Balkans : presse

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Samedi 14 novembre, 21h52
Le gazoduc russe South Stream pourra atteindre l'Italie


Le projet russe South Stream, qui évitera l'Ukraine, a franchi une étape majeure samedi avec l'accord donné par la Slovénie au passage du gazoduc sur son territoire.
Le consortium, propriété du conglomérat russe Gazprom et de la compagnie italienne Eni, peut désormais espérer recevoir les financements nécessaires à la mise en oeuvre du projet.
La Slovénie, frontalière de l'Italie, est le cinquième pays à donner son feu vert après la Bulgarie, la Serbie, la Hongrie et la Grèce.
"Nous avons désormais signé des accords avec tous les partenaires européens dont nous avions besoin pour l'achèvement du projet", a déclaré le Premier ministre russe Vladimir Poutine après la signature de l'accord avec son homologue slovène Borut Pahor.
"Grâce a la Slovénie, le gaz naturel russe va pouvoir parvenir à la frontière de l'Italie, principale cible de marché du projet", a déclaré de son côté une source gouvernementale russe.
La semaine dernière, la Suède et la Finlande ont autorisé, après le Danemark, la construction dans leurs eaux territoriales du pendant septentrional du projet russe, Nord Stream, qui doit traverser la mer Baltique.
L'Union européenne est fortement dépendante des livraisons de gaz russe et la situation est devenue d'autant plus délicate du fait de tensions entre la Russie et l'Ukraine, pays de transit des exportations de gaz russe vers l'Europe.
Des désaccords entre la Russie et l'Ukraine ont provoqué des interruptions dans la livraison de gaz l'année dernière et des responsables européens craignent qu'un nouveau conflit éclate.
Pour diversifier ses approvisionnements, l'Union européenne prévoit de disposer de son propre gazoduc, Nabucco, qui acheminerait du gaz venu de la mer Caspienne et du Proche-Orient, mais ce projet avance très lentement.


Gleb Bryanski, version française Pascal Liétout

 

 

Lundi 3 août 2009

Le Conseil de l'Europe enquête sur un réseau présumé de trafic d'organes dans les Balkans

Le Conseil de l'Europe a commencé lundi son enquête sur des allégations serbes selon lesquelles la guérilla albanaise aurait enlevé des civils serbes pendant la guerre du Kosovo pour vendre leurs organes aux marché noir.


L'enquête est dirigée par le sénateur suisse Dick Marty, qui avait déjà enquêté sur les prisons secrètes de la CIA en Europe et Afrique du Nord pour le Conseil de l'Europe. Au cours de ses deux jours à Belgrade, il doit rencontrer des responsables de la justice serbe et des spécialistes des crimes de guerre.
Selon Belgrade, jusqu'à 500 Serbes du Kosovo ont disparu sans laisser de traces pendant le conflit (1998-99). Les officiels serbes estiment que certains d'entre eux auraient été victimes d'une opération internationale de trafic d'organes. Les enquêteurs serbes sur les crimes de guerre disent avoir des preuves concrètes pour dix cas, mais que beaucoup d'autres pourraient avoir été opérés dans des hôpitaux de fortune en Albanie voisine et leurs corps jetés dans des fosses communes.
"Quelle que soit la vérité, ils nous manque entre 300 et 500 personnes et c'est ce à quoi doivent penser ceux qui cherchent la justice", a déclaré Bruno Vekaric, porte-parole du procureur serbe chargé des crimes de guerre.
Les responsables kosovars ont réfuté ces allégations, jugeant qu'il s'agissait de propagande serbe contre l'indépendance du Kosovo.
Ces allégations ont été rendues publiques pour la première fois l'année dernière, l'ancienne procureure du TPIY Carla Del Ponte l'évoquant dans ses Mémoires. AP

 

 

jeudi 14 mai 2009 - Belgrade Insight
Crise économique dans les Balkans : le FMI tire la sonnette d’alarme
Traduit par Philippe Bertinchamps

 

Dans les Balkans, la crise économique risque de faire replonger des millions de personnes dans la pauvreté. Une situation qui pourrait engendrer une agitation sociale de grande envergure. Plus fragiles et moins bien préparés à absorber les chocs que des pays plus riches, l’Albanie, la Bosnie-Herzegovine, le Kosovo et la Macédoine sont au centre des attentions du FMI.
Par Srečko Latal
Shigeo Katsu


Les Balkans occidentaux vont être confrontés à une crise humanitaire grave : des millions de personnes sont menacées de retomber dans la précarité, à cause des effets de la crise économique mondiale. Des prévisions pessimistes, émises par le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque mondiale.

Un avertissement a été lancé lors de la réunion annuelle du FMI et de la Banque mondiale, le 26 avril à Washington. Au même moment, les pays des Balkans tentent d’obtenir des prêts supplémentaires du FMI, afin d’apaiser le mécontentement social qui ne cesse de croître.

« Il ne fait aucun doute que les pays en voie de développement traverseront une période extrêmement pénible, avec des conséquences préjudiciables sur leurs efforts pour réduire la pauvreté », a affirmé Dominique Strauss-Kahn, directeur général du FMI.

« Cette crise suit de près les crises alimentaire et celle des énergies. Le triple péril de la crise alimentaire, de l’énergie et de la finance entraîne les pays pauvres vers une zone dangereuse, imposant une hausse considérable du coût de la vie et mettant en danger les chances de développement et la stabilité », peut-on lire dans le même rapport.

« Une crise humanitaire grave menace la zone d’Europe et d’Asie centrale (ECA) », avertit Shigeo Katsu, vice-président de la Banque mondiale pour les pays de l’ECA (Europe et Asie Centrale). « En l’espace de dix mois de crise, de nombreux pays ont perdu une bonne partie des recettes engrangées au cours de ces dix dernières années. D’ici fin 2010, 35 millions de personnes seront retombées dans le piège de la précarité et de la vulnérabilité. ».

Les données du FMI et de la Banque mondiale montrent que depuis 1999, 90 millions de personnes sur 48millions vivant sur la zone ECA l’ont fui, en espérant pouvoir échapper à la pauvreté. Selon les experts de la Banque mondiale, le nombre de personnes de la zone ECA vivant sous le seuil de pauvreté augmentera de 25 millions d’ici la fin de l’année 2009, avec une augmentation de 10 millions de personnes prévue d’ici la fin de l’année 2010.

Si, en valeur absolue, les pays développés sont les grands perdants de la récession, les pays pauvres et sous-développés encourent, en valeur relative, beaucoup plus de risques que les pays du nord. Moins préparés emoins capables d’absorber les chocs économiques, des pays comme la Bosnie-Herzégovine, le Kosovo et la Macédoine pourraient être confrontés à des bouleversements sociaux de grande envergure. La Bosnie-Herzégovine et le Kosovo – qui dans la région ont les niveaux de pauvreté les plus élevés, respectivement 20% et 50% – sont particulièrement sensibles aux turbulences actuelles.

Si les économies des autres pays de la région sont plus solides, la crise intervient au pire moment pour eux. Tous connaissent des déficits relativement importants et une dette extérieure élevée, tandis que les gens recourrent de plus en plus systématiquement aux crédits à la consommation. Pour ces raisons, selon les institutions financières internationales, les pays de l’ECA ont été touchés par la crise plus tôt et plus durement que les pays développés.

Se basant sur « des hypothèses raisonnables étayées par le niveau des flux de crédits en provenance des pays étrangers à la zone et d’investissements directs étrangers (IDE) », les experts du FMI prédisent que le gouffre financier de la zone ECA pourrait atteindre 300 milliards de dollars.

Depuis le début de l’année 2009, la production industrielle tourne au ralenti, certains pays connaissent un déclin annuel à deux chiffres du nombre de leurs exportations. En Bosnie-Herzégovine, les vétérans de guerre, les invalides et les syndicats, ont menacé de renverser le gouvernement de la Fédération croato-bosniaque, qui selon eux est inefficace pour lutter contre ce problème de taille.
En Albanie, le taux élevé de la croissance, en moyenne 7,1% par an durant ces 11 dernières années, a permis à des milliers d’Albanais de s’extraire de la pauvreté. « Les données de 2008 montrent que 12,4% des Albanais vivent avec moins de 1 dollar par jour, par rapport à 18,5% en 2005 et 25,4% en 2002 », souligne un rapport de la Banque mondiale et du Programme de développement des Nations-Unies (PNUD).

Mais la situation économique pourrait aller de mal en pis. Selon le FMI, la croissance oscillera entre 0% et 1% en 2009. Autre problème, la crise économique a considérablement entravé la capacité de l’Albanie à rembourser sa dette extérieure.

En Macédoine, suite aux élections de mars 2009, le gouvernement a annoncé une coupure budgétaire de 9% dans les dépenses publiques et a déclaré qu’il pourrait contracter un emprunt aux banques commerciales étrangères pour couvrir le déficit actuel. Pour l’heure, un accord avec le FMI n’est pas une option », a déclaré le Premier ministre macédonien Nikola Gruevski, faisant ainsi écho aux réticences de la rue de Skopje de céder aux conditions du FMI.

Pour 2009, le FMI prévoit un recul de 2% de la croissance macédonienne. La perte des points de croissance engendrera très certainement un déficit budgétaire d’environ 5,2%. De son côté, le gouvernement se raccroche aux prévisions les plus optimistes, tablant sur une croissance de 1% et sur un déficit budgétaire de 2,8%. Les divergences de vue entre le gouvernement macédonien et les experts du pays quant à la gravité du problème et à ses possibles solutions créent la confusion. « Le gouvernement n’a qu’une vision parcellaire des effets de la crise sur l’économie », déplore Pance Jovanovski, professeur d’économie à l’Université européenne de Skopje.

Selon lui, les « mesurettes » prises par le gouvernement ne sont que des pis-aller avant les restrictions à venir. Il prévoit au moins deux coupes budgétaires supplémentaires d’ici la fin de l’année.

Les institutions financières ont réitéré les mesures qu’elles avaient préconisées pour juguler la crise dans la région. La recette inclut des coupes dans les dépenses publiques et l’amélioration du rapport coût-efficacité des services sociaux.

Shigeo Katsu, a toutefois mis en garde contre le défaitisme. En se concentrant sur la stabilisation du secteur financier, « les pays peuvent amoindrir l’impact de la crise et s’assurer une meilleure position pour rebondir après-coup. »

 

 

 27 janvier 2009

Débat public sur le thème des opérations de maintien de la paix des Nations unies (23 janvier 2009)
A l’initiative conjointe de la France et du Royaume-Uni, le Conseil de sécurité a tenu le 23 janvier un débat public sur le thème des opérations de maintien de la paix des Nations unies. Précédé d’un séminaire, ce débat a réuni les principaux contributeurs de troupes, la présidence du Conseil de l’Union européenne, les représentants de l’Union africaine et ceux du groupe des non-alignés.
Les opérations de maintien de la paix, qui jouent un rôle irremplaçable, sont de plus en plus nombreuses et complexes et interviennent sur des théâtres de plus en plus difficiles.
Les difficultés rencontrées par la Mission des Nations Unies en République Démocratique du Congo (MONUC) pour accomplir efficacement son mandat lors de la crise des Kivus ont mis en lumière la nécessité d’améliorer l’efficacité et le suivi politico-militaire des opérations par le Secrétariat et par le Conseil de sécurité. Les ressources, tant financières qu’en personnels, sont par ailleurs contraintes. Enfin, les stratégies de sortie des théâtres et de gestion des phases post-conflits méritent d’être améliorées.
Le débat du 23 janvier a démontré la volonté du Conseil de sécurité de mieux s’impliquer sur ces différents sujets. Des progrès concrets sont attendus dans ces domaines d’ici le mois d’août, lorsque le Royaume-Uni assurera la présidence du Conseil de sécurité.
108 000 hommes et femmes engagés dans seize opérations de maintien de la paix apportent au nom de la communauté internationale soutien et sécurité à des populations parmi les plus vulnérables. La France renouvelle son hommage à l’action de ces personnels de l’Organisation des Nations unies qui accomplissent souvent leur mission dans des conditions difficiles ou au péril de leur vie, au service de l’intérêt général.

En ce qui concerne le maintien des troupes dans des opérations extérieures, la France a voté en faveur du mandat des militaires français déployés au Kosovo dans le cadre de la KFOR de l'OTAN (1.850 hommes) et de la mission EULEX de l'Union européenne (55 civils et 146 militaires).

 

Au total, 13.290 militaires français sont déployés dans 33 opérations extérieures, pour un coût de 857 millions d'euros en 2008, selon le ministère de la Défense. Sur ce total, 71% des effectifs déployés le sont dans un cadre multilatéral (4.800 hommes engagés dans des opérations de l'OTAN, 2.100 sous les couleurs de l'ONU, 2.100 de l'Union européenne). Le reste, soit 3.500 hommes, est engagé dans des opérations nationales, essentiellement en Côte d'Ivoire et au Tchad.

 

 

 

2009 : la crise financière va-t-elle balayer les économies des Balkans ?

