Voïvodine : presse

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Après l’élection de Nikolic, peur et incompréhension chez les minorités de Voïvodine 

Traduit par Persa Aligrudic Publié dans la presse : 10 mai 2007

L’élection de Tomislav Nikolic à la présidence du Parlement serbe inquiète les minorités de Voïvodine. Nombreux sont ceux qui se rappellent le climat de haine et d’insécurité qui régnait dans la province à l’époque de Milosevic. L’Union des Hongrois de Voïvodine (SVM) souhaite dès maintenant constituer « un front commun qui soit capable d’orienter la Serbie vers l’Europe ».

Par R.D.

La majorité des présidents des différents conseils nationaux en Voïvodine estime que l’élection du candidat radical, Tomislav Nikolic, à la présidence du Parlement de Serbie pourrait entraîner une montée du nationalisme et de l’extrémisme dans le pays, et par conséquent provoquer des incidents entre les différentes communautés.

Le coordinateur des conseils nationaux des minorités en Voïvodine et président du Conseil national des Hongrois, Laslo Joza, estime que l’élection de Nikolic à la présidence du Parlement et l’absence de gouvernement représentent « un signal négatif très fort envers l’Europe ».

L’Union des Hongrois de Voïvodine (SVM) a adressé une lettre aux présidents de tous les partis proeuropéens de Serbie, c’est-à-dire à ceux qui n’ont pas soutenu l’élection de Tomislav Nikolic. L’objectif est d’entamer rapidement un dialogue pour créer un front commun qui soit capable d’orienter la Serbie vers l’Europe pour empêcher ainsi de revenir aux années 1990. Istvan Pastor, le leader du SVM, estime que les élections sont la seule issue pour sortir de la situation actuelle. Lorsqu’il s’est adressé pour la première fois aux journalistes après son élection à la présidence du SVM, il a exprimé son désappointement face au langage haineux du Parlement.

« Nous étions convaincus que cela n’arriverait plus jamais dans ce pays. Or, avec l’élection de Tomislav Nikolic à la présidence du Parlement, la porte est ouverte à un retour des années 1990. Le pays risque de nouveau d’être isolé et de plonger dans le désespoir » a déclaré le leader du SVM.

La présidente du Conseil national des Slovaques, Ana Tomanova Makanova, a déclaré qu’elle ne serait pas surprise que des incidents entre communautés surviennent de plus en plus souvent. Elle a rappelé que dans les années 1990, les radicaux du Parlement adressaient les messages suivants aux membres des minorités nationales : « Nous donnerons aux Hongrois un sandwich et deux aux Slovaques - vous avez déjà vos mères-patries hors de Serbie ! ».

L’Union démocratique des Croates de Voïvodine estime que la Serbie, avec l’élection de Tomislav Nikolic, entre dans une période d’incertitude qui va surtout affecter les minorités croates. Les membres du SRS ne les ont jamais acceptées. Le député et président de ce parti, Petar Kuntic, souligne qu’il serait désastreux de voir de nouveau apparaître la peur chez les minorités croates.

Le président du Conseil national des Roumains, Daniel Petrovic, signale que les Roumains ne sont pas heureux car « la montée du nationalisme est de nouveau visible en Serbie ».

Enfin, le président du Conseil exécutif de Voïvodine, Bojan Pajtic, estime que l’élection de Tomislav Nikolic à la présidence du Parlement de Serbie pourrait détruire « la bonne atmosphère qui règne en Voïvodine ». « Je suis certain que l’élection de Nikolic va encourager les divers extrémistes et nationalistes », a averti Pajtic.

Dulic Markovic : « nous ne sommes pas une province russe »

La vice-présidente du G17 Plus, Ivana Dulic Markovic, a déclaré lors d’une conférence de presse que l’élection d’un radical à la présidence du Parlement de la république « introduit l’inquiétude parmi tous les citoyens de Voïvodine. Ils ont eu une mauvaise expérience des années 1990, non seulement en raison du climat d’intolérance et de haine entre les peuples, mais aussi à cause de la pauvreté, de l’incertitude générale et de la peur qui ont caractérisé cette période ». Elle a exprimé l’espoir « qu’un gouvernement démocratique soit bientôt formé », en soulignant que le « G17 Plus voit l’avenir de la Voïvodine et de la Serbie en Europe. Nous ne sommes pas une province russe ».

 

 

Serbie-Voïvodine : l’histoire d’un long malentendu 

Traduit par Persa Aligrudic Publié dans la presse : 22 octobre 2006

« Une mère patrie conservatrice et sa province libérale », c’est ainsi que sont souvent présentées les relations entre la Serbie et la Voïvodine. L’expérience historique n’a pas été la même, et les projets politiques diffèrent, ce que révèlent à nouveau les débats autour de la nouvelle Constitution serbe. Entretien avec l’historien Mirko Grlica sur les causes des incompréhensions serbo-voïvodiennes.

Propos recueillis par Vesela Lalos

« Ce qui est proposé dans la nouvelle Constitution a sûrement plus à voir avec celle de Milosevic qu’avec ce que la Voïvodine avait obtenu par la Constitution de 1974. Toutefois, il me semble que la manière dont la Constitution sera adoptée est beaucoup plus importante encore, étant donné que l’opinion publique est pratiquement exclue du débat public », explique l’historien de Subotica Mirko Grlica, qui traite l’étude de l’histoire politique de la Voïvodine.

« Malheureusement, cela fait partie d’un problème essentiel concernant l’autonomie de la Voïvodine, relié à la genèse du développement historique du peuple serbe en Voïvodine et du peuple serbe en Serbie au cours des deux cents dernières années. Leurs routes se sont en beaucoup de points éloignées depuis la moitié du XIXe siècle et c’est dans ce fait que se trouve la cause de la mésentente actuelle », constate Grlica. Il ajoute : « Les Serbes de Voïvodine, dans le cadre de la monarchie habsbourgeoise du XVIIIe siècle, ont eu un développement continuel, leur classe bourgeoise s’est formée et au cours du XIXe siècle elle s’est clairement définie comme une subjectivité politique, ce qui a aussi eu pour résultat que cette partie du peuple serbe participait à la vie politique et culturelle de la monarchie austro-hongroise à égalité avec le reste de la population et leur a permis de vivre entièrement les expériences européennes et démocratiques du monde moderne. Cela les différencie considérablement de leurs concitoyens de Serbie qui, au XIXème siècle, ont vécu une longue et épuisante lutte pour créer leur Etat, pratiquement une lutte pour la survie et de l’Etat et du peuple, ce qui les a laissés dans un cadre d’idées politiques conservatrices. Cette différence va par la suite devenir la clé d’une mésentente entre les Serbes de Voïvodine et les Serbes de Serbie ».

DANAS (D) : Le fait est que les autorités n’ont pas donné de bon gré l’autonomie à la Voïvodine, dans la période précédente non plus. De quelles manières l’autonomie voïvodienne a-t-elle été limitée pendant les décennies passées et pourquoi ?

Mirko Grlica (M.G) : Dans le Royaume des Serbes, des Croates et des Slovènes (SCS) et en Yougoslavie, l’idée d’autonomie a été limitée pour une raison très simple : sur ce territoire, les Serbes représentaient moins de la moitié de la population totale, et politiquement, l’autonomie de la Voïvodine ne pouvait absolument pas être inclue. Entre les deux guerres mondiales, les dirigeants du Parti radical [1] disaient souvent que toutes les régions du royaume de Yougoslavie pouvaient obtenir l’autonomie mais que seule la Voïvodine ne pouvait l’obtenir et ce justement à cause de sa composition multinationale qui faisait automatiquement écarter la problématique des minorités. Cela se voit aussi par le fait que les Hongrois sont restés sans leurs droits fondamentaux d’électeurs jusqu’en 1927.

La tradition de l’autonomisme D : Par conséquent, le mouvement pour l’autonomie, ou l’autonomisme, n’est pas chose nouvelle dans l’histoire de la province. Quand est-il apparu et sous quelles circonstances historiques ?

M.G : Si l’on exclut les désirs du peuple serbe d’obtenir son autonomie territoriale dans le cadre de la Hongrie méridionale, les efforts les plus actifs entrepris pour l’autonomie ne surviennent qu’après la Première guerre mondiale et l’annexion au Royaume des SCS. Les attentes sincères des habitants slovènes en Voïvodine après l’annexion sont vite devenues vaines lorsqu’ils sont entrés en conflit avec les solutions concrètes proposées par Belgrade. La Voïvodine, après l’annexion, a rapidement été accablée d’impôts. On comptait 22 sortes d’impôts différents et le plus contesté était le soi-disant impôt de guerre, qui du reste était payé par les pays vaincus, ce qui amène à la conclusion que la Voïvodine était considérée comme un territoire occupé. Cela reflète aussi toute l’incompréhension entre la Serbie et les Serbes de Voïvodine. D’ailleurs, la plus grande part de ces charges a été supportée justement par les Serbes voïvodiens. Par exemple, en 1919, la famille Dundjerski a dû payer des impôts s’élevant à 16 millions de couronnes.

Ce qui témoigne aussi du traitement que subissait la Voïvodine. Souvent dans les organes d’Etat, on nommait des cadres de Serbie, en général non qualifiés, des fonctionnaires corrompus, et les salaires du personnel enseignant en Serbie et en Voïvodine marquaient d’énormes différences ; on peut énumérer beaucoup d’autres exemples qui sont oubliés dans notre historiographie serbe actuelle.

Ce sont quelques unes des raisons qui sont à l’origine du mouvement pour l’autonomie territoriale de la Voïvodine, tandis que le mécontentement dû à l’attitude de Belgrade voit le jour au sein du Parti Démocratique en Voïvodine. En plus des raisons économiques, d’autres apparaissent plus tard, comme par exemple la suppression de l’autogestion des villes qui a également été l’un des courants qui a contribué à l’évolution de la conscience civile. Or, aucun parti n’a jamais eu suffisamment de force dans ses rangs pour mettre cette question sérieusement à l’ordre du jour et définir ce programme autonome jusqu’au bout.

En réalité, tout le problème de l’autonomie était relié à la question nationale, et il semble que la seule tentative différente soit celle de Blasko Rajic, un prêtre de Subotica qui a essayé de s’élever au-dessus de cette question nationale et de créer un parti autonomiste original. Mais, comme par ailleurs il reposait sur la religion catholique, cette tentative a également échoué, de nouveau à cause de la diversité et de la division nationale de la Voïvodine.

Cependant, la conscience de la spécificité de la Voïvodine est présente dans toutes les les couches de sa population, précisément du fait des raisons indiquées ci-dessus, mais en fait il n’y a jamais eu une masse suffisamment critique pour que cette question soit traitée au niveau de l’Etat. Les raisons résident surtout dans -le fractionnement national de la province, où aucune nationalité n’avait la majorité.’Il était plus facile pour toutes ces communautés nationales de définir leurs besoins de façon interne.

D : La Voïvodine a connu son plus grand développement économique au sein de l’Autriche-Hongrie. Avait-elle alors une certaine forme d’indépendance ?

M.G : Non, il n’y avait pas d’autonomie, mais ce qui est caractéristique pour ce territoire qui représente l’actuelle Voïvodine est le fait qu’elle avait un traitement égal avec les autres parties de l’empire. En tant que partie de cet Etat, les Serbes possédaient tout ce qu’avaient les autres nations : institutions culturelles, littérature dans leur langue, revues, arts développés, ce qui a pratiquement formé l’embryon de la culture serbe sur ces espaces. En tant que grenier à blé de l’empire qui nourrissait une grande partie du pays, la Voïvodine avait un statut spécial dans l’économie, de sorte que d’importants investissements y ont été faits.

La monarchie habsbourgeoise était consciente de l’importance de la Voïvodine, c’est pourquoi un réseau de chemin de fer très développé y a été construit ainsi qu’un système d’irrigation par canaux, ce qui a fortement stimulé son développement économique. Actuellement, nous avons une situation contraire, on prend en Voïvodine ce dont on a besoin, probablement selon l’ineptie reposant sur la thèse que c’est une région plus riche que les autres, c’est pourquoi on pense qu’il n’est pas nécessaire d’y investir. De plus, dans notre pays actuel il y a une méfiance constante envers cette région, tant envers le peuple serbe que pour tous ceux qui vivent en Voïvodine et cela se répercute également sur le plan économique.

[1] Le parti de Nikola Pasic, dominant dans la Yougoslavie royale.

 

 

Voïvodine : la coopération régionale prépare l’intégration européenne 

Traduit par Jasna Andjelic Publié dans la presse : 3 septembre 2006

Une conférence internationale sur le rôle des régions frontalières dans le processus d’intégration européenne s’est tenue à Novi Sad début septembre. L’occasion le rôle que peut jouer la coopération transfrontalière, et de plaider pour une autonomie accrue de la Voïvodine, déjà engagée dans d’importantes coopérations régionales.

Par R. B.

« Une bonne coopération transfrontalière efface les frontières entre les peuples, elle permet de développer les relations interethniques et économiques et garantit des liens stables entre les États. La maison européenne commune se construit sur le dialogue et la coopération entre les voisins, ce qui est particulièrement important pour les pays des Balkans occidentaux qui feront bientôt partie de l’UE ou seront ses voisins », a-t-on souligné lors de la conférence internationale sur « Le rôle des regions transfrontalières dans le processus d’intégration européennes » quis’est tenue débit septembre à Novi Sad.

Le président de l’Assemblée de Voïvodine Bojan Kostres a rappelé que cette région autonome était la partie de la Serbie qui deviendra dans un prochain avenir frontalière avec les pays de l’UE, et qu’elle travaillait à la creation d’un climat favorable pour la cooperation transfrontalière des régions, afin d’aider l’intégration européenne de la Serbie. Il a en meme temps mis en garde contre la présence de la xénophobie et de la peur de l’ouverture vers l’UE en Serbie. Son impression est qu’il n’y ait toujours pas de vision claire de l’avenir de la Serbie. Bojan Kostres souligne que la coopération transfrontalière est la base des intégrations européennes et que les liens entre le régions peuvent contribuer à la construction d’un esprit européen qui est l’objectif de l’UE.

« Le régionalisme n’est pas séparatisme »

« Le régionalisme n’est pas séparatisme, mais une voie normale de développement », a rappelé Bojan Kostreš, en citant la bonne coopération de la Voïvodine dans le cadre de l’eurorégion DKMT, dans celui du triangle Osijek-Tuzla-Novi Sad, ainsi qu’avec les regions d’Istrie, de Staier et de Bade-Wüirtemberg. La présidente de la délégation du Parlement européen pour la cooperation avec les pays de l’Europe du Sud-Est, Doris Pack, a reconnu les efforts de la Voïvodine pour sauvegarder la multiethinicité et le plurilinguisme, et elle a soutenu l’augmentation du degré d’autonomie de la Voïvodine dans la cadre de la Serbie.

« Le gouvernement de Serbie demande la décentralisation au Kosovo dans l’objectif de renforcer les autorités locales serbes. C’est pourquoi il devrait accorder plus d’autonomie à la Voïvodine. Il ne peut pas demander une chose au Kosovo et une autre chose en Voïvodine, parce que le renforcement régional n’est que le renforcement d’une structure dans le cadre de l’État serbe », a déclaré Doris Pack dans l’espoir que la conférence sera prise en compte par Belgrade. Le vice-président de l’Assemblée des régions européennes et préfet d’Istrie Ivan Jakovcic a souligné que les pays des Balkans occidentaux devaient faire partie de l’UE, parce que c’est la condition pour satisfaire les Balkans et l’Europe. « La coopération avec le TPI, le respect des droits de la personne et l’acceptation des valeurs européennes conditionnent le début des négociations et l’ouverture des perspectives européennes pour les pays des Balkans occidentaux », a rappelé Franz Schosberger, membre du Comité des régions de l’UE.. Il a dit que la Commission accorderait 5,6 milliards d’euros supplémentaires dans la période 2007-2013 pour l’adaptation et le développement des pays engagés sur la voie européenne ou des pays frontalières de l’Union, afin de diminuer les différences économiques. Un des sujets de la conference portaient sur les fonds structurels ouverts aux régions frontalières et transfrontalières ainsi que sur les possibilités d’utlisation de ces moyens important par la Voïvodine et d’autres parties de la Serbie.

 

 

Voïvodine : violente attaque des néo-nazis à la fac de Novi Sad
Traduit par Jasna Andjelic

Publié dans la presse : 11 novembre 2005

L’organisation néo-nazie Nacionalni stroj (Rang national) a violemment attaqué un colloque antifasciste à la Faculté de philosophie de Novi Sad. De tels incidents se multiplient dans la capitale de la Voïvodine. Le Président du Parlement régional met en garde contre cette « épidémie de primitivisme », qui ramène le pays aux pires moments des années 1990.

Par S. Stefanovic et R. Balac

La police municipale a arrêté vendredi après-midi un des membres de l’organisation néonaciste Nacionalni stroj, qui a attaqué avant-hier les participants et les visiteurs du colloque antifasciste à la Faculté de Novi Sad.

