Investissements et des Exportations (SIEPA) que les choses se passaient bien là-bas pour son entreprise. Ce succès, a-t-il expliqué, allait également renforcer le Centre de Développement économique de US Steel à Belgrade. Ce projet prévoit l’investissement de 1,5 M $ US sur une période de trois ans afin de promouvoir les investissements étrangers directs, dans le but de stimuler la croissance économique. Bon nombre d’experts sont surpris qu’un pays tel que la Serbie, dont la corruption est un secret de polichinelle, qui était un paria politique il y a quelques années seulement et qui a subi 78 jours de bombardements de l’OTAN en 1999 - dévastant ses infrastructures -, attire maintenant des investisseurs américains. En guise de réponse, John Sailor, directeur du Conseil commercial États-Unis - Serbie et Monténégro basé à Washington, souligne que la Serbie « est au cœur des Balkans et dispose d’une main-d’œuvre éduquée et d’un taux d’imposition avantageux ». La position géographique de la Serbie est certainement un facteur déterminant. Par exemple, deux importantes autoroutes européennes traversent le pays. Néanmoins, les caractéristiques de la main-d’œuvre sont peut-être encore plus décisives. Environ 40 % des travailleurs serbes parlent au moins un peu l’anglais, à peu près le double qu’en Bulgarie ou en Hongrie. Cette main-d’œuvre sait également utiliser les nouvelles technologies malgré que les salaires soient significativement plus bas que la moyenne européenne. Selon la SIEPA, les coûts de main-d’œuvre sont même moins élevés que ceux qui prévalent dans les anciennes républiques de Yougoslavie - environ 50 % de moins qu’en Croatie voisine, par exemple. En outre, le marché intérieur est relativement important - avec une population serbe de huit millions d’habitants - et la Serbie est le seul pays hors de la Communauté des États Indépendants à jouir d’un accord de libre-échange avec la Fédération de Russie. Cela veut dire que la Serbie peut servir de plaque tournante pour accéder à un marché dédouanné de 150 millions de personnes, toujours selon la SIEPA. Toutefois, l’État de Serbie et Monténégro continue de souffrir des effets secondaires des guerres des années 90. Plusieurs personnes suspectées de crimes de guerres réclamées par le Tribunal Criminel international de l’ONU pour l’ancienne Yougoslavie (TPIY) à La Haye - dont l’ancien dirigeant de l’armée serbe de Bosnie Ratko Mladic - sont soupçonnés de trouver refuge en Serbie. L’UE a clairement indiqué que l’arrestation de Mladic et son transfert à la Cour de La Haye constituaient une condition non négociable à tout progrès futur de l’intégration à l’Union. « Mladic est un nuage noir au-dessus de la tête des Serbes », a affirmé Sailor, ajoutant que son arrestation stimulerait puissamment les investissements américains. Certains investisseurs s’inquiètent aussi de violences potentielles au Kosovo ou à proximité du protectorat international alors que les pourparlers sur son statut politique futur se poursuivent. Sailor maintient malgré tout que la sécession de facto du Kosovo de la Serbie depuis 1999 a beaucoup réduit les risques. « Si la région était complètement contrôlée par Belgrade, la question se poserait », a-t-il admis. « Mais puisque ce n’est pas le cas, cela n’affecte en rien les relations avec les gens d’affaire des États-Unis. » Une autre question problématique en Serbie est la privatisation. Bien que le pays ait été l’un des pionniers dans la région pour la rapidité de son processus de privatisation, la route n’a pas toujours été facile. Bataille russo-américaine autour du pétrole Un des principaux litiges entre les divers partis serbes au sein du gouvernement demeure l’avenir des raffineries de pétrole. La société russe Lukoil et British Petroleum ont toutes deux exprimé l’intention d’acquérir l’entreprise serbe NIS Oil. Mais tandis que le Ministre de l’Énergie Radomir Naumov et le parti réformiste Groupe 17 ne demandent qu’à vendre la société d’État, le Premier Ministre Vojislav Kustunica a refusé de procéder à la privatisation des actifs publics dans l’industrie pétrolière, actifs qu’il juge trop précieux. L’impasse pourrait se révéler coûteuse, le Fond Monétaire International (FMI) ayant décidé de rendre son aide économique à la Serbie conditionnelle à la privatisation du secteur pétrolier. Et sans l’appui du FMI, les investissements étrangers pourraient baisser considérablement. Belgrade travaille donc à contourner ces problèmes en créant un environnement favorable aux investisseurs et en mettant en place un régime de taxation très alléchant. Avec un taux d’imposition sur les profits des sociétés établi à 14 %, la Serbie propose dorénavant le plus faible taux de taxation corporatif en Europe. En effet, la Roumanie impose les profits des entreprises à 25 % et la Bulgarie à presque 20 %. De plus, la Serbie exempte les sociétés qui investissent plus de 7,5 M ¤ de toute taxation corporative pendant dix ans. Les entreprises peuvent même postuler pour des subventions gouvernementales pour la création d’emploi. Belgrade a également simplifié la procédure d’enregistrement pour les investisseurs étrangers en assouplissant en 2005 les règles de l’Agence serbe d’Enregistrement des Sociétés et en abaissant les délais d’attente de deux mois à environ dix jours. « Il a été très facile de travailler avec le gouvernement serbe [et] en cas de problème, il est aisé de prendre contact avec les fonctionnaires du gouvernement », a soutenu Sailor. Pour sa part, le gouvernement américain a encouragé ses sociétés à investir en Serbie. La Export Import Bank, une agence officielle de crédit aux exportations, propose des assurances, des prêts à taux intéressants et d’autres services. Sailor dit que Belgrade doit maintenant commencer à comprendre l’importance de consolider ces nouveaux liens avec les États-Unis. « Le gouvernement serbe a besoin d’avoir des lobbyistes à temps plein pour défendre ses intérêts aux USA [et] y améliorer l’image des Serbes », a-t-il poursuivi, « parce que les investisseurs ont encore une image négative de la Serbie ». |
Nezavisne Novine
La mort de Milosevic vue de Bosnie : justice ne sera pas rendue Traduit par Ursula Burger Oesch Mise en ligne : dimanche 12 mars 2006 En Bosnie, les réactions à la mort de Milosevic sont unanimes sur un seul point : le regret que le procès n’ait pas pu aller à son terme, pour établir la culpabilité et les responsabilités de tous les acteurs de la guerre qui a ensanglanté le pays. La porte-parole de l’Union des Mères de Srebrenica doute de la réalité du décès... Par V.P, R.C. et A.S. Les personnalités publiques en Bosnie et Herzégovine considèrent qu’avec la mort de Slobodan Milosevic, une personnalité historique controversée, condamnée et célébrée a quitté la scène, et qu’il s’agit d’un événement qui marquera définitivement la fin d’une époque. Sulejman Tihic, Président de la Présidence de Bosnie et Herzégovine, prétend que Milosevic restera dans les mémoires comme un individu négatif au regard de l’Histoire, un dictateur, ainsi que le premier homme d’État inculpé pour crimes et génocide. C’est la raison pour laquelle il regrette qu’il n’ait pas survécu jusqu’à la fin de son procès à La Haye. Borislav Paravac, membre (serbe) de la présidence de Bosnie et Herzégovine affirme dans sa déclaration qu’il est dommage que Slobodan Milosevic soit mort avant que le procès au Tribunal de la Haye ne démontre qu’il n’y a pas eu d’agression en Bosnie et Herzégovine. Ivo Miro Jovic, membre croate de la présidence estime qu’avec Milosevic, « beaucoup de vérités vont être enterrées ». Nikola Spiric, président de la chambre des représentants de l’Assemblée parlementaire de Bosnie et Herzégovine affirme qu’« il aurait aimé que Milosevic, comme beaucoup d’autres, ait eu suffisamment de force pour tenir jusqu’à la fin du procès pour que le verdict final démontre s’il est coupable ou pas ». Martin Raguz, vice-président de la chambre des représentants du parlement de Bosnie et Herégovine, considère que le Tribunal de la Haye devrait prononcer un verdict malgré la mort de Milosevic. Dragan Cavic, Président de la Republika Srpska prétend que la mort de Slobodan Milosevic à la Haye exige une enquête détaillée sur les circonstances dans lesquelles Milosevic est décédé. « Il est révélateur qu’il s’agisse du quatrième mort serbe en détention au Tribunal de la Haye. Chacune de ces morts est suspecte par rapport aux circonstances dans lesquelles les inculpés ont perdu leur vie et ceci dans un endroit où ce genre de chose ne devraient pas arriver », a-t-il affirmé. Krstan Simic, avocat et vice-président du parti des Sociaux-démocrates serbes indépendants (SNSD) considère qu’avec la mort de Milosevic, les représentants de Bosnie et Herzégovine perdent un argument sur lequel ils avaient beaucoup misé dans la plainte de la Bosnie et Herzégovine contre la Serbie-Monténégro devant la Cour pénale internationale, à savoir que Milosevic serait condamné devant le Tribunal de la Haye pour génocide. Mladen Ivanic, président du PDP a déclaré que la mort de Milosevic signifiait la fin d’une époque dans l’histoire des anciennes républiques de l’ex-Yougoslavie, car aucun des acteurs des événements qui ont eu lieu au début des années quatre-vingt-dix n’est plus vivant. Miso Relota, porte-parole de la Communauté démocratique croate (HDZ) considère que Milosevic a été le principal maître des guerre sur le territoire des Balkans, alors que Safet Halilovic, président du Parti pour la Bosnie et Herzégovine affirme regretter beaucoup la mort de Milosevic, en disant que pour les victimes, il aurait mieux valu, au regard de la vérité et de la justice, qu’il survive jusqu’à la fin de son procès. Pour le Parti social-démocrate (SDP), le porte-parole Damir Masic a simplement dit que Milosevic avait causé tellement de mal aux citoyens de Bosnie et Herzégovine et de toute l’ex-Yougoslavie que tout commentaire était inutile. Munira Subasic, présidente de l’assemblée générale de l’Association des mères des enclaves Srebrenica et Zepa ne croit pas à la mort de Milosevic, et confirme « avoir peur que la communauté internationale ne joue avec nous, les victimes, un nouveau jeu... Leur idée, c’est de transférer Milosevic en Russie et de refermer par ce biais le cercle de crimes qu’il a commis ». Bakira Hasenic, présidente de l’Association des femmes victimes de guerre en Bosnie et Herzégovine, qui rassemble des femmes du pays entier violées durant la guerre, dit qu’au sein de cette association « la nouvelle de la mort de Milosevic a été reçu avec regret ». Slavko Jovicic Slavuj, vice-président de l’Union des anciens détenus des camps de Republika Srpska, qui était censé figurer parmi les témoins de la défense dans le procès contre Milosevic, considère que sa mort est « tragique pour le peuple serbe entier, puisque durant sa bataille devant le Tribunal de la Haye, Milosevic a défendu le peuple serbe dans son intégralité ». Le président de l’Union des anciens détenus des camps de concentration de Bosnie et Herzégovine, Murat Tahirovic, affirme qu’il « regrette que Milosevic n’ait pas survécu jusqu’à la fin de son procès, qui aurait prouvé tout ce qui a été fait sous son égide ainsi que sa responsabilité dans les événements qui ont eu lieu ». Mirhunisa Zukic, présidente de la Ligue des associations de réfugiés en Bosnie et Herzégovine considère que la mort de Milosevice ne va pas déranger l’initiative de cette association pour la mise en œuvre intégrale des Accords de paix de Dayton. |
![]() Traduit par Ursula Burger Oesch Publié dans la presse : 12 mars 2006 Beaucoup de Croates regrettent que Milosevic n’ait pas pu être jugé, et regrettent que beaucoup de Serbes considèrent toujours l’ancien maître de Belgrade comme un héros. Certains s’étonnent aussi de la « coïncidence » entre le « suicide » de l’ancien dirigeant serbe de Krajina, Milan Babic, et la mort de Milosevic. Par B. Bradaric et G. Simunov Beaucoup de citoyens de Vukovar ont appris la nouvelle de la mort de Milosevic dans la rue. « Nous regrettons le fait qu’il soit mort avant le verdict de la justice qui - tout le monde en est certain - aurait été très lourd ». Terreurs, crimes, exils et destruction de la ville ont laissé tellement de traces que même la mort du bourreau qui en est le principal responsable ne peut les effacer. Aujourd’hui encore, Vukovar reste une ville partagée entre les Croates et les Serbes qui, malheureusement, ne partagent pas le même avis sur le plus grand criminel des Balkans. Soutien parmi les Serbes Encore aujourd’hui, parmi les Serbes de la région de Podunavlje, Milosevic jouit d’un grand soutien. Avant tout, il s’agit de villages voisins, au sein desquels il représente toujours, pour une raison inconnue, « un grand héros et une idole serbe » - confirment dans un café de Vukovar des clients pour la plupart serbes. Les citoyens rencontrés dans la rue considèrent que les Serbes ne devraient plus le considérer en tant que héros, car il leur a causé beaucoup de mal à eux mêmes, dont toute la population continue encore de payer les conséquences. « Je ne trouve rien d’étrange à ces morts de Serbes à La Haye... Le procès Milosevic dure depuis des années, mais cela aurait été bien qu’il finisse par être condamné pour toute l’avalanche qu’il a suscité et enclenché depuis 1989 », affirme Danijel Rehak, président de l’Association croate des anciens détenus des camps. « Milosevic n’a pas reçu sa punition légale, la justice de Dieu l’a cependant retrouvé », considère Ivo Kovacic, qui a combattu dans les mêmes rangs que Blago Zadro. « Babic est parti sous la pression psychique, et c’est ce qu’a fait, de moins je l’espère, Milosevic aussi, lui qui est également décédé sous une forte pression mentale », souligne Kovacic. Cependant, quel qu’eût été le verdict de la Haye, il n’aurait jamais été suffisamment élevé pour rendre justice des crimes commis. Le combattant et défenseur de Vukovar Petar Mlinaric, actuel député à l’Assemblée nationale, croit en une sorte de complot. Une punition trop légère « Le suicide de Babic et à présent la mort de Milosevic ne peuvent être une coïncidence ; un ami y a peut-être mêlé ses doigts, quelqu’un qui veut cacher les crimes serbes dans la région », prétend Mlinaric. Le président de l’Association des personnes revenues, Dragutin Glasnovic, considère qu’en Serbie, au minimum 50% de la population souhaite toujours ce que Milosevic a effectivement commencé. « Avec sa mort, l’idée de la grande Serbie n’est pas morte. De plus, en Serbie, on lui reproche le fait qu’il n’ait pas réalisé leurs espérances, voilà une raison de plus pour laquelle ils regrettent sa mort », a conclu Glasnovic. « Qui a fait du mal ne peut s’attendre au bien », commente Eva Segaric, une habitante de Skabrnje qui, en novembre 1991, a perdu son mari et ses trois fils. Branko, son seul fils survivant, considère que cette punition est trop légère pour un tel criminel. Fureur et colère ont envahi Milan Rogic, qui ce même jour a perdu son épouse et son frère. « Je suis content que Milosevic soit mort et, j’en suis certain, à cause de sa propre misère », dit Rogic, alors que ses concitoyens déplorent que Slobodan Milosevic soit mort avant d’être jugé. |
![]() Traduit par Persa Aligrudic Publié dans la presse : 13 mars 2006 Comment le « phénomène Milosevic » a-t-il pu apparaître en Serbie à la fin du XXe siècle ? Telle est la question de l’historienne Latinka Perovic, qui craint que son pays n’ait pas encore véritablement tourné la page. Quant au ministre des Affaires étrangères Vuk Draskovic, il s’indigne que Milosevic soit désormais présenté comme un héros... Je dirais qu’il est plus facile de décrire les conséquences du règne de Slobodan Milosevic que d’expliquer le phénomène Milosevic, ce qui revient à expliquer les causes du projet politique qui a amené la Serbie à subir de telles conséquences. Nous avons une question nationale extrêmement compliquée, une société encore plus affaiblie et une perte d’aptitude à communiquer avec les régions avoisinantes et le monde. Pour moi, cette dernière conséquence est véritablement la plus pénible. Car, comme le dirait notre fameux archéologue Dragoslav Srejovic, la perte d’aptitude à communiquer représente une importante indication du commencement d’une chute historique. La guerre fait partie des conséquences directes, et le plus grand problème pour la Serbie est de s’expliquer comment elle est arrivée à être en conflit avec ses voisins et avec le monde entier. Les guerres viennent et passent, on siège aux tables de négociations, on négocie, on verse lds réparations, on renoue les relations et la vie continue. Pourtant, j’ai l’impression que, dans nos régions, la méfiance est devenue permanente, qu’elle tient nos voisins « en alerte » et qu’elle nous maintient en isolement, bien qu’il y ait une volonté déclarée d’améliorer ces rapports. Comment expliquer qu’un Slobodan Milosevic ait pu apparaitre en Serbie lors du passage du 20e au 21e siècle ? Comment est-il possible qu’il ait obtenu un très grand soutien en Serbie, alors qu’il défendait un objectif du 19e siècle ? Découvrir la cause de ce phénomène sera un test non seulement pour la science historique et l’élite sociale, mais aussi un test de maturité pour nous tous, en tant que peuple. La réponse ne peut se trouver uniquement dans le demi-siècle précédent sous le régime socialiste, car les autres pays d’Europe de l’est ont eu la même expérience, mais aucun d’entre eux n’a eu un tel chef pour dictateur. Comprendre ce qui s’est passé ici exige des réflexions sérieuses et des remises en question, et si vous me demandez si le temps de Slobodan Milosevic est révolu, je crains de ne pas pouvoir vous répondre par l’affirmative. Je ne le peux pas à cause du 12 mars 2003 [1]. En Serbie - et ce n’est pas une affaire de déduction mais de déclarations explicites de l’élite politique, ecclésiastique, militaire et scientifique - il existe toujours un programme archaïque d’unification de tous les Serbes qui nous a entraînés jusqu’à ce conflit avec le monde entier. J’ai peur que l’ère de la maturité intérieure n’ait pas encore commencée, et qu’il ne s’agisse, avec la mort de Milosevic, que de la fin biologique d’un homme. Vuk Draskovic : Milosevic est un tueur en série Je suis honteux des réactions en Serbie à la suite de la mort de Milosevic. Les regrets de ses sympathisants pour un homme qui est responsable d’innombrables crimes et qui a personnellement commandité de nombreux meurtres, se sont transformés en louanges au défunt et à sa politique qui n’a engendré que mort, malheur et haine. Quand on promeut un tueur en série en héros national, ses victimes sont tuées une nouvelle fois et la Serbie est couverte de honte devant elle-même, devant le monde et devant Dieu, en apparaissant comme un pays où le crime est une vertu suprême. Cette situation en Serbie explique également le fait qu’il n’y a toujours pas de sentences valides pour les tueurs du crime de la route de l’Ibar [2], pour les assassins de Slavko Curuvija [3], d’Ivan Stambolic [4] et de Zoran Djindjic. Ce sont les mêmes criminels appartenant à l’escadron national de la mort sous le commandement de Milosevic qui ont tué. [1] Jour de l’assassinat de Zoran Djindjic. [2] Attentat auquel échappa de justesse Vuk Draskovic, mais qui causa la mort de ses gardes du corps [3] Journaliste indépendant de Belgrade, tué durant les bombardements de 1999. [4] Ancien Président de la République, kidnappé et assassiné en août 2000. |
Hapi / Korak
Presevo - Kosovo : les échanges de territoires sont-ils à l’ordre du jour ? Traduit par Jasna Andjelic Publié dans la presse : 1er mars 2006 Malgré les affirmations répétées des diplomates étrangers que le statut final du Kosovo sera déterminé indépendamment de la résolution de la crise dans le Sud de la Serbie, des rumeurs évoquent toujours la possibilité d’un échange du Nord du Kosovo contre le Sud de la Serbie... Par Nikola Lazic Selon cette théorie, qu’aucune des parties intéressées n’évoque en public, le Nord du Kosovo, avec sa population majoritaire serbe, resterait à la Serbie après les négociations, tandis qu Presevo et Bujanovac, avec une population majoritairement albanaise, appartiendraient au Kosovo. Les partisans du partage du Kosovo pensent que cette solution est la meilleure pour les Serbes, parce qu’ils trouvent que l’avenir du Sud de la Serbie est incertain. Cependant, les analystes avertissent au danger de ces théories pour l’État serbe. Le pouvoir de fait Le directeur du Forum pour les relations interethniques, Dusan Janjic, considère que ces rumeurs sont lancées par les personnes qui n’ont pas compris qu’il s’agisssait d’une politique de perdants. « Pendant toute une période, même Nebojsa Covic a parlé de deux entités au Kosovo. Les gens pensent que ces spéculations sont réelles et ne se rendent pas compte de leur caractère utopique ni du danger qu’elles comportent. Si l’on suivait cette logique, la Serbie perdrait beaucoup de son territoire. Toutes ces histoires montrent un manque de disponibilité à affronter sérieusement les problèmes », estime-t-il. Les institutions étatiques de Belgrade détiennent le pouvoir de fait sur le Nord du Kosovo, en dépit du protectorat international établi depuis les bombardements de l’OTAN en 1999. Les Albanais n’acceptent pas cette situation et interpellent fréquemment la communauté internationale, pour que les autorités provisoires du Kosovo exercent leur pouvoir sur ce territoire. Le Nord du Kosovo est constitué des communes de Leposavic, Zvecan, Zubin Potok et Mitrovica Nord, que les autorités de Pristina et le MINUK ne reconnaissent pas comme une commune autonome. Cette région est habité par environ 70 000 des 120 000 Serbes qui resteraient au Kosovo. La moitié habite Mitrovica, la plus grande ville de la région, ethniquement partagée en deux par la rivière Ibar. Les leaders politiques de la région, à quelques rares exceptions près, se disent opposés à tout partage du Kosovo, qu’ils considèrent partie intégrante de la Serbie. Cependant, le statut actuel semble convenir à une partie de la population, en dépit de nombreux problèmes comme les coupes de l’électricité et le chômage. Tout en étant officiellement au Kosovo, les quatre communes serbes profitent de toutes les institutions de la Serbie, excepté l’armée, la police et la justice. Cela permet aux fonctionnaires de l’enseignement public, de la santé et des autres services étatiques de toucher la fameuse « allocation kosovare » qui comprend le total de leur salaire mensuel versé par Belgrade, plus l’argent donné par le MINUK, entre 100 et 150 euros par personne. D’autre part, le Sud de la Serbie est une des plus pauvres régions de la république. Les dirigeants politiques albanais locaux insistent sans cesse sur l’annexion de la région au Kosovo, ce qui provoque le mécontentement de la population serbe. La plate-forme politique de tous les partis albanais sur l’autonomie territoriale et la perspective de l’annexion au Kosovo y a beaucoup contribué. Tout cela a alimenté les rumeurs sur un échange de territoires, soutenues par les arguments selon lesquels les Albanais ont déjà perdu le Nord du Kosovo et les Serbes le Sud de la Serbie. Cependant, les responsables politiques serbes du Nord du Kosovo, hormis quelques exceptions, excluent toute possibilité d’échange, ainsi que leurs collègues serbes et albanais de Bujanovac et de Presevo. Le G17+ pour l’échange de territoires Stojanka Petkovic, présidente du comité du G 17+ pour le Kosovo pense pourtant que les Serbes devraient accepter cette offre. « Les gens y pensent pas. D’autre part, j’ai posé la question aux représentants de l’UE et la réponse était plutôt intéressante. Ils disent que ce plan n’a pas de chances de marcher, parce que 90% des jeunes Albanais du Sud de la Serbie souhaitent avant tout obtenir des visas pour l’étranger et estiment que cet objectif est plus facile à réaliser en Serbie. Seuls les Albanais d’un certain âge souhaitent l’annexion au Kosovo. Cependant, en cas d’offre d’échange, les Serbes devraient tout de suite l’accepter. En réalité, il serait idéal d’obtenir le Nord du Kosovo sans condition mais, dans le cas contraire, il faudrait accepter l’offre. Le Sud de la Serbie est habité à 90% par des Albanais. Ils vont annexer cette région au Kosovo que ce soit maintenant ou plus tard, et il vaut mieux obtenir quelque chose en échange. D’autre part, l’intégrité et la souveraineté du Kosovo est perdu au nord de la région. En bref, le Nord du Kosovo est un territoire purement serbe, et 90% des habitants du Sud de Serbie sont des Albanais. Il vaut mieux échanger ces territoires si l’occasion s’en présente », affirme-t-elle. Il semble que la présidente du G 17+ pour le Kosovo soit la seule à penser ainsi. Marko Jaksic, président de la Communauté des communes et des villes serbes et vice-président du Conseil national serbe (SNV), la première force politique du Nord du Kosovo, pense que cette question n’est pas sérieuse. Marko Jaksic pense que le problème du Sud de la Serbie est artificiel, qu’il n’existe pas et n’a aucun lien avec le Kosovo. Oppositions serbes... « Une partie de la communauté internationale est prête à donner le Nord du Kosovo sans condition. Cela ne répond pas aux ambitions serbes, parce que nous ne voulons pas partager le Kosovo, mais résoudre ensemble le problème de toutes les zones de la région habités par les Serbes. De quel échange peut-on parler, puisqu’il s’agit de deux territoires serbes ? », demande Marko Jaksic. Oliver Ivanovic est un opposant politique de Jaksic, mais il est d’accord avec lui sur ce sujet. Oliver Ivanovic était premier candidat sur la Liste serbe pour le Kosovo, et il s’était présenté aux élection en dépit du boycott. Il affirme que l’échange des territoires « n’a absolument aucune chance de se réaliser ». « Cette possibilité est exclue. Les leaders albanais l’ont déjà compris, mais ils n’osent pas le reconnaître parce qu’ils seraient accusés de trahison. L’objectif des Albanais est d’obtenir plus de compétences au Sud de la Serbie, c’est pourquoi ils feignent de vouloir l’annexion au Kosovo. Je pense qu’ils surestiment leurs capacités. Les représentants internationaux disent ouvertement que les négociations sur le Kosovo et le Sud de la Serbie représentent des sujets séparés », explique-t-il. L’attitude des responsables politiques serbes du Sud de la Serbie est similaire. Goran Taskovic, président du Comité municipal du Parti démocrate à Bujanovac, dit que cette histoire est insensée parce qu’il trouve absurde d’échanger des territoire qui appartiennent tous les deux à la Serbie. « Je pense que les Albanais tentent simplement d’améliorer leur position avant le début des négociations », estime-t-il. ... et albanaises Cependant, les leaders locaux albanais ne prennent pas cette possibilité en compte. Saip Kamberi, chef des représentant du Parti de l’action démocratique (PDD) dans l’assemblée communale de Bujanovac, dit que l’échange est impossible pour plusieurs raisons. « À mon avis, et selon la position officielle du PDD, les négociations sur le Kosovo seront basés sur les principes du groupe de contact selon lesquels il n’y a pas de partage du Kosovo, pas de changement de frontières ni d’annexion du Kosovo à un État voisin. Ni les Serbes ni les Albanais ne peuvent changer cette donne. Personnellement, je n’envisage aucun échange de territoires. Il est important que les Albanais définissent le modèle des droits pour les minorités de la région ». Skender Destani, président de l’Union démocratique de la vallée (DUD) qui fait partie de la coalition au pouvoir à Presevo, est également hostile au changement de frontières. « Je n’ai pas entendu parler de cette possibilité, mais je pense que ce n’est pas une bonne idée. Nous sommes opposés aux changements de frontières. Tout échange de territoires peut entraîner des conséquences dangereuses, surtout les déplacements de la population civile qui souffre le plus dans ces situations ». La question du statut du Nord du Kosovo représentera sûrement un des sujets essentiels dans les négociations sur le Kosovo. Les Serbes qui sont majoritaires dans la région disent qu’ils utiliseront tous les moyens pour empêcher que ce territoire ne soit contrôlé par les Albanais. D’autre part, les Albanais du Sud de la Serbie parlent de plus en plus ouvertement de l’annexion au Kosovo et souhaitent participer aux négociations. Le véritable dialogue n’a pas encore commencé, et il est difficile de prévoir si la médiation de la communauté internationale amènera à un éventuel compromis. |
Hapi / Korak