Traduit par Stéphane Surprenant Publié dans la presse : 6 janvier 2009


Les pays des Balkans commencent à s’inquiéter des répercussions économiques de la crise financière qui touche l’ensemble de la planète. Les experts estiment que 2009 sera une année noire pour la région et n’hésitent pas à comparer la situation à la Grande dépression des années 1930. Des réformes vont devoir être mises en œuvre pour favoriser l’emploi et freiner les risques de faillites. Dans un tel contexte, sortir de la crise nécessitera une meilleure coopération régionale et bien sûr le soutien de l’Union européenne.
Par Srecko Latal
Dans le contexte de crise actuelle, l’Europe du Sud-Est va devoir faire face à un retour de l’instabilité, alors que les gouvernements s’organisent déjà en vue de répondre aux difficultés économiques et sociales qui s’annoncent. Des ministres des Finances aux mineurs et métallurgistes de toute la région, cette année, le cadeau le plus fréquemment demandé au Père Noël aura certainement été une aide qui pourrait les sauver de la débandade.
« En 2009, je souhaite à chacun davantage de bonheur et de santé, de la réussite personnelle et, bien sûr, de conserver son emploi et son niveau de vie actuel », a déclaré au Balkan Insight le gouverneur de la Banque centrale de la Bosnie, Kemal Kozarić. Mais, comme la plupart des experts, il estime, à moins d’un miracle, que les Balkans occidentaux ne seront pas épargnés sur le plan économique en 2009.
Une crise qui s’annonce très dure dans l’Europe du Sud-Est
Si les banques commerciales des Balkans occidentaux ont bien résisté à la première vague de la crise financière internationale, la récession mondiale qui lui fait suite frappe de plein fouet le secteur industriel de la région. Beaucoup d’entreprises ont déjà réduit leur production et commencé à licencier, mais les experts préviennent que les véritables effets du ralentissement de l’économie mondiale sont encore à venir. Les institutions financières internationales, FMI et Banque mondiale en tête, ne s’attendent pas à un retour à la normale avant la fin 2009.
Néanmoins, certains économistes, évoquant la Grande dépression des années 1930 ainsi que la crise économique japonaise des années 1990, redoutent qu’une crise généralisée ne se transforme en une sorte « d’ère glaciaire économique », laquelle pourrait durer des années. Ceux-ci font remarquer que les économies de certains pays ont mis au moins dix ans avant de se remettre de la crise de 1929. De même, quinze ans environ après l’éclatement de sa dernière bulle économique, le Japon n’a toujours pas complètement retrouvé sa puissance d’antan.
Bien entendu, personne ne s’attend raisonnablement à des miracles : tous les yeux sont donc tournés vers les gouvernements. Avec l’espoir que, grâce à un usage rapide et habile de leurs instruments fiscaux, monétaires, sociaux et autres, ils pourront aider les populations à atténuer les calamités éventuelles qui les attendent. Il ne fait aucun doute que tout le monde ressent, ou va ressentir, les effets de la crise. Mais les spécialistes s’inquiètent plus particulièrement pour les personnes vulnérables, chômeurs, familles monoparentales, personnes âgées et tous ceux qui dépendent plus ou moins de l’aide de l’État.
Si ces gens ne bénéficient pas d’une assistance suffisamment importance, c’est leur survie même qui sera en péril. Une baisse généralisée du niveau de vie pourrait, par ricochet, atteindre l’ensemble de la société, pouvant mener à des émeutes. Dans ce contexte, la coopération régionale et l’assistance mutuelle joueront un rôle crucial. Certes, la situation dans les Balkans occidentaux reste tendue en raison des récents conflits. Le risque est de voir ces pays se marcher sur les pieds au lieu de coopérer, ce qui entraînerait de nouvelles frictions et d’autres tensions régionales.
Par le passé, la présence diplomatique, financière et militaire des États-Unis et de l’Union européenne a contribué à atténuer ces tensions, mais au moment où la crise mondiale s’aggrave, cela pourrait très bien ne plus être le cas. « Le monde se préoccupera de ses propres problèmes, de sa propre crise, de sa propre récession, de ses propres licenciements et de ses propres luttes de pouvoir », estime Sead Numanović, éditorialiste en chef de l’influent quotidien de Sarajevo Dnevni Avaz. « Il n’y aura ni la volonté ni les capacités de résoudre les problèmes des Balkans. »
Les mécanismes de formation d’une « ère glaciaire économique »
La crise mondiale a commencé par la déroute des crédits hypothécaires à risque, les « subprimes », et des marchés des valeurs mobilières aux États-Unis, en 2007. Cela a causé la contraction du crédit et la baisse brutale du nombre de prêts commerciaux accordés, ce qui a fortement freiné les investissements. L’onde de choc financière a depuis lors balayé le secteur bancaire, le marché des valeurs mobilières, ainsi que celui de l’immobilier, pulvérisant au passage quelques unes des plus grandes institutions financières américaines et européennes, tandis que les places boursières, hors de contrôle, étaient en chute libre.
La crise a été accentuée par une hausse rapide des prix des matières premières et du carburant sur les marchés internationaux dès la fin de l’année 2007. Selon certaines estimations de la Banque mondiale, de 130 à 155 millions de personnes se sont retrouvées dans une précarité extrême. Bien qu’aujourd’hui le prix de plusieurs marchandises - en particulier celui du pétrole - ait largement baissé, le mal est fait. Puis, en raison des profondes et complexes interconnexions entre les différents marchés et secteurs de l’économie, désormais mondialisée, la crise financière a commencé à atteindre l’économie réelle durant la seconde moitié de l’année 2008. Ainsi, le cours des métaux a été divisé par deux à la suite d’une chute de la demande. Les taux de crédit ont été relevés et il est de plus en plus difficile d’en obtenir.
Dans les pays occidentaux, l’industrie automobile et le secteur du BTP, qui soutenaient la croissance ces dernières années, ont vu leur activité se ralentir tellement que ces deux secteurs sont aujourd’hui pratiquement au point mort. D’une crise économique, on est aujourd’hui passée à une crise de l’emploi. « Il est très probable que la crise financière actuelle sera la plus sérieuse récession depuis celle des années 1930 », a déclaré Justin Lin, économiste en chef de la Banque mondiale. Surprises par la rapidité de la dégradation de la situation économique mondiale, les institutions financières internationales ont dû modifier leurs projections initiales pour 2009. Selon le FMI, la croissance mondiale est passée de 5 % en 2007 à 3,75 % en 2008. Les experts estiment qu’elle devrait être comprise entre 0,9% et 2% en 2009.
L’onde de choc atteint des Balkans déjà fragilisés
La plupart des pays occidentaux s’attendent désormais à une croissance négative en 2009, mais ces États restent mieux armés que le reste du monde pour protéger leur économie et leur population des effets les plus graves de la récession. À l’inverse, les économies émergentes - dont font partie les pays du Sud-Est de l’Europe - devraient enregistrer des croissances plus fortes, mais leurs économies seront plus vulnérables et on s’attend à une hausse du chômage ainsi qu’à d’éventuels troubles sociaux. Comme on l’a remarqué, le secteur bancaire, dominé par des banques qui comptent parmi les plus puissantes du continent européen, telles ERSTE, Unicredit ou Raiffeisen, est sorti pratiquement indemne des premières secousses de la crise.
De son côté, l’économie réelle cherche à surmonter dès à présent les effets du ralentissement des industries automobile et métallurgique. Si l’on s’attend à ce que la récession atteigne son paroxysme dans les mois qui viennent, les économies des Balkans se trouvent déjà dans une situation délicate. La plupart des pays de la région connaissent des problèmes similaires : d’importants fonds alloués à des services publics peu efficaces, une dette publique conséquente et une balance commerciale largement déficitaire. Aujourd’hui encore, les économies balkaniques restent basées sur les industries lourdes et leurs exportations sont, pour une grande part, liées au secteur automobile européen, actuellement en grande difficulté.
Dans le contexte de récession mondiale, le montant total des contrats en 2009 pourrait connaître une baisse comprise entre 30% et 50%, en fonction de l’évolution des cours des métaux et des prix des pièces détachées, a estimé Fikret Causevic, un économiste bosnien renommé. De son côté, Mladjan Dinkic, vice-Premier ministre et ministre de l’Économie, a déclaré qu’à l’avenir, le principal problème ne sera pas tant de produire mais de vendre, étant donné que la demande aura considérablement diminué. Toutefois, Vladimir Gligorov, de l’Institut des études économiques internationales de Vienne, pointe un autre défaut des économies balkaniques : le manque de diversification de la production. « Sans une production diversifiée, vous n’avez rien à offrir au marché », a-t-il expliqué à la revue Novac. De plus, la plupart des pays des Balkans sont inter-dépendants sur le plan commercial. Dès lors, des problèmes économiques pourraient vite se répandre d’un pays aux autres.
En Macédoine, où le taux de chômage atteint déjà 36%, 2.500 mineurs pourraient bientôt perdre leur emploi, car plusieurs mines de cuivre, de zinc et de plomb songent à réduire leur production voire à l’interrompre temporairement. Ces entreprises invoquent la faible demande actuelle pour ces métaux, utilisés notamment dans l’industrie automobile. « Plusieurs plans sociaux ont été annoncés et de nouvelles réductions d’effectifs sont déjà prévues dans de nombreuses entreprises », constate Milan Manevski, un délégué syndical. Cette situation est particulièrement préoccupante pour la Macédoine car le cuivre, le zinc et le plomb représentent près de la moitié de ses exportations. Si la tendance actuelle se confirme en 2009, le déficit de la balance commerciale macédonienne - qui atteint déjà le montant inquiétant de 1,9 milliards d’euros - va encore se creuser, au risque de remettre en cause la stabilité macro-économique du pays. Un tel scénario pourrait mener à la dévaluation du denar, la devise macédonienne. En conséquence, la tension sociale est susceptible d’exacerber les contentieux ethniques et politiques latents dans le pays.
C’est le même constat en Bosnie et au Kosovo. Ces deux États dépendent largement des transferts de fonds de leurs ressortissants qui vivent et travaillent à l’étranger. Alors que bon nombre de ces travailleurs expatriés risquent de perdre leur gagne-pain en raison du ralentissement économique mondial, ils pourraient bientôt cesser d’être de généreux bienfaiteurs et revenir au pays grossir les rangs des bénéficiaires des services sociaux locaux, pauvres et débordés. Pour noircir encore le tableau, de nombreux kosovars ont investi dans les fonds de pensions occidentaux, précisément ceux qui ont été durement frappés par l’effondrement des bourses dans le monde entier. On estime qu’ils ont déjà perdu quelque 120 millions d’euros dans ces placements, a indiqué au Balkan Insight Hasan Abazi, vice-président des syndicats indépendants du Kosovo.
Shpend Ahmeti, économiste de l’Institut pour les Études avancées (GAP), admet que les problèmes en 2009 ne se cantonneront pas au seul secteur économique. « La situation politique, les infrastructures, l’État de droit, la lutte contre la corruption et le crime organisé continueront de représenter de grands défis pour le Kosovo », a –t-il déclaré au Balkan Insight. Comme au Kosovo, l’impasse politique dans laquelle se trouve la Bosnie-Herzégovine a bloqué plusieurs privatisations décisives et le bon déroulement de divers projets, ce qui a eu pour conséquence de ralentir la croissance en 2007 et 2008. En outre, plusieurs mines et grandes entreprises, telles la mine de Sase à Srebrenica, la fonderie d’aluminium de Mostar ou la holding ASA Prevent de Sarajevo, ont annoncé une baisse de leur production ou des coupes dans leurs effectifs, quand ce n’était pas les deux à la fois.
En Croatie, le principal problème du moment est la position intenable de cinq chantiers navals croates, lourdement endettés, qui met en péril environ 11.000 emplois. Le président des Syndicats croates indépendants, Krešimir Sever, prévoit que l’année 2009 « sera une année de misère », avec la suppression de 30.000 à 50.000 emplois dans le pays. Comme l’a expliqué le gouverneur Željko Rohatinski, la Banque nationale croate (HND) a revu à la baisse ses perspectives de croissance pour 2009 de 2,5% à 1%, du fait de l’aggravation de la situation économique. « La Croatie est en récession », a indiqué Ljubo Jurčić, un expert en économie, au Balkan Insight. Il prévient qu’une faible croissance en 2009 pourrait rendre très difficile le service de la dette dont le montant s’élève à 36 milliards d’euros.
« Le premier effet de cette crise sera une diminution du financement des crédits accordés par les banques, que ce soit pour les citoyens et les entreprises. Ensuite, le BTP se contractera, de même que certaines industries d’exportation, par exemple les pièces détachées destinées à l’automobile. D’ici le milieu de l’année, le tourisme - secteur vital en Croatie - souffrira lui aussi, tout simplement parce que les visiteurs se feront plus rares. Enfin, à la fin de l’année 2009, tous les secteurs de l’économie croate sentiront les répercussions de la crise », prévoit Ljubo Jurčić.
En Serbie, l’industrie lourde se trouve déjà écrasée par une une main d’oeuvre trop nombreuse et une faible productivité. Par conséquent, les spécialistes prévoient que la croissance économique du pays en 2009 ne sera que de 3,5%, soit la moitié de ce qu’elle a été en 2008.
Pour plusieurs économistes, de tous les pays de la région, c’est l’Albanie qui pourrait s’en sortir le mieux, car ses secteurs industriel et financier sont encore peu développés tandis que l’agriculture, principal secteur d’activité du pays, sera peu touchée par la crise.
Le Monténégro, qui connaît un boom immobilier depuis deux ans et figure en bonne position pour devenir candidat à l’adhésion à l’Union européenne, pourrait lui aussi être relativement épargné par la crise. Sa petite taille, à peine 600.000 habitants, serait un avantage en de pareilles circonstances. Néanmoins, la bulle de l’immobilier monténégrin a récemment éclaté et les prix sont retombés, tandis que le bilan touristique risque d’être mauvais en 2009, étant donnée la conjoncture mondiale défavorable. Cela pourrait compliquer la tâche du gouvernement monténégrin, qui a axé le développement du pays sur ces deux secteurs.
Des appels à une action conjointe dans tous les Balkans
Inquiets face à la crise qui approche, les banques centrales des États des Balkans occidentaux ont tenu un sommet en Bulgarie fin octobre 2008, afin de d’envisager les mesures à prendre. Elles se sont entendues pour améliorer la coopération régionale et permettre une supervision supranationale. Chaque banque centrale aura ainsi de meilleures informations sur la situation économique dans les pays voisins, ce qui servira de système d’alerte rapide en cas de perturbation économique dans l’un des États concernés. Au cours des derniers mois, les banques centrales des Balkans ont toutes puisé dans leurs réserves obligataires pour que les banques commerciales redressent le niveau de leurs liquidités et libèrent des ressources destinées au crédit. Elles se sont également porté garantes des dépôts dans le but de prévenir tout mouvement de panique qui pourrait conduire à un retrait massif des épargnes.
Si ces manœuvres ont protégé la plupart des banques de la région de certains aspects de la crise, les établissements financiers n’ont que peu d’armes contre la récession qui s’annonce pour 2009. La balle est maintenant dans le camp des gouvernements qui devront aller de l’avant et se servir des leviers à leur disposition pour protéger leurs économies et leurs populations. Les grandes puissances internationales et les institutions financières discutent d’ailleurs en ce moment de la façon dont mettre en place des politiques à l’échelle mondiale pour favoriser la reprise et empêcher qu’une crise économique du même type ne se reproduise.
Beaucoup d’économistes des Balkans et d’ailleurs sont d’accord pour expliquer que les gouvernements devraient réduire les dépenses publiques et imposer la rigueur dans leurs budgets. Les pays de la région doivent devenir plus compétitifs afin d’attirer les investissements étrangers, qui fondent à vue d’œil. L’agriculture locale a besoin d’un meilleur soutien et les privatisations devront s’accélérer. Les gouvernements ont besoin de lancer de grands projets d’infrastructures et d’autres projets de développement, ce qui devrait permettre de limiter la hausse du chômage, ces projets nécessitant en effet la création de nombreux emplois. Il faudra enfin améliorer le financement des systèmes de services sociaux.
« L’année 2009 sera difficile, mais à quel point, cela dépendra de divers facteurs externes, ainsi que des réactions des gouvernements », pense Kemal Kozarić, gouverneur de la Banque centrale de Bosnie. Les gouvernements devront agir rapidement pour mettre en œuvre les stratégies fondamentales mentionnées précédemment, sans compter qu’ils devront en élaborer de nouvelles, en jouant sur les avantages de leur pays. La Bosnie et le Kosovo, par exemple, disposent d’un fort potentiel en termes de production électrique. Cependant, certains gouvernements de la région semblent plus enclins et capables de gérer la situation que d’autres.
Le Président serbe, Boris Tadić, a déclaré que son gouvernement, les employeurs et les syndicats devraient, dès que possible, s’entendre pour réduire les coûts de main d’œuvre, dans le but de sauver quelques employés et entreprises du dépôt de bilan. « Nous comptons tenir des réunions chaque semaine avec les milieux d’affaires afin de prendre les meilleures décisions possibles », a assuré Boris Tadić lors de son entrevue du Nouvel An, diffusée sur la télévision d’État, la RTS. Le gouvernement de Belgrade est en train d’imposer l’austérité à ses services en annulant les fêtes traditionnelles des fonctionnaires et autres événements à caractère social. Il s’agit d’épargner les dizaines de milliers d’euros dépensées chaque année dans ces frivolités. Ces mesures, ainsi que certaines autres initiatives du gouvernement, ont suscité des réactions mitigées parmi les économistes locaux et autres experts. Alors que certains accueillent favorablement ces mesures destinées à relancer les affaires, d’autres estiment que « c’est trop peu, trop tard ».
Le gouvernement croate et le Parlement ont également pris des mesures symboliques d’austérité, comme l’annulation du stationnement gratuit pour les députés et les ministres. À l’avenir, ceux-ci devront payer leur place de stationnement dans Zagreb. De leurs côtés, les gouvernements de Bosnie et du Kosovo sont accusés de faire trop peu pour lutter efficacement contre les effets de la récession. Ainsi, Vjekoslav Bevanda, ministre des Finances de la Fédération croato-musulmane - l’une des deux entités de Bosnie - a récemment reconnu que son gouvernement ne dispose « d’aucun mécanisme efficace » pour limiter les conséquences de la récession.
En Macédoine, l’opposition critique fortement le gouvernement pour sa décision de s’en tenir à une politique budgétaire qui a pourtant échoué à réduire le déficit de la balance commerciale. « Comme partout, nous nous inquiétons, nous sommes en état d’alerte », affirme pourtant Trajko Slaveski, le ministre des Finances macédonien. Il rappelle que le budget de la Macédoine en 2009 prévoit un montant record de 500 millions d’euros destiné à des projets d’infrastructures dans les transports et l’énergie. Il soutient que ces projets impliqueront des entreprises qui autrement se seraient retrouvées sans client, compte tenu de la baisse de la demande à l’échelle mondiale.
Tant que ces différents trains de mesures ne sont pas suivis d’effet, les experts craignent que la précarité ne provoque une certaine instabilité sociale dans plusieurs pays, ce qui risquerait de raviver les tensions ethniques.
Malgré toutes les menaces qui planent sur l’année 2009, quelques voix se démarquent de toutes ces annonces pessimistes. Ces spécialistes pensent que la situation actuelle pourrait, à l’avenir, se transformer en opportunité pour les pays des Balkans. La crise va obliger les gouvernements à être plus efficaces tandis que les économies de ces pays en transition pourraient sortir renforcées de cette période chaotique.
Les Balkans lorgnent du côté de la communauté internationale - c’est à dire de l’Union européenne - en souhaitant ardemment qu’elle ne reste pas les bras croisés. « Dans la situation actuelle, le Père Noël ne pourra venir que de l’UE, pas du Pôle nord », résume Fikret Causevic, célèbre économiste bosnien.