« La répétition impunie de ces exemples de violence à Novi Sad est une honte. On réhabilite l’idéologie nazie, on menace d’extermination physique non seulement les membres des autres ethnies, mais aussi tous ceux qui méprisent et rejettent cette idéologie arrierée », dénonce Bojan Kostres, président de l’Assemblée de la région autonome de Voïvodine au sujet de l’incident en question.

Une vingtaine de membres de l’organisation néo-nazie Nacionalni stroj ont fait irruption mercredi 9 novembre au soir dans le colloque intitulé « Menace fasciste », organisé à l’occasion de la Journée mondiale de la lutte contre le fascisme. Les jeunes hommes aux cheveux courts et en vestes noires ont giflé plusieurs peronnes présentes en menacant les organisateurs, et tout particulièrement le chef du Département de philosophie Milenko Perovic. En le traitant de « cochon oustachi », les néo-nazis ont promis au professeur « qu’ils l’attendront quelque part dans la nuit », et ils ont menacé d’attaquer son fils qui n’était pas présent dans la salle.

« La Serbie aux Serbes »

Les tracts jetés dans le public traitaient les participants et les visiteurs du colloque de « communistes attardés », qui devraient « se cacher dans des trous à souris » et contenaient le message explicite « la Serbie aux Serbes ». Les agresseurs sont partis après une dizaine de minutes. La police est arrivée à la Faculté de philosophie après leur départ pour interroger les organisateurs du colloque.

Un peu plus tard, au cours d’une bagarre durant le concert rock anti-fasciste au club Gradilište, un jeune homme a reçu un coup de couteau dans le coeur. Quatre personnes ont été légèrement blessées par le même agresseur mais, selon les sources officielles, cet incident ne serait pas imputable à Nacionalni stroj.

Le professeur Perovic dit qu’il ressent « une profonde indignation » après cette attaque, et que sa famille et lui ont un sentiment d’insécurité « dans cette société et dans cette ville à laquelle je me suis entièrement consacré ces 30 dernières années ». D’après lui, Nacionalni stroj est un groupe bien organisé et prêt à tout.

« Nous avons donné toutes les informations à la police et nous avons droit de nous attendre à une protection en tant que citoyens et membres de la communauté académique. Si la réaction de l’État, de la magistrature et de la police n’est pas adéquate et n’arrive pas au bon moment, il est facile d’imaginer que de tels incidents peuvent se reproduire », explique Milenko Perovic.

Le professeur Perovic explique que les membres de Nacionalni stroj ont d’abord giflé un des organisateurs, ils ont ensuite essayé de règler les comptes avec le cameraman. Quand Milenko Perovic leur a personnellement demandé d’arrêter ces attaques et d’assister au colloque de façon décente, « ils sont devenus agressifs, comme s’ils avaient reçu un ordre ».

« Ils ont commencé à me menacer, ainsi que mon fils qui n’était même pas présent, ils ont jeté leur materiel de propagande dans le public, certains ont levé les bras en faisant le salut fasciste. Ils ont ensuite dit que j’empoisonnais la jeunesse, qu’ils règleraint les comptes avec nous tous, que nous devions partir en Amérique, etc », raconte Milenko Perovic.

D’après lui, c’était une coïncidence incroyable que de faire un exposé théorique et philosophique sur les dangers et menaces que représente le fascisme pour toute société moderne et d’assister ensuite à la démonstration pratique de ce comportement.

Fascisation de la société

« L’objectif du colloque était de mettre en garde contre le danger latent de la fascisation de notre société qui a été bien prouvée par la suite. D’après mon expérience, les incidents sont toujours possibles, parce que le débat sur les problèmes aïgus de la société actuelle entraîne toujours les confrontations avec une des sources du mal », dit Milenko Perovic, en soulignant que le colloque s’est poursuivi normalement.

L’attaque des néo-nazis a été condamné par les plus hauts fonctionnaires de la région et de la ville de Novi Sad, ainsi que par la plupart des partis politiques.

« La Voïvodine est une région où cohabitent plusieurs peuples, avec six langues officielles, mais la droite radicale est au pouvoir dans son chef-lieu ce qui rend ces incidents moins surprenants qu’il ne le semblent au premier coup d’oeil. Le dernier moment est venu pour que tous les gens de bonne volonté, conscients de l’importance du développement de la tolérance dans la région prennent des démarches pour rejeter cet extrêmisme », affirme le president du Conseil exécutif de la Région autonome de Voïvodine, Bojan Pajtic.

Il rappelle que l’idée principale des nazis était de faire disparaître les Juifs et les Slaves du sol européen et qu’ils avaient commencé un programme d’extermination.

« Le comportement de ces gens démontre que non seulement nous sommes contaminés par le virus de la haine, en conséquence des guerres menées à la fin du XXème siècle, mais aussi que l’État ne fait pas suffisamment d’efforts pour éduquer les jeunes et punir ceux qui ne sont pas prêts à accepter les differences », poursuit Bojan Pajtic.

« Épidémie de primitivisme » à Novi Sad

Le maire de Novi Sad Maja Gojkovic (Parti radical serbe, SRS), qui est « en communication continue avec la police et insiste sur une arrestation rapide de ceux qui ont commis l’incident », condamne l’irruption au colloque « Menace fasciste ». Elle rappelle que de tels événements n’ont jamais eu lieu à Novi Sad et qu’il faut les rendre impossibles.

Elle exige que la police communique les résultats de l’enquête en toute urgence, puisque les fonctionnaires de la police de Novi Sad l’ont informée par téléphone qu’ils connaissaient l’identité des agresseurs.

Selon l’estimation de Bojan Kostres, « ce n’est pas par hasard que cet acte de violence a eu lieu à l’occasion de la journée internationale de lutte contre le fascisme : cela représente un message clair et précis montrant que le chauvinisme n’a pas encore disparu de notre région ».

« Le pouvoir serbe a montré un trop grand relâchement et une absence d’intention réelle d’entreprendre une action décisive pour mettre fin à la violence. Nous sommes témoins de l’apparition quotidienne de graffitis qui invitent au crime et au génocide. Les colloques et réunions néo-nazis qui ont lieu à Novi Sad suscitent l’inquiétude et la peur parmi les citoyens. On ferme les yeux consciemment devant un retour toujours plus évident vers les ténébres des années 1990, la période la plus honteuse de l’histoire serbe, et tout cela dans l’objectif de marquer des points politiques », souligne Bojan Kostres. Il conclut que « la coalition au pouvoir à la mairie de Novi Sad fait exprès d’ignorer cette épidemie de primitivisme bestial, et cela pour des raisons qui restent inconnues ».

« Malheureusement, en attendant que le pouvoir ne prenne des mesures concrètes, tous ceux qui optent pour une vie normale, la tolérance interethnique, la démocratie et la liberté, la Serbie et l’Europe sont en danger », conclut Bojan Kostres.

 

Lutte contre les violences domestiques : l’exemple de la Voïvodine
Traduit par Jacqueline Dérens

Publié dans la presse : 15 octobre 2005


Un projet qui voulait briser le tabou des violences domestiques, un secret bien gardé en Voïvodine, avait bien commencé, mais le manque de financement risque de le faire capoter. Certaines villes font pourtant preuve de volontarisme, comme Sombor.

Par Zaklina Zoldos

Tout avait bien commencé, mais les experts s’accordent à dire que sans moyens, la mise en place d’une coordination pour les équipes chargées de se saisir de ce problème dans 45 municipalités a peu de chance d’aboutir

Le projet, baptisé « Une vie sans violence », a été officiellement lancé par le médiateur de la province, Petar Teofilovic, en septembre. Il demande instamment aux autorités locales de mettre en place des réseaux entre la police locale, les juristes, les services sociaux, les écoles et les centres de santé. Ces réseaux devaient établir des données locales avec les noms des victimes et des bourreaux potentiels.

La violence domestique désignée comme un délit

Ce projet est issu de la Loi sur la Famille, qui est entrée en vigueur en Serbie en juillet. Pour la première fois, la violence domestique est désignée comme un délit.

Selon la loi, les délinquants peuvent être éloignés de leur famille, et les tribunaux ont l’obligation de prendre des décisions rapides avec effet immédiat. Si les changements semblent positifs, les critiques notent des vides et des faiblesses dans la stratégie.

Il faut évoquer le manque de fonds pour la campagne, le manque de personnel, les punitions trop faibles pour les délinquants et le sempiternel problème d’une société pour laquelle la violence domestique est un tabou.

La violence familiale est l’un des maux cachés de la société serbe. Selon une étude conduite par la Société serbe de victimologie, un tiers des femmes ont été victimes de violence physique, et cette violence est très souvent familiale. Les cas de violence familiale font rarement l’objet d’une plainte, et quand elles le sont, elles sont mêlées aux autres délits.

Beaucoup d’observateurs pensent que ce problème a pris de l’ampleur depuis les années 1990 à la suite des guerres menées dans l’ancienne Yougoslavie, l’afflux des réfugiés, la disparition des emplois traditionnels dans une période de transition économique et les phénomènes d’alcoolisme et de drogues qui sont liés à cette situation.

Selon le Secrétariat aux affaires intérieures de Novi Sad, en 2002, 2003 et durant le premier trimestre de 2004 on a enregistré 2591 incidents concernant des violences familiales. Mais les travailleurs sociaux estiment que cela n’est que la partie visible de l’iceberg car la plupart de ces cas de violence familiale ne sont pas enregistrés.

Beaucoup d’experts ont prévenu que le succès de la campagne « Une vie sans violence », en particulier la formation des équipes locales dépendait de l’argent qui y serait investi.

L’engagement des municipalités

Les municipalités ont porté le poids de la campagne, et elles doivent financer et mettre en place les équipes locales. Aucun fonds venant des autorités centrales n’ont été alloués pour couvrir le coût de la mise place des groupes de travailleurs sociaux, des juges, des policiers et autres personnels qui doivent être opérationnels 24 heures sur 24.

Certains disent que cela n’a pas coûté plus de quelques milliers d’euros par municipalité mais pour certaines autorités locales cette somme était au-delà de leurs moyens.

Le médiateur de la province, Petar Teofilovic, qui a lancé la campagne, espère que les municipalités s’arrangeront pour mettre de côté les fonds nécessaires pour mettre les équipes en place.

Jagoda Vjestica, adjointe au médiateur, reconnaît cependant que certaines municipalités renâclent par manque de moyens. « Je pense que notre campagne va piétiner s’il n’y a pas de soutien de la part des gouvernement locaux », ajoute Danica Todorov, une autre adjointe. « Si les institutions compétentes ne reçoivent pas les fonds dont elles ont besoin pour travailler et le jour et la nuit, quand ces incidents se produisent le plus souvent, rien ne changera ».

Douze municipalités sur les 45 de la province ont déjà signé des protocoles pour mettre en place les réseaux.

Ana Farkas, chef des services sociaux de Kovacica, dans le Banat central dit que sa municipalité avait signé un protocole et qu’elle espérait que les obstacles financiers seraient surmontés en utilisant des volontaires. Cependant le maire de Kovacica, Krisan Miroslav a déclaré qu’il n’avait jamais entendu parler du projet Une vie sans violence. Il se demande aussi pourquoi le médiateur avait lancé le projet avant d’avoir l’assurance des fonds nécessaires.

Le nombre et la qualité du personnel sera crucial pour la réussite du projet.

En Voïvodine, comme partout en Serbie, il y a une culture de la bureaucratie et de la paperasserie et pas assez de personnel qualifié à plein temps qui travaille dans les services sociaux.

Faiblesse des services sociaux

À Kanjiza, une ville d’environ 27 000 habitants, les services sociaux accueillent plus de 2000 personnes, mais ils ne disposent que d’un seul psychologue à temps partiel ; On ne peut pas s ’attendre à ce qu’un seul professionnel puise répondre à la demande. Opovo qui compte 11 000 habitants ne dispose que d’un seul travailleur social à temps plein. Étant donné la pénurie de personnel qualifié, il est difficile d’imaginer comment les autorités locales vont mettre en place des équipes de professionnels pour assurer un service 24 heures sur 24.

Un autre gros problème est le manque de maisons sécurisées pour les victimes de violence familiale. Il n’existe qu’une seule maison de ce genre pour toute la Voïvodine et elle est réservée aux enfants. Une maison pour les femmes est en construction près de Novi Sad.

Les experts cite aussi la légèreté des sanctions pour les délinquants comme une entrave au succès de cette campagne. En théorie les peines sont sévères, elles vont de l’amende à trois ans de prison, et les délits ayant entraîné la mort de la victime peuvent aller jusqu’à 10 ans de prison. Mais les juges les imposent rarement. La plupart du temps ce sont des peines avec sursis, « et ce n’est pas vraiment une punition », fait remarquer Zoran Pavlovic.

Légèreté des sanctions

Le Ministre de la justice de Serbie, Zoran Stojkovic est aussi très critique envers cette clémence des tribunaux. « Si l’on regarde notre législation, elle est très sévère... mais en pratique la Serbie est à égalité avec les autres pays pour la légèreté des sanctions ».

Peu de choses ont été faites aussi dans le domaine de la protection des victimes lors des procédures. Zoran Pavlovic fait référence à ce qu’on désigne sous le terme de « seconde victimisation » : « quand une victime doit revivre ses tourments à chaque nouvelle audience devant les diverses institutions. C’est pour cela qu’il y a si peu de plaintes ». La violence familiale est largement considérée comme une affaire privée. Elle reste dans le domaine du tabou et peu de victimes portent plainte pour inceste ou viol de peur d être victime d’une revanche ou d’une stigmatisation.

À Sombor, une ville d’environ 100 000 habitants, une campagne contre les violences domestiques est menée depuis deux ans avec succès. L’équipe locale est constituée d’un policier, d’un travailleur social et d’un psychologue. Le projet a démarré avec 2350 euros.

Avant que l’équipe ne soit mise en place, les services sociaux de la ville avaient eu affaire à seulement 15 cas de violence domestique par an. En 2004, elle a traité 524 cas, qui impliquaient 1939 personnes dont 600 enfants. En d’autre termes, 2 % de la population de cette ville a étié exposée à la violence domestique en 2004, soit une augmentation d’environ 33 % par rapport aux années

Campagne active à Sombor

« Cela ne veut pas dire que Sombor souffre s’une incidence plus grande de cas de violence domestique qu’ailleurs en Serbie. Mais ce chiffre est le résultat des efforts communs du centre social et de la police et de leur réaction par rapport à de tels incidents. Nous sommes disponibles 24 heures sur 24 et nous pouvons être sur les lieux une demi-heure après la plainte auprès de la police. Nous pouvons réagir immédiatement et nous protégeons les victimes », précise Silvija Kranjc, chef des services sociaux de la ville.

Milan Glumac, le chef de la police de Sombor, affirme que la mise en place du réseau de coopération a permis de rendre la procédure plus efficace. Avant, quand la police avait enregistré un cas de violence domestique, il fallait un délai d’un jour ou deux avant la visite d’un travailleur social dans la famille. Ces délais étaient dûs à la lourdeur de l’administration et à la paperasserie et avant l’arrivée du travailleur social, l’ambiance dans la famille avait complètement changée.

Les services de police et les services sociaux de Sombor pensent que leur modèle de coopération peut s’appliquer dans d’autres municipalités. Mais reste à savoir si la formule réussie de cette grande ville dynamique est applicable à d’autres. Dans beaucoup de petites villes pauvres, il faudrait un changement d’attitude spectaculaire face à ce problème et des moyens financiers à la hauteur... La Voïvodine devra certainement attendre encore un peu avant de voir des progrès dans le domaine de la lutte contre la violence domestique.

 

La Voïvodine et le drame des berceaux vides
Traduit par Pierre Dérens

Publié dans la presse : 6 octobre 2005

Si la tendance démographique actuelle se poursuit, la Voïvodine pourrait perdre un demi-million d’habitants d’ici 2050. Des villages entiers pourraient disparaître de la carte. Le gouvernement provincial a annoncé un train de mesures pour stimuler le taux de naissances, mais comment financer une politique nataliste sans en avoir les moyens économiques ?

Par Darko Sper

Les avis sont toutefois partagés sur ces mesures, qui doivent s’appliquer à partir d’octobre et renverser la tendance vieille de plusieurs décennies qui consiste à former de petites familles.

D’après le nouvel accord, à partir du 1er octobre, chaque famille de Voïvodine va recevoir une prime de 30000 dinars, soit un peu plus de 400 euros, à la naissance du premier enfant. Cette somme, juste au-dessus du salaire mensuel moyen, devrait être versée d’ici la fin de l’année à 10000 familles.

Cela n’est qu’une partie d’un ensemble plus vaste de mesures du Programme gouvernemental pour le Développement de la Démographie en Voïvodine.

Le gouvernement provincial se propose aussi de subventionner les crèches et de construire une nouvelle maternité, équipée d’un centre de traitement de la stérilité. En 2007, les mères de trois enfants auront un revenu assuré jusqu’au premier anniversaire de leur plus jeune enfant.