Sud de la Serbie : la privatisation prend du retard Traduit par Persa Aligrudic Mise en ligne : mercredi 8 mars 2006 Les privatisations accumulent les retards dans la vallée de Presevo, alors que cette région connaît une crise économique particulièrement grave. Quelles sont les causes des blocages ? Des facteurs économiques, politiques ou interethniques ? Par Slavomir Kostic D’ici le 31 décembre 2007, date à laquelle expire le délai pour la transition de l’économie sociale, toutes les sociétés nationales restantes dans les communes de Bujanovac et de Presevo seront privatisées. Le processus de privatisation dans ces communes se déroule conformément aux cadres fixés et la politique n’est pas la cause du déroulement relativement lent de ce processus qui est avant tout une question économique et non pas politique. C’est en tout cas ce que pensent les dirigeants du gouvernement de Serbie et du Corps de coordination pour le sud de la Serbie. Cependant, les industriels et les politiciens de ces communes soulignent qu’un déroulement plus rapide et plus efficace des processus de privatisation des sociétés nationales est très important pour le règlement des problèmes économiques et sociaux de cette région mais, tout compte fait, ils n’excluent pas l’influence du facteur politique sur ce processus qui doit contribuer au développement économique global et, de ce fait, à la stabilisation des rapports interethniques dans ces communes. Blocages Les dirigeants du gouvernement de Serbie et du Corps de coordination pour le sud de la Serbie sont catégoriques pour affirmer leur position : le facteur politique ne bloque pas le processus de privatisation des entreprises nationales dans les communes de Bujanovac et de Presevo, et que ce processus se déroule selon les délais fixés, c’est-à-dire que tout doit être terminé d’ici le 31 décembre 2007. Le chef du groupe de travail pour la privatisation des sociétés du sud de la Serbie près le ministère de l’Economie et de la Privatisation, Milan Josipovic, affirme en revanche que c’est justement ce processus qui représente « une phase importante de tout le développement économique des communes du sud de la Serbie : Bujanovac, Presevo et Medvedja ». « La première phase du développement de ces communes est de fonder des petites et moyennes entreprises, bien entendu avec l’aide de l’État, ce qui a fait l’objet de discussions plus détaillées à l’occasion de la rencontre du premier ministre de Serbie Vojislav Kostunica avec les maires de ces communes », déclare Milan Josipovic, alors que la seconde phase concerne la privatisation des entreprises nationales, ce qui doit contribuer au règlement des problèmes socio-économiques qui se sont accumulés. « Et il n’est pas question de dire que ce processus se déroule lentement, ou bien qu’il est ralenti pour des raisons et des facteurs politiques. Je suis persuadé que ce processus sera achevé dans les délais dans toutes les communes et qu’il contribuera ainsi au développement et à l’emploi à Bujanovac et Presevo. Quant au fait qu’il n’y a pas de partenaires stratégiques pour certaines sociétés, même pour celles en faillite, c’est un question économique et non pas politique. La privatisation de Heba [1], dont on parle beaucoup et qui fait l’objet de manipulations, est un problème purement économique. Si l’on hésite à privatiser Heba pour que l’acheteur ne soit pas un Albanais, cela n’a aucun rapport avec l’économie. Le plus important est que le futur propriétaire investisse dans l’expansion des capacités, l’introduction de nouvelles technologies, de nouveaux postes de travail »... Sima Gazikalovic, représentant du Corps de coordination pour le sud de la Serbie, rejette aussi toute influence politique : « Je suis convaincu qu’il ne s’agit pas d’un facteur politique mais je reconnais que le processus de privatisation est ralenti », explique-t-il, mais dans le sens où les sociétés n’ont pas trouvé de partenaires stratégiques et non pas par crainte des Albanais. « Je suis certain que le gouvernement respectera les délais fixés par la loi pour la privatisation des sociétés nationales à Bujanovac et à Presevo. Cela est également valable pour la société Heba de Bujanovac avec laquelle il n’y a aucune manipulation car elle entre dans une privatisation normale ». Calculs Le responsable de l’économie à la mairie de Presevo, Esref Arifi, est également très intéressé par un déroulement rapide de la privatisation. « Tout va trop lentement, ce devrait être plus rapide, car les sociétés nationales ont pratiquement cessé leurs activités à Presevo. La société Kristal ne fonctionne plus depuis cinq ans, de même que Grafofleks, les Fours à chaux Buducnost fonctionnent à 60% de leur capacité, les societés 7.juli et Metal survivent à grand peine, l’Industrie du tabac ne peut faire face au marché... Je pense qu’on devrait effectuer une analyse sérieuse de la situation des sociétés à Presevo car elles sont en mausais état, alors que les étrangers n’achètent que des entreprises rentables. Par ailleurs, du fait du mauvais état de l’Industrie du tabac, on ne cultive quasiment plus le tabac, surtout dans la région de Rajince où le nombre des producteurs est dix fois moindre, de sorte qu’on n’en compte plus que treize actuellement. Le gouvernement de Serbie a promis un déroulement plus rapide de la privatisation. Concrètement c’est Josipovic qui l’a promis, mais seule l’usine Metal est dans la course. C’est pourquoi nous attendons l’aide du gouvernement pour régler au plus tôt la situation, car sans cela il n’y aura pas de développement de la commune de Presevo ». Le maire Arifi n’attache pas une importance particulière à l’influence du facteur politique sur la privatisation des sociétés nationales à Presevo, mais le directeur de l’Usine de transformation du plastique 7.juli, Nikola Stankovic, indique qu’il y a effectivement une influence politique locale sur la situation de l’industrie dans la commune. « La vente aux enchères de 7.juli avait été fixée pour le 28 février dernier et tous les préparatifs ont été effectués en temps voulu. Je ne suis pas satisfait des rapports du Corps de coordination et de l’administration locale vis à vis des problèmes de notre société qui emploie 65 ouvriers gagnant en moyenne 9.000 dinars par mois. Il est vrai que les salaires ont un an de retard. Nous sommes la seule société à Presevo ayant commencé les préparatifs de privatisation, alors que les autres sont envahis de problèmes de propriété non résolus qui sont plus importants que les problèmes politiques ». Néanmoins, il est certain que ces deux corps administratifs auraient pu faire beaucoup plus pour accélérer la privatisation. Interruption Toutefois, la situation économique à Bujanovac est plus favorable qu’à Presevo, mais là aussi on souligne le lent déroulement de la privatisation. Le responsable du Service de l’économie, des finances et de la privatisation, Aca Antic, souligne que les problèmes de chaque société sont très différents les uns des autres. « On attend avec intérêt la privatisation de Heba, la meilleure société à Bujanovac, bien que je sois persuadé que tout se déroulera selon la loi, alors que Vrelo est dans une autre situation ainsi que Leneks qui a mis ses infrastructures en location, explique Aca Antic. Gumoplastika est depuis longtemps en liquidation, il reste la privatisation de Feldspat et Megal. Prolece et Jugokop ont aussi des problèmes. C’est pourquoi nous espérons avoir des résultats positifs de la privatisation qui contribuera grandement à l’assainissement de notre économie ». De l’avis du président du Conseil du Parti démocratique (DS) à Bujanovac, Goran Taskovic, « la privatisation ne se fait pas si lentement, mais elle a commencé avec du retard à cause des désordres survenus dans la région et ce qui compte maintenant c’est que ce processus soit achevé avec succès ». Juliana Tomic, directrice de Prolece, entreprise d’hôtellerie et de production d’accessoires en métal à Bujanovac, souligne qu’ils en sont au tout début avec l’incertitude de 52 employés : »nous travaillons difficilement et nous n’avons toujours pas l’estimation du capital de la société. Nous sommes impatients car nous attendons une amélioration de nos affaires avec la privatisation. « Megal est une société anonyme car la privatisation s’est faite selon l’ancienne loi de 1997 », explique le directeur de l’usine de production des chaudières à vapeur, Dimitrije Dobardzijev. « Nous avons choisi une agence de brokers et nous serons cotés en bourse au plus tard le 3 juin prochain. Les affaires sont assez difficiles, nous avons des produits entreposés car il y a une baisse de la demande en chaudières à cause de l’utilisation des chaudières à gaz. C’est pourquoi nous travaillons sur un programme de consolidation qui devrait licencier 20 à 30 employés. En général la privatisation se fait dans les délais, mais il serait souhaitable qu’elle soit plus rapide ». Finalement, la société la plus rentable de Bujanovac, l’Usine des jus de fruit et d’eau minérale Heba est à la veille d’être privatisée, comme le dit son directeur Perica Jovic : « Nous sommes prêts, nous attendons l’appel d’offres , nous n’avons aucune crainte de privatisation car nous serons en mesure de choisir et non pas d’être achetés à bas prix ». En conclusion, la privatisation dans les communes de Bujanovac et de Presevo se déroule lentement mais elle n’a pas encore dépassé le délai fixé du 21 décembre 2007. Objectivement, les problèmes interethniques au sud de la Serbie ont ralenti les processus économiques et entrainé un retard dans la transformation des entreprises nationales. Mais quand le printemps de la transition tarde, l’hiver de la propriété nationale dure trop longtemps. [1] société de production d’eau minérale de Bujanovac |
![]() La Serbie et Vukovar : un procès historique
Traduit par Persa Aligrudic
Publié dans la presse : 17 décembre 2005
Le Tribunal spécial pour les crimes de guerre de Belgrade a condamné lundi 12 décembre les 16 inculpés du massacre d’Ovcara, à un total de 251 années de prison. En 1991, 192 prisonniers de guerre avaient été massacrés dans ce domaine agricole proche de Vukovar, en Croatie. Ce premier jugement du Tribunal spécial a une valeur historique, même si de nombreuses questions restent encore sans réponse. Par Bojan Toncic Le Conseil du Département spécial pour les crimes de guerre du Tribunal de district de Belgrade, présidé par le juge Vesko Krstajic, a énoncé son verdict pour les seize inculpés ayant commis des crimes sur 192 prisonniers de guerre dans le domaine agricole d’Ovcara près de Vukovar, en les condamnant à un total de 251 années d’emprisonnement. Les crimes perpétrés dans la nuit du 20 au 21 novembre 1991 ont marqué la récente histoire serbe comme un symbole de la première phase d’une campagne guerrière insensée. Le verdict n’est pas définitif, les avocats de la défense ont annoncé qu’ils feraient appel devant la Cour suprême mais, d’après les premières réactions de l’opinion publique, précisément celles des partis et du secteur non gouvernemental, les positions sont restées les mêmes que durant l’obscure année 1991. Mobilisation, recruteurs, fuites au-delà des frontières. Les fleurs jetées devant les chars de l’Armée nationale yougoslave, pas encore démantelée, qui partaient vers Vukovar dans une marche criminelle, laquelle avait le consensus des dirigeants serbes. Telle a été l’opération de Vukovar vue de Serbie, avec le soutien d’une propagande criminelle et instigatrice de guerre dont personne ne portait la responsabilité, alors que certains continuent à se rengorger sur différentes télévisions, ou bien « considèrent et indiquent » à l’Assemblée nationale. L’épilogue judiciaire soulève la question de savoir si la plupart des coupables se trouveront un jour devant la justice et si les citoyens de Serbie percevront leur punition comme étant d’un intérêt vital. Des questions toujours sans réponse Où sont les autres coupables ? Comment les condamnés de ce procès ont-il été si facilement arrêtés, alors que tous leurs commanditaires et complices ne l’ont pas été ? Est-ce que le parquet prépare de nouveaux actes d’accusation sur la base des preuves présentées au cours du procès ? Telles sont les questions qui se posent à la suite de la sentence et dans l’atmosphère qui règne en Serbie. Les anciennes questions aussi, celles des années 1990, restent toujours sans réponse. Les scènes bouleversantes des manifestations des familles des victimes exhibant les photographies de leurs proches évoquaient le fait que des enfants avaient été tués. Combien des nôtres ont-ils été tués, se demandent les extrémistes, dont le nombre s’amoindrit néanmoins. À la fin du procès, les parents des victimes ne semblaient pas mécontents du verdict et de l’attitude de ceux qui représentent la Serbie envers leur perte et leur douleur. L’affaire d’Ovcara est le deuxième procès suivi par les victimes, les familles des tués et des survivants. Dans le procès contre Sasa Cvjetan, condamné à 20 ans de prison pour le meurtre de 14 civils albanais, membres de la formation des Skorpioni, les victimes étaient aussi les témoins. Les observateurs estiment que ces procès ont prêté une attention décente aux victimes et le mérite en revient surtout au Fond pour le droit humanitaire dont les victimes ne doutaient pas de la crédibilité. Cependant, tous ne pensent pas de la même façon et, actuellement, il est encore difficile de mesurer la force du verdict de l’affaire Ovcara. « Mais qui sont donc Natasa Kandic (directrice du Fond pour le droit humanitaire), Sam Nazzaro (conseiller juridique de l’ambassade des États-Unis) et Brankica Stankovic (journaliste de RTV, B92, ndr) ? Qui ose attaquer le saint Bruno Vekaric (porte-parole de la Juridiction pour les crimes de guerre) » a demandé le chef du club des députés du Parti radical serbe (SRS), Aleksandar Vucic, jeudi dernier au Parlement serbe. Lors du débat sur l’élection des juges, les radicaux ont même contesté l’existence du Département spécial du Tribunal de district à Belgrade pour les crimes de guerre et le crime organisé, tandis que leur député, Zoran Krasic, a accusé Natasa Kandic « de défendre uniquement ceux qui ne sont pas Serbes ». Lacunes dans les actes d’accusation « Les jugements dans le procès contre Cvjetan sont aussi un précédent pour Ovcara ; dans le procès pour le crime de Podujevo, les survivants ont témoigné pour la première fois que et le témoin de l’accusation était membre des unités de police dont faisait partie l’accusé. Le point commun est que les actes d’accusation des deux affaires présentaient des lacunes et qu’ils sont la conséquence d’instructions politiques. Dans l’affaire d’Ovcara, le jugement a été précipité par l’humeur politique et la position dominante en Serbie selon laquelle le Tribunal de La Haye a tort d’accuser les officiers de la JNA Sljivancanin, Radic et Mrksic, parce que la justice serbe peut organiser un procès qui montrera que les véritables coupables se trouvent en Serbie », constate Natasa Kandic. « Au cours de l’examen des preuves, le procès a toutefois échappé au contrôle politique », dit-elle en constatant que les preuves exposées indiquent que l’acte d’accusation avait été fait selon des instructions politiques. « C’est grâce aux magistrats que les jugements obtiennent un grand succès. Dans l’affaire de Podujevo, la juge Biljana Sinanovic, en dépit de la forte pression sur le Conseil dont elle était la présidente, a montré que dans de telles situations le juge peut s’en tenir à la loi et aux faits. Dans le cas d’Ovcara, grâce au président du Conseil Vesko Krstajic, le jugement a été fait de façon professionnelle ; il a eu lieu dans des conditions techniques complètement différentes. Il semblait absolument incroyable qu’un tel procès puisse avoir lieu en Serbie », constate Natasa Kandic. « Le département spécial pour les crimes de guerre doit exister et doivent y siéger les magistrats les plus courageux », estime Djordje Kalanj, défenseur des accusés de l’affaire Ovcara, Milan Lancuzanin, Predrag Dragojevic et Predrag Milojevic. Il n’est pas satisfait de la qualité de la procédure relative aux preuves, ni du jugement énoncé contre ses clients et il annonce qu’il déposera une plainte devant la Cour suprême. « Une telle sentence, étant donné le grand nombre de personnes condamnées, a de terribles implications pour les accusés et pour leurs familles. Je n’approuve pas la réaction de Predrag Dragovic (injures à la Cour, ndr), c’est la conséquence de la décision du Tribunal. Que pouvons-nous espérer à la Cour suprême, c’est la question que moi-même et mes collègues de la défense nous nous posons puisque, après toutes les décisions du Tribunal de district et nos plaintes dans les médias, les représentants de l’autre côté remettent en question cette décision. Les membres des ambassades font aussi des commentaires sur les décisions si elles sont cassées et constatent que nos tribunaux ne sont pas capables de juger. Enfin, nous entendons et lisons la polémique entre le juge de la Cour suprême et l’avocat des condamnés. Nous n’avons pas confiance dans un jugement équitable, ni dans les magistrats de la Cour suprême, car ils s’expliquent avec l’avocat des inculpés par le biais des médias », conclut Djordje Kalanj. Le poids du passé Obrad Savic, président du Cercle de Belgrade, souligne que le « Tribunal spécial pour les crimes de guerre a été formé à la suite des pressions de la communauté internationale et il est par la suite devenu une partie de notre juridiction. D’une certaine manière, les jugements rendent l’espoir que l’ordre juridique de Serbie sera plus professionnel et qu’il sera apte à accomplir le travail en conformité avec le droit international ». Je pense qu’un pas en avant a été fait, mais ces sentences ne sont pas le produit d’une pression du niveau accru de la conscience critique civile. Donc il y eut d’abord une pression des hautes sphères, de l’opinion internationale, et cette obligation a ensuite été acceptée par notre pays. La pression exercée sur nous était que nous devions être corrects afin d’être acceptés par la communauté internationale », explique Obrad Savic. Il estime que le Tribunal a envoyé un message à l’opinion publique. « Nous ne pouvons pas deviner quel en sera l’accueil ; il y aura probablement des conflits et certains penseront que le verdict n’est pas juste. Mais une partie l’acceptera car l’opinion publique est divisée en Serbie. On peut néanmoins parler de ce premier pas comme d’un signe prometteur pour que notre société devienne acceptable du point de vue juridique, politique et moral pour surmonter ce passé dramatique. Nous sommes toujours obsédés par le fait que nous nous trouvons dans un champ magnétique du passé », souligne Savic. « Les procès pour les crimes commis à Podujevo et Ovcara ont contribué à apporter des changements dans l’opinion publique envers les criminels. Mais, avant tout, ils ont contribué à modifier les rapports entre les Serbes et les Albanais et les Croates et les Serbes. Rien, aucun geste politique ne peut remplacer le fait que l’affaire d’Ovcara ait été suivie par 18 familles qui ont, à la fin, donné un avis positif en considérant le juge comme le garant pour faire justice. Le plus important pour les familles des victimes est de voir le visage des criminels. Ce qu’elles ne peuvent pas obtenir évidemment, ce sont les dépouilles des corps afin de les enterrer décemment et venir sur leurs tombes. C’est cette partie de la justice qui compte énormément pour les familles, mais le Tribunal ne peut en décider », a conclu Natasa Kandic. |
![]() Traduit par Persa Aligrudic Mise en ligne : mardi 13 décembre 2005 Le gouvernement de Serbie vacille. Le Président Tadic appelle ouvertement à des élections anticipées, et la majorité du Premier ministre Kostunica est de plus en fragile. Dans le contexte des négociations sur le statut du Kosovo, chacun se renvoie l’accusation d’être un « nouveau Vuk Brankovic », prêt à trahir le Kosovo... Par Jasmina Lukac et Jelena Tasic Parmi les idées émises ces dernières semaines par le Président de Serbie, Boris Tadic, l’une concerne l’organisation urgente d’élections législatives extraordinaires en Serbie qui devraient « renforcer la position de Belgrade dans les prochains pourparlers sur le statut futur du Kosovo et Metohija ». Personne, ni le cabinet de Tadic ni celui du Premier ministre Vojislav Kostunica, ne désire faire de commentaires sur la dernière proposition de Tadic et ne souhaite non plus répondre en public à la question de savoir combien cela aurait une influence sur le travail commun des deux cabinets et sur les représentations respectives du Parti démocratique de Serbie (DSS) et du Parti démocratique (DS) dans l’équipe belgradoise des négociations. Parmi les représentants des Serbes kosovars, les avis sont partagés, en général selon l’appartenance partisnes, tandis que certains pensent que « le renversement du gouvernement de Kostunica pourrait ouvrir la question de la légitimité du chef de l’État ». Les observations de certains analystes qui pensent que des élections extraordinaires en Serbie pourraient faciliter la voie vers l’indépendance conditionnelle du Kosovo sont considérées comme « hypothétiques » par la majorité des interlocuteurs, quoique ceux qui sont le plus proches des positions du gouvernement pensent que la proposition de Tadic : « des élections tout de suite », met non seulement en danger la position politique de Belgrade, mais risque aussi « d’abaisser la question numéro 1 de l’État au niveau d’une querelle de partis ». Ils accusent Boris Tadic de vouloir « participer au renversement du gouvernement avec les dirigeants du PSS et du SDP, Bogoljub Karic et Nebojsa Covic ». Outre le droit légitime de tout parti d’opposition, y compris celui du DS, d’être prêt à tout instant à vérifier la volonté du corps électoral, plusieurs explications ont cours parmi les démocrates pour savoir ce que Tadic veut vraiment. Selon les uns, le Président de Serbie s’inquiète de manière préventive de l’avenir des forces démocratiques à long terme en Serbie, tandis que les autres affirment qu’il désire « prendre de court le Premier ministre pour que, au moment des décisions vitales au cours des négociations, celui-ci n’organise pas des élections extraordinaires et ne laisse Tadic gérer seul avec le problème du Kosovo ». Ces interprétations sont rejetées par le DSS comme « une absurdité vu l’équilibre dans la composition de l’équipe de négociations et l’inutilité des pronostics avant le début du processus de négociations ». Ils conseillent aux démocrates de « faire de plus gros efforts pour parvenir à un consensus au sujet de la nouvelle Constitution », en soulignant que le DS « ne veut pas de cette nouvelle Constitution car cela amènerait à organiser des élections à tous les niveaux ». Les Serbes du Kosovo perplexes « Des élections en ce moment seraient contre-productives. Si la communauté internationale considère que les Albanais du Kosovo, si profondément divisés qu’ils ont des structures paramilitaires et des services secrets, sont des partenaires solides pour la Serbie, je ne vois pas pourquoi Belgrade devrait déstabiliser ses propres institutions publiques. Tenant compte du fait que la cote du Parti radical serbe (SRS) s’est renforcée depuis l’arrivée des parti d’opposition (DOS) au pouvoir, je pense que l’initiative duPrésident de Serbie déstabilise les institutions publiques et gêne fondamentalement la position des négociations de Belgrade, car nous avons toujours le problème de détruire l’image stéréotypée qui prévaut au sein de la communauté internationale, où certains milieux sont toujours engagés en faveur d’un Kosovo indépendant afin de battre Slobodan Milosevic, bien qu’il soit à La Haye depuis plusieurs années », déclare Rada Trajkovic, vice-présidente du Conseil national serbe du Kosovo et Metohija. Elle ajoute « qu’il n’y a pas de raison de se hâter avec des élections car, si l’on travaille à une nouvelle Constitution, les élections auront lieu à tous les niveaux dès son adoption ». Marko Jaksic, membre de l’équipe de négociations et président de la Communauté des municipalités et agglomérations serbes du Kosovo et dirigeant local du DSS de Kostunica, pense aussi que des élections mettraient en danger la situation de Belgrade lors des négociations. « Le défunt Premier ministre Zoran Djindjic avait conseillé à l’opposition de l’informer quand elle aurait 126 députés à l’assemblée, le nombre nécessaire pour ouvrir le débat sur la légitimité du gouvernement. Tout le reste n’est que frustrations ainsi que les fausses enquêtes de cote de popularité, ce qui nuit à la Serbie pour son adhésion à l’UE et pour les négociations sur le Kosovo ». Marko Jaksic souligne aussi que l’attitude de Tadic pourrait soulever la question de la cote de popularité du chef de l’État : « Le DSS peut aller dans la même voie du règlement de compte politique, et l’on ne sait pas qui sera le gagnant. Cela créerait de gros problèmes et, en ce moment, la Serbie n’a pas besoin de s’occuper de cela. Il est surprenant que le pPrésident de Serbie veuille renverser le gouvernement avec des hommes d’affaires serbes comme Bogoljub Karic qui, à la différence de son collègue albanais Pacoli qui dépense sa fortune à faire du lobbying dans le monde pour l’indépendance du Kosovo, détruit le gouvernement de Belgrade, ce qui, à vrai dire, mène aussi à l’indépendance de la province, ce dont le chef de l’État devrait tenir compte ». Question d’État ou question de parti ? L’organisation d’élections extraordinaires met en danger la situation au Kosovo et l’unité de l’équipe de négociations, affirme catégoriquement Marko Jaksic : « Renverser le gouvernement est une affaire à méditer, car elle sème l’inquiétude dans la vie des Serbes du Kosovo et cela aura certainement une répercussion sur l’équipe de négociations. Il n’y aura pas d’élections car les démocrates doivent recueillir 126 sièges, et les radicaux ne veulent pas d’élections en ce moment car ils attendent que soient réglés les gros problèmes (La Haye et le Kosovo), pour lesquels ils ne veulent pas prendre de risques ». Son collègue de parti, Dragan Lazic, membre du Comité parlementaire de Serbie-Monténégro pour le Kosovo et Metohija, pense que « Boris Tadic, Président de la Serbie, doit s’élever au dessus de Boris Tadic, président du DS, car il sait que le problème du Kosovo n’est pas un défi, un privilège ou bien encore une obligation de son parti, mais une question étatique et nationale par excellence. Je ne sais pas si en poussant à des élections législatives le président du DS désire régler certains problèmes au sein de son parti, mais ce dont je suis sûr, c’est qu’au moment où tous les efforts du Conseil de Sécurité de l’ONU, de l’UE et du Groupe de contact sont orientés vers un dialogue sérieux pour l’avenir de la région, ces élections nuiraient considérablement au processus de négociation et affaibliraient dès le début la position de notre équipe. Personne n’a le droit en cet instant, pas même le chef de l’État, de bloquer les négociations à cause d’un opportunisme futile à l’intérieur de son parti ». Goran Bogdanovic, député de la Liste serbe du Kosovo et Metohija et cadre du DS, affirme que les élections « ne mettraient pas en danger notre position de négociation, car Belgrade a un objectif clair, pas plus qu’elles n’influeraient sur l’attitude de la communauté internationale ». Nebojsa Covic, dirigeant du Parti social-démocrate (SDP), pense également que d’éventuelles élections législatives ne nuiraient pas à la position de négociations de Belgrade et qu’il s’agit de manipulations. Il estime que si des élections ne sont pas organisées sous peu en Serbie, un référendum sur le Kosovo et Metohija sera organisé à la place au printemps. « Les élections en Serbie sont nécessaires, et ceux qui les relient avec les négociations sur le Kosmet mélangent délibérément les problèmes, comme le faisait Slobodan Milosevic. Des élections auraient une influence positive sur la position des négociation de Belgrade car, avant tout, elles ralentiraient l’ensemble du processus de négociations, mais aussi parce qu’elles entraîneraient sûrement la formation d’un gouvernement qui aurait une pleine légitimité de représenter la Serbie ». Labus et Dinkic, les nouveaux Vuk Brankovic ? Questionné sur ce qui se produirait si, au cours d’éventuelles élections en Serbie, l’indépendance conditionnelle du Kosovo était proclamée, quand il n’y aurait plus personne pour représenter Belgrade, Nebojsa Covic répond : « et pourquoi l’indépendance ne pourrait elle pas être proclamée quand il y a une adresse pour les négociations ? Est-ce que quelqu’un a peur de Kostunica ? Il est le plus grand complice de la création d’un Kosovo indépendant par ses positions floues, pour avoir exclu les Serbes kosovars de l’équipe de négociateurs et par son refus d’assumer sa responsabilité. Kostunica cherche à trouver un Vuk Brankovic [1] et il essaie par diverses manipulations de faire de Tadic un nouveau Vuk Brankovic. Kostunica a dans son gouvernement d’autres Brankovic qui s’impliquent directement dans l’indépendance du Kosovo. Ils s’appellent Labus et Dinkic. Il y a aussi certains milieux internationaux qui ne sont pas favorables à des élections en Serbie, mais je suis absolument sûr qu’ils ne sont pas bien intentionnés. En fait, l’incapable Kostunica et ses collaborateurs leur conviennent. C’est pourquoi les élections en Serbie sont actuellement une réalité, mais il sera déjà trop tard pour les organiser l’année prochaine au printemps, car Kostunica organisera un référendum et il essaiera ainsi de manipuler encore plus les citoyens de Serbie », affirme Nebojsa Covic. [1] personnage de l’histoire serbe considéré comme traître lors de la bataille du Kosovo en 1389, ndlt |
Sud Serbie :