 

 

29 Novembre 2008

Martti Oiva Kalevi Ahtisaari est le Prix Nobel de la paix - 2008

 

Né le 23 juin 1937 à Viipuri (aujourd'hui Vyborg en Russie), Martti Oiva Kalevi Ahtisaari a brièvement enseigné avant de passer à la diplomatie en 1965. Ambassadeur en Tanzanie de 1973 à 1976, il est nommé Commissaire des Nations unies pour la Namibie en 1977 puis représentant spécial du secrétaire général pour ce pays qu'il accompagnera à l'indépendance en 1990, à la tête d'une mission onusienne.



Au début des années 1980, il réintègre la diplomatie finlandaise, jusqu'à sa nomination en 1987 au poste de secrétaire général adjoint de l'ONU chargé de la gestion et de l'administration, fonction qu'il occupera jusqu'en 1991. Les années 1990 marquent son retour en Europe et le début de quinze ans d'un inlassable activisme en faveur de la paix dans les Balkans. De septembre 1992 à avril 1993, il préside le groupe de travail en Bosnie-Herzégovine de la Conférence internationale sur l'ex-Yougoslavie.

En juillet 1993, il devient conseiller spécial pour la Conférence internationale sur l'ex-Yougoslavie avant d'être désigné représentant spécial de l'ONU en ex-Yougoslavie. Elu à la présidence de son pays en 1994 pour six ans, il reste très actif sur la scène internationale. En 1999, il parvient, avec l'ancien Premier ministre russe Viktor Tchernomyrdine, à convaincre le président yougoslave Slobodan Milosevic de mettre fin à ses opérations militaires au Kosovo contre la guérilla séparatiste albanaise en échange d'un arrêt des bombardements de l'Otan.

A l'issue de sa présidence, il crée et préside la Crisis Management Initiative (CMI), fondation d'analyse, de conseil et de médiation spécialisée dans la résolution des conflits. En janvier 2005, il est chargé des pourparlers entre le gouvernement indonésien et les séparatistes du Mouvement Aceh Libre (GAM), en guerre depuis 1976. Six mois plus tard, les ennemis de trente ans signent la paix.

En 2006, il supervise pour l'ONU les pourparlers entre Serbes et Kosovars sur le statut final du Kosovo. Constatant qu'un consensus est hors d'atteinte, il remet son rapport final en mars 2007 au Conseil de sécurité et recommande l'indépendance sous supervision internationale de la province serbe à majorité albanaise. Le Kosovo déclarera son indépendance un an plus tard. M. Ahtisaari est marié et a un fils.


19 novembre 2008

Plaintes croisées pour génocide

par Piotr Moszynski

Les plaies de la guerre serbo-croate (1991-1995) cicatrisent mal. Avec leurs plaintes croisées pour génocide, adressées à la Cour internationale de justice, les deux pays cherchent à établir la vérité sur cette période très sombre. Non sans arrière-pensées politiques…

Les procédures devant la Cour internationale de justice sont très longues. Tellement longues que l’on est tenté de s’interroger si le temps passé à attendre le verdict ne devrait pas suffire aux parties en conflit à oublier, pardonner, ou au moins apaiser les tensions qu’ils éprouvent. Eh bien, non. Visiblement, ce n’est pas le cas.

On l’a vu déjà avec la première plainte pour génocide, déposée contre la Serbie par la Bosnie-Herzégovine. Elle a été introduite en 1993. Comme pour celle de la Croatie, elle a été jugée recevable par la CIJ. Mais il a fallu attendre le verdict jusqu’en février 2007. Quatorze ans. Pas encore toute une génération, mais presque. Et le jugement a probablement satisfait plus les accusés que les accusateurs. Certes, la Cour de La Haye a reconnu le massacre de Srebrenica comme génocide, mais elle n’en a pas attribué la responsabilité directement à la Serbie. Et sur le plan général, les juges ont rejeté l’accusation selon laquelle Belgrade aurait orchestré le génocide en Bosnie.

20 000 morts

La Croatie, elle, a saisi la CIJ en 1999, reprochant à la Serbie-Monténégro, considérée comme successeur juridique direct de la République fédérale de Yougoslavie, d’avoir violé la convention de 1948 pour la prévention et la répression du génocide durant la guerre de Croatie. Celle-ci fit 20.000 morts. Zagreb a déjà dû attendre neuf ans pour apprendre que la Cour jugeait sa plainte recevable. Son représentant à La Haye, Ivan Simonovic, s’est réjoui de cette décision, mais il a tout de suite ajouté qu’il s’attendait à l’ouverture des procédures d’ici trois ans.

Par ailleurs, l’arrêt de la CIJ ne préjuge encore en rien de son verdict sur le fond. Notamment, la Cour ne s’est pas encore prononcée sur le fait de savoir si les faits reprochés aux forces yougoslaves et serbes constituaient bien un génocide ou pas. On sait seulement qu’elle n’exclut pas une telle hypothèse et qu’elle va l’instruire. La Serbie essayait de faire qualifier la plainte croate d’irrecevable en arguant que la Convention de 1948 ne s’appliquait pas car il n’y avait pas eu de génocide durant la guerre de 1991-1995. Cette tentative a échoué, tout comme celle d’arguer que la Serbie ne pouvait endosser les responsabilités légales de l’ancienne RFY qui avait réagi à la déclaration de l’indépendance de la Croatie en 1991 en partant en guerre contre celle-ci aux côtés des sécessionnistes serbes de Croatie. Sur cette question, Belgrade est tombé dans son propre piège : la CIJ a rappelé que l’actuelle Serbie avait elle-même entamé des procédures à La Haye contre dix Etats qui avaient bombardé la RFY en 1999. Et pour ce faire, elle s’est présentée comme l’entité étatique qui assurait la continuité juridique de l’ancienne Yougoslavie…

Vukovar et les autres

La décision de la CIJ sur la recevabilité de la plainte croate est arrivée à point nommé pour les autorités de Zagreb. Pour des milliers de Croates, c’était le jour de la commémoration de la chute de Vukovar en 1991. Lors du siège de la ville par les forces serbo-yougoslaves, mais aussi après, 1 600 personnes, dont 1 100 civils, ont trouvé la mort. La moitié de la population de la ville – 22 000 Croates et autres non-Serbes – avaient alors été expulsés de Vukovar. Quelque 350 personnes sont toujours portées disparues.

Evidemment, il y a eu également des victimes du côté des attaquants. Environ 1 700 militaires et civils serbes ont péri dans la région pendant la guerre. Vukovar est donc aussi un lieu de mémoire serbe. Parallèlement aux cérémonies croates, une centaine de personnes se sont rassemblées au cimetière militaire serbe de la ville pour commémorer leurs compatriotes tombés au combat.

Au-delà du siège de Vukovar, la Croatie accuse la Serbie de procéder, lors de la guerre de 1991-1995, à un « nettoyage ethnique ». Selon la plainte de Zagreb, il s’agit d’« une forme de génocide qui s’est traduite par le déplacement, le meurtre, la torture ou la détention illégale d’un grand nombre de Croates, ainsi que la destruction massive de biens ».

Se défendre en attaquant

Les autorités serbes s’en sont visiblement remises à un ancien principe selon lequel le meilleur moyen de défense est l’attaque. Ainsi, le jour même de l’annonce de la recevabilité de la plainte croate, elles ont elles-mêmes déclaré qu’elles allaient porter plainte contre la Croatie pour crimes de guerre et nettoyage ethnique. Les accusations serbes concernent en particulier une opération appelée « Oluja », ce qui veut dire « Tempête ». Elle a été lancée vers la fin de la guerre par les forces croates dans le but de reprendre la région croate de la Krajina, tenue depuis 1991 par les séparatistes serbes. Des centaines de Serbes ont perdu la vie dans cette offensive. Près de 200 000 Serbes de Krajina ont alors fui la Croatie. Environ 130 000 ont pu y retourner depuis, mais cela ne suffit manifestement pas pour effacer les douloureux souvenirs.

Les plaintes croisées devant la CIJ marquent une nette détérioration des relations entre la Croatie et la Serbie, issues toutes les deux de l’ex-Yougoslavie et affichant toutes les deux une ambition d’adhérer à l’Union européenne. Si seulement ce pénible chemin au travers des procédures sans fin pouvait mener à une claire conclusion que toute guerre est stupide et dépourvue de sens, cela aurait au moins servi à quelque chose. Peut-on espérer une telle conclusion ? Rien n’est moins sûr…

 

 

Ossétie du Sud / Kosovo : effets domino et conséquences imprévisibles 

Par Jelena Tasic - Traduit par Jasna Andjelic Publié dans la presse : 11 août 2008

La Russie avait mis en garde contre les « effets domino » de l’indépendance du Kosovo, notamment dans le Caucase. Les tragiques événements d’Ossétie du Sud et de Géorgie sont suivis avec la plus grande attention en Serbie et dans tous les Balkans. Auront-ils des conséquences sur l’Assemblée générale des Nations Unies de septembre, qui doit examiner la résolution serbe demandant que la Cour internationale de justice (CIJ) de La Haye soit saisie sur la proclamation d’indépendance du Kosovo ?

Une nouvelle « guerre humanitaire » ? Vladimir Poutine visite des blessés à Vladikavkaz Pour les analystes et les responsables politiques serbes, le conflit entre la Géorgie et la Russie au sujet de l’Ossétie du Sud est directement lié à la proclamation unilatérale d’indépendance du Kosovo, même si la communauté internationale préfère rester muette sur ce sujet.

Par contre, les analyses divergent sur l’influence qu’auront les nouveaux conflits du Caucase sur le vote de la résolution que Belgrade entend déposer en septembre devant l’Assemblée générale des Nations Unies. Cette résolution demande la saisine de la Cour internationale de justice de La Haye sur la proclamation unilatérale d’indépendance du Kosovo.

Oliver Ivanovic, secrétaire d’Etat du ministère pour le Kosovo dans le gouvernement serbe, estime que le conflit en Ossétie du Sud « est directement lié à la proclamation unilatérale du Kosovo », et que cela devrait inquiéter « tous les Etats qui soutiennent le séparatisme des Albanais du Kosovo, surtout l’Union européenne, car les mouvements indépendantistes existent partout en Europe ».

Oliver Ivanovic rappelle qu’il a participé à une conférence organisée en Géorgie il y a six mois, qui a clairement démontré que le problème de l’Ossétie du Sud finirait par se transformer en conflit armé. D’après lui, « on ressentait déjà à l’époque une forte volonté des Géorgiens de résoudre le problème le plus tôt possible, tandis que les représentants de l’Ossétie du Sud, et plus encore ceux de l’Abkhazie, déclaraient qu’ils pouvaient faire comme les Kosovars, voire mieux ».

Oliver Ivanovic considère que le conflit en Ossétie du Sud n’aura pas d’influence directe sur la position de l’Assemblée générale de l’ONU, qui doit examiner la demande serbe d’un avis de la Cour internationale de justice (CIJ) sur l’indépendance unilatérale du Kosovo. Il croit cependant que ce conflit aura un grand impact « sur les Etats qui n’ont toujours pas pris de position au sujet de la démarche unilatérale de Priština ».