Ces mesures veulent répondre à la question dramatique du dépeuplement dans cette région du nord de la Serbie, qui a mobilisé les politiques, les sociologues et les psychologues.

Ces dernières années, en Voïvodine il y a eu 9000 décès de plus que de naissances chaque année, pour une population globale de 2,3 millions d’habitants.

Dans le monde, la Serbie est au neuvième rang pour le taux de naissances négatif Et l’âge moyen de la population serbe est le plus élevé en Voïvodine.

En 2005, un habitant sur quatre a plus de 65 ans

Novka Mojic, Secrétaire pour la Démographie, la Famille et l’Enfance du gouvernement de Voïvodine, affirme que toutes les municipalités ont des taux de natalité négatifs depuis quelque temps. En 2005, un habitant sur quatre en Voïvodine aura plus de 65 ans, ajoute-t-elle. Cela veut dire que la province risque de perdre rapidement undemi-million d’habitants.

Le nombre croissant d’avortements suggère que beaucoup de gens pourraient fonder une famille mais ne le souhaitent pas. Novka Mojic a souligné que les rapports officiels font état de 45 000 avortements chaque année en Voïvodine.

Elle pense même que la réalité n’est pas loin de 100 000 à 200 000 avortements par an, dans la mesure où les cliniques privées ne communiquent pas le nombre d’avortements qu’elles pratiquent.

Une étude du Docteur Ilija Gardasevic, spécialiste en médecine sociale au Centre de Santé de Zrenjanin, a démontré que certaines municipalités étaient plus peuplées au milieu du XIXe siècle que maintenant.

Ces trois dernières années, par exemple, il n’y a pas eu une seule naissance à Banatsko Visnjicevo, alors le village de Hetin, sur la frontière avec la Roumanie n’a pas connu un seul mariage en 2004. De tels villages ou d’autres sont près de disparaître.

En Voïvodine, l’âge de la maternité, ces dernières années est passé de la tranche 20/25 à la tranche 25/29 ans.

Incertitudes sociales et économiques

Sociologues et psychologues s’accordent pour mettre en cause, dans une période de transition économique, l’incertitude des revenus chez beaucoup de personnes.

Milica Velimirovic, psychologue au Centre de Création pour enfants de Zrenjanin, a précisé : « Quand on n’est pas sûr de la sécurité, comme c’est maintenant le cas dans notre période de transition, le stress s’installe et les gens ne fondent pas de famille parce que tout paraît difficile. Les jeunes parents pensent ne pas avoir assez d’argent, et un enfant, cela coûte cher ».

Les observateurs et les politiques ne sont pas tous confiants sur la possibilité d’arriver à renverser le processus et sont partagés sur le succès des mesures proposées par le gouvernement provincial. Cependant, Bojan Pajtic, chef du gouvernement de la province, affirme que récompenser les parents pour leur premier enfant était crucial.

« Le plus grand choc financier intervient à la naissance du premier, parce que le second ou le troisième récupère ce qu’a laissé le premier. La situation est tragique mais il nous faut tout faire pour alléger ce dont nous avons hérité. Non seulement la population diminue, mais nous perdons aussi des travailleurs ».

D’un autre côté, Milica Velimirovic ne croit pas qu’il soit facile de retourner une tendance négative profondément installée en accordant seulement de l’argent.

« Il nous faut retourner le système des valeurs. Dire aux parents que les chaussures qu’ils achètent à leurs enfants, n’ont pas d’importance, parce qu’en grandissant ils ne se rappelleront pas des chaussures mais des bons moments passés ensemble ».

Elle ajoute même : « Être de bons parents ne coûte rien ».

Pour Milica Velimirovic, il faut un système où les mères de trois enfants ou plus touchent un revenu mensuel fixe.

Le Docteur Gardasevic voit ces mesures de deux façons différentes. En elles-mêmes elles sont bonnes, mais l’aide matérielle en soi n’a pas la même importance que de réveiller le désir d’avoir plusieurs enfants.

« Il fait encourager tout effort dans ce sens et, dans l’avenir, effectuer un renouveau de la nation au plan de la reproduction biologique, de façon révolutionnaire ». « Il faut accueillir chaudement chaque nouveau né », ajoute-t-il.

De nos jours, peu de parents sont désireux d’élever de grandes familles. Selon les statistiques, la moitié des nouveau-nés sont des premiers enfants, 27 % des seconds et 13 % des troisièmes.

Comment financer une politique nataliste ?

Les démographes expliquent qu’il faut que le pourcentage du troisième enfant augmente de 18 % pour que les naissances équilibrent les décès.

Novka Mojic maintient que d’autres pays ont déjà démontré que l’aide financière peut avoir un effet. « Les pays scandinaves ont enregistré une augmentation du taux des naissances et sont parvenus à une bien meilleure démographie après avoir consenti aux femmes et aux enfants des bénéfices importants. Seules les dispositions qui sont financées peuvent améliorer les éléments statistiques. Je veux qu’une disposition du Programme de Développement Démographique de Voïvodine s’applique dès cette année ».

Mais les pays scandinaves ont de bien plus grandes ressources que les provinces de Serbie et peuvent mettre des sommes colossales sur ce problème. La situation est très différente en Voïvodine où le budget public de l’an prochain - après une augmentation substantielle - est de 550 millions de dinars (approximativement 6,5 millions d’euros).

Bien sûr il est important de lancer une campagne. Mais cela n’est pas suffisant pour renverser une tendance qui a pris de la force pendant des dizaines d’années.

 

Bras de fer entre la Voïvodine et Belgrade pour la manne pétrolière
Traduit par Stéphane Surprenant
Mise en ligne : mercredi 5 octobre 2005

Le plan controversé de déménagement à Belgrade d’une partie de la lucrative compagnie pétrolière NIS est abandonné. Il s’agit d’une des seules entreprises d’État rentable de Serbie, qui représente un véritable trésor pour le budget de la Voïvodine. Le gouvernement serbe a renoncé à ses plans de transfert, reculant devant les pressions des autorités de la province.

Par Miroslav Zadrepko

La province avait férocement contesté le déménagement des bureaux de l’une des trois entités nouvellement formée lors de la restructuration du consortium NIS de Novi Sad à Belgrade. Les responsables gouvernementaux ont sauvé la face en disant que l’emplacement du siège social n’était pas une question cruciale. Ils ont accepté pour compromis le site de Pancevo, situé juste à l’intérieur de la Voïvodine, mais tout près de Belgrade.

Les autorités de Vojvodine n’ont pas caché leur satisfaction le 28 septembre, jour de la victoire. Ils craignaient que le départ d’une partie de la NIS ne prive la province de la moitié des profits obtenus lors de la privatisation éventuelle de l’entreprise. Ils ont déclaré que cela aurait eu un effet à long terme sur les finances de la province et affaibli son potentiel de développement.

La lutte entre les deux administrations avait connu une escalade abrupte le 22 septembre dernier, lorsque l’assemblée provinciale avait adopté une résolution exigeant du gouvernement serbe qu’il revienne sur sa décision de restructurer NIS et de transférer l’une des trois nouvelles entités. Si la demande était rejetée par Belgrade, le Président de l’Assemblée de Vojvodine, Bojan Kostres, voulait appeler la population à manifester son mécontentement dans la rue.

Une des rares entreprises d’État rentable

L’avenir de la NIS est perçu comme vital pour la province, puisqu’il s’agit de l’une des seules sociétés d’État rentables. Pendant des années, ses profits ont rempli les coffres des autorités régionales et ceux de l’administration municipale de Novi Sad. La NIS a été mise sur pied en 1991, suite à la fusion de plusieurs entreprises impliquées dans le raffinage et la distribution de produits pétroliers.

Avec 17 500 employés à travers la Serbie, ses profits nets de l’an dernier ont atteint plus de 28 M€, soit plus de 20 % du budget total annuel de la Serbie.

Selon la législation existante, les gains en taxes et impôts sur le commerce et les affaires de Voïvodine vont - comme ceux des travailleurs - au Trésor serbe. Une partie de cet argent est retourné en Voïvodine. La restructuration d’une société publique est un premier pas vers la privatisation. Sous les pressions du Fond monétaire international, le gouvernement serbe s’était engagé à procéder à une vente d’actifs d’ici le milieu de l’année.

Mais il a échoué et n’a pu respecter ce délai en raison du manque de consensus parmi les différents protagonistes, dont le gouvernement, la direction de l’entreprise et les syndicats.

Le gouvernement a posé pour nouvelle date butoir la fin de l’année. En guise de première étape, les responsables ont décidé le 7 juillet de créer trois compagnies à partir de la NIS, dont l’une, la firme de transport de pétrole Transnafta, devait déménager à Belgrade. Cette décision devait entrer en vigueur le 1er octobre.

Le gouvernement a justifié sa décision de transférer Transnafta à Belgrade en arguant que la nature des activités de l’entreprise faisait en sorte qu’elle devait se trouver dans la capitale.

« Le transport du pétrole relève du commerce international : aussi, Transnafta a clairement besoin de se trouver au même endroit que le gouvernement et les diplomates étrangers », a soutenu Zoran Milovanovic, conseiller en matière énergétique auprès du Vice-Premier ministre de Serbie Miroljub Labus.

La Voïvodine a fait connaître son désaccord et, le 25 août, elle a déposé un dossier à la Cour Suprême dans le but de faire annuler la décision de restructuration. La Voïvodine affirme que la décision du gouvernement était illégale parce que prise en juillet alors que l’ancienne loi sur la NIS ne prenait fin que le 22 août.

Les économistes et les politiciens de Voïvodine sont devenus très nerveux, car ils s’attendaient à obtenir beaucoup lors de la privatisation de la NIS.

La législation actuelle prévoit que la moitié des bénéfices de la vente de l’entreprise doit aller à la province, ce qui signifie encore plus d’argent pour le Fond de Développement de la Voïvodine, une agence régionale de développement.

Istvan Pastor, secrétaire pour la privatisation de la province, a estimé la valeur totale de la NIS à 3 milliards d’euros. Même si la société publique était vendue au dixième de ce prix, a expliqué Pastor, cela pourrait procurer 120 M€ chaque année à la Voïvodine.

Un trésor pour la Voïvodine

« Si vous considérez le fait que le budget entier de la Vojvodine cette année était de 188 M€, l’ajout de 120 M€ au développement ouvrirait d’autres perspectives », a-t-il ajouté. Le chef du gouvernement de la province, Bojan Pajtic, était d’accord sur l’importance cruciale de la NIS pour l’avenir de l’économie de la Vojvodine.

« Si ces compagnies étaient privatisées à quelques centaines de millions d’euros, et cette somme sera certainement atteinte, la moitié des ressources iraient à de nouveaux investissements en Voïvodine, dans de nouvelles entreprises et de nouveaux emplois », a-t-il affirmé.

La Voïvodine était l’une des régions les plus développées de l’ancienne Yougoslavie, mais les guerres, les sanctions, la mauvaise gestion et l’habitude de Belgrade de siphonner l’argent pour ficeler le budget national ont ruiné l’économie.

Environ 2 millions de personnes vivent aujourd’hui dans la province, dont 276 503 sont sans emploi. Les taux de chômage les plus élevés se trouvent dans les villes.

Les autorités de Belgrade prétendent que la privatisation de la Transnafta n’est pas dans les cartons et donc que les craintes de perdre les bénéfices d’une telle vente sont irrationnelles. Mais cela n’impressionne pas les dirigeants de la Vojvodine.

« Sur la base de nos expériences précédentes avec le gouvernement de la République de Serbie, je peux dire que je ne crois pas un mot de ce qu’ils disent », a expliqué Bojan Kostres. Il n’y a d’ailleurs pas seulement la question de l’argent reliée aux plans de future privatisation qui a poussé la Voïvodine au bord de la révolte.

Jovica Djukic, secrétaire des Finances de la province, a soutenu que transférer Transnafta à Belgrade aurait privé la région d’une source majeures de revenu en taxes et impôts corporatifs.

Ces taxes et impôts sont indispensables à l’économie locale, puisque Belgrade ne retourne que 18 % de l’argent perçu en Vojvodine en taxes et impôts ordinaires contre 42,7 % de celui venant de taxes et impôts corporatifs.

Au cours de la première moitié de cette année, 26 M€ ont été retournés au total en Vojvodine, constituant jusqu’à 28 % du budget annuel de la province. Une bonne part de cet argent était directement ou indirectement reliée à la présence de la NIS sur son territoire.

Si Transnafta avait déménagé à Belgrade, les autorités municipales y auraient également perdu. Ils tirent une partie de leurs revenus des taxes et impôts corporatifs et ont droit à 5 % de la somme obtenue par la privatisation de toute firme sur leur territoire. Kostres et Pajtic insistent pour dire que les trois nouvelles entités doivent demeurer en Voïvodine.

Ils expliquent que lorsque la NIS a été mise sur pied en 1991, la plupart des compagnies et des ressources fusionnées étaient déjà situées en Vojvodine et que plusieurs des ressources naturelles utilisées par cette industrie venaient aussi de la province.

Bojan Kostres estime que la Vojvodine avait le droit d’exiger la retenue de la part d’investissements qui existait quand la NIS a été formée. « Plus de 80 % des fonds [en 1991] ont été investis à partir de la Vojvodine et moins de 20 % à partir de la Serbie », a-t-il précisé.

Le gouvernement serbe semble peu sensible à ces arguments : les intérêts communs ont priorité sur ceux des régions.

Zoran Milanovic, le conseiller énergétique de Miroljub Labus, a dit comprendre le désir des autorités régionales et de celles de Novi Sad de conserver toutes les affaires issues de la restructuration de la NIS en Voïvodine. Mais il a ajouté que le gouvernement central, à la différence des autorités locales, étaient obligées « d’assurer un marché du travail aussi attrayant sur tout le territoire national ».

Suite au revirement du 28 septembre, Zeljko Martinovic, porte-parole du ministère serbe des Mines et de l’Énergie, a déclaré qu’il ne considérait toujours pas comme important l’emplacement des sièges sociaux des entreprises. Il a dit que la Voïvodine n’aurait pas perdu grand chose si Transnafta avait déménagé à Belgrade et que la ville, en tant que centre administratif du pays, aurait été un excellent choix.

« Toute cette histoire de la transformation de la NIS a été politisée », a-t-il affirmé. « C’est pourquoi nous avons choisi Pancevo : les patriotes locaux sont contents. Maintenant il faut se retrousser les manches et se mettre au travail ».

 

Voïvodine : six mois d’expérience d’extrême droite municipale à Novi Sad
Traduit par Stéphane Surprenant

Publié dans la presse : 27 avril 2005
Mise en ligne : mardi 3 mai 2005

Il y a six mois, les nationalistes durs du Parti radical serbe (SRS) emportaient la mairie de Novi Sad, la capitale de Voïvodine, une grande ville à la population multiculturelle. Aujourd’hui, les Radicaux ne semblent pas gouverner la ville d’une manière bien originale, malgré leurs promesses de lutte contre la corruption. Et tous les partenaires de Novi Sad sont de plus en plus inquiets.

Par Dinko Gruhonjic

Certains semblent cependant soulagés de voir que le Parti ait mis de côté sa rhétorique militante et que les jours sombres des années 1990 - quand nombre de Croates et de Hongrois d’origine avaient été forcés à émigrer-risquent peu de se reproduire.

« Nous n’avons pas peur. Pourquoi devrions-nous être effrayés ? » se demande Erszika, 47 ans, membre de la minorité hongroise. « Nous vivons normalement avec nos voisins. Personne ne dérange personne ».

Maja Gojkovic, représentante de longue date du SRS, est devenue mairesse de Novi Sad en octobre dernier après avoir battu son principal rival Borislav Novakovic, du Parti démocratique (DS, modéré), par seulement 700 voix.

Erszika est employée dans un café à Telep, un quartier de Novi Sad où beaucoup de Hongrois vivent et travaillent. Dans cette partie de la ville où peu de gens ont voté pour les Radicaux, les gens ordinaires sont plutôt réticents à commenter publiquement le changement à la mairie.

Cette réticence est compréhensible compte tenu des mauvais souvenirs des années 90. À l’époque, le SRS gouvernait en coalition avec le Parti socialiste de Serbie (SPS) de Slobodan Milosevic.

Le chef des Radicaux, Vojislav Seselj, aujourd’hui en procès à La Haye pour crimes de guerre, avait publié des listes de personnes appartenant à la minorité croate, lesquelles avaient été forcées de fuir la Vojvodine.

« Beaucoup de gens sont partis pour la Hongrie à ce moment », a relaté Erszika. « Nous espérons que les Radicaux ont changé. Ils ont promis de ne pas s’en prendre à nous et jusqu’à nouvel ordre c’est le cas. »

Contrairement à Seselj, la mairesse Gojkovic explique qu’elle est née et a été élevée parmi des gens d’origines et de religions différentes et qu’elle ne voudrait pas que des gens se sentent mal à l’aise parce qu’elle gouverne la ville.