attaque à la bombe et revendications d’une nouvelle guérilla![]() La naissance d’une nouvelle organisation secrète, « Ombre noire », a été annoncé sur Internet vendredi soir. Le groupe menace les autorités serbes, mais aussi les dirigeants albanais du sud de la Serbie. Deux heures plus tard, une bombe était lancée contre un poste de police à Bujanovac. Le communiqué du groupe « Ombre noire », qui affirme agir dans le cadre de l’Armée nationale albanaise (AKSH), a été reçu vendredi 28 octobre 2005 au soir vers 23 heures. Deux heures plus tard, une bombe explosait dans le village de Veliki Trnovac, à côté de Bujanovac. C’est la première fois que l’AKSH se manifeste dans le sud de la Serbie. Les cinq points du communiqué d’Ombre noire soulignent que cette organisation ne reconnaîtra pas les discussions entre Belgrade et Pristina si le sud de la Serbie, appelé « Kosovo oriental » demeurait à l’écart des négociations. Ombre noire somme « pour la première et dernière fois » les dirigeants albanais d’utiliser le terme « Kosovo oriental » au lieu de celui de « Vallée de Presevo », et d’abandonner la défense de leurs intérêts personnels. Le communiqué demande aussi aux dirigeants albanais qu’ils exigent « des forces d’occupation serbes la libération de tous les combattants détenus de l’Armée de libération de Presevo, Bujanovac et Medvedja (UCPMB) », tandis que le texte appelle la communauté internationale à ne pas renouveler les « fautes » qui ont conduit à la guerre au Kosovo de 1997 à 1999, « ainsi qu’à la guerre dans le Kosovo oriental en 2000 et 2001 ». Un avertissement est lancé aux policiers albanais, qui devront répondre devant le peuple s’ils travaillent pour les intérêts de la Serbie. Le texte appelle les autorités serbes à retirer l’armée et la police du sud de la Serbie. À la fin, on appelle le gouvernement serbe à « ôter ses mains du Kosovo, que nous sommes tous prêts à défendre avec notre sang ». Bombe contre la police Le communiqué de la police indique qu’un « attaquant inconnu s’est approché du mur d’une maison jouxtant une base de la police et a lancé d’une distance de trente mètres une grenade qui a explosé à environ deux mètres de la base ». La police ajoute que la grenade a détruit des conteneurs servant à la construction et a endommagé un véhicule de service qui se trouvait à côté des conteneurs. L’enquête est en cours. L’attaquant pour l’instant inconnu a jeté une grenade de fabrication chinoise contre la guérite où se trouvait deux policiers. Il n’y a pas eu de blessés. L’incident s’est produit dans le centre du village de Veliki Trnovac, près du stade de football. Il s’agit du treizième incident de ce type dans le village depuis le retour à la paix dans le sud de la Serbie, en mai 2001. Le chef du Corps de coordination pour le sud de la Serbie, Rasim Ljajic, a déclaré que l’incident à Veliki Trnovac était directement liéà la situation au Kosovo. Il estime que de nouveaux incidents sont possibles, alors que se rapproche le moment de la résolution du statut du Kosovo. Rasim Ljajic estime que cet incident avait pour but d’attirer l’attention sur la situation dans le sud de la Serbie, afin que les problèmes de cette région soient inclus dans le paquet des négociations sur le statut du Kosovo, mais que rien de semblable n’arrivera. « Le problème du Kosovo sera résolu d’une manière particulière, et le problème du sud de la Serbie sera résolu par le processus de démocratisation de la Serbie et de décentralisation, par l’intégration de la communauté albanaise dans la vie politique et les institutions étatiques du pays. Nous devons faire beaucoup plus en ce domaine. Il n’est pas acceptable que, des sept juges du tribunal municipal de Bujanovac, pas un seul ne soit albanais, il n’est pas acceptable qu’il y ait seulement cinq Albanais sur les 30 employés du tribunal. C’est seulement un aspect du long processus politiques dans lequel nous devons nous engager avec efficacité. C’est aussi lié à l’engagement des Albanais locaux dans les services de police ». Manipulation ? Des sources proches de l’ancienne UCPMB estiment qu’il s’agit d’une provocation à la veille d’un vote de confiance sur le mandat du maire de Presevo, Riza Halimi. Ces anciens combattants de la guérilla, ainsi que des représentants des partis opposés à Riza Halimi, désormais majoritaires, pensent que ce communiqué avait pour but que la situation pouvait à nouveau dégénérer dans le sud de la Serbie, si les citoyens s’opposaient à Riza Halimi. Les Serbes locaux pensent de même. Cependant, personne n’exclut la possibilité d’incidents isolés dans le sud de la Serbie, à cause du début des négociations sur le statut final du Kosovo. |
![]() TRADUIT PAR STÉPHANE SURPRENANT
Le gouvernement risque la confrontation avec les salariés en poursuivant son plan de rationalisation et de privatisation de plusieurs grandes sociétés d’État. Ce plan de réforme des entreprises publiques du gouvernement serbe est en train de subir son premier véritable test avec la compagnie aérienne Yugoslav Airlines (JAT). Par Milan Culibrk Alors que l’horaire des vols de JAT est significativement réduit en raison de la grève du personnel qui se poursuit, personne ne peut prédire le sort de cette entreprise aux prises avec des pertes annuelles importantes. En effet, les avions sont cloués au sol depuis trois semaines déjà, car les mécaniciens et les ingénieurs sont en grève et exigent le paiement de leur salaires en retard. Les employés ont déposé leur tablier après que la compagnie eut été incapable de verser une partie des salaires de novembre et de décembre 2004. Le ministre serbe des Finances a refusé de fournir l’argent nécessaire, soutenant que la companie avait épuisé son budget de 2004 pour les salaires à la mi-novembre. Le refus du ministre de rompre avec sa rigueur budgétaire a envoyé un signe de durcissement face aux dépenses exagérées du secteur public. Déterminé à restructurer les sociétés d’État et à les forcer à améliorer leur efficacité par rapport aux coûts d’opérations, le gouvernement a imposé une limite de 7 % sur toute hausse de salaire. Cela signifie une baisse de salaire nette, puisque cette limite de 7 % est inférieure de 2,6 % au taux d’inflation attendu cette année. La plupart des économistes appuient la ligne dure parce que les salaires dans le secteur public demeure deux à trois fois supérieurs au salaire mensuel moyen, soit environ 185 ?. Pendant ce temps, plusieurs entreprises publiques accumulent les pertes. Alors que celles-ci font face à un ensemble de problèmes de restructuration - très nombreux employés, dettes et équipement obsolète - aucun gouvernement depuis la chute de Slobodan Milosevic en 2000 n’avait sérieusement essayé de corriger la situation, craignant une vague de contestation sociale. Incontournables principes de marchéCependant, il est devenu de plus en plus évident qu’aucune réforme en profondeur de l’économie ne sera possible sans appliquer les principes de l’économie de marché aux sociétés d’État. Un obstacle majeur à toute réforme sérieuse est la taille de ces entreprises. Les sociétés d’État serbes emploient seulement 10 % de la force de travail nationale, mais ont généré un cinquième des revenus totaux du pays en 2003 et 27 % des pertes totales de l’économie. D’après une analyse de l’ancien ministre des Finances Bozidar Djelic, les dettes étrangères additionnées des quatre plus grandes entreprises publiques (EPS, compagnie d’électricité ; NIS, compagnie pétrolière ; ZTP, compagnie ferrovière ; JAT, compagnie aérienne) s’élèvaient en 2003 à 2,3 milliards d’euros. De ce montant, 747 millions d’euros sont dûs au Club de Paris et 536 millions d’euros à l’International Financial Corporation. Des institutions financières internationales, de concert avec le FMI avec lequel la Serbie a signé une entente de trois ans en 2002, insistent sur le fait que la restructuration des sociétés d’État constitue une condition à toute coopération future. Le plus récent rapport du FMI publié au début de cette année soutient que la part excessives de ces firmes dans le PIB était l’une des raisons pour lesquelles l’économie du pays peinait à surmonter ses difficultés. Ébranlé par ces appels, le gouvernement serbe a dévoilé ses plans pour transformer huit compagnies cruciales dès cette année : EPS, NIS, ZTP, JAT, Telekom (télécommunications), PTT (postes), l’aéroport de Belgrade, de même que Srbijasume (foresterie). Ces huit entreprises emploient actuellement 135 000 personnes et, du moins selon les plans de restructuration, plus de 18 000 d’entre elles devraient être mises à pied. Bien que le gouvernement rencontre une certaine résistance au sein de la JAT, la première des compagnies réformée, le Ministre serbe des Finances Mladen Dinkic est convaincu que les choses se passeront mieux et plus rapidement avec les sept autres hydres. Dans le cas de JAT, Dinkic affirme que le trop grand nombre d’employés est le principal problème. « 1 500 employés constitueraient un nombre optimal pour une compagnie de cette taille ; elle en a aujourd’hui 3 700 », a-t-dit-il à l’IWPR. Dinkic s’attend à ce que l’opposition la plus féroce aux restructurations à venir vienne des gros - mais inefficaces - appareils administratifs de l’EPS et de NIS. En avril, les chiffres s’élevaient à 8 573 employés dans les huit compagnies qui avaient déjà postulé pour des départs volontaires accompagnés de compensations monétaires. Le plan du gouvernement envisage aussi de réengager 9 800 employés dans les nouvelles entreprises qui seront formées après la séparation des activités principales et périphériques des sociétés d’État. Parmi ces activités périphériques on trouve des hôtels et des restaurants. Par exemple, JAT possède des hôtels à Belgrade, dans la station hivernale de Kapaonik et sur la côte du Monténégro. Ces activités ont peu ou pas de rapport avec celles d’une compagnie aérienne. Le gouvernement compte créer ainsi 9 800 nouveaux emplois en les privatisant. 135 000 licenciements en vue ?Plusieurs économistes croient que le gouvernement sous-estime le nombre d’emplois à supprimer. Ils soutiennent que le tiers des 135 000 employés des sociétés d’État devraient être licenciés - mais le gouvernement n’ose pas admettre de tels chiffres, craignant une paralysie du secteur industriel. Les travailleurs de la raffinerie de Pancevo ont déjà commencé à poser des actes de protestation en avril contre les coupures de postes à NIS. Comme la raffinerie est l’une des deux seules de Serbie, le manque de carburant s’est rapidement fait sentir. En dépit de ces problèmes initiaux, le gouvernement maintient qu’il n’existe aucune alternative au plan de restructuration. Mladjan Dinkic rappelle que le gouvernement entendait privatiser en 2006 toutes les sociétés d’État actuellement en voie de restructuration - et qu’il n’y aurait pas de sursis pour celles qui n’auront pas réussi à s’attirer des offres. « Les entreprises pour lesquelles il n’y aura aucun intérêt manifesté par des acheteurs potentiels seront mises sous la loi de la faillite », a-t-il précisé. Néanmoins, tous les économistes n’appuient pas cette stratégie. Vladana Hamovic, économiste au Institute for Market Research, affirme que le gouvernement a posé des gestes « inconsidérés et maladroits », en particulier en ne tirant pas avantage des expériences similaires menées dans d’autres pays. Vladana Hamovic pense que la stratégie consistant à vendre toutes les sociétés restructurées à des acheteurs étrangers est erronée. Elle cite la Slovénie à titre d’exemple alternatif. Là-bas, le gouvernement a conservé la mainmise sur des secteurs clé de l’économie à travers des partenariats entre les employés et l’État. Les travailleurs possèdent la firme en utilisant des capitaux fournis et détenus par l’État. « La Slovénie a préservé tout ce qui est essentiel à l’économie du pays, pendant que nous nous apprêtons à liquider nos actifs économiques vitaux », explique-t-elle. Aleksandar Vlahovic, ancien ministre et député du Parti démocratique (DS, opposition) à l’Assemblée serbe, a aussi manifesté son scepticisme à l’IWPR devant pareillle stratégie. Aleksandar Vlahovic remarque qu’un gouvernement composé de plusieurs partis politiques hétérogènes serait incapable de mener la difficile restructuration des sociétés d’État comme EPS, NIS et ZTP. « Le gouvernement traîne les pieds depuis le début du processus et l’année 2004 est déjà complètement gaspillée », déplore-t-il. « Il n’a de toute évidence aucun plan de restructuration établi et clair, ce qui explique les erreurs et que les ministres donnent des avis contradictoires. » L’économiste Sasa Djogovic considère pour sa part qu’une autre erreur majeure commise par le gouvernement a été la décision de continuer à désigner les présidents et membres des conseils d’administration des sociétés d’État sur la base de leur affiliation politique. Comme leurs prédécesseurs, les partis de la coalition au pouvoir - le Parti démocratique de Serbie (DSS), le G17 Plus, le Mouvement pour le Renouveau serbe (SPO) et la Nouvelle Serbie (NS) - sont parvenus à une entente qui spécifie quels partis nomment les membres de l’exécutifs de quelles entreprises publiques. Sasa Djogovic constate que choisir la direction des entreprises en fonction de la stricte compétence professionnelle aurait autrement aidé le gouvernement à restructurer les sociétés d’État adéquatement. Mladjan Dinkic pense toutefois que le gouvernement a atteint un consensus sur la restructuration de ces sociétés. « Tous les ministres ont compris que cela doit être fait et nous n’avons pas de problème avec notre stratégie. Nous savons où nous allons », a-t-il déclaré. « Après la privatisation et la restructuration des sociétés d’État, nous pourrons sortir de l’impasse où nous a enfoncé le régime précédent dans les années 90. Je crois que les deux prochaines années seront beaucoup plus faciles que celle-ci. » Plusieurs économistes en doutent. Ils notent que le vrai défi ne sera pas de transformer JAT, qui est relativement petite et éventuellement rentable, mais bien de réformer les autres grandes entreprises publiques. C’est à ce moment seulement que l’on verra si le gouvernement accepte de prendre le risque d’une contestation sociale majeure. Milenko Smiljanic, Président de l’Alliance des Syndicats ouvriers indépendants serbes, l’une des plus grandes centrales syndicales, a prévenu que les travailleurs ne voudront pas supporter à eux seuls le poids de la réforme. Il ajoute que les employés ne ralentissaient pas les réformes : « Il y a beaucoup de gens au gouvernement serbe qui tiennent à ralentir le processus, dont plusieurs qui évoluent dans les sphères des capitaux et des affaires louches ». « Ensuite, ce sont les travailleurs qui sont laissés avec rien et ce sont eux qui ont payé pour tout le processus de réforme durant les 15 dernières années. » |
![]() Serbie : l’ultra-droite ne désarme
pas Publié dans la presse : 7 avril 2005 L’extrême droite a encore frappé : le 22 mars, le centre de Belgrade a été couvert d’affiches avec le logo de B92 au centre d’une étoile de David. L’affiche appelle au boycott de ce média, « à cause de son action antiserbe, de son influence dangereuse sur la jeunesse serbe, de son soutien à l’indépendance du Kosovo, à l’expansion de la toxicomanie, de l’homosexualité et des autres maladies occidentales et de son soutien au nouvel ordre mondial multiracial ». Par Jovana Gligorijevic Cette affiche était signée « Nacionalni stroj » [1], un groupe encore inconnu. Des graffitis au contenu similaire sont également apparus à l’entrée du cimétière juif et devant le cinéma « Rex », situé dans la rue Jevrejska à Belgrade [2]. Dans les heures qui ont suivi la nouvelle de l’apparition des graffitis et des affiches antisémites à Belgrade, les médias ont signalé d’autres graffitis antisémites et nationalistes à Negotin et à Kragujevac, ainsi que l’arrestation d’Ilija Milenkovic, 19 ans, soupçonné de l’attaque d’un groupe des Rroms à Vrsac. Les institutions compétentes ont réagi très vite : le juge du Tribunal correctionnel à Belgrade a condamné le 30 mars Nikola Stamenkovic, 19 ans, Aleksanadar Joksic, 20 ans et Ratko Sakic, 20 ans, à 10 jours de détention pour avoir collé les affiches appelant au boycott de B92. Nenad Lazic, 24 ans, qui a écrit les messages antisémites à l’entrée du cimetière juif a été arrêté le lendemain. Lorsque, en juin 2001, les jeunes hommes à cheveux très courts, battaient à mort tout le monde Place de la République à Belgrade, l’opinion publique a appris pour la première fois l’existence du « Mouvement patriotique Obraz ». Il s’agissait de la première action d’Obraz, qui s’en prenait à la première Gay Pride de Belgrade, la seule organisée jusqu’à aujourd’hui dans la capitale serbe. À l’époque, Obraz n’avait pas été interdit, personne n’a été arrêté, la réaction du pouvoir a été molle, ce qui a permis la formation d’organisations comme celle des étudiants en histoire Saint Justin le Philosophe, du sommet serbe Dveri, du Mouvement populaire serbe Svetozar Miletic, et d’une vingtaine d’autres organisations similaires qui invitent à la discrimination religieuse, nationale et sexuelle. Pourquoi la droite attire-t-elle tellement les jeunes ? Le journaliste Mirko Djordjevic dit que la raison principale de ce phénomène tient à un système de valeurs déformé. « Toute la jeune génération sort d’un système de guerres, elle est déçue par les valeurs politiques. Il existe un ressentiment à cause des quatre guerres perdues par la Serbie, et les jeunes cherchent des repères dans ce système des valeurs déformé. Ils trouvent un appui dans l’idée nationale qu’ils transforment en un absolu », explique-t-il. Le sociologue Vladimir Ilic partage l’opinion de Mirko Djordjevic. Il souligne que la droite attire aussi les jeunes parce que la majorité d’entre eux ne réussit pas à suivre les exigences de la transition et n’a pas de possibilité réelle d’apprendre l’anglais ni d’utiliser l’ordinateur. Le soutien des hommes en noirLes jeunes qui appartiennent à la droite extrême jouissent d’un sotien tacite, sinon ouvert, de certains cercles de l’Académie serbe des sciences et des arts (SANU), de l’Église orthodoxe serbe et de l’Université. Mirko Djordjevic souligne que les programmes de ces organisations s’appuient sur l’Église, mais le soutien que celle-ci peut leur accorder provient de quelques évêques, et pas de l’institution toute entière. « Ces évêques voient dans les associations de droite de la jeunesse des forces qui seront plus libres dans la vie politique, parce que l’Église est censée rester en dehors de la politique, même si nous sommes tous témoins de sa présence exagérée dans ce domaine », précise-t-il. En ce qui concerne le soutien des cercles académiques à la droite, Vladimir Ilic considère que les intellectuels qui soutiennent la droite ne sont pas mieux éduqués que les militants. « Ce sont les leaders intellectuels de l’extrême droite, et si vous regardez les ouvrages qu’ils citent dans leurs articles scientifiques, vous verrez qu’il n’y a absolument pas d’ouvrages en langues étrangères. Ils sont rétrogrades et peu informés par rapport à la droite des autres pays. Ces pauvres gens sont encore au stade de la pensée tribale », dit Vladimir Ilic. L’inexistence de la gaucheMême si la police et la justice ont réagi à la dernière série d’incidents, il faut reconnaître que la maladresse des autorités dans le processus de transition est un des facteurs importants qui ont permis les sauvageries de la droite radicale. Vladimir Ilic cite l’exemple de l’ancienne Allemagne de l’Est, où le nombre des organisations d’extrême droite a augmenté juste avant l’union avec l’Allemagne de l’Ouest. « Il y en avait plus qu’ici, mais ils ont appliqué des procédures qui ont diminué le nombre de ces organisations, et limité leurs activités. Chez nous, ce n’est pas possible parce qu’on ne défend pas la Constitution, et les lois n’ont pas la même valeur pour tous. La solution serait d’appliquer les lois avec un esprit de suite et de combiner des actions de formation avec la répression légale », dit-il. Le fait que la plupart des partis politiques en Serbie sont plutôt orientés vers la droite et que la gauche est presque inexistante représente un problème supplémentaire. Vladimir Ilic l’explique par la durée du pouvoir de Milosevic : « Milosevic a compromis la gauche. Même s’il a été chauvin et isolationniste, il restait un homme de gauche. Cela a compromis la gauche et lui fait perdre toute attirance ». D’autre part, Mirko Djordjevic explique ce phénomène par le nationalisme de Milosevic qui a crée des stéréotypes difficiles à rejetter. Mirko Djordjevic explique les résultats de la gauche dans notre région par le fait que nous vivons dans le temps des syndromes de l’après-guerre, et que nous n’avons pas de prise de position nationale claire envers le passé. Comme en EuropeLa Serbie n’est pas une exception. En comparant la droite serbe avec la droite européenne, nos deux interlocuteurs sont d’accord pour reconnaître que la différence principale consiste dans le fait que ces groupes en Europe sont d’importance marginale, alors qu’ils risquent de se répandre encore dans notre pays. Mirko Djordjevic commente ainsi les activités de l’extrême droite en France : « Lorsqu’ils protestent, et que vous demandez qui ils sont, chacun vous dira que c’est l’extrême droite, mais que les institutions démocratiques françaises sont tellement fortes qu’ils ne peuvent que crier et faire partie du folklore ». Quelle est la perspective des groupes d’extrême droite ? « Les groupes de droite se sont multipliés parce que le temps travaille contre eux », dit Vladimir Ilic. « Ils crient parce qu’ils sont ruinés. On ne peut pas mener la droite radicale au succès dans un petit pays et dans un environnement qui s’oppose à la droite », dit-il en ajoutant qu’il ne s’attend pas à une augmentation de la violence de la droite, dont les leaders les plus capables se laisseront corrompre et passeront à un moment ou à un autre à la caisse « mondialiste ». « Le problème n’est pas dans l’élite de la droite, mais dans les récepteurs, dans l’opinion publique. Il faut craindre pour l’avenir de la foule, parce que l’extrémisme est basée sur une conscience de gauche, ce sont des égalitaristes », note Vladimir Ilic. _____________________ [1] « rang national » [2] c’est-à-dire rue des Juifs
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HAPI / KORAK Les Albanais de la Vallée de Presevo et les discussions sur le statut du Kosovo TRADUIT PAR MANDI GUEGUEN Publié dans la presse : mars 2005 Les Albanais de la Vallée de Presevo veulent avoir leur mor à dire dans les discussions qui vont s’ouvrir sur le statut final du Kosovo, mais cette hypothèse n’est pas retenue par la communauté internationale, attachée au respect des frontières. Les Albanais veulent cependant lier leur sort de minorité nationale en Serbie à celui des Serbes du Kosovo... Par Belgzim Kamberi À la suite des efforts intenses de la diplomatie internationale, le dialogue concernant la question des personnes disparues a repris entre Pristina et Belgrade début mars, comme l’annonçait récemment le chef de la Mission des Nations Unies au Kosovo (MINUK), Soren Jessen-Petersen. Même si le dialogue bilatéral se focalisera en premier sur la question des disparus et d’autres problèmes techniques, il est perçu comme le début de la solution du statut final du Kosovo, administré par les Nations Unies depuis la fin des bombardements de l’OTAN (juin 1999) contre l’ex-Yougoslavie, désormais Serbie-Monténégro. Le président de la Serbie, Boris Tadic, a déclaré lors d’une interview à l’agence Beta, qu’en juin ou juillet prochain, il pourrait y avoir une accélération des pourparlers sur le statut du Kosovo, dont l’indépendance reste pour lui inacceptable. Le Président du Parlement du Kosovo, Nexhat Daci, a rappelé l’importance de l’année 2005 pour la définition de l’indépendance du Kosovo et la garantie de sa stabilité politique. Jusqu’à ce que les deux parties aient exposé leurs avis antinomiques sur l’aboutissement de ce dialogue, pour les représentants politiques de la minorité albanaise de la Vallée du Presevo, au sud de la Serbie, ce dialogue représente l’occasion de réaliser leurs revendications. Orhan Rexhepi, un ex-commandant de la guérilla locale albanaise dissoute, désormais dirigeant du Mouvement du progrès démocratique, explique qu’ il n’est « guère nécessaire d’impliquer la Vallée de Presevo dans le cadre des discussions sur les questions techniques, mais une délégation des Albanais de Presevo doit participer au dialogue sur le statut final du Kosovo ». Les complicationsSelon les hommes politiques locaux albanais, la question de la Vallée de Presevo est fortement reliée à celle du Kosovo, et cela justifie leur participation au débat Pristina - Belgrade. « Beaucoup de problèmes seront discutés entre Pristina et Belgrade, et ils concernent aussi la problématique des Albanais de la Vallée de Presevo, comme la question des études universitaires, la libre circulation des personnes et des marchandises, etc. Il serait, dès lors, plus pratique et pragmatique que la solution des problèmes de la minorité albanaise de la Vallée de Presevo soit résolue à ce moment-là pour ne pas repousser les problèmes », affirme le maire de Presevo, qui dirige aussi le Parti pour l’action démocratique, Riza Halimi. Jusqu’à présent, personne ne juge nécessaire d’inclure la question de la Vallée de Presevo dans le dialogue entre Pristina et Belgrade. Belgrade craint que cette revendication ne renforce l’idée d’une union éventuelle entre ces communes du sud de la Serbie et le Kosovo. Certains cercles albanais locaux désirent cette union. Misa Markovic, vice-président du Corps de Coordination pour le Sud de la Serbie, organe officiel du gouvernement de Belgrade chargé de la région de Presevo, Bujanovac et Medvedja, soutient qu’elle fait partie de la Serbie et que les Albanais peuvent réaliser leurs droits dans le cadre de l’État. Le dialogue prévu étant un dialogue sur le Kosovo, et non un dialogue albano-serbe, la question de la Vallée de Presevo ne doit pas intervenir. La Vallée de Presevo, habitée depuis des siècles par une partie des nations albanaise et serbe, continue à être une région problématique pour les deux communautés. Si les Serbes considèrent cette province comme partie historiquement constituante de la Serbie, les Albanais qui représentent la majorité soutiennent que cette région a appartenu à l’espace territorial du Kosovo jusqu’en 1948, au moment de son union à la Serbie pour des raisons géostratégiques, et en échange de deux communes peuplées majoritairement de Serbes : Leposavic et Zubin Potok, incorporées au Kosovo à cette date. Pendant toute la durée du régime de Milosevic, les Albanais locaux ont subi des discriminations aussi bien politiques que socio-culturelles. Le 1er et le 2 mars 1992, les acteurs politiques albanais locaux ont organisé un Référendum illégal, où la majorité absolue des votants s’est déclaré pour une « Autonomie territoriale et politique et le droit de s’unir au Kosovo ». Au début de l’année 2000, un conflit armé a éclaté dans ces régions entre les membres de la guérilla locale albanaise, l’Armée de Libération de Presevo, Medvedja et Bujanovac (UCPMB), et les forces officielles de sécurité, provoquant une centaine de morts. Il a pris fin après une série de pourparlers entre les représentants albanais locaux et le gouvernement de Belgrade, avec la médiation des représentants internationaux. Après les promesses de Belgrade et les suggestions des internationaux, les Albanais ont accepté le statut de minorité nationale et l’intégration dans le système de la République de la Serbie, sous condition de jouir de leurs droits selon les normes européennes. « La revendication des acteurs politiques albanais de cette région d’impliquer la Vallée de Presevo dans le dialogue Pristina-Belgrade ne signifie pas que nous demandons l’union de ces communes au Kosovo, ou la transformation des frontières serbes ou kosovares », affirme Riza Halimi, qui n’est apparemment pas rejoint dans cette idée par les autres leaders albanais. Ragmi Mustafa, Président du Parlement Communal du Presevo et du Parti démocratique albanais, favorise une solution politique plus régionale : « depuis Rambouillet il a fallu que les pourparlers prennent un caractère albano-serbe, puisque le problème albanais concerne tout l’espace ex-yougoslave. Depuis 1999, il a fallu traiter les problèmes des Albanais au Monténégro, dans la Vallée du Presevo et en Macédoine ». Les refusL’analyste belgradois Dusan Janjic explique que la capitale serbe n’acceptera pas la revendication albanaise du Sud de la Serbie de participer au dialogue entre Pristina et Belgrade, qui ne considère pas le problème des Albanais du Sud de la Serbie comme une question de minorité interne. De même, les structures internationales ne semblent pas prêtes à examiner la revendication de la Vallée de Presevo, sous prétexte qu’elle ne fait pas partie du Kosovo. Rémi Dourlot, porte-parole de la MINUK affirme que la cadre défini pour le dialogue Pristina-Belgrade est constitué de représentants des institutions temporaires de l’auto-administration au Kosovo et de représentants officiels de Belgrade. « La Résolution des Nations Unies couvre le territoire du Kosovo tel que défini en 1974, soit l’espace aujourd’hui administré par la KFOR et la MINUK. De ce fait, le mandat de la MINUK ne concerne que ce territoire », soulignent également les analystes de l’International Crisis Group (ICG), pour expliquer l’attitude de la MINUK. Dusan Janjic affirme que le refus de la MINUK et de la communauté internationale en général tient à la crainte de voir s’ouvrir une « question albanaise » dans le cadre des discussions Pristina-Belgrade. « Dans ce cas, ils seraient contraints de traiter la question de la Bosnie et d’autres problèmes régionaux, et cela ne les intéresse pas d’ouvrir cette question dangereuse », relève-t-il. Les leaders politiques albanais analysent ce refus des internationaux comme une stratégie visant un début efficace du dialogue, pour traiter les problèmes en temps et heure et ne pas compromettre les effets positifs. Le gouvernement du Kosovo ne s’empresse pas de se prononcer sur la question d’une implication possible de la Vallée du Presevo dans le processus de négociations entre Pristina et Belgrade. Une source anonyme du gouvernement, qualifie ces revendications de « nuisibles pour le processus d’indépendance du Kosovo ». Le leader du plus grand parti d’opposition, le Parti démocratique du Kosovo (PDK), et ancien commandant politique de l’Armée de Libération du Kosovo (UCK), Hashim Thaçi, a déclaré récemment, lors d’une visite en Macédoine, que la solution du statut final du Kosovo sera un Kosovo libre et indépendant, et non une Grande Albanie ou un Grand Kosovo. « Il existe la crainte qu’à jouer la carte de la Vallée du Presevo, le Kosovo ne perde des points dès le début du processus, et ne puisse être accusé par la communauté internationale d’idée mégalomanes sur une « union des terres ethniques » ou de vouloir la « Grande Albanie », et ne soit soupçonné de vouloir changer les frontières, », explique l’analyste kosovar, Halil Matoshi, pour éclaircir l’attitude du gouvernement kosovar. Il souligne toutefois que si les Serbes calculent la possibilité de partition du Kosovo, il se peut fort bien que Pristina mette sur la table des négociations la question du statut des Albanais de la Vallée du Presevo. Parallélisme entre les Albanais de Presevo et les Serbes du KosovoOn sait qu’une partie des hommes politiques de Belgrade favorisent publiquement la partition du Kosovo selon des bases ethniques. Les divers sondages récents confirment la position des Serbes en faveur de la partition ethnique du Kosovo : le Nord pour les Serbes et le Sud pour les Albanais. « Si, pendant le dialogue Belgrade-Pristina, on revient sur le principe de la préservation des frontières actuelles, les choses prendront une tournure différente », dit Riza Halimi en faisant allusion au principe des frontières ethniques. L’International Crisis Group souligne que ces plans peuvent avoir des échos en Serbie. « Un bon conseil pour Belgrade serait de ne pas se diriger vers une solution « à l’intérieur » du Kosovo, qui provoquerait des tensions à Belgrade même pour des solutions semblables « à