Oliver Ivanovic espère que le conflit en Ossétie du Sud montrera à la communauté internationale que « soutenir un mouvement séparatiste revient à encourager tous les séparatismes ». À son avis, ce sera la preuve que les arguments des USA et de la plupart des pays européens soutenant l’indépendance unilatérale du Kosovo n’étaient qu’un prétexte.

« Le cas de l’Ossétie du Sud et celui du Kosovo n’ont que deux points communs : ils relèvent tous les deux de la décomposition d’un ancien Etat sur des bases ethniques, et ils sont tous les deux marqués par les intérêts contradictoires de l’OTAN et de la Russie. L’OTAN défend actuellement l’intégrité territoriale de la Géorgie, à l’inverse de la position qu’elle défendait en Serbie et au Kosovo, tandis que la Russie profite de l’exemple du Kosovo et de la crise actuelle pour renforcer l’indépendance de l’Ossétie du Sud et de l’Abkhasie, qui ne seront pourtant pas internationalement reconnues dans l’immédiat. La Russie applique actuellement la méthode utilisée par l’OTAN au Kosovo », estime Dušan Janjic, coordinateur du Forum pour les relations ethniques.

Il estime qu’en ce moment, « tout le monde fait comme si le conflit en Ossétie du Sud n’avait rien à voir avec le Kosovo, mais il est clair qu’il s’agit en fait de la même chose. Le blocage du Conseil de sécurité au sujet de la guerre en Géorgie le confirme ». D’après l’analyse de Dušan Janjic, « la solution finale apportée au statut du Kosovo sera décisive, parce que la Russie en profitera pour résoudre ses problèmes avec la Géorgie et l’Ukraine ».

Dušan Janjic pense que le conflit en Ossétie du Sud pourrait entraîner « une diminution du nombre de pays membres de l’ONU qui voteront l’initiative serbe de demander l’opinion du Tribunal international de justice ». Dušan Janjic pense que les USA et la Russie augmenteront la pression sur les Etats qui n’ont pas reconnu l’indépendance du Kosovo, mais que les pressions de Washington seront plus puissantes que celle de Moscou.

Dušan Lazic, un autre membre du Forum, a déclaré à l’agence Beta que la guerre en Ossétie du Sud aurait des conséquences négatives au niveau international et qu’elle influencerait le vote de l’Assemblée générale de l’ONU au sujet du Kosovo. Il estime inquiétante « l’incapacité du Conseil de sécurité à trouver une solution qui mène à l’arrêt du conflit, nécessaire pour trouver une solution politique durable ».

Dušan Lazic rappelle que les autorités d’Ossétie du Sud ont demandé la reconnaissance de leur indépendance au moment de la proclamation d’indépendance du Kosovo par les Albanais. L’exemple du Kosovo les a incités à insister plus fortement sur leurs droits à créer un Etat. Dusan Lazic affirme que les événements en Ossétie du Sud et au Kosovo ne sont pas identiques, mais qu’il faut s’attendre à ce que le conflit dans le Caucase influence la prise de décision de l’Assemblée générale de l’ONU au sujet de la demande serbe de saisine de la Cour internationale de justice, mais qu’il est difficile d’en prévoir le résultat ».

La Serbie a besoin du soutien de la majorité simple des 192 membres de l’Assemblée générale de l’ONU. Jusqu’à présent, l’indépendance unilatérale du Kosovo a été reconnue par 45 États.

 

 

 

Régionalisme, tolérance et multiculturalisme : l’expérience de l’Istrie croate

Traduit par Mandi Gueguen Publié dans la presse : 1er juillet 2008

L’Istrie serait-elle un modèle ? Dans cette province croate, dirigée depuis 18 ans par un puissant parti régionaliste, Serbes, Croates, Italiens ou Slovènes ont toujours cohabité en paix. L’affirmation d’une identité régionale, parallèlement au respect des identités nationales de chacun, a empêché le développement des nationalismes exclusifs. L’Istrie est aussi engagée dans beaucoup de projets européens et régionaux. Entretien avec Ivan Jakovcic, Président de la province.

Propos recueillis par Francesca Vanoni

BalcaniCooperazione (BC) : Quelle est l’origine du régionalisme istrien ?

Ivan Jakovcic (IJ) : C’est très simple. Dans les années 1980, ce courant politique a lancé un nouveau mode de vie en Istrie : on se fondait sur ce que l’on peut définir « une tolérance totale » interethnique. Nous savons ce que nous avons vécu en Istrie dans les précédentes décennies, du temps du fascisme et du communisme… Les nouvelles générations ont affirmé leur ras-le-bol de ces expériences. Grâce à cette idée de tolérance, aujourd’hui, ce ne sont pas seulement les Italiens et les Croates qui cohabitent en Istrie, chacun parlant sa propre langue, mais y vivent aussi ceux qui sont venus d’autres contrées de l’ex-Yougoslavie, en harmonie avec les communautés autochtones.

BC : Qu’est-ce qui caractérise l’expérience istrienne ? Comment ce modèle culturel a-t-il pu s’affirmer et prendre racine ?

IJ : Je ne suis pas un sociologue, je suis seulement un homme politique, mon expérience vaut ce qu’elle vaut, mais mon avis est qu’aujourd’hui, les drames que l’Istrie a vécu dans le passé ont été gravés dans la mémoire de notre peuple. C’est probablement cela qui a empêché, chez nous, l’affirmation du nationalisme croate. Il s’est seulement développé dans les années 1990, quand la Croatie est devenue un État-nation. D’autre part, nous n’avons pas laissé de place au chauvinisme serbe, qui était présent dans certaines zones de la Croatie et dans d’autres Républiques de l’ex-Yougoslavie. Ce nationalisme ne s’est pas développé en Istrie. Nous ne l’avons pas interdit, mais il n’a pris racine chez les Serbes qui vivent en Istrie, tout comme le nationalisme n’a pas pris chez les musulmans de Bosnie qui vivent aussi ici. En réalité, nous savons tous qu’il existe des revendications contradictoires : la droite italienne affirme que l’Istrie est une terre italienne, tandis qu’en Croatie, la droite affirmera toujours qu’elle est une terre sacrée croate. Ainsi, finalement, grâce à notre parti régionaliste, la Diète démocratique d’Istrie (IDS/DDI) s’est élaborée une politique intelligente qui a défini l’Istrie comme une région européenne qui veut être la plus autonome possible et regarder avant tout son propre bien-être.

BC : Comment avez-vous pu évaluer la nécessité d’intégrer les différentes communautés avec le risque de voir l’identité nationale dépassée ou écrasée par une identité istrienne ?

Ivan Jakovcic IJ : L’identité régionale istrienne inclut et respecte l’identité nationale de chacun. Je tiens à éclaircir cet aspect de l’identité nationale : je me sens Croate, je parle la langue croate et je suis de culture croate. Cependant, ma mère est autrichienne et parle donc allemand… Mon père est né ici en Istrie, et fréquentait les écoles italiennes – car c’était l’Italie ici lorsqu’il était enfant – mais il parlait la langue croate. Il a fréquenté les écoles italiennes, mais se sentait Croate. L’identité istrienne d’aujourd’hui inclut la valeur nationale que vit tout un chacun. Les gens parlent la langue qu’ils pensent être la leur, et je suis sûr que c’est grâce à cette logique qui n’est pas exclusive, que le danger d’assimilation ou d’exclusivité istrienne est écarté. Il existe une forte identité régionale de l’Istrie et il est important de comprendre que l’identité istrienne existe bel et bien aujourd’hui. Les personnes se sentent Istriennes, et veulent être reconnues comme telles, sans que cela exclut le sentiment d’identité nationale, croate, italienne, ou autre. Certains disent qu’il est difficile qu’un Serbe ou un Bosniaque devienne Istrien. Je dis que quiconque accepte les valeurs qu’incarne l’Istrie, les valeurs de notre tradition, comme les valeurs modernes que nous développons, est Istrien.

BC : Quelles sont ces valeurs ?

IJ :Je place au tout premier rang le multiculturalisme, la multiethnicité qu’exprime l’Istrie. Je l’ai dit plusieurs fois : la diversité est notre richesse et la tolérance est notre force, entendue comme une valeur culturelle, politique et humaine. Je suis convaincu que c’est seulement en suivant ce modèle, ce concept, que l’Istrie pourra vivre l’avenir de l’Europe et celui de notre planète. Sans cela, l’identité istrienne n’existerait pas. D’autre part, l’Istrie est pour moi un laboratoire des cultures, des nations, des religions qui donne des résultats très concrets.

BC : L’Istrie est aussi une région historique, divisée aujourd’hui entre deux Etats. Jusqu’en 1991, la frontière qui la traverse était une frontière interne à l’espace yougoslave, aujourd’hui elle est non seulement internationale, mais elle est aussi une frontière extérieure de l’espace Schengen. Cette division influence-t-elle la promotion du multiculturalisme et la tolérance ?

IJ : Si vous trouvez des photographies ou des vidéos de 1991, vous y verrez une inscription : « Dieu, ils ne comprennent pas ce qu’ils font », qui se référait aux effets de la création de nouvelles frontières. De fait, la frontière croato-slovène divise l’Istrie et, de plus, une petite partie de l’Istrie est en Italie ; nous considérons aussi Muggia et Dolina comme faisant partie de l’Istrie. C’est vrai : aujourd’hui, la véritable identité istrienne se vit seulement dans la partie croate de l’Istrie. Il y a aussi des sentiments très forts en Slovénie, mais cela ne s’exprime pas à travers un vote politique, car le parti régionaliste istrien, qui existe là-bas aussi, est très peu influent. Chez nous, ce courant politique est beaucoup plus enraciné, nous avons réussi à le préserver tout au long des 18 dernières années, cela signifie que c’est une réalité. Quant aux frontières, oui, nous vivons aujourd’hui une situation particulière, mais en 2010 ou 2011, la Croatie entrera probablement dans l’Union Européenne et la frontière de Schengen se déplacera donc autre part, et encore ailleurs, plus tard. Le chemin est encore long pour arriver un jour à vivre sans frontières.

BC : Quel rôle joue la communauté italienne en Istrie, notamment dans la promotion des liens avec l’Italie ?

IJ : La minorité slovène de Trieste et la minorité italienne en Istrie sont les deux minorités les mieux organisées en Europe. L’Union italienne a fait tellement de choses importantes dans les 15-20 dernières années, même à travers l’engagement politique. Vous savez sûrement que le vice-président de la Région istrienne, selon le statut, est toujours Italien si le Président de la Région ne l’est pas lui-même. De plus, il y a de nombreux maires de nationalité ou de culture italiennes qui administrent des villes où les Italiens ne sont pourtant pas majoritaires. Nous avons réussi à promouvoir l’idée que si une personne est honnête et professionnelle, peu importe qu’elle soit Italienne, Croate, Serbe ou Musulmane. Sur cet argument, l’Union italienne a beaucoup oeuvré, surtout pour les écoles des communautés italiennes qui ont été rénovées ou reconstruites : des écoles, des crèches et même l’Université de Pula où une partie des cours sont donnés en langue italienne.

BC : Quels sont actuellement les priorités politiques et institutionnelles de l’Istrie ?

IJ : Nous avons aujourd’hui un taux de chômage qui tourne autour de 6,3-6,4 % et nous aimerions le réduire dans les trois-quatre années à venir à moins de 5%. Nous aimerions aussi augmenter notre PIB régional, qui est aujourd’hui autour de 13-14 000 euros par personne, à 18-20 000 euros, ce qui est possible. Nous avons des projets concrets pour atteindre cet objectif. Nous avons de grandes projets d’infrastructures : la route Trieste-Pula, va enfin devenir une autoroute, d’autres projets concernent le réseau de distribution du gaz, le problème des eaux usées, les déchets, etc. Tous ces grands projets seront, en partie, financés par l’Union Européenne. De plus, la protection de l’environnement fait partie de nos priorités, dans le sens où elle représente un critère de compétitivité pour notre tourisme. Les possibilités de développement touristique sont de plus en plus liées à la question environnementale. Je dois enfin souligner notre engagement dans la création de l’Université de Pula. Nous avons réussi à convaincre le gouvernement national et la nouvelle Université a été créée en 2006. J’entends bien appuyer fortement sur le développement des universités et des écoles. Pour en revenir à mon premier argument, je crois que l’éducation est le moyen à travers lequel on pourra retransmettre ces valeurs istriennes. C’est quelque chose que j’aimerais laisser pour l’avenir de l’Istrie comme le patrimoine humain que nous avons réussi à créer.

BC : L’Union Européenne est naturellement un des principaux financiers de tous ces projets, comme des projets de coopération internationale et transfrontalière. Concrètement, quel est l’engagement de l’Istrie au niveau international ?

IJ : Comme région croate, nous avons établi de nombreuses relations avec des régions d’autres pays européens. Par exemple, en Italie, nous avons d’excellents rapports avec la région Friuli Venezia Giulia, la Vénétie, la Toscane, mais aussi d’autres régions situées sur le bassin adriatique, à travers l’Eurorégion adriatique (Lire notre article « L’Eurorégion adriatique se met en place » ) dont le Molise et l’Istrie sont le chef de file. Nous sommes aussi proches d’autres régions autrichiennes, françaises, espagnoles… Nous avons un bureau à Bruxelles, qui joue un rôle important : il s’agit de la première région de la Croatie qui a ouvert un bureau de représentation. Nous sommes engagés dans 36 projets européens. Avec la Vénétie, par exemple, nous développons un projet dont le but est de d’inventorier et de valoriser les biens culturels vénitiens qui se trouvent en Istrie et en Dalmatie. C’est un beau projet, récupérer et valoriser des biens qui se voient, mais aussi ceux des biens immatériels, comme la langue et les dialectes.

Découvrez le site de la Diète démocratique d’Istrie, IDS/DDI

 

 

Bosnie, Kosovo, Serbie : comment éloigner le spectre d’une crise régionale ?

Traduit par Mariama Cottrant -  Publié dans la presse : 29 février 2008

Indépendance du Kosovo, crise politique en Serbie... Le nouveau contexte régional ne peut pas manquer d’avoir de lourdes répercussions en Bosnie-Herzégovine. Žarko Papic, président du Bureau indépendant pour les questions humanitaires, donne ses impressions sur l’avenir du pays à la rédactrice en chef de Dani. Et il lance cette mise en garde : « Arrêtons de croire au droit international ! »

Žarko Papic Propos recueillis par Vildana Selimbegovic

Dani : Comment analysez-vous la situation actuelle dans la région ?