« Je me tiendrais pour personnellement responsable si un seul résident de Novi Sad se sentait menacé pour ses croyances religieuses ou son affiliation politique », a affirmé Gojkovic.

Toutefois, Aleksandar Popov, directeur du Centre pour le Régionalisme - une ONG qui soutient la coopération régionale et les initiatives de la société civile dans les Balkans - basé à Novi Sad, a remarqué que pareils propos conciliateurs ont changé peu de choses à l’image générale du parti.

Les jumelages remis en cause

Avec Novi Sad entre les mains des Radicaux, Aleksandar Popov croit que les projets voués à renforcer la coopération régionale, comme les jumelages de la ville avec Osijek en Croatie et Tuzla en Bosnie-Herzégovine, sont remis en question.

En effet, après la victoire électorale de Gojkovic, son homologue de Tuzla, Jasmin Imamovic, a déclaré qu’il ne coopérerait pas avec les autorités radicales de Novi Sad en raison du passé belliqueux du parti.

Mais les Radicaux n’ont pas remporté la majorité des voix seulement grâce à leurs positions nationalistes. La lutte à la corruption a été un enjeu majeur de la campagne. Le SRS s’est ainsi engagé à faire le ménage à la mairie et à aider la police et le système judiciaire à punir les coupables de pratiques illicites. De sorte que l’on pouvait lire sur des pancartes du Parti radical pendant la campagne : « Honnêtement, dans les faits ! ».

« J’ai voté pour les Radicaux parce qu’ils ont promis de briser la corruption et de créer des emplois pour les chômeurs », a confié Darko, 32 ans. « J’ai voté pour Maja parce qu’elle est l’une des nôtres, c’est une femme qui est née et qui a grandi ici à Novi Sad et qui vient d’une famille respectable d’avocats ».

Maja Gojkovic assure qu’elle tient ses promesses. Elle a « ouvert toutes les portes » après son entrée en fonction, a-t-elle soutenu, et a rendu toutes les archives disponibles à la consultation. Néanmoins, cela n’a pas eu pour résultat d’accuser qui que ce soit pour corruption.

La mairesse est également très fière de la « démilitarisation » de Novi Sad, un projet lancé après son accession à la mairie qui impliquait la signature d’un contrat entre la municipalité et le Ministère de la Défense pour le retrait de l’armée de la région de Novi Sad. Le départ des troupes libérera beaucoup d’infrastructures immobilières, dont plusieurs sont situées dans des endroits très recherchés.

Selon des analystes politiques, le SRS a peut-être tourné le dos à sa vieille politique de provocation et de conflits entre les diverses communautés, mais son bilan relatif à l’assainissement des mœurs à la mairie est moins convaincant. Car s’il y a un aspect de ce bilan qui est déjà sujet à discussion, c’est la question du patronage politique.

Contrairement à ses promesses, aussitôt qu’une majorité à l’Assemblée municipale a été formée avec les Socialistes de Milosevic et le Parti démocratique de Serbie (DSS), la nouvelle coalition au pouvoir s’est occupée à partager les postes de haute direction des entreprises publiques et des institutions de services publics entre ses membres.

Goran Vasic, responsable de la section locale du DS, a déclaré à l’IWPR que les Radicaux et ses alliés avaient promptement commencé à nommer leurs propres hommes dans les entreprises publiques - déjà en surnombre d’employés - en dépit de leurs promesses. « Le népotisme et les liens familiaux mènent le jeu, alors les gens qui sont engagés à des postes de décision manquent souvent d’éducation et d’expertise », a expliqué Vasic.

Maja Gojkovic rejette ces allégations. « Ces grands discours sur le népotisme et sur le manque d’expertise des employés relèvent de la promotion politique de l’opposition et de stratégies de relations publiques », a-t-elle dit.

« L’opposition n’essaie même pas de discuter des enjeux qui sont importants pour cette ville », a-t-elle ajouté. « Perdre le pouvoir a été évidemment pénible et toutes leurs plaintes n’expriment que les regrets de ce qu’ils ont perdu. » Elle donne l’exemple de la démission de Milos Vucicevic de la présidence de l’Ordre des Pharmaciens pour montrer la probité de son parti.

Il avait été nommé à ce poste lorsque son père Zoran, un radical, était devenu Président de l’Assemblée municipale. Il a démissionné pour éviter toute accusation de népotisme. Mais l’opposition a d’autres sujets de mécontentement.

Celle-ci affirme que l’Assemblée municipale a été illégalement constituée parce que la procédure a manqué de rigueur. Quatre mois après s’en être plaint aux autorités, l’opposition n’a toujours pas reçu de réponse.

Conflit avec les médias

L’opposition a aussi protesté contre ce qu’elle considère être des congédiements et des nominations pour des motifs politiques à la station de télévision locale, Apolo, laquelle est financée par la municipalité.

Deux journalistes ont été mis à la porte en février pour « surplus technologique », alors que plusieurs autres quittaient volontairement après que Sasa Adamovic, journaliste peu connu mais membre du SRS, ait été désigné pour le poste de directeur.

Maja Gojkovic elle-même s’est frottée aux médias seulement deux mois après son entrée en fonction, échangeant des paroles assez dures avec le quotidien régional Dnevnik basé à Novi Sad et aujourd’hui détenu par le géant allemand des médias WAZ. Dans une lettre très ferme adressée à Dnevnik, elle accuse le quotidien de mener contre elle une campagne de diffamation servant les intérêts des partis d’opposition. Dnevnik a rejeté ces accusations et contre-attaqué en soutenant que Gojkovic tentait d’influencer la ligne éditoriale du journal.

Goran Vasic a souligné qu’un des problèmes entraînés par l’élection du SRS serait la perte possible d’investissements étrangers à Novi Sad, vu la piètre image internationale du parti.

Conséquences économiques

Il a illustré son propos en citant les célébrations marquant le Jour de la Ville le premier février dernier, où presque aucun des invités des villes jumellées ne s’était présenté. Dimitrije Boarov, analyste économique à Novi Sad, craint également que les investissements étrangers ne se tarissent pendant que le SRS est à la mairie.

Alors que le SRS continue de s’opposer à la politique pro-européenne du gouvernement, l’Europe demeure l’unique source d’investisseurs potentiels, dit-il. « Même si les Radicaux changeaient dès maintenant leur attitude envers l’Europe, ce qu’ils ne font pas d’ailleurs, l’Europe ne changerait pas son attitude envers eux avant quelque temps », explique-t-il.

Maja Gojkovic n’est pas d’accord avec ce point de vue. Elle soutient que les investisseurs n’ont pas à s’en faire à propos des Radicaux au pouvoir. « Beaucoup a été fait pour ouvrir la ville aux étrangers », a-t-elle déclaré à l’IWPR.

Elle a rappelé les fréquentes visites de délégations étrangères et le fait que cette année le budget de la ville va viser à faciliter les investissements. « Sur un budget total de 10,6 M de dinars, plus de 6 M seront investis dans les services publics et les infrastructures », a-t-elle dit.

D’un autre côté, les diplomates étrangers restent prudents et hésitent à établir des contacts publics avec des représentants du SRS.

Lorsque Michael Polt, Ambassadeur des États-Unis en Serbie et Monténégro, a visité Novi Sad il y a quelques semaines, il a refusé de rencontrer la mairesse Gojkovic. Selon les médias, ce boycott reflète la politique étasunienne, qui est de « ne pas coopérer avec les partis politiques qui ne collaborent pas avec le Tribunal international sur les crimes de guerre ».

La plupart des citoyens de Novi Sad n’appuient d’ailleurs pas tellement plus les Radicaux que leurs opposants modérés. Au dernier scrutin, un maigre 35 % des électeurs se sont présentés aux urnes ; la majorité est restée à la maison.

Cette abstention massive est la conséquence « de la pauvre offre politique proposée » aux dires de Pavel Domonji, du Comité Helsinki pour les Droits démocratiques. Il met en cause l’égale déception suscitée par les nationalistes et le soi-disant bloc démocratique.

« Ce sont tous les mêmes », a conclu comme tant d’autres une femme de 50 ans qui a perdu son emploi dans une banque d’État. « Ils ont donné du travail à leur famille et à leurs amis, tandis que les gens ordinaires peinent à joindre les deux bouts. » Dinko Gruhonjic dirige l’agence de presse Beta à Novi Sad.

 

Voïvodine : quelle autonomie fiscale et politique ?
TRADUIT PAR JASNA ANDJELIC

Publié dans la presse : 16 décembre 2004
Mise en ligne : jeudi 23 décembre 2004

Le nouveau Premier ministre de Voïvodine dénonce la faible autonomie fiscale de la Voïvodine : la province autonome collecte plus de 3 milliards d’euros de revenus fiscaux, mais gère moins de cent millions d’euros de dépenses directes. La Voïvodine n’a pas encore retrouvé l’autonomie dont elle jouissait avant Milosevic, et n’est guère consultée sur les projets de nouvelle Constitution de la Serbie. Entretien avec Bojan Pajtic.

Propos recueillis par Dimitrije Boarov

Le nouveau Premier ministre de Voïvodine, Bojan Pajtic (Pärti démocratique, DS), est déjà au centre de polémique avec le ministre des Finances de Serbie Mladjan Dinkic au sujet du budget régional pour 2005. Bojan Pajtic, soutenu par l’Assemblée de Voïvodine, estime que l’augmentation du budget de la région pour 2005 ne correspond pas à celle du budget de la Serbie et, que par conséquent, il faut permettre une participation plus importante dans l’impôt sur les salaires qui s’élève à 360 millions de dinars supplémentaires. Mladjan Dinkic a traité ces demandes de « malice des politicards », en disant qu’a été admise une augmentation de 24 % des revenus budgetaires de la Voïvodine pour l’année prochaine, tandis que cette augmentation pour la Serbie ne dépassera guère 11 %.

Vreme (V) : Bojan Pajtic, vous dites que le budget de la Voïvodine, cette année, est moindre que l’année prochaine, tandis que le ministre Dinkic affirme le contraire. Quelle est la raison véritable de ce conflit ?

Bojan Pajtic (BP) : Les habitants de Voïvodine paient proportionnellement plus d’impôts et de taxes qu’il ne leur appartient sur la base de leur participation au nombre total d’habitants de la Serbie. Nous sommes bien conscients des difficultés en Serbie et acceptons le principe de la solidarité. Cependant, au lieu de commencer peu à peu à diminuer ce rapport défavorable pour les habitants de la Voïvodine, on l’augmente. En effet, le volume des dépenses publiques gérées directement par la Voïvodine n’augmente pas proportionnellement à l’augmentation du budget de la République. C’est tout ce que nous demandons. Notre budget pour l’année 2005 a nominalement augmenté, à cause des « moyens de transfert », l’argent qui ne fait que passer sur notre compte et qui est utilisé pour les dépenses gérées par le gouvernement de la Serbie. Ces moyens vont aux investissements dans les établissements de santé, de culture etc, selon la loi « omnibus ». 90% des députés de Voïvodine l’ont bien compris et ils ont voté la Recommandation de l’Assemblée de la Voïvodine qui demande une augmentation du budget de la Voïvodine qui corresponde à l’augmentation du budget de la République.

Inégalité fiscale et budgétaire

V : Rappelons-nous du contenu exact de la recommandation de l’Assemblée de la Voïvodine...

B.P : Nous protestons à cause de l’inégalité du budget régional par rapport au budget de la République et demandons une égalisation des taux d’augmentation budgétaires. L’acceptation des nos demandes ne diminuerait le budget de la République que de 0,09%. Ce sont des chiffres négligeables pour la Serbie, mais importants pour la région. Il ne s’agit pas seulement des finances, mais aussi du fait que la contribution de la Voïvodine au budget de la Serbie dépasse largement la taille de la région. On nous dit maintenant que le budget de la Serbie est arrêté et que les changements ne sont plus possibles. Les députés de la région ont tenté d’améliorer la situation en proposant un amendement au budget de la République, mais il a été refusé. C’est une discrimination envers l’autonomie de la Voïvodine ! Il ne s’agit pas des chiffres et des calculs, mais du statut de la région.

V : Quelle est la participation des « moyens de transfert » dans les 20 milliards de dinars du budget nominal de la Voïvodine ?

BP : Les moyens de transfert représentent plus de deux tiers du budget régional nominal.

V : Quelle est, alors, l’autonomie de la Voïvodine, qui collecte plus de 3 milliards d’euros de revenus fiscaux et gère moins de cent millions d’euros de dépenses ?

BP : C’est la question-clé. La Voïvodine autonome doit avoir plus de compétences et plus de droits aux revenus fiscaux. La Loi « Omnibus » n’était qu’un premier pas au retour des compétences de l’autonomie, abolies par Milosevic. Cette loi a redonné à la Voïvodine 170 compétences que nous avons appliquées progressivement, pendant plus d’un an. Cela a entraîné une augmentation budgétaire de cent fois par rapport à la période Milosevic lorsque l’autonomie était réduite à l’existence des bâtiments du Conseil exécutif et de l’Assemblée de la Voïvodine et aux salaires des fonctionnaires. Les nouvelles solutions constitutionnelles doivent accorder de plus grandes compétences et plus de revenus directs à la Voïvodine, afin d’éviter les querelles politiques au quotidien pour chaque dinar. La paix et la prospérité en Voïvodine représentent un intérêt vital pour la Serbie.

L’autonomie et la nouvelle Constitution de la Serbie

V : Quelle est votre participation dans les préparatifs pour l’adoption de la nouvelle Constitution ? Les nouveaux projets constitutionnels, renforcent-ils l’autonomie de la Voïvodine ? Quelle est l’influence des institutions de Voïvodine ?

BP : En tant que président du Conseil exécutif régional et en tant que vice-président du Parti démocratique (DS), j’ai été consulté par le groupe d’experts formé par le Président de Serbie pour concevoir la nouvelle Constitution. Je dirais que la position majoritaire du groupe est qu’il faut accorder plus de responsabilité et de compétences, et par conséquent, plus de revenus directs à la Voïvodine autonome, pour en faire une région européenne moderne. L’Assemblée de la Voïvodine adoptera son acte constitutif, à la différence des solutions proposées par le gouvernement de la Serbie qui prévoit un accord de l’Assemblé de la République pour le statut de la Voïvodine.

V : Et la commission formée par le président du parlement de la Serbie pour la nouvelle constitution ?

BP : C’est le sous-comité d’un comité parlementaire qui ne s’est pas réuni une seule fois dans les six mois qui ont suivi sa constitution. Le gouvernement a conçu entre temps sa version de la nouvelle constitution. En un mot, nous aurons plusieurs versions constitutionnelles et ne savons pas encore comment arriver au consensus des plus importants partis politiques en Serbie. Il me semble que le gouvernement, c’est-à-dire le DSS a une certaine coopération avec le Parti radical. En effet, si la règle de l’adoption par la majorité des deux tiers reste en vigueur, il sera impossible d’appliquer la procédure de l’adoption du nouveau texte sans les radicaux. Le DS souhaite mettre ce processus en marche et y participer de façon active. Cependant, si nos propositions de futur statut de Voïvodine sont refusées, cela pourrait provoquer des problèmes dans la région, parce que les habitants de la Voïvodine ne pourront pas s’engager pour la défense de leurs intérêts élémentaires. Finalement, de point de vue institutionnel, ni l’ancienne Constitution ni les nouvelles lois ne donnent aux institutions de Voïvodine le droit de participer formellement à la conception du futur statut constitutionnel de la région. Il nous reste à exercer des pressions politiques.

V : Le statut constitutionnel de la Voïvodine, influencera-t-il les résultats des élections suivantes ?

BP : Le choix des électeurs est de moins en moins basé sur ces grands thèmes, il est plus orienté vers le niveau de vie, les emplois etc. Nous nous sommes mis d’accord, au Conseil exécutif, pour concentrer nos énergies sur l’amélioration de la situation économique en Voïvodine, sur l’attirance des investisseurs étrangers et du pays. Nous avons adopté 14 grands programmes de développement. La décentralisation est un grand pas en avant pour la motivation de tous à lutter pour de meilleures conditions économiques dans le domaine des compétences de la province. L’autonomie de la Voïvodine a un sens si elle contribue à la croissance et, pour ce faire, elle doit être fonctionnelle.

 

La Voïvodine, nouveau foyer de tensions ?
Mise en ligne : samedi 25 septembre 2004

L’extrême droite nationaliste serbe a enregistré une nouvelle poussée en Voïvodine au premier tour des élections locales, le 19 septembre, alors que les incidents interethniques se multiplient dans cette province du nord de la Serbie. Toutes les communautés nationales vivent désormais dans la peur : que se passe-t-il donc en Voïvodine ?

