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Panorama

Albanie : 6 à 14 000 mineurs victimes des trafics d’enfants

Traduit par Mandi Gueguen Publié dans la presse : 30 août 2006

Les trafics d’enfants ne cessent de se développer en Albanie. « La majorité des enfants trafiqués sont destinés au marché du sexe, les mineurs albanais sont dirigés principalement vers la Grèce et à l’Italie, où ils sont contraints à se prostituer ou à mendier », affirme un rapport de l’UNICEF. Le gouvernement tarde à pendre des mesures efficaces.

Le gouvernement albanais traîne à prendre à bras le corps la question de la prévention du trafic des enfants, qui augmente de manière évidente. L’ONU vient de publier un rapport sur la Protection de l’Enfance, dans lequel l’UNICEF classe l’Albanie dans la liste des pays qui ont le moins agi dans la prévention du trafic des enfants. L’Albanie y rejoint le Kosovo, la Moldavie et la Roumanie : tous ces pays connaissent un développement croissant du trafic des enfants. L’UNICEF mentionne aussi l’échec de la guerre contre ce type de trafics, et l’engagement minimal des gouvernements pour y mettre fin. « Le système de sécurité des enfants qui existe dans ces pays actuellement, doit s’améliorer de manière urgente, pour éviter le passage des enfants dans les frontières sans le moindre contrôle », souligne le rapport.

Les chiffres du rapport dessinent une situation alarmante, le nombre d’enfants trafiqués par ces pays atteint le nombre de 6 à 14 000 par an. « La majorité des enfants trafiqués sont destinés au marché du sexe, les mineurs albanais sont dirigés principalement vers la Grèce et à l’Italie, où ils sont contraints à se prostituer ou à mendier », affirme le rapport de l’UNICEF. Intitulé « Action pour la prévention du trafic des enfants dans l’Europe de l’Est », le rapport met l’accent sur la nécessité de combattre en profondeur les racines du problème pour faire disparaître le phénomène du trafic des enfants. Son auteur, Mike Dottrige, soulève aussi le problème de l’insuffisante campagne de sensibilisation menée en Albanie ou d’autres pays concernés par la question. La campagne d’information en effet, s’appuie seulement sur quelques images d’hommes qui sont cachés par des ombres, elle ne montre pas les vrais responsables, qui sont les familles proches des mineurs. L’auteur affirme que l’enfant doit être informé et savoir se protéger ou demander de l’aide s’il se trouve menacé de près ou de loin par un quelconque trafic. « Les enfants ont besoin d’apprendre ce genre de choses de manière à ne pas tomber dans le piège du trafic, mais malheureusement en Albanie et dans les autres pays concernés, rien n’est fait dans ce sens », assure l’auteur. Après avoir critiqué l’action du gouvernement albanais, il attire aussi son attention sur le besoin d’intensifier les mesures de prévention contre cette nouvelle forme d’esclavage des enfants.

Selon un autre représentant de l’UNICEF, la directrice chargée de l’Europe de l’Est, Maria Calivis, l’Albanie doit élaborer de nouvelles lois contre les trafiquants, centrées sur la prévention du phénomène des trafics et non seulement sur leur punition légale. Maria Calivis compare le trafic des mineurs à l’Hydre de Lerne de la mythologie grecque. Elle souligne l’importance de la scolarisation des enfants et leur éducation réussie.

 

Shekulli 

L’Albanie et l’Union européenne signent un accord de Stabilisation 

Traduit par Mandi Gueguen Publié dans la presse : 13 juin 2006

L’Albanie et l’Union européenne ont conclu un accord de Stabilisation, lundi 12 juin, au Luxembourg. L’Union Européenne espère ainsi encourager l’Albanie à poursuivre ses réformes et lutter contre la corruption...

Par Nevila Perndoj

L’accord a été signé par le Premier ministre albanais, Sali Berisha, la présidente du Conseil des Ministres des Affaires étrangères, le ministre des Affaires Etrangères de l’Autriche, Ursula Plassnik, par Olli Rehn, le commissionnaire à l’élargissement auprès de la Commission Européenne, ainsi que par tous les ministres des Affaires Etrangères des pays membres.

C’est un moment historique pour l’’Albanie, à laquelle l’UE demande d’exploiter cet accord en vue de pousser plus loin les réformes. L’UE souligne le besoin d’ammener à l’Albanie les améliorations nécessaires, comme le retour des propriétés, les droits des minorités, la liberté de la presse et du gouvernement, sans oublier les mesures supplémentaires prises par le gouvernement contre la corruption et le crime organisé.

Le Premier ministre, Sali Berisha a affirmé le 12 juin que la signature de cet accord marque la fin d’une longe et pénible transition qui a duré 15 ans. « La signature de l’accord de Stabilisation est une reconnaissance de la transformation pacifique de mon pays pendant ces quatorze années. Il est passé d’un communisme totalitaire, caractérisé par l’athéisme imposé, l’hyper-collectivisme, la destruction de la libre initiative, en un pays où le pluralisme politique est consolidé, la liberté de la croyance et la tolérance religieuse garanties, le secteur privé en pleine croissance et développement, contribuant à plus de 80% dans le PIB : un pays où les revenus par personnes ont été multiplié par 11. », soulignait le Premier ministre albanais.

La collaboration

Le Premier ministre, Sali Berisha a assuré que le gouvernement reste ouvert à toute collaboration avec toutes les forces politiques, les groupes d’intérêt et les citoyens albanais. Dans ces conditions il a promis que l’Albanie entreprendra tous les efforts nécessaires de réformes afin que l’accord de Stabilisation - la totalité des normes, standards et critères qu’il stipule - le partenariat européen et les critères de Copenhague « puissent se transformer en des fondations solides de la démocratie basée sur le marché libre, la garantie des libertés et des droits des citoyens et minorités, l’état de droit, la séparation des pouvoirs et le fonctionnement des institutions indépendantes, l’indépendance des médias, la tolérance zéro envers le crime organisé et la corruption. »

Le Premier ministre albanais s’est voulu rassurant. Il a tenu à rappeller aux pays membres que malgré les mauvais souvenirs que l’Albanie pouvait rappeler à certains, « le crime organisé albanais et le réseau de corruption sont en train d’être démontés rapidement et l’Albanie deviendra un des pays les plus sûrs de la région. »

Réactions

Le ministre de l’Intérieur, Sokol Olldashi a quant à lui garanti que : « les prochaines élections électorales satisferont les standards de l’Union Européenne. » Il était aussi présent à la cérémonie de signature à Luxembourg. Après la clôture de la cérémonie, Olldashi a précisé que « malgré les bons résultats du Ministère de l’Intérieur dans la lutte contre le crime organisé, elle poursuivra ses efforts et renforcera ses actions dans ce sens pour compléter les engagements du gouvernement contre la criminalité, la corruption et les trafics. »

Le ministre des Affaires Etrangères, Besnik Mustafaj, a salué la signature de l’accord entre l’UE et l’Albanie, dont les négociations ont duré longtemps. Il a rappelé les nombreuses réformes complexes que le pays doit effectuer. Le ministre a aussi souligné sa confiance en l’engagement des institutions albanaises et la bonne progression de ces réformes.

Effets immédiats

La ministre de l’Intégration, Arenca Trashani a expliqué les effets de la signature de l’accord de Stabilisation et les nouvelles tâches qu’incombent à l’Albanie. « Après l’entrée en vigueur de l’accord Provisoire jusqu’à la ratification finale de l’accord de Stabilisation par les 25 pays de l’Union Européenne, une nouvelle étape de son application entre en jeu. Le ministère de l’Intégration sera le coordinateur, le moniteur et le rapporteur du processus d’intégration. Elle œuvre principalement à conformer la législation albanaise à celle de l’Union, à élaborer et proposer, avec les autres institutions centrales du Conseil des Ministres, des initiatives légales et des politiques sectorielles contribuant à l’application de cet accord. », affirmait la ministre albanaise de l’Intégration.

Le ministère de l’Intégration peaufine actuellement le plan de rapprochement de la législation nationale à celle européenne, et cela impose à tous les ministères et autres institutions officielles de rapporter les résultats et les réformes législatives et applicatives.

L’accord Provisoire prévoit la création d’une zone de libre échange entre deux pays pour une période transitoire, ainsi que l’ouverture du marché local aux exportations vers l’UE. Les tarifs douaniers entre l’UE et l’Albanie seront par conséquent réduits graduellement. L’accord Provisoire est asymétrique et favorise le commerce albanais en ouvrant les exportations des produits albanais vers l’UE : un plus grand échange de marchandises entre les deux signataires, une croissance de la production, une baisse des prix et du chômage, une amélioration de la situation macroéconomique... « Ces effets se feront rapidement sentir en Albanie » : a précisé Arenca Trashani.

 

Tirana attirée par le gaz russe 

Traduit par Mandi Gueguen Publié dans la presse : 8 mai 2006

L’Albanie pourrait devenir un carrefour important pour l’énergie européenne. Un projet colossal est prévu pour se raccorder au réseau international du gaz et se rapprocher du géant russe Gazprom. Silence, en revanche, sur l’impact environnemental...

Par Indrit Maraku

Le gouvernement de centre droit de Tirana se prépare à une vraie révolution énergétique en s’ouvrant au gaz provenant de la Russie. Selon l’ambassadrice américaine à Tirana, Marcie Ries, le projet ferait de l’Albanie, seul état des Balkans à ne pas être relié au réseau international du gaz, « un pillier important du domaine de l’énergie en Europe. » Pour cela, les autorités albanaises ont souscrit un « pacte de collaboration » sur la réalisation d’un terminal de regazéification destiné à satisfaire les besoins du pays. Ce projet serait aussi bénéfique à l’Italie et devrait mobiliser un investissement important s’élevant à 1.9 milliards de dollars.

Le gouvernement albanais a entammé des pourparlers avec la société russe Gazprom, le principal fournisseur de gaz en Europe, afin de raccorder l’Albanie au réseau russe. Toutefois, ces discussions devraient se faire au détriment d’un autre projet important, appelé « Ambo ». Ce dernier prévoit la réalisation d’un oléoduc reliant le port bulgare de Burgas à l’Adriatique, en passant par la Macédoine et l’Albanie mais il ne semble pas convaincre le Premier ministre albanais, Sali Berisha.

« Ambo » : un projet condamné ?

En mars dernier, le projet « Ambo » est présenté par le vice-ministre de l’Énergie, Gjergj Bojaxhi qui le définit comme « un simple projet de construction d’un oléoduc qui relierait la Mer Noire à l’Adriatique ». Il a suscité ainsi une vive réaction des médias et des experts, conscients que le projet « Ambo » représente bien plus de choses qu’un simple oléoduc. En effet, la consctruction d’une telle installation permetterait le transport du brut américain, argument qui suffit à priori pour faire plier les autorités albanaises. Par ailleurs, la consctruction de cet oléoduc qui devait réunir divers pays des Balkans est attendue depuis plusieurs années. Ces derniers ont déjà tout préparé pour commencer les travaux et l’ancien gouvernement socialiste albanais de Fatos Nano avait donné son plein accord au projet.

La construction de l’oléoduc était sur le point de commencer. Elle avait suscité un investissement de 1.2 milliards de dollars. Selon certaines estimations, 35 millions de tonnes de brut passeraient par an entre le port de Burgas en Bulgarie et celui de Vlora en Albanie. Et c’est là que le bas blesse. Le gouvernement précédent avait pensé construire un parc énergétique colossal (dont « Ambo » devait faire partie) près de la ville côtière. Cependant, lors de sa campagne électorale, Sali Berisha avait promis qu’une fois au pouvoir, il metterait un terme au projet pour préserver la zone, qui devient un des points forts du tourisme albanais.

Aussitôt dit, aussitôt fait. Il y a quelques semaines, les autorités albanaises ont demandé aux réalisateurs du projet de trouver un autre endroit pour l’embouchure du terminal, ce qui pose de gros problèmes à ces derniers. En effet, le port de Vlora, est le seul de la zone à posséder les caractéristiques adéquates selon les experts. Sa profondeur exceptionnelle permettrait aux bateaux de s’ancrer plus facilement.

Go Est... la chasse au gaz

Peu de temps après avoir écarté le projet « Ambo », Gjergj Bojaxhi a révélé les intentions de Tirana, expliquant que : « Le gouvernement considère comme un désavantage historique le fait que l’Albanie soit le seul pays des Balkans à ne pas être raccordé au réseau de gaz. Etant donné que le principal fournisseur de l’Europe et des Balkans est Gazprom, le gouvernement albanais est en train de mettre en place des contacts pour réaliser un réseau aussi en Albanie ».

Les autorités semblent pressées par le temps. Le 21 avril dernier, le gouvernement de Tirana a signé un « pacte de collaboration » qui prévoit la construction d’un terminal de regazéification et d’une centrale thermoélectique à Fier. Le projet pour lequel 1.9 milliards de dollars seront investis devra être réalisé par la société italienne « Saipem », la société américaines « Black & Veatch » et la société suisse « ASG ».

« Il s’agit du plus gros investissement jamais réalisé dans les Balkans et qui fera de l’Albanie un pillier important dans le domaine énergétique en Europe », affirmait l’ambassadrice américaine Marcie Ries. Le Premier ministre, Sali Berisha, en revanche, a assuré que son gouvernement « soutiendra de toutes ses forces la réalisation du projet ».

Le terminal de regazéification sera capable de transformer 10 milliards de mètres cubes de gaz par an. Quant à la centrale thermoélectrique, elle sera conçue en trois blocs de 400 mégawatt chacun. La structure entière sera construite près de l’embouchure du fleuve Seman sur un espace de 120 hectares. Elle sera ensuite reliée à l’Italie grâce à un conduit souterrain.

Et l’environnement ?

Le changement des plans de Tirana dans sa politique énergétique a été suivi avec la plus grande attention par les médias locaux. Comme à leur habiture, les médias ont suscité de nombreuses réactions et les commentaires sont venus de tout bords. Toutefois, la question environnementale n’a pas attisé de débats. Ni les responsables politiques, ni les associations de protection de l’environnement ne se sont donné la peine d’expliquer quelles seraient les répercussions sur l’environnement d’un projet de telle envergure. Concernant le projet « Ambo », les associations et le gouvernement se sont mis d’accord pour revendiquer l’éloignement de l’oléoduc de Vlora. Mais quand il est question du terminal de regazéification de Fier, les deux partis restent terrés dans le silence, un silence inexpliqué car les deux villes ne sont séparées que par une trentaine de kilomètres.

Si la question de l’énergie a trouvé des interlocteurs passionnés dans les diplomaties, la capitale albanaise ne semble pas vraiment s’en occuper et ce malgré la visite de plusieurs pays des Balkans de la secrétaire d’Etat américaine, Condoleezza Rice. Les 24 et 25 avril dernier, Condoleezza Rice aurait demandé à Athènes et à Ankara de refuser l’offre émannant de la société russe Gazprom qui se propose de participer à la construction en cours du gazoduc reliant les deux pays. Elle a surtout demandé aux deux capitales de diminuer leur dépendance au gaz russe. Après avoir rencontré son homologue grecque, la secrétaire d’Etat américaine a clairement mentionné le « danger » que puisse se créer « un monopole de provision d’une seule source, la Russie ».

Or, les sonnettes d’alarme tirées par Condoleezza Rice n’ont pas trouvé d’écho à Tirana. Les gouvernements albanais et macédoniens continuent pour le moment à montrer leur intérêt au géant russe du gaz, avec un nombre toujours croissant de lettres de sympathie, signées par les ministres de l’Energie des deux pays. Le danger de se trouver un jour en plein milieu d’un combat de titans est pour l’instant ignoré.

 

Le torchon brûle entre Tirana et le FMI
Traduit par Thomas Claus

Publié dans la presse : 1er décembre 2005

Temps orageux entre le FMI et Tirana. Le Premier ministre Sali Berisha voit ses propositions désavouées par l’institution internationale. Une situation qui reproduit les rapports de force de son mandat de président dans les années 1990. A l’époque, la mission permanente du FMI avait quitté l’Albanie.

Par Indrit Maraku

C’est par un dilemme que se conclut la visite de la délégation du Fonds Monétaire International (FMI) en Albanie. Le message adressé au nouveau gouvernement de Sali Berisha est clair : « Si vous ne faites pas ce que nous disons, nous nous en allons ! »

Revenu au pouvoir avec la promesse de réduire fortement les taxes, le Premier ministre s’est heurté à un « non » radical du FMI et a dû battre en retraite. Il a annoncé que dans le budget 2006, actuellement examiné par le Parlement, il n’y aura aucune réduction fiscale.

De son côté, la presse n’a manifestement pas apprécié ce qu’elle a appelé les « menaces du FMI ». Un exemple de rébellion vis-à-vis des conseils du FMI avait déjà été donné par les journaux roumains et bulgares.

Sali Berisha avait promis une réforme fiscale qui devait se concrétiser dès le budget 2006. Il entendait réduire la TVA en adaptant son taux selon une classification des produits, en fixant une imposition minimale aux produits les plus courants. Autre désir renié : baisser l’impôt sur le revenu, en favorisant particulièrement les petites entreprises. Selon le gouvernement, cette décision les aurait aidées à respirer mieux, et peut-être à créer de nouveaux emplois.

Mais le FMI ne partage pas ce point de vue. Selon Istvan Szekely, à la tête de la délégation qui s’est rendue à Tirana il y a quelques jours, l’économie albanaise, trop fragile et touchée par un niveau d’évasion fiscale élevé, ne peut se permettre de réduire des « rentrées d’argent sûres et propres » telles que la TVA et l’impôt sur le revenu. Décidé à ne laisser personne toucher à la TVA, Szekely a expliqué aux journalistes que dans aucun pays en voie de développement une réduction de la TVA n’a généré de création d’emplois.

Retour d’une situation connue

Comme si cela ne suffisait pas, la délégation du FMI a mis le Premier ministre dans une seconde situation délicate. Pendant la campagne électorale de juin dernier, le leader du Parti démocratique avait promis de ne pas réaliser le « parc énergétique » de la baie de Vlora. Un projet qui a par contre les faveurs de la Banque Mondiale (BM) et du FMI, a tel point qu’ils étaient parvenus à convaincre l’ancien gouvernement socialiste de Fatos Nano.

Mais vu la grave crise énergétique qui frappe le pays depuis deux mois, le FMI a fait pression afin que le projet soit réalisé. Un accord a été trouvé avec le gouvernement à la fin des rencontres. Berisha a dû expliquer publiquement que « à Vlora, nous construirons seulement une centrale thermique, pas un parc énergétique ». Mais malgré sa tentative de réduire la portée du projet, aux yeux des citoyens albanais, le Premier ministre a fait un pas en arrière en cédant aux pressions.

« Ni l’Albanie ni le FMI ne désirent que se répète la situation de 1996, quand le FMI avait rappelé du pays sa mission permanente. Mais si les autorités albanaises désirent réellement collaborer, nous devons nous écouter mutuellement. » C’est ce qu’ainsi qu’Istvan Szekely, le chef de la délégation, a répondu à un journaliste qui lui demandait si la supervision de l’économie albanaise signifiait un diktat sur des décisions qu’un pays souverain doit être libre de prendre seul.

Tous les médias ont parlé de menaces ouvertes adressées au gouvernement de droite de Berisha. Cette évocation de 1996 renvoyait aux précédentes tensions entre le FMI et Berisha, alors Président de la République. La mission permanente du FMI avait alors quitté l’Albanie. Le motif officiel portait sur les combines financières que le gouvernement de droite avait tolérées.

Avant de quitter la capitale albanaise, au cas où le message n’aurait pas encore été clair, la délégation du FMI a déclaré avoir posé 76 conditions au gouvernement avant de pouvoir passer au renouvellement de l’accord de collaboration entre l’institution et le pays. Un accord qui devrait officiellement durer trois ans, mais qui en réalité sera revu tous les six mois. Il s’agit là d’un pas en arrière dans les rapports entre le FMI et Tirana. Les observateurs locaux voient cela comme une mise à l’épreuve permanente, comme un manque de confiance vis-à-vis du gouvernement de droite : quand les socialistes étaient au pouvoir, l’accord était renouvelé tous les trois ans.

Violente réaction des médias

« Diktat », « pressions », « menaces », « défiance ». Ce sont les mots les plus utilisés par les journaux, qui ont suivi l’affaire complète avec beaucoup d’attention. Pour l’analyste Feti Zeneli, l’un de ceux qui ont eu les réactions les plus dures, le « violent contrôle du FMI de ces quatorze dernières années » doit être réduit à présent que l’économie du pays donne des signes de stabilité depuis six ans, avec une inflation sous contrôle et une croissance économique de 6%.

Zeneli parle d’une « jalousie insensée envers un nouveau gouvernement, causée par de vieilles histoires de désaccord. » Il ajoute que « le fait le plus significatif de l’insuccès de la mission économique et sociale du FMI en Albanie est l’échec d’une réduction de la pauvreté grâce à la croissance économique. [...] Aujourd’hui, 65 à 70% de la population albanaise est pauvre. »

Les nombreuses références à la Roumanie et la Bulgarie, qui ont dit « non merci » aux conseils du FMI, révèlent de la part des médias albanais une volonté d’« indépendance économique ». Ils montrent ne pas tolérer qu’on s’en vienne commander chez les autres.

Malgré les poignées de main, les sourires en public et les déclarations du genre « nous sommes d’accord sur beaucoup de points », les derniers développements laissent penser à des préférences politiques de la part du FMI. Les vieux problèmes entre l’organisme international et le « rebelle » Berisha sont connus de tous, mais selon divers observateurs, ils ne sont pas seulement à imputer aux affaires financières de 1996. Le vrai motif de la crise qui porta alors au départ de la mission semble être la requête (en 1995) du FMI au Premier ministre de l’époque, Aleksander Meksi, d’augmenter la TVA de 12,5% à 18% et d’augmenter les salaires de 10%. Les représentants de l’Etat, y compris le Président Berisha, avaient insisté pour conserver le même taux de TVA, mais en augmentant les salaires de 25%.