Z.P. : Restons-en à la situation la plus récente. Si l’on regarde logiquement les choses, cette nouvelle donne commence le 3 février 2008, à la fin des élections en Serbie. Je ne vais donc pas revenir sur des choses que tout le monde sait déjà : que c’est le nationalisme serbe, avec Miloševic à sa tête, qui a causé la chute de l’ex-Yousloslavie, que Miloševic a perdu le Kosovo, etc. Par ailleurs, le seul critère qui guide mes réflexions est la priorité de conserver une Bosnie unie, démocratique et prospère. J’essaierai donc de présenter la chose de manière historique, afin que nous ne rentrions pas dans des détails secondaires.

« Ce n’était pas le moment de reconnaître l’indépendance du Kosovo » Dani : Comment une Bosnie-Herzégovine unie et démocratique est-elle envisageable ?

Z.P. : Le sort de la Bosnie-Herzégovine se jouera en Bosnie-Herzégovine, mais il est évident que les drames et les problèmes de la région l’affectent. Les résultats de l’élection présidentielle en Serbie ont bien montré le poids des Radicaux, soutenus par des chanteurs populaires et par Koštunica. L’orientation soi-disant européenne et démocratique, que Boris Tadic était censé représenter, n’a qu’une faible importance. Toute la complexité de cette situation a été clairement démontrée par la crise au Kosovo, pour employer la terminologie de CNN, une crise qui a vraisemblablement eu une influence sur les élections. Je crois, en analysant la situation en Serbie, que le principal personnage négatif, c’est Koštunica. Je soutiens qu’une grande partie de sa rhétorique enflammée durant le grand rassemblement de Belgrade n’est que la conséquence du fait qu’il a retenu de l’élection présidentielle que sa coalition était en mauvaise position. D’ailleurs, dois-je rappeler que j’avais déjà déclaré à Dani en août 2001, que Koštunica annonçait le retour de l’« idéologie serbe », et que la Serbie en paierait « le prix dans l’avenir ». C’était immédiatement après la chute de Miloševic. J’ai peur que ce scénario, en ce qui concerne la Serbie, ait déjà commencé à se réaliser, et de manière beaucoup plus rude qu’on aurait pu l’imaginer. J’ajouterais à cela que le moment et la manière dont a été reconnu le Kosovo n’étaient pas adéquats. Il aurait fallu attendre, et c’était possible. Même la peur de la violence au Kosovo, quoique fondée, ne pouvait pas être un argument, ou l’argument suprême, pour reconnaître l’indépendance. Les conséquences de cet acte n’ont pas été prises en compte. Il est évident que le thème du Kosovo est politiquement instrumentalisé en Serbie, d’une certaine manière pour que la Serbie devienne démocratique et européenne. La Bosnie doit être très sensible à tous ces phénomènes régionaux, et doit renforcer sa stabilité intérieure, mais son destin ne sera pas déterminé par tel ou tel développements en Serbie ou à Belgrade.

Dani : On en revient au destin de la Bosnie. Quels sont les développements possibles en Serbie et au Kosovo ? Que pensez-vous qu’il va se passer en Serbie ?

Z.P. : Je pense qu’il n’y aura pas de dénouement clairement défini. La Serbie va faire un grand pas en arrière, à cause de forces politiques qui peuvent geler tout processus de démocratisation et de prospérité. Je pense qu’un conflit permanent va s’installer. (...) J’ai bien peur que cela ne se termine par une sorte de partition du Kosovo. Cela dit, le problème pour la Bosnie-Herzégovine est plus vaste, parce qu’il existe d’importants aspects qui peuvent avoir une influence sur elle. Premièrement, le fait que les normes légales internationales ont été violées [Par la reconnaissance de l’indépendance du Kosovo, que la Résolution 1244 de l’ONU ne prévoit pas, NDT]. J’aimerais que nous en tirions ensemble une leçon, et je pense que la Bosnie à une très grande expérience dans ce domaine : le droit international ne s’applique que pour les petits pays qui doivent agir conformément au droit international. Les grands pays, bien évidemment, l’adaptent quand cela les arrange. La guerre et l’agression contre la Bosnie-Herzégovine n’en était-elle pas la meilleure preuve ? Ainsi, il ne faut pas faire aveuglément confiance au droit international. Cela fait des années qu’on répète que le Kosovo n’a aucun lien avec la Bosnie-Herzégovine : j’aimerais vraiment qu’il en soit ainsi, mais j’ai peur que ce ne soit pas le cas, au moins dans ce cas précis. D’autre part, l’image géostratégique du monde a commencé à changer très rapidement.

Les fluctuations du droit international Dani : Quel rôle peut jouer la Russie dans toute cette histoire ?

Z.P. : La Russie a utilisé le Kosovo pour mettre en scène son retour sur la scène mondiale même si, évidement, le thème du Kosovo présente certains intérêts réels pour Moscou. Je ne vois pas comment la situation actuelle pourrait prochainement se calmer, vu les dissensions qui existent en Europe et dans le monde sur ce thème. (...)

Dani : Comment percevez-vous le rôle de Boris Tadic ?

Z.P. : A mon avis, il pensait depuis le début que sa mission était impossible. Si on analyse sérieusement les choses, il s’était donné deux objectifs qui ne sont pas impossibles à atteindre : l’Europe et le Kosovo. Mais l’indépendance du Kosovo a été reconnue si rapidement... cela donne vraiment l’impression que quelqu’un a voulu lui jouer un mauvais tour...

Dani : Pourquoi dites-vous « quelqu’un » alors qu’il s’agit des Etats-Unis ?

Z.P. : Bon d’accord... Je dois dire que tout cela est étrange, et je ne sais pas si, une seule fois dans l’histoire, l’Amérique a déjà reconnu un pays 24 heures après sa proclamation d’indépendance ! C’est vraiment une décision étrange. Je n’arrive pas à croire que quelqu’un, au State Department, puisse être aussi bête pour penser qu’il serait mieux de reconnaître le Kosovo avant la session du Conseil de sécurité que demandait la Russie. Rien ne pouvait arriver de pire que de nouvelles élections anticipées [1] et je crains que Boris Tadic n’ait pas la chance de défendre ses idées. J’ai beau être très critique envers lui, j’ai maintenant peur qu’il n’aie pas assez de temps pour se remettre sur pied, parce que ce rassemblement [à Belgrade, contre l’indépendance du Kosovo, NDT] a montré qu’il n’était, dans le meilleur des cas, qu’une reine d’Angleterre sans pouvoir.

« L’avenir de la Bosnie se jouera en Bosnie » Dani : Pourquoi est-ce Koštunica qui, en accord avec Moscou, gère toute la politique serbe ? D’après certaines rumeurs, même Dodik aurait séjourné à Moscou deux jours avant le rassemblement de Banja Luka...

Z.P. : Attention, la situation en Bosnie se jouera en Bosnie, même si la situation en Serbie se répercute fortement ici. Mais laissez-moi vous poser une question : Dodik est-il le problème principal de la Bosnie-Herzégovine ? Nous sommes bien d’accord que non. En fait, tout dépend dans quel cadre nous regardons les choses : on peut percevoir les choses à travers la matrice « je veux une Bosnie sans entités », avec une sorte de nouvelle régionalisation qui ressemblerait vaguement à une sorte d’unitarisme à la russe. Je pense que cette matrice est irréaliste. J’aimerais bien, moi aussi, que les nationalités n’existent pas et que la Bosnie soit un pays parfait, un paradis sur Terre, mais... La seconde matrice permettrait d’accepter une réalité dans laquelle les entités existent, mais dans laquelle un processus de renforcement fonctionnel de l’Etat serait possible... Il serait également possible d’ouvrir un processus de développement politique et économique normal par l’intégration européenne. Malheureusement, cette dernière matrice est la seule qui soit réaliste. Voilà ce qui a changé avec le contexte du Kosovo. Ne nous mentons pas à nous-mêmes en croyant au droit international et à tous les accords importants. Je pense qu’il est très important, en Bosnie, que tout le monde se calme. Que l’on se calme afin de faire « baisser la température » : bien que cette situation me déplaise, il faut la « geler » et laisser le temps passer, pour que, petit à petit, s’activent ces rouages qui, depuis 10 ans, ont fait de la Bosnie un pays « relatif », et pour qu’on prenne au moins la direction d’une certaine normalisation. La deuxième option serait de rouvrir tous les thèmes historiques qui font de cette région une poudrière.

Dani : Pensez-vous qu’une nouvelle guerre soit possible ici ?

Z.P. : Non. Je ne pense pas qu’une guerre soit possible, mais ce n’est pas une grande consolation.

Dani : Pourquoi ?

Z.P. : Le potentiel militaire qui permettrait de mener une guerre n’existe plus. D’autre part, le fait que la Serbie veuille défendre le Kosovo est paradoxalement conforme au droit international [2] ! Ainsi, il ne peut pas y avoir de guerre. Après tout, Dodik lui-même a dit devant l’Assemblée de la RS que tout ce qui s’était passé au Kosovo était un affront au droit international, droit que la RS devait respecter. La vraie question, en fait, est de savoir si nous voulons vraiment arrêter cette crise qui pourrait être très grave, en acceptant la Bosnie-Herzégovine comme elle est, pour que l’on n’ait pas à faire face à une situation bien pire.

Dani : Quelle serait la pire situation ? Serait-ce une demande de sécession de la RS ?

Z.P. : Disons que c’est ça.

Dani : C’est justement ce que Dodik a brandi comme joker depuis les élections législatives de 2006. Est-ce que cela lui sert seulement à énerver la communauté internationale, et à calmer les députés de RS ?

Z.P. : Je vais analyser calmement les choses. Je ne connais pas Dodik, mais je conclus froidement que Dodik n’est pas favorable à la sécession de la RS. Après tout, il le dit lui même en utilisant constamment la formulation : « Si vous ne nous touchez pas la RS, nous sommes dans la Bosnie-Herzégovine ».

« Dodik n’est pas un facteur de déstabilisation » Dani : C’est une phrase conditionnelle...

Z.P. : Exactement. Mais attention, il empêche de cette manière qu’une tension émerge, tension qui pourrait entraîner la sécession. Je suis loin d’être satisfait de cette situation, mais je pense qu’il y en a déjà beaucoup qui attendent leur tour derrière Dodik... Si on fait une analogie historique : de nouveaux Babic et Martic pourraient débarquer... [3]

Dani : Pour constituer une nouvelle Région Serbe Autonome de Krajina [comme au début de la guerre de Croatie en 1991, NdT] ?

Z.P. : Exactement, au sein de cette région autonome, le dirigeant précédent, Jovan Raškovic [4], était selon moi le pire nationaliste possible, il représentait le seuil à ne pas dépasser. J’ai fait une analogie historique. En janvier 2007, j’avais dit à Dani que ma position par rapport à Dodik n’était pas négative, mais cela ne signifie pas qu’elle soit positive. Je ne pense pas que Dodik sera un facteur de déstabilisation de la Bosnie. (...) Revenons au pire scénario : la sécession... J’ai du mal à y croire, parce qu’alors la Bosnie ne pourrait plus exister, et parce que cela se terminerait par un morcellement de tous les côtés, et Dieu seul sait quel type de changement pourrait avoir lieu de notre côté. C’est pour ça qu’au début j’ai dit que le seul critère, la seule priorité, n’était pas de nature personnelle, ne satisfaisait pas mes idéaux politiques, mais correspondait à un idéal, à une situation et à la réalité d’une Bosnie unie et, espérons-le, prospère. Ca ne vaut plus la peine de s’échanger des petits détails, nous sommes maintenant face à l’histoire.

Dani : Quelle est notre position, face à l’histoire ?

Z.P. : Soyons encore une fois directs. Les Bosniaques sont le peuple le plus nombreux en Bosnie. Objectivement, qu’on le veuille ou non, ils ont donc une responsabilité relativement importante. Ne commençons pas à parler pourcentages, mais de quelque chose qui s’appelle la « constitutionnalité » [qualité de peuple constitutif, državotvornost]. Dans mon esprit, cela oblige à construire un endroit où tous se sentent chez eux, où personnene ne soit exclu. Je vais vous surprendre en ajoutant quelque chose que Dani a déjà bien expliqué il y a quelques mois : l’UNDP a publié une recherche, il y a plus de 6 mois, qui s’appelait « la voix de la majorité silencieuse » (Lire notre article : Citoyens de Bosnie, encore un effort pour être « bosniens » ? ). Selon cette recherche statistique, qui évaluait le sentiment d’identité de différentes manières, seuls 14% des habitants en Bosnie ne se sentent pas du tout bosniens. Dans ces 14%, il y a probablement une majorité de Serbes, mais ce n’est pas un pourcentage bien élevé. Il existe donc un potentiel qui permettrait d’éteindre la machine des manipulations politiques, une machine qui sème la peur et qui crée des rancunes, qui provoque les questions « qui aime qui, qui n’aime pas qui ». C’est de cette réalité que je parle. Mais je ne lis pas la presse de Republika Srpska.

Dani : Vous ne lisez pas les Nezavisne Novine ?

Z.P. : Non

Dani : Pourquoi ?

Z.P. : Je ne peux pas lire 5 journaux, je m’énerve déjà assez avec Oslobodjenje et Dnevni Avaz ! Je ne compte pas les magazines que je lis. Mais je vois très bien comment ils capturent les positions, et je parle en fait du besoin que la situation commence à se calmer, parce que c’est la condition pour une certaine normalisation. Pourquoi ne trouverait-on pas des points où des ententes soient possibles entre les trois côtés, sans drames ni problèmes ? Pourquoi tout finit-il toujours autour de sujets où il n’y a pratiquement pas de possibilités d’entente ? Si on résolvait les dix problèmes les plus simples à régler, peut-être que le 11ème problème pourrait aussi être résolu, par un enchaînement logique... Un pays dans lequel la réforme de la police est le thème politique majeur depuis 4 ans est condamné ! On devrait plutôt parler du développement du pays, de la situation sociale et de toutes les réformes dans ces secteurs-là.

Dani : Justement, puisqu’on parle de la réforme de la police, expliquez-moi le rôle de l’OHR [Bureau du Haut-Représentant de la communauté internationale en Bosnie-Herzégovine, NDT]. C’est le Bureau du Haut Représentant qui a finalement le plus vulgarisé cette réforme : ils ont signé tellement de fois des accords différents, auxquels l’OHR a renoncé sous les pressions de la RS !