l’intérieur » de la Serbie », affirment les représentants de cette organisation à Pristina. Dans quelques cercles politiques locaux et internationaux, il y a la tentation constante de mettre en parallèle les Albanais de la Vallée de Presevo et les Serbes du Kosovo. « Tout ce qu’elle va gagner au Nord du Kosovo, la Serbie sera contrainte à le rendre aux communes dans la Vallée de Presevo, et peut-être aussi aux six communes hongroises de la Voïvodine. « Les grands facteurs internationaux tendent vers la symétrie. Cela ne peut échapper qu’à celui qui regarde la scène politique et la société d’un œil distrait », affirmait déjà l’ancien ministre des Affaires Etrangères de la Serbie et du Monténégro, actuellement Coordinateur du Pacte de stabilité pour l’Europe du Sud-Est, Goran Svilanovic, dans une interview à l’hebdomadaire Monitor de Podgorica. Les leaders politiques albanais de la Vallée de Presevo affirment aussi que pendant les pourparlers Pristina-Belgrade, la minorité albanaise de la Serbie devra bénéficier au moins du même traitement et du même statut que la minorité serbe du Kosovo. Riza Halimi soutient que « la sphère des droits collectifs est étroitement reliée au statut des Albanais de la Vallée de Presevo et pèse du même poids que le statut et la solution de la question des Serbes du Kosovo. La revendication des Albanais de la Vallée de Presevo de réaliser leurs droits dans le cadre du processus des négociations entre Pristina et Belgrade, au même degré que les Serbes du Kosovo, est réelle et vitale ». Or, les Albanais de la Vallée de Presevo ne sont pas dans la même position politique et juridique que les Serbes du Kosovo. Le fait que la Résolution 1244 considère toujours le Kosovo sous la juridiction de la Serbie et du Monténégro confère une position active aux structures de Belgrade pour s’intéresser et influencer la vie du Kosovo, ce que ne peut faire Pristina pour les Albanais de Presevo, Bujanovac et Medvedja. Selon Ragmi Mustafa, cet argument ne tient pas, car les Serbes du Kosovo constituent une minorité au même titre que les Albanais en Serbie, et les deux minorités doivent jouir des mêmes droits. Les représentants politiques albanais espèrent que les pourparlers Pristina-Belgrade harmoniseront au moins les standards et le statut des minorités. « Bien qu’on ne puisse pas mettre sur le même pied d’égalité la position des Albanais de la Vallée du Presevo et celle des Serbes du Kosovo, nous avons à faire à des processus identiques, même si le Kosovo est sous protectorat international et que nous sommes dans le cadre d’un État reconnu internationalement. Il est absurde de ne pas exiger des standards de Belgrade pour les minorités, de la même manière qu’on l’exige de Pristina », insiste Riza Halimi. Selon Dusan Janjic, l’harmonisation des standards pour les minorités serait un élément positif et productif pour le renforcement de la stabilité régionale. Le standard pour la protection des minorités doit être absolument le même aussi bien en Serbie qu’en Macédoine et au Monténégro, pour éviter de nouveaux conflits éventuels. Selon Dusan Janjic, les négociations Pristina-Belgrade doivent examiner ces questions. Un dialogue productif harmoniserait les standards de protection des minorités et des droits de l’homme à Belgrade, Pristina, Presevo, Tetovo, Skopje, Podgorica. Le Conseil de l’Europe pourrait organiser une table ronde pour un dialogue multilatéral par exemple, affirme Dusan Janic. Pour les représentants de la MINUK comme Rémi Dourlot, un résultat positif des pourparlers serait une source d’inspiration et contribuerait à la définition d’un statut assuré des minorités au Kosovo et celui des autres minorités. La (non) intégration au débatL’issue du dialogue délicat entre Pristina et Belgrade est difficile à prévoir pour le moment. La Vallée de Presevo restera sûrement à l’extérieur des priorités des facteurs décisifs internationaux. Or, les responsabilités politiques des Albanais de la Vallée de Presevo n’ont pas encore perdu l’espoir de leur éventuelle participation dans les négociations. « Si les discussions se concluent par l’indépendance du Kosovo, elles se dirigeront sans doute vers une redéfinition de la frontière entre le Kosovo et la Serbie et, dans ce cas, nous espérons que la question de la Vallée de Presevo viendra sur le devant de la scène. Nous n’insistons pas pour faire partie des négociations à tout prix, mais il faudra absolument trouver un moyen pour faire parler de la Vallée de Presevo, en autorisant Pristina à négocier la question par exemple », conclut Orhan Rexhepi. Les leaders albanais se disent prêts à renoncer à leurs revendications en échange de l’indépendance du Kosovo. « Si Pristina nous demande de rester en Serbie, pour favoriser l’indépendance, nous sommes prêts à l’accepter pour ne pas nuire au Kosovo. Si les Serbes du Kosovo acceptent de se soumettre à la juridiction du Kosovo indépendant, nous sommes prêts à nous sacrifier pour cette politique », relève Ragmi Mustafa. Cependant, l’impression prévaut que la revendication des Albanais de la Vallée de Presevo de participer aux négociations sur le statut du Kosovo, rappelle l’expérience des Musulmans du Sandjak il y a quelques années. Lalgré leur demande de participer aux négociations de Dayton sur la solution de la crise bosniaque, ils furent laissés de côté sous prétexte que seules les frontières administratives devaient être prises en compte. Riza Halimi craint qu’un tel scénario ne se répète pour les Albanais de la Vallée de Presevo lors de la résolution du statut final du Kosovo. |
VRANJSKE NOVINE Serbie-Macédoine : la frontière de tous les dangers TRADUIT PAR PERSA ALIGRUDIC Publié dans la presse : 13 janvier 2005 Comment sortir du risque d’escalade politique, après la mort d’un jeune Albanais sur la frontière entre les deux États ? La communauté albanaise de la Vallée de Presevo se mobilise, et les Serbes locaux prennent peur. L’analyse de l’hebdomadaire régional Vranjske Novine, qui rappelle les faits et l’état de l’enquête. Par Skender Ljatifi Dasnim Hajrulahu, élève de première année à l’école secondaire de Presevo, a été tué le 7 janvier vers 13h30, à proximité du village frontalier de Miratovac près de Presevo. Il revenait de Macédoine où sa mère vit depuis des années. La famille Hajrulahu vit à Orahovica. Dasnim n’avait qu’un an lorsque son père Salih et Ferezda, sa mère, ont divorcé. Depuis, Ferezda vit en Macédoine. « Le 7 janvier vers 19 heures, les gens ont commencé à appeler sans arrêt. A mon retour chez moi, j’apprend par ma femme qu’un jeune garçon a été tué près du village frontalier de Miratovac. J’ai tout de suite pensé à Dasnim car je savais qu’il était en Macédoine. J’ai appelé mon voisin qui est inspecteur à la police de Presevo. Nous sommes partis en voiture au poste de Cakanovac. J ’ai immédiatement reconnu son corps. Les officiers qui étaient là m’ont présenté leurs condoléances mais ils n’ont fait aucun commentaire. Ils m’ont offert un café, ils ont été corrects. Ils ont noté mon numéro de téléphone pour me dire quand ils apporteront le corps après l’autopsie », raconte Ajet, l’oncle de Dasnim, enseignant de langue serbe à l’école d’Orahovica. L’enquêteIl affirme que jusqu’à ce jour, il n’a reçu aucune information officielle concernant le meurtre. « Les officiers m’ont dit que le premier coup de feu avait été tiré en l’air pour avertissement et nous apprenons maintenant que la deuxième balle a d’abord atteint un prunier et ensuite Dasnim. À notre connaissance, une seule cartouche a été trouvée. Nous désirons savoir comment se déroule l’enquête. Ou bien entendre la vérité par la bouche du soldat qui a tiré, s’il a le courage de dire la vérité. Osman Suljemani du village de Miratovac est le seul témoin qui, ce jour là, était à proximité du lieu du meurtre ». « J’étais parti labourer mon champ. J’étais près de terminer mon travail lorsque j’ai entendu un coup de feu, mais j’ai cru que c’était mon tracteur qui s’enrayait. À ce moment, j’ai stoppé mon tracteur mais sans couper le moteur. J’ai terminé de labourer et je m’en retournai vers la maison, tandis que le soldat qui montait la garde est parti en courant en bas du champ. Lorsque je suis arrivé en haut de la butte, j’ai vu un groupe de soldats, ils étaient peut être une quinzaine », explique Osman Sulejmani. Il affirme que l’endroit où se trouvait le groupe de soldats et où reposait le corps de Dasnim était un espace ouvert et qu’il n’y avait aucun arbre. La nouvelle du meurtre de Dasnim a provoqué de violentes réactions. « Si c’est ainsi que se défend l’intégrité nationale d’un pays et qu’un soldat peut tirer quand il veut sur des civils, alors de tels États ne peuvent survivre », a déclaré le maire de Presevo, Riza Halimi. Il a ajouté que le « processus politique dans la Vallée de Presevo a été interrompu l’année dernière avec l’arrivée de Vojislav Kostunica à la tête du gouvernement. Cette région est maintenant devenue une réserve pour meurtres ». RéactionsLa présence massive des citoyens aux funérailles du jeune garçon montre combien la situation est explosive et combien le mécontentement des Albanais est à son comble après la fin des conflits armés dans cette région où l’on compte plus de cent victimes. Il y avait environ 20 000 Albanais qui ont assisté à l’enterrement, et ils étaient encore plus de 10 000 à se rassembler le lendemain pour protester. « La peur est omniprésente chez les Serbes locaux de la commune de Presevo. Ce sont surtout les protestations massives des citoyens de nationalité albanaise qui ont créé cette situation », constate le leader du Mouvement serbe du renouveau à Presevo, Stojadin Ivanovic. Interrogé sur les futures actions que vont entreprendre les partis politiques albanais, Ragmi Mustafa, leader du Parti démocratique des Albanais répond : « Si cela continue, nous créerons des institutions parallèles au pouvoir local. Pour nous, l’État de Serbie n’existera plus ». Ragni Mustafa, le lendemain des funérailles du jeune Albanais, a refusé de s’entretenir à Bujanovac avec le président du Corps de coordination pour le sud de la Serbie, Nebojsa Covic ainsi qu’avec le ministre des Minorités et des communautés ethniques, Rasim Lajic. « La communauté internationale peut maintenant se rendre compte que ni Covic ni Halimi n’ont rien réglé à Presevo, Bujanovac et Medvedja », déclare le leader local du PDP, Orhan Redzepi, ancien commandant de l’armée de libération (UCPBM), qui ajoute que « les dirigeants eux-mêmes poussent les Albanais vers ce qui est leur place depuis toujours : l’union avec le Kosovo ». Lorsque la masse de gens s’est précipitée sur le bâtiment de la mairie de Presevo le samedi 8 janvier, Orhan Redzepi et ses collaborateurs ont calmé la situation. Cela a été remarqué par tous les responsables politiques du sud de la Serbie. Nenad Manic, l’un des leaders modérés des Serbes, du Parti démocratique (DS), reconnaît « qu’il y avait des tensions, cela se sentait, mais que la situation restait sous contrôle. Le règlement du statut final du Kosovo est étroitement lié à la solution des problèmes du sud de la Serbie. On sait que la population albanaise est ici en majorité, et c’est pourquoi ce tragique événement va dans une certaine mesure influencer la radicalisation de la situation et la réalisation des revendications politiques afin d’unir cette région avec le Kosovo », conclut-il. « Est-ce qu’il y aura une escalade de la situation ici ? Cela dépend des autorités de Belgrade », remarque un leader modéré de l’Union démocratique de la Vallée (DUD), Skender Destani, en soulignant que « dans le courant de l’année dernière, le pouvoir à Belgrade a montré qu’il était uniquement capable de déstabiliser cette région ». Finalement, la situation dans le sud de la Serbie dépend des nouvelles relations réciproques des structures étatiques en Serbie avec les « responsables politiques radicaux albanais », qui sont en mesure de contrôler des masses de plus de 20 000 hommes. Dans cette perspective, le délai expire dans 14 jours comme l’ont précisé les leaders des Albanais du sud de la Serbie. |
![]() Sud de la Serbie : la mort
d’un jeune Albanais provoque de nouvelles tensions Publié dans la presse : 9 janvier 2005 La Vallée de Presevo, au sud de la Serbie, connaît de nouvelles tensions : un adolescent albanais a été tué par l’armée, alors qu’il franchissait illégalement la frontière entre la Serbie et la Macédoine. Les partis albanais relancent leur revendication d’une démilitarisation de la région, et tout le monde redoute une nouvelle escalade politique. Le ministre de la défense Prvoslav Davinic a déclaré à Bujanovac que le jeune Dasim Hajrulahu, âgé de 16 ans, avait été tué lors du passage illégal de la frontière et que les organes frontaliers avaient réagi conformément aux règlements du service. Cependant, le cousin du jeune homme tué a dit que ce dernier avait rendu visite à sa mère en traversant la frontière avec la Macédoine, et que ce n’était pas la première fois qu’il passait illégalement la frontière, rapporte la BBC en langue serbe. Les résultats de l’autopsie et de l’étude balistique devaient être connus dimanche, mais Prvoslav Davinic a annoncé la poursuite de l’enquêt,e ainsi que d’éventuelles sanctions en cas d’erreurs dans l’exécution de la tâche. Toutefois, les conseillers municipaux albanais de Presevo doutent de la sincérité des intentions et des déclarations des responsables de l’Armée de Serbie et Monténégro. Au cours d’une séance extraordinaire, la municipalité de Presevo a demandé des réactions de tous les partis politiques albanais d’Albanie, de Macédoine et du Kosovo, ainsi que le lancement d’une offensive diplomatique pour résoudre le problème des Albanais dans la vallée de Presevo. Rasim Ljajic, ministre des Droits de la personne et des minorités de Serbie Monténégro, a annoncé qu’il allait faire une visite à Bujanovac et Presevo demain lundi. Rasim Ljajic a dit qu’on devait empêcher les exploitations politiques de l’assassinat de Dasim Hajrulahu et a ajouté qu’il aurait des entretiens avec les représentants du pouvoir local sur la situation politique au sud de la Serbie après l’homicide du jeune homme près du village de Miratovac. L’État doit réagir de sorte qu’il doit montrer sa volonté d’être présent politiquement et économiquement dans les municipalités de Bujanovac, Presevo et Medvedja, a souligné le ministre. La situation reste calme sur le terrainLe correspondant de B92, Radoman Iric, rapporte que la situation dans la région était restée calme pendant la journée de dimanche. Ragmi Mustafa, maire de Presevo, déclare qu’il ne s’attend à rien de particulier, car les passions se sont en général apaisées et qu’il espère que tout se passera sans incident. Mais, comme le dit le correspondant de B92, personne ne peut encore affirmer qu’il en sera ainsi car les précédents événements ont montré que la situation au sud de la Serbie était incertaine. La séance de la municipalité de Presevo se poursuivra lundi matin, et à 12h les conclusions seront communiquées aux cours d’un meeting qui est déjà convoqué. La séance d’hier, commencée avec une heure de retard, a été interrompue à un certain moment. L’une des raisons de cette interruption est que les trois partis formant le pouvoir local n’ont pu se mettre d’accord, et la seconde raison est que certains protestataires étaient entrés dans le bâtiment de la municipalité pendant que se tenait la séance, et qu’ils se tenaient au nombre d’environ 1500 devant l’entrée. Ragmi Mustafa, du Parti démocratique des Albanais, Orhan Redzepi, du Mouvement pour le progrès démocratique et Skender Destani, de l’Union démocratique, promettent fermement qu’ils se mettront d’accord sur tous les points et que demain la séance ne durera que le temps de lire le document ou la plate-forme qu’ils doivent adopter en commun. Ragmi Mustafa a lancé un appel aux Albanais du sud de la Serbie pour freiner leurs élans. Il a exprimé son espoir de voir les tensions politiques diminuer et il a souligné qu’il allait tout faire pour empêcher l’escalade de la crise. Il a refusé de commenter la demande des partis politiques albanais de démilitariser le sud de la Serbie et de faire venir des forces militaires internationales dans le but d’empêcher d’éventuelles violences. Dusan Janjic : la situation au sud de la Serbie est problématiqueLe directeur du Forum pour les relations interethniques de Belgrade, Dusan Janjic, déclare que le meurtre du jeune Albanais montre que la situation politico-sécuritaire au sud de la Serbie demeure extrêmement incertaine. Il estime qu’on abuse déjà de ce tragique événement qui prend la mesure d’un débat politique et sécuritaire : « C’est une querelle qui ramène aux positions d’avant le plan de paix du gouvernement, à savoir qu’il faudrait complètement démilitariser le sud de la Serbie. À mon avis, c’est une question que les leaders albanais vont bientôt soulever. Il y a donc deux options : supprimer toutes les forces de sécurité, à l’exception de la police multiethnique, ou bien au contraire, comme le demande Nebojsa Covic, renforcer les effectifs militaires. À mon avis, la meilleure solution serait d’appliquer ce que l’armée elle-même a prévu, c’est-à-dire adapter les standards de l’OTAN et retirer les forces militaires des frontières, car cet incident a montré que l’armée était très rigide lorsqu’il s’agit de passer la frontière, puisqu’elle n’a pas suffisamment de moyens pour poursuivre et arrêter les transgresseurs. Le contrôle de la frontière doit être laissé aux soins de la police, de la gendarmerie et, au besoin, des unités anti-terroristes ». La mission de l’OSCE, qui a également réagi à la suite de cet événement, a annoncé qu’elle espérait qu’une enquête détaillée allait être faite sur cette affaire, ainsi que l’a annoncé le ministre de la Défense. Le chef de la mission OSCE en Serbie Monténégro, Maurizio Massari, a appelé toutes les parties « à faire preuve de retenue et de paix dans cette situation et de continuer à contribuer de manière positive au renforcement de la stabilité démocratique et multiethnique dans la région ». Cependant, Dusan Janjic pense que les responsables politiques belgradois ont tout fait pour faire monter les tensions pendant les mois de novembre et décembre, et qu’ils continuent à se comporter sans aucun sérieux devant des affaires très sérieuses : « Je pense que le plus important est de faire au plus tôt un état de ce qui a été fait ainsi qu’un programme et un plan pour la période à venir, car c’est maintenant que nous devons enrayer le problème du sud de la Serbie, en tant que question interne et que question de statut des minorités. Si nous ne le faisons pas, si nous continuons toujours à lier le problème avec le mouvement panalbanais, c’est nous-mêmes qui allons internationaliser le problème et pousser cette partie du territoire hors du contrôle de nos autorités ». Dusan Janjic pense que le problème ne peut se régler qu’avec un engagement politique efficace du gouvernement de Serbie. 20 000 Albanais à l’enterrementLes funérailles du jeune Albanais ont eu lieu dimanche dans le village d’ Oraovica. Environ 20000 Albanais ont assisté à l’enterrement du jeune Dasim Hajrulahu et le cortège, en traversant le centre de Presevo, s’est arrêté quelques instants devant le bâtiment de la municipalité, pour continuer ensuite vers le cimetière. |
![]() Sud de la Serbie : même galère
pour les femmes serbes et albanaises Publié dans la presse : 9 décembre 2004 Un point commun au moins réunit les femmes serbes et albanaises de la vallée de Presevo : les discriminations et le rejet d’une société où les hommes sont dominants. Les femmes serbes ont peut-être un peu plus de liberté pour sortir de la famille, mais l’accès à l’emploi et à la ,formation est également difficile dans les deux communautés. Par Adita Behluli et Ivica Stepanovic Ryve Azizi, une dentiste albanaise de Presevo, affirme que les femmes vivant dans cette zone rurale au sud de la Serbie sont encore considérées comme des citoyens de seconde classe. Cette perception commune d’être des personnes désavantagées est l’un des rares liens entre les Serbes et les Albanais de cette société divisée. « Ici, les femmes n’ont pas le choix ». Née à Peja, ou Pec, au Kosovo, Ryve Azizi estl’une des premières femmes à avoir été diplômée en chirurgie dentaire à l’Université de Pristina. Mais quand elle et son mari ont fait des demandes pour un poste au centre de santé de Presevo, c’est son mari qui a eu le poste. La direction du centre lui a dit qu’elle ne souhaitait pas engager une femme, qui disparaîtrait quand elle serait enceinte et en congé maternité. Ryve Azizi n’a rien voulu entendre et, après avoir discuté avec son mari et la direction du centre de santé, elle les a persuadés de la laisser prendre le poste offert à son mari. « Aujourd’hui, les femmes travaillent dans plusieurs secteurs, comme l’éducation et la santé, mais pas encore assez, et leur voix ne se font pas entendre. Elles sont très rarement impliquées quand il faut prendre des décisions, au travail comme à la maison », explique-t-elle. Mieux loties que leurs consœurs albanaises en matière d’emplois, les femmes serbes de la vallée de Presevo se sentent également désavantagées. « Les jeunes femmes dans les villages n’ont aucun avenir à cause de la mentalité arriérée de notre société », commente Suzana Stojkovic, la directrice serbe de la manufacture de tabac DIV de Presevo et militante du Parti pour une alternative démocratique. « Le mariage est la seule façon de s’en sortir ». Si les femmes serbes et albanaises du sud de la Serbie, depuis des lustres, voient le mariage comme leur seule choix dans la vie, on commence à voir apparaître des signes de changement. Quelques unes s’affirment de plus en plus et demandent à avoir accès à des emplois « pour hommes seulement ». Il y a l’exemple de Ferdane Mehmeti qui en a choqué plus d’un en devenant monitrice d’auto-école. « J’ai été la première femme dans cette profession et j’ai été bien accueillie surtout par les femmes », dit-elle avec fierté. Elle a eu cette idée alors qu’elle travaillait dans la fabrique locale de chaussures. La plupart des employés étaient des femmes qui avaient du mal à rejoindre leur lieu de travail en périphérie de la ville. Elle a appris à conduire et en emmenant ses compagnes au travail, et elle s’est rendu compte que les femmes avaient besoin de leur permis de conduire pour aller, seules, au travail. Havce Hasani, un professeur d’histoire, est aussi une autre femme qui a réussi en refusant de se laisser décourager par le fait que peu de femmes albanaises de Presevo ont fait des études supérieures. « Il y avait peu de femmes allant à l’Université, aussi on ma regardée de travers. Mais j’ai beaucoup travaillé et j’ai prouvé que les femmes aussi pouvaient être diplômées de l’Université". Elle est aussi la première femme albanaise à prendre part activement dans la vie politique locale, après avoir adhéré au Parti pour l’action démocratique. « J’ai toujours pensé qu’un pays ne pouvait pas se développer si les femmes n’étaient pas libres, indépendantes et émancipées. Mais pour que cela arrive, les hommes aussi ont besoin de s’émanciper et d’aider les femmes à s’engager encore plus dans tous les secteurs de la société », ajoute Havce Hasani. Bien que les femmes de Presevo soient plus sûres d’elles-mêmes qu’avant et que les hommes et les femmes s’aperçoivent que les femmes peuvent et doivent faire plus, les problèmes économiques sévères de la région bloquent les progrès. Les femmes de la région n’ont souvent pas les moyens financiers d’une éducation supérieure qui était autrefois gratuite pour tous. Pendant l’ère communiste, les étudiants des deux sexes pouvaient aller à l’Université grâce aux bourses du gouvernement. Aujourd’hui elles sont difficiles à obtenir. Un autre obstacle est le manque chronique d’emplois pour les femmes qui font l’effort d’obtenir des diplômes universitaires. Aferdita Ismaili, mère de deux enfants, affirme que les femmes à Presevo finissent toujours par s’occuper de la maison et des enfants. Elle aimerait sortir de la maison, si seulement il y avait un travail. Un emploi salarié aiderait les finances familiales et en même temps elle serait plus indépendante.« Il y a beaucoup de secteurs où les femmes diplômées peuvent trouver un emploi », affirme-t-elle. Quant à la différence entre les femmes serbes et albanaises, les premières sont sans aucun doute plus ouvertes. Il y a encore trop de barrières psychologiques pour les secondes quand il s’agit de lutter pour leurs droits. C’est du moins l’opinion de Miona Markovic : « les femmes serbes sont légèrement dans une meilleure position, bien que les hommes serbes, ici, soient de vrais hommes balkaniques. Au moins, nous pouvons sortir avec nos amis. Les filles albanaises ne peuvent sortir que si elles sont fiancées et avec leurs fiancés ». |
VECERNJE NOVOSTI Serbie : après les bombardements à l’uranium appauvri, cancers en hausse TRADUIT PAR PERSA ALIGRUDIC Publié dans la presse : 29 novembre 2004 L’uranium appauvri provenant des bombardements des avions de l’OTAN sur les objectifs du sud de la Serbie a t-il commencé à produire des effets catastrophiques sur la santé des habitants ? On note une nette recrudescence des cancers et maladies malignes, même si les effets exacts de l’uranium demeurent sujet de polémiques. Par Misa Ristovic Les institutions officielles, outre la constatation que le nombre de maladies cancérogènes et malignes est en augmentation dans le sud de la Serbie, disent que, pour l’heure, il n’y a pas lieu de paniquer. Mais le docteur Radomir Kovacevic, chef du département pour la protection radiologique de l’Institut de médecine du travail Dr. Dragomir Krajovic, a confirmé que les conséquences se font déjà sentir. « Pour prouver les conséquences directes, il faut d’abord prouver la présence de l’uranium dans le milieu, ce que nous avons fait, puis dans la nourriture ou l’eau, ce que nous avons également constaté, ensuite dans l’organisme humain, où nous ne sommes pas très avancés car les appareils coûtent cher et nous n’avons ni suffisamment de médecins ni des programmes appropriés », souligne le docteur Kovacevic. Le quatrième point est de mesurer concrètement les conséquences. « La plus dangereuse des substances cancérogènes et toxiques » ?Il est intéressant de noter que, très peu de temps après la fin des bombardements, la Commission Européenne a demandé au Centre régional écologique pour l’Europe centrale et orientale à Budapest de faire un rapport sur l’utilisation et les effets de l’uranium appauvri, qui est décrit comme étant supposé « être la plus dangereuse des substances cancérogènes et toxiques ». Comme il est indiqué dans ce rapport, les nombreuses substances libérées peuvent provoquer des avortements et des défauts de l’embryon, alors que d’autres favorisent des maladies mortelles des nerfs et du foie. Il y a deux ans, les Nations Unies ont envoyé une équipe d’experts en Yougoslavie, et après avoir fait le tour des zones contaminées, les responsables du Programme de l’ONU pour l’environnement (UNEP) ont établi un rapport dans lequel sont notées deux « nouveautés » quant à la réaction de l’uranium. L’une est l’étonnante rapidité de corrosion des pénétrateurs qui produisent la poussière et, dans le même temps, la laissent sur la surface de la terre. Comme l’ont constaté les experts de l’UNEP, cela crée un danger indirect, tout d’abord par la pollution des eaux souterraines, tandis que le deuxième danger est que, même après trois ans, les particules d’uranium peuvent se transférer par voie aérienne dans d’autres espaces. « Lors d’examens chez 29 sujets du village de Bratoselca, on a trouvé une concentration d’uranium des centaines de fois plus élevée dans l’organisme que la normale », constate le docteur Radomir Kovacevic. Chez 90% de la population examinée, on note des changements sur le matériau génétique, bien qu’on ne puisse avec sûreté les attribuer aux conséquences de l’uranium. Dès la fin de la guerre en 1999, les experts du ministère de la Défense russe ont estimé que les avions de l’OTAN lors des bombardements en RFY ont jeté au moins 30 tonnes d’uranium appauvri : c’est comme si un « réacteur nucléaire avait éclaté » dans notre pays. Dispersion des particules radioactives dans l’eauD’après les experts militaires russes, il serait possible que l’uranium des munitions de l’OTAN se serait dispersé sur tous les pays balkaniques et qu’il aurait également pénétré jusqu’aux réservoirs d’eau, ce qui porte à croire que l’on boit toujours de l’eau polluée en Serbie. Il a été constaté que les nuages de poussière d’uranium s’élevaient jusqu’à une altitude de 1000 mètres, et l’on peut se demander où s’en sont allés ces nuages... L’uranium appauvri est un déchet des centrales atomiques, inutile, mais radioactif en permanence. Les Américains possèdent plusieurs dizaines de milliards de tonnes de cette matière, avec laquel ils ne savaient que faire mais, après de nombreux tests sur leur propre population, ils ont eu l’idée de fabriquer des bombes avec de l’uranium appauvri. C’est ainsi que les déchets sont devenus une grande affaire. Bientôt, ces armes ont été qualifiées un moyen conventionnel et permis de tuer, alors qu’au début de la dernière décennie, le Sénat américain avait adopté une recommandation permettant que les bombes à l’uranium appauvri puissent commencer à être utilisées dans les « conflits de portée limitée ». L’uranium appauvri devient sans danger après sa décomposition qui se fait au bout de plus de quatre milliards d’années ! « Nous n’osons pas aller jusqu’à l’endroit où l’OTAN a bombardé un pilier de pont », raconte Desanka Mladenovic, âgée de 63 ans, du village de Borovac. « J‘ai surtout peur pour les enfants et ils sont une quinzaine à jouer aux alentours. Mais les enfants ne connaissent pas le danger. Du reste, nous n’avons pas d’autre issue ni d’autre village ». |
AFP - 22 novembre 2004 - 22h25