Les rapports du FMI avec les socialistes semblent par contre avoir été excellents à partir du 17 juillet 1997, jour de la création du Pacte de Stabilité pour l’Albanie, sous le patronage du FMI, de l’Union Européenne et de la BM. Le but de cet accord était de stabiliser les paramètres macro-économiques du pays. Pour atteindre cet objectif, le FMI et les socialistes prirent ensemble trois mesures radicales : augmenter la TVA de 12,5% à 20% ; bloquer les crédits-entreprise des banques de second niveau ; et augmenter le paiement progressif des salaires.

Selon les observateurs, l’assentiment des gouvernements socialistes d’après 1997 transforma la mission du FMI en un allié fidèle de l’équipe dirigeante de gauche. Un allié « qui les protégea de manière fanatique et souvent injustement », cite l’un des analystes.

A présent, c’est à Berisha qu’il revient de choisir : soit il marchera seul, soit il se fera prendre par la main. Pour poser ce choix, il a les « six mois de mise à l’essai » qui lui ont été concédés.

 

Komiteti i Pajtimit Mbarëkombëtar
Crimes de sang en Albanie : un appel au nouveau gouvernement
Traduit par Jacqueline Dérens

Publié dans la presse : 27 juillet 2005
Mise en ligne : mercredi 3 août 2005

Le Comité national de réconciliation lance un appel au nouveau gouvernement albanais. Pour sortir enfin du cycle des dramatiques vengeances de sang, souvent conséquence de la traite des êtres humains, une attitude résolue est nécessaire. Le Comité entend mettre les ressources de la tradition au service du renforcement de l’État de droit, mais les autorités publiques vont-elles faire leur part du travail ?

Du 20 mai au 8 juillet dernier, avant les élections parlementaires, le Comité national de réconciliation a organisé une mission volontaire de 45 jours dans tous les villages et toutes les villes d’Albanie. Le but était de rencontrer les familles ennemies et d’éviter de nouveaux conflits pendant la campagne électorale. Cette mission, dirigée par 160 militants et chefs de groupe, comprenait 2680 missionnaires répartis sur tout le territoire de l’Albanie. La mission tient à exprimer ses plus vifs remerciements à la direction générale de la police d’État et aux employés des districts pour leur disponibilité et leur coopération professionnelle dans la résolution de nombreuses situations conflictuelles, et l’aide apportée aux missionnaires pour leurs déplacements.

La mission n’a pu malheureusement éviter le meurtre de trois personnes, dont un jeune garçon de 13 ans de la famille Gjokejaj à Durrës, dans une reprise de sang, et le conflit survenu à l’école Basan Prishtina de Tirana, au cours duquel un observateur du Parti Républicain a été assassiné. La mission n’a pas perçu non plus les dangers qui menaçaient la vie du président de district de Basi, du Parti Démocratique, Behar Kastrati. Dans ce cas précis, les missionnaires ont exprimé leur disponibilité à offrir leur aide pour la résolution de ce conflit, si on le leur demandait.

Pendant ces 45 jours, la mission a constaté que les conflits les plus durs sont ceux qui ont commencé par un meurtre et, dans la plupart des cas, ces meurtres remontent à une longue période et n’ont pas été vengés. Pour ce motif, 1460 familles sont en conflit, 738 se cachent et 722 se sont dites prêtes à abandonner la vengeance de sang si le meurtrier est puni d’une manière impartiale par l’État. On compte environ 4500 familles touchées par des violations des droits familiaux, traite de femmes ou violation de la dignité de la personne, ce qui s’ajoute aux autres conflits.

Dans la région de Shkodra et les villages de Zadrima, 1600 familles sont en conflit pour des questions de droits de propriété. Ces familles sont liées entre elles par des liens d’alliance, mais à chaque moment, ces conflits peuvent faire couler le sang. Si les missionnaires de la réconciliation ont été souvent seuls et sans soutien dans leurs efforts pour empêcher les meurtres, ils ont obtenu des succès sans discontinuer. Grâce à leur travail, 430 familles de femmes victimes de trafic sont en cours de discussions pour éviter le bain de sang et, sans le rendre public, acceptent le retour de la fille dans la famille. À ce jour, près de 280 filles abusées sont retournées dans leurs familles, 23 d’entre elles sont mariées avec leurs protecteurs et vivent une vie normale dans le pays.

Le Comité national de réconciliation a formé dans chaque village des groupes avec le directeur de l’école, le chef de village et un représentant de la communauté qui veillent à mettre la tradition au service de l’état de droit contre les actes criminels.

Après le second Congrès national de réconciliation qui s’est tenu le 17 septembre 2004, le Comité a réussi à obtenir l’asile à l’étranger pour 611 familles menacées de reprise de sang. Les pays qui ont offert cet asile sont des pays d’Europe occidentale, le Canada et les USA. Malheureusement, le gouvernement albanais a signé des accords avec les pays d’Europe occidentale pour le retour des immigrants albanais qui n’ont pas de permis de séjour. Étant donné la situation d’extrême pauvreté et les conflits qui menacent la vie de ces citoyens albanais et leurs familles, ces accords sont inhumains et en opposition avec la Charte internationale des Droits de l’Homme. Le Comité national de réconciliation demande instamment au nouveau Parlement et au nouveau gouvernement de s’efforcer d’obtenir la révision de ces accords. La communauté internationale a, à plusieurs reprises, fait des contributions au gouvernement et aux institutions pour aider les familles victimes de conflits de reprise de sang ou de traite des êtres humains. Malheureusement, la mission a constaté que de nombreuses familles ne savent rien des projets de réhabilitation du gouvernement ou des donateurs. Le Comité national de réconciliation demande au nouveau Parlement albanais, au nouveau gouvernement, au Procureur général, à la Haute Inspection de l’État de vérifier où se trouvent les 40 millions de dollars que la communauté internationale et les contribuables albanais ont donné au gouvernement et aux institutions pour ces projets.

La traite des femmes albanaises est la cause de meurtres sanglants, impliquant parfois même la destruction de la famille entière du trafiquant. Le Comité avait établi que la pauvreté et le crime organisé avaient forcé à la prostitution dans et hors de leurs pays plus de 30 000 femmes d’Albanie, du Kosovo, du Monténegro et de Macédoine. Ces femmes sont sous le contrôle total des trafiquants qui sont impliqués dans d’autres activités criminelles. Toutes les trois heures, ces trafiquants engrangent plus de 2 milliards de dollars. Cette situation est la cause principale des meurtres de reprise de sang et de vengeance. Il est regrettable que les projets des donateurs internationaux soient élaborés selon leurs propres méthodes sans connaissance du terrain et en ignorant la mentalité et la psychologie du peuple albanais. Plus de 90% de ces projets ne sont pas appliqués sur le terrain et sont ignorés des groupes qui en auraient le plus besoin. Cette situation perdure pour les projets concernant les reprises de sang, la corruption, la traite des êtres humains et l’égalité entre hommes et femmes, même si le public est sensibilisé à ces questions.

La communauté internationale, le nouveau gouvernement et le nouveau Parlement devraient affronter ces questions avec plus de responsabilité. La stratégie du Comité national de réconciliation qui consiste à mettre la tradition au service de l’État de droit, contre les phénomènes négatifs de la société, a reçu le soutien populaire parce que le Comité affronte chaque problème concrètement sur le terrain, discute avec les gens et demande au conseil de la communauté d’apporter sa résolution au conflit. La coopération de l’État albanais et des institutions internationales avec le Comité national de réconciliation serait un pas positif vers le renforcement du respect de la loi chez les Albanais.

 

 

Shekulli
Les armes albanaises tuent en Afrique
Traduit par Mandi Gueguen

Publié dans la presse : 8 juillet 2005
Mise en ligne : lundi 11 juillet 2005

Un rapport récent d’Amnesty International jette la lumière sur des exportations régulières depuis 2002 de munitions, de grenades et d’explosifs de l’Albanie vers l’Afrique. Des millions de munitions albanaises sont vendues aux pays africains au mépris de l’embargo décrété par l’ONU. Une affaire qui embarrasse le Ministère de la Défense albanais.

Par Florian Papadhimitri

Le Ministère albanais de la Défense a vendu une quantité considérable d’armes et de munitions à quelques pays africains, enfreignant ainsi les conditions de l’embargo et la paix imposés par l’ONU. Une récente note officielle d’Amnesty International souligne que plusieurs conflits armés se déroulant dans la région des Grands Lacs, en Afrique, ont régulièrement été alimentés avec des armes et des munitions en provenance des Balkans et notamment d’Albanie,et ce malgré un embargo international et la signature d’un accord de paix.

Amnesty International répétait la semaine dernière que les pays ayant vendu des armes et des munitions, ainsi que les compagnies contractuelles impliquées dans ce commerce, sont allés à l’encontre de l’embargo et de la paix et ont facilité l’assassinat de millions de personnes au Congo, au Rwanda et dans d’autres pays africains. Les armes vendues, principalement issues de l’ex-bloc communiste, ont été acheminées par bateau et par avion et directement livrées aux groupes armés. Elles ont servi à perpétrer au cours des 6 dernières années de nombreux crimes, notamment en République Démocratique du Congo, causant la mort de millions de personnes. De plus, leur vente a été décidée au mépris de l’embargo décrété par l’ONU. Pour l’Albanie, cela constitue donc une violation caractérisée d’un des articles de la réglementation du commerce des armes du Ministère de la Défense.

Le trafic

Plus de 400 tonnes de munitions et d’armes automatiques ont été transportées par bateau et par avion d’Albanie et de Serbie vers le Rwanda. Selon Amnesty International, plusieurs compagnies du Rwanda, d’Afrique du Sud et d’Angleterre auraient joué le rôle d’intermédiaire dans ce commerce. Le trafic d’armes depuis l’Albanie se serait déroulé entre fin 2002 et début 2003, les convois aériens quant à eux auraient continué jusqu’au milieu de l’année 2004.

Le rapport d’Amnesty International mentionne également d’autres commandes. 130 tonnes d’armes et de munitions auraient été livrées depuis la Bosnie.

Les groupes armés implantés dans la région des Grands Lacs et approvisionnés avec des armes albanaises, sont connus pour avoir allègrement transgressé les droits de l’homme et pour avoir perturbé le processus de paix engagé depuis 2002 entre la République Démocratique de Congo, le Rwanda et l’Ouganda. Le trafic d’armes s’est mis en place pendant l’embargo décidé le 18 avril 2003 par le Conseil de Sécurité de l’ONU.

Pour l’ONU, il s’agissait d’empêcher les armes d’arriver au Congo, où certains groupes se battent contre les gouvernements rwandais et ougandais. Amnesty International se dit très préoccupé pour la situation dans cette région, et insiste sur le danger que représentent les armes en provenance d’Albanie. La dernière déclaration de l’organisation affirme que le Rwanda a importé d’Albanie des millions de munitions ainsi que des grenades et des lance-grenades. La réglementation du Ministère de la Défense albanais stipule pourtant que la vente d’armes ou de munitions est interdite aux état sous embargo, mesure qui est restée semble-t-il totalement ignorée.

Le transport des armes

Depuis la signature d’un accord de paix en République Démocratique du Congo au deuxième semestre 2002, de grandes quantités d’armes ont été transportées par avion de Tirana vers Kigali. Selon le rapport d’Amnesty International, les vols ont commencé à la fin du mois de juin 2003. Si le gouvernement rwandais a toujours nié ces faits, des données européennes confirment pourtant le transport de plus de 400 tonnes de munitions par des compagnies albanaises, israéliennes, rwandaises, anglaises et sud-africaines. Des documents provenant de Tirana soulignent également que six vols remplis d’armes ont été organisé par le MEICO [1] entre Tirana et Kigali. Selon Amnesty International, chacun de ces vols, entre octobre et novembre 2002, transportait près de 40 tonnes d’armes et de munitions. On y trouvait entre autres des millions de balles d’armes automatiques ainsi que des grenades et des lance-grenades.

Pourtant, selon Amnesty International, le Ministère de la Défense nie avoir vendu des armes aux compagnies concernées par l’embargo de l’ONU.

Selon de hauts fonctionnaires albanais, au moins 4 avions ont volé de Tirana vers Kigali entre avril et juin 2003, pour transporter au moins 3 590 000 balles de 7.62 mm (balles d’armes automatiques) et près de 85 000 balles de 9 mm (balles de pistolets). De plus, au moins un vol a transporté des explosifs. Un certificat de livraison, traduit en albanais par « certificat de vérification de livraison » a été délivré le 24 juin 2003 par le Ministère de la Défense rwandais, pour la livraison de 3.590.160 balles de 9 mm par l’Albanie. Les fonctionnaires albanais ont annoncé qu’une quantité considérable de balles a été retournée par le Rwanda.

Pandeli Majko, ministre de la Défense depuis août 2002 a déclaré qu’une compagnie siégeant en Israël a joué le rôle d’intermédiaire pour transporter les armes vers le Rwanda. Selon le Ministère de la Défense, l’ambassade albanaise à Tel-Aviv a confirmé le fait que cette compagnie possède une licence de commerce d’armes délivré par le gouvernement israélien. Amnesty International ne sait pas qui a payé et ne connaît pas les sommes versées pour les armes achetées en Albanie.

Les fonctionnaires du Ministère de la Défense ont confié aux experts d’Amnesty International que le gouvernement albanais tente de moderniser l’armée en vendant au rabais des équipements militaires obsolètes et de petites quantités d’armes fabriquées entre 1950 et 1960. Le Ministère de la Défense nie avoir vendu des armes aux pays sous embargo de l’ONU ou impliqués dans des conflits régionaux. Pourtant, les faits prouvent le contraire, des armes albanaises ont bien été vendues au Rwanda.

Le MEICO

« MEICO » (Military Export Import Company) est une entreprise d’Etat sous tutelle du Ministère de la Défense d’Albanie. Elle a été créée en 1991 par décision du Conseil des Ministres, nr. 366, datant du 05.10.1991, intitulé « Pour la création de l’Entreprise de l’Import-Export, sous la tutelle du Ministère de la Défense ». Elle exerce son activité pour satisfaire aux besoins des Forces Armées Albanaises. Elle exporte du matériel militaire issu des stocks de l’Armée Albanaise.

La réglementation du commerce d’articles à caractère militaire dans la République d’Albanie

Les conditions pour importer ou exporter des armements, des munitions ou du matériel à caractère militaire depuis/vers la République de l’Albanie par le MEICO sont les suivantes :

a. Etre un sujet commercial enregistré dans un état non soumis à un embargo des Nations Unies, état où l’importation et l’exportation des armements, des munitions et d’autres marchandises est interdite.
b. Posséder une licence autorisant l’importation d’armements, de munitions et d’autres marchandises, délivrée par les autorités compétentes de son pays.
c. Présenter un certificat de dernier utilisateur
(End User), document délivré par les autorités compétentes de son pays, garantissant que cette marchandise aura comme destination finale ce pays et ne sera ni réexportée vers un autre pays.

Des doutes sur les revenus des ventes de munitions

Les données officielles des exportations albanaises entre 2002-2004 montrent que l’exportation des armes et des munitions ne dégage que peu de revenus. L’ACIT, (Centre Albanais pour le Commerce International) confirme que les revenus provenant de l’exportation des armes et des munitions pour 2002, 2003 et 2004, ne dépassent pas 700 mille dollars.

Amnesty International s’interroge donc sur le prix de vente et le mode de paiement des exportations albanaises. Ou est parti l’argent des ventes de 2002 ? Aucune donnée n’a été trouvée sur le prix unitaire d’une balle, d’une grenade ou d’une lance-grenade vendues en Afrique.


[1] Compagnie d’Import-export militaire, filiale du Ministère albanais de la Défense qui possède une licence de vente d’armes

 

 

Gazeta Ballkan
Albanie : les femmes rrom revendiquent le droit à l’instruction
Traduit par Mandi Gueguen

Publié dans la presse : 15 avril 2005
Mise en ligne : lundi 2 mai 2005

Ils survivent dans la pauvreté la plus extrême, les maladies et l’ignorance ne les ont jamais quittées. La population rrom vivant dans les territoires albanais ne jouit d’aucune reconnaissance de la part de l’État albanais, comme s’ils n’existaient pas, d’autant plus que la majorité d’entre eux n’est pas inscrit dans les registres d’état civil.

Confrontées à la pauvreté, de nombreuses femmes de cette population sont contraintes d’avorter, ne pouvant pas assumer les enfants à naître. Malgré tous leurs problèmes quotidiens, les femmes rrom expriment un intérêt pour l’instruction et l’éducation.

Elles en parlent ouvertement dans le Centre « Le cœur de la Mère », où 150 femmes d’âges divers se rendent chaque jour pour apprendre à lire et à écrire l’albanais, car elles ne veulent pas rester dans l’obscurité de l’analphabétisme. L’enseignante des élèves Rrom, Maliqe Rrenja, raconte à quel point ces femmes sont désireuses d’apprendre et leur persévérance.

Elles savent combien il est difficile de nos jours d’affronter le monde quotidien sans savoir lire et écrire, et la difficulté de leur vie spécifique ne les détourne pas du désir d’apprendre. Une des femmes de la communauté affirme que les femmes rrom sont comme toutes les autres, et qu’elles ont envie d’avoir une vie meilleure et de jouir des droits accordés à tous les autres citoyens.

Elles ont entre 15 et 60 ans et s’appliquent toutes avec de la patience à apprendre à lire et à écrire la langue albanaise. L’enseignante les félicite de leur attention en classe et du soin avec lequel elles font leurs devoirs. Bien sûr, les plus âgées ont plus de difficultés que les jeunes, mais elles font le maximum pour suivre et ne pas rester à la traîne.

 

Panorama

L’économie albanaise prise au piège de la mondialisation
TRADUIT PAR MANDI GUEGUEN

Publié dans la presse : 4 janvier 2005
Mise en ligne : mercredi 5 janvier 2005

Pour une économie sous-développée comme celle de l’Albanie, la globalisation peut avoir des conséquences catastrophiques. Le rapport des importation et des exportation est de 6 pour 1, il atteint même 11 pour 1 pour les produits agricoles. Nos exportations « Made in Albanie » couvrent à peine 20% des importations. Le gouvernement est en panne de politique économique.

Par Feti Zeneli

Les crises économiques sont partie intégrante de la vie des pays développés aussi bien que de ceux qui sont en développement. Le progrès se voit à travers la solution des diverses crises économiques, la pauvreté et le chômage étant la conséquence de la prolongation de ces crises.

Selon le développement économico-social du pays, on peut distinguer globalement les crises dues la surproduction et celles causées par l’absence de production. Les pays développés, par exemple les États-Unis, connaissent une crise due à la surproduction. En revanche, la crise actuelle en l’Albanie ou d’autres pays sous-développés, est due à l’absence de production.

D’un autre côté, la solution d’une crise dans un pays développé peut entraîner une série d’autres troubles dans ces pays ou d’autres, comme c’est le cas avec la baisse du dollar. Les pays développés oscillent, en fonction de leurs politiques de droite ou de gauche, entre incitation à l’augmentation de l’offre et de la production à travers la baisse des taxes, ou incitation à la consommation à travers la hausse des salaires, etc.

Crise de développement

Contrairement aux pays développés marqués par la surproduction, l’Albanie connaît, elle, une crise de développement, qui s’est intensifiée depuis la transition à une société démocratique. Ainsi, lorsque la droite était au pouvoir, jusqu’à la fin de 1996, les taxes et les prix étaient de 2 à 3 fois plus bas et le nombre de chômeurs 4 fois moindre qu’aujourd’hui. Ce furent des débuts difficiles mais prometteurs.

En 1991-1992, aucun expert international n’avait prévu un rythme aussi soutenu de développement de la part d’une société enfermée pendant 45 ans dans une dictature.

En 1994-1995, selon les experts, il aurait fallu au moins une décennie à l’Albanie pour atteindre le niveau des autres pays de l’ex-bloc communiste de l’Est. A l’arrivée de la gauche au pouvoir, et après le collapsus économique tragique provoqué par la faillite des sociétés pyramidales en 1997, obéissant au principe « un pas en avant, deux en arrière », l’écart avec les autres pays en transition s’est creusé.

Dans la situation actuelle, notre pays souffre non seulement des conséquences de son recul, mais aussi de l’essor des autres pays, dont ceux de l’Europe de l’Est. L’effet néfaste des crises économiques de production se fait sentir sur tous les pays, dans la perspective de la mondialisation, les pays pauvres se voyant cantonnés à importer le surplus des pays riches en stoppant ainsi leur production.

L’Albanie subit particulièrement la surproduction de ses voisins, puisqu’elle a abandonné entièrement la production locale et privilégie l’importation. Par conséquent, le rapport des importation et des exportation est de 6 pour 1, il atteint même 11 pour 1 pour les produits agricoles. Nos exportations « Made in Albanie » couvrent à peine 20% des importations.

Le secteur agricole sacrifié

De plus, nous importons en majorité des produits ou marchandises, jadis produits sur place et même exportés dans les conditions de l’économie centralisée et en absence de technologies modernes. Ainsi, des quantités considérables de nourriture, de produits agricoles, de boissons, de tabac, jusqu’au foin pour le bétail, viennent de l’étranger, alors que nous avons les conditions et l’expérience pour les produire. Le poids de la production agricole dans le PNB a chuté à près de 24%, soit environ deux fois moins qu’au début de la transition, et les perspectives de croissances sont sombres.