Par Jean-Arnault Dérens

La Voïvodine étend ses vastes étendues plates, parsemées de petites cités austro-hongroises, jusqu’aux frontières de la Hongrie. Le statut de large autonomie de la province a été largement rogné par Milosevic en 1989, mais la Voïvodine a su rester un havre de paix, malgré quelques tensions en 1991, durant la guerre de Croatie. Près de 30 nationalités différentes cohabitaient jusqu’à présent sans heurts, l’administration provinciale utilise six langues officielles, et nulle part ailleurs en Europe, assure-t-on avec conviction à Novi Sad, les minorités nationales ne jouissent de droits aussi élevés.

Pourtant, depuis un an, les incidents se multiplient : graffitis insultants, croix cassées et monuments vandalisés dans les cimetières catholiques... La nuit du Nouvel an, le 13 janvier dernier, des bandes de jeunes Serbes éméchés hurlaient dans les rues de Novi Sad qu’ils allaient égorger tous les Hongrois. La plupart des violences se concentrent en effet sur les Croates et les Hongrois. Cette chronique des haines ordinaires, des altercations qui dégénèrent le samedi soir à la sortie des fêtes de village, a brusquement pris un tour nouveau quand une famille hongroise d’un faubourg de Subotica, la grande ville du nord de la province, a demandé l’asile politique en Hongrie, au début du mois de septembre.

Les autorités de Budapest ont immédiatement saisi le Conseil de l’Europe, une commission de l’Union européenne a été envoyée dans six communes de Voïvodine, et le Président de la République hongroise s’est même rendu sur les lieux, à Subotica, ainsi qu’à Belgrade, pour rencontrer les dirigeants serbes. « La famille qui a demandé l’asile en Hongrie était une famille très pauvre qui cherchait depuis longtemps a émigrer », assure pourtant Alen Maric, un journaliste de la télévision locale de Subotica. Pour lui, l’affaire a été montée de toutes pièces à des fins politiciennes.

Jozef Kasza, dirigeant de l’Alliance des Hongrois de Voïvodine (SVM) est le principal artisan de cette internationalisation de la question. Allié des partis démocratiques serbes, il était devenu vice-Premier ministre de Serbie après la chute de Milosevic, mais lors des législatives du 28 décembre 2003, les minorités nationales de Serbie ont perdu tous leurs représentants au Parlement, en raison d’un seuil électoral trop élevé. « Les Hongrois de Voïvodine ne font plus confiance à Belgrade. En nous excluant de la vie politique, on court le risque d’une nouvelle radicalisation », prévenait alors Jozef Kasza. La Voïvodine serait-elle donc le prochain baril de poudre des Balkans ?

Des logiques de peur bien connues

Senta est une petite ville nichée tout au nord de la Voïvodine, dont les 30 000 habitants sont à 93% Hongrois. Dule, un restaurateur serbe de Belgrade, est néanmoins en train d’investir pour réaliser un complexe touristique dans les vignes qui entourent la ville. « J’ai vendu mon appartement de Belgrade, j’ai tout investi ici », explique-t-il sans cacher son inquiétude. « Je connais les gens de Voïvodine, je ne crois pas à une nouvelle guerre, mais pourtant, les discours prononcés ces dernières semaines me rappellent trop ceux que l’on entendait au début des guerres de Croatie et de Bosnie ».

Le voisin de Dule, Zoran Kozic, gère un salas, une grande ferme d’élevage traditionnelle de Voïvodine. Il laisse paître ses vaches et ses chevaux jusqu’à la rivière Tizsa, qui coule à une dizaine de kilomètres. « Je suis orthodoxe, et je me considère comme Serbe, explique Zoran, mais j’ai calculé que j’avais 16 origines nationales différentes, et ma femme est une musulmane de Bosnie. J’ai toujours parlé les deux langues, le serbe et le hongrois. Je suis fier et heureux d’être bilingue, c’est une richesse inappréciable à l’heure de l’intégration européenne ». Sous le régime de Milosevic, le Serbe Zoran avait même préféré franchir la frontière pour aller ouvrir un restaurant à Szeged, en Hongrie. « Ce qui m’inquiète, poursuit-il, c’est que mes enfants ne veulent pas apprendre le hongrois. Si les jeunes de Voïvodine se renferment dans leurs propres communautés nationales, ils préparent eux-mêmes leur malheur ».

« Il y avait 400 000 Hongrois en 1991, il n’en reste plus que 290 000, et le mouvement d’exode se poursuit », explique Attila Juhàsz, le maire de Senta. « Les Hongrois sont partis pour ne pas participer aux guerres de Milosevic, et à cause de la situation économique de la Serbie. Aujourd’hui, notre malheur est peut-être d’être trop proches de la Hongrie, qui exerce une attraction irrésistible, maintenant qu’elle est membre de l’Union européenne ». Militant du SVM, le parti de Jozef Kasza, Attila Juhàsz, se défend d’être un nationaliste. Lors du premier tour des élections municipales, dimanche dernier, le SVM a été sévèrement concurrencé par de nouvelles formations hongroises beaucoup plus radicales. « Le SVM défend les droits nationaux des Hongrois de Voïvodine, mais nous n’avons jamais réclamé la révision du traité de Trianon et des frontières de la Hongrie ! »

Dangereuse polarisation

Les efforts d’internationalisation du problème des Hongrois de Voïvodine n’ont en effet guère profité au SVM, qui a essuyé de sérieux revers électoraux. Par contre, cela semble avoir directement bénéficié au Parti radical, l’extrême droite nationaliste serbe, qui a obtenu plus de 35% des voix, et dont la candidate à la mairie de Novi Sad aborde le second tour en position de favorite. Les Radicaux ont exploité le sentiment de peur qui a saisi la communauté serbe, et notamment les centaines de milliers de réfugiés chassés de Croatie, de Bosnie et du Kosovo que la Voïvodine abrite toujours. Selon Bojana Janjusevic, journaliste au quotidien régional Dnevnik, ces réfugiés ont l’impression que l’histoire est en train de se répéter, et que le discours musclé des Radicaux représente la meilleure protection. « Vouloir internationaliser le problème n’est pourtant pas la bonne solution. Depuis les bombardements de l’OTAN, les Serbes n’aiment pas que l’on se mêle de leurs affaires ».

Aucune tension n’est pourtant perceptible à Subotica, et Stanka Parac Damjanovic, qui anime une Agence de la démocratie locale, refuse la dramatisation. Elle-même appartient à l’importante minorité croate de la ville. « Le plus grave, estime-t-elle, c’est que la vieille tradition de multiculturalisme de la Voïvodine est en train de disparaître au profit d’un face-à-face entre Serbes et Hongrois ou, plus exactement, entre extrémistes des deux camps ».

À Novi Sad, la Serbe Bojana Janjusevic semble lui faire écho : « le plus dangereux, ce ne sont pas les incidents interethniques en eux-mêmes, mais la peur qui s’est répandue dans toute la Voïvodine. Tout le monde se sent désormais en insécurité ».

 

Craintes et inquiétudes chez les minorités de Voïvodine
TRADUIT PAR PIERRE DÉRENS

Publié dans la presse : 22 janvier 2004
Mise en ligne : mercredi 28 janvier 2004

La résurgence ultranationaliste des récentes élections en Serbie a été le détonateur d’une vague d’attaques contre les non-Serbes dans la province multiethnique.

Par Jan Briza à Novi Sad

Les communautés minoritaires de la province de Voïvodine dans le nord de la Serbie sont en ébullition après la progression stupéfiante des ultranationalistes serbes, ce qui a fait craindre le retour de la violence ethnique des années quatre-vingt-dix.

Les habitants de la capitale de la province, Novi Sad, ont été réveillés par des foules éméchées les 13 et 14 janvier, le Nouvel An serbe, aux cris de « Debout les Serbes, allons égorger les Croates ! Debout les Serbes, allons égorger les Hongrois ! »

Petar Dedjanski, un Serbe du coin, a été réveillé par un groupe d’une vingtaine de jeunes gens ivres sous sa fenêtre. « Ils criaient d’horribles menaces et chantaient des chants de Tchetniks », a-t-il rapporté, faisant allusion aux combattants nationalistes serbes de la deuxième guerre mondiale. Petar Dedjanski nous a confié qu’ils ne sont partis que lorsqu’il a appelé la police.

Marina Fratucan, journaliste d’origine roumaine à Novi Sad, a connu une peur identique. Réveillée par un coup de sonnette, il lui fallut faire face à un groupe de jeunes voyous qui criaient des insultes. « Ils ont terrifié mon fils de huit ans et ne se sont finalement enfuis qu’à l’arrivée de la police ».

Marina Fratucan a déjà été la cible fréquente des nationalistes serbes parce qu’elle travaille pour Radio Free Europe. Ils l’avaient étiquetée comme « traîtresse au peuple serbe ».

Le parti de Vojislav Seselj, qui pour l’instant est accusé de crimes de guerre au tribunal de La Haye, est devenu le plus important parti du nouveau Parlement et il a obtenu son meilleur score en Voïvodine, où il a remporté 35 des 45 municipalités. Les Radicaux n’ont été battus que dans huit municipalités hongroises du Nord et dans deux où dominent les Slovaques.

Ces résultats ont fait frissonner la trentaine de communautés ethniques de Voïvodine, où les Serbes représentent 65 % des deux millions d’habitants. Les Hongrois constituent la minorité la plus grande, avec 290 000 personnes, soit un peu plus de 14 %.

Tout de suite après le début de la campagne, le cimetière catholique de Novi Sad, où Hongrois, Croates et d’autres groupes minoritaires sont enterrés, a été saccagé. La police a accusé deux jeunes, même si les médias n’ont pas pu croire que seuls ces deux jeunes avaient pu faire tant de dégâts.

Comme dans les années 90, les attaques les plus violentes ont été menées contre les Croates qui restent en Voïvodine. Pendant les élections, le Président du Conseil national croate a été attaqué.

Pendant la célébration du Noël Catholique, des emblèmes serbes, dont une croix ornée de quatre S en cyrillique ont été étalés sur la voiture d’un journaliste du quotidien de Zagreb, Jutarnji List et d’autres visiteurs du centre culturel de Subotica, près de la frontière hongroise.

A Tavankut, la ville la plus au nord de Voïvodine, essentiellement peuplée de Croates, un monument dédié à Matija Gubec, dirigeant croate paysan du Moyen-Age, a été par deux fois vandalisé. La première fois dans la nuit du 28 décembre, alors que l’on décomptait les votes. Il fut à nouveau abîmé pendant les fêtes du Nouvel an.

Les fenêtres du centre culturel croate de Sombor ont aussi volé en éclats, alors que l’on faisait descendre une croix dans le village de Mala Bosna.

Les menaces les plus sérieuses ont été faites au téléphone à l’hebdomadaire Hrvatska Rijec, à plusieurs reprises à la mi-janvier par un homme prétendant représenter le Mouvement Tchetnik de Subotica. « Si votre journal sort encore une fois, je vais tous vous tuer. Vous avez tué mon fils », continuait la voix anonyme. Le rédacteur du journal, Zvonimir Perusic, a ajouté que la voix leur avait souhaité à tous « une heureuse nouvelle année Tchetnik » et répété la menace. « Nous allons tous vous tuer ».

Ces attaques ne sont pas passées inaperçues. Le Bureau d’information du Conseil des ministres du 15 janvier pour la Serbie et le Monténégro a exigé une réponse rapide de la police et des tribunaux.

Les organisations internationales de journalistes, y compris l’organisation des médias pour l’Europe de Sud Est, (SEEMO), ainsi que l’Institut de la Presse Internationale, (IPI) ont demandé aux autorités serbes de mener l’enquête.

Le Président de la Ligue des socio-démocrates de Voïvodine et le Président du Parlement de Voïvodine, Nenad Canak, a accusé les Radicaux de répandre des idées fascistes et ont demandé avec force que le parti soit interdit.

Nenad Canak a été l’un des rares dirigeants à oser s’opposer au nettoyage ethnique des Croates et d’autres minorités de Voïvodine par les Radicaux dans les années 90.

La vague d’attaques et de menaces a réveillé le pénible souvenir des guerres de 90, quand les Radicaux de Vojislav Seselj ont essayé de « nettoyer ethniquement » la Voïvodie. Les Croates étaient particulièrement visés et plus de dix mille ont été obligés de fuir en juin, juillet et août 1992.

L’incident le plus notable s’est passé au village de Hrtkovci, où plus de 450 Croates et de familles mixtes ont été jetées hors de chez eux après le passage de Vojislav Seselj. Ses partisans ont même « serbisé » le nom du village que l’on appela alors « Srbislavci ».

Jovan Komsic, sociologue, dit que la victoire des Radicaux en Voïvodine peut avoir des conséquences dramatiques. « La majorité de leurs électeurs ont effectivement choisi une vision de la Serbie constamment en guerre avec ses voisins puisque la plate-forme politique du Parti radical serbe est la Grande Serbie », confiait-il au quotidien de Voïvodine Dnevnik.

Portant, les Radicaux rejettent ces accusations qui veulent les rendre responsables des incidents nationalistes. Le vice-président, Tomislav Nikolic va même jusqu’à affirmer que ces accusations sont infondées.

« Il ne nous faudra que cent jours au pouvoir pour que tous ceux qui disent que nous sommes fascistes, changent d’avis. Nous prouverons qu’ont tort tous ceux qui pensent que nous ne savons que harceler, insulter ou persécuter les gens. Nous prouverons qu’ont tort ceux qui pensent que nous sommes incapables de former un gouvernement démocratique ».

Quant aux victimes des attaques, elles paraissent déterminées à mettre de côté la dernière vague d’hostilité. Antun Merkovic, Croate de Tavankuta, a affirmé que les dernières intimidations n’avaient pas réussi à faire s’enfuir les Croates. « Quoi que puissent dire les Radicaux, nous resterons tous ici. »

Il a même osé l’humour noir sur le sort de sa communauté : « après avoir remporté le scrutin, Vojislav Seselj a envoyé des sandwiches à tous les membres des minorités ethniques de Voïvodine. Il en a donné un à chaque Croate et un à chaque Hongrois, mais deux à chaque Slovaque. Interrogé sur cette iniquité, Seselj répond : "ils ont plus de route à faire" »...

 

Vu de Voïvodine : respect des minorités vs. chaos balkanique

Publié dans la presse : 9 décembre 2003
Mise en ligne : vendredi 12 décembre 2003

Durant toutes les années difficiles, la ville de Subotica a représenté une certaine avant-garde politique par rapport aux autres régions de Serbie. Ses citoyens ont toujours choisi des options les plus européennes et les plus démocratiques qui étaient offertes sur le marché politique. Le terme de « minorité » résume le mieux la réalité de Subotica.

Par Vesela Lalos

Les trois principales communautés nationales, ainsi que beaucoup de petits groupes ethniques qui habitent cette ville ont de bonnes raisons de se sentir minoritaires. Cela a contribué à la construction d’une culture de tolérance et de respect mutuel. Le respect de la culture, de la langue et des coutûmes d’autrui est une question de civilisation. Les Hongrois, les Serbes et les Croates, qui forment les trois principaux groupes nationaux de la ville, réussissent en général à trouver des modes de communication décents, sans égards à tous les moments difficiles qui n’ont pas épargné cette ville de Voivodine.

La présence de plusieurs nationalités est la caractéristiques principale de Subotica, et elle est souvent citée en exemple, aussi bien par les étrangers que par les habitants de la ville. Cependant, les années de passions nationalistes ont laissé des traces désagréables, et des incidents nationalistes se produisent sporadiquement, même aujourd’hui. Un des derniers incidents a eu lieu dans le Centre culturel croate. Un des clients agressifs et prétentieux du restaurant du Centre a voulu « interdire » au président du Comité exécutif du Conseil national croate de parler, parce que « les conversations croates l’irritaient ».

Il y a des parents et des professeurs qui se plaignent des menaces et des plaisanteries auxquelles sont exposés les enfants des classes hongroises dans les lycées. Ces indicents sont passés sous silence, de peur qu’il ne s’élargissent. Il est arrivé plusieurs fois que les enfants de nationalité hongroise soient battus et menacés dans les écoles primaires et dans les lycées. D’autre part, ces derniers mois, on distribue des tracts qui annoncent la révision du Traité de Trianon et la chasse aux Serbes qui habitent les terres hongroises… Les graffitis comportant des menaces et des insultes nationalistes ne datent pas d’hier.

Ils apparaissent de temps et temps, depuis que les idées de Milosevic sur les dangers menaçant les Serbes et leur droit à former un État ont mis en marche l’avalanche de la haine nationaliste. Tous ces incidents sont inhabituels pour la décence civile et européenne de Subotica. Ils nuisent à la renommée de la ville, mais ne sont pas dominants dans les rapports interpersonnels.

L’hégémonie politique du SVM battue en brèche

Sur le plan politique, l’Alliance des Hongrois de Voivodine (SVM) est au pouvoir depuis le début des années 1990, avec une majorité importante à l’assemblée municipale où règne une ambiance de compromis et de dialogue. Le long maintien au pouvoir du SVM est pleine de controverses. Ce parti a toujours beaucoup d’opposants de tous les côtés et la fin de sa domination politique ne serait pas surprenante. Les habitants de Subotica sont plutôt mécontents de la gestion de la ville, et surtout par de nombreuses affaires que citent les adversaires politiques du SVM.