PROCÈS DES ASSASSINS DE L'EX-PRESIDENT SERBE IVAN STAMBOLIC Les médecins légistes et les experts en balistique ont confirmé lundi les principaux chefs d'accusation qui pèsent sur neuf hommes accusés d'avoir pris part à l'assassinat de l'ex-président serbe Ivan Stambolic il y a quatre ans. Au cours du procès, un médecin légiste, Oliver Stojkovic, a affirmé qu'il y avait "99,99% de chances" pour que l'ADN prélevé sur les restes du cadavre découvert l'an dernier dans une montagne du nord de la Serbie soit celui d'Ivan Stambolic. De son côté, un autre expert, Slobodan Savic, a affirmé que les deux blessures par balles dans la nuque, à l'origine du décès, montrent que la victime "était à genoux lorsqu'on lui a tiré dessus".Quant à l'expert en balistique, Milan Kunjadic, il a affirmé que les coups de feu ont été tirés à bout portant. Ces témoignages des experts sont considérés comme d'une importance cruciale pour l'établissement de la culpabilité des neufs inculpés, des partisans de l'ancien homme fort de la Yougoslavie, Slobodan Milosevic, qui est lui-même accusé dans ce procès. Les tueurs étaient commandés par l'ancien commando et officier de police Milorad Ulemek, un chef de mafieux présumé qui comparait également dans une autre affaire où il est accusé d'avoir préparé l'assassinat, l'an dernier, du Premier ministre réformiste serbe Zoran Djindjic.Slobodan Milosevic lui-même est accusé d'avoir incité au meurtre de Draskovic et à la tentative d'assassinat, la même année, de Vuk Draskovic, alors chef d'un parti de l'opposition et actuel ministre des Affaires étrangères de Serbie-Montenegro. L'examen de cette affaire a été reporté dans l'attente de la fin de son procès en cours devant le TPI (Tribunal pénal international) de La Haye pour crimes contre l'humanité. Ivan Stambolic, qui était considéré comme un adversaire potentiel de Dlobodan Milosevic à la présidentielle de 2000, avait disparu dans la nature en faisant du jogging à Belgrade, un mois avant la consultation électorale.La disparition de cet ancien communiste, très populaire, est restée un mystère jusqu'à la découverte de son cadavre au cours d'une grande rafle contre les milieux du crime organisé à la suite de l'assassinat du Premier ministre Zoran Djindjic en mars dernier. Le cadavre de Stambolic a été découvert en août dernier quatre ans après sa disparition dans un parc de la capitale serbe. Le procès se poursuivra mardi. |
lundi le 1er novembre 2004
Serbie : Nous n’acceptons pas
la cohabitation avec le crime La récente décision du gouvernement serbe de ne pas livrer les généraux inculpés de crimes de guerre au Tribunal de La Haye et la promotion de livres de Radovan Karadzic et de Mirjana Markovic [épouse Milosevic] à la Foire internationale du livre de Belgrade sont les derniers en date d’une série d’exemples qui constituent : 1 une offense à l’égard des victimes des dernières guerres en ex-Yougoslavie, 2 une manipulation de l’opinion public en Serbie, 3 une atteinte à l’image internationale de l’Etat de Serbie-Monténégro. Les activités affichées du Comité de défense des personnes suspectées de crimes de guerre, dont un membre associé de Paris, l’écrivain Milovan Danojlic, a ouvert la 29° Foire internationale du Livre, troublent l’opinion publique intérieure et internationale. Enfreignent-elles les engagements internationaux de l’État de Serbie-Monténégro et sont-elles autorisées par la loi. ? Engagent-elles la politique officielle de cet Etat dans la mesure où un membre de ce Comité a eu l’honneur et le privilège d’inaugurer cette Foire internationale ? Nous demandons au nom de qui il l’a fait. Au nom des victimes ou à celui des individus suspectés de crimes de guerre, qui sont recherchés par la justice internationale ? Rappelons que des livres écrits par Mirjana Markovic et Radovan Karadzic ont fait l’objet de promotions à cette Foire et que l’on prépare des éditions complètes de leurs ?uvres. Cela signifie t’il qu’il n’y a pas eu de crimes de guerre, que l’Etat de Serbie-Monténégro peut, en toute impunité, ne pas appliquer les décisions des Nations Unies et des institutions internationales ? Cela signifie-t-il qu’il n’y a qu’une « vérité », celle édictée par ce fameux Comité et son représentant à Paris ? Qui est responsable et qui endossera la responsabilité de tels dérapages politiques ? S’il est vrai que les guerres ont d’abord été engendrées dans nos têtes et que la coopération avec le TPIY est la question des questions posées à notre société, de même que le problème de la confrontation avec le passé récent conditionne notre entrée dans l’avenir, il est clair que la dernière décision du gouvernement serbe de na pas livrer les généraux est une gifle, non seulement à la communauté internationale, mais aussi et avant tout à cette partie de l’opinion publique nationale, qui exige, depuis le début, que soient assumées les responsabilités en matière de crimes contre l’humanité. (Traduit par l’Association Sarajevo) |
![]() Serbie : plus d’un million de
personnes vivent en-dessous du seuil de pauvreté Publié dans la presse : 11 octobre 2004 En 2003, la grande pauvreté touchait encore plus d’un million de Serbes, mais elle tend à se réduire. La tendance est d’autant plus positive que la part des salaires se renforce dans les revenus des ménages. L’impact des réformes commence donc à se faire sentir. Par Katarina Sekulic Bien que de nombreuses personnes vivent difficilement à l’heure actuelle, on ne peut nier que dans l’ensemble, le niveau de vie des citoyens se soit réellement amélioré. En même temps, le nombre de pauvres a diminué. D’après les dernières données de l’Institut républicain des statistiques en Serbie il y avait en Serbie environ 15% de pauvres, soit un million et cent mille personnes vivant sous le seuil de pauvreté. Alors que l’année précédente, en 2002, le pourcentage était plus élevé, soit 17%, constate Mirosinka Dinkic, directrice du Département pour la politique sociale de l’Institut G 17. Si l’on évoque les années précédentes, où le nombre de pauvres atteignait parfois 70%, il n’est pas difficile de conclure que cette réduction peut être considérée comme une tendance positive. Un grand pas dans la réduction de la pauvreté a été fait les deux premières années suivant les changements démocratiques lorsque, à l’aide de donations, ont été versés les arriérés de divers paiements, ceux de l’aide sociale et aussi le remboursement de l’ancienne épargne en devises. Dans le même temps, on a procédé au redressement de certaines irrégularités, de sorte que les salaires dans les domaines de la juridiction, de l’éducation et de la santé ont été considérablement augmentés. Tout cela a permis d’élever le niveau général des revenus des citoyens et par conséquent la consommation personnelle. Des progrès dans la structure de la consommation des plus pauvresSi l’on analyse les résultats récemment publiés de la consommation des ménages au cours de l’année dernière, on constate de très nets progrès dans la structure même de la consommation. Actuellement en Serbie la part des dépenses pour la nourriture chez ceux que l’on considère comme pauvres est de 55% de leurs revenus totaux, tandis que 15% couvrent les dépenses de loyer, d’eau, d’électricité ou de gaz. 70% environ du budget familial des plus pauvres sont dépensés pour ces deux derniers postes. On peut se rendre compte des améliorations du standard de vie en comparant les données de l’année 2000, lorsque cette catégorie de population dépensait au moins 70% de ses revenus pour la nourriture. À cette époque, les prix de l’électricité et des autres combustibles étaient très élevés, de sorte que 15% des revenus étaient dépensés pour ce poste, soit au total 85 %. Puisque ces dépenses actuellement se montent à 70%, cette différence de 15% n’est pas du tout négligeable car elle laisse aux plus pauvres les moyens pour d’autres acquisitions. Ainsi 1% environ est destiné à l’éducation, 1,5 à 2% aux loisirs, et 2,5% pour les communications téléphoniques. Pour les transports, on dépense de 3,7 à 4,6% des revenus, incluant dans ce poste les frais relatifs aux voitures personnelles des. Pour les vêtements et chaussures, on dépense environ 4% des revenus, alors que pour les besoins de la santé on dépense entre 3,7 et 4,6%. Les riches consommentChez 10 % de la population considérée comme riche, cette répartition des dépenses est évidemment très différente. Pour la nourriture, le logement et le chauffage, bien qu’ils dépensent énormément car ils vivent dans des maisons et ont une nourriture de bonne qualité, ils ne dépensent que la moitié de leurs revenus mensuels. Si les autres dépenses sont conformes aux statistiques, ils dépensent environ 7% pour les vêtements et chaussures, 4% pour les restaurants et hôtels, 5% pour les loisirs et 2% pour l’éducation. Disparition de l’extrême pauvreté« Aujourd’hui nous n’avons plus d’extrême pauvreté, ce qui est d’une grande importance surtout lorsque l’on sait que nous vivions une situation dramatique il n’y a pas si longtemps. Il y avait alors en Serbie environ 2,9 million de pauvres, soit 1,4 million de gens extrêmement pauvres. Nous sommes maintenant arrivés à un point où l’on se penche plus sur la qualité de vie de nos citoyens, pour connaître la structure de satisfaction de leurs besoins. La répartition des dépenses des ménages est plus régulière, de sorte qu’une classe moyenne se forme de nouveau, ce qui est très important pour n’importe quel pays », explique Mirosinka Dinkic. Bien que la pauvreté soit en réducation, il ne faut pas perdre de vue que, chez nous aussi, comme partout dans le monde développé, il faut tenir compte des différences au niveau des salaires. Ainsi, dans tous les pays en transition, le coefficient d’inégalité augmente du fait que la répartition des ménages est ramenée à la normale. C’est ce qui se passe chez nous et c’est une bonne chose. Croissance des salaires réels de 10%Cette année nous avons une croissance des salaires réels de 10%, de sorte que les gains se rapprochent de plus en plus de la productivité, ce qui est indubitablement une tendance positive. De même ont augmenté les pensions et les prestations sociales. Tout cela s’encadre lentement dans le cours réel des activités commerciales, ce qui est en fait un succès de la politique économique. Par ailleurs, le secteur privé est renforcé, car les employeurs ont un comportement rationnel et versent des salaires qui sont bien gagnés. D’ailleurs, la part des salaires, cette année, représentent 50% des revenus totaux des ménages. En moyenne les revenus résultant de locations, d’intérêts et d’épargne en général, représentent environ 7% des revenus des ménages en Serbie. Les revenus de l’agriculture représentent 10% alors que l’argent de l’étranger qui est envoyé aux parents et aux cousins, représentent env. 3,3% des revenus des familles dans la république au cours de cette année. Quelle politique sociale ?Si nous parlons de la pauvreté cette année, Mirosinka Dinkic estime qu’elle se situe au même niveau que l’an passé, mais la répartition des revenus de la population n’a pas non plus grandement changé. Ce qui nous aide notamment c’est le fait que la Serbie a essentiellement un bon programme d’aide sociale qui, par sa conception, est semblable à celui des pays développés. Cependant, nous n’avons pas suffisamment de maisons de retraites, non plus qu’un travail bien organisé sur le terrain. Lorsque s’achèvera la décentralisation de financement de l’aide sociale qui est en train de se faire à partir du trésor de la république, il est certain que beaucoup de choses seront organisées car l’on saura exactement quels sont ceux qui nécessitent une aide sociale. Il ne faut pas non plus se faire l’illusion qu’il n’y aura plus de pauvres, car il y en a même dans les pays développés de l’Union européenne où ils représentaient en moyenne 17 % de la population au milieu des années 1990. Pratiquement, nous avons chez nous un taux identique, voire un peu inférieur, bien entendu par rapport à notre niveau de revenus. En rappelant que le précédent gouvernement avait adopté une stratégie pour réduire la pauvreté en Serbie, notre interlocutrice estime qu’il s’agit d’un bon document de nature évolutive. On part du principe que la pauvreté ira en s’amenuisant par l’emploi et, en général, en développant l’entreprenariat et en fondant de nouvelles sociétés privées. À cet effet, on a obtenu le soutien de certaines organisations internationales qui vont assurer les fonds de financement de certains projets. Il est maintenant vital que de tels projets soient mis en place car ils ont déjà été conçus et fait l’objet de financement budgétaire. On est en ce moment en train de former une équipe qui suivra la réalisation de cette stratégie. « Il va de soi qu’une rapide restructuration des sociétés et la privatisation résoudront graduellement le problème de ceux qui ont actuellement des revenus extrêmement bas ou qui n’en ont pas du tout. Certains perdront leur emploi et devront, à l’aide de programmes sociaux ,se soucier de leur avenir, tandis que ceux qui resteront dans les parties saines des sociétés pourront compter sur des salaires plus élevés à l’avenir. Par conséquent, avec toutes les difficultés que nous traversons, nous voyons néanmoins se profiler la voie vers un standard de vie de meilleure qualité, ce qui est en fait la somme de tout ce qui est entrepris sur le plan des réformes », souligne Mirosinka Dinkic. |
![]() Bruxelles se rend compte que l’Union
de Serbie et Monténégro ne peut pas survivre Publié dans la presse : 17 septembre 2004 L’Union européenne est en train d’accepter peu à peu l’idée que la Serbie et le Monténégro gagneraient à être indépendants. Le vibrant plaidoyer du Président de la République du Monténégro en faveur de deux États, « amis, alliés, mais indépendants »... Par Filip Vujanovic Après plus de deux ans et demi d’existence ou, plutôt, de mauvais fonctionnement d’une Union coûteuse et inefficace, et après nous avoir entendu affirmer de façon permanente que nous nous causerions du tort à vouloir harmoniser notre système douanier et les relations commerciales internationales, l’Europe accepte enfin cette réalité. De façon précise, Bruxelles a finalement accepté que les différences entre les économies serbes et monténégrines sont le résultat objectif de nos structures économiques différentes, de nos ressources ainsi que du rythme différent de nos réformes. Étant données ces différences, il est clair que les deux économies pâtiraient si les deux économies étaient artificiellement, et de force, harmonisées. L’approche nouvelle de la double voie est l’occasion d’accélérer le processus selon lequel chaque république peut négocier séparément un Accord de Stabilisation et d’association avec Bruxelles. Chaque république assumera sa responsabilité quant à la qualité et aux résultats de la négociation, même si le processus se conduit formellement dans le cadre de l’union d’États. Nous voulons tous avancer sur la route de notre avenir commun, c’est-à-dire l’intégration dans l’UE. Et, dans ce processus, la Serbie comme le Monténégro gagneraient le plus à conserver de bonnes relations, dans le cadre d’une union d’États vraiment indépendants. Construction européenne et intégration régionaleLes ministres des Affaires étrangères de l’UE semblent accepter cette réalité ce qui confirme mon point de vue que la transformation d’une union d’États en deux États indépendants représente la meilleure des solutions. Les modèles précédents de relations bilatérales entre la Serbie et le Monténégro, tout d’abord comme États indépendants, puis comme membres de l’État fédéral yougoslave, et maintenant comme une union de deux États, suggèrent que les relations étaient plus honnêtes et plus resserrées quand les deux pays étaient indépendants. Le modèle slovaque et tchèque est un excellent exemple d’un accord amical et à la fois rationnel, qui résulte dans la mise sur pieds de deux pays, indépendants et prospères, là où il n’y avait qu’un seul État. Les deux pays font maintenant partie de l’UE. La dissolution de l’ancienne Union Soviétique est un autre modèle utile. Après la dissolution de l’État commun de la Serbie et du Monténégro, la République Fédérale de Yougoslavie qui, à l’époque de Milosevic, présentait beaucoup de dangers, l’accord de Belgrade était une tentative pour établir de nouvelles relations dans le cadre d’une union de deux États membres. Ce modèle n’avait jamais été envisagé dans le passé, ni en théorie, ni en pratique. L’accord de Belgrade accordait pleine souveraineté à ses membres dans les domaines économiques et juridiques ainsi que sur celui de la sécurité intérieure. L’accord accordait à l’État certains pouvoirs de sécurité extérieure et en diplomatie, incluant un modèle unique de représentation paritaire tournante au niveau de la communauté internationale. Mais, même si l’accord de Belgrade et les nouvelles relations entre les deux États faisaient disparaître de nombreuses faiblesses du premier État commun, comme l’hégémonie de la plus forte entité et le chantage de la plus petite, d’autres problèmes demeuraient, comme le disfonctionnement, l’inefficacité et les coûts élevés de l’institution. Le Monténégro se considère comme l’otage de l’Union d’États, même si l’harmonisation à tout prix, indépendamment de sa raison économique, n’est plus invoquée. Beaucoup d’autres points de contentieux demeurent, y compris l’attitude de la Serbie sur le Tribunal des crimes de guerre de La Haye et ses accusations contre des États de l’OTAN. Voilà pourquoi conserver l’union d’États à tout prix fera encore perdre plus de temps, d’énergie et d’argent, pour aboutir à un niveau de vie plus faible et créer de nouveaux problèmes à la communauté internationale. Le Monténégro veut être maître de son destinNous, au Monténégro, nous voulons seulement être maîtres de notre destin, être pleinement responsables de nous- mêmes, afin de contribuer de la meilleure façon à la stabilité de la région et à l’union de l’Europe. Continuer à avoir de bonnes relations avec la Serbie est une question de bon sens et d’intérêt mutuel. Il faut aussi que ces rapports soient clarifiés. On pourrait facilement maintenir leur rapprochement, tout en consolidant les intérêts mutuels avec des frontières ouvertes, le passage libre des gens, des biens et des capitaux, cela avec des droits égaux réciproques et garantis pour tous. La direction du Monténégro et ses citoyens veulent maintenir la stabilité et le bon voisinage dans les Balkans avec, comme objectif ultime, le développement économique. Voilà pourquoi nous saluons la décision de Maastricht comme une possibilité de débloquer et d’accélérer le Processus de Stabilisation et d’Association, et de sortir du piège où sont enfermés et le Monténégro et la Serbie, ce qui les empêche d’assumer leur pleine responsabilité pour se réformer et se développer. En bref, l’UE a été raisonnable. C’est à nous maintenant - les dirigeants serbes et monténégrines - de lancer les discussions, de calculer le coût de l’union d’États et de déterminer les effets négatifs de son disfonctionnement. Il serait irresponsable de vouloir maintenir une union qui ne rapporte aucun des bénéfices attendus aux États membres, et qui n’est que source de dépenses non justifiées. Deux états indépendants mais alliés : telle est la meilleure solution pour l’avenir. Il est cependant évident que la dissolution de l’union ne peut se faire qu’avec l’accord des États membres, par référendum. C’est aux citoyens qu’appartient la décision finale. Si la Serbie insiste pour maintenir l’union, un référendum aura le dernier mot. Dans ce cas, on perdra du temps alors que chacun aura à supporter les conséquences négatives de l’union des états. Ce qui ne m’empêche pas de penser que des points de vue pragmatiques et des objectifs pragmatiques puissent l’emporter en Serbie et dans sa façon de penser. Quant à la communauté internationale, elle est forcée, par sa tradition démocratique, d’accepter tout accord entre le Monténégro et la Serbie, dans la mesure où il n’y a pas de meilleure façon de résoudre les problèmes que par le consentement mutuel. |
mardi 17 août
2004, 17h20
La Serbie rétablit d'anciens symboles du pouvoir BELGRADE (AP) - Le Parlement de Serbie a décidé mardi de rétablir deux anciens symboles de la monarchie, un blason et un hymne du 19e siècle, une mesure qui anticipe l'éventualité d'une rupture prochaine de l'union entre la République serbe et le Monténégro. Les députés ont voté à l'unanimité pour le retour en grâce de ces symboles, qui représentaient la Serbie avant sa fusion avec le Monténégro en 1918. "Ce sont les vrais symboles de la Serbie", a souligné le président du Parlement, Predrag Markovic. L'ancien blason royal présente une couronne, une croix et un aigle blanc à deux têtes et remonte au moyen âge. L'hymne, intitulé "Boze Pravde" (Dieu de justice), fait référence au "roi serbe". Avant le vote de mardi, des voix se sont interrogées sur l'opportunité de telles références à l'ancienne monarchie serbe. "Elles ne doivent pas être interprétées littéralement", a expliqué M. Markovic. "La couronne était la fondation de l'Etat serbe et c'est ce qui compte", même si le pays est aujourd'hui une république, a-t-il ajouté. Predrag Markovic a évoqué la Hongrie, la Bulgarie, la Russie et la Pologne, pays dont les symboles officiels comportent des insignes royaux bien qu'ils ne soient plus des monarchies. Il estime que la Serbie doit de tout façon changer son blason actuel en raison de la présence de l'étoile à cinq branches symbole du communisme. Les députés du Monténégro ont adopté leur propre hymne et un nouveau drapeau en juillet. Alors que les mouvements séparatistes se développent dans les deux républiques associées, une scission de l'Etat de Serbie-Monténégro semble presque certain à terme. Selon un accord négocié sous l'égide de l'Union européenne, la Serbie et le Monténégro pourraient organiser des référendums sur leur indépendance dès 2006. AP |
Comité des droits de
l'homme : la Serbie-et-Monténégro doit poursuivre ses criminels
Dans le cadre de ses observations finales sur la Serbie-et-Monténégo, le Comité, qui avait commencé ses travaux à Genève le 5 juillet dernier, a estimé que le Pacte international relatif aux droits civils et politiques continuait de s'appliquer au Kosovo et encouragé la Mission des Nations Unies au Kosovo (MINUK) à fournir, sans préjudice du statut juridique du Kosovo, un rapport sur la situation des droits de l'homme au Kosovo depuis juin 1999. En effet, bien que le Kosovo continue actuellement de faire partie de la Serbie-et-Monténégro, conformément à la résolution 1244 du Conseil de sécurité, la protection des droits de l'homme, dans la mesure où la province se trouve placée sous mandat international, incombe à la présence civile internationale, a indiqué le Comité. Il s'est félicité des réformes significatives accomplies au plan législatif et institutionnel à la suite du changement de régime d'octobre 2000 et s'est tout particulièrement réjoui de l'adoption en février 2003 d'une Charte sur les droits de l'homme, des minorités et les libertés civiles. Il a félicité la Serbie-et-Monténégro d'avoir aboli la peine de mort et d'avoir accédé au deuxième Protocole facultatif du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Il a toutefois exprimé sa préoccupation à l'égard de l'impunité persistante dont jouissent les auteurs des violations des droits de l'homme qui ont eu lieu aussi bien avant qu'après octobre 2000. Il souligne que la Serbie-et-Monténégro a l'obligation d'enquêter pleinement sur tous les cas de violations présumées des droits de l'homme au cours des années 1990 et de poursuivre en justice toutes les personnes qui sont suspectées d'avoir été impliquées dans de telles violations. Tout en prenant note du travail effectivement réalisé dans le cadre des exhumations et des autopsies pratiquées sur 700 corps provenant de charniers de Batajnica, le Comité s'est dit préoccupé par l'absence de progrès des enquêtes et des poursuites à l'encontre des responsables de ces crimes. Le manque de coopération répétée de la Serbie-et-Monténégro avec le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie est un autre sujet de préoccupation du Comité qui recommande au pays de changer de politique à cet égard. L'opération Sabre, déclenchée après le meurtre du premier ministre serbe Zoran Djindjic, a généré des allégations de torture sur lesquelles le Comité recommande le lancement d'une enquête. Il se dit par ailleurs préoccupé par les mesures prises au titre de l'état d'urgence dont certaines constituent des dérogations substantielles aux obligations incombant au pays en matière de droits de l'homme en vertu du Pacte ainsi que par les allégations qui continuent de faire état de mauvais traitements infligés par des agents responsables de l'application des lois. Il est recommandé au pays de mettre sur pied, au niveau de la République, des organes civils indépendants ayant autorité pour recevoir toutes les plaintes ayant trait à un usage excessif de la force par la police et d'enquêter à leur sujet, indique le Comité. Notant par ailleurs que la Serbie-et-Monténégro est une voie de transit principale pour le trafic des êtres humains et, de plus en plus, un pays d'origine et de destination, le Comité lui recommande de prendre des mesures pour lutter contre ce trafic, le prévenir et imposer des sanctions à ceux qui exploitent de la sorte les femmes et les enfants. Les droits des personnes déplacées internes en Serbie-et-Monténégro sont une autre source d'inquiétude pour le Comité. Il note que les Roms du Kosovo, déplacés durant le conflit de 1999, constituent un groupe particulièrement vulnérable et déplore qu'une discrimination largement répandue persiste à leur encontre dans tous les domaines de la vie. Le Comité recommande à la Serbie-et-Monténégro de faire en sorte que tous les membres des minorités ethniques, religieuses et linguistiques - que leurs communautés soient ou non reconnues comme des minorités nationales - bénéficient d'une protection effective contre la discrimination et puissent jouir de leur propre culture, pratiquer leur propre religion et utiliser leur propre langue. Il est également recommandé à la Serbie-et-Monténégro d'assurer le strict respect de l'indépendance du pouvoir judiciaire. Le Comité des droits de l'homme a également présenté ses observations finales sur les rapports de la Belgique, de la Namibie et du Liechtenstein, soumis en vertu du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Il a par ailleurs a par ailleurs adopté des observations provisoires, à titre confidentiel, à l'intention du Gouvernement de la République centrafricaine, à la suite de l'examen de la situation dans cet État partie, en présence d'une délégation mais en l'absence de tout rapport, le pays n'ayant pas produit de rapport depuis son adhésion au Pacte en 1986. |
![]() Serbie : la victoire sans appel de Boris Tadic est un pas vers l’Europe
La Serbie a enfin un Président en la personne de Boris Tadic, le candidat démocratique, qui a recueilli 54% des voix lors du second tour de dimanche, contre 45% à son adversaire d’extrême droite, Tomislav Nikolic. Par Jean-Arnault Dérens La Serbie a réussi à éviter le pire. La nette victoire du candidat démocratique Boris Tadic ouvre une ère politique pour le pays, qui se débat depuis plus de deux ans dans une interminable crise politique. Le camp démocratique a réussi à surmonter ses divisions. La semaine dernière, le Premier ministre Vojislav Kostunica avait même appelé à voter en faveur de Boris Tadic, à la suite de fortes pressions internationales. Le candidat démocratique a surtout bénéficié de l’assez bonne participation, qui s’élève finalement à 48,7% des électeurs inscrits, un niveau appréciable pour la Serbie, où les listes électorales souffrent de nombreuses imprécisions. Une étude plus fine révèle que la participation a été particulièrement élevée dans les bureaux de voter traditionnellement acquis au camp démocratique, par exemple dans les régions de Voïvodine où vivent d’importantes minorités nationales. De même, à Belgrade, les jeunes et les catégories sociales les plus aisées et les plus dynamiques ont été sensibles au risque d’un nouvel isolement international de la Serbie. Lors des derniers scrutins, ces électeurs « naturels » du camp démocratique avaient pourtant boudé les urnes. Dès dimanche soir, Tomislav Nikolic a d’ailleurs dénoncé en termes haineux une victoire qui serait celle « des centre villes et des minorités nationales ». Bel homme charismatique, Boris Tadic est l’héritier politique de Zoran Djindjic, le Premier ministre assassiné le 12 mars 2003. Il a mené une campagne moderne et dynamique, axée sur la poursuite des réformes entreprises depuis la chute de Slobodan Milosevic, le 5 octobre 2000. Son dernier meeting, mercredi soir, s’est prolongé en marche dans les rues de Belgrade, pour « une Serbie en Europe ». Dimanche soir, le politologue Vladimir Goati estimait qu’après la victoire de Boris Tadic, la Serbie était en effet « un peu plus proche de l’Europe ». Sa victoire bouleverse la donne au sein du camp démocratique, et pourrait rapidement conduire à de nouvelles élections législatives anticipées. En effet, depuis les élections du 28 décembre dernier, le Parti démocratique (DS) de Boris Tadic a été rejeté dans l’opposition, et l’actuel gouvernement repose sur une improbable coalition entre les nationalistes « modérés » du Parti démocratique de Serbie (DSS), les monarchistes du Mouvement serbe du renouveau (SPO) et les libéraux du G17+. Lors du premier tour, le candidat de la coalition gouvernementale, Dragan Marsicanin, a essuyé un cinglant revers, en arrivant en quatrième position, avec seulement 13% des suffrages exprimés. Selon certaines rumeurs qui courent actuellement à Belgrade, le G17+ pourrait s’entendre avec le Parti démocratique, pour précipiter la convocation de nouvelles élections dès le mois de septembre. L’épilogue de l’interminable feuilleton présidentiel qui occupe la Serbie depuis l’automne 2002 pourrait donc finalement déboucher sur une réorganisation majeure de la scène politique, le DS de Boris Tadic confirmant sa position centrale. L’échec de Tomislav Nikolic sonne provisoirement le glas des espérances de l’extrême droite. Tomislav Nikolic l’avait emporté lors des précédents scrutins présidentiels, invalidés en raison de la trop faible participation électorale. Dimanche soir, une ambiance pesante régnait au siège du Parti radical serbe, toujours officiellement dirigé par Vojislav Seselj depuis sa cellule de La Haye, où il attend son jugement pour crimes de guerre. Même si l’hypothèque de l’extrême droite est levée, la Serbie ne dispose pas encore d’une majorité cohérente, et d’importants dossiers devront rapidement trouver des réponses, qu’il s’agisse de la nouvelle Constitution du pays, du statut du Kosovo ou des relations avec le Monténégro. Ancien ministre de la défense de l’Union de Serbie et Monténégro, Boris Tadic a déjà montré ses talents de négociateurs, notamment dans les relations avec la communauté internationale. Sa victoire est un signe important d’apaisement pour l’ensemble de la région. Elle sonne aussi comme une revanche posthume de Zoran Djindjic. |