Cette baisse du secteur agricole et la réduction de sa diversité ont entraîné la baisse des exportations et l’augmentation des importations de ces produits. Autrefois, nous exportions près de 100 000 tonnes de légumes par an et rien que l’exportation du tabac rapportait au budget plus de 50 millions de dollars, alors qu’aujourd’hui tous ces articles sont importés. De même, l’industrie de la bière, de l’huile végétale et des œufs, les trois principaux produits du commerce agricole, importent leur matière première. Une telle situation économique montre la position de la gauche albanaise au pouvoir, qui permet un tel déclin de la production locale et ne réfléchit pas à développer les secteurs de production et leurs infrastructures.

Ce gouvernement ne soutient pas la production locale, mais privilégie la production étrangère qui tend à s’accroître et à s’exporter de plus en plus dans le cadre de l’économie mondialisée. Dans ces conditions il faut commencer sans perdre plus de temps à construire et à appliquer des stratégies tendant à réduire au minimum indispensable les importation de produits de consommation au profit de machines et équipements pouvant ouvrir la voie à la production locale. D’un autre côté, de tels investissements doivent être stimulés à travers des aides fiscales, comme partout ailleurs dans le monde.

Les accords successifs de libre échange avec les pays de la région, la perspective de création d’une zone commerciale balkanique franche, l’association et ensuite l’intégration à l’Union Européenne, et d’autres développements de cette nature représentent une croissance des opportunités du développement du commerce et de l’activité économique en général, mais ils peuvent aussi constituer un risque si les retards s’accumulent.

À part l’amélioration de ces indices, les experts internationaux pensent que l’Albanie peut réaliser son rêve d’intégrer l’Europe seulement si dans les années à venir son rythme de croissance économique annuel ne baisse jamais en dessous de 13-14%. Actuellement, cet indice est 2 à 3 fois moins élevé.

 

Albanie : salaire minimal, minimum de survie
TRADUIT PAR MANDI GUEGUEN

Publié dans la presse : 24 novembre 2004
Mise en ligne : samedi 27 novembre 2004

En Albanie, les petits salaires suffisent à peine pour couvrir les besoins vitaux élémentaires. Le salaire minimum est actuellement d’environ 85 euros, il devrait être porté à 130 euros pour permettre aux salariés de survivre. Les pensions et les aides sociales se situent bien en-dessous du seuil de pauvreté.

Par Eglantina Nasi

Quelques données : 200 000 retraités bénéficient d’une retraite rurale d’environ 20 euros par mois, 370 000 autres de retraites citadines d’environ 60 euros par mois. L’assistance chômage ne dépasse pas les 35 euros par mois. Ces revenus se situent en dessous du seuil de pauvreté. Près de 790 000 Albanais vivent avec moins de la moitié des revenus mensuels minimum, ce qui place le tiers de la population en dessous du seuil de pauvreté.

Les membres du Conseil National du Travail, ont souligné les faibles revenus de la majorité des Albanais, lors d’un débat sur la dernière étude du gouvernement à ce sujet. L’étude en question, met en évidence la multiplicité et la diversité des salaires minimum en Albanie selon les professions et les employeurs. La majorité de ces salaires ne dépasse pas le seul du minimum vital, ce qui ne permet pas au salarié de satisfaire à ses besoins élémentaires, malgré un travail fixe.

Kastriot Muça, Président de la Confédération des Syndicats Albanais trouve préoccupant que les syndicats ne soient pas consultés pour de telles études. « Nous devons être consultés, a-t-il affirmé, mais jusqu’à présent le gouvernement nous a évités. La définition des salaires minimum doit tenir compte de la solvabilité des entreprises, de leur chiffre d’affaires réel »...

Des salaires différents

Le salaire minimal doit dépasser le niveau du minimum vital, mais il faut pour cela définir exactement ce dernier, puisque les chiffres diffèrent, selon qu’ils viennent ministère du Travail et des affaires sociales, des syndicats ou des centres d’études.

Le salaire minimal ne doit pas être confondu avec les revenus. Le salaire est fixe, alors que les revenus sont les éventuelles hausses de ce salaire. Si le gouvernement augmente le salaire minimal, il reste toujours un salaire minimal et, socialement, ce n’est pas une énorme avancée. Lorsque le salaire minimal est indexé, il ne change pas pour autant, malgré les hausses apportées par le gouvernement, puisqu’elles sont dictées par la hausse des prix, expliquent entre autres les spécialistes. Le seuil du salaire minimal ne devrait pas descendre en dessous de 14 539 leks par mois (environ 130 euros), somme calculée sur la valeur réelle du minimum vital pour un salarié, le coût supplémentaire induit pour les entreprises devra être supporté par l’État.

Le gouvernement fait une étude

Le gouvernement a précisé des quotas différents pour définir le salaire minimal. Une étude été réalisée à l’instigation du Premier ministre par un groupe spécial de travail interministériel, dirigé par le vice-ministre du Travail et des affaires sociales. Elle présentait les exigences des normes internationales sur le salaire minimal et les expériences étrangères et divers moyens mis en œuvre pour sa définition, les fonctions du salaire minimal dans l’équilibre social en Albanie, la relation entre le salaire minimal et l’inflation, sa relation avec le salaire moyen selon les activités économiques, le salaire minimal et les profits sociaux, le salaire minimal et le calcul des assurances sociales.

Le groupe de travail, après avoir évalué la situation actuelle des salaires selon les activités économiques en Albanie, a présenté des propositions qui peuvent servir de référence aux partenaires sociaux pour estimer le niveau minimum des salaires dans les contrats de travail. La conclusion comportait des recommandations pour la protection du niveau minimal du salaire des employés et toutes les obligations rattachées. Cette étude a été consultée par la triple commission des salariés et des pensions du Conseil national du travail.

Le Conseil du travail discute du budget 2005

La première discussion du projet de budget 2005 de l’État devant le Conseil national du travail représente un progrès dans les relations institutionnelles entre le gouvernement et les partenaires sociaux, et reflète la prise en compte d’une des principales demandes des partenaires sociaux et des engagements pris par les deux partis. Le ministre du Travail et des affaires sociales, Engjell Bejtaj, affirme qu’en 2005, le budget continuera à financer en priorité le secteur de la santé, de l’éducation et des services sociaux. Il prévoit des politiques différenciées dans le système des salaires pour ces secteurs prioritaires, ainsi que la hausse des retraites et pensions.

Le salaire minimal est actuellement de 10 800 leks (environ 85 euros) : selon l’étude, pour des secteurs particuliers comme les mines, le pétrole, etc., le salaire minimal devrait être de plus de 22 000 leks (soit 170 euros environ).

Les retraites, les pensions et les aides en dessous du minimum vital

Malgré la hausse constante des pensions par le gouvernement albanais et le quota de l’aide économique, le niveau du minimum vital n’est toujours pas dépassé par les retraites et pensions. Selon les données actuelles, les retraites, les revenus mensuels de l’assistance chômage et d’autres aides pour les personnes en difficultés, ne dépassent pas 9 700 leks par mois (75 euros), ce qui est loin d’être suffisant pour vivre.

Les spécialistes jugent impossible une hausse des retraites, pensions, et aides au-delà du niveau minimum de revenus, à cause de l’ampleur du marché informel du travail, du niveau de chômage et de l’émigration qui a fait s’éloigner la partie la plus active de la population. Ces causes contribuent à appauvrir la caisse des assurances sociales.

 

SHEKULLI
Industrie pétrolière : monopole exorbitant pour une société italienne en Albanie

TRADUIT PAR MANDI GUEGUEN

Publié dans la presse : 28 avril 2004
Mise en ligne : vendredi 30 avril 2004

Un projet de concession pour la construction et l’exploitation du terminal pétrolier de Vlora à à la société « La Petrolifera Italo Rumena » suscite la polémique. La société italienne obtiendrait pas un monopole contraire aux lois et aux règles de la concurrence. Les députés veulent que le gouvernement revoit sa copie.

Par Anila Rama

La Commission Parlementaire de l’Économie a rejeté le projet de loi du gouvernement qui accordait, sous forme de concession « BOO », la construction et l’exploitation du terminal côtier de Vlora à à la société « La Petrolifera Italo Rumena », pour le stockage du pétrole et de ses dérivés.

Selon le projet d’accord négocié par le gouvernement et la société étrangère, celle-ci avait de droit le monopole du contrôle du pétrole et de ses dérivés dans la région de Vlora. Or, pendant l’élaboration du premier projet d’accord, un deuxième projet était planifié qui cédait une concession de forme « BOT », « Pour la construction et l’exploitation de l’infrastructure portuaire au service du terminal côtier dans la baie de Vlora », qui a aussi été rejeté. Tous les députés ont objecté que l’octroi de concession à la société italienne, en lui laissant le monopole du stockage du pétrole pour toute la région, allait à l’encontre de la loi sur la concurrence et celle sur les monopoles, et ils ont demandé que le projet soit retourné au Conseil des Ministres pour être reconsidéré.

Le président de la Commission de l’Économie, Ylli Bufi, a affirmé hier que les deux projets d’accords qui ont été examinés transgressaient ouvertement les deux lois fondamentales adoptées par le Parlement et qui régissent actuellement l’économie albanaise. « Le gouvernement doit renégocier les deux projets en établissant de nouvelles conditions. La création d’un monopole en faveur de cette compagnie va à l’encontre des règles de l’Organisation Mondiale du Commerce et de la concurrence, en lui laissant l’exclusivité entière du contrôle des produits pétroliers dans toute la zone de Vlora ».

Entre temps, le député de l’opposition Dashamir Shehi a déclaré qu’il était inacceptable qu’une compagnie privée soit ainsi favorisée, pour une commerce jouissant d’un monopole sur le domaine public, enfreignant ainsi la loi sur la concurrence.

Que prévoient les accords ?

La société « La Petrolifera Italo Rumena », à part le monopole du stockage du pétrole et de ses dérivés, serait exonérée de toutes les obligations fiscales et douanières pendant les deux années où elle importera la matière première et les équipements divers utilisés pour la construction du terminal et de l’infrastructure portuaire, deux mois après s’être munie des permis et d’autres documents nécessaires.

Dans leur rapport, des experts légaux expliquent que l’objet de la concession sur l’exploitation du terminal côtier pour le stockage du pétrole et de ses dérivés, serait construit par l’entrepreneur, la société italienne, qui pourra l’exploiter pendant les trente prochaines années, grâce à un contrat renouvelable et un investissement de près de 30 millions d’euros.

Le délai en question débutera dès la clôture du projet final qui sera élaboré dans les 9 mois à venir, et seulement alors pourront commencer les travaux de construction du terminal, qui devraient durer deux ans.

La surface où s’étendra le projet est de 183 000 mètres carrés, et la société concessionnaire en sera propriétaire, en compensation de l’infrastructure portuaire qu’elle construira dans la baie de Vlora. Selon le gouvernement, le passage de propriété en faveur du concessionnaire sera régi par un contrat de vente, à la valeur d’un euro symbolique. Le prix de la surface est étroitement lié à la valeur de l’investissement, dont l’État sera propriétaire à la fin du contrat, c’est-à-dire dans trente ans.

Malgré l’exclusivité de l’opérateur en question, la compagnie nationale pétrolière « Armo » et le projet AMBO, exclus du projet, continueront leur activité dans la zone de Vlora.

 


Albanie : les tensions sociales inquiètent les investisseurs
TRADUIT PAR PIERRE DÉRENS

Publié dans la presse : 5 mars 2004
Mise en ligne : vendredi 5 mars 2004

Les manifestations de l’opposition inquiètent les investisseurs, alors que la situation économique de l’Albanie avait tendance à s’améliorer ces deux dernières années. Plusieurs grands projets d’investissement seraient suspendus.

Par Dalina Buzi.

Une semaine après les premières manifestations de rue violentes, le 7 février, le plus célèbre chanteur albanais priait le ciel pour qu’apparaisse son orchestre italien afin que son concert puisse se dérouler sans problème.

Ardit Gjebrea a eu des difficultés pour convaincre son orchestre que la vague de manifestations organisées par l’opposition de droite ne mettait pas en cause la sécurité du pays.

La première manifestation s’est achevée, violemment quand la police a arrêté des milliers de manifestants qui cherchaient à se diriger vers les bâtiments du gouvernement et demandaient la démission du Premier ministre Fatos Nano. Le 20 février, une autre manifestation de 20000 personnes s’est terminée dans le calme.

La stabilité politique demeurant incertaine, il n’y a pas que les musiciens italiens qui menacent de ne pas venir. Les investisseurs potentiels dans le plus pauvrepays balkanique disent aussi que leur patience s’effiloche.

Luan Bregasi, Président de la Chambre de Commerce d’Albanie, explique que les investissements étrangers se sentent menacés par « la répétition possible des actes violents du 7 février ».

Luan Bregasi parlait ainsi le 17 février, trois jours avant la seconde manifestation, plus importante que la précédente et qui s’est bien terminée. Mais aussi longtemps que l’atmosphère demeure tendue - le dirigeant de l’opposition, Sali Berisha, a promis de nouvelles manifestations pour le 20 mar -, les investisseurs étrangers restent méfiants.

L’économie albanaise se remettait doucement de l’état anarchique des années 1990. Les rapports des investisseurs appréciaient l’Albanie mieux en 2003 qu’en 2002. Par exemple, la banque américaine Exim augmentait d’un point le taux de profit du pays dans son bilan annuel.

Les plus grandes injections d’argent dans le domaine économique viennent encore des donneurs étrangers et des prêteurs plutôt que des investisseurs commerciaux. La Banque Mondiale, l’UE, l’Italie et l’Allemagne montrent le chemin, visant en priorité la reconstruction des infrastructures détruites.

La plupart des financements étrangers vont dans les télécommunications, la banque et l’industrie manufacturière, même si le manque d’électricité et l’approvisionnement en eau sont des freins réels pour beaucoup d’investisseurs potentiels dans ce dernier domaine.

Récemment, l’Albanie s’est mis à attirer plus d’intérêt de la part des pays d’Europe occidentale et des USA. À la fin 2003, la banque centrale autrichienne Raiffeisen a acheté la plus grande banque albanaise, la Banque des dépôts, pour 126 millions de dollars américains.

L’an dernier, deux corporations américaines, General Electric et Lockheed Martin, ont négocié des accords pour intervenir dans le secteur de l’énergie et celui des ports albanais. Le gouvernement a accordé une concession à un consortium américano-germanique, Airport Partners, pour un investissement de 80 millions de dollars pour construire un nouvel aéroport international d’ici trois ans

Il est vrai que la récente agitation politique ainsi qu’un sens plus général d’instabilité posent question à certains investisseurs.

Zenel Hoxha, Président de la Chambre de Commerce Britannique en Albanie, affirme que les investisseurs britanniques se sentent « asphyxiés » par l’impasse politique en cours. S’ils devaient rencontrer d’autres difficultés, ils n’hésiteront pas à se retirer.

Floreta Faber, Présidente de la Chambre Américaine de Commerce, nous a confié qu’au moins un investisseur important des USA avait mis un investissement majeur en attente, même si elle ne veut pas divulguer le nom de la firme en question. Pour Floreta Faber, « les manifestations sont déstabilisatrices, et cela n’est pas bon ».

Il n’est pourtant pas certain que ces manifestations portent toute la responsabilité du manque de confiance des investisseurs. Tout concourt à démontrer que les problèmes sous-jacents qui vont avec la façon dont sont traités les investisseurs par le gouvernement y participent aussi.

Artan Hoxha, économiste indépendant et vice-Président de l’Institut des études contemporaines (ICS) explique que le gouvernement se sert des manifestations pour cacher ses propres faiblesses. « Il y a des manifestations dans tous les pays, et les investissements continuent avec un autre gouvernement », explique-t-il.

D’après Artan Hoxha, le vrai problème se trouve au niveau de l’excessive centralisation gouvernementale, par laquelle aucune décision ne peut être prise sans l’aval ministériel. « L’administration ne peut pas agir ni décider quoi que ce soit sans l’approbation d’un ministre du gouvernement ».

Un rapport de 2003 du ministère allemand des Affaires étrangères va dans le sens d’Artan Hoxha, en affirmant que les investisseurs « ont de la peine à trouver les gens responsables dans l’administration » pour leur accorder les autorisations dont ils ont besoin.

Même après la signature des contrats, les accords sont dépendants de chaque ministre concerné, au point que les investisseurs sont dans la crainte d’un changement ministériel. « Ils se soucient d’avoir tout à recommencer si le gouvernement change de visage », explique Artan Hoxha.

Comme l’explique Floreta Faber, « quand un ministre ou bien le gouvernement change, chaque directeur et chaque chef de bureau de chaque ministère est remplacé par quelqu’un qui veut tout recommencer à partir de zéro ».

 

KOHA JONE

Émigration : les contradictions de la société albanaise
TRADUIT PAR MANDI GUEGUEN

Publié dans la presse : 17 janvier 2003
Mise en ligne : lundi 2 février 2004

Ce second volet de l’analyse d’Artan Fuga s’intéresse à la perception des Albanais sur le double phénomène de l’exode, de la campagne à la ville et de l’Albanie vers l’étranger. Le sociologue se penche notamment sur le discours contradictoire des responsables albanais, qui condamnent le trafic de clandestins mais se réjouissent des injections massives d’argent de cette nouvelle diaspora dans l’économie nationale.

Par Artan Fuga

-  Suite de l’article : Émigration : les causes de l’exode albanais (1/2).

Nous vivons grâce aux émigrants. Devons-nous les en féliciter, ou les empêcher de partir ?

Il n’y a guère de doutes à ce sujet, et l’affirmation précédente ne veut pas dire que ceux qui travaillent dans le pays n’ont aucune capacité professionnelle, aucune envie de travailler ou de se donner de la peine dans toutes les sphères de l’économie et de la culture nationale. Bien au contraire, leur travail et leur activité sont fondamentaux pour le pays.

Selon les statistiques officielles, qui confirment les chiffres publiés par les institutions économiques internationales, il apparaît que pour chaque unité de valeur exportée, nous en importons plus ou moins quatre ou cinq. Selon ces mêmes statistiques, pendant l’année 2003, cet écart s’est accru. Ce qui signifie que pour leur survie, les Albanais ont le choix, soit de s’endetter encore plus à l’étranger, soit de bénéficier de l’aide en marchandises de consommation par des donateurs puissants, soit de poursuivre une géopolitique internationale en fonction de l’assurance de moyens matériels de survie, soit de consentir à des trafics illégaux pour permettre aux citoyens de profiter d’un important flux financier marginal pour acheter de la marchandise venue de l’étranger ou du marché intérieur.

Le modèle économique albanais actuel s’appuie essentiellement sur deux flux qui font circuler des valeurs, donc des marchandises et de la main d’œuvre, dans deux sens opposés. Le premier flux de valeurs se constitue de valeurs matérielles et monétaires provenant de l’intérieur et de l’extérieur du pays. Le deuxième flux va à l’opposé du premier en s’orientant vers l’étranger. Les deux flux de valeurs à polarités opposées se complètent et s’entretiennent pour exister [...]. Le fait est qu’économiquement parlant, le pays s’intègre à l’économie mondiale en se livrant surtout à ce grand échange : obtention de marchandise et d’argent contre livraison de main d’œuvre, d’émigrants et de clandestins.

Il est de notoriété publique que l’émigration et sa nature clandestine oeuvre spontanément et officieusement entre notre pays et les autres. L’émigration clandestine et ses conséquences pénibles, comme celles que nous venons juste de vivre [1], sont traumatisantes et douloureuses, ce sont des drames lourds et brutaux pour les familles et les amis des victimes. C’est certain. Sur le plan macro-social, admettons sans hypocrisie que la société, dans sa situation actuelle, est pleinement consciente du phénomène, dans toutes ses dimensions, et celui-ci est officialisé d’une façon ou d’une autre en assurant ainsi considérablement sa survie. L’émigration clandestine n’est donc pas un événement imprévu, occasionnel, isolé, qui nous « arrive » lorsqu’on découvre des embarcations de fortune par ci - par là. Elle participe du modèle économique et social par lequel le pays se définit actuellement.

Récemment, la presse a publié les déclarations de divers fonctionnaires se félicitant de l’entrée de tant de fonds monétaires provenant des épargnes des émigrants, envoyés à leurs familles. Ils ont été jusqu’à nous affirmer que dans notre système bancaire, contrairement aux anciennes pyramides financières, une certaine quantité de moyens financiers appartenant à nos émigrants circule et est administrée. Laissons de côté la discussion sur l’influence de cet argent sur notre économie nationale, et intéressons-nous à cette fierté de l’administration au sujet des revenus des émigrants et de la gestion qui en est faite, et là toute discussion tourne court, alors qu’on sait que cette émigration repose aujourd’hui comme hier sur la clandestinité, et la faute n’incombe pas aux émigrants.

L’administration se prend ainsi dans une contradiction. Elle se vante et se félicite du flux financier provenant aussi par l’émigration clandestine, et elle s’endeuille et pleure, en criant qu’elle va l’arrêter, cette même émigration clandestine quand elle apporte malheur et mort. La situation morale est plus que difficile et doit être résolue une fois pour toutes.

L’émigration est un phénomène social qui a sa propre place au sein de l’économie mondiale actuelle. Certes, la tendance à l’émigration ne dépend pas entièrement de la volonté d’un gouvernement ou d’un fonctionnaire particulier. Il y a des facteurs internationaux structurels qui dépassent totalement les pouvoirs de l’administration d’un petit Etat pour les contrôler et qui pèsent sur les flux migratoires internationaux traversant le monde de long en large. Ce n’est pas tant l’émigration en tant que phénomène social, qui pose problème mais l’échelle et l’intensité qu’elle prend. Pour notre pays, l’émigration des Albanais est devenue un « boulet lourd pour l’économie nationale ». Avant de s’en vanter, il nous faut nous demander sérieusement : Allons-nous continuer à avoir un modèle économique fondé sur l’émigration, ou allons-nous changer les choses ? Nos administrateurs auraient du mal à répondre à cette question librement, ce qui se comprend. Mais, qu’ils puissent au moins la poser à qui de droit, comme une question posée par la société civile.