Z.P. : Je vais d’abord vous répondre par une autre question, puis je répondrai à cette question : pourquoi pensez-vous que l’OHR devrait avoir des principes ? Souvenez-vous de ce que j’ai dit sur le droit international. L’OHR est une institution internationale bureaucratique qui, disons-le, a bien joué un rôle positif pendant les années les plus brûlantes. Le rôle négatif de l’OHR a commencé avec Paddy Ashdown [Nommé comme Haut-Représentant en mai 2002, NDT] Peu importe ce que je pense du Parti social-démocrate (SDP) pendant les deux ans où l’Alliance [5] était au pouvoir...

Le rôle néfaste de l’OHR Dani : L’Alliance à qui, pour suivre votre métaphore, quelqu’un a joué un mauvais tour, comme à Tadic...

Z.P. : Exactement...Pendant que l’Alliance était au pouvoir en Bosnie, une énergie s’est réveillée, on avait l’impression que quelque chose était possible. Dans cette Alliance, il y avait de tout, à l’exception des partis nationalistes traditionnels. C’est Ashdown qui a directement détruit l’Alliance. Je me souviens, Ashdown venait d’être nommé au poste de Haut Représentant, il n’avait pas encore commencé à exercer sa fonction, quand il y a eu à Ljubjana un grand rassemblement régional, où j’étais invité en tant qu’auteur et chef de publication de Soutien politique international - leçons (non)-apprises en Bosnie-Herzégovine, et à plusieurs reprises Ashdown m’a dit directement : « Votre livre sera comme un mode d’emploi pour moi ». Encore plus important, il a dit que les deux problèmes de base en Bosnie étaient Zlatko Lagumdžija (du SDP), Premier ministre à l’époque, et Haris Silajdžic (du Parti pour la Bosnie-Herzégovine, SbiH). Je lui ai demandé « pourquoi ? », et il m’a répondu : « Haris Silajdžic est radical ». Pour l’autre, je ne sais plus ce qu’il a dit, mais j’ai répondu : « Je pensais que c’était parce que ce sont les seuls qui parlent anglais ». L’Alliance a été littéralement détruite...

Dani : Paddy Ashdown n’a pas utilisé votre livre, il a complètement étouffé le secteur civil en Bosnie-Herzégovine.

Z.P. : Bravo ! C’est vraiment ça ! (...) Si on regarde les choses géométriquement, l’OHR est l’intermédiaire des intérêts des grandes puissances. On ne peut vraiment pas s’attendre à des principes de sa part. Je crois profondément que les Croates et les Serbes sont de meilleurs amis pour les Bosniaques, les Serbes et les Bosniaques pour les Croates et ainsi de suite, que les grandes puissances. Cette sorte d’adoration pour l’OHR me dérange beaucoup, avant tout du côté de la Fédération, ainsi que cet espoir que l’OHR protégera un jour la justice, se rappellera qui est la victime, et au final arrangera les choses en Bosnie-Herzégovine. Pouvez-vous imaginer un OHR qui soutiendrait de gros changements négatifs en RS ? Moi, oui.

Dani : L’OHR n’a-t-il pas, comme tous les ambassadeurs des membres du PIC (Peace Implementation Council - Conseil de mise en oeuvre des accords de paix) observé sans rien dire la campagne pré-électorale ? Alors que faire ? Doit-on accepter toutes les conditions que propose Milorad Dodik ?

Z.P. : Non.

Dani : Et donc ?

Z.P. : Attention. Il ne s’agit pas d’accepter des conditions. Il s’agit de changer de matrice. Je crains que les gens ne soient cloués dans leur propre matrice personnelle. C’est de ça que je parle. Par quel handicap mental les amendements d’il y a deux ans ont-ils été détruits ? Avec un regard sur l’avenir, à ce moment là on savait déjà qu’un jour la crise du Kosovo allait éclater. Je ne peux vraiment pas évaluer quels intérêts étaient alors vraiment en jeu, mais je peux dire que j’ai beau avoir eu une mauvaise opinion sur ces amendements, s’ils avaient été acceptés, les choses seraient différentes. Attention, encore aujourd’hui, quand Silajdžic et Tihic (SDA, parti musulman) se disputent, l’un dit à l’autre : « Tu accepte les entités dans la police », et l’autre répond : « Tu as accepté les amendements constitutionnels ». C’est de ce point de vue que je parle. Je n’aime pas ça, l’existence de ces entités en Bosnie ne correspond pas à ma conviction politique, mais si on ne parle constamment que de ça, alors trouvez-moi une déclaration qui abolirait ces matrices pour ou contre les entités, et ensuite tout ira mieux.

Dani : Serait-ce la déclaration de Mostar [6] ?

Z.P. : Possible. Mais franchement, je ne crois plus personne. Rappelez-vous, c’était en octobre... La situation s’était tellement aggravée que les gens, par peur d’une nouvelle guerre, commençaient à acheter de l’huile et de la farine, et au final, 2 ou 3 hommes politiques ont résolu le problème en 20 minutes !

Accords secrets des politiciens et élections anticipées ? Dani : C’est en fait ma question suivante : avez-vous le sentiment qu’aujourd’hui une telle entente existe encore ? Je vous demande cela à cause des réactions très intéressantes de différents partis politiques, mais aussi à cause de l’impression qu’on peut avoir après l’intervention de Lajcak auprès du SDA [concernant le fait que le SDA ne devrait pas insister sur la reconnaissance de l’indépendance du Kosovo, pour ne pas provoquer les partis serbes, NDT] : en bref, on spécule sur la possibilité d’une entente Silajdžic-Lajcak-Dodik ?

Z.P. : Je ne peux pas confirmer cela, mais je peux dire que c’est très probable. Analytiquement parlant, c’est très probable, et je peux en donner des preuves indirectes. J’ai été dans un grand nombre de situations dans lesquelles nos dirigeants politique, cette « nomenklatura », de laquelle d’ailleurs je ne pense en général que du mal, ont fait preuve d’un certain manque de sérieux. Les politiciens sont partout enclins aux manipulations et aiment que les gens votent pour eux, mais il y a tout de même des limites. Ici, cela fait longtemps qu’on les a déjà dépassé, si elles ont jamais existé ! J’ai été témoin de réunions durant lesquelles autour de la table, ces hommes s’opposaient publiquement avec tant de vigueur, qu’on pensait qu’ils allaient s’entre-tuer, mais dès que l’on éteignait les caméras, ils étaient potes. En fait, ils sont comme des frères.

Dani : Pensez-vous que c’est comme ça encore aujourd’hui ?

Z.P. : C’est pour cela que je dis qu’il faut se calmer, parce que je pense qu’il existe des éléments qui permettent de penser qu’ils font semblant... Avant chaque élection, il y a toujours eu une production de peur et de tensions pour que chacun s’empare d’un maximum de voix dans son propre « troupeau » national... Et nous, nous étions tellement contents que cette création de peurs et de tensions ne se concrétise plus en actes et n’existe que dans les mots... Mais il faut parfois se poser des questions : comment le modéré Tihic est-il brutalement devenu radical, et le radical Silajdžic brusquement devenu modéré ?

Dani : Comment interprétez-vous cela ?

Z.P. : Eh bien, d’une seule manière : il est possible que de nouvelles élections parlementaires en Bosnie aient lieu plus tôt que prévu !

[1] Elles ont été convoquées à Belgrade pour le 11 mai.

[2] Žarko Papic fait ici une ellipse : l’indépendance du Kosovo n’est pas conforme au droit international, et le fait que la Serbie s’y oppose est donc légal. Par contre, elle ne pourrait utiliser l’argument du droit international en ce qui concerne la sécession de la Republika Srpska, qui serait, elle, anti-constitutionnelle.

[3] Milan Babic et Milan Martic furent tous deux, entre autres, présidents de la République Serbe autonome de Krajina durant la guerre de Croatie, de 1991 à 1995. Martic a été condamné à 35 ans de prison par le Tribunal Pénal International (TPI) en 2007, pour meurtre, persécutions, traitement inhumain, déplacement forcé, destruction de propriétés privées et publiques, et destructions de villes et villages. Babic, lui, n’a écopé que de 13 ans de prison, parce qu’il a plaidé coupables pour tous les crimes dont il était accusé : crimes contre l’humanité et violations des lois et coutumes de la guerre. Il a été retrouvé mort dans sa cellule en mars 2006.

[4] Dirigeant politique des Serbes de Croatie avant la guerre de Croatie. Malgré une rhétorique qui lui vaut d’avoir été accusé de nationalisme extrême, il a affirmé plus tard regretter « d’avoir créé cette pression émotionnelle dans le peuple serbe ».

[5] Rassemblée sous la tutelle de la communauté internationale à la suite des élections de novembre 2000, la coalition Alliance Démocratique pour le Changement (Alliance) a gouverné la Fédération et dirigé le Conseil des ministres à partir de début 2001. L’intention des personnes qui l’ont soutenue était d’écarter les trois partis nationalistes qui s’étaient opposés pendant la guerre, et qui géraient ensuite chacun leurs parties de territoire respectifs. L’Alliance devait aussi faire passer des réformes profondes, et ainsi prouver que la mise en place de l’Accord de Dayton permettrait de créer un Etat viable.

[6] Déclaration de Mostar : accord conclu, en octobre 2007, entre les principaux partis politiques de Bosnie sur la poursuite du processus de réforme de la police.

 

 

Reuters - Dimanche 9 septembre 2007

Les Serbes Karadzic et Mladic auraient été sciemment épargnés

PARIS (Reuters) - La France, les États-Unis, la Grande-Bretagne et la Russie ont sciemment laissé en liberté les dirigeants serbes Radovan Karadzic et Ratko Mladic, poursuivis pour génocide dans le conflit bosniaque (1992-95), affirme une ancienne collaboratrice de Carla Del Ponte dans un livre qui paraît lundi en France.

Par Thierry Levêque 

Ces pays auraient agi ainsi pour éviter qu'un procès ne mette en lumière le fait qu'ils connaissaient avant 1995 les projets du président yougoslave Slobodan Milosevic, instigateur du conflit, mais sont restés inactifs lors des hostilités et ont négocié avec tous les protagonistes, avance dans "Paix et châtiment" Florence Hartmann.

Cette ancienne journaliste du Monde, porte-parole du procureur du Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (TPIY), Carla Del Ponte, de 2000 à 2006, dit écrire en qualité de témoin direct d'entretiens et réunions stratégiques.

Contacté par Reuters, le bureau de Jacques Chirac a rappelé les engagements publics de l'ex-président à arrêter les fuyards. Le Quai d'Orsay juge les accusations infondées. "La France a apporté, apporte et apportera son soutien politique total à l'action du TPIY", a dit un porte-parole à Reuters.

"Karadzic et Mladic n'ont pas été traduits en justice pour ne pas raviver le souvenir du choix inavouable des grandes démocraties occidentales de sacrifier la population de Srebrenica en l'abandonnant sciemment à ses tortionnaires, puis en privant ses survivants de leurs terres et d'un jugement", écrit Florence Hartmann.

Après les accords de Dayton du 14 décembre 1995, qui ont mis fin au conflit, les grandes puissances auraient très souvent su où se trouvaient Radovan Karadzic et Ratko Mladic.

Radovan Karadzic, chef politique des Serbes de Bosnie, et Ratko Mladic, général en chef des forces militaires dans la région, ont été inculpés pour crimes de guerre le 25 juillet 1995 par le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (TPYI). Ils sont accusés d'avoir commandité le massacre de 7.000 à 8.000 Bosniaques en juillet 1995 à Srebrenica.

"KARADZIC SAIT TROP DE CHOSES"

Radovan Karadzic aurait vécu d'abord au grand jour en Bosnie, sous les yeux des forces de l'Otan et avec l'appui financier de Belgrade. Un officier français, Hervé Gourmelon, le rencontrait régulièrement à Pale pour le persuader de se rendre. En mai 1997, son arrestation est débattue entre les grandes puissances mais rien n'est fait.

Florence Hartmann cite Jacques Chirac expliquant en 2000 à Carla del Ponte : "Karadzic n'a pas été arrêté en raison de l'opposition des Russes, Boris Eltsine m'a dit : 'Karadzic sait trop de choses sur Milosevic' et il m'a averti qu'il enverrait un avion pour l'extraire de Bosnie si nécessaire".

Radovan Karadzic est parti en octobre 1997 en Biélorussie "dans un avion militaire affrété par Boris Eltsine", avant de revenir en Bosnie début 1998, écrit l'auteur du livre. En 1999, il a demandé au parquet du TPIY 300.000 marks et une protection en échange de sa reddition, avant de renoncer.

En février 2004, le fuyard a été localisé en Bosnie par le TPIY, qui a transmis l'information à l'Otan. "Quelques heures plus tard, un hélicoptère survole la zone, alertant ainsi Karadzic", écrit Florence Hartmann.

En 2005, un Néerlandais contacte le TPIY. Il dit avoir vu Karadzic le 7 avril à la terrasse d'un café d'une ville bosniaque, Foca. Alertée par le TPIY, les responsables américains de l'Otan, qui officiellement ont perdu sa trace, répondent : "Impossible, il était du 6 au 8 avril à Belgrade".

Les deux fuyards ont sans cesse fait état de promesses d'impunité qui leur auraient été accordées par Paris et Washington pour favoriser les accords de Dayton et obtenir la libération de pilotes militaires français prisonniers en 1995.

Le TPIY a selon Florence Hartmann établi que Ratko Mladic a vécu aussi au grand jour en Bosnie, puis en Serbie à partir de 1997, sortant au restaurant, assistant à des matches de football, étant hospitalisé deux fois sous son nom en 2001 et 2002 à Belgrade, touchant sa retraite de l'Etat serbe.

Le TPIY a connu son adresse exacte et l'a transmise à la CIA, sans jamais obtenir de résultats, souligne l'auteur.

Au procès de Slobodan Milosevic, raconte-t-elle, un magistrat britannique du TPIY, Geoffrey Nice, et des analystes militaires britanniques et américains détachés au TPIY ont demandé l'abandon des charges contre lui sur Srebrenica. Les Etats-Unis ont caché au TPIY des écoutes téléphoniques qui montraient son implication directe, dit Florence Hartmann.

Le mandat de Carla Del Ponte s'achève fin 2007. L'Onu a fixé à 2010 la fermeture du TPIY.

 

 

Passation de pouvoir à la tête de la Kfor

Par EuroNews - Vendredi 31 août, 19h16

Il succède au général allemand Roland Kather. Une cérémonie de passation de pouvoir qui intervient alors que les négociations sur le futur statut de la province sont toujours dans l'impasse.

Pour en sortir une troïka, composée de la Russie, de l'Union européenne et des Etats-Unis a été mise en place. Objectif, servir de médiateurs entre deux parties dont les positions semblent inconciliables. Les Albanais du Kosovo, qui représentent plus de 90% de la population plaident pour une totale indépendance. Ce que rejette catégoriquement Belgrade. La Russie, alliée traditionnelle des Serbes, a fait savoir par la voix de son ministre des affaires étrangères Serguei Lavrov, qu'elle accepterait toute solution qui conviendrait aux deux parties, y compris celle de la partition.