![]() Serbie : nouvelles attaques
contre la famille de Zoran Djindjic Publié dans la presse : 21 mai 2004 La soeur du Premier ministre assassiné a été agressée par des inconnus, et la famille recevrait de nombreuses menaces. Qui donc se cache derrière cette ces attaques ? L’ancien ministre des Affaires étrangères Goran Svilanovic évoque des « rumeurs », qui pourraient indiquer la stratégie de défense de Legija, toujours considéré comme le cerveau du crime... Par Sonja Drobac « Si Legija est accusé, nous tuerons toute la famille Djindjic », ont assuré ses deux agresseurs masqués à Gordana Djindjic-Filipovic, soeur de feu Zoran Djindjic. Ils lui ont donné des injections de Diazepame. Gordana a été retrouvée par son mari, dans leur maison de vacances du village de Belosevac, près de Valjevo. Elle a raconté a la police que deux hommes en uniformes sombres l’avaient attendue à la porte de la maison, samedi dernier, vers 18h45. Ils ont exigé d’elle une liste dont elle n’avait jamais entendu parler et le nom d’un ministre, dont elle ne pouvait pas se rappeler durant l’interrogatoire. Le quotidien belgradois Blic a publié immédiatement après l’attaque la déclaration de Mila Djindjic, mère du défunt Premier ministre, qui souligne que sa fille avait été attaquée par « les hommes de celui qui s’est reconnu dans ses propos publiés par l’hebdomadaire Evropa ». Blic cite les paroles de Mila Djindjic : « Cette personne qui s’est reconnue et qui est maintenant dans une situation sans issue est en train de nous attaquer. Comme moi, vous pouvez supposer qu’il s’agit de gens du pouvoir. Gordana qui été attaquée et endormie par les sédatifs, n’en sait rien. Celui qui devrait parler au tribunal est seul à le savoir ». Son avocat a cependant démenti que Madame Djindjic ait tenu ces propos. D’après son avocat, elle aurait dit que « c’était des bêtises avec lesquelles quelqu’un voulait ruiner le Parti démocrate et le souvenir de son fils. Il s’agit d’une provocation poussée à l’extrême qui insulte l’intelligence du peuple serbe. C’est une honte de transformer la mort de mon fils en cirque ». Madame Djindjic n’a pas démenti ses propos publiés par l’hebdomadaire Evropa concernant un ministre de l’époque qui lui aurait dit, durant son mandat ministériel, que Zoran Djindjic avait été tué par les siens « parce qu’ils ne voulaient pas travailler ». La mère du défunt Premier ministre dit encore dans les colonnes d’Evropa que « la remise de Legija est une bonne chose. Peut-être qu’il n’est pas coupable. Il a été facile de l’accuser parce qu’il est bien connu ». L’agression de Gordana Djindjic n’est que la culmination des mauvais traitements contre la famille Djindjic, dont Mila Djindjic se plaint depuis quelque temps. Les menaces par téléphone, les fouilles dans la maison et une injection de stupéfiants pour Gordana... Les nouvelles autorités serbes ont déclaré la semaine dernière que la famille Djindjic obtiendrait une protection adéquate. Quelles mesures la police met-elle en oeuvre ?Après l’attaque de samedi dernier, la police a déclaré que « toutes les mesures nécessaires de protection de la famile Djindjic ont été prises à la demande des avocats de la famille, mais que Gordana Djindjic Filipovic et son époux avaient refusé les mesures de sécurité personnelles, en disant qu’ils ne se sentaient pas menacés ». L’avocat Radivoje Paunovic prévient, au contraire, que la police avait l’obligation de garantir leur sécurité sans égard à leur refus. « La police peut faire une estimation en spécialiste de l’importance de la menace pour la sécurité personnelle et de toute la famille et elle devrait assumer cette responsabilité », estime Radivoje Paunovic. La plupart des personnes qui ont réagi à l’attaque contre Gordana Djindjic Filipovic sont d’accord avec cette estimation. « C’est incroyable, tout cela rappelle la période avant l’action Sabre, avec les menaces et la criminalité sauvage. Le Premier ministre Vojislav Kostunica et le ministre de l’Intérieur Dragan Jocic avaient personnellement déclaré qu’ils protégeraient les Djindjic. Il faut leur demander comment une telle chose a pu arriver », s’indigne Rajko Danilovic, avocat de Ruzica, veuve de Zoran Djindjic. « C’est malhonnête. Je ne trouve pas de paroles pour caractériser ceux qui s’attaquent à des femmes, et surtout à la famille de la personne assassinée. J’exige que les responsables de l’attaque et des menaces soient retrouvés d’urgence, non seulement à cause de la sécurité de la famille Djindjic, mais de tous les citoyens de la Serbie », a dit Boris Tadic, le président du Parti démocrate. Le ministre de l’Intérieur Dragan Jocic se trouve devant un examen important. Si les agresseurs de Gordana Djindjic ne sont pas vite retrouvés et mis en prison, ce sera une tâche sur la renommée du gouvernement serbe, et des justifications du type « il est évident qu’on paie le prix de l’inactivité de la période précédente » ne serviront pas à grand chose. Le cas de Gordana Djindjic deviendra un symbole de l’efficacité du gouvernement Kostunica, qu’il le souhaite ou non. D’autre part, Momcilo Bulatovic, l’avocat de Legija, est étonné de la suite des événements et se demande pourquoi tout cela arrive en ce moment. « Il est symptomatique que toutes ces choses arrivent maintenant, après la remise de Legija. Je ne crois pas que mon client puisse être lié à l’attaque contre la soeur de Zoran Djindjic, ni que sa position actuelle permette d’engager des personnes qui l’auraient fait », affirme maître Bulatovic. Mises en garde de l’avocat de Legija et révélations de Goran Svilanovic« Pendant que Legija était en liberté rien de cela n’arrivait. Il est révélateur que les attaques aient commencé uniquement depuis sa livraison. J’ai peur que quelqu’un ne fasse tout cela pour faire accuser l’autre partie. Cette attaque pourrait répondre à des objectifs différents », affirme l’avocat. Dans ce sens, une autre déclaration du client de Bulatovic trouble les esprits à Belgrade. « Il y a des rumeurs selon lesquels Djindjic se serait mis d’accord avec Legija sur le montage de l’attentat », a déclaré à la télévision croate Goran Svilanovic, le président de l’Alliance civique de Serbie (GSS). L’ancien chef de la diplomatie affirme que Gradimir Nalic, ancien conseiller de Kostunica, raconte que Legija dira au tribunal qu’il s’était mis d’accord avec Djindjic pour tuer son garde de corps, de manière à ce que le Premier ministre puisse ensuite organiser la grande opération « Sabre » et arrêter beaucoup de criminels, mais qu’un service étranger aurait tiré la troisième balle et tué Djindjic, sans que Legija ne soit impliqué. Gradimir Nalic a démenti ces propos, et tous les responsables politiques serbes ont démenti avoir entendu les rumeurs dont parle Goran Svilanovic. Cependant, l’ancien ministre des Affaires étrangères est d’habitude très bien informé. Les bruits qui courent à Belgrade indiquent que cette déclaration est un message aux hommes de Legija que l’on sait ce qui se passe dans leur camp. Il n’est pas impossible que Goran Svilanovic ait informé l’opinion sur la stratégie de la défense de Legija dans l’objectif de la rendre moins efficace. |
![]() Serbie : la régression à l’œuvre Publié dans la presse : 14 mai 2004 Les violences contre les Serbes du Kosovo ont renforcé la flamme nationaliste de Belgrade. Les efforts de démocratisation semblent menacés quand on voit que les organisations non-gouvernementales sont les premières touchées par cette radicalisation politique qui les accuse d’être « ultragauchisantes », déplore Sonja Biserko, du Comité Helsinki - Serbie. Les violences et les expulsions exercées par les Albanais contre les Serbes du Kosovo ont ouvert la voie à de nouvelles manipulations pour homogénéiser la nation. Les victimes serbes ont de nouveau été utilisées dans des buts politiques, cette fois-ci le partage du Kosovo. L’attitude des médias a été identique à ce qu’elle avait été au début des années quatre-vingt dix, l’atmosphère rappelant irrésistiblement celle qui prévalait à la veille de la prise du pouvoir par Milosevic. Les politiciens ont surenchéri dans le patriotisme. On a ainsi pu entendre des déclarations selon lesquelles la crise du Kosovo ne pourrait être résolue qu’ « en répondant aux armes par les armes », que « permettre à l’armée d’entrer au Kosovo pour y protéger les vies de nos citoyens et protéger nos sanctuaires était un droit légitime » et qu’il fallait « tous nous rassembler autour de la nation ». L’armée de Serbie-Monténégro a également réagi avec vigueur, le niveau d’alerte ayant pratiquement été élevé à son plus haut niveau et les milices des tchetniks serbes étant prêtes à partir au Kosovo. Les incidents qui ont éclaté dans l’ensemble de la Serbie suite « à l’agression contre les Serbes », ont été plutôt l’expression de la politique intérieure suivie par le nouveau gouvernement qu’une réponse aux Albanais. Le fait de brûler des mosquées à Nis et à Belgrade, de mettre le feu au nouveau drapeau de la Voïvodine et au Centre islamiste de Novi Sad, la destruction d’une plaquette dédiée à Zoran Djindjic et les dégâts infligés à l’Ambassade de Croatie, suivis plus tard d’une série de violences à l’encontre de la minorité croate en Voïvodine, ont brusquement mis en lumière la véritable politique des nouveaux pouvoirs envers les minorités, les voisins les plus proches, les réformes. Deux nuits durant, au Sandjak, les Bosniaques ont veillé sur leurs mosquées et leurs maisons de crainte de voir se répéter les mêmes scènes qu’à Nis et à Belgrade. Les agressions contre les Croates sont nombreuses et l’ont pourrait dire que c’est la tendance du moment. Le nouveau gouvernement a profité de ce qui vient de se passer au Kosovo pour rétablir l’ordre « en révisant le système juridique ». Il a pratiquement aboli, ou du moins bloqué, toutes les réformes déjà entamées par le gouvernement antérieur ou celles qui étaient en préparation. Le nouveau ministre de la justice a laissé entendre que les tribunaux d’exception chargés de juger le crime organisé et les crimes de guerre seraient supprimés. L’Assemblée a adopté en hâte une loi sur les droits des accusés emprisonnés à La Haye et de leurs familles, Milosevic y compris, ce qui remue l’opinion publique en Serbie. Les cours martiales, supprimées de fait par l’Accord de Belgrade (entre la Serbie et le Monténégro) et de la Charte constitutionnelle, fonctionnent à nouveau. L’installation du nouveau gouvernement a très vite entraîné la « liquidation » de tous ceux qui était liés à Zoran Djindjic. C’est ainsi qu’en trois semaines seulement, le concept politique de Milosevic a été entièrement réhabilité et ses partisans occupent à nouveau tous les postes-clé. Ces messieurs se pavanent sans cesse sur les écrans de la télévision, critiquant et dénigrant de manière agressive et honteuse tout ce qu’avait réalisé le gouvernement de Djindjic au cours de ses trois années au pouvoir. Les limites du nouveau gouvernement sont plus qu’évidentes, vu les idées rétrogrades sur lesquelles sa politique est basée. L’exploitation de la crise du Kosovo pour « rassembler les Serbes » et la répression des voix discordantes se font aux dépens de diverses organisations humanitaires (Fonds pour le droit humanitaire, Comité des juristes pour les droits de l’homme et Comité d’Helsinki), qui se battent depuis plus d’une décennie contre le modèle politique et culturel nationaliste. Elles se voient taxées « d’indifférence envers les souffrances du peuple serbe », mais accusées aussi « de présenter au monde une image négative de la Serbie », la thèse de base étant qu’elles sont « ultragauchisantes » et que leur propre radicalisme encourage le radicalisme de droite, c’est-à-dire le Parti radical serbe. Les organisations non gouvernementales en question se sont vues également reprocher d’avoir donné à l’Ouest une fausse image du nouveau gouvernement, présenté comme étant traditionnellement conservateur par rapport aux sociétés démocratiques européennes. Le plus consternant dans ce nouveau gouvernement, est néanmoins son programme économique. Déjà au cours de la campagne électorale , il était devenu évident que l’on se dirigeait vers un repli sur soi de la Serbie à travers une politique de « patriotisme économique » basée « sur notre état d’arriération ». L’arrivée au pouvoir de sympathisants des tchetniks, de Ljotic et de ses semblables, des représentants des milieux ecclésiastiques les plus conservateurs, suivie de la constante consolidation du front des partisans de Seselj et du SPS, a mis fin à tous les efforts de modernisation menés en Serbie au cours du 20ème siècle. L’indignation provoquée par la crise au Kosovo, exploitée par les médias, prouve à quel point ce climat émotionnel prédomine en Serbie, particulièrement parmi les jeunes générations. Avec l’assassinat de Zoran Djindjic, la Serbie a perdu le seul de ses hommes politiques capable d’opérer des changements. Ses collaborateurs n’ont pas été en mesure de s’affirmer politiquement et de l’emporter aux dernières élections. Vojislav Kostunica, en raison de son incapacité à s’intégrer aux courants contemporains, mettra sans doute lui-même le point final au processus de désintégration de la Yougoslavie, et sans doute de la Serbie elle-même. |
HAPI / KORAK La vallée de Presevo, toujours ballotée entre la Serbie et le Kosovo TRADUIT PAR MANDI GUEGUEN Publié dans la presse : 6 mai 2004 Les Albanais de Presevo, Bujanovac et Medvedja naviguent toujours entre une intégration non désirée en Serbie et leurs aspirations rejetées d’union avec le Kosovo. La méfiance demeure la règle, et le sort de la région est lié à celui de la minorité serbe au Kosovo. Hormis la perspective d’intégration européenne, aucune alternative ne se dégage. Aux échecs, on parlerait de pat. Par Belgzim Kamberi Le fait que Serbes et Albanais utilisent des noms différents pour la région de Presevo, Bujanovac et Medvedja, illustre le mieux les altercations qui règnent entre eux dans cette région. Lorsqu’ils se réfèrent à ces contrées, les Albanais parlent du : « Kosovo de l’Est », et de la « Vallée de Presevo », alors que les Serbes parlent du « Sud de la Serbie » voire, ces derniers temps, du « Sud de la Serbie Centrale »... Indépendamment des arguments géopolitiques et historiques extrêmement contradictoires et des tensions interethniques fréquentes, qui ont provoqué des confrontations armées entre les deux parties, cette confrontation d’appellations symbolise parfaitement le long contentieux administrativo-politique, qui hypothèque toujours l’avenir de cette terre, où une partie de la nation albanaise et de la nation serbe vivent depuis des siècles. Dans la majeure partie des références culturelles et scientifiques albanaises, particulièrement dans l’historiographie, la région de Presevo, Bujanovac et Medvedja, qui se situe dans les prolongations territoriales d’autres espaces habitées par des Albanais, est considérée comme un membre coupé du « tronc ethnique albanais ». Alors que pour l’opinion serbe, ces contrées appartiennent au Sud de la Serbie, où ils se trouvent aujourd’hui encore. Le référendum de 1992Les 1er et 2 mars 1992, les Albanais de ces communes ont organisé un référendum où la majorité absolue des électeurs s’étaient déclarés « pour l’autonomie territoriale et politique et le droit de s’unir au Kosovo ». Ce référendum, non reconnu ni par Belgrade, ni par la communauté internationale, a servi, entre autres, à légitimer l’action politique albanaise vers « la réalisation du verdict et de la volonté du peuple pour l’union avec le Kosovo ». Pour la Serbie officielle, ce référendum se place « dans le sillage des tendances séparatistes albanaises ». Le sommet de la confrontation entre Serbes et Albanais a été atteint sans doute avec le conflit armé qui a éclaté au début de l’année 2000, entre les membres de la guérilla locale albanaise de l’Armée pour la Libération de Presevo, de Megjeva et de Bujanoc (UCPMB), et les forces de l’ordre serbes. Suite à une série de négociations entre la délégation locale albanaise et celle du gouvernement serbe, avec la médiation des acteurs internationaux, le conflit armé, qui durait depuis plus d’un an, prit fin avec la Déclaration de la Démilitarisation, qui entraîna le désarmement, la démobilisation et la dissolution de cette Armée, en un temps record, le 31 mai 2001. Ce document a été soutenu sans réserves par toutes les institutions internationales appropriées, surtout celles occidentales et a ouvert le processus du post-conflit, soit l’intégration des Albanais dans le système de la République de la Serbie. Pour les fonctionnaires de la Serbie cette nouvelle réalité, est arrivé à force d’avoir ignoré la question politique de cette région, puisque selon eux, les Albanais avaient accepté volontairement l’intégration dans le système, d’autant plus que ce processus avait eu la bénédiction des représentants politiques et militaires de la population locale albanaise. En résumé, les Albanais de Presevo, Bujanovac et Medvedja, qui considèrent Pristina comme leur centre spirituel, national et culturel, sont sous la tutelle administrative de Belgrade, et même leur référendum pour l’union avec le Kosovo et la rébellion armée dirigée par l’UCPMB n’y ont rien changé. Difficile intégrationEn tout état de cause, les Albanais ont accepté l’intégration dans le système au nom de l’espoir d’un repositionnement politico-administratif plus favorable et d’une perspective de développement économique. Or, pour les Albanais locaux, l’intégration dans la Serbie ne représente pas ce qu’ils désirent le plus, encore moins lorsqu’on pense aux réformes bloquées dans les institutions du système. « Même si près de 30 % de la population de la Serbie n’est pas serbe, le Parlement et le gouvernement républicain sont monoethniques », affirme Skender Destani, de l’Union Démocratique de la Vallée. Naturellement, la relation actuelle entre le Kosovo et la Serbie joue un rôle particulier anti-intégration, pour les Albanais de la région de Presevo, Bujanovac et Medvedja, avec les dernières tentatives de la Serbie de reprendre son pouvoir au Kosovo au nom de la protection de la minorité serbe qui y vit. Quoiqu’il en soit, après tout ce qui s’est passé, de larges cercles de décideurs se demandent quel sera l’avenir de cette région. La question posée par les milieux diplomatiques est de savoir si les Albanais désirent vraiment s’intégrer à la Serbie. Ont-ils renoncé à leurs aspirations de s’unir au Kosovo ? Dans quelle mesure l’État Serbe est-il intéressé et dispisé à accepter la minorité albanaise ? La Serbie a-t-elle réformé son système conformément aux standards européens sur les droits des minorités ? Est-ce que les mentalités sociales ont changé en Serbie, au niveau du renforcement de la législation et du bien-être des minorités pour vivre dans le système de plein gré ? Le concept de société multiethnique peut-il fonctionner dans la région de Presevo, Bujanovac et Medvedja, quand il connaît de multiples difficultés et est mis en question dans d’autres territoires de l’ex-Yougoslavie ? D’un autre côté, un projet majeur de l’Union européenne, a été initié dans la région qui, à travers un processus de stabilisation et d’association et l’application de critères européens, englobera toute la région des Balkans Occidentaux. Ce processus comportera des développements indispensables, qui raniment des espoirs chez les minorités nationales : la décentralisation des pouvoirs centraux et la relativisation des frontières. Or, les standards européens auront certainement des implications particulières, tant pour les minorités que pour les populations majoritaires. Dans ce contexte, sans doute le plus difficile défi pour l’État sera-t-il représenté par la défiance de la minorité envers le système, provoqué principalement à cause de la politique de discrimination de l’État envers celle-ci. Alors que l’État devra compter avec le respect des droits des minorités selon les standards européens. Cela représente autant de antagonismes enchevêtrés et de discordances essentielles. Les Albanais de Presevo, Bujanovac et Medvedja font face à un phénomène connu de bien d’autres minorités dans les territoires ex-yougoslaves. Comme les minorités serbes et croates qui vivent en dehors de leur État, les Albanais de ces régions considèrent qu’à cause du principe international, qui exclut toute modification des frontières héritées de la Yougoslavie de 1974, ils sont contraints d’intégrer le système contre leur gré. « Nous vivons en Serbie contre notre volonté »« Nous vivons en Serbie contre notre volonté. Les Albanais locaux ont exprimé leur volonté d’union avec le Kosovo et nous n’abandonnerons jamais cette aspiration », souligne Jonuz Musliu, chef du Mouvement pour le Progrès Démocratique et ancien leader politique de la guérilla albanaise dissoute. Or, leurs aspirations politiques ne peuvent se réaliser sans un soutien international. « Chaque Albanais dans la rue vous dira que cette région doit s’unir avec le Kosovo. Or il faut être réaliste, comme les Serbes, les Albanais n’ont pas les moyens de se réunir en un État commun sans l’aide de la communauté internationale », souligne Shaip Kamberi, un des dirigeants du Parti d’action démocratique. L’élite politique albanaise affirme que les développements régionaux gênent le soutien de leurs revendications par les internationaux. « Pour le moment, la communauté internationale ne soutient pas le détachement de la Vallée de Presevo de la Serbie afin d’éviter de nouveaux remous éventuels dans d’autres pays de la région ", estime Ragmi Mustafa, chef du Parti démocratique albanais. " Malgré le souhait de se détacher de la Serbie, les dirigeants politiques albanais affirment communément qu’ils respectent la souveraineté de l’État et que, pour le moment, ils s’engagent vers une autonomie territoriale », affirme le leader de l’Union démocratique de la Vallée, Skender Destani. Le spectre politique des Albanais du Presevo, Bujanovac et Medvedja nie avoir refusé l’intégration dans le système pour alimenter le séparatisme. L’intégration des Albanais dans les pouvoirs locaux et le fait qu’ils ne vont pas plus haut témoigne de leur « compréhension » pour l’intégration. De l’autre côté, depuis la fin du conflit armé, les Albanais n’ont pas accepté de participer aux élections nationales, ni républicaines, ni présidentielles. Pour les Serbes, il s’agit d’" un témoignage du fait que les Albanais rejettent la Serbie comme leur État, et ne s’engagent que dans les instances locales, où ils peuvent exercer leur pouvoir ". Les cercles politiques locaux albanais nient le fait que leur communauté n’accepte pas de participer à des niveaux plus hauts pour des raisons de déloyauté. « C’est l’absence de volonté de l’État, qui suscite la méfiance des Albanais à l’égard de l’intégration », affirme Shaip Kamberi. Or, malgré les approches stéréotypées sur une cohabitation heureuse, les communes de Presevo, Bujanovac et Medvedja restent ethniquement séparées. Malgré les succès rapportés par la propagande sur la police multiethnique et les pouvoirs locaux multiethniques, cette région ne fait pas exception sur le fait que là où Serbes et Albanais se rencontrent, les conflits ne sont jamais loin. Bien sûr, Serbes et Albanais continuent à vivre les uns à côté des autres même dans ce contexte, et seules les conjonctures du moment les empêchent d’officialiser quelques événements factuels. « Il vaut mieux se séparer une fois pour toutes. Si cela continue, ils nous prendront toutes les institutions », affirme un Serbe de Bujanovac. Les Serbes locaux ont exprimé à plusieurs reprises leur inquiétude sur l’intégration des Albanais dans les institutions administratives et celles de la sécurité serbes. Presevo - Kosovo : dangereux parallélismeSelon le rythme des événements actuels, les Albanais rejoindront le système de la Serbie. Aucun leader politique des Albanais locaux ne nie cela. « L’intégration dans les institutions serbes est une nécessité actuelle », explique Ragmi Mustafa. D’un autre côté, à part le fait que le rattachement au Kosovo reste l’aspiration des Albanais de Presevo, de Medvedja et de Bujanovac, la région représente aussi un modèle de référence pour le statut de la minorité serbe du Kosovo. « Si les Serbes s’intègrent dans la société kosovare, il n’y a aucune raison pour que nous ne nous intégrions pas dans la Serbie. Il ne peut y avoir de standards différents pour chacun. Chaque changement de stratégie de la communauté internationale doit se fonder sur les mêmes principes pour les minorités internationales, ainsi l’intégration des Albanais dans la Serbie, doit se faire en parallèle avec celle des Serbes au Kosovo », dit Skender Destani en ajoutant que si l’affaire en arrive à la redéfinition des frontières dans la région, il faudra alors envisager l’union de ces contrées avec le Kosovo. Tout comme les Serbes du Kosovo, les Albanais de Presevo, Bujanovac et Medvedja, ont fait de la décentralisation une des priorités du moment. « Si le processus de décentralisation est réalisé sur cet espace, les particularités de la région seront alors respectées et d’autres possibilités apparaîtront pour créer des moyens de prise de décisions, de manière que les Albanais puissent décider d’eux-mêmes des questions qui les concernent. La Serbie soutient les aspirations des Serbes du Kosovo de se réunir à elle, mais un tel projet ne jouit pas du soutien de Tirana ni de Pristina », poursuit Skender Destani. Alors, malgré le discours général, les Albanais sont sans doute en train de s’intégrer dans la Serbie contre leur volonté. Même si leur intégration dans le système n’est pas soutenue par la majorité écrasante de la société serbe, pour le moment aucune partie n’a d’autre choix que de se soumettre au destin décidé par les plus puissants, les internationaux. Ainsi, les Albanais de Presevo, Bujanovac et Medvedja naviguent-ils entre une intégration non désirée dans la Serbie et l’aspiration refusée par « les autres » d’union avec le Kosovo. Dans ce contexte, comme beaucoup d’autres minorités mécontentes de l’ex-Yougoslavie, aucune autre alternative ne se présente, pour le moment, sinon le projet européen. |
![]() Relations Serbie / TPI : réhabilitation
du régime de Milosevic Publié dans la presse : 9 avril 2004 La Serbie vient d’adopter une loi qui prévoit la prise en charge de la défense des inculpés du TPI par le budget de l’État. Cette loi est un gage donné au Parti socialiste (SPS). Aux yeux de beaucoup de défenseurs des droits de la personne et de militants démocratiques de Serbie, elle traduit une véritable réhabilitation du régime de Milosevic. L’adoption de la Loi sur les droits des inculpés par le Tribunal de La Haye et leurs familles constitue une forme de restauration du régime de Slobodan Milosevic. Cette loi est fondamentalement erronée et illustre la mauvaise volonté du nouveau pouvoir à accepter les régles de l’Union européenne, tels étaient les points de vue convergents des participants au débat organisé par le Centre pour la décontamination culturelle de Belgrade, qui portait sur la décision récente du gouvernement d’aider financièrement les personnes inculpées par le Tribunal de La Haye. Le ministre des Affaires étrangères de la Serbie-Monténégro, Goran Svilanovic, a déclaré qu’une majorité anti-TPIY s’était formée en Serbie : « Une majorité de ceux qui pensent que tous les conflits pendant le processus de désintégration de la Yougoslavie communiste ont été organisés par des forces extérieures à notre pays et que la responsabilité pour tout ce qui s’est passé, y compris les crimes, doit incomber à quelqu’un d’autre et non à des personnes vivantes en Serbie, s’est formée dans la société, pas encore dans le Parlement. C’est une découverte triste, trois ans et demi après les changements ». Le président du Centre démocratique, Dragoljub Micunovic, estime qu’une réhabilitation du régime de Milosevic est à l’œuvre. « Dans l’intérêt de qui est-il utile d’envenimer aussi significativement les relations avec les États-Unis, et non seulement avec les États-Unis mais aussi avec tout l’Occident et l’Europe ? Est-ce qu’une stratégie politique se cache derrière cela, quel en est le prix et quels en sont les acteurs ? Lorsque vous examinez cette loi et son utilité, il apparaît clairement que c’est un tribut payé au Parti socialiste de Serbie : ce qui est en jeu est moins de l’argent - la famille d’un inculpé a déjà indiqué qu’elle n’avait pas besoin d’argent - que la réhabilitation du régime de Milosevic. C’est la conclusion à laquelle chaque homme politique impartial peut arriver », a déclaré Micunovic. Le Comité des juristes pour les droits de l’homme (JUKOM) a saisi la Cour constitutionnelle pour examiner la constitutionnalité de la Loi sur l’aide aux personnes incupées par La Haye. Dejan Milenkovic déclare, à propos de la motivation de cette organisation non-gouvernementale à saisir la Cour constitutionnelle : « accorder des droits spécifiques aux inculpés du TPIY à travers cette loi constitue un geste antidémocratique contraire au principe de l’État de droit. Certains détenteurs du pouvoir en Serbie ont ainsi joué un rôle idéologique et politique. La révolte qui s’est manifestée, avant, pendant et après l’adoption de la Loi, illustre qu’elle ne représente pas l’intérêt général. Sous couvert de l’intérêt national, de l’intérêt des citoyens on offre une aide aux personnes responsables de la politique qui nous a conduit à la situation dans laquelle nous sommes aujourd’hui ». |
Nezavisnost : à
quand un véritable dialogue social en Serbie ?