L’attitude morale contradictoire, dont nous avons parlé, sans viser les responsabilités de tel ou tel fonctionnaire, et sans chercher à culpabiliser telle ou telle force politique, devient une certaine « balance » nationale. Il s’agit de comprendre qu’il est encore temps pour réfléchir sans démagogies ni politisation, mais pragmatiquement et collectivement à la question : où allons-nous ? Soyons raisonnables au moins pour une fois et sans nous disputer, comme il se doit dans des jours de drames et de douleur collective, comme ceux que nous sommes en train de vivre. Laissons de côté les égoïsmes, et réfléchissons à la vie et à l’avenir, comme ceux qui reviennent d’un enterrement, en signe de respect à ceux qui sont partis.

La terre qui ne retient pas ses fils

Il ne s’agit pas de la terre ancestrale, mais de la terre agricole, moyen fondamental de production et première richesse nationale du pays. Ce n’est pas un hasard si l’exode massif des années ‘90, est parti essentiellement des zones rurales du pays, dont une majorité écrasante de la population rurale et paysanne a quitté coûte que coûte la terre des ancêtres pour les villes à l’intérieur et à l’extérieur du pays. Le poids de la population rurale touchée par l’exode de ces dernières années semble plus grand, car les trois-quarts de la population du pays vivaient dans ces zones. D’autant plus qu’après plusieurs décennies d’isolation dans les zones agricoles et rurales, cette population - et surtout sa jeunesse - tend naturellement à partir là où la vie lui semble meilleure, plus prospère et lumineuse, plus intense.

Toutes ces circonstances, comme d’autres, ont peut-être une nature objective marquée par le passé. Nous pouvons la gérer intelligemment, mais pas la rayer du jour au lendemain. Le vrai problème est ailleurs et n’a pas tant à faire au passé qu’au présent, aux facteurs actuels, en somme.

La configuration du point de vue foncier, économique et financer, de notre terre agricole, principale richesse du pays, ne lui permet pas de garder, ni de motiver la main d’œuvre de jadis, pour éviter les déplacements des populations. Le paradoxe économique et social se manifeste de manière acerbe. Malgré une constitution chimique naturelle très satisfaisante, un contexte climatique méditerranéen à faire envie, dans les conditions actuelles et à cause de conjonctures économiques inadaptées, notre terre agricole s’est malheureusement « rétrécie », pour pouvoir garder le contingent démographique des zones rurales ou des campagnes et leur servir de source de nourriture.

Je crains que le niveau d’émigration atteint par l’exode rural ne soit guère moindre que le taux d’augmentation de la population des zones rurales et des campagnes. Cela signifie que les générations grandissant dans ces zones alimentent, et le feront aussi dans l’avenir si rien ne change, tout cet exode rural qui « frappe » aux portes des villes albanaises et des métropoles occidentales.

Ni la terre, ni sa gestion ne sont en cause. Son émiettement en propriétés microscopiques qui vont de 0.3 ha à 2-3 ha, dans le meilleur des cas, suivi de la parcellisation de chaque micro-propriété en 5 à 6 parcelles éparpillées, ne permet pas aujourd’hui à l’agriculteur de construire une stratégie économique de mise au marché et de croître financièrement.

Selon des données fiables, issues d’études sur le terrain, il ressort que l’agriculteur albanais commercialise en moyenne et dans le meilleur des cas, seulement 10 à 15 % de la valeur de ses produits, le reste est consommé par sa famille vivant dans les conditions d’une économie naturelle et autarcique. Semer, entretenir, récolter, consommer et survivre !

On sait aussi que les revenus annuels de bien nombreuses économies agricoles lorgnent de loin ceux) de deux jeunes paysans émigrés. Alors, la famille rurale trouve plus d’intérêt à envoyer ses enfants à l’étranger qu’à les encourager à travailler dans la propriété agricole familiale, dont l’économie est la base de notre économie agricole.

Elle s’appuie sur le travail commun de tous les membres de la famille, comme c’est le cas pour beaucoup de ses consoeurs dans le monde. Elle se distingue fondamentalement d’elles dans les relations économico-financières entre les membres de la famille. Chez nous, à l’inverse d’autres pays développés, le père ne rétribue pas les enfants qui travaillent avec lui. Que peut-il leur donner, pris qu’il est dans une économie rurale monétairement dévalorisée ! Dans ces conditions, parents et enfants semblent se cramponner à l’idée de la richesse commune dont les enfants hériteront un jour. Le droit à l’héritage devient ainsi un moyen de paiement symbolique pour le jeune contribuant à son économie familiale. On ne demande pas de salaire, c’est la tradition. Dans ces conditions, afin de construire des stratégies indépendantes de vie, les jeunes des zones rurales et des campagnes se tournent vers l’émigration, pour pouvoir envoyer de l’argent, unité économique, à leurs familles, auxquelles le mécanisme du crédit fait totalement défaut.

La faiblesse de l’économie rurale vient aussi du fait que le marché agricole citadin est inondé de produits agricoles très élaborés de provenance étrangère. La perversité de cette situation provenant de l’adoption très spécifique des principes prestigieux du marché libre, pousse de nombreux agriculteurs et paysans à aller vendre des marchandises agricoles étrangères, dans les rues des principales villes du pays ou au bord des nationales. L’agriculteur (le fermier) devenu commerçant rural, au lieu de développer sa propre économie familiale, commercialise, avec un faible taux de profit, des produits agricoles provenant des pays voisins.

Au début de la période de la transition, bien des journalistes et des chercheurs avaient prévu, à part les bons côtés de la privatisation des économies agricoles, des inconvénients toutefois surmontables. Ainsi, pensions-nous, la charge des travaux agricoles pourrait inciter les jeunes à abandonner les études surtout celles agricoles. Nos prévisions étaient bien loin de cette réalité-ci !

Une étude collective étendue sur quelques années dans les zones rurales du pays, a mis en évidences deux erreurs que nous avions commises dans deux directions principales :

Il n’est point vrai que la charge des travaux agricoles détourne la jeunesse rurale des études agro-économiques. En premier lieu, la situation même où se trouve l’agriculture albanaise, affaiblit la nécessité de l’engagement des jeunes dans l’agriculture. La jeunesse des campagnes est presque complètement détachée de l’agriculture et de l’élevage. Notre enquête a montré que seulement 10 % de ces jeunes se considèrent sérieusement engagés dans les travaux agricoles de leurs familles, où en fait il n’y a pas grand-chose à faire. Deuxièmement, ce n’est pas vrai que l’enseignement agro-économique ne motive pas les jeunes des zones rurales, car en effet les écoles agricoles ont massivement fermé leurs portes !

La majeure partie de la jeunesse rurale se retrouve ainsi devant un bien lourd dilemme pour ce jeune âge : rester végéter dans le village ou partir au plus vite, le plus loin, dans les villes du pays ou à l’étranger ? Allons-nous réussir à donner un choix sérieux à ce dilemme ?

Toute cette situation amène à dire que l’émigration clandestine se développe aussi en tant que partie constituante de l’exode rural, dans des conditions où notre terre, fort mal gérée et non pas à cause de ses propriétaires, n’est pas en état de retenir ses fils qui l’abandonnent, happés par la mer.

La distribution des terres arables du pays, source d’inégalités entre le Sud et le Nord

Nous parlons surtout de la loi sur la terre qui a permis la nouvelle réforme agraire et structuré les relations de propriété dans les villages. Pour écarter tout malentendu, il ne s’agit pas ici de demander que les paysans soient privés de leur terre récupérée dans le cadre de la nouvelle réforme agraire de priver les paysans de terre, ni de nier le droit des ex-propriétaires légaux sur les biens immeubles qui leur reviennent légalement et incontestablement de l’héritage inaliénable de leurs familles. En effet, l’Albanie a suffisamment de terres, de richesses et de possibilités pour satisfaire harmonieusement les intérêts de ceux qui héritent et de ceux qui n’héritent pas de biens immeubles sous formes de terres et de terrains. Cette question a été compliquée artificiellement et traîne éternellement dans les couloirs de la machine bureaucratique de l’Etat. Mais ceci est un autre problème.

Ce qui nous intéresse ici concerne le fait que la nouvelle réforme agraire, fondée sur la partition égalitaire de la terre, selon le nombre des membres adultes des familles paysannes et sur la base du fond de terre agricole de chaque village, a produit des inégalités économiques et matérielles entre diverses parties du territoire national. Cela n’a pas aidé à préserver l’unité économique du pays, ni le développement harmonieux de toutes les parties du territoire, ni la distribution proportionnelle de la population dans toutes les zones géographiques du territoire national.

Aujourd’hui, plus de dix ans après le début de l’application de cette loi inspirée par le prestigieux principe d’égalité, nous pouvons constater sans peine combien d’inégalités abyssales elle a engendré. Elle a rendu la zone des collines et des montagnes, le Nord et le Nord-Est bien plus pauvres que la zone plate du pays, au Sud et au Sud-Ouest. Les chiffres confirmant cela, remplissent les cahiers des statistiques nationales de l’ancienne époque et de la contemporaine, et les statistiques à utilisation interne ou celles pour le large public, du ministère de l’Agriculture, le prouvent aussi.

La zone des montagnes et celles du Nord et de l’Est se sont retrouvées en une nuit dans les conditions d’une inégalité qui s’approfondit de plus en plus par rapport aux autres parties du territoire. Tout cela tient, principalement, à la manière dont le fond de terre agricole a été distribué.

Du temps de la société collectiviste, l’état investissait principalement dans les zones des plaines de l’Albanie centrale et septentrionale. Idéologiquement, toutefois, on soutenait formellement que cette richesse appartenait d’une certaine façon à toute la nation, car l’économie se fondait sur des principes collectivistes. La terre qui s’enrichissait, bien entretenue et qui aspirait des investissements dans le Sud, était considéré comme étant propriété de tout le monde. Alors que la nouvelle réforme agraire rendait la terre agricole de chaque région et de chaque partie du territoire, propriété des habitants de ces contrées. De cette manière, le Nord-Ouest et les zones des montages et des collines du pays, ont hérité sur la base d’un principe d’égalité, d’une moindre quantité de biens immeubles par rapport aux autres parties du territoire.

Dans ces zones essentiellement montagneuses, la qualité de la terre est plus inadaptée, à cause de sa constitution rocheuse. Le climat rude ne favorise pas non plus la production agricole. Cette terre est bien plus sèche et non irrigable que les terres des plaines. A cause du relief géographiquement escarpé, la parcellisation de chaque petite propriété agricole est deux à trois fois plus grande et éparpillée que dans l’autre partie du pays. Les zones montagneuses et mi-montagneuses ont bien moins de terres agricoles exploitables en pourcentage que les autres parties du pays. Chaque village qui s’y trouve, a beaucoup moins de terres à l’intérieur de la limite définissant son territoire que les villages dans des régions de plaines. Sans parler des autres désavantages liés à l’éloignement de la terre des marchés des villes, des difficultés du transport des marchandises agricoles à cause des routes dangereuses et mal entretenues, et des obstacles naturels à l’introduction de la technique agricole dans la pratique.

Il n’est guère difficile de comprendre pourquoi les habitants du Nord ou des zones de collines et de montagnes du pays, dans le Sud et dans le Nord, sont entrés plus rapidement, plus vigoureusement et plus massivement dans le tourbillon de l’exode rural en commençant la difficile vie des bidonvilles périphériques des principales villes du pays, ou des rues des gigantesques métropoles étrangères, en payant le premier lourd tribut, souvent au prix de leur vies, de la traversée des montagnes par jour de tempête et de neige, des mers par jour de brouillard et de houle, à l’intérieur de fourgons ou de camions, serrés dans l’obscurité d’un moyen de transport en marche les emmenant vers l’inconnu.


[1] Le décès de 21 clandestins sur l’Adriatique, en route vers les côtes italiennes.

 

 

KOHA JONE
Albanie : bombe sociale en 2004
TRADUIT PAR MANDI GUEGUEN

Publié dans la presse : 5 janvier 2004
Mise en ligne : dimanche 11 janvier 2004

Corruption de la classe politique, poids des monopoles sur l’économie nationale, faillites des politiques de réforme... L’Albanie va mal, la population survit de plus en plus difficilement, mais le Premier ministre Nano ne semble se préoccuper que des bisbilles politiciennes internes au Parti socialiste. Une véritable bombe sociale menace le pays.

Par Kreshnik Spahiu

« En tant que Premier Ministre, je n’ai pas l’intention de m’occuper du prix du persil », a déclaré Fatos Nano devant les députés, immédiatement après le vote de confiance accordé par ces derniers à son nouveau cabinet. Après avoir recyclé plusieurs fois de suite les mêmes bureaucrates discrédités de son Parti, Fatos Nano a préféré piétiner les efforts de deux mois de quelques institutions non gouvernementales cherchant à limiter les abus des compagnies qui jouissent de monopoles dans l’économie albanaise, comme Alb Telekom ou la Compagnie nationale d’électricité KESH, etc. Le sarcasme du Premier Ministre succédait au mécontentement à la hausse du peuple à propos des réformes économiques infructueuses du gouvernement.

Toutefois, les mouvements populaires ne retiennent guère l’attention du Premier Ministre, du moins pas autant que l’intérêt que représente pour lui la bureaucratie de son propre Parti. Le niveau extrême de la pauvreté en Albanie a fait baisser sensiblement la confiance des citoyens envers le pouvoir et, parallèlement, l’autorité de ce dernier sur la population. Fatigués et déçus par des promesses jamais réalisées, la majeure partie des Albanais commence à ressentir l’absence réelle de représentation de la volonté politique du peuple.

Les faillites, ces dernières années, des tentatives d’auto-purification de la classe politique de la fange de la corruption n’ont pas laissé indifférents la plupart des citoyens.

L’Albanie a fait son entrée dans le nouveau siècle en régressant dans les réformes économiques et dans les réformes politiques. Le contrôle de la classe politique sur les institutions, la loi, les médias, la société civile ainsi que l’orientation du marché et de l’économie vers des tendances au monopoles ou au blanchiment d’argent sale, a obscurci les perspectives, en jetant le doute sur la possibilité de n’importe quelle réforme et sur l’avenir de l’Albanie en général et celui de sa classe politique en particulier.

La hausse des prix des télécommunications, de l’énergie et de tous les services contrôlés par l’Etat, ainsi que la décision du gouvernement albanais de ne pas rendre aux citoyens l’argent récupéré par la vente du patrimoine des fondations et des sociétés pyramidales, ont provoqué un front de réaction citoyenne pour manifester la révolte contre les politiques abusives et arbitraires du gouvernement albanais. Sous le poids des responsabilités exécutives et légales, l’administration albanaise a ignoré toute tentative de transparence et d’égalité. Même si le gouvernement albanais est l’unique autorité légale à avoir défini les règles, les termes et la méthodologie des politiques sur l’énergie, les télécommunications, le remboursement de l’argent perdu dans les sociétés pyramidales etc., à travers son chef de file, Fatos Nano, il a refusé toute communication avec l’opinion.

Il est clair que les fonctionnaires albanais, motivés par les profits que peuvent leur apporter leur poste et l’administration de la propriété publique, sont en train de remuer ciel et terre pour garder leurs fauteuils, où les bureaucrates du Parti Socialiste rêvent de vieillir. Ils sont décidés à utiliser leur pouvoir politique pour réaliser leurs objectifs personnels. Personne ne peut leur imposer de renoncer à leurs ambitions personnelles, mais le mépris des intérêts publics a créé un fossé qui, dans les conditions d’une démocratie digne de ce nom, délégitimerait leur pouvoir. S’ils continuent à prendre leurs décisions au grand dam des intérêts publics et de notre bien commun, cela manifeste clairement la volonté autoritaire de ce pouvoir.

Les besoins élémentaires, tels que l’eau, l’éclairage, la nourriture, reconnus comme des besoins de base dans la « Théorie de la hiérarchie des besoins », d’Abraham Masllow, doivent être satisfaits à tout prix, et cela ne peut pas être freiné par une mauvaise administration ou une ignorance des intérêts de la population. Priver les citoyens du droit de se nourrir, de se chauffer, de s’éclairer, de communiquer, signifie ne pas leur permettre de combler d’autres besoins, situés à d’autres échelles hiérarchiques, telles que la sécurité, la réflexion intellectuelle, politique, etc. La tendance à tolérer une tutelle des monopoles dans divers secteurs de l’économie aux dépens des éléments vitaux de la population, reflète l’esprit satanique de la politique albanaise.

En fin de compte, tout ce qui se fait est régi par la domination et le contrôle du pouvoir. La philosophie de la soumission de son propre peuple, de manière à ne pas lui permettre d’interférer dans des processus électoraux et politiques, est le signe du manque de respect que les hauts fonctionnaires albanais réservent à leurs électeurs et aux autres citoyens.

Des milliers de citoyens signent des pétitions demandant plus de transparence et d’égalité dans les prises de décisions, tandis que le Premier Ministre, lui, se contente de lancer des phrases choc sur le prix du « persil ». L’exhibitionnisme et l’arrogance de ces personnes ne peuvent durer éternellement, d’autant plus que la situation politique qu’ils traversent n’est pas à leur avantage.

Les conditions économiques, politiques et sociales que traverse l’Albanie, dépassent tout ce qu’on a connu ces dernières années. L’individu, la famille et la société sont plongés dans un des drames les plus lourds de ces dernières décennies. Des parents vendent leurs enfants, des époux trafiquent leurs épouses, on ne compte plus les affaires d’incestes et d’assassinats au sein même des familles, des centaines de milliers de familles sans moyens financiers suffisants refusent massivement de régler les factures des divers services publics. Les caisses de l’État sont vides, puisque les taxes douanières et les impôts ne rapportent presque rien, ce qui se répercute quotidiennement sur les factures des Albanais, qui augmentent du simple au double.

Finalement, ce tableau est symptomatique d’une bombe sociale qui n’attend qu’à exploser en 2004, et qui nous touchera tous, sans épargner ni le pouvoir, ni la classe politique albanaise qui se tait en tentant de prolonger ses jours. Il n’en reste pas moins que, tous ensemble, nous en payerons le prix, mais ce ne sont pas tant la pauvreté ou le misérabilisme qui sont inquiétants. En vérité, ce qui nous est pénible, c’est le silence digne de tombale de cette classe politique immonde. Que faire, sinon espérer " donner un gros coup de poing sur ce pouvoir qui ne dit mot "?

 

KOHA JONE
Émigration : les causes de l’exode albanais (1/2)
TRADUIT PAR MANDI GUEGUEN

Publié dans la presse : 16 janvier 2004
Mise en ligne : mardi 27 janvier 2004

Le dernier drame survenu en Adriatique a rappelé que les Albanais continuent en masse à vouloir quitter leur pays, même quand le gouvernement prétend que les trafics de clandestins ont cessé. Mais pourquoi veulent-ils partir ? Premier volet de l’analyse du sociologue Artan Fuga.

Par Artan Fuga

Après le tragique événement du 9 janvier 2004 où des émigrants ont trouvé la mort en cherchant à traverser la mer dans un zodiaque, la douleur et le deuil collectif sont naturels. Personne ne mérite un tel sort. Après le premier choc psychologique et la terreur ressentie au vu des scènes de ramassage des corps sans vie, transmises par les télévisions européennes, vient le temps des analyses sur la base de raisonnements et de données publiquement admises.

Les trois dernières secondes

Depuis 14 ans, la société albanaise « produit » des émigrants qui sans autre voie de passage vers les pays qui offrent du travail, tentent de traverser les mers la nuit ou par temps de tempête au risque de leurs vies. Leur espoir d’une vie meilleure est ainsi parfois payé par leur propre vie. Entre 1990 et 2000, des dizaines de milliers de jeunes, d’hommes, de femmes, de familles, ont quitté le pays, plus de 500 000 selon certaines estimations. Les zones rurales du pays sont les premières touchées par cet exode, surtout celles de l’Albanie du Nord, les habitants des régions montagneuses se déplacent vers les autres parties du territoire, et ceux de toutes les autres régions, villes ou villages vers l’étranger.

C’est justement pendant ces grands déplacements démographiques, qui se réalisent dans le danger et la clandestinité, que de tels drames arrivent. Les accidents tragiques peuvent arriver à n’importe quel moment et à n’importe qui, mais ce « hasard » est « inscrit »yy dans une tendance sociale qui produit ces drames à l’infini.

Lors d’une enquête réalisée il y a quelques années, pour une étude intitulée « Les trois dernières secondes avant le départ », sur les dilemmes et les motivations des clandestins, nous avions longuement discuté avec certains d’entre eux, peu de temps avant leur départ. Je n’ai jamais pu oublier l’affirmation teintée d’ironie et d’un douloureux sarcasme d’un jeune homme du Nord : « Cette nuit, de toute manière, je change de monde, soit je passe de l’autre côté, soit je reste au fond de la mer ».

Lorsqu’on nous signalait récemment la fin des trafics maritimes et le blocage définitif des zodiaques et des pneumatiques, on a cru à un rêve. Or, même si l’optimisme tient lieu de déclaration officielle, il serait cynique de contester sans prouver le contraire.

En effet, la vie est têtue et n’accepte pas que les processus profondément ancrés dans la société s’interrompent uniquement par une simple action administrative, comme la destruction des kiosques sans permis.

Les conditions pour lutter contre le trafic

L’annonce officielle de la fin des trafics côtiers d’émigration clandestine a oublié au moins deux grands problèmes sociologiques et économiques non résolus.