Une solution extrême rejetée pour l'heure par la plupart des diplomates. Mais le temps presse. Le chef de l'ONU a donné jusqu'au 10 décembre pour parvenir à un compromis. Le Premier ministre kosovar a déclaré aujourd'hui que son gouvernement était prêt à proclamer l'indépendance si le Conseil de sécurité de l'ONU ne parvenait pas à un consensus.

 

 

dimanche 24 juin 2007, 19h42 

Moscou veut étendre sa stratégie énergétique dans les Balkans 

Par EuroNews

Le président russe Vladimir Poutine, s'est rendu ce dimanche à Zagreb en Croatie pour un sommet sur l'énergie en Europe du sud-est en présence d'une douzaine de pays, dont l'Albanie, la Bulgarie, la Grèce et la Roumanie

Des pays qui sont membres de l'Union Européenne et de l'Otan ou qui souhaitent le devenir. La Russie est le premier producteur et exportateur mondial de gaz et le deuxième producteur de pétrole. Certains pays d'Europe centrale et orientale dépendent presque totalement du gaz russe. L'Union Européenne importe plus ou moins 20 % de sa consommation de gaz naturel de Russie. La Croatie, pays hôte de ce sommet, a estimé que ce rendez-vous était "une occasion pour les différents pays de présenter leurs vues sur les problèmes énergétiques actuels et sur l'approvisionnement". "Les questions d'approvisionnement en ressources énergétiques sont devenues aujourd'hui une des plus importantes composantes de la politique économique internationale, a souligné Vladimir Poutine ce dimanche. Et l'objectif stratégique de notre travail commun dans ce domaine est d'assurer la facilité d'accès et la garantie d'avoir ces ressources à travers tous les pays de la région". Parmi les projets que la Russie entend promouvoir figurent l'oléoduc Burgas-Alexandroupolis reliant la côte bulgare de la Mer noire à la Méditerrannée ainsi que le pipeline Droujba-Adria acheminant le pétrole russe toujours vers la Méditerranée mais avec un terminal sur la côte adriatique croate. Ce dernier projet suscite d'ailleurs l'inquiétude de l'opinion publique croate. Elle craint des effets négatifs sur le tourisme.

 

 

Courrier de la Bosnie-Herzégovine

 Conférence « Citoyenneté active dans les Balkans » à Sarajevo 

Par Asja Hadzismajlovic Publié dans la presse : 30 mai 2007

 L’organisation internationale non-gouvernementale AADL, fondée par le Conseil de l’Europe, a présenté, vendredi 25 et samedi 26 mai à Sarajevo, deux nouveaux projets dans les Balkans : « la citoyenneté active dans les Balkans » et le lancement de « Sutra microcrédits ». Le premier est organisé en collaboration avec le Pacte de Stabilité pour l’Europe du Sud-Est (bureau à Thessalonique) et le deuxième avec la banque italienne Intes/San Paolo.

Une nouvelle coopération est née entre l’Association des Agences de la Démocratie Locale (AADL) et le Pacte de Stabilité pour l’Europe du Sud-Est. Celle-ci a été inaugurée avec la conférence « Citoyenneté active dans les Balkans » à Sarajevo, le jour de l’anniversaire de Tito. L’AADL s’occupe en général de la promotion de la démocratie locale et des droits de l’homme dans les Balkans.

Cette conférence, qui a eu lieu en anglais, italien et bosnien, a réuni dans l’amphithéâtre de la municipalité de Sarajevo à peu près 140 participants et intervenants venus d’Europe occidentale et des Balkans.

Environ 140 participants réunis devant la municipalité de Sarajevo pour la conférence

Après quelques mots d’accueil de Nota Sarafoudi, une experte du bureau du Pacte de Stabilité à Thessalonique, de Gianfranco Martini, le président de l’AADL, et de Vesna Travljanin, la directrice exécutive de l’Association des Villes et des Municipalités de la Fédération de Bosnie-Herzégovine, les participants ont pu assister activement à la première table ronde : « De quelle manière la citoyenneté active peut-elle contribuer à l’intégration européenne ? ».

Trefor Williams, le Directeur du département de démocratisation de l’OSCE en Bosnie, Michael Docherty, à la tête de la Délégation de la Commission européenne pour la stabilisation démocratique et le développement social en Bosnie, le Professeur Guiseppe Gangemi de l’Université de Padoue, Jelena Milic, l’adjointe de Goran Svilanovic, président de la Table de Travail I du Pacte de Stabilité pour l’Europe du Sud-Est et membre du Forum pour les Relations internationales « Education pour une citoyenneté démocratique et le nouveau management public », et Emir Adzovic, chargé de projet au Conseil de l’Europe, « Education sur la citoyenneté démocratique », ont été les cinq premiers intervenants.

« Il faut faire confiance à la participation et aux initiatives spontanées. Prijedor est un bon exemple : plus de 1.000 personnes ont réussi à se mobiliser et à retourner dans leurs maisons », a noté le Pr Gangemi.

L’éducation est une clef qui va donner aux citoyens des Balkans des outils qu’ils pourront utiliser immédiatement, a dit Emir Adzovic. Le projet du Conseil de l’Europe « Education pour une citoyenneté démocratique », initié en 1997, rentre maintenant dans sa phase finale en se concentrant sur la démocratisation des gouvernements, sur l’amélioration des capacités des écoles et la formation des professeurs et des ONG sur place. « Un des plus grands succès du projet est l’instauration du cours « Démocratie et Droits de l’Homme » dans le programme de toutes les écoles en Bosnie-Herzégovine, » nous a confié Emir Adzovic.

Après la pause café, de nouveaux intervenants ont pris place : Mesud Hodzic, représentant du Forum civique de Prijedor (Bosnie-Herzégovine), Geza Kucera, maire de Subotica (Serbie), Fotis Vlachos, directeur des opérations de l’organisation « Perspective européennes » (Kosovo/MINUK) et Hedvig Morvai-Horvat, directeur du Pacte des citoyens pour la SEE. Cette fois-ci, la discussion a tourné autour d’exemples concrets de bonnes pratiques d’une citoyenneté active en Europe du Sud-Est.

Mesud Hodzic prétend que même si le syndrome d’après-guerre est encore très présent à Prijedor, les nombreuses conférences et table rondes qui ont eu lieu dans la ville depuis la fin de la guerre ont porté leurs fruits, notamment la conférence des psychologues de Serbie « Dialogue vers la vérité ». Au référendum de 2004 à Prijedor, 6.000 citoyens ont déclarés qu’ils se considéraient comme des « citoyens européens ».

Geza Cucera a annoncé avec fierté que la ville de Subotica en Serbie, dans l’opposition sous le régime de Milosevic, espère montrer un exemple de bonne pratique de démocratie dans la région, étant donné que c’est un espace multiculturel (trois langues : Hongrois, Anglais et Serbe) et multiconfessionnel où l’on trouve 134 organisations qui travaillent dans le secteur civil.

« Etre actif, cela veut dire être visible, prendre des risques », a confirmé Hedvig Morvai-Horvat. Elle a cité quelques exemples : « avec l’aide de sérieux lobby et grâce à une participation active, et à la campagne régionale de 2002, nous avons abouti à une facilitation du processus de visa et même à des signes qui vont vers une libération des visas. Quant aux jeunes, l’exemple que je trouve le plus pertinent est le festival de musique Exit, qui depuis 7 ans, accueille tous les étés de nombreux musiciens dans la région de Novi Sad ».

Le lendemain de la conférence, le 26 mai, l’AADL et la banque italienne Intesa/San Paolo ont lancé officiellement une initiative de microcrédits pour les Balkans, à travers un partenariat public-privé. Par cette approche, l’ADDL et Intes/San Paolo soutiennent le processus d’élargissement de l’Union européennes dans les Balkans en favorisant un développement économique durable. Ce projet, qui est soutenu par le gouvernement norvégien, va durer trois ans et propose une approche intégrée du microcrédit, de façon à promouvoir des « start up » de manière durable, en particulier celles dirigés par de jeunes entrepreneurs.

« Les standards pour obtenir ce genre de crédits sont moins exigeants que d’autres types de crédits, justement pour encourager des jeunes qui ne possèdent peut-être pas de capitaux, à s’investir dans de petits projets créatifs qui durent longtemps. Nos cibles sont les petites villes en Bosnie, Serbie, Croatie, au Monténégro et en Macédoine. En Bosnie-Herzégovine, nous nous concentrerons autour des trois villes ou se trouvent des bureaux de l’AADL : Prijedor, Zavidovici et Mostar, » a précisé Antonietta Guidali, gérante des prêts étrangers à la banque Intesa/San Paolo pendant la conférence de presse qui a eu lieu vendredi à 14 heure dans la municipalité de Sarajevo.

Pour toute la région des Balkans, la somme totale des prêts s’élève à 4 millions d’euros pour les trois ans que va durer le projet. En Bosnie-Herzégovine, un maximum de 8.000 euros va être attribué par projet. Des partenariats sont établis avec Upi Banka et Privredna Banka en Bosnie-Herzégovine, et Gospodarska Banka en Serbie. Dans le futur, des partenariats avec des banques au Monténégro et en Macédoine devraient être établis.

« Ces crédits ont pour objectif d’encourager de petites initiatives et de créer des nouveaux emplois : il n’y a plus besoin de cafés dans la région ! », a dit en souriant le Président exécutif de l’AADL, Per Vinther. En effet, les secteurs qui sont visés sont l’agriculture, le tourisme et les petites productions.

 

 

La coopération régionale, clé du développement des Balkans 

Traduit par Ivana Germain Publié dans la presse : 6 octobre 2006

Les Balkans ont déjà perdu 15 ans, et n’entreront pas dans l’Union européenne avant 2015, selon les scénarios les plus optimistes. Entretien avec Vladimir Gligorov, économiste spécialiste des Balkans, qui analyse les politiques suivies par les États, mais aussi les errements des institutions internationales, et plaide pour un renforcement de la coopération régionale.

Propos recueillis par Jasna Jelisic

Vladimir Gligorov est l’un des économistes les plus reconnus issus de l’espace de l’ex-Yougoslavie. Dans l’interview accordée à Dani, cet ancien étudiant de Belgrade et de New-York, boursier de Fulbright, expert dans le domaine de la transformation des économies en général, et en particulier de l’économie de l’ex-Yougoslavie, suggère que la Commission européenne devrait poser comme condition à la continuation du processus d’association la coordination des politiques fiscales et monétaires dans la région des Balkans occidentaux. Il parle également des lobbies protectionnistes, du maintien du Comité monétaire de Bosnie-Herzégovine et de la nomination du seul chef d’Etat des Balkans avec une vraie vision européenne.

Vladimir Gligorov travaille depuis 1995 à l’Institut de Vienne pour les études économiques internationales. En tant que professeur invité, il enseigne depuis de nombreuses années dans les universités mondiales. Il est également consultant auprès de l’OCDE pour l’Europe du Sud-Est, consultant à la Banque mondiale pour la Serbie et le Kosovo, membre du Comité de Conseil extérieur d’administration et de lutte contre la corruption en Europe et en Asie centrale, ainsi que membre du Comité de Conseil de l’Institut EastWest pour l’Europe du Sud-Est. Il se consacre actuellement à l’intégration économique des Balkans dans l’UE. Il a séjourné à Sarajevo dans le cadre du programme de soutien de l’UE à l’Unité pour la planification économique au sein du Conseil des ministres de Bosnie-Herzégovine, qui se transformera l’année prochaine en Direction de la planification économique. La Direction assurera, entre autres, le suivi et le soutien analytique à l’équipe de négociation de la Bosnie-Herzégovine. Au début de son interview, Gligorov a souligné que la Bosnie-Herzégovine prend du retard dans les réformes économiques nécessaires à l’intégration à l’UE.

Pourquoi les réformes tardent-elles ? Dani (D) : Quelle est, selon vous, la principale raison du retard des réformes en Bosnie-Herzégovine ?

Vladimir Gligorov (VG) : Tout ce processus est en retard dans les Balkans. La région n’a pas saisi l’opportunité de faire partie de l’élargissement à l’Est en 2004. Cela ne peut pas être rattrapé. Alors, nous faisons la queue. Le retard est perceptible également dans le rythme de l’association. L’Union européenne ne souhaite pas que l’association des pays de la région soit plus rapide, surtout maintenant que l’enthousiasme pour un élargissement ultérieur baisse. L’offre de l’UE est là, mais ses institutions ne vont pas insister sur un rythme plus rapide. Bruxelles a d’importantes obligations en Bosnie, en Serbie, au Kosovo, en Macédoine et ne va pas se retirer de cette région car cela n’est tout simplement pas possible. Sa présence peut s’accroître, mais cela ne veut pas dire qu’on insistera sur une accélération. Ce sont les pays de la région qui devraient avoir pour but l’accélération des intégrations et c’est à eux d’accélérer le processus.

D : Aucune théorie économique ne considère les Balkans comme une région attractive. Pour l’instant, il n’y a pas de justification économique à un tel développement, car l’augmentation du commerce entre un groupe de pays relativement pauvres ne fera pas avancer l’économie. Néanmoins, l’UE insiste sur la régionalisation des Balkans avant l’entrée dans l’UE et la pose comme condition, dans une situation où les principaux partenaires commerciaux des pays balkaniques sont les pays membres de l’UE et non les pays de la région. Est-ce que cela a un sens ?

VG : La raison pour laquelle la Commission européenne a initié la création de la zone régionale de libre échange réside dans son appréciation que cela contribuera à la stabilité politique. L’enjeu n’est pas uniquement économique. La stabilité et la sécurité sont deux enjeux clés dans la région, tandis que le développement économique est encore un moyen pour atteindre ces buts. On ne s’attend pas à une augmentation considérable du commerce à l’intérieur de la région, mais on pense que la région, dans l’ensemble, sera plus attractive pour les investisseurs - pour qu’en investissant en Bosnie-Herzégovine, ils sachent qu’ils peuvent compter sur le marché serbe, que leurs fournisseurs ne sont pas loin, peut-être en Macédoine, et qu’ils ont un accès à la mer par la Croatie.

D : La libéralisation du commerce a eu comme conséquence la diminution du déficit commercial de la Bosnie avec l’UE, mais celui avec la Serbie, la Turquie et la Croatie a augmenté. Que faut-il faire afin que le commerce libre avec ses voisins et la Turquie ne cause pas une perte pour la Bosnie-Herzégovine ?