Mise en ligne : jeudi 29 janvier 2004 À l’occasion d’une visite en France, Branislav Canak, président de l’Union syndicale indépendante Nezavisnost expose ses vues sur la situation sociale en Serbie. Nezavisnost, premier syndicat indépendant de Serbie, existe depuis douze ans. L’organisation, particulièrement forte dans la métallurgie, compte 14 branches professionnelles et 350 000 membres. Propos recueillis par Anne Madelain Courrier des Balkans : Nezavisnost existe depuis maintenant douze ans, l’organisation est née au début de l’éclatement de la Fédération yougoslave, dans un contexte de combat politique contre le pouvoir de Milosevic. Aujourd’hui comment situez-vous votre action ? Branislav Canak : Nezavisnost est née en 1991 de la lutte contre le nationalisme et pour la démocratisation du pays, lutte à laquelle nous avons donné une dimension sociale en créant un syndicat. Son rôle dépassait donc largement la mission syndicale de négociation avec les partenaires sociaux ou de défense des droits des salariés. Nous avons participé au combat politique des organisations qui luttaient contre le régime. Nous avons pris des positions politiques publiques, organisé des manifestions, formé de nombreux militant et salariés. De 1993 à 1997, ces formations ont essentiellement porté sur la question du nationalisme, synonyme de perte de l’identité sociale et d’embrigadement dans un régime non démocratique. Cette dimension de notre action n’a malheureusement pas disparu après le 5 octobre, parce que l’Opposition Démocratique de Serbie, qui a succédé au régime de Milosevic, n’a pas rempli 5 % de ses engagements ... CdB : Vous êtes aujourd’hui très critique envers le gouvernement et les partis qui ont pris le pouvoir après le 5 octobre. Or, vous les aviez pourtant soutenus en 2000 ? BC : En avril 2000, nous avons signé avec tous les partis d’opposition (sauf le DS et le SPO) des conventions sur les droits sociaux, par lesquelles ces partis se sont engagés à retenir la dimension sociale comme étant essentielle à la construction de la démocratie, en particulier le dialogue social, méprisé par Milosevic. Or ces partis, une fois au pouvoir, ont proposé une caricature de dialogue social. Milosevic n’avait rien promis et nous avons lutté contre lui, eux ont beaucoup promis sans tenir. En ce sens, Milosevic ne nous a ni surpris ni déçu, alors qu’eux avaient promis la démocratie, les droits sociaux, la construction d’une société civile. Or, ils n’ont pas agi en ce sens, ce qui est très grave. Les promesses non tenues de la DOSCdB : Pourtant, le gouvernement de Zoran Djindjic avait mis en place un Conseil économique et social pour favoriser la participation des syndicats aux réformes et vous avez participé activement à la mise en place de ces structures ? BC : C’est nous qui avions proposé la création de ce Conseil, mais dès le premier jour, il s’est avéré n’être qu’une caricature. Il aurait en particulier fallu inscrire à l’ordre du jour un certain nombre de points-clefs, comme les privatisations, dont nous n’avons jamais vraiment discuté. Comment un tel conseil dans un pays en transition peut-il fonctionner sans évoquer les privatisations ? Le gouvernement a donc utilisé le Conseil pour ses opérations de marketing, en organisant par exemple après chaque réunion une conférence de presse, où nous ne pouvions rien dire. Pour ma part, j’ai boycotté ces conférences de presse car je ne voulais pas faire de publicité pour le gouvernement. CdB : Concrètement, le Conseil n’a donc pas joué son rôle ? BC : Nous avons vite compris que ce Conseil ne faisait qu’entériner des décisions déjà prises. Comme nous avions demandé que ce Conseil fonctionne selon le principe du consensus, pour éviter un processus de vote qui aurait permis au gouvernement d’obtenir une majorité en comptant sur ses satellites ou en achetant les voix des uns ou des autres, ce dernier a tout fait pour éviter les discussions sur ses projets de loi. Ainsi, par exemple, quand il a été question du complément de loi sur les privatisations, le Ministre Vlahovic a exposé le projet et n’est resté que vingt minutes, sans même écouter nos questions. Est-ce qu’on peut parler de dialogue dans ces conditions ? CdB : Depuis 2000, il y a eu pas mal de mouvements sociaux en Serbie, la rue n’est pas restée silencieuse, quelle a été votre position ? BC : Nous avons plusieurs fois appelé à des manifestations et à des débrayages. À l’automne dernier par exemple, au moment où le gouvernement a fait passer sa loi sur l’emploi, nous avons organisé des manifestations avec la Confédération des syndicats autonomes de Serbie (SSSS), proche de l’ancien régime. Nous avons cru que cette organisation s’était dégagée de la tutelle du parti, mais ces dirigeants ont ensuite essayé d’utiliser ces mouvements pour faire tomber le gouvernement, ce qui n’était pas notre but. Les autres mouvements que nous avons organisés ces derniers temps ont à 99% été organisés pour dénoncer des privatisations frauduleuses, qui ne proposaient aucun plan social ou, pire, des rachats cachant de grosses affaires de corruption. CdB : Vous avez rejoint récemment la Confédération Européenne des Syndicats (CES). Que vous apporte cette affiliation aux organismes européens ? BC : Nezavisnost est entrée dans la Confédération Européenne des Syndicats, normalement réservée aux organisations des pays membres de l’Union ou ayant entamé un processus de pré-adhésion, au minimum ayant signé un accord de partenariat avec l’UE, ce qui n’est pas le cas de la Serbie-Monténégro. C’était donc un signe politique fort de la part de Bruxelles et des syndicats européens, la reconnaissance de notre travail et un soutien à nos actions. Ceci pour le côté politique. Par ailleurs, nous recevons un soutien technique de la CES, en termes d’expertise, ce qui nous est très précieux. Par ailleurs, nos relations avec les syndicats nationaux nous sont d’une grande utilité, par exemple avec la CGT française, en particulier en termes de définitions des priorités et d’une stratégie globale d’action. Nous communiquons également avec les syndicats des pays post-communistes, mais les problèmes sont différents des nôtres, vu que ces pays s’étaient déjà engagés dans la transition vers une économie de marché, quand la Serbie a connu quatre guerres qui ont profondément désorganisé la société. Cependant le problème de la perte d’influence syndicale est général à l’Est. Risque de troubles sociauxCdB : Comment appréhendez-vous la situation politique actuelle de la Serbie ? BC : Je la vois comme la suite logique de la confusion qui s’est installée depuis le changement de pouvoir. Le problème du bloc démocratique a toujours été la dispersion, chacun regardant plus ses propres intérêts que l’objectif commun. Même dans la lutte contre Milosevic, ces éléments de discorde étaient sensibles. Tant que l’aide extérieure a permis de combler le déficit budgétaire, l’éclatement de la coalition a été évitée, mais dès que la situation économique est apparue dans sa réalité, à savoir que le pays était ruiné, alors les dissensions sont apparues au grand jour, d’autant plus que, comme je l’ai dit, la corruption a été grandissante. Le Conseil Économique et Social a disparu quand le Ministre du travail a été incapable de proposer à ses membres l’élaboration commune d’un plan d’action en matière de réformes sociales. Notre gouvernement a vécu au jour le jour... CdB : Est-ce que vous prévoyez des troubles sociaux, dans un contexte de chômage grandissant, alors même que les réformes structurelles n’ont pas toujours pas été mises en place ? BC : Oui, il y a des risques. En particulier de troubles sociaux anarchiques comme en Argentine et cela est dangereux. Et surtout si la formation du nouveau gouvernement se fait trop longtemps attendre, car malgré tout, mieux vaut un mauvais gouvernement plutôt que pas de gouvernement du tout. |
![]() TRADUIT PAR JASNA TATAR-ANDJELIC Publié dans la presse : 22 janvier 2004 Un rapport de l’Institut de criminalistique de la police fédérale allemande pose des questions bien différentes de celles qui ont été évoquées par les journaux serbes. L’acte d’accusation ne répond pas à ces questions, et elles devront être posées devant le tribunal. Par Milos Vasic Le Département fédéral de criminalistique (Bundeskriminalamt, BKA) de Wiesbaden a rendu le 20 mai 2003 son rapport d’expertise balistique de l’assassinat de Zoran Djindjic. L’expertise a été effectuée sur la demande de la police de Belgrade, en date du 26 mars, et du Tribunal communal de Belgrade, en date du 27 mars. Certains éléments du rapport ont été révélés par les journaux la semaine dernière, même si le rapport devait être classé secrêt d’État, comme tous les autres documents liés à l’enquête. Pour des raisons inconnues, un des détails les moins importants du rapport a beaucoup attiré l’attention : il s’agit du fusil automatique de type Kalashnikov de Mihail Timofejevic, dans sa version yougoslave M-70 AB 2, qui a été envoyé à Wiesbaden avec le fusil du tireur embusqué Heckler und Koch G-3 SG 1, avec lequel on aurait tiré sur Zoran Djindjic. Belgrade a également envoyé une petite quantité de munitions de production yougoslave (de la marque « Prvi partizan » d’Uzice) pour les deux fusils, ainsi qu’un étui de calibre 7,62 mm et quatre fragments de balles retrouvés sur les lieus du meurtre. Le mythe de la grande conspirationUne partie de la presse a immédiatement supposé que cet autre fusil , la kalashnikov avait été utilisé dans l’attentat, et qu’il était passé sous silence comme preuve compromettante d’une longue conspiration (c’est notamment ce qu’a écrit NIN). Les chefs de la police de Belgrade (Milan Obradovic) et de la Direction de la police pénale (Mile Novakovic) ont expliqué des faits évidents pendant des heures : ce fusil n’a pas été utilisé, on n’a pas retrouvé de balles ni d’étuis abandonnés qui lui correspondraient, il a été enfoui avec l’autre fusil H.u.K G-3 et envoyé à Wiesbaden dans l’espoir que l’Institut allemand serait en mesure de découvrir son numéro de série qui a été effacé, ainsi que le numéro de série du G-3. D’après les informations de Vreme, les experts balistiques serbes n’ont trouvé aucune correspondance entre le fusil en question et les balles et les étuis qui étaient à leur disposition. L’explication est bien banale : le fusil se trouvait probabalement dans le coffre d’une des voitures utilisées par les conspirateurs et ils l’ont caché après l’attentat à cause des fréquents contrôles de la police. Ils l’avaient pris en cas d’éventuel conflit avec la police. D’ailleurs, avoir une kalashnikov dans le coffre de sa voiture a fait (et fait toujours) partie du folklore belgradois, c’est une mode parmi les mafieux. Si on regarde le lieu de l’attentat, on comprend que le 12 mars, aucune position permettait l’utilisation de ce fusil : il n’est pas suffisamment précis pour la distance en question. Le premier fusil, le Heckler und Koch, est beaucoup plus intéressant. Nous avons appris pour la première fois que le numéro de série avait été enlevé du côté gauche du fusil par une perforation (il était en tôle d’acier pressé). Si ce fusil appartenait à l’arsenal de l’Unité pour les opérations spéciales de la police serbe (JSO) qui a été dissoute, c’est un détail important pour l’enquête. Ce que revèle le fusilIl serai intéressant que la JSO ait obtenu ce fusil sans numéro de série quelque part dans les guerres. Elle disposait d’une collection impressionnante d’armes saisies dans les guerres. En ce cas, les archives de l’intendance de la JSO devraient contenir des informations sur cette arme, avec au moins une mention du type « un fusil anti-sniper G-3 SG 1, numéro de série effacé ». Les organisations militaires et policières bien gérées possèdent des détaillées de leurs armes, avec des documents techniques spéciaux pour ce type de fusils qui permettent de noter les performances, les pannes et les détails de l’entretien. Les membres de ces unités ont la charge de l’entretien de leurs armes, ils signent les reçus et deviennent responsables de leur maniement et de leur entretien. Le magasinier le note dans son registre qui permet de retrouver les armes et leurs utilisateurs. En d’autres termes, il est clair que le commandant de la JSO, son adjoint chargé de la logistique et l’officier responsable du magasin d’armement devraient être convoqués au sujet de l’origine et des mouvements du fusil. Cependant, le tireur présumé, Zvezdan Jovanovic, a déclaré durant l’enquête que « le fusil avait été apporté par Duca ou par Legija », et qu’il n’était « pas sûr qu’il provenait de l’arsenal de l’Unité ». « Il était dans un état excellent. Je ne sais pas qui l’entretenait », a-t-il ajouté. Nos sources dans l’armée et la police ont éclaté de rire à la question de la responsabilité personnelle sur les armes et des listes des moyens techniques et matériels. Les unités d’élite de la police et de l’armée donnent les armes sans reçu, et cela depuis des années, « sauf pour les armes légales, importés par le SDPR, qui sont notées dans les registres ». « Le reste de l’armement est acheté par nos hommes, en échange de sommes d’argent qu’ils reçoivent ». L’origine du fusil de la rue Geprat est facile à découvrir même sans le numéro de série (précédé par le code du pays producteur, l’usine H.u.K. a vendu ses licences à une vingtaine de pays).Les experts allemends ont vérifié le cachet sur le fond de la cartouche. Une des véirfications finales de la qualité des armes est le tir d’une balle spéciale avec une amorce plus importante. Si le tuyau reste inchangé, un petit cachet de l’Institut d’analyse des armes est mis sur le fond de la balle, à l’extérieur. Ces cachets diffèrent selon les instituts et les pays. Le fusil de la rue Geprat contient un cachet britannique avec la couronne, une lettre qui ressemble à un F et le sigle « RSAF » (Royal Small Arms Factory, Usine royale des armes d’Enfield). Le fusil est donc de production britannique, ce qui n’est pas étonnant puisque l’entreprise British Aerospace est propriétaire majoritaire de Heckler und Koch GMBH depuis plusieurs dizaines d’années. Les lois britanniques sur les exportations d’’armes sont beaucoup moins rigoureuses que les lois allemandes, et son statut de propriété mixte a permis à la société Heckler und Koch GMBH de passer par la Grande-Bretagne pour exporter ses armes vers des pays tiers, comme la Yougoslavie. Cela explique la distance prise par l’institut BKA : il est presque sûr qu’ils en savent plus sur ce fusil qu’ils ne l’ont écrit, et qu’ils devinent encore plus de choses... Le reste de l’expertise balistique n’est pas contestable : les fragments de balles retrouvés sur le lieu de l’assassinat n’ont pas permis d’identifier le fusil, mais l’étui a été relié au fusil envoyé, ainsi que la couverture retrouvée sur la fenêtre de la rue Geprat. L’expertise n’établit pas de liens entre Zvezdan Jovanovic et ce fusil, même si ce dernier contient des traces du DNA. Jovanovic n’est pas lié non plus aux mégots de cigarettes de marque Davidoff qu’il dit avoir fumé sur le lieu de l’attentat. Il n’y a pas d’information sur les quatre mégots de Marlborough, retrouvés également dans la chambre de la rue Geprat. Si l’on en juge d’après les articles de presse, la partie de l’expertise qui concerne la balistique terminale (l’effet du projectile à la fin de la trajectoire et sur la cible) a été formulée avec beaucoup de prudence. Sans entrer dans des détails qui seront analysés au tribunal, il faut souligner que l’Institut allemand propose la reconstitution du crime, malgré les imprécisions qui proviennent des témoignages et des expertises. |
![]() Serbie : quel avenir pour les ONG ? TRADUIT PAR JASNA TATAR Publié dans la presse : 1er janvier 2004 Avant la chute du régime de Milosevic, les ONG étaient identifiées comme des organisations qui s’opposaient au régime, des ennemis d’Etat, des espions. Après le 5 octobre 2000, ce discours a disparu, mais les relations des ONG avec les institutions d’Etat sont, dans les faits, restées semblables. Contrairement aux autres pays de la région, la Serbie n’a pas encore établi de législation afin de permettre aux ONG de poursuivre leur travail dans des conditions satisfaisantes. Par Tatjana Andrijasevic, Gordana Popovic, Ana Stankovic, Nada Veljkovic (Coordinateur de l’enquête : Aleksandar Ciric) Les ONG ne sont pas homogènes, et la classification la plus facile qui peut être faite concerne les objectifs de leurs activités. Elles sont les plus nombreuses dans le domaine social et humanitaire (273), ensuite dans la culture et les arts (233), l’environnement (199) et la défense des droits de l’homme (170). Les ONG d’experts, les soi-disant « think tanks » sont les moins nombreuses (26). Les ONG travaillent également sur le champ des autorités locales, de la paix, de l’éducation et de la recherche. Les organisations progouvernementales représentent une catégorie spéciale. Elles sont proches des représentants gouvernementaux qui les soutiennent. Dusan Janjic, président du Forum pour les rapports ethniques, estime que les ONG sont devenues des « salles d’attente » avant d’obtenir un poste politique. Certaines ONG ont réalisé une coopération efficace avec la plupart des ministères, mais ce n’est pas le cas de la grande majorité. Sans égard à l’importance de leurs demandes et aux possibilités concrètes d’y répondre, il est nécessaire de faire quelques concessions aux ONG. La plus importante est l’adoption d’une loi sur les ONG, qui représente une des conditions d’accès à l’Europe. La proposition de loi a été déposée au parlement il y a trois ans, mais elle n’a pas encore été adoptée. Cela s’explique par la lenteur de la procédure, mais aussi par le fait que ce sujet ne figure pas sur la liste des priorités. Les ONG du pays sont encore enregistrées selon la Loi sur les organisations sociales et les associations citoyennes. L’inexistence de la loi spéciale sur le secteur civil a fait qu’un certain nombre des ONG n’ont pas pu être enregistrées et travaillaient illégalement. Or, le ministère de l’Intérieur de Milosevic n’était pas très indulgent quand il fallait délivrer les permis. Aujourd’hui, toutes les ONG sont enregistrées et leur fonctionnement est légal. La Serbie n’a pas de loi qui règlerait le travail des ONG internationales, qui fonctionnent sur la base du certificat délivré par le ministère des Affaires étrangères. Les ONG en Serbie sont assujetties aux impôts, ce qui complique davantage leur travail. Les organisations à budget moyen (de 5 000 à 50 000 euros) dépassent souvent le minimum imposable, et les donateurs étrangers se retirent du pays. Ces donateurs internationaux financent le plus grand nombre des projets du secteur non lucratif. Les autres sources de revenus sont l’autofinancement, le secteur privé et les fonds d’Etat. Le sondage de « NGO Policy Group », organisation consultative indépendante, démontre que seulement 51,64% des ONG sont d’accord pour dévoiler leurs sources de financements et leurs budgets. La Loi sur le budget de la Serbie a destiné 1,11 milliards de dinars pour les ONG en 2003 (sauf pour les ONG dans le domaine de l’éducation universitaire qui utilisent des moyens du ministère de l’Enseignement). Ce montant n’est pas suffisant pour garantir la survie de toutes les ONG. La Hongrie a adopté en 1996 une loi selon laquelle chaque contribuable donne 1% de l’impôt sur le revenu à une ONG. En Croatie, les ONG peuvent organiser des jeux de hasard pour collecter les moyens. Le Monténégro a adopté une loi sur les organisations non gouvernementales en 1999. Elle règle le fonctionnement des ONG locales et étrangères d’une façon simple et efficace. L’Etat est obligé de financer et d’encourager le développement du secteur civil. Les ONG jouissent de différentes exonérations de taxes - jusqu’à 4 000 €, le revenu n’est pas imposable. Elles sont exonérées du TVA et de l’impôt sur l’immobilier. Les ONG serbes sont encore loin de tout cela, et la réalisation du même projet est beaucoup moins chère au Monténégro qu’en Serbie. Petites ou grandes, plus ou moins efficaces, toutes les ONG ont des difficultés à faire reconnaître leur succès et les résultats réalisés. Cela s’explique non seulement par le manque d’information de l’opinion publique, mais aussi par l’impossibilité de constater leurs résultats avec précisions et les exprimer en chiffres. De plus, les mêmes problèmes sont souvent traités en même temps par plusieurs ONG et par les institutions d’Etat. Dans ce cas, il devient difficile de distinguer l’importance des différentes contributions, et celles du secteur civil restent le moins reconnues. Pour Nenad Konstantinovic, de « Otpor », les ONG ont quatre fonctions principales qui définissent leur rapports avec le gouvernement. D’abord, les ONG devraient soutenir la réalisation des programmes gouvernementaux spécifiques destinés à des groupes sociaux définis. Ensuite, les ONG devraient coopérer avec le gouvernement selon le principe de partenariat, sur la réalisation des projets communs. Elles devraient également prendre des positions critiques envers le gouvernement, en indiquant ses erreurs et en prévenant des éventuelles conséquences négatives pour les citoyens. Finalement, les ONG devraient exercer un contrôle, appeler à la responsabilité et à la destitution des coupables directs pour les problèmes sociaux. Les représentants des ONG ont demandé l’accord d’une « chaise verte » au parlement, mais ce pas serait trop grand pour une société qui apprend la démocratie. Presque toutes les ONG travaillent sur des projets. Les donateurs étrangers se retirent et les moyens des donateurs locaux ne sont pas satisfaisants. Sonja Liht, de la Fondation pour une société ouverte, estime que les ONG ne doivent pas permettre aux donateurs à déterminer leurs directions, ni accepter les travaux commandés. Elle croit que les donateurs ne connaissent pas les problèmes-clé - c’est la tâche des ONG locales de connaître les besoins de la société. La Loi sur les universités de Seselj et de Milosevic adoptée en 1998 a privé de travail un certain nombre d’universitaires. « Le cercle de Belgrade » a commencé une action de défense de l’université belgradoise en faisant appel à la législation européenne et internationale. Ces activités et d’autres oppositions au régime ont provoqué la création d’une liste des ONG proscrites qu’il fallait fermer à tout prix. Contrôles réguliers, inteventions policières, fermeture des locaux et méthodes similaires ont servi à « arrêter » les ennemis en flagrant délit : le Fonds du droit humanitaire, la Fondation pour une société ouverte, les Femmes en noir et beaucoup d’autres ont subi ces comportements désagréables. La seule organisation qui n’ait pas rencontré ces obstacles était la Croix-Rouge qui fonctionnait comme un organisme d’assistance étatique. Malgré tous ces écueils, le secteur non gouvernemental représentera une partie importante du développement social de ce pays. Les ONG aident à établir les standards que les autorités acceptent ensuite, sous la pression de la communauté internationale. Les dernières données indiquent que 58% des activistes des ONG ont une formation universitaire et 5 % ont un doctorat. En dépit de toutes les difficultés, le secteur civil a réussi à réunir un grand nombre d’intellectuels en Serbie. Le secteur non-gouvernemental a montré ce qu’il pouvait faire lors de la chute de Milosevic. Il est temps de comprendre que ce n’était pas la fin, mais le début de son activité. |
HAPI/KORAK Sud de la Serbie : quel avenir pour les communautés rroms ? TRADUIT PAR PERSA ALIGRUDIC Publié dans la presse : décembre 2003 Le nouveau quotidien multiethnique de Presevo, Hapi/Korak, s’intéresse au sort des communautés rroms du sud de la Serbie. Balancés Serbes et Albanais, les Rroms attendent toujours une amélioration de leurs conditions de vie. Par Sasa Stojkovic Dans le sud multiethnique de la Serbie, les Rroms représentent une forte minorité et ont ici les mêmes problèmes que partout ailleurs. Leur situation est d’autant plus pénible que dans les communes de Bujanovac et Presevo, ils vivent en sandwich entre les Serbes et les Albanais ; ces derniers luttent pour avoir le statut de peuple majoritaire piétinant tout ce qui se trouve sur leur route. Selon certaines estimations, il y aurait entre 8 000 et 10 000 Rroms à Bujanovac ; environ 6 % à Vranje, et beaucoup vivent dans les enclaves autour de Surdulica, Vranjske Banje et Vladicin Han, alors qu’ils sont moins de 500 à Presevo. Malgré un tel poids démographique, les Rroms n’ont aucun représentant dans les assemblées locales, à l’exception de Demir Demirovic qui, à l’assemblée municipale de Vranje, représente les socialistes de Banje et non pas les Rroms. Cette population accuse toujours un retard dans tous les domaines : économie, éducation, travail, santé, culture… Et les autorités locales ne montrent aucune compréhension à leur égard. A Bujanovac, où seulement 0,2 % de Rroms sont salariés, il y a une quarantaine de jeunes ayant une formation qui attendent un emploi depuis des années. Ilijaz Kasumi, l’un des rares journalistes rroms du district de Pcinja, affirme que huit à dix mille Rroms vivent dans la région. D’un autre côté, Nazif Mamutovic, président du conseil municipal du premier parti politique rrom, le Parti de l’Unité rrom (PRJ), affirme qu’il y a exactement 4 630 Rroms d’après le recensement. Comment donc expliquer qu’une si grande population n’ait aucun siège de conseiller dans la nouvelle assemblée municipale ? « Les dirigeants des deux partis politiques n’ont pu persuader le peuple que ce sont eux les vrais représentants des intérêts rroms. Ceux-ci votent en général pour le SPS [Parti socialiste serbe] et la JUL [Gauche unie], et plus récemment pour les radicaux. Nous aurions dû avoir notre candidat à la mairie », estime Kasumi. Cette idée intéressante n’est pas sans charme, et - même s’il est conscient que leur homme n’aurait aucune chance de gagner - Kasumi pense que le seul fait de présenter un candidat aurait une grande signification. Tout est aujourd’hui dans le domaine de la théorie, mais notre interlocuteur croit que de cette manière au moins un siège aurait pu être obtenu ! Nazif Mamutovic, le principal représentant politique rrom, ne se sent pas responsable du fait que les Rroms n’ont pas de conseiller à l’assemblée municipale. Il fallait pour cela obtenir 900 voix, alors que les Rroms de Bujanovac n’ont réussi à rassembler que 630 électeurs. Salim Demirovic, manager de l’OSCE au Centre pour les affaires rroms du sud de la Serbie, estime que les Rroms sont « là, quelque part, invisibles », mais ils ne vivent ni avec les Serbes ni les Albanais, plutôt entre les deux. : « On ne nous demande rien, nous ne prenons pas part aux décisions, nous ne sommes présents dans aucune institution du système ». L’échec électoral a entraîné d’autres problèmes. D’après un accord des parties intéressées, le poste de secrétaire aux affaires sociales du Conseil exécutif municipal devait revenir aux Rroms. Mais à ce jour, deux ans après les élections, aucune entente n’a abouti. Les éventuels candidats étaient Sabri Serifovic, ancien membre du Conseil provisoire, Ibro Idic, président du groupe folklorique rrom KUD, et également Hamdija Salihi, candidat indépendant. Il faut ajouter un autre facteur important en la personne de Amet Arifi, président du Conseil municipal du Parti démocratique des Rroms (DPR), fondé après les élections présidentielles, et actuellement vice-président du Comité national des Rroms. Arifi est un travailleur social qui fut membre du Conseil exécutif municipal pendant deux mandats et il est aujourd’hui président du Conseil du Comité national des Rroms pour les affaires sociales et sanitaires. Il satisfait donc aux critères de la république mais non pas des autorités locales de Bujanovac. Bien qu’un nouveau pouvoir est établi à Bujanovac, les problèmes sont anciens. Les Rroms sont toujours absents dans les institutions et le plus haut degré d’organisation jamais atteint est celui de l’ensemble KUD « Zulfikar Barjamovic » et de cinq ONG, plus deux partis politiques. Jusqu’à la mi-septembre, 32 élèves rroms allaient à l’école primaire « Branko Radicevic ». Son directeur, Goran Mitic a convoqué les représentants des ONG rroms. Résultat : 680 Rroms actuellement fréquentent l’école dont 145 en première classe ! Dans les médias « Les Serbes et les Albanais se sont partagé les émissions, moitié-moitié. Nous, nous n’avons pas de place, à part une émission d’une demi-heure à la radio « Romano Krlo », qui durera tant que le projet sera financé par l’OSCE. Mais le nouveau directeur de la radio, Dzahid Ramadani, m’a promis de m’embaucher en permanence pour ainsi maintenir le programme d’information en langue rrom », nous dit Kasumi « Ils ne veulent pas de nous » Quelque pénible que soit la situation des Rroms à Bujanovac, leur statut à Presevo est pire. D’après le dernier recensement, il ne resterait que 350 Rroms. Trois ONG représentent la seule forme d’organisation. Depuis 12 ans, le parti PDD et Riza Halimi sont au pouvoir à Presevo, mais les Rroms ont connu des jours meilleurs à en juger par ce que nous dit Ibrahim Osmani, professeur de littérature et combattant actif pour les droits des Rroms. A l’époque du communisme, dit-il, il y avait quand même une certaine forme de « discrimination positive », car le rrom était obligatoirement présent dans les activités socio-politiques et au Conseil des administrations locales. « Depuis le changement de système, les Rroms n’ont plus eu de place. Nous avons demandé un représentant à l’assemblée pour exposer nos problèmes mais n’avons eu aucune réponse. Nous avons eu un entretien avec Nasuf Behljulji, et même envisagé une coalition avec lui afin d’obtenir un conseiller, mais en vain : il nous manquait une vingtaine de voix. Nous voulons un peuple majoritaire, quel qu’il soit, mais eux ne veulent pas de nous », constate Osmani. Notre interlocuteur, l’ écrivain du premier livre en langue rrom « Barastiba », ou « La réconciliation », soulève aussi de nombreuses questions dans l’éducation, des cas de discrimination, des questions d’organisation et de politique. Il remarque aussi un aspect quelque peu caché de l’attitude des Rroms envers les communautés majoritaires, celui de la religion. « Même si nous sommes divisés de par notre confession entre l’islam et l’orthodoxie, nous ne montrons pas d’intolérance : nous enterrons nos morts dans le même cimetière », dit-il. Les jours passent et les Rroms cherchent toujours le chemin vers une vie « normale », alors que le quotidien actuel est marqué par l’intolérance, l’incompréhension et les préjugés, éléments négatifs renforcés par leur propre inaction et divisions. Les Rroms sont aujourd’hui aussi loin des Serbes que des Albanais, mais aussi des possibilités d’actions organisées pour l’amélioration de leur situation. Il est évident que cette communauté n’a pas la force à elle seule de faire une percée qualitative de leur niveau de vie, tandis que les peuples majoritaires tirent habilement avantage de cette situation. Comme cette situation dure depuis longtemps, tous se sont habitués à elle. Mais il importe qu’un changement intervienne avant qu’il ne soit trop tard. |