L’aspect financier en premier. La traite des êtres humains est légalement et moralement condamnable, or elle engendre des sommes colossales d’argent sale et facile, ce qui est très nuisible pour toute la population. De plus, paradoxalement, cet argent retombe en miettes sur une masse de gens qui peut-être ignorent, ou sont indifférents, à la source première de cet argent qui sert les payer. Il est inutile et même nuisible d’élargir la responsabilité morale à ces gens, au risque de ne plus faire de distinction entre la société et les individus à blâmer, en mettant dans le même sac le juge et la victime. La fin des trafics signifie l’arrêt de ce flux financier qui de fait, rentre partiellement dans les sphères de l’économie formelle et la nourrit. Pour cela, le choix d’une politique plus sévère contre le trafic doit absolument tenir compte de ces circonstances et imaginer en conséquence les mesures économiques, sociales et financières à mettre en œuvre, pour faire en sorte que l’arrêt et la réduction des flux financiers de source illégale et moralement condamnable ne pénalise pas les gens simples, l’économie légale globale, et n’alourdisse pas le poids économique supporté par la population. Sans la prise d’aucune de ces mesures, l’optimisme officiel sur la fin des trafics maritimes est une illusion et cela est apparu au grand jour.

Le deuxième problème implique paradoxalement aussi bien la motivation de l’argent facile par une activité illégale des trafiquants, que le désir d’émigration de dizaines de milliers de jeunes, chômeurs et insatisfaits des conditions de vie dans le pays, et ne pouvant pas combler leurs besoins vitaux et ceux de leurs familles, qui demandent à partir pour travailler et vivre dans des conditions qu’ils jugent plus adaptées.

Les mécanismes économiques sociaux et financiers qui attachent normalement les gens à leur pays nous font aujourd’hui gravement défaut, et cela mérite une sérieuse réflexion. Il existe un besoin social et collectif d’émigration aux raisons multiples, qui alimente le trafic. Celui-ci peut s’affaiblir par moments, mais ne s’éteindra jamais tant que les individus n’estimeront pas massivement que la vie est meilleure dans leur pays.

La récente opération de blocage des petites embarcations, appelée le « Travail », sonnait ironiquement alors que le vrai « travail » serait de trouver de vrais emplois pour détourner le regard des gens, surtout ceux de l’arrière pays, de la côte, où ils projettent leur avenir dans d’autres pays.

Un jeune sur trois est prêt à émigrer

Du point de vue sociologique, il était clair que les flux migratoires n’étaient pas taris, ni dans ses sources d’alimentation, ni dans la quantité de l’apport des candidats à l’émigration clandestine. Or, comme tout autre processus social, les flux migratoires fluctuent en fonction de circonstances et de facteurs divers. Nous avons remarqué sur le terrain que le désir d’émigration est plus prégnant chez les jeunes de 18 à 20 ans, et moins dans les âges en dessous de ce seuil. Ceci signifie qu’après chaque vague importante d’émigration, il faut attendre deux à trois ans pour que la pression des jeunes arrivant à la majorité se fasse sentir.

Si le projet d’émigration ne se réalise pas, la tension sociale est en constante hausse, faisant réapparaître le problème social sous d’autres formes de substitution. On remarque une augmentation de l’agressivité verbale dans les familles, une hausse considérable de la criminalité ou de ses formes latentes, ainsi qu’une diffusion du pessimisme collectif parmi les jeunes qui ne peuvent trouver leur chemin de vie dans le pays. Des études ont montré que les candidats à l’émigration se désintéressent de la vie politique du pays, ce qui témoigne d’une forte corrélation entre le haut niveau d’abstention politique parmi les jeunes et leur tendance à émigrer. (...) Nous avons constaté, au cours d’enquêtes surtout dans les zones rurales du pays, qu’un jeune sur trois, surtout les garçons, est psychologiquement prêt à émigrer.

De même, une étude sur la réforme et la situation politico-sociale des zones rurales de l’Albanie en transition, a montré que la structure de la propriété et de la production constitue le terrain général macroéconomique du phénomène de l’émigration massive et virulente des jeunes. J’ai consacré un livre à tous ces hommes, femmes et enfants qui ont fini au fond de la mer dans des tentatives surhumaines pour passer sur l’autre côte [1]. On peut naturellement se demander pourquoi les structures du ministère du Travail n’ont publié aucune étude complète et publique concernant les problèmes de l’emploi à l’intérieur et à l’extérieur de l’Albanie. Et on ne peut guère s’attendre à ce qu’ils fassent des études approfondies et publiques sur la situation du marché du travail dans notre pays et sur les possibilités pour notre main d’œuvre de s’y intégrer harmonieusement. On ne peut continuer à diriger à vue le navire de l’administration en attendant l’explosion spontanée des processus sociaux. Nous signalons depuis des années l’isolement du système de recherche scientifique publique, représenté par l’Académie des Sciences, dépourvu d’instituts de sociologie, de sciences de la communication, pour pouvoir élaborer des stratégies et des pronostics sur le développement de la société. Cela ne suscite aucune réaction des pouvoirs publics, comme si la société n’était pas un objet pour la science albanaise. Même les livres et les études publiés par les chercheurs albanais, souvent auto-financés, touchent plus les lecteurs qu’ils ne heurtent la « sourde oreille » des responsables administratifs du travail et de la protection sociale, régulièrement remplacés.

Faillite de l’État social

Une société fondée sur l’économie de marché crée des inégalités de revenus et de conditions de vie dans les groupes sociaux. Dans ces circonstances, l’aide sociale de l’État aux familles, aux couches sociales et aux individus dans la précarité, la marginalité et la pauvreté est indispensable. Toute cette politique de soutien social donne à l’État une dimension “d’État social”, et les statistiques étalent la part de budget allouée aux œuvres sociales, que nous n’examinons pas, ni contredisons ici. Le problème est qu’elles sont insuffisantes pour mener une politique sociale digne de ce nom. En tout cas, en arrivant à l’échelle de l’individu, les moyens financiers de la protection sociale ne sont plus que des miettes qui ne lui permettent pas de s’intégrer à la société.

Une politique économique qui n’encourage pas l’élargissement du marché du travail, donc les embauches, ne distribue pas de titres de propriété en masse pour attacher le simple citoyen à la propriété, n’incite pas la production locale, laisse l’agriculteur au stade d’une économique autarcique, ne pousse pas les jeunes vers les métiers pratiques, le travail et l’intégration professionnelle. Enfin, pour pallier tristement à ces lacunes et atténuer, tant que faire se peut, la pauvreté, un État qui distribue des moyens financiers dérisoires propose une politique de protection sociale dépassée et nullement efficace.

Il faut soutenir en premier l’égalité des chances d’accès à la propriété et à la création d’entreprises privées, de manière à donner un sens à l’aide sociale, en dehors du processus de production dans la redistribution, autrement l’aide sociale n’est qu’une aumône de charité.

Ce genre de formules produit une richesse colossale pour une poignée de personnes, en ne laissant que des miettes aux larges couches de ceux qui se trouvent dans la misère qui bouchent les “trous” du budget sans rien laisser pour une vie normale. De l’autre côté, l’individu semble recevoir la charité de l’État en se trouvant malgré lui dans un état contraint de parasitisme. Il n’y a pas de travail. En échange, il faut accepter quelques dizaines de milliers de leks pour survivre. Devant cette politique d’un “État social” vieilli, l’individu risque de devenir un citoyen passif, de perdre les liens avec la société, le flair et la capacité du travail, de devenir la proie de la criminalité, de ne plus avoir de formation professionnelle, de tomber dans l’apathie et le pessimisme en perdant peu à peu tous ses espoirs de réintégration dans la société. Dans cette situation désespérée, il reste une lueur d’espoir vacillant entre l’illusion et l’audace extrême, le dernier espoir : pars à tout prix !

La hausse récente du prix de l’électricité fournit un exemple concret. Le quotidien du parti au pouvoir, commentant cette hausse annonçait qu’en contrepartie, 192 000 familles (soit 800 000 individus), allaient percevoir une compensation de l’État pour y faire face. 800 000 âmes qui souffleront ainsi grâce aux aides publiques représentent à peu près un tiers de la population du pays, qui a donc besoin de protection sociale pour survivre. La société produit et distribue des biens matériels et des services, comme l’énergie, que la population n’est plus en état de payer. C’est là le paradoxe d’aujourd’hui attesté par l’administration même qui « admet » qu’un Albanais sur trois a besoin d’être « aidé » pour faire face à la hausse des prix.

Mais ce n’est pas tout, le problème va plus loin. La hausse des prix ne dépend naturellement pas de la volonté de nos dirigeants. Partout dans les pays de l’Est, dans les conditions des réformes économiques, la hausse du prix de l’électricité a été l’une des conditions de l’intégration globale de ces économies dans l’économie européenne. Ce phénomène est donc inévitable, mais il frappe le citoyen albanais dans un état de pauvreté massive et l’appauvrit encore plus, non pas tant à cause d’une facture d’électricité plus élevée qui n’est que la partie visible du problème. La hausse du prix de l’énergie électrique a lieu dans des conditions d’évolution très lente des autres réformes économiques. Une famille pourrait sûrement payer un prix plus élevé, si mettons, un de ses membres était embauché dans une branche de l’économie dynamique. Mais cela n’arrive pas. Le problème réside donc dans les dynamiques tièdes du progrès de l’économie dans sa globalité.

La question va plus loin que l’état du porte-monnaie du consommateur.

Débâcle de l’économie

« Dans les conditions actuelles de l’Albanie, cette hausse des prix est-elle susceptible d’aider le progrès de notre économie nationale ? ». Il est difficile de donner une réponse positive, malgré l’envie que l’on en aurait. Les retombées de la hausse du prix de l’électricité, toute inévitable qu’elle soit, doivent être définies. Les prix de toute la structure des biens de consommation augmenteront inévitablement, comme le coût de nouveaux postes de travail, comme le chômage, suivi de la baisse ultérieure de la distribution des marchandises albanaises dans le marché international.

La même chose arrive à propos de la valeur du lek, dont on vante souvent le maintien par rapport au dollar, en affirmant contrôler ainsi l’inflation, alors qu’on sait que la hausse de la valeur de la monnaie locale par rapport au dollar diminue l’attrait concurrentiel des marchandises de tout pays dans le marché mondial et a tendance à diminuer encore le poids spécifique des exportations par rapport des importations. Le déséquilibre de la valeur des exportations et des importations en faveur de ces dernières est très perceptible dans des pays avec un petit marché intérieur comme l’Albanie, et il est moins problématique pour des pays dont le marché est relativement large comme la Russie, l’Inde ou la Chine.

Tout ce contexte économique peut se traduire encore plus simplement du point de vue des ressources humaines : nous sommes dans une situation où l’économie, telle qu’elle fonctionne actuellement, indépendamment des indices statistiques, bloque le travail, produit toujours plus de chômage et laisse la main-d’oeuvre de côté. Devons-nous nous étonner alors, de voir ces gens, à qui rien n’est proposé, chercher sur la côte la première solution possible pour atteindre l’autre côté de la mer ? Bien sûr que non !


[1] Artan Fuga, Identités périphériques en Albanie, la recomposition du milieu rural et les nouveaux types de rationalité politique, Paris, L’Harmattan, 2000.

 

 

KOHA JONE
L’agriculture, le maillon faible de l’économie albanaise
TRADUIT PAR MANDI GUEGUEN

Publié dans la presse : 27 novembre 2003
Mise en ligne : mardi 2 décembre 2003

Charges trop élevées, absence de crédits bancaires, faiblesse des soutiens gouvernementaux : à l’heure où l’Albanie s’engage dans des accords de libre-échange avec les États voisins, la situation de l’agriculture albanaise est peu reluisante.

Par Feti Zeneli

L’agriculture est traditionnellement l’un des domaines prioritaires de l’économie albanaise. En 1913, le Premier ministre Ismail Qemali demandait à deux figures connues de l’agriculture autrichienne de faire une étude pour le développement de ce secteur de l’économie albanaise, une étude qui allait conclure que l’Albanie était « éminemment agricole ». A l’époque du socialisme, le gouvernement a essayé de développer en priorité l’agriculture, avec des possibilités limitées, en partie à cause de la politique d’isolation. A l’ère de la démocratie, la politique d’ouverture n’arrive toujours pas à fournir des moyens techniques et organisationnels à l’agriculture albanaise, ce qui dévalorise non seulement les conditions climatériques favorables, mais aussi la tradition agricole transmise depuis des millénaires.

La production agricole chute chaque année

En comparaison avec l’année 1990, 60 % des terres agricoles sont en friche, la surface cultivée de vignes et d’arbres fruitiers est trois fois moindre et les crédits bancaires manquent totalement. Dans ces conditions, l’année dernière, l’agriculture n’a contribué qu’à 28 % du PIB, alors que deux ou trois ans plus tôt, cet indice était de 45-50 %. En 2003, ce chiffre sera encore plus faible, à cause des charges fiscales élevées et de la diminution des investissements dans ce secteur. Le rythme des importations de produits agricoles des pays voisins n’a pas baissé cette année, ni pendant la saison estivale qui constitue normalement le pic de cette production. Le consommateur albanais en paie le prix.

Cette situation avait été prévue par les analystes depuis l’année dernière, au moment de l’adoption du budget 2003, ainsi que la hausse des taxes et impôts pour les producteurs agricoles. La hausse des charges fiscales a eu lieu malgré les promesses du Premier ministre Fatos Nano. Ce dernier a profité de l’occasion pour faire porter aux citoyens albanais le coût sur le budget des accords du libre commerce, la baisse des taxes douanières, etc. Or, le problème se corsera dans les années à venir, car 2006 est le dernier délai pour éliminer toutes les taxes douanières. Ainsi, même la nouvelle promesse de Fatos Nano, faite en septembre lors d’une rencontre avec des entrepreneurs de Lushnje, d’enlever la taxe sur les carburants utilisés en agriculture, rejoindra le lot des promesses non tenues par le Premier ministre albanais.

L’État a perdu, depuis longtemps, le contact avec les fermiers, et a laissé le développement de l’agriculture dans les mains du destin. Dans tout pays civilisé, l’agriculture est une question d’État, il n’y a que pour les fonctionnaires albanais qu’elle est une affaire du peuple entier. Au début de 1990, en conséquence du changement de système, tous les paysans ont reçu des terres agricoles, en propriété ou en usage, qu’ils ont commencé à cultiver avec optimisme. Avec les années, ils ont rencontré des problèmes et des difficultés qu’ils n’ont pas pu résoudre seuls, notamment pour investir dans des travaux d’irrigation, de canalisation, dans l’équipement en matériel agricole, l’infrastructure, la main d’œuvre qualifiée, etc. Si l’on observe la partie du budget allouée aux investissements de ce genre, on se rend vite compte de la négligence totale à l’égard de ce secteur.

L’État a abandonné le fermier

Après avoir reçu les terres agricoles, les fermiers n’ont pas réussi à se regrouper comme dans d’autres pays, même si quelques coopératives ont été créées, elles ne fonctionnent pas de manière effective. De l’autre côté, le problème toujours en suspens des propriétés des terres, conséquence du non-enregistrement des titres de propriétés dans les cadastres, ont fait que les investissements privés ne sont pas assurés et que les banques ne font pas de crédit dans les villages. À partir de 1998, depuis la fermeture de la Banque Commerciale Agricole, l’unique banque spécialisée dans les crédits agricoles, le financement dans ce secteur n’occupe qu’approximativement 0.1 % du crédit total.

Face à ces difficultés, le fermier albanais a perdu tout intérêt à son activité, et de plus on ne lui offre pas de possibilités pratiques pour élargir et développer des fermes agricoles. Autrefois, nous avons voulu apporter dans les fermes albanaises l’expérience du kibboutz israélien, mais nous avons même perdu notre propre tradition. Israël assure une grande partie de son revenu grâce à la vente des produits agricoles, et l’agriculture israélienne n’a que 50 ans d’expérience, alors que la nôtre est bien plus ancienne. Pendant longtemps, 60 à 70 % de la population albanaise a vécu et travaillé dans des villages, et même si ce pourcentage a nettement diminué aujourd’hui, le poids du produit agricole ne doit pas baisser nécessairement, au point de devoir importer tout ce qui est indispensable à l’agriculture. Si le rapport général de l’export-import est de 1 pour 5, il est de 1 pour 10 pour les produits agricoles.

Les produits d’importation envahissent le marché

La Macédoine, par exemple, est loin de jouir des plaines dont dispose l’Albanie ; pourtant ses produits agricoles ont envahi le marché albanais. Autrefois, nous exportions plus de 100 000 tonnes de légumes par an, et l’exportation du tabac rapportait à l’État plus de 50 millions de dollars. Aujourd’hui, nous achetons aux pays voisins des fruits et légumes, des céréales, des huiles alimentaires, du sucre, des boissons diverses, du tabac, etc., pour près de 400 millions de dollars par an. Ainsi, les trois principales industries, celle de la production de la bière, de l’huile végétale et d’œufs, importent leur matière première. A titre d’exemple, « Birra Tirana » importe chaque année pour près de 6 millions de dollars de matière première, alors qu’il est tout à fait possible de produire sur place l’orge nécessaire. Il en est de même pour l’huile végétale, l’Albanie produisait autrefois des milliers de tonnes d’huile de tournesol par an.

Toutefois, grâce aux investissements privés, un certain nombre de produits ont pu être peu à peu déplacés vers les marchés internes, alors qu’ils étaient importés. Or, les demandes des entrepreneurs privés pour investir dans l’élargissement de ce secteur se heurtent à des taxes élevées. Jusqu’en 1997, les importations dans le secteur privé étaient exonérées de taxes de douane et profitaient d’une TVA peu élevée, mais par la suite les taxes douanières ont été fixées à 10 % et la TVA à 20 %, sans compter que d’autres taxes ont été rajoutées. La hausse des charges fiscales, entre autres, est l’une des causes qui a freiné les investissements et augmenté les coûts de production dans ce secteur.

L’absence du crédit bancaire, les problèmes sans fin de l’enregistrement des biens immeubles, l’insécurité des nouveaux et anciens propriétaires sur la restitution de leurs biens et les politiques fiscales de l’État peu favorables pour les entrepreneurs sont quelques-uns des facteurs qui ont fait obstacle au développement de l’agriculture et de l’agro-industrie.

La situation se corse si l’on tient compte du fait que les produits agricoles occupent une place importante dans les accords de libre-échange avec les autres pays de la région. On doit trouver une solution à ce problème, afin que la croissance et le développement de ce secteur crucial de l’économie nationale atteignent le niveau nécessaire pour satisfaire aux demandes du marché interne pour les produits agricoles. S’ajoute à cela le problème de l’augmentation de l’exportation de ces produits selon les conditions et les standards définis dans l’accord du libre commerce avec les pays voisins. Or, il sera difficile de faire en sorte que l’exportation supplée rapidement l’importation actuelle : il faudra attendre pour cela au moins jusqu’en 2020, si des investissements puissants n’ont pas lieu avec des stratégies claires dans ce secteur fondamental de notre économie.

 

KOHA JONE
Albanie : les investisseurs étrangers sont-ils des envahisseurs ?
TRADUIT PAR MANDI GUEGUEN

Publié dans la presse : 28 septembre 2003
Mise en ligne : mercredi 1er octobre 2003

L’ouverture de l’Albanie au monde extérieur a encouragé certains entrepreneurs étrangers à venir s’y établir. Mais les investisseurs ont parfois tiré plus de bénéfices qu’ils n’en ont apporté au pays, sans compter les guerres commerciales entre voisins européens qui se font souvent au détriment des intérêts locaux...

Par Feti Zeneli

A l’ouverture du pays, l’Albanie, qui n’avait pas connu d’investissements étrangers jusque là, fit des efforts pour séduire ces derniers en adoptant la loi pour les investissements étrangers et en signant un accord avec 13 pays européens et les États-Unis. Les investisseurs vinrent en majorité de l’Italie et de la Grèce.

Avec les mesures légales et institutionnelles entreprises, l’État et le premier gouvernement démocratique de la transition visaient à créer un climat favorable pour les investisseurs étrangers pour lesquels l’Albanie offrait des avantages économiques et naturels. Or, par la suite, il s’est avéré que de nombreux investisseurs, surtout ceux des pays voisins, ont tiré profit du manque d’expérience, du faible coût de la main d’œuvre et de la pauvreté albanaise. La lourde situation socio-économique de notre pays leur prodigua plus de bénéfices que l’investissement de leurs capitaux dans les secteurs de l’économie albanaise...

Les monopoles grecs dans l’économie albanaise

Dès l’ouverture de l’Albanie, les Grecs ont incité la création rapide d’un groupe de commerçants, avec des représentants sélectionnés parmi la minorité grecque, afin d’occuper des positions clés du marché albanais, créant ainsi un réseau direct et indirect de commerce. Les premiers entrepreneurs grecs se sont installés dans le sud du pays, en y construisant des supermarchés ou des restaurants. Les produits grecs ont fini par dominer un marché albanais pauvre et non réglementé. Les hommes d’affaires grecs n’ont pas eu beaucoup de mal à corrompre des fonctionnaires albanais, formant ainsi une couche sociale pro-grecque d’importateurs. Leur objectif était d’introduire les investisseurs grecs dans les secteurs stratégiques de l’économie albanaise. Selon la revue britannique « The Economist », près de 220 compagnies grecques sont implantées en Albanie, concentrées dans le secteur financier avec quatre banques, dans le marché du pétrole avec trois compagnies d’importation, dans les télécommunications avec deux opérateurs de téléphonie mobile et dans des secteurs moins stratégiques comme l’exploitation du bois, l’industrie textile, etc.

Des compagnies de produits textiles opèrent dans le secteur de l’industrie légère, comme « Fanco & Cocratex », « Albanian Hellenic », et le producteur de chaussures « Rekor ». L’une des plus puissantes compagnies grecques largement implantée en Albanie centrale, « Loulis International Foods Entreprises », s’est spécialisée dans le marché des céréales et de la farine. Dans le secteur de la construction, on retrouve « Sarandopoulos », « Etep-Meton », etc. Selon les autorités grecques, les investissements grecs en Albanie atteignent 100 millions $US ; or, il semblerait plutôt que ce chiffre ait doublé ces trois ou quatre dernières années, grâce aux investissements dans le secteur des télécommunications.