On ne sait pas bien si ces affaires sont réelles ou montées, mais elles représentent en tout cas un lourd fardeau pour ce « grand parti ». Il est grand à cause de son rôle dans la récente histoire et surtout par sa maturité politique, son organisation et son sérieux. Même si les rapports de forces dans la ville font que sa domination politique soit irréelle, le secret du succès de SVM est dans leur approche politique sérieuse, à la différence des autres partis, qu’il soient nationaux (serbes et croates) ou pro-démocratiques.

Les derniers mois ont apporté de nouvelles confrontations et des divisions, et certains responsables politiques importants ont opéré des « transferts » après l’annonce des élections. Presque tout les représentants de la Ligue des sociaux-démocrates de la Voivodine (LSV) à l’assemblée locale ont quitté le parti pour rejoindre Otpor ou le G17 Plus. Ils ont formé un nouveau bloc et permis à ces deux partis d’entrer à l’assemblée municipale.

Les anciens alliés de la coalition du 5 octobre se sont dispersés en plusieurs groupes avant les élections. Le LSV est de nouveau avec le SVM, même si une bonne partie de leur fondateurs et de militants ont quitté le parti.

Le Parti démocratique (DS) n’a pas de partenaires de coalition au niveau local, mais il a réussi à attirer plusieurs cadres politiques de renommée, dont Kalman Kuntic, ancien président et l’un des fondateurs de l’Alliance nationale croate, et Ljubica Kiselicki, présidente des Libéraux serbes à Subotica. Les transferts les plus intéressants ont été opérés en faveur du G17 Plus : Istvan Ispanovic, ancien président du LSV et ancien maire de Subotica et Lazar Blagojcev, président du Comité municipal du LSV. Ils ont apporté au G17 leurs mandats à l’assemblée.

Une économie en grande difficulté

La puissance économique de Subotica n’est pas adéquate à sa bonne réputation. Mihalj Secei, analyste économique, estime que les habitants de Subotica ont trop longtemps vécu dans l’illusion que l’économie de leur ville était puissante, surtout dans le domaine des entreprises privées. Il est vrai que les citoyens de Subotica sont de bons entrepreneurs, mais les circonstances défavorables à cette activité ont annulé leurs efforts de la dernière décennie. Les excès du centralisme dans le pays a toujours irrité les habitants de Subotica, parce qu’ils ont toujours payé le prix de cette politique.

Subotica possède aujourd’hui plusieurs grandes structures industrielles en état de forte dégradation, et quelques plus petites entreprises privatisées qui progressent (leurs privatisations restent encore objet de doutes et de spéculations). Il y a très peu de petites et moyennes entreprises dans le domaine de la production. Elles sont plus nombreuses dans les services, mais cela ne remet pas en marche l’économie de la ville.

Les grandes usines de la période communiste demeurent des coquilles vides de toute activité industrielle. Sever, 29 Novembar, Azotara et Zorka, qui étaient décisives pour l’éxistence du plus grand nombre de travailleurs, sont aujourd’hui en faillite ou proches de la faillite. Elles sont toutes en attente de privatisation, dans l’espoir de résoudre les problèmes d’endettement et de manque de moyens de production et du marché. Ces usines étaient autrfois reconnues sur le marché mondial pour leur produits, comme par exemple les engrais azotés.

Les miliers de travailleurs de ces quatre usines ne croient pas que les faillites soient inévitables. Un chroniqueur local l’a bien décrit en disant qu’ici les usines font faillite mais que leurs directeurs ont toujours plus de succès. Le syndicats, surtout Nezavisnost, ont tenté de prouver l’urgent besoin des privatisations pour éviter les faillites, mais « les processus de privatisation en cours » durent encore. D’autre part, Subotica possède des usines qui sont toujours des sinonymes de qualité sur le marché serbe, comme Mlekara (laiterie) , Podrum Palic (caves à vin) , Pionir (chocolats) et Fidelinka (farine, pâtes).

 


Profanation du cimetière de Novi Sad : un signe inquiétant pour la Voïvodine
TRADUIT PAR JASNA TATAR

Publié dans la presse : 3 octobre 2003
Mise en ligne : dimanche 5 octobre 2003

La dévastation de 77 pierres tombales dans le cimetière catholique de Novi Sad, dans la nuit du 27 au 28 septembre, a troublé les esprits de cette ville, fière de sa tradition de tolérance nationale et confessionnelle. Cette sauvagerie nocturne est « un message terrible et monstrueux pour les représentants d’une autre confession et nation », d’après les mots du maire de Novi, Sad Borislav Novakovic.

Par Dimitrije Boarov

Même si l’agression a été commise par un groupe d’adolescents, elle représente un avertissement sérieux pour les habitants et les responsables politiques de la Voivodine. Les nouvelles générations ont grandi dans le « temps du mal » et leur comportement honteux doit être abordé de manière plus sérieuse et plus approfondie. Lors de sa visite du cimetière saccagé, Nenad Canak, président de l’Assemblée de la Voivodine, a souligné que « ces comportements dans les cimetières annonçaient toujours de nouveaux cimetières ». Il était accompagné de Jozsef Kasa, vice-Premier ministre de Serbie et président de l’Alliance des Hongrois de la Voivodine.

La destruction des pierres tombales et le saccage d’un tombeau d’enfant ont également été condamnés par Mgr Irinej, l’évêque orthodoxe de Backa (qui a indirectement supposé qu’il pourrait s’agir de l’oeuvre d’une secte sataniste), ainsi que par tous les partis politiques de la ville, à l’exception des Radicaux. Les mauvais esprits ont tout de suite suggéré que la dévastation du cimetière catholique n’était que le début de la campagne présidentielle du candidat des Radicaux, Tomislav Nikolic, qui doit tenir son premier meeting à Novi Sad. L’hypothèse que ce règlement de comptes avec des morts catholiques soit la poursuite du « colloque pré-constitutionnel » du mouvement serbe de Novi Sad, est encore moins acceptable. En effet, Kosta Cavoski et les académiciens serbes qui soutiennent le mouvement « Svetozar Miletic » n’étaient pas présents à Novi Sad cette semaine.

Les bruits qui courent sur le rôle des Dadicaux de Novi Sad dans le vandalisme au cimetière catholique sont inspirés par le fait qu’ils ont essayé l’an dernier, avec le DSS de Kostunica et les Verts de Novi Sad, d’empêcher les autorités publiques de transférer une centaine de tombeaux du cimetière serbe Almasko en raison de la construction d’une partie du périphérique pour les poids lourds. À l’époque, les défenseurs des « esprits des morts serbes de Novi Sad » se sont couchés dans les trous devant les excavateurs pour empêcher les travaux. Il serait cependant peu logique que ces mêmes personnes soient prêtes à déranger la paix des âmes catholiques de Novi Sad, dans un cimetière situé sur la très fréquentée rue Futoska, et entouré de grands bâtiments. Bien que 77 tombes n’aient pas pu être détruites par une seule personne et sans le moindre bruit, la police prétend n’avoir pas pu trouver de témoins qui auraient vu ou entendu quoique ce soit.

Il semble quand même que la police de Novi Sad, connue comme mieux organisée et plus consciente que celle de la plupart des villes serbes, ait trouvé des traces des responsables. Il s’agit en effet de la troisième attaque dans le cimetière depuis quelques semaines. Certains ont proposé d’organiser la garde des cimetières la nuit. Jelena Jevtic, la directrice de l’entreprise communale d’entretien des cimetières estime que « ce serait une tragédie que de devoir surveiller les cimetières ». Le véritable problème est que les insultes faites aux morts dans des sociétés multiethniques indique toujours des tensions politiques.

Pour en donner une exemple historique, nous remonterons au 19 octobre 1777, lorsque un grand nombre de Serbes de Novi Sad a fait irruption, à l’aube, dans la résidence épiscopale, pour demander à l’évêque Arsenije Radivojevic d’obtenir de l’impératrice Marie-Thérèse d’Autriche la permission de célébrer les enterrements selon les coutumes séculaires de l’église nationale illyrienne (orthodoxe). En effet, l’article 43 du Règlement illyrien proclamé par l’impératrice interdisait les enterrement près des églises et des routes, ainsi que les rites funéraires de longu durée, le port du cercueil ouvert et son exposition dans l’église avant l’enterrement. Cette disposition, justifiée par des raisons d’hygiène, a provoqué le mécontentement des Serbes de Backa et du Banat. Il y a eu une véritable bataille entre le peuple et l’armée autrichienne à Vrsac, et l’évêque Vicentije Popovic a failli succomber à la colère populaire.

Novi Sad fait partie des rares villes qui accordent beaucoup d’attention aux cimetières. Un des premiers actes édités après l’aquisition du statut de ville royale libre concerne le transfert des cimetières en dehors du centre ville. Il date du 11 février 1849. Le cimetière juif a été transféré plus tôt, au milieu du XVIIIe siècle, et la cimetière catholique actuel, où l’on enterre aussi les luthériens, les calvinistes et les gréco-catholiques, existe depuis 1860. Ce terrain a été accordé par les autorités municipales en échange du terrain au centre ville où se trouve aujourd’hui la Place de la Liberté. C’est également à cette période qu’ont été créé les deux grands cimetières ortodoxes de la ville, Almasko et Uspensko.

Lors de la fondation du Nouveau cimetière municipal de Novi Sad en 1974, les enterrements dans les vieux cimetières ont été interdits. Les habitants de Novi Sad ont de nouveau obtenu ce droit en 1991.

 

I
Serbie : scandale écologique à Pancevo
TRADUIT PAR PERSA ALIGRUDIC

Publié dans la presse : 15 septembre 2003
Mise en ligne : vendredi 19 septembre 2003

A trois reprises ce mois-ci, plusieurs dizaines de tonnes de résidus liquides de carbure d’hydrogène ont été détruites sans les permis nécessaires.

Par Miodrag Sasic

Borislava Kruska, maire de la commune de Pancevo, a adressé la semaine dernière une lettre au ministère de l’Environnement, au chef du ministère de l’Intérieur (SUP) de Pancevo et à Manojlo Glisic, directeur général de l’usine Petrohemija. Le message portait la mention « urgent » et informait que les Pancevois le jour précédent avaient eu peine à respirer à cause d’une odeur forte et irritante dont les effluves provenaient du complexe chimique et pétrolier. Au nom de ses concitoyens, la mairesse a exigé de procéder immédiatement à une vérification pour constater qui était le coupable de ce qui s’est passé. Ce n’est pas par pur hasard qu’un exemplaire de la lettre a été envoyé à Petrohemija, car d’après des informations informelles que possédait Borislava Kruska, par trois fois au cours de septembre des citernes de provenance inconnue et remplies de liquide sont arrivées à Pancevo et ont été déversées dans les réservoirs de l’usine Petrohemija pour y être détruites. Les ouvriers affectés au déversement ont reçu l’ordre de prendre toutes les mesures de précaution, travaillant revêtus de scaphandres.

Petrohemija pollue

Pris sur le fait, Petrohemija a décidé de ne pas cacher ses activités, mais les détails les plus importants n’ont toutefois pas été communiqués au public. Les responsables de l’usine ont déclaré qu’à plusieurs reprises au cours de cette semaine, les résidus liquides de carbure d’hydrogène ont été brûlés, ceux-ci provenant d’usine de caoutchouc synthétique à Elemir. Ces résidus sont encore présents après la transformation de la fraction C4, qui est acheminée de Petrohemija à Elemir. Petrohemija nous a également expliqué que jusqu’au mois d’avril dernier, ils vendaient en général cette masse, se rapprochant le plus de l’essence par sa composition chimique, aux briqueteries privées, mais ils ont été sommés d’interdiction par l’Agence de recyclage.

Un peu de ceci, un peu de cela, on verra bien…

Petrohemija ajoute qu’ils ont demandé à l’Institut belgradois de la santé de faire l’analyse des résidus de carbure d’hydrogène, à la suite de quoi ils ont demandé à l’Agence de recyclage de leur conseiller la manière de les détruire ou de les entreposer. Comme ils n’ont pas reçu de réponse depuis avril à ce jour, et comme le réservoir de 60 tonnes à Elemir était plein, ils ont été obligés de trouver le moyen de le vider. Petrohemija affirme qu’avant la combustion, les résidus liquides de carbure d’hydrogène étaient mélangés avec du mazout, dont le matériel d’Elemir ne représentait que cinq pour cent maximum. Ils affirment aussi que cette combustion ne produisait pas de substances dangereuses, pas plus qu’elle ne dégageait d’odeurs insupportables. De plus, ils disent qu’avant 1991, lorsque la fabrique d’Elemir est entrée au sein du complexe de Petrohemija, ces résidus étaient brûlés dans l’enceinte de l’usine, dans des « torches terrestres », c’est-à-dire un banal trou où l’on verse les produits toxiques que l’on enflamme ensuite.

Cependant, Simon Bancov, membre du Conseil exécutif de la commune de Pancevo, chargé des questions environnementales, ainsi que d’autres sources compétentes que nous avons consultées, ont une toute autre version des faits.

Ils affirment que pendant la période de pleine activité de la fabrique de caoutchouc synthétique, il y avait jusqu’à 60 tonnes de résidus par mois. Actuellement il y en a 15 tonnes au minimum. Les « torches terrestres » ont été supprimées lorsque les citoyens se sont révoltés à cause de la puanteur insupportable à Elemir et Zrenjanjin. Petrohemija a donc vendu par la suite les résidus liquides de carbure d’hydrogène d’Elemir à Aleksandar Pavlov, propriétaire de la société pancevoise « Interkop ». Ce fait n’a pas été vérifié, mais nos sources affirment qu’il achetait aussi des résidus de l’usine « Dijamant » de Zrenjanin, qu’il ajoutait et vendait aux propriétaires des briqueteries comme agent énergétique.

Habileté des hommes d’affaires pancevois

Pavlov a été arrêté dans l’« Opération Sabre » [1], et Petrohemija s’est vu interdire la vente de ces produits toxiques à tous ceux qui n’étaient pas en possession d’un permis de travailler avec des substances dangereuses. Les personnes bien informées disent qu’entre-temps, cet homme d’affaires a fait de gros profits avec le commerce de ces toxines.

Tandis que Petrohemija maintient qu’il ne s’agit pas de résidus dangereux, nos sources affirment que l’Institut de santé de Belgrade a classé cette mixture dans les catégories H-11 et H-13, ce qui, selon l’évaluation internationale, signifie qu’il s’agit de résidus dangereux, inflammables, toxiques et cancérigènes.

« Comme Petrohemija insiste pour affirmer qu’il ne s’agit pas de résidus dangereux, nous leur avons demandé de nous expliquer pourquoi ils ne seraient pas brûlés dans un chaudron à Elemir au lieu de les transporter à Pancevo, ce qui éviterait d’éventuelles fuites des citernes et la contamination des sols qui met la population en danger. Ce n’est pas par hasard que les ouvriers qui déchargent les résidus toxiques travaillent en scaphandres car, en contact avec la peau, ces substances provoquent de dangereuses réactions allergiques. Les mélanger au mazout et les enflammer représente un risque, car le mélange de telles substances n’est pas autorisé sans contrôle. Nous avons beaucoup de raisons de croire que les Pancevois ont été ces jours-ci asphyxiés par la combustion de ce mélange », constate Simon Bancov.

La municipalité de Pancevo a demandé à la direction de Petrohemija de retourner à Elemir les résidus de carbure d’hydrogène qui n’ont pas été brûlées et d’informer les autorités locales sur les mesures qu’elle prendra afin de détruire cette dangereuse substance.

[1] Opération policière survenue à la suite de l’assassinat du Premier ministre Zoran Djindjic, au cours de laquelle la grande majorité des membres du « Clan de Surcin » furent arrêtés, ndlr.

 

Politique culturelle en Voïvodine : difficile renouvellement
TRADUIT PAR JASNA TATAR

Publié dans la presse : 16 mai 2003
Mise en ligne : jeudi 22 mai 2003

Sur la Toile

Les changements politiques intervenus depuis la chute de Slobodan Milosevic sont-ils sans effets sur les politiques culturelles de Voïvodine ? Entre traditionnalisme et folklorisation des minorités nationales, la création culturelle a bien du mal à trouver son chemin.

Par Nedim Sejdinovic

Les travailleurs de la culture de Voïvodine ont cru que la loi sur les compétences de la région autonome de Voïvodine (plus connu comme la « Loi omnibus ») adoptée en janvier 2002 par le Parlement serbe, signifiait un nouveau départ pour la vie culturelle en Voïvodine. La Loi omnibus a rendu à la Voïvodine la responsabilité de nombreuses institutions culturelles qui étaient contrôlées par Belgrade durant le régime de Milosevic. Outre les problèmes financiers, la centralisation de la vie politique et culturelle était considérée comme la cause principale des problèmes dans la culture. Aujourd'hui, un an et demi après la reprise des compétences, il devient clair que la pauvreté et la centralisation ne sont que les parties intégrantes d'un problème plus complexe et que chaque pas en avant exige beaucoup d'énergie et de volonté.