![]() Questions sans réponses sur le meurtre de Zoran Djindjic TRADUIT PAR PERSA ALIGRUDIC Publié dans la presse : 24 novembre 2003 Le procès du meurtre de Djindjic va probablement commencer à la date fixée, le 22 décembre prochain, mais il est d’ores et déjà certain que beaucoup d’éléments demeurent inexplicables. L’ancien chef de la sécurité du Premier ministre relance la polémique : y avait-il un ou deux snipers ? Qui a intérêt à cacher la vérité ? Par Zoran Knezevic Zvezdan Jovanovic, dit Zveki, a-t-il été le seul à tirer sur le Premier ministre Djindjic, ou bien celui-ci a t-il été tué par un autre homme et, dans ce cas, qui est-il et pourquoi le cache t-on ? Pourquoi la déposition du chef de la sécurité de Zoran Djindjic, d’ailleurs lui aussi gravement blessé lors de l’attentat, a-t-elle été d’entrée de jeu qualifiée de « réaction émotionnelle » ? Pourquoi aucune procédure n’est-elle engagée pour élargir l’enquête ? Pourquoi n’a t-on pas accepté la demande du défenseur du deuxième accusé de procéder à la reconstitution de l’attentat, qui aurait pu établir combien de coups de feu ont été tirés contre Zoran Djindjic ? À qui profite le fait d’offrir à l’opinion publique plusieurs versions du meurtre ? Qui fait tout, sciemment, pour que le procès du meurtre de Djindjic, fixé au 22 décembre, se transforme en farce ou en une scène de règlements de compte politiques ? Enfin, quelqu’un se charge t-il de faire en sorte que les circonstances de l’attentat ne soient pas élucidées et que les commanditaires demeurent inconnus et impunis ? Les Serbes veulent avoir les réponses à ces questions. Le Parquet respecte rigoureusement le contenu de l’acte d’accusation, dont certains suspects ont été rapidement éliminés pour leur donner le statut de témoins protégés, comme c’est le cas avec Ljubisa Buha et Miladin Suvajdzic, surnommé Djuro Mutavi, soupçonnés d’avoir participés à plusieurs meurtres. La police serbe aurait même protégé Ljubisa Buha à l’étranger, comme l’a avoué le ministre de l’Intérieur Dusan Mihajlovic, avant même qu’il ne fasse partie de la liste des suspects, pour éviter qu’il ne soit tué par des membres du clan de Zemun. La décision de changer son statut a été prise par le Conseil du département spécial du tribunal de district à Belgrade il y a une vingtaine de jours, sur l’initiative du plaignant Jovan Prijic. Après que son statut a été modifié, Ljubisa Buha, ne pouvant plus être détenu, a été relâché de la prison centrale et envoyé de nouveau à l’étranger sous escorte de sécurité. « Il est étonnant que Buha, mentionné comme témoin protégé bien avant l’acte d’accusation du 21 août, n’ait obtenu ce statut que quelque temps avant le début du procès. Après la déposition de Buha lors de l’instruction, le plaignant a décidé qu’il y avait des éléments pour émettre un acte d’accusation contre lui comme membre d’un clan mafieux », déclare Nenad Vukasovic, avocat du deuxième accusé Zvezdan Jovanovic. Et d’ajouter : « Nous voulons que les règlements soient respectés car nous craignons qu’ils ne soient violés cette fois encore. Or, la loi définit clairement les conditions selon lesquelles une personne peut devenir un témoin protégé ». « Le plaignant qui dicte l’accusation peut attribuer ce statut à l’accusé sur la base d’éléments légaux, mais il peut aussi évoquer dans l’acte d’accusation toutes les personnes dont la culpabilité est soupçonnée, sur la base de preuves suffisantes. Au cas où la défense considère qu’un suspect ne mérite pas tel ou tel statut, elle doit le démontrer lors du procès, ce que le tribunal confirme. Un témoin peut ensuite se retrouver sur le banc des accusés, comme c’est le cas avec Ljubisa Buha. Cela dépend du plaignant, mais également de la défense qui doit déposer une plainte contre le témoin », explique l’avocat Bozo Prelevic. On en arrive donc à la situation que beaucoup craignaient, c’est-à-dire que les témoins protégés pourront être des personnes ayant reconnu lors de l’enquête avoir participé à plusieurs assassinats en Serbie, ce qui prolongera le procès du meurtre de Djindjic en de longs débats et entrainera d’autres procès pour les anciens accusés. C’est ainsi que le défenseur de Zvezdan Jovanovic, par exemple, prouvera que Miladin Suvajdzic ne peut être témoin protégé parce qu’il a avoué son implication dans les meurtres. Milan Veruovic, ancien chef de la sécurité de Zoran Djindjic, avait plusieurs fois émis des doutes sur le fait que l’enquête avait été menée trop précipitamment et que le constat des organes d’investigation avait été fait sur la base de la seule déposition de l’inculpé Zvezdan Jovanovic. Pourquoi n’y a-t-il pas eu de reconstitution du meurtre ?Milan Veruovic dénonce l’absence d’une reconstitution du meurtre en émettant une série de doutes. Selon lui, deux coups de feu ont été tirés, l’un depuis la rue Bircaninova contre Zoran Djindjic, et l’autre depuis la rue de l’Amiral Geprat contre lui-même. Zoran Djindjic ne tournait pas le dos au bâtiment au moment où il a été touché, comme il a été affirmé au cours de l’enquête, mais il y entrait. Au numéro 6 de la rue Bircaninova, il y avait un passage non surveillé depuis le 1er février, ainsi qu’une échelle menant au toit de l’immeuble, offrant une vue directe sur l’entrée du siège du gouvernement. Avec la thèse voulant que trois coups de feu aient été tirés et qu’il y avait donc deux tireurs, postés à deux endroits différents, Milan Veruovic a remis en question la théorie officielle du complot visant à assassiner le Premier ministre. Cela remet aussi en question la proclamation de l’état d’urgence et l’opération « Sabre ». D’un point de vue juridique, il faudrait d’abord constater si la déposition de Milan Veruovic est véridique ou « adaptée » à certains objectifs politiques, et si elle s’avère exacte, ouvrir une nouvelle enquête. Y a-t-il eu deux tireurs ?Nenad Vukasovic, avocat de la défense de Zvezdan Jovanovic, pense que la déclaration de Milan Veruovic confirme le fait que le parquet détient des « preuves très minces » contre son client. Un témoin n’est pas obligé de dire la vérité. Milan Veruovic est un témoin oculaire direct, pense Bozo Prelevic, donc sa déposition devrait s’accorder le plus avec ce qui s’est réellement passé. Pourtant, « il arrive souvent en pratique que les déclarations d’un seul témoin ne concordent pas avec les preuves matérielles, car sa perception des événements est très différente. Au cours du procès, tout deviendra clair car chaque partie peut prouver qu’elle a raison sur la base de preuves irréfutables. Une reconstitution peut aussi se faire au cours du procès, ce n’est pas un problème car l’expertise est faite par des professionnels en balistique, des experts qui constatent des faits concrets, où il ne peut y avoir aucune erreur. Si cela ne satisfait pas la défense, elle peut demander une contre-expertise, mais il est peu probable que certains se risqueront à signer un document qui n’est pas conforme aux règles de la profession. Comme dernier recours, il reste encore l’exhumation du corps de la victime et là, il ne peut y avoir d’erreur ». Le doute planant sur le Parquet qui ne détient peut-être pas de preuves tangibles aux yeux la défense a été réactivé ces derniers jours par les rumeurs qui courent au sujet de Zvezdan Jovanovic. Ces deux derniers mois, on lui aurait fait trois prises de sang en expliquant que c’était par « souci de sa santé ». « D’abord, c’est ridicule, au cours de mes années d’expérience, je n’ai jamais vu une telle pratique dans les prisons serbes. Il arrivait que certains se cognaient la tête contre les murs pour un mal de dent mais ils devaient attendre, alors que brusquement on se soucie à plusieurs reprises de la santé de Jovanovic. Je ne sais pas pourquoi on le ferait uniquement pour lui et non pas pour les autres détenus. Je serais heureux qu’il en soit ainsi, nous serions le premier pays au monde à prévenir la maladie, mais en tant qu’avocat de l’inculpé je doute, et c’est mon droit, que tout cela soit fait pour accumuler des preuves, car ce qui est mentionné dans l’acte d’accusation est intenable », constate l’avocat Vukasovic. Étant donné que le parquet a déjà lancé l’accusation pour l’attentat, le juge d’instruction peut encore, sur la base des pièces communiquées publiquement, demander un complément d’enquête. Les avocats des accusés peuvent aussi demander un élargissement de l’enquête. Si cela devait amener à la conclusion de l’existence d’un second tireur, et que c’est ce dernier qui a tué le Premier ministre, cela changerait entièrement le statut de Zvezdan Jovanovic qui ne serait plus jugé pour le meurtre de Djindjic, mais pour tentative de meurtre. |
![]() La Serbie a besoin d’une société civile dynamique et de nouvelles élites TRADUIT PAR PERSA ALIGRUDIC Publié dans la presse : 15 novembre 2003 Sonja Liht, grande figure de la société civile serbe, revient sur la situation du secteur associatif et non gouvernemental, trois après la chute de Milosevic. Pour poursuivre sa modernisation, sa démocratisation et s’engager dans le processus d’intégration européenne, la Serbie a besoin d’une société civile forte et de nouvelles élites. Propos recueillis par Bojan Toncic Le Fonds pour une politique de qualité a commencé à fonctionner le 1er novembre dernier sous les auspices du Conseil de l’Europe, en même temps que le réseau des écoles pour les études politiques en Europe du sud-est. Ce Fonds a été créé par Sonja Liht, auparavant directrice du Fonds Open Society . Ce projet est destiné aux administrations locales, aux organisations non gouvernementales et aux syndicats, afin d’aider les gens à mieux saisir les faits, à penser en termes européens, à comprendre les valeurs fondamentales qui sont à la base de l’intégration européenne. Comprendre ce qu’implique l’intégration européenne« La notion d’intégration européenne ne se limite pas à remplir un formulaire d’adhésion ou à élaborer une loi, elle impose de penser autrement. Nous devons réfléchir à une nouvelle Europe intégrée, assez grande pour tous les citoyens, et qui sera et devra rester attrayante pour eux. C’est pourquoi un énorme effort des ONG est indispensable. L’école devrait aider à concevoir un nouveau consensus social, qui ne sera pas un consensus sans conflit. Il nous faut un dialogue social, mais on ne peut le réduire à des discussions entre le gouvernement et les syndicats, c’est une concept beaucoup plus large. Plus il y aura d’ONG prêtes à être porteuses de l’intérêt public, plus elles seront considérées comme un facteur social d’une importance exceptionnelle. Il est important que nos institutions mettent en place un dialogue généra, c’est notre mission et notre travail quotidien », explique Sonja Liht. Le but du Fonds, ajoute-t-elle, est d’éduquer les personnes qui s’occupent des affaires publiques. « Le Conseil de l’Europe et son Secrétaire général, Walter Schvimer, ont lancé une initiative en 2001 pour fonder un réseau d’écoles destinées aux études politiques en Europe du sud-est, dans le but d’aider les jeunes leaders dans la politique et les autres domaines d’intérêt général à acquérir les connaissances indispensables au processus d’intégration européenne et transatlantique. Nous avons surtout l’intention de développer une forme de collaboration dans les Balkans ,ou Europe du sud-est, et de former l’année prochaine de semblables institutions en Croatie, Albanie et Roumanie. Quel rôle pour la société civile depuis la chute de Milosevic ?DANAS (D) : Comment voyez-vous la scène des organisations non-gouvernementales en Serbie ? Sonja Liht (SL.) : Pour continuer les réformes et les processus démocratiques dans les pays en transition, il est nécessaire d’éduquer le secteur non gouvernemental et tous les autres secteurs importants. Il faut créer de nouvelles élites politiques et sociales. Je suis fière que cette initiative soit lancée par le secteur non gouvernemental, qui a de plus larges idées sur les besoins sociaux, qu’ils soient ou non satisfaits, dans ce domaine. Après les changements survenus en Serbie en 2000 le secteur non gouvernemental, ainsi que tous les autres segments de la société, s’est trouvé devant une grande inconnue : Comment continuer ? Sous le régime autoritaire, voire totalitaire, de Milosevic, le secteur non gouvernemental s’est développé comme une force créatrice d’opposition. D’une manière simplifiée, on a dit que nous avions travaillé comme un mouvement de résistance, mais ce n’est pas exact : notre idée depuis toujours était de développer le dialogue, la tolérance, de penser aux gens les plus démunis. Rappelons-nous seulement qui a commencé sérieusement en Serbie à s’occuper des réfugiés et des personnes déplacées, qui a soutenu les handicapés, qui s’est occupé de sensibilisation à l’écologie ? Rappelons-nous aussi les discussions sur les micro-crédits, ce qui n’était alors qu’une utopie. Il y avait aussi toute une série d’institutions non gouvernementales orientées vers la recherche, les projets de développement, les sondages de l’opinion publique, les besoins sociaux, la reconstruction de la société serbe après la période Milosevic. L’importance du secteur associatifD : Depuis 2000, le secteur non gouvernemental n’a pas réussi à faire adopter une loi sur les associations, qui réglementerait la création et les activités des ONG... S.L. Malheureusement, certaines affaires très importantes n’ont pas été faites : la loi sur les ONG est une loi systématique et celui qui ne le comprend pas fait une grande erreur. Le Forum avait préparé un des meilleurs textes de loi pendant la période Milosevic. Le Conseil de l’Europe a donné ses observations et nous avions alors une très bonne base de travail. Lors d’une dernière réunion entre le défunt Premier ministre Zoran Djindjic et les représentants des ONG, la question de la loi a été soulevée. Vladan Batic, le ministre de la Justice, a répondu que alors que « la loi attendait d’être adoptée à l’assemblée ». Apparemment, elle attend toujours. Ni le gouvernement ni le Parlement n’ont compris l’importance de cette loi. Sans vouloir être être un fondamentaliste du secteur non gouvernemental et dire que c’est la loi la plus importante qui n’a pas été adoptée, je pense néanmoins qu’elle est très importante, car elle concerne la société elle-même. D. : Quel est l’avenir du secteur gouvernemental ? On sait qu’ il est indispensable, les droits de l’homme des « autres » sont menacés, ceux des minorités notamment, on note de nombreux cas de tortures par la police, il est nécessaire que certaines organisations d’experts continuent leurs activités, les bailleurs de fonds s’en vont ... S.L. : La loi doit réglementer les questions fondamentales du statut des ONG ; viendront ensuite les actes légaux relatifs aux privilèges fiscaux pour le secteur non gouvernemental. D. : Zoran Djindjic avait également annoncé une chose semblable ? S.L. : En effet, et il le pensait très sérieusement car il avait compris que ce secteur était le moteur de l’avenir. Donc, il faut tout d’abord fixer le statut, les règlements, mais aussi la manière de financer les ONG. Nous savons que dans la plupart des pays occidentaux un pour cent des ressources fiscales est alloué à ce troisième secteur. En Croatie par exemple le soutien aux ONG est financé par le budget public. Chez nous, il y a aussi des exemples positifs, en l’occurrence le Conseil exécutif de Voïvodine avait lancé un genre de concours, comme ceux du Fonds Open society, invitant les ONG à présenter leurs projets. Tout le monde dit qu’il y a trop de ONG en Serbie, mais en fait il n’y en a pas assez. Cependant, le destin des ONG dépendra du fait qu’elles sont suffisamment intéressantes pour cette société, afin que celle-ci les soutienne. Malheureusement, la société est très pauvre. Il est vrai que de nombreux donateurs quittent la Serbie, mais d’autres possibilités s’ouvrent pour demander des fonds non seulement auprès des donateurs dans le pays, mais dans le monde. Notre manière de penser doit être différente. Il faut nous tourner vers les besoins de notre société. Comment faire face à nos phobies, de la xénophobie à l’homophobie et au racisme, mais aussi aux problèmes sociaux. Un homme qui a de terribles problèmes d’ordre social et se demande s’il peut survivre seulement du 1er au 15 du mois, est souvent enclin aux phobies car il est angoissé, il déborde d’une énergie négative qui peut l’entraîner à la destruction. De même, il faut nous orienter plus sur la collaboration régionale qui est pour nous un cadre indispensable, non seulement parce que l’Europe nous le demande, mais parce qu’elle représente pour nous un espace naturel d’activités. Bien sûr, les problèmes sont là mais les possibilités aussi. Plus tôt nous fonctionnerons comme une région, plus vite nous inciterons les investissements. Les craintes et les incertitudes héritées ne seront pas surmontées si les citoyens ne le font eux mêmes. |
![]() Serbie : la mort annoncée
d'une centrale électrique Publié dans la presse : 5 juillet 2003 On sait bien que notre situation énergétique est difficile. Selon tous les pronostics, elle risque de devenir encore plus problématique, parce nos centrales électriques sont toutes en fonctionnement depuis trop longtemps. Par Dragan Todorovic Les appareils qui produisent 600 mégawatts par an à Obrenovac s’arrêteront avant 2010, et on envisage la construction de nouvelles structures. Les investisseurs étrangers ne pensent pas que nous en avons besoin parce que le bilan énergétique de la région est positif et que nous pouvons importer l’électricité dont nous avons besoin. Nous avons néanmoins décidé de planifier et nos experts recommandent la construction de nouvelles centrales thermiques. Cela ne sera pas facile et il faudra choisir entre deux solutions : terminer la centrale thermique Kolubara B à Kalenic, près de Ub dans laquelle il a déjà été investi 375 millions de dollars, ou construire le bloc B du TENT (Centrale thermique Nikola Tesla) à Obrenovac. Les analyses indiqueront le bon choix, mais se pose la question de savoir si analyser n’est pas une perte de l’argent, puisque les investisseurs ont déjà dit non. Le président du Comité d’administration de l’Electricité de Serbie (EPS), Nikola Rajakovic a dit que la décision sera prise par les experts. Il ajoute que 375 millions de dollars ont été dépensés pour « Kolubara » et qu’il faudra dépenser encore 400 millions pour réaliser deux secteurs de 350 mégawatts chacun. Il se plaint de l’équipement obsolète et ajoute que la construction de 800 mégawatts prévus à Obrenovac demande plus d’un milliard de dollars. Selon Rajakovic, l’argent et les crédits ne poseront aucun problème dès que l’EPS sera revitalisée. Les différents paramètres Le dilemme en question a entraîné des réactions des habitants et des autorités de Ub. Il a été organisé un colloque avec des informations sur « Kolubara B » : 700 mégawatts de puissance éléctrique, 760 de puissance thermique, valeur totale 700 millions de dollars. La construction commencée en 1987. En 1991, la Banque Mondiale a accordé un crédit de 300 millions de dollars, mais le projet est interrompu en 1992, à cause de la situaiton politique en Serbie. La construction s’est poursuivie quatre ans plus tard, avec un crédit de 100 millions de dollars par la République Tchèque pour la construction en acier, les générateurs et les transformateurs. Il manque encore 400 millions de dollars en 3 ou 4 ans pour terminer les travaux. La centrale thermique est installée dans la proximité de l’houillère ce qui facilite la remise des cendres et du mâchefer. 35 000 tonnes de l’équipement sont actuellement stockées sur le chantier. Durant le colloque, le directeur de Kolubara, Mile Mazalica, a précisé que la décision d’arrêter la construction n’avait pas été prise, mais qu’il manquaient d’argent. Sava Saric, le maire de Ub a dit que la communauté locale doit connaître l’avenir de la centrale, parce que le charbon est produit en continuité. Ljubo Macic, directeur du secteur de développement et des investissements de l’EPS, a explique qu’au moment de la prise de décision sur la construction de Kolubara, il n’y avait pas de dilemme sur les besoins énergétiques et que 600 millions de dollars ont été destinés à cela. Maintenant, il n’y a plus d’argent. Macic a expliqué qu’une expertise décidera du choix entre Kolubara et Obrenovac et que tout sera connu avant le début de l’année prochaine. Ljiljana Hadzibabic, le vice-ministre de l’Energie, a expliqué aux participants du colloque que les investisseurs n’ont pas voulu entendre parler de Kolubara B et qu’il fallait prouver le besoin de nouvelle puissance. Même si Kolubara B figure dans tous les documents et les plans du ministère, les paramètres des étrangers sont différents et il leur faudra prouver sa rentabilité. L’ex-président du Comité d’administration de l’EPS, Naumov a parlé des carences de la politique énergétique, de l’instabilité sociale, de la dépendance énergétique… Ljubisa Brkic, président du CA de TENT a dit que les comités d’administration ne décidaient pas du financement, mais qu’il soutenait personnellement la poursuite de la construction de la centrale, parce qu’il ne faut pas gaspiller 400 millions de dollars. Il a dit que l’Occident ne savait pas évaluer et que la dépense de l’électricité augmentera. Brkic dit que le TENT a produit l’année dernière 17 milliards de kilowatts de l’électricité dont l’Etat a obtenu trois milliards pour les impôts. On évoque les cercles qui font du profit grâce à l’exportation de l’électricité, des 20000 travailleurs à licencier dans l’EPS, des problèmes de payement des frais de l’électricité, du risque de l’investissement etc. Questionné sur l’avenir de Kolubara B, Macic a répondu que l’EPS pourra en décider seulement quand il aura suffisamment de l’argent. La vice-ministre Ljiljana Hadzibabic a expliqué que le TENT a pris une décision autonome d’entrer en concurrence avec Kolubara et que les étrangers seront plus facilement convaincus à investir dans TENT que dans Kolubara parce qu’il est difficile de découvrir à qui elle appartient. L’ancien maire de Ub et représentant du Parti démocrate-chrétien (DHSS) a élevé la voix en disant que le peuple ne le permettra pas. Comme un miroir Nous sommes partis visiter la centrale Kolubara à Kalenic. Une route, un tableau d’indication, deux hauts tours avec une grue de chantier à côté. Le siège administratif fonctionne et le bureau de directeur Mazalica est très grand et confortable. Il n’a pas été décidé d’arrêter la construction, mais il n’y a plus d’argent et tout dépend de l’Etat et de sa stratégique énergétique manquante. Le projet de construction figure dans le plan à moyen terme de l’EPS. Deux études sur la rentabilité de Kolubara et de Obrenovac sont en cours et leur coût est de 300 000 dollars. Elle décideront de l’avenir. L’équipement est dans un bon état et régulièrement entretenu. L’année dernière, les frais des investisseurs et l’entretien de l’équipement étaient de 2 millions de dollars. Les travaux préparatoires ont déjà été faits : les routes, l’infrastructure, les bâtiments d’assistance, les stocks, le chemin de fer, la construction en acier, les transformateurs y sont déjà. L’équipement de mesurage, de régulation et de commandement a été payé 11 millions de dollars, mais il est déjà vieux. De plus, la région est déjà suffisamment couverte de l’énergie électrique. Dans le couloir du siège administratif, nous avons rencontré un visage connu – celui de Dragisa Jankovic, ancien maire socialiste de Ub et député national, actuellement employé au secteur des finances. Il nous explique qu’on ne peut pas comparer Kolubara avec les investissements déjà placés et la troisième partie d’Obrenovac dont la construction n’a pas encore commencé. Il dit que ce serait obliger à l’avortement une mère en cinquième mois de grossesse à cause d’une autre qui a à peine conçu son enfant. Nous croisons également l’ingénieur Sveta Kujundzic qui a dirigé la construction de nombreuses centrales électriques du pays et à l’étranger. Il ne croit pas aux compétences de la direction et du ministère et dit que tout le monde est guidé par les intérêts. Après la visite, nous nous décidons d’appeler Matic, le représentant du DHSS qui nous a promis un entretien. Il nous informe qu’il a réfléchi un peu et qu’il a changé d’avis : il n’y aura pas d’entretien, il réagira seulement après notre article, par une lettre officielle |
![]() Serbie : les risques de la lutte contre la mafia TRADUIT PAR PIERRE DÉRENS Publié dans la presse : 4 avril 2003 La répression contre la mafia est aussi une menace sur la fragile démocratie naissante du pays.
Par Gordana Igric Les dirigeants serbes ont reçu un large soutien des médias et de l'opinion publique pour l'imposition de l'état d'urgence qui vise à éradiquer la mafia et à mettre fin pour de bon à l'ère Milosevic, à la suite de l'assassinat du Premier ministre Zoran Djindjic le 12 mars dernier. Mais en dépit d'un succès évident, il y a déjà des signes que certains se servent de la volonté de changement non seulement pour lutter contre la pègre, mais aussi pour faire taire des médias, pour lutter contre des ennemis politiques, pour réformer à nouveau l'appareil judiciaire, et pour trancher de vieux différends personnels. Il semble même qu'ils sont pressés de rafistoler autant qu'il est possible leurs propres affaires, sous l'état d'urgence. Dans une décision qui fleurait bon le régime de Tito, les autorités ont annoncé le 2 avril qu'une commission spéciale avait été mise au point pour rechercher ceux qui critiquaient le gouvernement et l'action de Zoran Djindjic, de 2001 à son assassinat. Initiée par le ministère de l'intérieur et organisée par celui de la culture, avec l'aide de certains journalistes, cette commission a l'intention de prouver que certains au niveau des médias, savaient que l'assassinat aurait lieu, et qu'ils étaient de mèche avec la mafia. La triste vérité veut qu'il aurait fallu être sourd, muet et aveugle en Serbie pour ne pas voir ce qui arrivait et ne pas craindre ce qui allait advenir. Les reportages dans la presse et les spéculations publiques sur un affrontement inévitable entre Zoran Djindjic et la mafia étaient à l'ordre du jour. Pendant deux ans, le Premier ministre assassiné a reporté la lutte contre la pègre, ce qui a aidé la progression de son influence et a conduit à une criminalisation grandissante de toute la société. Cela devenait menaçant. Ce que la commission découvrira, mettra en danger la liberté de la presse. Il est vraisemblable qu'elle étiquettera des journalistes comme collaborateurs de la mafia, ce qui servira d'avertissement aux autres de ne pas rechercher les liens possibles qui ont existé entre des responsables et la mafia. Ces liens ont été le sujet des spéculations des médias pendant des mois avant l'assassinat, surtout dans ces publications censées soutenir le rival de Zoran Djindjic, Vojislav Kostunica, dirigeant du Parti Démocratique de Serbie (DSS). Avant que la commission ne soit établie, plusieurs décisions douteuses de faire taire les médias ont été prises. La TV Leskovac dans le sud de la Serbie, a reçu une lourde amende pour avoir retransmis un entretien avec un responsable de la DSS qui a fait des commentaires sur l'enquête en cours sur l'assassinat de Zoran Djindjic et critiqué l'état d'urgence. Dans la ville de Sombor au nord du pays, le rédacteur en chef du journal local Somborske Novine, édité par la ville, a été remplacé, sans autre forme de procès. De même, la privatisation de B 92, que faisait marcher le vieux lutteur contre Milosevic, Veran Matic, a été bloquée le 27 mars. Sans explication d'aucun ordre. Veran Matic qui a maintenu ses positions indépendantes, après la chute de Milosevic, a été souvent dans le passé en butte aux critiques des alliés de Zoran Djindjic qui, maintenant semblent se liguer contre lui. Tout de suite après l'assassinat de Zoran Djindjic, le gouvernement a pris la décision de fermer deux journaux, Identitet et Nacional, et a interdit la diffusion du quotidien du Monténégro, Dan, en Serbie. La communauté des médias indépendantes de Belgrade, qui luttait contre Milosevic, n'a pas essayé de les aider, pour un grand nombre de raisons. Identitet apparaissait comme proche de Milorad « Legija » Lukovic, ancien commandant de l'unité spéciale de la police, les Bérets rouges, accusé de l'assassinat de Zoran Djindjic, et en fuite. Nacional, un tabloïd très lu, a souvent été critiqué pour avoir publié des informations fausses et avoir attaqué le gouvernement de Zoran Djindjic. Aujourd'hui le gouvernement affirme que ce journal avait eu des liens avec le gang de Zemun, que l'on soupçonne d'être responsable de l'assassinat du Premier ministre. Le rédacteur en chef du Nacional, Predrag Popovic, prétend que des responsables le harcelaient depuis des mois, lui envoyaient la police financière ou bien faisaient pression sur des sociétés pour qu'elles ne donnent pas de placards publicitaires au journal. Tout comme aux beaux jours de Milosevic. Quelle que soit la vérité, l'état d'urgence et l'absence de toute enquête sur les médias ont conduit à la liquidation en silence, du journal le 2 avril. Cette situation préoccupante dans les médias intervient après une descente de police réussie contre les criminels de l'ère de Milosevic et le gang de Zemun. En deux petites semaines, beaucoup de ce qui avait été espéré pendant de longues et sombres années, alors que Vukovar était bombardé, Sarajevo assiégé et les Kosovars chassés de chez eux, a été réussi. Les Bérets rouges, responsables de tant de crimes dans le passé, ont été démantelés. Deux mille criminels ont été arrêtés. Les restes d'Ivan Stambolic, symbole de la situation normale de la Yougoslavie d'avant Milosevic, ont finalement été découverts. Et les diplomates occidentaux soutiennent plus que jamais les autorités serbes. Les personnages de l'ombre de l'ère Milosevic, Jovica Stanisic et Franko Simatovic sont maintenant en prison. La coopération avec le tribunal de La Haye paraît acquise. Même les investisseurs étrangers, qui tournaient le dos à la Serbie, paraissent maintenant désireux de l'aider. Mieux encore, la Serbie Monténégro a été acceptée cette semaine au Conseil de l'Europe. Ces énormes réussites expliquent pourquoi la majorité des journalistes serbes semblent avoir accepté les règles sévères de reportage dans le cadre des restrictions actuelles. La plupart sont naïvement prêts à échanger leur liberté afin de se débarrasser pour de bon de l'héritage de Milosevic. Personne n'a poussé de haut cri. De toute évidence, ceci va encourager ceux qui au gouvernement veulent s'appuyer sur l'ambiance dominante pour procéder de ce pas à régler de vieux conflits personnels. Et pas seulement avec les journalistes avec lesquels ils avaient eu un différent dans le passé. Les autorités se sont employées à nettoyer l'appareil judiciaire des anciens juge de l'ère mafieuse, mais beaucoup de ceux qui, s'étaient battus contre Milosevic et son administration ont été mis à la retraite ou sur la touche. Une justice indépendante est, maintenant impossible. On prépare un code criminel draconien, sans débat public. Les militants internationaux des droits de la personne s'inquiètent fort de la façon dont les 2000 suspects ont été arrêtés. La clause de nécessité dont a pu se targuer le ministre de l'intérieur pour détenir des gens jusqu'à 30 jours sans pouvoir consulter un avocat pose une grave question. Étant donnée la réputation de la police serbe sur la torture, la détention de centaines de suspects sans représentation légale ne peut être que désastreuse. En plus de cela, le ministre de la Justice Vladan Batic a récemment suggéré que la peine de mort soit réintroduite pendant l'état d'urgence. Pour beaucoup, cela serait un moyen approprié pour se débarrasser de ceux qui pourraient gêner le gouvernement actuel. Malgré l'insistance des autorités sur le fait que les deux suspects du meurtre de Zoran Djindjic, Dusan « Shiptar » Spasojevic, le chef du gang de Zemun, et Milivoje « Kum » Lukovic, membre lui aussi du gang, ont été tués pendant leur arrestation, on a déjà suggéré qu'ils ont peut-être été exécutés. Peu importe ce qui s'est passé, il est cependant dommage qu'ils ne puissent pas témoigner au tribunal. Ce qu'ils auraient pu dire aurait été déterminant sur l'ère Milosevic ainsi que sur certains aspects des plus sales de ces deux dernières années de gouvernement démocratique. Et voici enfin le processus de privatisation en route ! Le gouvernement a décidé que cela continuerait pendant l'état d'urgence Cela en a alarmé certains, puisqu'en l'absence d'observation adaptée par les médias, on ne peut pas savoir vraiment si les appels d'offre sont authentiques. Pourquoi le gouvernement a-t-il pris de telles décisions rétrogrades au lieu de conduire la Serbie vers la démocratie, pour la première fois depuis des dizaines d'années ? La réponse est à trouver parmi ceux qui se sentent vulnérables parce que Zoran Djindjic était si important pour les garder ensemble, et qui se servent de l'état d'urgence pour consolider leur position et leurs intérêts avant que ne se stabilise la situation politique et qu'aient lieu de nouvelles élections. Le Parti démocratique de Zoran Djindjic (DDS) est très intéressé à utiliser les conditions actuelles, car il peut être marginalisé après la mort de son dirigeant. Une autre raison des actions du gouvernement est que ses membres ne veulent pas assumer la responsabilité de ce qui s'est passé en Serbie ces deux dernières années (i. e : la mafia, la corruption, les criminels de guerre arpentant librement les rues). Au bout du compte personne n'a senti le besoin de démissionner après l'assassinat de Zoran Djindjic. Ses ministres et ses responsables se conduisent comme s'ils venaient de se réveiller d'un long coma pour s'apercevoir avec étonnement que la Serbie est mafieuse. Ceci n'est pas très clair, car un grand nombre d'entre eux tenaient des positions importantes et de pouvoir sous Milosevic. Ils auraient dû faire plus pour lutter contre la mafia après sa chute. Ne prenons qu'un exemple : Dusan Mihajlovic. Il était le dirigeant d'un petit parti, le Nova Demokratija. C'était un homme d'affaires qui réussissait. Il était alors ministre de la Police. En 1995, après la signature des accords de Dayton, Milosevic a perdu la majorité au Parlement, ce qui amenait beaucoup à penser que son temps était terminé. Toutefois Dusan Mihajlovic, qui était dans l'opposition à l'époque, est monté à bord, s'est allié à la coalition de Milosevic, fournissant au régime quelques années supplémentaires de rapine et une guerre au Kosovo. Par la suite, Dusan Mihajlovic a viré de bord à nouveau et il est devenu ministre de l'Intérieur du nouveau gouvernement. Ces deux dernières années, il n'a arrêté aucun gangster notoire et les criminels de guerre continuent de marcher dans les rues. Ce dont la Serbie a besoin maintenant, c'est d'une rupture franche avec son passé. |