Quelques investissements grecs dans Vodafone Albania sont officiellement anglais, alors que ceux dans la compagnie de recherche de pétrole « OMV-Albania » sont autrichiens. L’occultation du réel volume des investissements grecs en Albanie est volontaire afin d’éviter les contestations ou le chantage de la part de l’État et du gouvernement albanais pour limiter les investissements grecs. Après 13 années de transition albanaise, les marchés grecs en Albanie ont pris de la puissance. Leur activité, qui s’étend à des secteurs vitaux pour l’économie du pays, tels que le marché financier, l’énergie, les télécommunications, l’agriculture, les matériaux de construction, privilégie l’importation de produits nécessaires dans ces secteurs aux dépens de la production nationale.

« L’industrie » italienne du prêt-à-porter

L’Italie fait partie des pays les plus industrialisés du monde, mais les investissements des marchands italiens en Albanie sont principalement concentrés dans l’industrie du textile, pour profiter du faible coût de la main d’œuvre. Au début des années 1990, tout le monde pensait que l’Italie reprendrait dans l’économie albanaise le même rôle qu’elle eut avant la Deuxième Guerre Mondiale ; or, ce ne fut pas le cas. Selon un sondage effectué par les Italiens et publié à l’ANSA, on compte 10 000 salariés albanais dans les entreprises italiennes. En 1939, ce nombre était de 13 000 alors que la population était quatre fois plus petite.

Les entrepreneurs italiens, contrairement aux Grecs, ne se sont pas mêlés de la vie politique albanaise, et leurs investissements visaient leur propre profit en premier lieu. Andrea Ferrario, analyste géo-politologue en Italie, observe que les compagnies italiennes se sont intéressées aux Balkans dès lors que les gouvernements de ces pays sont en crise et dans l’obligation de leur vendre au rabais leurs propriétés. L’exemple le plus significatif est la demande du gouvernement italien d’acheter l’eau d’une région albanaise, pour la région des Pouilles, en échange de quelques investissements dans l’infrastructure et le tourisme.

L’Italie et la Grèce ont mis en place quelques mécanismes légaux pour faire participer l’État à 40 % dans les investissements privés dans les pays de l’Est. Quelques-unes unes de ces compagnies se sont réunies dans « L’Association des entrepreneurs italiens en Albanie ». Le principal investissement italien connu est la filière de « Coca-Cola » dans le domaine de la production et la création de la Banque Italo-Albanaise dans le secteur bancaire. En 2002, deux autres banques italiennes, San Paolo IMI et Intesa SPA, étaient intéressées à acheter la Caisse d’Épargne, mais elles se sont retirées quelques jours avant l’ouverture des enchères. La compagnie énergétique italienne « Enel » est l’une des prétendantes principales à l’achat du système électro-énergétique albanais.

Les autres investissements italiens sont minimes et se retrouvent essentiellement dans les secteurs d’activité traditionnels, notamment grâce au faible coût de la main d’œuvre albanaise. Selon le bureau de commerce de l’ambassade italienne, près de 630 entreprises officient dans notre pays, dont 35 % dans le secteur de la construction, 21 % dans l’industrie textile et les chaussures, 16 % dans le secteur du commerce et des services et 8 % dans l’industrie agroalimentaire. Près de 90 % de ces entrepreneurs sont originaires du sud de l’Italie, et ils considèrent que la perspective de leurs affaires en Albanie est étroitement liée à la construction du « corridor 8 ».

« La guerre gréco-italienne » pour le « corridor 8 »

La construction du « corridor 8 », est un projet du gouvernement Berlusconi, sous l’influence du lobby des hommes d’affaires de l’extrême-droite de la zone de Pouilles, pour le développement de l’Italie du Sud. Ce lobby considère l’Albanie comme un tremplin vers les Balkans et le Proche-Orient. Or, soutenus par la présidence de l’Union européenne, les Grecs repoussent à leurs calendes la construction de ce couloir important pour le développement de notre pays en particulier. L’Italie, qui se trouve actuellement à la présidence de l’Union européenne, doit faire tout son possible pour la construction de ce couloir, dont le retard signifie que pour l’instant, c’est la Grèce qui emporte la partie, et qui semble être plus qu’un simple investisseur, un envahisseur pour l’économie albanaise...

(Mise en forme : Étienne Dubé)

 

KORRIERI
Que veulent les dirigeants de l'AKSh ?
TRADUIT PAR BELGZIM KAMBERI

Publié dans la presse : 13 septembre 2003
Mise en ligne : mercredi 17 septembre 2003

L'apparition de l'AKSh, qui multiplie les coups d'éclat en Macédoine, au Kosovo et dans la vallée de Presevo, pourrait bien nuire à la seule institution respectée au Kosovo : le Corps de protection du Kosovo.

Par Nebi Merseli

Spiro Butko, Idajet Beqiri et quelques Albanais du Kosovo, de la vallée de Presevo et de Macédoine devront prendre leurs responsabilités si d'ici au printemps, la sécurité dans ces régions se détériore jusqu'à la guerre.

Encore une fois, ce sont les habitants de la région du Karadak de Kumanovo, de Skopje, de Gnijlane, de l'est du Kosovo et du sud de la Serbie qui verront leurs vies bousculées. C'est pour cette raison que Spiro Butko, alias Vigan Gradica, et Idajet Beqiri, alias Alban Vjosa, tous deux d'Albanie, doivent bien réfléchir, eux qui se sont présentés publiquement en première ligne d'une nouvelle formation armée albanaise, dite l'Armée Nationale Albanaise (AKSh).

Le premier est un ancien officier de l'armée albanaise, originaire de Lushnje (sud de l'Albanie), alors que le deuxième est un ancien avocat d'Enver Hoxha. Butko était membre du Corps de Protection du Kosovo (TMK), mais s'en est très vite éloigné, alors que Beqiri a dirigé un moment l'UNIKOMB, un petit parti en Albanie, mais il a essentiellement opéré comme « agent » en Occident. Dans d'étranges circonstances, il a été arrêté sous le régime de Sali Berisha et au Monténégro, à Ulcinj, puis a ensuite été libéré par le régime de Milosevic.

Ces deux hommes, au passé douteux et au discours patriotique incendiaire, ont entamé ces jours-ci une énième offensive en voulant lancer un nouveau conflit armé contre le pouvoir macédonien dans la région de Lipkovo et contre les Serbes dans la vallée de Presevo. Dans leurs communiqués publiés sur Internet et en se présentant comme des stratèges de la guerre et de la politique, ils veulent contrecarrer le plan « négatif » du ministre de la Défense macédonien Vlado Buckovski et du Vice-premier ministre serbe, Nebojsa Covic, préparé en mai à Vranjska Banja dans le sud de la Serbie.

Le réfugié de Belgique

Après l'arrestation des principaux dirigeants de cette organisation extrémiste, dont Gafur Adili, le secrétaire général du Front pour l'Unification Nationale Albanais (FBKSH), Alban Vjosa, le pseudonyme Internet d'Idajet Beqirit, a commencé à publier des déclarations d'incitation à la guerre, à partir de la Belgique, où il s'est assuré le statut de réfugié politique, s'impliquant ainsi dans la situation de conflit larvée créée ces derniers temps dans la région de Lipkovo.

Beqiri et Gafur Adili ont reconnu publiquement que leur organisation a sa branche armée, l'Armée Nationale Albanaise (AKSh) qui, selon sa plate-forme politique, donc celle du FBKSh, combat pour la « réunification des territoires albanais », et plus précisément pour la création de la « Grande Albanie ».

Alors que l'idéologue principal de l'AKSh, Gafur Adili, a passé ces mois d'été dans les prisons de Tirana, les communiqués pour revendiquer sa libération et des menaces adressées contre les dirigeants de l'État albanais sont toujours publiés sur Internet. Gafur Adili, qui se cache sous le pseudonyme de Valdet Vardari, est originaire d'Aranjela dans la région de Kicevo en Macédoine et est depuis longtemps réfugié en Suisse. En 1986, en raison de son double rôle et des rapports qu'il était autorisé à distribuer en tant qu'activiste dans les représentations diplomatique en Suisse, il se retira du Mouvement Populaire pour la République du Kosovo (LPKR), organisation active dans la diaspora.

Maintenant que le réfugié de Belgique est parvenu à se hisser à la direction de l'AKSh, il a commencé à exhiber sur le terrain sa fierté guerrière et à travers les déclarations de son ami, le général Spiro Butko, ils font une guerre médiatique en jetant de l'huile sur le feu, alors que le conflit est presque déjà ouvert dans la région de Lipkovo, qui avait d'ailleurs été la plus touchée lors du conflit de 2001.

Ce général, surnommé Gradica, chef de l'État-major de l'AKSh, a déclaré en commentant les derniers événements en Macédoine qu'« aucun peuple n'aime la guerre (…) Et l'AKSh n'aime pas davantage la guerre, mais elle nous est imposée. L'état des choses colonial nous l'impose. Cet état de misère du peuple albanais dans cinq pays limitrophes nous l'a imposé. Tant que cette injustice existera, si la logique de la raison des colonisateurs et de la communauté internationale ne marche pas, la guerre est inévitable » 

Mais les menaces de Butko pour une nouvelle guerre ne sont pas réelles, parce que quelques personnes qui n'ont pas réussi à se positionner ne peuvent faire une guerre. En se basant sur l'expérience du conflit de 2001, il faut dire qu'il y a eu des erreurs capitales dans la stratégie de guerre et dans sa justification, comme quoi seul le soutien de la population et après son implication dans le conflit peut être donc effectif.

Mais 2001 et 2003 sont deux années bien différentes. Le meilleur exemple est d'ailleurs la déclaration de Hysni Shaqiri, député du BDI qui a pu sembler vulgaire, lorsqu'il a dit à Vaksince qu'« [il] n'a pas l'intention de faire la guerre, si celle-ci n'a pas une assise académique ». Shaqiri, comme député du PDSH, en 2001, avait rejoint l'UCK, qui n'avait pas d'assise académique, mais était une continuation de la guerre du Kosovo et de la stratégie des « amis de l'idéal » de la diaspora pour ne pas oublier les Albanais de Macédoine.

La guerre du général Butko

Le général Gradica dit que sur le terrain, il n'y pas d'autres formations organisées à part l'AKSH. « Il n'y a pas de factions opposées dans nos rangs. Nous sommes structurés au sein de l'AKSh pour mettre en place la plate-forme du FBKSh, plate-forme qui ne reconnaît pas les Accords d'Ohrid et qui demande que les Albanais rejettent la solution colonisatrice et se réunifient aux territoires et aux populations albanophones dans un seul État, l'Albanie. Nous avons des structures armées dans tous les territoires albanais occupés »,  dit-il. Il a déclaré que ces derniers jours de tension dans la région de Kumanovo et de Lipkovo, il y a eu des combats entre les groupes de l'AKSH et les forces de sécurité macédonienne.

« Les forces armées macédoniennes nous ont provoqués par les armes, et lorsqu'elle sont vu notre contre-réaction, elles ont tout interrompu et ont attendu les ordres, qui sont venus plus tard, demandant leur retrait »  , a déclaré Gradica, ce qui sur le fond n'est pas vrai, puisque les forces macédoniennes de sécurité ne se sont pas retirées, d'ailleurs ni après l'ultimatum de l'AKSH.

L'AKSH a nié qu'Abdyl Jakupi, connu sous le nom de commandant « Cakalla » était membre de la « vraie AKSH ». D'ailleurs, toute l'opération de la police et de l'armée était concentrée sur son arrestation.

« Le peuple a bien vu que les "vrais" ne sont là que pour piller le peuple avec des masques ou jouer le jeu des serbo-macédoniens contre les forces de l'AKSh. Nous avons déclaré ne pas être liés avec des criminels ou avec tous ceux qui veulent empêcher notre noble combat pour la réunification nationale en lançant des accusations fausses et sans fondement », d'ajouter Gradica.

Non seulement, le général Butko s'est-il présenté comme chef de l'AKSh, mais il a osé des commentaires percutants pour les Albanais de Macédoine, en disant qu'ils sont « loin de l'âme et de la vision du peuple albanais ».

« Il est temps de devenir raisonnable et d'arrêter de mentir au peuple avec la « multiethnicité » ! C'est un chemin qu'ont emprunté d'autres personnalités dans le passé, plus intelligentes qu'eux ! Et dire qu'ils ont vu une simple « querelle » dans ces guerres sanglantes ! Un État ethnique albanais dans les Balkans, c'est la seule solution » , ajoute Gradica, en s'adressant aux partis politiques albanais de Macédoine.

Menaces contre les internationaux

A part les menaces physiques de l'AKSH pour tous ceux qui ne répondent pas à la « mobilisation », elle a également adressé des critiques à l'OTAN, au BDI d'Ali Ahmeti et même aux Albanais membres de la police macédonienne.

Dans un communiqué, publié il y a quelques jours, l'AKSh a prévenu le conseiller de l'OTAN, Marc Laity, de ne pas se comporter en proche de la « politique de polisson macédonienne », mais d'être un diplomate et de venir discuter avec ses membres.

L'AKSh a critiqué les députés du BDI et son leader, Ali Ahmeti, par ce qu'ils ont donné leur feu vert au parlement pour l'action des forces macédoniennes de sécurité.

Dans le communiqué, ils appellent les Albanais de la police macédonienne à « ôter le plus vite possible l'uniforme » ou dans le cas contraire « ils répondront eux-mêmes de leur famille et de leur propre personne ».

« Les membres de l'AKSh dans la région des villages de Vaksince et de Lojane sont sur leur garde et prêtes à réagir à chaque moment aux provocations des forces de sécurité macédoniennes », est-il dit dans le communiqué de l'AKSh.

Ces jours-ci, l'AKSh a envoyé un courriel au siège de l'UNMIK à Pristina, en faisant quelques recommandations teintées de menaces, mais ces informations n'ont pas été rendues publiques.

Déstabiliser la vallée de Presevo

Outre ses activités en Macédoine et au Kosovo, cette organisation assume la responsabilité de quelques attaques contre la police et l'armée serbe dans la vallée de Presevo. Alban Vjosa a déclaré que « l'AKSh sera présente continuellement dans cette région pour défendre la population albanaise en raison d'éventuels massacres de la part des forces serbes ».

Mais les attaques commises à Presevo et Bujanovac semble être un coup de dé pour les déclarations du vice-Premier ministre serbe, Nebojsa Covic et le ministre de la Défense macédonien, Vlado Buçkoski, qui avaient déclaré ensemble auparavant qu'il y aurait des attaques dans la vallée de Presevo et la région de Lipkovo. La Serbie et la Macédoine doivent donc être prêtes et ensemble répondre à ces attaques albanaises.

« Les terroristes préparent quelque chose de très mauvais, de très dangereux, de très sanglant », avait prévenu Covic une semaine avant pour la radio B92.

Maintenant, l'AKSh affirme avoir recruté dans ses rangs certains des anciens combattants qui ont combattu dans la vallée de Presevo, en Macédoine et au Kosovo, précisément ceux qui sont mécontents des accords politiques dans le sud de la Serbie et en Macédoine et ceux qui n'attendent pas de solution optimiste pour le statut final du Kosovo.

L'apparition sur la scène de l'AKSh, du moins sur ces principes et son énigme mystérieuse, pratiquement insaisissable, met donc en danger la stabilité du Kosovo et des pays voisins. Les déclarations pour le « pan-albanisme » et une guerre pour un État ethnique regroupant tous les Albanais dans un seul pays est peut-être la dernière histoire pour endormir les derniers « patriotes ». Et alors que le nombre d'hommes et l'arsenal militaire de l'AKSH est peu clair, le pire dans cet épisode pourrait être une défaite pour la seule institution respectée au Kosovo : le TMK [Corps de protection du Kosovo, ndlr].

Les efforts de certains autres « patriotes » à l'étranger pour faire revenir les odeurs de la guerre ne sont pas différents pas de ceux d'Adili, de Butko et de Beqiri. Des gens comme Emil Kastrati, Eugen Shehu, Nehat Sadiku, Avdi Baleta etc., qui essayent d'organiser une soi-disant direction militaire ne peuvent avoir de succès sur le terrain s'ils ne voient pas les choses en couleur, par ce que les choses en noir et blanc n'accrochent plus depuis longtemps maintenant.

(Mise en forme : Étienne Dubé)

 

SHEKULLI
Albanie : les citoyens et la santé
TRADUIT PAR MANDI GUEGUEN

Publié dans la presse : 4 juillet 2003
Mise en ligne : vendredi 11 juillet 2003

Le système de santé albanais va mal, les salaires des médecins sont très bas, et la corruption endémique. Comment réconcilier les citoyens et la santé ? Comment leur garantir un service de qualité ? À l'État de savoir jouer son rôle. Le commentaire d'un spécialiste albanais de la santé.

Par Erion Dasho

Selon le point de vue, le fonctionnement du système de santé peut paraître très simple, considéré comme un rapport entre l'offre de services curatifs et la demande des patients. Mais les choses se compliquent dès que l'on tente de répartir les responsabilités entre les divers secteurs de la santé. Le fonctionnement d'un tel système en économie de marché s'organise autour de quatre acteurs : l'offre de services, les citoyens (ou patients), les assureurs et l'État. Si le rôle de l'État consiste à élaborer des politiques, d'en surveiller l'application et de garantir les responsabilités multisectorielles du système, le rôle des autres acteurs est plus concret et se manifeste dans l'offre de services curatifs ou préventifs.

Toutes les analyses du système de santé albanais d'après les années 90 ont mis en lumière les lacunes d'un système qui fonctionne à peine et pose des problèmes aigus, de même que les responsabilités de trois acteurs : l'État qui paye souvent les factures des autres, des médecins qui ne font pas toujours preuve d'humanité et le régime d'assurance-maladie. Celui-ci est coupable de ne pas garantir une couverture universelle, de ne pas récolter les primes d'assurances et de ne pas avoir de structures de contrôle appropriées. Rarement l'analyse a tenu compte des responsabilités du quatrième acteur du schéma, le public au sens large, qui est en droit d'exiger l'amélioration du système de santé en Albanie tout en refusant la position de victime.

D'abord, on accuse à raison des médecins d'accepter des pots-de-vin, mais on omet de parler de ceux qui les offrent. Les patients et leurs familles doivent comprendre que ces pratiques ne sont pas obligatoires et que la rémunération des médecins n'est plus ce qu'elle était. Aujourd'hui, les salaires des médecins spécialistes sont près de rejoindre ceux des médecins de familles, qui ont déjà été augmentés. Si cela n'a pas déjà été fait, c'est parce que les médecins en question reçoivent tellement d'enveloppes qu'ils ne prennent pas la peine de revendiquer une augmentation de salaire - certains ayant même oublié combien ils gagnent... Aussi, on trouve normal de gratifier certaines catégories de médecins, sous prétexte qu'ils sauvent la vie ou donnent naissance à des enfants, en oubliant qu'on peut remercier un chirurgien, un cardiologue ou un gynécologue par un cadeau symbolique.

Deuxièmement, le pourcentage de citoyens bénéficiant d'une assurance-maladie est encore bas et presque nul dans le cas des agriculteurs. En économie de marché, un réseau d'assurance-maladie est indispensable car, basé sur le principe de la solidarité, il permet de faire face à des problèmes de santé très divers. Un tel réseau ne produit pas de profit : lorsqu'il n'est plus « alimenté » par les contribuables, il ne peut plus supporter les malades. La participation de tous est donc une obligation civile et plus elle sera grande, plus la qualité des services ira en s'améliorant.

Troisièmement, beaucoup de patients tentent de contourner le système du médecin de référence, qui détermine les soins à prodiguer et oriente le malade vers le spécialiste adéquat. Ce système, qui s'améliore de jour en jour, évite aux malades de se promener d'un médecin à l'autre en se dépensant en efforts inutiles ou en pots-de-vin. Bref, pour changer les habitudes des citoyens sur ces trois points, il faudra que les structures responsables de l'État prenne des initiatives énergiques.

Les citoyens doivent être en mesure de rapporter les abus lorsqu'on leur demande des paiements illicites ou lorsque le système du médecin de référence ne fonctionne pas correctement. L'Ordre des Médecins doit être la structure la plus apte à répondre à des plaintes de ce genre, alors que le ministère de la Santé doit élaborer et surveiller l'application de la législation, punir sévèrement et arrêter à temps les effractions dénoncées.

Si un système de licence et d'accréditation des médecins généraux et des spécialistes est adopté, on peut également établir un système de rémunération à paliers. Les dénonciations de pots-de-vin ou de manquement au devoir de médecin pourraient mener à la limitation du droit d'exercer, à une baisse de salaire ou encore, dans les cas extrêmes, au retrait temporaire ou définitif de la licence. Pour les patients désireux de sortir du système rigide du médecin de référence - ou pour ceux qui en ont les moyens financiers - il est temps de songer aux pratiques mixtes à l'intérieur du système de santé public et de permettre des assurances privées qui garantissent des services supplémentaires.

En économie de marché, les problèmes de santé sont complexes et pour arriver à une solution, il est nécessaire que chacun des acteurs ait une position claire. Les citoyens ont le pouvoir de contribuer sensiblement à la solution des problèmes, mais pour cela il faut que l'État joue rigoureusement son rôle de concepteur de politiques, de régulateur et d'inspecteur.

(Mise en forme : Stéphane Surprenant)

 

SHEKULLI
Pour un Etat social contre l'ultra-libéralisme et la corruption
TRADUIT PAR MANDI GUEGUEN

Publié dans la presse : 28 juillet 2002
Mise en ligne : mardi 6 août 2002

La société albanaise a-t-elle perdu tous ses repères ? L'analyse sans pitié de l'essayiste Fatos Lubonja, qui prône un engagement actif et militant visant à construire une société civile.