Un parfum de réalisme socialiste

Les institutions culturelles reprises par la Voïvodine sont celles qui coûtent le plus cher au budget, comme l'Institut régional pour la protection des monuments culturels, les Archives de Voïvodine, le Musée de Voïvodine, la collection Pavle Beljanski, la galerie Rajko Mamuzic, le Musée du théatre, le Théatre national serbe de Novi Sad et le Théatre national de Subotica. À la fin de l'année 2001, les partis politiques se sont préparés à la compétition en faisant les listes des membres des comités d'administration de ces institutions.

Le Secrétariat régional pour l'Éducation et la culture affirme que « la reprise des compétences signifie le retour à l'économie, à la rationalité et à l'esprit entrepreneur » . Cependant, aucun changement important dans les institutions culturelles n'a eu lieu. Comme durant la période du socialisme réaliste, elles ont trop de salariés, qui passent la plupart de temps à se promener dans les marchés de la ville. Le fonctionnement de la plus grande partie des ces institutions est fondé sur les anciens principes. Branimir Andric, secrétaire régional adjoint pour l'Éducation et la culture reconnaît que le surplus des effectifs est un grand problème, ajoutant que sa résolution « n'est pas possible en dehors du contexte de la transition générale du système politique et économique ».

Les minorités

Dans l'objectif de mieux conçevoir la politique culturelle de Voïvodine, le Secrétariat a organisé, début février, une conférence sur le développement culturel local en Voïvodine. À part des rapports théoriques et des idées personnelles, la conférence n'a pas donné de réponses aux questions d'actualité, comme le choix du modèle de transition des institutions culturelles, le rapport de la politique et de la culture et la spécificité régionale. La création culturelle en Voïvodine se limitera-t-elle au traditionalisme folklorique ? Trouvera-t-on une expression plus moderne et plus urbaine ? La communication entre les milieux urbains de Voïvodine n'est pas suffissamment développée, ils restent séparés et tournés vers Belgrade.

Les représentants culturels des minorités de Voïvodine se plaignent que le rapport envers la culture n'ait pas suivi les changements politiques de 2000, et disent que les élites politiques dominent toujours dans la création et l'évaluation culturelle. Les intellectuels de nationalité hongroise estiment que l'Alliance des Hongrois de Voïvodine, le parti politique du vice-Premier ministre Joszef Kasa, a le monopole sur l'activité culturelle hongroise en Voïvodine et que tous ceux qui ne l'acceptent pas sont condamnés à la marginalisation. Cela explique le départ des intellectuels hongrois vers Budapest. Les représentants des autres cultures minoritaires affrontent les mêmes problèmes.

Alpar Losonc, directeur du Centre pour le multiculturalisme de Novi Sad, dit que les représentants des communautés minoritaires ont aujourd'hui besoin de soutien politique pour former des intellectuels, ce qui n'était pas le cas vingt ans auparavant. « Les communautés minoritaires redistribuent le pouvoir politique que leur accorde la majorité. Dans les années 1980, la culture a représenté un segment important pour les élites des minorités. Depuis le début des années 1990, cette culture s'est soumise, et ses représentants n'ont qu'une importance secondaire par rapport aux élites politiques ».

La majorité

La culture de la majorité en Voïvodine subit des processus similaires. L'establishement culturel est resté inchangé, avec un rôle social moins important. Pendant que Belgrade a opéré une certaine différenciation culturelle, les intellectuels qui ont soutenu Milosevic jouent toujours un rôle décisif dans la vie culturelle de la Voïvodine.

Branimir Andric rappelle qu'il existe une réalité culturelle qu'il est impossible de changer par décret, et il ajoute : « Le rôle de l'Etat n'est pas de créer la culture, mais de fournir des conditions pour une compétition démocratique dans toute sorte de création. S'il n'existe pas une masse critique d'acteurs culturels, nous ne pouvons pas les créer même si nous avons de l'argent ».

Cette masse critique, est-elle vraiment inexistante, ou bien manquons-nous d'institutions et de médias forts et compétents pour permettre la promotion de nouvelles valeurs culturelles ? Les jeunes artistes de Voïvodine ont beaucoup de difficultés à émerger s'ils n'appartiennent pas à des familles de l'élite. Le plus souvent, ils sont obligés d'aller à Belgrade pour réussir. S'il n'avait pas quitté Novi Sad, l'écrivain Aleksandar Tisma n'aurait été qu'un drôle de vieillard qui se promène dans les parcs de la ville, reconnaît-on à Novi Sad.

La postrévolution et ses enfants

Les résultats des quatre concours de cofinancement des projets culturels (protection des bien culturels, édition, manifestations culturelles et cinéma) du Secrétariat régional pour l'Éducation et de la culture n'annoncent aucun changement de la politique culturelle. Les maisons d'édition considérées comme traditionnelles ou folkloriques gardent la priorité, tandis que les maisons alternatives nées grâce au Fonds pour la société ouverte de Georges Soros restent marginales. Le Secrétariat régional dit avoir fait un grand pas en avant parce que les concours étiaient entièrement publiques. Puisqu'il n'y avait pas d'argent pour tout le monde, ceux qui ont été les plus expérimentés et les plus habiles à remplir les questionnaires ont réussi, explique-t-on.

En ce sens, des propositions ont été faites d'ouvrir un centre d'information et d'éducation au sein du Secrétariat, qui permettrait la communication entre les groupes culturels et la recherche d'informations sur le financement des projets. Il semble pourtant que ces procédures ne donnent pas de résultat tant que la forme l'emporte sur le contenu. L'importance de la forme est prouvée par le nombre des visites aux manifestations culturelles. Si les premières réussissent à remplir les salles, les reprises des pièces et les soirées littéraires attirent très peu de gens. Certaines manifestations laissent l'impression d'avoir du succès grâce à la présence de la nombreuse famille, des amis, collègues et voisins de l'artiste. Tant qu'il n'existe pas un nombre critique de consommateurs de la culture prêts à investir du temps et de l'argent, elle restera sujette aux processus politiques et économiques. N'oublions pas que la rencontre avec la politique peut être fatale pour la culture.

Cette année, le festival EXIT de Novi Sad durera seulement quatre jours, du 3 au 6 juillet. Il semble bien que la postrévolution, tout comme la révolution, dévore ses enfants.

 


Divisés, les autonomistes de Voïvodine sont en panne de projet
TRADUIT PAR JEAN-ARNAULT DÉRENS

Publié dans la presse : 12 mai 2003
Mise en ligne : lundi 12 mai 2003

Rien ne va plus chez les autonomistes de Voïvodine, dont les dirigeants, hier encore très bons amis, ne se parlent plus depuis deux ans. Le Conseil de Voïvodine, créé par les trois principales forces autonomistes, doit se réunir dans la semaine : parviendra-t-il à sortir de sa longue hibernation, et à élaborer un nouveau projet politique ?

Par M.Males

Lorsque les partis autonomistes de Voïvodine, c'est-à-dire la Ligue des sociaux-démocrates de Voïvodine (LSV), les Réformistes de Voïvodine (RV), et l'Union des Hongrois de Voïvodine (SVM), ont formé, avec tambours et trompettes, fut un temps, un Conseil de Voïvodine, ils avaient un objectif : obtenir le rétablissement de la pleine autonomie de la province. Depuis deux ans, ils essaient sans succès de cacher leur inconséquence dans ce combat et leurs conflits d'intérêts sans cesse plus grands, qui ont plongé ce Conseil en « hibernation », alors même que ses membres ne sont pas satisfaits des compétences qui ont été jusqu'à présent restituées à la province.

Les trois partis parlementaires de Voïvodine, la LSV, le RV et la SVM, ont rarement été d'accord sur la stratégie politique, même si une seule chose a eu des conséquences sur le fonctionnement du Conseil de Voïvodine - lorsque ces trois partis se sont montrés capables d'agir ensemble pour contester le projet de loi de l'assemblée de Serbie sur les concessions à la province. Étant donné que ce projet de loi va être bientôt présenté de nouveau devant les députés, on verra si les autonomistes seront capables de défendre véritablement les intérêts de la Voïvodine, ou bien « s'ils tomberont encore une fois dans le panneau de Belgrade ».

Il semble cependant que les tensions internes à la coalition aient atteint leur sommet ces derniers jours. Les Sociaux-démocrates veulent exclure les Réformistes de la coalition, car ceux-ci les accusent à propos de diverses affaires, et « parce qu'ils sont passés du côté des courants nationalistes de droite » en soutenant Vojislav Kostunica lors des dernières élections présidentielles. Les réformistes rétorquent en affirmant que « le combat de la LSV et de la SVM pour l'autonomie s'est transformé en une mainmise sur le pouvoir dans la province ». Les Réformistes estiment que le Conseil ne fonctionne pas, « parce que chaque parti et chaque dirigeant cherche uniquement à l'utiliser à la veille des élections, s'ils ne peuvent pas trouver de meilleur soutien ».

Autrefois bons amis et proches collaborateurs, les dirigeants de la LSV et des Réformistes, Nenad Canak et Miodrag Isakov, campent depuis longtemps déjà sur des positions politiques diamétralement opposées, et n'hésitent pas se traiter de tous les noms d'oiseaux. Pour sa part, le dirigeant de la SVM, Jozek Kasa, se concentre principalement sur la politique nationale hongroise en Voïvodine, et ne parle plus à Miodrag Isakov depuis que celui-ci l'a accusé de « malversations commises sous l'ancien régime ».

Ce Conseil de Voïvodine, rebaptisé par certains « l'Alliance du nord », parviendra-t-il à sortir de l'hibernation, ou devra-t-il être branché sur un appareil de réanimation ? Réponse lors de la prochaine réunion du Conseil, que Slobodan Budakov, qui assure la présidence de la coordination, a convoqué pour jeudi 15 mai. Selon ce qui a été annoncé, les discussions porteront sur l'autonomie de la Voïvodine dans le processus des réformes constitutionnelles, et sur les activités du Conseil, ses problèmes de coordination et de fonctionnement.

Zivan Berisavljevic, défenseur de l'autonomie depuis l'époque communiste, a déclaré lors d'une réunion publique de son parti qu'à cette réunion sonnerait l'heure de vérité, car devrait être proposé une demande de révision de la Charte constitutionnelle de l'Union de Serbie-Monténégro, avec l'objectif de faire reconnaître l'identité de sujet politique de la Voïvodine. Reconnaissant que, pour la première fois de sa vie, il se trouve confronté à un grand dilemme sur le chemin que devraient emprunter les autonomistes de Voïvodine, Zivan Berisavljevic a estimé que la lutte pour l'autonomie ne pourrait l'emporter que si les dirigeants de la DOS de Voïvodine affirmaient enfin leur indépendance face aux forces centralistes.

 


Voïvodine : artillerie lourde au nom du peuple
TRADUIT PAR JEAN-ARNAULT DÉRENS

Publié dans la presse : 23 décembre 2002
Mise en ligne : jeudi 2 janvier 2003

L'Église orthodoxe et les milieux nationalistes serbes ont déclaré la guerre aux dirigeants autonomistes de Voïvodine.

Par R.Balac

Le conflit qui dure depuis des années entre les forces nationalistes et les autonomistes de Voïvodine a récemment culminé lors de l'assemblée du Mouvement national serbe Svetozar Miletic, au cours de laquelle de graves accusations ont été formulées à l'encontre du gouvernement de la province. Diverses réactions ont suivi, d'un côté comme de l'autre.

L'assemblée du Mouvement Svetozar Miletic, à laquelle a participé près d'un millier de personnes dans la grande salle du Théâtre national serbe de Novi Sad, et au cours de laquelle l'évêque orthodoxe de Backa Irinej a célébré une liturgie, a demandé l'organisation d'élections anticipées dans la province, « de manière à ce que le peuple puisse donner son avis et prononcer son jugement ». Cette assemblée prétendait parler au nom de toute la population serbe de Voïvodine.

« Le parlement de Voïvodine n'a pas de légitimité démocratique, il se moque des citoyens, et il n'existe plus un minimum d'entente entre ce parlement et la majorité du peuple serbe de la province. Ce parlement agit délibérément contre les intérêts étatiques de la Serbie », estime le Mouvement Svetozar Miletic, en réclamant des élections anticipées.

Kosta Cavoski, membre de ce mouvement et connu comme l'un des conseils de Milosevic au procès de La Haye a élargi le propos en estimant que le temps n'était pas venu d'adopter une nouvelle constitution de la Serbie, et que le pouvoir actuel n'avait pas la légitimité requise pour le faire. Selon lui, il faut dissoudre le parlement de la province ainsi que le parlement national et convoquer des élections pour une assemblée constituante qui « seule, aurait la légitimité d'adopter une nouvelle constitution ». Kosta Cavoski avait préparé pour cette assemblée une brochure remise à la presse, dans laquelle il analyse l'avant-projet de loi fondamentale pour la Voïvodine. Selon lui, cet avant-projet a pour objectif de démanteler la Serbie, en transformant la Voïvodine en un Etat de communautés nationales, et cette solution vise « à favoriser les minorités nationales au détriment de la majorité serbe ».

L'évêque de Backa Irinej a jeté de l'huile sur le feu avec son intervention politique - en Voïvodine, beaucoup de gens l'appellent l'évêque rouge, en raison de ses liens avec l'ancien régime de Milosevic. Il a déclaré que l'idée d'unité et de concorde serbe était minée de l'intérieur. Selon lui, « tel est le but de gens qui qualifient le peuple serbe de fasciste, et qui ne craignent pas d'affubler sa sainte Eglise qui qualificatif de cléro-fasciste ».

Le groupe parlementaire de la DOS au sein du Parlement de Voïvodine a été le premier à réagir, en déclarant « qu'il attendait que l'Eglise s'excuse auprès des citoyens de Voïvodine, ne serait-ce que parce que l'esprit chrétien ne permet pas de répandre la haine ni de jeter l'anathème sur les personnes qui ont une pensée différente ».

« Selon la Constitution qui ne doit pas être modifiée selon le Mouvement Svetozar Miletic, la République fédérale de Yougoslavie et la Serbie sont des États laïcs, et c'est pour cette raison que nous ne voulons pas que l'Église se mêle des questions politiques en Serbie ni en Voïvodine. Nous sommes certains qu'il ne s'agit que de quelques personnes, qui ne représente pas toute l'Église orthodoxe serbe, et l'on sait bien où les idées sur la destruction du peuple serbe ont conduit ces dix dernières années », précise le communiqué, qui a été signé par le chef du groupe parlementaire de la DOS, Sasa Pasic. Ce dernier a ajouté que les 120 députés du Parlement de la province avaient été élus par les citoyens, et il a lancé à l'adresse du Mouvement Svetozar Miletic qu'en déclarant que le Parlement n'avait pas de légitimité, il insultait les deux millions de citoyens qui l'ont démocratiquement élu. (…)

Il a été soutenu par le Président du Parlement, Nenad Canak, qui estime lui aussi que l'idée que le Parlement n'aurait pas de légitimité est une insulte pour les citoyens.

« Nous ne pouvons pas accepter qu'une organisation non gouvernementale qui se donne le droit de dire tout ce qui lui passe par la tête déclare que le Parlement que les citoyens ont élu et qui constitue un élément du système politique de la Serbie travaille contre le pays. Nous ne pouvons pas, non plus, accepter ces patriotes autoproclamés. Pourquoi ne disent-ils pas plutôt qui leur a suggéré de telles prises de position ? Je n'ai rien contre le fait qu'ils commentent les prises de position du Parlement, mais il est inacceptable qu'ils déclarent que le Parlement travaille contre les intérêts de la Serbie, et il faudrait qu'ils s'excusent pour cela », a déclaré Nenad Canak au journal Gradjanski List.

Le Président du Parlement de Voïvodine a regretté que certaines figures importantes de l'Église aient exprimé des positions qui n'étaient pas inspirées par l'esprit de tolérance et qui ne pouvaient pas favoriser une meilleure compréhension entre les organes d'État et l'Église.

« Les attaques contre le Parlement de Voïvodine montrent clairement que l'Église a commencé à s'occuper de questions qui ne sont pas de sa compétence, de questions qui touchent aux intérêts de l'État, qu'elle s'implique dans les combats politiques quotidiens, ce qui peut seulement affaiblir sa position et compromettre sa responsabilité supérieure », estime Nenad Canak.