Par Fatos Lubonja

Une société qui prétend vivre sans idéaux est une société qui vit sans confiance dans l'avenir, et une telle société n'a pas d'autre destin que la mort.

Il y a dix ans environ, beaucoup d'Albanais étaient scandalisés par une scène du film d'Amelio, Lamerica, dont le protagoniste était un réfugié qui, dans la course vers son bonheur personnel, en descendant du camion pour embarquer sur un bateau, marche sur le corps sans vie d'un compatriote resté au milieu de la route.

Cette scène a été considérée comme une offense et une dépréciation de l'image des Albanais. Aujourd'hui, dix ans après l'explosion du régime communiste, l'incroyable ruade des Albanais vers le bonheur égoïste, en se poussant, en s'obstruant le chemin et en se faisant tomber, en marchant les uns sur les autres, et en se tuant, a créé d'autres épisodes qui ont dépassé de loin l'imagination d'Amelio.

En pensant aux passeurs qui, menés par la soif de l'argent, conduisent les vivants vers la mort et qui, dans leur voyage vers un paradis d'enfer, n'hésitent pas à jeter les enfants à la mer (pour échapper aux garde-côtes), il est impossible de ne pas croire que l'imagination a fait défaut à Amelio, pour saisir jusqu'à son apothéose cette course effrénée des Albanais vers le mirobolant enfer du capitalisme.

L'écoulement du vulcain albanais vers le capitalisme a complètement détruit ce qu'on pourrait appeler le tissu social de la société communiste, qui n'était en réalité qu'une camisole de force, imposée aux Albanais par le régime dictatorial. Ce tissu social s'est déchiqueté à une vitesse invraisemblable. On aurait cru que le rêve du temps d'Enver Hoxha advenait enfin à la réalité. On racontait à l'époque que si l'Adriatique venait à geler, tous les Albanais prendraient la fuite vers l'Italie, dans une fureur telle, que ceux qui ne pourraient pas faire face à la vitesse, devraient enfourcher un arbre pour ne pas se faire écraser par la foule.

Si l'Albanie ne s'est pas vidée, ce fut parce que l'Adriatique n¹a pas gelé et que les Etats voisins continuent encore à surveiller les frontières. Or, le problème est que ce qui n'a pas été réalisé en abandonnant le territoire albanais, c'est-à-dire la désintégration de tout tissu social, est en cours depuis longtemps à l'intérieur même du pays. Ces dix dernières années, la société albanaise est en train de passer d'une masse amorphe de collectivité socialiste en une masse grégaire d'individus, de clans ou de familles qui courent chacun pour leur compte, certains vers la richesse, d'autres vers la pauvreté extrême, sans jamais se croiser. Sous le drapeau de la liberté, incités par l'initiative privée, et sous le drapeau national (pure démagogie), les Albanais se sont rués vers les magasins d'Etat, ont coupé même les arbres aux bords des chemins, ont noyé Tirana et les autres grandes villes de constructions incontrôlées, ont détruit la côte Adriatique par des crimes inimaginables envers les valeurs et les monuments de la culture, et ils ne savent plus s'arrêter.

Le " libre service " reste la philosophie de ceux qui partent à l'étranger mais aussi de ceux qui circulent dans le pays. Aujourd'hui, sur l¹une des deux entrées de l'Académie des Arts, qui peut être considérée comme un des temples de la culture albanaise, flotte le drapeau géant d'Amstel, qui invite à entrer dans un bar luxueux. Ce bar serait administré par le recteur lui-même, et le Premier Ministre Fatos Nano aussi bien que les jeunes eurosocialistes s'y abreuvent et apaisent leur faim ­ ce que, métaphoriquement, je considérerais comme le triomphe total du libéralisme, de la privatisation et de l'exploitation du public par le privé, je devrais dire de la privatisation totale des institutions politiques, depuis le Cabinet du Premier Ministre jusqu'aux ministères et aux mairies.

L'absence de tissu social

Une des grandes conséquences de cette privatisation exaltée est l'absence totale des liens sociaux, ceux qui unissent les individus d'un pays et dont la rupture les transforme en un troupeau grégaire. L'indifférence tant de la part des milieux politiques que de la société à l'égard du trafic aussi criminel que choquant d'êtres humains, de la prostitution, est bien un indice éloquent de cette problématique.

Si, à l'époque du communisme, la sociabilité était aliénée par l'imposition d'une vie en communauté forcée, à l'intérieur d'une vie publique qui détruisait toute individualité, dans le capitalisme qui nous caractérise, elle est aliénée à nouveau à cause de l'hypertrophie du côté égoïste des Albanais, ce qui les pousse vers la tentation de piller l'espace public afin de le détruire.

Ce sont deux extrêmes qui se rencontrent : ce qui est le plus inhumain, c¹est que notre société est en train de faire l'expérience du capitalisme dans les mêmes conditions que celles du socialisme. Selon moi, le même défaut de l'homme albanais se trouve à la base : l'incapacité (par insuffisance de moyens culturels) de cultiver la sociabilité comme faculté humaine, et de s'organiser en communauté.

Ce que l'on appelle solidarité, volonté, justice sociale, sont des concepts étrangers à la culture sociale et politique de ce pays. C'était aussi le cas pendant la période communiste, puisque le fondement de ces vertus issues de la capacité humaine à vivre en société, cultivées depuis longtemps par la religion, par la culture humaniste et ensuite par celle des Lumières, n'a pas été développé, mais aliéné par la dictature.

Durant ces dix dernières années, il y eut un seul trait d'union dans cette société, malgré ses défauts non négligeables : l'aide occidentale, qui contribua à la construction des routes, à rembourser des déficits budgétaires, à financer des ONG, afin de créer de nouveaux éléments de la société civile, de restaurer les écoles et les hôpitaux, de fournir de nouveaux moyens à la police, de financer une série d'activités et de publications culturelles, etc. Cette aide contribua aussi à créer une vision commune et nébuleuse de l'avenir : l'Europe des démocraties et des libertés. Ce fut une aide d'urgence qui eut peu d'impact dans la création d'une cohésion sociale stable ou bien dans la prise de conscience à son égard. Le pays semble toujours en avoir besoin.

Le défi actuel

À la question " Qu'est-ce que le sacré ? ", Goethe répond ainsi : " ce qui réunit plusieurs âmes ensemble ". Selon moi, le plus grand défi qui se pose aujourd'hui aux Albanais, c'est le besoin d'un projet aussi bien politique que social, visant à tisser des liens sociaux, c'est-à-dire à construire ces outils politiques et sociaux qui fonderaient ce qui devrait être sacré, au niveau local ou national, et qui ne peuvent pas appartenir à la sphère du privé, mais à la vie publique.

La société albanaise, issue d'un collectivisme absolu, a sacralisé le privé depuis cette dernière décennie : c'est vrai qu'il assure la liberté, mais une liberté individuelle, qui néglige tout lien social, et qui ne mérite pas son nom. Ce défi exige un débat sur la construction de la société albanaise. Je ne prétends pas épuiser le débat, à travers cet article, mais le provoquer, puisqu'il me semble que le moment où nous nous trouvons est décisif. Le débat devrait se développer au moins sur deux points :

 le besoin d'une nouvelle force politique de gauche, dont le programme porterait sur l'Etat social,

 le besoin d'une autre société civile.

Si l¹on observe l'expérience de la politique occidentale, on remarque que, par l'intermédiaire du jeu de la démocratie, le pendule des politiques économiques et sociales oscille entre les politiques libérales de droite, qui donnent plus de libertés au privé, et les politiques sociales de gauche, de manière telle que lorsque le pendule arrive à un certain point du côté de la droite, il bascule vers la gauche et vice-versa. Parfois, certaines politiques de gauche et de droite se rapprochent autour des problèmes sociaux. La droite d¹Umberto Fini en Italie, par exemple, est appelée " la droite sociale ". En Albanie, le pendule de la libéralisation et de la privatisation de tout, a atteint le point extrême depuis longtemps, et a dépassé depuis longtemps le point où ces réformes amèneraient des choses positives. Le pire est qu'il n'y a aucun moyen politique pour faire marche arrière.

Les deux principaux partis, qui n'ont de " droite " et de " gauche " que le nom, soit par convention soit par nostalgie, sont en réalité des partis de droite ultra pour ce qui concerne les politiques de libéralisation. En effet, la politique gouvernementale des uns et l'opposition des autres se sont cantonnées aux guerres quotidiennes pour le pouvoir qui ne servent que les intérêts de certains clans ­ ce que j'ai appelé l¹Etat informel. Cette guerre respecte des règles strictes à l'intérieur du cercle du pouvoir, mais pratique des rapports criminels avec cette partie de la société qui se trouve en dehors de lui, ainsi qu'envers l'Etat informel.

L'image du passeur qui jette les enfants à la mer peut bien servir de métaphore au comportement de la classe politique. Les politiciens albanais ont jeté à la mer, sans états d'âme, tout rêve pour l'avenir, toute aspiration vers l'avenir, à cause des guerres de pouvoir liées aux intérêts de leurs réseaux mafieux. La chute du dernier gouvernement de Pandeli Majko ne fait que suivre ce chemin. La victoire de Fatos Nano n'est pas la victoire d'une vision plus saine, mais le renouement des liens rompus dans le réseau, des intérêts privés d'un petit groupe de gens, réseau qui contrôle, de fait, tout : l'économie, le pouvoir exécutif, le pouvoir législatif, les médias, l'opposition, l'Etat formel lui-même.

La philosophie libérale mêlée à la corruption a fait qu'en Albanie, lorsqu'on parle des institutions d'Etat, on note que celles-ci travaillent peu en public, pour l'Etat formel, mais font de grandes affaires privées pour l'Etat informel. Il n'est pas faux de dire que le Cabinet du Premier Ministre, les autres ministères, les mairies etc., sont traités comme des propriétés privées, louées aux politiques. C'est pour cela que le pendule de la dialectique politique s'est totalement bloqué.

Dans ces conditions, je pense que l'Albanie a besoin de remettre ce pendule en marche, pour l'éloigner du point extrême où il est bloqué et qui polarise notre société de manière dramatique, en renforçant jour après jour le sentiment que nous vivons dans un pays où toute justice et tout lien social font défaut. Où le travail honnête est récompensé par la pauvreté, et le travail sale, les trafics de prostitution et de drogue, par la richesse. À mon avis, cela demande un nouveau mouvement politique du centre gauche, d'un parti qui présenterait un projet à long terme de construction de l'Etat social, de la justice sociale et qui, d'une certaine manière, tenterait de reconstruire le tissu social, grâce à ses choix politiques, et qui contribuerait à renforcer l'Etat formel au détriment de l'Etat informel.

L'Albanie a besoin d'un projet qui mènerait à un pacte entre le capital et les travailleurs, comme les Allemands l¹ont fait à la fin de la Deuxième Guerre mondiale, en prenant l'initiative à ce que l¹on a appelé l'Etat social. L'Albanie a besoin d'un parti qui s¹intéresse à la construction des écoles, des jardins d'enfants, des terrains de sports, par le bon fonctionnement, sans corruption, des hôpitaux et de la justice, qui se soucie des plans d'aménagement dans les mairies, qui veille à ne pas laisser la culture aux mains de la commercialisation, à l¹amélioration de l¹audiovisuel public. Les partis que nous avons actuellement ne jouissent pas d'une crédibilité suffisante pour assumer un tel rôle. Même si on pouvait faire table rase du passé, il est à peine de se rappeler le nombre de promesses qui ont déjà été faites.

Pour une nouvelle société civile

Nous avons autant besoin de ce parti d¹un nouveau genre que d'une nouvelle société civile. Nous avons besoin d'une société civile qui parte de la nécessité de la prise de conscience, afin de faire pression sur le pouvoir pour reconstituer le tissu social ­ non pas celui que nous avons aujourd'hui, né pour les besoins de l'élite d'hier et qui a servi à faire naître une nouvelle élite sociale.

Nous avons besoin d'une société civile qui soit plus exigeante et qui affronte le pouvoir, ne se livrant pas à des alliances surtout lorsqu'il agit contre les intérêts de la société.

Nous avons besoin de nouveaux syndicats, qui soient des unions de travailleurs défendant le présent et l'avenir de leurs intérêts, et non pas d'alliés du pouvoir pour le partage des propriétés.

Nous avons besoin d'autres associations de journalistes, qui défendent la liberté et l'indépendance de la presse vis-à-vis des politiciens et des patrons, et non pas d'associations qui sont dirigées par des journalistes qui défendent les intérêts commerciaux de la presse, comme c'est le cas actuellement.

Nous avons besoin de dirigeants d'associations urbaines qui exigent des administrations locales la transparence à l'égard de la communauté, et non pas de ceux qui clament " de les laisser travailler en paix ".

Nous avons besoin d'associations écologiste qui puissent enfin se vanter d'avoir sauvé un arbre.

 

Il est clair qu'on pourrait faire objection à ces exigences en se disant que " ce n'est pas tout de dire des choses qu'on sait déjà, mais encore faut-il pouvoir les réaliser ". Cela peut sonner comme des utopies ou des idéalismes, mais la réalité est tout autre. Dans une société saine, il existe un rapport entre l'idéal et la réalité : la réalité tend vers l'idéal, et l'idéal attire la réalité, en créant ainsi la confiance dans l'avenir.

Une société qui prétend vivre la réalité sans idéaux est une société qui vit sans confiance dans l'avenir, et une telle société n'a pas d'autre destin que la mort.

 

KLAN
L'or noir de la Caspienne passera-t-il par l'Albanie ?
TRADUIT PAR MANDI GUEGUEN

Publié dans la presse : 28 juillet 2002
Mise en ligne : vendredi 2 août 2002

Le projet américain de construire un oléoduc reliant Burgas en Bulgarie à Vlora en Albanie pourrait changer la donne géopolitique de la région. S'il se concrétisait, il serait un atout autant pour les Etats-Unis, qui verraient s'accroître leur indépendance énergétique face aux pays de l'OPEC, que pour cette région balkanique qui prendrait une plus grande importance économique et stratégique sur la scène internationale.

 

Par Fabian Morava

Des pétroliers américains devraient jeter l'ancre dans le port de Vlora. Ce projet s'intègre en tous cas dans les perspectives américaines de développements économiques et stratégiques de la région. Il ne devrait toutefois pas être sans conséquence pour l'Albanie.

Le jour où de grands pétroliers américains de 300 000 tonnes jetteront l'ancre dans le port de Vlora n'est peut-être pas si loin. Ainsi, dans les années à venir, ils traverseraient régulièrement la Méditerranée, qui deviendrait de facto l'une des principales routes pétrolières américaines. Chaque jour, 770 000 barils de pétrole seraient remplis dans le port de Vlora. Ce pétrole en provenance de la mer Caspienne s'acheminerait de Burgas (Bulgarie) à Vlora (Albanie) dans un oléoduc de près de 900 km de long. Le contrat passé avec la Corporation du pétrole AMBO (Abanian, Macedonian and Bulgarian Oil) prévoit la construction de cet oléoduc d'une valeur d'1.3 milliard de dollars. Trois Etats seraient donc concernés par cette nouvelle route pétrolière : l'Albanie, la Macédoine et la Bulgarie.

Les fondateurs d'AMBO sont tous des géants du pétrole : "Chevron", "Texaco", "Exxon Mobil", "British Petroleum", "Agip" et "Total Fina Elf". Ils devraient investir 450 millions de dollars et le reste du financement serait assuré par des crédits contractés auprès d'EBRD, MIGA, IFC, OPIK et EKSIM. Le plan américain paraît donc clair. Il s'inscrit dans une dynamique plus large qui vise pour les Etats-Unis à s'assurer un accès direct au pétrole brut sans plus dépendre du bon vouloir des pays arabes de l'OPEC (Organization of the Petroleum Exporting Countries).

Mais pourquoi les Etats-Unis ont-ils besoin d'une telle stratégie ? La réponse est simple. Dans leur projet d'accéder à l'indépendance énergétique, les Etats-Unis mettent la priorité sur les ressources pétrolières et minières de la région Caspienne (principalement Ouzbékistan, Kazakhstan et Kirghizistan). Actuellement, celle-ci ne fournit que 14% du total de pétrole brut mondial. Or, cette quantité pourrait au moins être doublée grâce à une technologie plus avancée. Si les Etats-Unis réussissent à acheminer ce pétrole jusqu'à leur territoire par le seul intermédiaire des concessions de ces quelques républiques ex-soviétiques, ils pourraient devenir une puissance totalement autonome en matière d'énergie.

Les Américains tireraient de ce projet de gros bénéfices. D'abord, ils pourraient réduire leur déficit commercial annuel de 108 milliards de dollars, conséquence directe de l'augmentation des prix du pétrole sur le marché mondial. Ensuite, ils diminueraient le coût de toutes leur productions industrielles nationales, dont l'achat du pétrole constitue une part considérable. Et enfin, ils affaibliraient la position de l'OPEC, qui domine actuellement l'économie internationale du pétrole brut.

Mais pourquoi le projet américain tente-t-il de promouvoir l'axe Burgas-Vlora pour le transit du pétrole de la mer Caspienne, alors que dans le même temps, les pays de l'Union Européenne investissent dans l'itinéraire Constance (Roumanie)-Trieste en participant au financement de deux pétroliers (dont un pétrolier russo-bulgaro-grecque actuellement en construction à Alexandrie) ?

Il y a plusieurs raisons à cela :

En premier lieu, les Etats-Unis veulent éviter le détroit de Bosphore, qui ne peut être traversé que par des pétroliers dont le poids n'excède pas 150 000 tonnes (et non par ceux de 300 000 tonnes qu'ils utilisent). Ensuite, ils considèrent que le risque d'actions terroristes reste non négligeable, car si les ponts construits sur le détroit, fierté d'Istanbul, venaient à être détruits, il n'y aurait plus aucun passage possible autant pour les pétroliers que pour les sous-marins qui les escortent.

Enfin, la dernière raison, mais non la moindre, est le coût relativement bas que représente la construction d'un oléoduc qui traverserait les Etats balkaniques membres de la Corporation AMBO. Le chemin de fer qui traverse la Bulgarie et la Macédoine est déjà prêt. Il ne nécessite pas de frais supplémentaires pour son électrification ou pour les transports de matériaux et d'individus. De son côté, la partie albanaise considérée comme moins facilement aménageable est très petite et les tarifs qui y sont en vigueur sont très faibles. Avec le port de Vlora, l'Albanie offre de plus un avantage important : ce port est le seul à être suffisamment profond pour accueillir les gros porteurs américains, contrairement à ceux de Durrës ou du Monténégro.

Toutefois, l'Albanie pourrait, elle aussi, tirer partie de cet oléoduc qui pourrait être inauguré entre 2005 et 2010. Premièrement, le pétrole arriverait directement des pays de la Caspienne à Tirana. Son coût serait donc très bas, ce qui serait un atout pour l'économie locale. Deuxièmement, l'Albanie obtiendrait probablement des compensations pour avoir permis le transit du pétrole sur son territoire. Enfin, cela ne ferait qu'accroître les intérêts américains dans la région comme cela se vérifie déjà dans les républiques d'Asie centrale. Dans ces pays de la mer Caspienne, les Etats Unis ont établi troupes et bases militaires pour maintenir la paix et ne pas entraver les nouvelles routes du pétrole. De telles démarches préventives seraient une aubaine pour l'Albanie et les pays membres de l'AMBO.

Elles permettraient à cette région d'amplifier son importance stratégique sur la scène internationale. La présence de l'OTAN et d'autres structures de défense et de prévention serait plus marquée ce qui minimiserait l'éventualité de nouveaux conflits. Ainsi, l'Albanie serait plus sûre et mieux contrôlée. Cette présence internationale sur le sol albanais serait à la fois le privilège et le prix à payer pour la concrétisation de ce projet qui placerait le pays au cœur des grands axes pétroliers.

(Mis en forme par Amaël Cattaruzza)

 

Gazeta shqiptare 5 mars 2002 (Traduit par Mandi Gueguen) Albanie : la dette extérieure, véritable bombe à retardement 

La dette de l'Albanie compte près d'un milliard de dollars américains. Le Fond Monétaire International (FMI) prévient qu'elle ne doit pas davantage augmenter. Par Gerti Osmani A la fin de l'année 2001, l'Albanie comptait une dette extérieure de près d'un milliard de dollars, ce qui constitue un chiffre menaçant pour son économie. Des sources auprès de la mission du FMI à Tirana nous informent que « jusqu'à présent la dette constituait 16 % du GDP, un chiffre pas très gros pour l'économie albanaise, mais qui incite à faire très attention ». L'inquiétude du FMI s'est aussi exprimée dans le programme de trois ans passé avec le gouvernement albanais. Ce dernier attend l'arrivée d'une mission du FMI en provenance du siège central de Washington. Après la catastrophe économique en Argentine causée par son incapacité à rembourser la dette extérieure, les députés albanais se sentent aussi inquiets. Il n'y a pas très longtemps, la Russie a exigé de manière très inattendue le remboursement de la dette albanaise. La partie albanaise a été surprise, et n'y ayant pas été préparée, cela a beaucoup animé les discussions au parlement. L'Albanie se trouve aussi confrontée à l'augmentation de sa dette extérieure, qui de 612 millions de dollars à la fin de l'année 2000, s'est élevée à près d'un milliard de dollars à la fin 2001. Cette augmentation est le résultat de l'accumulation de crédits contractés par l'Albanie auprès des donateurs et organismes financiers internationaux. Même si les crédits comportent des taux d’intérêt assez bas, et des délais de remboursement allant de 20 jusqu'à 45 ans, ils ont augmenté la dette de manière sensible. De plus, les considérables sommes d'argent, issues des privatisations de l'année dernière, au lieu d’être utilisées pour le remboursement de la dette ont couvert l'augmentation des dépenses gouvernementales pendant les campagnes électorales successives. Selon un des députés de l'opposition, l'argent de la privatisation pourrait servir à rembourser la dette extérieure, puisque les compagnies vendues font partie des richesses nationales et ne sont pas la propriété d'un gouvernement en particulier. L'Albanie a contracté des dettes considérables envers la Banque Mondiale (IDA), la Banque Européenne pour la Reconstruction et le Développement (BERD), la Banque Européenne des Investissements (BEI), le Fond International pour le Développement de l'Agriculture (IFAD), le Fond de l'OPEC, la Banque Islamique du Développement (IDB) et le Fond Koweitien. Parmi les principaux créditeurs il y a : l'Italie, l'Allemagne, le Japon, l'Autriche, la Grèce, la Norvège, la Suède, et la Chine. Selon les experts du Ministère des Finances, « le processus le plus difficile a été la conversion de cette dette et sa réduction selon l'expérience du "Club de Paris". Finalement la somme due atteint 240 millions de dollars et sera remboursée dans un délai de vingt-trois ans ». Or, ce qui effraie le plus les économistes, c'est le fait que l'aide des donateurs continue à constituer la base du financement des investissements publics, et cela se poursuivra dans les années à venir. Pour cette raison, les experts du ministère de l'Economie affirment qu'ils sont en train de travailler avec les donateurs pour que leur financement soit efficace et qu'il recouvre les déficits dans la mise en œuvre de certains projets. 

( Mise en forme : Stéphan Pellet ) _______________________________________________________________

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Klan

11 novembre 2001

(Traduit par Mandi Gueguen)

Albanie : l'imposture au sujet du FMI

Le Premier ministre Meta serait-il en train de négocier le coût de l'énergie avec les représentants du FMI ? Non. Ce n'est qu'un jeu qui a pour but de justifier l'adoption d'une mesure caractérisée d'incontournable. Qu'exigeait

le FMI ? Pourquoi le gouvernement albanais a-t-il pris cette mesure depuis longtemps ?

Par Fabian Morava.

L'automne n'a pas manqué d'amener son lot de problèmes. Il fait nuit de bonne heure et l'électricité, dont l'absence ne nous surprend plus guère, sera plus chère que l'an dernier. Cette mauvaise nouvelle nous touche tous.

C'est le type d'information que les gouvernements n'aiment pas annoncer. L'Etat et la KESH [fournisseur national d’électricité], que toute famille albanaise maudit au moins une fois par jour, n'ont rien trouvé de mieux que

d'augmenter leurs tarifs. Le Fond Monétaire International (FMI) aurait menacé de ne plus investir dans le domaine de l'énergie si la hausse des prix devait ne pas avoir lieu. Le gouvernement, et notamment le Premier ministre, se seraient opposé à une telle mesure. Durant le débat, le ton aurait même été élevé. Tout cela est-il exact ?

Cette version des faits est celle rapportée par la majeure partie des médias qui s'en tiennent aux déclarations du cabinet du Premier ministre prononcées au cours de la semaine dernière. Le FMI aurait demandé de fixer le prix de l'électricité autour de 10-11 Lek par kilowatts/heure (Kw/H), soit environ 0.006$, mais le Premier ministre Meta s'y serait opposé. Il aurait demandé au FMI de tenir compte du niveau de vie des Albanais. Il était d'accord pour augmenter les tarifs mais à hauteur de 6 Lek par Kw/H maximum. Les discussions sur le prix de l'électricité se poursuivraient encore, même si selon la télévision Koha, le Premier ministre albanais serait parti fâché au

milieu de la discussion, dès la première rencontre avec le FMI. Y a-t-il réellement eu une dispute comme le Premier ministre a tenté de le faire croire ? Cela paraît peu probable. Ce type d'argumentation n'est pas nouveau, et l'Albanie a signé un programme de près de 60 millions de Dollars, pour trois ans, avec l'une des plus importantes institutions financières au monde – qui a sans nul doute posé ses conditions. La révision des tarifs de l'électricité depuis longtemps se préparait. Depuis la réunion des donateurs tenue à Bruxelles en mars, le FMI craint que le secteur de l'énergie ne mette en péril les progrès de l'économie albanaise. Le FMI, en collaboration avec la Banque Mondiale, a suggéré des mesures rapides et concrètes. La construction de nouvelles centrales pour faire face aux besoins en électricité, qui augmentent de 7-8% par an, demande de gros investissements et du temps. Pour éviter une grave crise de l'énergie, le seul moyen à court terme est d'entraîner une baisse de la consommation et une amélioration de l'indice financier du KESH. Elle vend depuis des années de l'énergie à perte. Elle ne parvient pas à se faire payer les factures, et les déperditions sur son réseau sont considérables. 

Lors de la réunion de Bruxelles, les mesures du FMI et de la Banque Mondiale suggéraient une amélioration de l'indice financier du KESH et la mise en place d'une double tarification. La mission du FMI, qui s'est déplacée en Albanie en juillet dernier, a, lors d'une conférence de presse, bien insisté sur ce dernier point. Le ministre des Finances, Anastas Angjeli, a expliqué aux journalistes que ce système de double tarification avait pour but de dissuader les familles à utiliser l'énergie pour se chauffer et pour cuisiner. Le changement de prix aurait dû survenir en octobre, époque où la consommation journalière d'électricité connaît une nette augmentation. Angjeli a expliqué que pour définir ce niveau de consommation, une étude avait été effectuée par le KESH et son conseiller, la compagnie italienne ENEL. Selon cette étude, le gouvernement se préparait à plafonner le prix de l'énergie électrique pour les particuliers à 6-8 Lek – uniquement pour ceux dont la consommation était comprise dans une fourchette allant de 170 à 300 Kw/H. Le coût de production étant de 6,7 Lek par Kw/H, le prix de l'importation de 8 à 9 Lek par Kw/H, le nouveau tarif devrait être, selon le ministre de l'énergie Dritan Prrifti, de 8 Lek par Kw/H. Si le FMI et la Banque Mondiale ont réellement suggéré des réformes, le prix de l'électricité sera fixé par le gouvernement albanais.

Dans le programme de son second mandat, d'une durée de quatre ans, le Premier ministre Meta expliquait que le tarif de l'électricité devrait pouvoir recouvrir le coût réel de sa fabrication et de son exploitation, soit 6 à 7 Lek. La seule chose que le FMI aurait demandé au gouvernement, ce serait de baisser les subventions du KESH qui avait été sensiblement augmentées lors de la crise de ces deux dernières années. Pour 2001, les subventions ont atteint un record de 5.4 milliards de Lek, avec l'aval du FMI. Ceci permet d'acheter pour 1,8 milliards de Kw/H d'électricité. Pour 2002, le gouvernement a décidé de réduire les subventions pour le KESH à 30 %. L'importation d'énergie tombera à 1.5 milliards de Kw/H. Le FMI exige que les subventions soient complètement coupées en 2005. Cela s'effectuera de manière progressive.

Les déclarations selon lesquelles Meta aurait suggéré un prix de 6 Lek et le FMI un tarif de 10 Lek ressemblent à une farce. La rencontre, mardi dernier, du ministre et des représentants du FMI s'est déroulée sans esclandre. 

Tout avait été déjà décidé.

Pourquoi dans ce cas évoquer une dispute avec le FMI ? La réponse est simple. Il n'est pas facile pour un gouvernement d'entreprendre une telle mesure où seule la société paie la facture, sans que la politique ait à en souffrir. Une logique économique froide pourrait justifier une telle mesure, mais comment expliquer à des retraités de payer, avec leur salaire, une source d'énergie qui ne leur est pas fournie une bonne partie de la journée ? Le gouvernement n'a pas voulu s'exposer alors que l'hiver approche. Les échéances électorales ne sont jamais bien loin comme le soulignait dans ses propos le chef de la majorité, Fatos Nano. L'eau, l'électricité et le réseau routier sont des éléments essentiels qui peuvent conditionner le vote des électeurs. Le Premier ministre Meta, ne veut pas perdre l'estime de la population en lui faisant payer l'électricité plus cher. Certes, il ne peut continuer à la vendre à 4.5 Lek le Kw/H alors que son coût de production est de 6.7 Lek. Ce serait bien si les Albanais se retournaient contre le FMI ! C'est pour beaucoup une organisation lointaine et abstraite. L'image du FMI ne serait guère ternie si les Albanais lui adressait, comme ils le font pour la KESH, quelques reproches. L'essentiel est que le gouvernement, qui a brillamment résisté au méchant FMI, ne perde pas l'amour de ses électeurs.

Curieusement, les journaux se sont tous abreuvés à la même source, celle du cabinet du Premier ministre. Ils ont reproduit dans leurs colonnes le même message. L'augmentation a été fixée à 8 Leks. Le FMI aurait préféré 10 et le gouvernement 6. Il était, pour les autorités albanaises, impossible de faire mieux.

De cette façon tout le monde est à l'abri. L'État fixe un prix suggéré par la logique économique. La réforme se met en place, le FMI est satisfait et les gens apprécient le travail du gouvernement. Après tout, entre le peuple albanais et le FMI, cela n'a jamais vraiment été l'amour fou.

( Mise en forme : Stéphan Pellet )

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Klan 11 novembre 2001 (Traduit par Mandi Gueguen) 

Albanie : Le chemin de l'Otan passe par le Pentagone

 Le ministre de la défense, Pandeli Majko, se rend au Pentagone pour signer un document concernant la restructuration des forces albanaises qui devraient, en 2001, perdre la moitié de leurs effectifs. Le projet, élaboré à Washington, prévoit la création d'une armée de métier capable de faire face à de nouveaux défis. Par Alfred Peza Des soldats albanais à l'entraînement. A la fin du mois, Pandeli Majko sera officiellement accueilli au Pentagone. A Washington DC une étude des spécialistes militaires américains lui sera remise. Il s'agit d'une expertise des forces armées albanaises qui a nécessité un an et demi de préparation. Elle recèle l'ensemble des recommandations américaines qui sont supposées transformer l'armée albanaise en une force qui réponde aux critères de l'OTAN. Pour la mise en œuvre de cette politique, une équipe d'experts américains est arrivée dans les locaux du ministère de la défense, le 24 septembre. En collaboration avec un groupe de travail albanais, les spécialistes sont en train de détailler les mesures qui devraient prendre corps dans un projet de loi sur la réforme de l'armée, présenté au parlement au cours du mois de novembre. Après cela, dix ans seront nécessaires pour appliquer cette stratégie. Elle a pour ambition de diminuer de moitié le nombre de troupes, et d'accélérer la professionnalisation de l'armée qui aura pour mission de travailler en collaboration avec les unités aéroportées (hélicoptères, porte-avions, etc.). D'après le document fondateur, Stratégie de la Sécurité Nationale de l'Albanie, l'armée doit pouvoir assurer la souveraineté et la sécurité du territoire. Il est prévu également une démocratisation du pays, la construction et le renforcement des institutions de l'Etat, le progrès et le développement de l'économie de marché, le respect des droits de l'Homme, et une amélioration des conditions de vie pour tous les citoyens albanais. C'est de cette manière que le futur de l'armée albanaise est envisagé aux Etats-Unis. Elle devrait, après 2010, pouvoir s'intégrer à l'OTAN et affronter les éventuels défis. La structure définitive de la force d'intervention sera définie par la suite. Nous espérons qu'elle sera opérationnelle afin de permettre au pays d'intégrer l'OTAN entre 2010 et 2020. La future structure. Compte tenu de la tradition et de l'histoire récente de l'Albanie, l'armée n'intervient guère dans les décisions politiques. Les Etats-Unis et les autres membres de l'OTAN lui accordent toutefois une place importante. Les événements survenus le 11 septembre ont conduit l'ensemble des pays de la planète à réviser leur stratégie de défense. C'est dans ce contexte que se prépare la restructuration des forces armées albanaises. L'objectif est de réduire les effectifs militaires de 31.000 à 14.000-16.000 en temps de paix. L'organigramme sera de type pyramidal avec au sommet le ministère de la défense, puis l'Etat Major, l'armée de terre, la marine, l'aviation… Selon Pandeli Majko, il faut comprendre que cette force ne se limitera pas à la seule défense du pays. Elle doit pouvoir intervenir lors de catastrophes naturelles ou industrielles, aider à la construction des infrastructures routières, et lutter contre les trafics illégaux. Elle contribuera, dans des cas précis, à combattre le terrorisme et le crime organisé. Elle assurera également la défense des institutions. Indépendamment du fait que le projet a été rédigé au Pentagone, la nouvelle structure de l'Etat Major sera établie sur le modèle des pays de l'OTAN. Sa tâche consistera à surveiller des points stratégiques du pays afin de planifier, coordonner et diriger des opérations communes à toutes les forces. Les troupes terrestres formeront un contingent de 6000 professionnels, encadrés dans des sections d'intervention rapide, pour des opérations spéciales de type « Task Force ». Les 1600 colonnes de l'armée de l'air ne seront plus appuyées dans leurs missions par une flotte obsolète héritée des Russes et des Chinois. Elles seront aidées par les hélicoptères des Forces d'Intervention Rapide, et les avions de la défense antiaérienne. Le but est d'empêcher l'entrée des avions non autorisés dans l'espace aérien albanais. A Shkodra, immédiatement après les attaques terroristes du 11 septembre, l'ambassadeur américain Limprecht a déclaré qu'une équipe de spécialistes arriverait en Albanie pour veiller à la protection des frontières terrestres, maritimes, et aériennes du pays. Pendant cette semaine, la compagnie américaine Lockheed Martin a présenté au Premier ministre Ilir Meta, un projet de 50 millions de Dollars pour la construction d'une tour de contrôle équipée de radars. Cet investissement sera également utilisé pour accroître la sécurité des vols et pour permettre le retour du trafic aérien international. La marine devrait compter sur un effectif de1600 troupes, réparties en deux bases actives. Elles aideront à la surveillance des eaux territoriales albanaises grâce aux torpilleurs, aux dragueurs de mines et aux porte-avions. Selon Limprecht, une telle réorganisation de l'armée augmentera la stabilité du pays et de la région. Elle devrait conduire à l'intégration définitive de l'Albanie dans les forces de sécurité occidentales. L'enseignement militaire. L'intégration de l'Albanie à l'OTAN n'est pas qu'une question militaire. Il faut que le pays se restructure au niveau politique, législatif, et économique. Il doit lutter contre la corruption de ses élites, et le crime organisé. L'Albanie attend de nouveaux équipements militaires qui exigent du budget de l'Etat des sommes considérables. L'OTAN prévoit que l'armée de métier deviendra opérationnelle en 2006. Jusqu'à cette date, 75 spécialistes auront pour mission de faire le tri dans les équipements et les infrastructures héritées du ministère de la défense. Le personnel militaire devra savoir travailler d'après les critères de l'OTAN. Cela suppose une préparation physique irréprochable et une connaissance parfaite de l'anglais. Le plan rédigé par le Pentagone consacre une attention toute particulière à la question de la préparation des jeunes officiers. Avec une structure militaire extrêmement réduite, l'Albanie n'a pas la possibilité de financer plusieurs écoles militaires. Elles seront incorporées à ce qui sera appelé l'Université Intégrée de la Défense. C'est sur son terrain que sera construit le Centre National d'Entraînement. Ces institutions engloberont à elles seules un personnel de 600 personnes. Le recrutement des étudiants sera fait par les universités civiles, pour des domaines qui n'exigent pas des capacités et une éducation militaire, comme l'ingénierie mécanique, électrique et électronique, l'informatique ou les relations publiques. Les soldats professionnels. Les journaux de Tirana se sont empressés de résumer la conférence nationale sur la restructuration de l'armée en titrant : « Adieu au service militaire ». Ceci ne va pas dans le sens de la réforme proposée car les appelés continueront à grossir les rangs de l'armée. Le service militaire sera maintenu même si au cours des dix ans à venir, il fera l'objet d'une réduction progressive. Si l'on se réfère au projet, l'armée de métier en temps de paix aura des capacités opérationnelles bien supérieures à celles dont elle dispose actuellement. Elle pourra protéger les intérêts de la nation et participer aux interventions internationales. L'armée s'attend à perdre en nombre, mais à gagner en qualité. Ses tâches changeront essentiellement dans leur conception. Il ne s'agira plus d'une défense de l'espace national, mais d'une « défense active ». Ces changements sont peut-être motivés par la guerre moderne et le contexte international. Les événements en ex-Yougoslavie, les attaques terroristes sur les Etats-Unis et le conflit en Afghanistan, ont clairement montré que la guerre terrestre frontale appartenait au passé. Elle a été remplacée par des affrontements qui exigent une défense plus active, une mobilité et des capacités opérationnelles suffisantes pour développer des opérations indépendantes, quels que soient le terrain et les conditions atmosphériques. C'est pour cela que les experts militaires du Pentagone souhaitent transformer l'armée albanaise en une force d'intervention rapide, la « Task Force ». Les effectifs seront professionnels. Ils percevront de très fortes rémunérations, comparables à celle des pays membres de l'OTAN. Pour compléter ce contingent professionnel, les meilleurs soldats seront recrutés, dans les dix ans à venir, parmi ceux qui effectuent le service militaire. Ils seront liés par contrat avec le ministère de la Défense. Dans deux semaines, le ministre albanais de la Défense, Pandeli Majko, sera le premier haut fonctionnaire du gouvernement Meta à se rendre à Washington après les attaques terroristes du 11 septembre. Il signera au Pentagone le document sur la restructuration des forces armées albanaises. Ensuite, il rencontrera le secrétaire américain de la défense, Rumsfeld, ainsi que des représentants du département d'Etat, du Sénat et du Congrès. Il aura à cette occasion la possibilité de mieux comprendre le concept de « guerre nouvelle ». Les événements à New York et à Washington ont conduit les Américains à réviser leur stratégie militaire. Ce vent du changement balaie désormais l'OTAN et ses partenaires. Il commence aussi à souffler en Albanie. (Mise en forme : Stéphan Pellet) ___________________________________________________________ 

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Korrieri 7 juin 2001 (Traduit par Mandi Gueguen) 

L'Union européenne ouvre ses portes à l'Albanie 

Un groupe de dirigeants de haut niveau de l'Union européenne approuve le rapport d'une quarantaine de pages concluant qu'il faut ouvrir les négociations pour un accord de sécurité et de coopération entre Tirana et Bruxelles.  Le bureau de la Commission européenne en Albanie en publie aujourd'hui les conclusions. Par Agustin Palokaj L'événement tant attendu par l'Albanie a eu lieu hier à Bruxelles. La Commission européenne a approuvé le rapport sur les progrès de l'Albanie dans la préparation des négociations pour un accord de sécurité et de coopération. Le rapport en question, en analysant les différents domaines politiques, économiques et techniques, considère «qu'il est temps d'ouvrir les négociations avec l’Albanie pour conclure une entente dans ces domaines». Dans les quarante pages du rapport, préparé par le groupe de direction de haut niveau de l'Union européenne en Albanie et approuvé mercredi soir par la Commission européenne, l'accent a été mis sur les progrès faits par l'Albanie, surtout au niveau du respect de l'ordre public et de la loi mais aussi de la sécurité interne, de la démocratisation de la société, du meilleur fonctionnement des institutions publiques et des réformes économiques. « Malgré les progrès de ces dernières années, l'Albanie a encore du travail à faire pour remplir toutes les conditions d'un accord », a estimé lors de la dernière rencontre la Commission européenne. Toutefois, il ne faudrait pas en déduire que l'Albanie ne remplit pas ces conditions pour commencer les négociations. Durant le déroulement de celles-ci, il faudra dépendre de la lourde procédure au sein des institutions de l'UE, et le progrès nécessaire pourra s'accomplir entre-temps. La Commission européenne estime aussi que l'Albanie pourra aller plus loin si l’évolution positive est maintenue et si la priorité est donnée au renforcement des capacités administratives lors du processus de négociations, qui commenceront pendant la phase transitoire à définir par des négociations directes avec l'Union européenne. La Commission européenne considère la perspective de l'ouverture des négociations comme un pas qui aidera à maintenir le cours des réformes politiques et économiques et à encourager l'Albanie à poursuivre son rôle constructif et modéré dans le cadre des événements régionaux. Lorsque la Commission européenne a adopté ce rapport, Ferit Hoxha, ambassadeur albanais auprès de l'Union européenne, a déclaré à « Korrieri » que « c'est un moment historique pour l'Albanie, qui marque le plus haut niveau des relations avec l'Union européenne et c'est le résultat d'efforts de longue date pour raccourcir le délai de l'intégration à l'Europe ». « Nous sommes entrés dans une dynamique différente du développement interne de l'Albanie et nous sommes en état de négocier un accord plus complet que le précédent avec l'UE », dit-il en ajoutant que « maintenant, il faudra voir l'application pratique de ce rapport ». La procédure de l'UE veut que le rapport approuvé par la Commission européenne reçoive aussi l'accord du Conseil de l'UE, lors de la rencontre de lundi à Luxembourg ou au Sommet de Göteborg le 15 et 16 juin prochain. A la fin de cet accord, la Commission pourra préparer les aspects techniques du début des négociations. A ce jour, de toutes les régions de l'Europe du sud-est, seulement la Macédoine et la Croatie ont conclu les négociations pour cet Accord. L'Accord de sécurité et de coopération est un projet spécialement conçu par l'Union européenne pour la péninsule balkanique, ayant pour but de préparer les États de la région à une éventuelle intégration au sein de l'Union, jusqu'à ce qu'ils en deviennent membres à part entière. C'est une possibilité qui leur a été donnée au Sommet de Nice l'année dernière, selon laquelle tous les États inclus dans le processus sont considérés comme des « membres éventuels de l'UE et des candidats potentiels pour y adhérer ».