Nenad Canak n'entretient pas, de notoriété publique, de bonnes relations avec l'évêque Irenej. On doit notamment rappeler un épisode de l'année précédente, lorsque Mgr Irenej s'est opposé à ce que Nenad Canak prenne la parole au cours d'une cérémonie commémorant les victimes du massacre fasciste de janvier 1942, au cours duquel plusieurs milliers de Serbes, de Juifs et de Rroms ont été massacrés. L'Église avait finalement organisé séparément un parastos (liturgie religieuse commémorative, NdT). Nenad Canak ne s'est jamais excusé d'avoir accusé plusieurs dignitaires religieux ainsi que des opposants politiques de cléro-fascisme et de cléro-nationalisme. Récemment, il a dénoncé avec éclat la résurgence du fascisme après l'attaque de l'inauguration de l'exposition de photographies de Ron Haviv « Le sang et le miel » par des militants d'Obraz (groupe d'extrême droite lié à l'Église, NdT). La Ligue des sociaux-démocrates de Voïvodine (le parti de Nenad Canak, NdT) avait alors elle aussi fermement réagi et édité une plaquette contre le Mouvement Svetozar Miletic.

Les attaques à l'artillerie lourde entre les membres d'un petit mouvement aux faibles effectifs et les autorités de la province ne devraient pas retenir l'attention si, derrière cela, ne se posait pas l'affrontement entre deux idéologies et les forces politiques qui les soutiennent. Les revendications du Mouvement Svetozar Miletic ont été publiquement soutenues par le Parti démocratique de Serbie (DSS) et le Parti radical serbe (SRS), et le Parti socialiste de Serbie (SPS) soutient aussi ces positions. Grâce au système majoritaire à deux tours, instaurés par les Socialistes, la DOS a écrasé il y a deux ans tous ses adversaires, et elle dispose de 118 des 120 sièges du Parlement de Voïvodine, dans lequel les Socialistes et les Radicaux n'ont aucun représentant (78 députés ont déclaré qu'ils étaient serbes). Ces forces politiques attendent de prendre leur revanche. D'un autre côté, règne la peur d'un retour des forces nationalistes qui pourraient plonger les citoyens de Serbie et de Voïvodine dans un nouveau cauchemar.

 

9-10 mars 2002 (Traduit par Persa Aligrudic) 

Voïvodine : la transition accroît l’inégalité 

Le mouvement féministe est de plus en plus actif en Voïvodine. La ministre Jelica Rajacic-Capakovic a promis que le parlement allait bientôt proposer l ’adoption la loi sur l’égalité des sexes Par Vesela Lalos « Il n’y a toujours pas de femmes dans la politique, pas plus que dans les autres domaines de la vie. On pourrait dire qu’il y a un fossé entre les potentiels réels que possèdent les femmes et leur engagement politique », constate Jelica Rajacic-Capakovic, ministre des affaires féminines au gouvernement provincial de Voïvodine. Elle fut l’une des initiatrices de la campagne préélectorale visant à inclure les femmes plus activement dans la vie politique. A cette époque, aux élections de 2000, une forte pression fut exercée sur les partis de l’opposition serbe pour que 30 pour cent des sièges de députés soient cédés aux femmes. Cette action n’a pas vraiment été un succès puisque les parlements ont été formés avec un «déficit» prononcé de femmes députées et toujours une domination d’hommes. Toutefois, le climat ces derniers mois semble évoluer. C’est en tous cas ce que révèle l’attitude des leaders politiques envers les exigences des organisations féminines et leur volonté d’en parler, souligne la ministre Rajacic-Capakovic dont le ministère lutte très activement pour la participation des femmes dans la vie publique. De l’avis général, le fardeau actuel de la crise, économique et sociale est en grande partie supporté par les femmes. Il est plus que certain que les changements futurs dans l’économie et l’application de la nouvelle loi sur le travail vont les toucher bien plus que les hommes, signalent les représentantes de nombreuses organisations non gouvernementales pour les femmes. Les membres du Centre des femmes novosadois (Novi Sad) ont consacré une attention particulière à ce problème et leur service de consultations juridiques pour les femmes, qui fonctionne aussi à Subotica, offre de l’aide dans ce domaine également. Les plus grandes victimes des licenciements de masse, comme le montre l’expérience des pays en voie de transition, sont toujours les femmes. De même, la nouvelle loi sur le travail et le prolongement de la vie active touche encore plus lourdement la main d’œuvre féminine. «Les femmes sont révoltées sur le terrain mais au parlement elles n’ont pas de vraies représentantes. S’il y avait eu une campagne plus agressive avant l’adoption de la loi, il est probable que les femmes n’ auraient pas voté pour le prolongement de la vie active», considère Jelica Capakovic. Un aspect plus particulier est celui des femmes qui vivent dans des familles où règne la violence. «Bien que la Yougoslavie soit signataire du Traité international sur les droits civils et politiques depuis 1971 ainsi que la Convention pour l’élimination de toutes formes de discriminations sur les femmes depuis 1981, l’un des droits fondamentaux des femmes, le droit de vivre sans violence, n’a pas été rétabli. Il n’existe pas non plus une protection publique efficace des victimes de la violence dans le mariage et la famille», précise Biljana Siladji, juge à Novi Sad. Il n’existe pas de statistiques officielles, mais les rapports de police et les expériences des groupes de femmes montrent un constant accroissement de la violence. Dans nos réglementations législatives la violence au sein des famille n’est pas traitée comme un acte pénal mais comme un problème d’ordre privé. Lorsque les femmes maltraitées s’adressent au tribunal, le problème est résolu de telle manière que les femmes ont peu de choix. Soit, elles continuent à vivre avec leur agresseur, soit, elles sont contraintes de quitter leur foyer alors que ce devrait être à l’homme de s’en éloigner, comme c’est le cas dans de nombreux systèmes juridiques d’autres pays. Sur l’initiative des ONG défendant les femmes, en particulier du Centre des femmes novosadois et du ministère pour les affaires féminines, sera construit à Novi Sad un asile pour recevoir et loger les femmes victimes de violence dans leur propre famille et qui sont souvent contraintes de quitter leurs foyers. Ce genre «de maison de sécurité» existent dans beaucoup de pays développés et offrent une protection pour les femmes contre leurs maris violents. Par exemple, en Suède, on en compte 120 avec huit mille femmes bénévoles offrant leur soutien aux femmes maltraitées. Cependant, ce problème ne peut être vraiment résolu que par la législation, par des changements du code pénal en incriminant la violence dans le mariage et la famille comme un délit pénal en tant que tel souligne le Centre novosadois pour les femmes. Il serait également nécessaire de sensibiliser les personnes officielles, avant tout la police, qui rencontrent les femmes victimes de violence, mais aussi de procéder à l’éducation de notre société, depuis les écoles élémentaires jusqu’aux facultés pour inculquer le respect mutuel des sexes et traiter la violence en famille comme un comportement social inacceptable. Ainsi que l’a démontrée une enquête faite par les organisations non gouvernementales des femmes dans 42 villes en Serbie et en Voïvodine, les femmes sont conscientes de cette situation frustrante. 90 % d’entre elles affirment même que l’inégalité des sexes est partout présente, 30 % considèrent que la forme la plus difficile d’inégalité avec l’homme est la répartition des tâches à la maison. En fait, il n’y a quasiment pas de sphère de la vie sociale où ne soient présentes certaines formes de discrimination, affirme Marija Harangozo du Centre novosadois des femmes. Dans le domaine du travail cela se reflète dans le nombre et la qualité des postes de travail occupés par les femmes, le nombre de postes directoriaux, les salaires, les possibilités d’avancement. En politique cela se traduit dans le nombre de fonctions et de députés aux parlements. Malheureusement, comme le souligne Jelica Rajacic-Capakovic, en dépit de tout cela il n’y a pas beaucoup d’espoir que la loi sur l’égalité des sexes, qui pourrait contribuer à atténuer nombre de ces problèmes, soit adoptée dans nos assemblées. L’expérience a montré que de telles lois ont été refusées aux parlements de Bulgarie, Roumanie et même de Croatie. En Serbie on ne peut même pas former un organisme qui traiterait cette problématique. Toutefois, cette loi va être immédiatement proposée au parlement de Voïvodine a promis la ministre. Jusque là, pour que les «questions des femmes» reste un problème d’actualité, il faut appliquer les moyens de pression des organisations non gouvernementales, du lobbying et diverses campagnes publiques.

 (Mise en forme: Anne Hérion)

 

Alternativna informativna mreza (AIM)

Yougoslavie: Meurtre du premier ministre de Voïvodine

 


15 mai 2000

(traduit par Emmanuelle Rivière)



Assassinat de Bosko Perosevic  pourquoi et comment le régime utilise la mort du

premier ministre de Voïvodine.



COMMENT UTILISER LA MORT D’AUTRUI DANS SES PROPRES INTERETS



A l’ouverture du Salon de l’agriculture de Novi Sad, Dragan Tomic, président de l’Assemblée de Serbie, a fermement attaqué l’opposition - en particulier le

mouvement de résistance populaire, Otpor (“Résistance”). Les officiels en présence sont ensuite allés serrer mains sur mains dans les tribunes. Leurs

gardes du corps, tous grands et robustes, l’oreille percée, se repéraient facilement. Et à exactement 14 heures 5 minutes, un coup de feu a retenti:

derrières les vaches affolées, exhibées à l’occasion du Salon, Bosko Perosevic, 41 ans, se plia en deux et tomba, dans une marre de sang coulant de sa tête…



Par Philip Schwarm, correspondant d’AIM à Belgrade.


Ainsi mourut le président du Conseil exécutif provincial de Voïvodine, membre du Secrétariat du Parti socialiste de Serbie (SPS), et président des

Socialistes de Novi Sad. La Serbie se trouve depuis des années sous le choc de multiples assassinats. Mais celui-ci est le premier à avoir été filmé en direct

par des caméras de télévision…

Les téléspectateurs des informations nationales quotidiennes de la Radio-Télévision de Serbie (RTS) venaient de voir - juste avant les images du

crime - un groupe des plus hauts placés généraux et officiers de police conduit par le ministre de l’Intérieur Vlajko Stojiljkovic à une réception organisée

par le président de Serbie Milan Milutinovic. Prix et félicitations avaient été distribués, pour récompenser “le courage, le patriotisme et le grand

professionnalisme” des personnes décorées. La veille, le président de la République fédérale de Yougoslavie (RFY) Slobodan Milosevic avait décoré à

l’occasion du Jour de la Sécurité 135 membres du ministère de l’Intérieur (MUP), dont le chef du service de sécurité d’Etat Rade Markovic et le général

Senta Milenkovic, garde du corps de Milosevic pendant de nombreuses années. Les mêmes louanges avaient été invoquées, et ce alors que Bosko Perosevic venait

d’être assassiné!


A l’écran, Stojiljkovic et ses généraux ne firent preuve d’aucun semblant de culpabilité ou même de honte. Démissionner leur semble totalement impossible,

même à un moment où toutes les considérations morales ou professionnelles l’exigent. 

Serait-il donc plus important, dans ce régime, d’utiliser la police comme une garde prétorienne, pour empêcher les rassemblements de l’opposition - comme

celui qui devait se dérouler à Prozarevac - que de s’occuper de la longue liste des victimes tuées lors de meurtres énigmatiques? Malgré les compliments

apportés aux policiers, personne n’a le courage de démissionner parce que le MUP de Serbie est beaucoup trop occupé à prouver son efficacité en arrêtant des

militants secondaires du mouvement Résistance, en publiant des communiqués de presse ne répétant que les déclarations préalables de la coalition au pouvoir

et, plus généralement, en restant aux petits soins de l’équipe au pouvoir.



L’assassin de Bosko Perosevic a tout de suite été arrêté. C’est un certain Milivoje Gutovic, 50 ans, employé pour la sécurité du Salon de Novi Sad. Il est

originaire du même village que sa victime (Ratkovo, près de Odzaci). Et alors que les téléspectateurs étaient encore sous le choc des images d’un Perosevic

blessé mortellement, transbahuté vers une camionnette, et d’un Gutovic à l’œil sanguinolent, le SPS et la Gauche yougoslave unie (YUL) publiaient déjà des

communiqués.

Sans attendre les résultats de la police, la coalition au pouvoir estimait déjà: “les traîtres et autres groupes de criminels, dont Résistance, sont des

terroristes qui agissent sous les ordres de mentors étrangers et locaux par des moyens déjà testés durant la guerre menée contre notre pays et notre peuple”,

selon le SPS. Et à la JUL, on expliquait: “nous exigeons une action radicale du système de l’Etat. Des moyens adéquats doivent être mis en place pour

contrecarrer les commanditaires et les exécuteurs de ces actions terroristes criminelles.”



Cette “action radicale du système de l’Etat” fut rapidement entreprise: tout d’abord, la police de Novi Sad a fait savoir qu’en fouillant l’appartement de

Gutovic, elle avait trouvé du matériel de propagande du mouvement Résistance, et que l’assassin était également militant au sein du Mouvement serbe du

renouveau (SPO) de Vuk Draskovic. La police l’a aussi accusé d’avoir séjourné à l’étranger et de rester en contact avec des étrangers - on cherche toujours à

savoir en quoi cela constituerait un crime. 

Le ministre de l’Information Goran Matic a ensuite donné une conférence de presse pour expliquer l’affaire plus clairement. Goran Matic est l’homme se

trouvant à la tête d’une liste exceptionnellement longue d’officiels du régime prompts à “démasquer” les divers complots de “traîtres, espions et autres

mercenaires” fomentés par des services d’espionnage étrangers ou par l’opposition interne.



Le ministre de l’Information a précisé que le premier ministre de Voïvodine n’avait pas été tué par “un fou” mais qu’il s’agissait d’un assassinat perpétré

pour des motifs “politiques et idéologiques”. Il a répété que Résistance était une organisation terroriste, comparant le mouvement aux “Brigate Rosse” - des

produits de la CIA; il a expliqué que Gutovic aimait beaucoup le Nazi Martin Borman et qu’en plus de ça, il avait des penchants sexuels douteux; il a accusé

l’opposition, les médias indépendants et les ONG de trahison, et a “prouvé” les déclarations de la police en agitant un tract de Résistance, soi-disant trouvé

chez Gutovic… Même si ces tracts sont collés sur toutes les palissades de Serbie.



Perosevic était l’un des rares hommes politiques du SPS que l’opposition acceptait un peu, appréciant chez lui une certaine tolérance (notamment le fait

que le maire de Novi Sad, Miroslav Vrbaski, fasse partie du SPO). Mais dans les déclarations de la coalition, les appels au lynchage et les menaces ont pris la

place de l’homme. Selon les derniers sondages d’opinion sur la popularité des personnalités politiques de Voïvodine, Perosevic était le plus apprécié.



Cette “action radicale de l’Etat” est très révélatrice quant au régime en place. L’utilisation sans pitié de la mort de Perosevic a des relents de

triomphe. On ne sent aucun respect ni pour lui ni pour sa famille. Le président de l’Alternative démocratique (DA) et ancien camarade de parti de Perosevic,

Nobojsa Covic, a rappelé que Perosevic était en conflit avec la JUL et qu’il avait été marginalisé ces dernières années.



Bref, c’est un voile d’arrestations, de procès politiques truqués et de conflits qui s’abat sur la Serbie. On craint désormais que le régime n’utilise

le tragique assassinat de Bosko Perosevic pour écraser tous ses opposants, 
comme Staline l’avait fait avec l’affaire Kirov.



Mais sur cette affaire, les citoyens yougoslaves feront plus la différence que l’équipe actuellement au pouvoir. Ces actions menées par le régime prouvent

clairement que son agonie est à venir… mais aussi qu’elle fait et fera des victimes. Et si les représentants du régime, tels Matic ou le secrétaire

général du SPS Gorica Gajevic, avaient voulu contrecarrer ces mauvais pressentiments, ils auraient dû répondre à toute une série de questions avant

d’exploiter sans scrupule le meurtre de Perosevic.
Premièrement, quelle responsabilité portent-ils dans la situation actuelle, où

chaque jour, une personne est tuée? De plus, il s’agit souvent d’assassinats professionnels, organisés, dans des voitures ou des cafés ou, comme ce 13 mai,

à l’ouverture du Salon de l’agriculture.



Deuxièmement, pourquoi l’assassin, qui était employé pour surveiller les entrées et sorties du Salon de Novi Sad était-il armé et pourquoi la police

n’a-t-elle pas fait son travail, c’est à dire fouillé l’homme avant de le laisser entrer?



Et enfin, pourquoi des organisations reconnues au niveau légal, telles que Résistance ou les partis d’opposition, dont la guerre contre les autorités est

publique, sont-elles qualifiées de terroristes, sans preuves? Toutes ces menaces, toutes ces insultes qui n’ont pas pu attendre les résultats de

l’enquête policière, en plus des circonstances de l’assassinat (la présence de nombreux policiers, de gardes du corps et d’officiels de l’Etat) ne sont-elles

pas la preuve que le meurtre a été commis soit par un fou, soit pour des motifs de vengeance personnelle?



Si le régime répondait honnêtement à ces questions, il se verrait obligé d’avouer que sa campagne d’intimidation et de dangereuse tentative d’épuisement

de la situation politique interne n’est destinée qu’à retarder par tous les moyens possibles, et même dans les circonstances les plus difficiles, son

départ désormais inévitable de la scène politique du pays.


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