VG : Je ne sais pas dans quelle mesure l’augmentation du déficit commercial est une conséquence de l’accord sur le libre échange, ou si cela se serait produit même sans ces accords. L’augmentation des exportations dans les pays de l’UE est partiellement liée à l’amélioration de la structure de l’offre de marchandises provenant de Bosnie-Herzégovine, qui est elle-même conséquence des investissements étrangers en Bosnie. En ce qui concerne le commerce avec les voisins, Turquie mise à part, l’empirement pourrait avoir comme cause une meilleure croissance économique de la Bosnie dans les dernières années. Habituellement, quand un pays a un taux de croissance plus élevé, comme la Bosnie, qui enregistre un taux de 5%, il importe plus. Cette analyse ne prend pas en compte les problèmes de statistiques qu’il faut toujours inclure concernant la Bosnie. Les statistiques ne sont pas bien tenues en Bosnie, et je crains qu’une bonne partie des échanges avec les voisins ne soit pas répertoriée.

D : Dans quelle mesure ce déficit commercial provient-il de la manipulation monétaire et fiscale des pays voisins ? La Serbie, en faisant chuter la valeur de sa monnaie, peut baisser les prix de ses produits et les rendre plus compétitifs sur le marché bosnien, ce que la Bosnie ne peut pas faire à cause du Comité monétaire. De plus, la fraude peut apparaître dans le libre échange sous forme de subventionnement de certaines branches de production. La Bosnie ne peut suivre cette voie car d’habitude elle manque de ressources budgétaires.

VG : C’est une question très intéressante. On a vu en Serbie ces dernières années différents changements de politique. La monnaie perdait d’abord de la valeur, ce qui favorisait l’exportation, mais dernièrement la valeur nominale de la monnaie a augmenté. Le dinar est aujourd’hui plus fort par rapport à l’euro qu’il y a six mois. En prenant en compte l’inflation élevée en Serbie, vous pouvez observer une augmentation réelle de la valeur monétaire. Dans ce sens, un taux flexible représente un problème pour la compétitivité de l’économie serbe. Il est vrai que la Serbie pourrait utiliser cet avantage et améliorer sa compétitivité par la dévaluation, mais depuis six mois, cela ne se produit pas.

D : Néanmoins, les subventions sont toujours là.

VG : Ce problème existe également dans l’UE, car eux aussi subventionnent certains de leurs produits à l’exportation. C’est le problème principal pour la création de la zone de libre échange qui devrait se mettre en place à partir du 1er janvier prochain.

D : Cette zone balkanique de libre échange peut être très dangereuse et contreproductive pour la Bosnie-Herzégovine si on ne parvient pas à un accord sur les paramètres globaux de la politique monétaire et fiscale à l’intérieur de la zone.

VG : Dès le départ, cela représente le plus grand problème.

D : Comment est-il possible d’entamer les négociations sur la zone de libre échange sans définir au départ qu’il n’y aura pas de tricheries dans ce mariage sans taxes ?

VG : La raison réside dans le manque de volonté politique. Dans aucun pays de la région n’existe la volonté de coordonner les politiques monétaire et fiscale.

Vers une zone de libre échange balkanique ? D : Cela semble mener vers des guerres de subventions très explosives. Alors, quel est le sens de créer une zone de libre échange ?

VG : Cela a un sens très limité. On s’attend à ce que la disparition des taxes dans la zone influe sur l’augmentation de la rationalité et d’autres paramètres de la politique économique. On pense que si, par exemple, le Gouvernement croate introduit des subventions, la Bosnie ripostera en introduisant à son tour des subventions dans le domaine concerné, puis la Serbie fera de même et à la fin tous comprendront que cela n’a pas de sens et se mettront d’accord pour les supprimer. C’est un processus indirect, pas toujours efficace et ne mène pas nécessairement aux bons résultats. Il serait mieux de coordonner les politiques dès le départ. En l’absence d’une volonté politique, ce rôle pourrait être joué par l’UE.

D : Alors la solution serait que la Commission européenne pose aux pays candidats comme condition à la continuation du processus d’association la coordination des politiques monétaires et fiscales dans la région ?

VG : A peu près. La coopération est déjà une condition, mais cela pourrait être précisé. Certains gouvernements tirent un bénéfice politique du fait de protéger, par exemple, les agriculteurs, mais cela ne bénéficie pas forcément à tout le pays. Il faut qu’il soit clair que les pays commercialement plus libéraux s’en tirent à long terme mieux que les pays qui utilisent toutes sortes de mesures protectionnistes ou de subventions. Les subventions mènent en pratique vers une allocation inefficace des ressources, et ce sont les citoyens qui en feront les frais à la fin.

La Bosnie à la traîne D : Quelle importance dans tout cela a le fait que la Bosnie-Herzégovine soit, sur le plan économique, le pays le plus faible et le plus ouvert sur la région ?

VG : A cause de cela, la pression pour une restructuration sera à court terme plus forte ici qu’ailleurs. Il faut, par exemple, se poser la question objective de savoir dans quelle mesure l’agriculture représente un avantage comparatif par rapport à la Croatie ou la Serbie. Le Gouvernement doit réfléchir à comment rendre la situation plus facile pour les gens et la restructuration plus supportable.

D : Quels seraient vos conseils dans ce sens au gouvernement bosnien ?

VG : Il est toujours possible que le gouvernement assure un revenu pour ceux qui ne sont pas concurrentiels. Il s’agit alors de subventions au revenu et non à la production.

D : Vous savez, assurément, combien le budget bosnien est petit et limité.

VG : D’autres possibilités existent - investir dans le potentiel humain, permettre aux gens de se réorienter. C’est aussi un problème suédois, pas seulement bosnien. Nous vivons tous dans des conditions de concurrence. Si aujourd’hui la Chine démarre la production d’un article, tout le monde doit se poser la question de savoir de quelle façon cela influera sur l’emploi dans son pays. Chaque pays doit réfléchir à sa stratégie. Est-ce qu’il va arrêter l’importation des produits chinois ou permettre aux gens de se réorienter car leur branche n’est plus concurrentielle par rapport aux Chinois ?

D : Votre discours implique une sérieuse réflexion de la part du gouvernement bosnien. Il est difficile d’y compter en Bosnie.

VG : Bien sûr que mon discours implique cela ! L’essence même est là ! A quoi sert sinon le gouvernement ?

D : En Bosnie tout le monde semble être pour l’association à l’UE, jusqu’à ce que l’on approche cette mesure concrète exigeant la suppression du monopole et l’ouverture du marché. Est-ce que les lobbies protectionnistes peuvent arrêter l’intégration européenne ?

VG : Au début de la transition en Europe centrale et orientale, on s’attaquait le plus à la libéralisation, même davantage qu’à la privatisation. La même chose se répète dans les Balkans. Les données démontrent que ces attaques étaient absurdes. Tous les nouveaux membres de l’UE - de la Hongrie, la Pologne ou la Slovaquie jusqu’aux pays baltes - ont enregistré une importante hausse de l’exportation. La Hongrie exporte aujourd’hui 5 fois plus qu’il y a quinze ans, et majoritairement dans l’UE. La libéralisation, qui a démarré avec la signature de la Convention européenne, a eu des effets très positifs, même si elle s’est heurtée à une forte résistance. La restructuration posait le plus grand problème, car il fallait arrêter de produire ce qu’on vendait sur le marché soviétique et commencer à produire ce que demandait le marché européen, plus sophistiqué.

Résistances anti-européennes D : En Bosnie, tout le monde soutient l’intégration européenne en paroles. Cependant, les lois dont la mise en œuvre mène vers l’UE sont souvent adoptées lentement ou sont inexistantes, quelquefois à cause de banals conflits politiques, mais aussi parce que les solutions proposées constituent une menace pour les intérêts financiers de certains lobbies d’affaires. Comment les intérêts généraux du pays peuvent-ils être protégés contre les intérêts d’un cercle restreint d’hommes d’affaires puissants qui craignent cette concurrence que l’association apporte inévitablement ?

VG : Les gens que vous nommez représentent leurs intérêts particuliers, ce qui n’est pas dans l’intérêt de tous les citoyens, tous les consommateurs. L’opinion publique doit l’identifier ! Quelqu’un doit payer pour le fait que certains sont protégés pars le Gouvernement, et ce sont nécessairement les consommateurs. Les consommateurs sont en majorité, mais ils sont éparpillés, alors ils ne sont pas en mesure d’élaborer des propositions concrètes pour les soumettre au Gouvernement. Une poignée d’hommes d’affaires protectionnistes se sert du Gouvernement pour protéger efficacement ses intérêts. C’est ainsi partout dans le monde, pas seulement en Bosnie. D’une manière générale, les lobbies spécialisés influencent considérablement les Gouvernements, car ils ont toujours un homme bien placé à exiger quelque chose du Premier ministre ou d’un des ministres. Les consommateurs n’ont pas de moyens de protéger leurs intérêts auprès des ministres.

D : La Banque mondiale et le Fonds monétaire international ont une mauvaise réputation dans le monde et en Bosnie-Herzégovine, en partie à cause de leur politique globale rigide, et partiellement de leur incapacité initiale à gérer le développement économique des pays après conflit. Quelle est votre évaluation de leurs conseils actuels pour la Bosnie-Herzégovine ?

VG : La politique du FMI et de la Banque mondiale a été très confuse dans les pays en transition. Dans les pays après conflits, ils ont été aussi très hésitants, mais il n’est pas facile d’y être sage. On croyait qu’avec un Comité monétaire, une forte libéralisation et une privatisation, tout irait pour le mieux.

Le FMI, la Banque mondiale et « Arizona » D : Tout cela sans les institutions nécessaires pour contrôler le processus.

VG : On croyait que les institutions se créeraient d’elles-mêmes. Ils étaient fascinés par le marché Arizona [1], nombre d’articles scientifiques ont été écrits là-dessus. Ils pensaient que tout serait parfait si toute la Bosnie-Herzégovine devenait un marché à l’image d’Arizona. Cela s’est avéré totalement erroné. Mais ce sont des institutions qui apprennent vite, avec des hommes capables très bien formés, alors elles changent. Leurs conseils à la Bosnie montrent qu’ils sont mieux informés aujourd’hui. Le FMI de toute façon perd de l’importance. Il a encore son poids en Bosnie uniquement à cause de l’administration bosnienne très compliquée et ce besoin d’avoir une supervision extérieure. Vous n’avez pas besoin du FMI car la Bosnie-Herzégovine ne rencontre pas de problèmes macroéconomiques. Vous pouvez toujours faire une bêtise et perturber cette stabilité, mais objectivement la Bosnie a besoin du FMI seulement à cause du système constitutionnel compliqué.

D : Vous supervisez actuellement une étude menée par l’Unité pour la planification économique sur les conséquences de la suppression éventuelle du Comité monétaire. Quels sont les résultats ? Est-ce qu’il faut rejoindre un régime monétaire plus flexible ?

VG : Les effets de l’existence du Comité monétaire en Bosnie sont très positifs. Je doute qu’après la guerre un autre régime monétaire ait été possible. Pour savoir si vous pouvez fonctionner sans le Comité monétaire, vous devez savoir si vous possédez une Banque centrale capable de mener une politique monétaire plus active.

D : Estimez-vous que la Banque centrale de Bosnie-Herzégovine soit capable de mener une telle politique ?

VG : Cela serait très difficile en ce moment. Le problème principal, entre autres, réside dans la relation qu’entretiennent la Banque centrale et les agents fiscaux en Bosnie-Herzégovine, car la structure fiscale y est très complexe. Dans un système sans le Comité monétaire, mais où plusieurs centres fiscaux, donc budgets, existent au niveau de l’Etat, de l’entité et du canton, tout le monde pourrait être tenté de se comporter d’une façon plus relâchée, ce qui mettrait en danger le système lui-même.

D : Vous êtes pour la politique du « on ne répare pas ce qui n’est pas cassé ».

VG : L’abandon du Comité monétaire serait très compliqué en ce moment, et à vrai dire je ne vois pas ce que nous obtiendrions par cela. Le Comité monétaire est perçu comme un problème du point de vue de la compétitivité de l’économie bosnienne, alors un taux plus flexible mènerait vers la dévaluation et, par là, vers l’amélioration des exportations. Cela est possible - en théorie. La pratique démontre que la valeur des monnaies de la Croatie, la Serbie, la Roumanie ou de n’importe quel autre pays en transition, augmente et ne baisse pas. À ce que je vois, les exportations de la Bosnie augmentent depuis un certain temps, grâce surtout aux investissements étrangers directs. Vous savez que les investissements étrangers ont une influence forte sur la hausse de la valeur monétaire ; une monnaie plus chère diminue la compétitivité à l’export. Dans cette situation, le Comité monétaire joue en Bosnie-Herzégovine un rôle positif. Il faut suivre le mouvement des salaires. S’il n’y a pas d’inflation des salaires, le Comité monétaire est viable. Il ne garantit pas toujours une inflation faible. Tout dépend de l’afflux d’argent. Si l’afflux d’argent est considérable, et si vous le changez selon un taux fixe, l’inflation peut augmenter, mais pas nécessairement si cela se compense par la hausse de la productivité, et la productivité en Bosnie-Herzégovine est plus forte que dans l’UE, aussi absurde que cela puisse paraître.

D : En tant qu’intellectuel, mais aussi en tant que fils de l’ancien président macédonien Kiro Gligorov, qui a connu de nombreux décideurs politiques actuels de la région, vous êtes en mesure de porter un jugement lucide les concernant. Est-ce que parmi les dirigeants actuels des pays de l’ex-Yougoslavie, vous distingueriez des hommes politiques possédant une force intellectuelle, l’autorité et le talent politiques pour réaliser la vision européenne dans les Balkans occidentaux ?

VG : Je nommerai seulement un homme politique, le président croate Stipe Mesic, qui est un homme sérieux. Tous les autres sont des nationalistes ; cela ne mène à aucun résultat positif, à aucune réflexion progressiste. En Serbie, ils sont tous nationalistes, en Bosnie-Herzégovine dans une certaine mesure, et personne ne possède une idée régionale, une vision.

D : Avec de tels dirigeants, un avenir européen est-il possible ?

VG : Nous avons déjà perdu 15 ans, et selon un scénario optimiste les pays des Balkans pourraient devenir membres de l’UE en 2015. La Croatie un peu plus tôt - en 2010. Tous les pays se sont déjà prononcés, il reste encore la Serbie. Par ailleurs, je ne partage pas l’opinion qui veut faire dépendre l’intégration de la Bosnie à l’UE de la Serbie. Après avoir résolu la question du Statut du Kosovo, la Serbie doit décider si elle veut suivre un chemin européen, avec tout ce que cela implique, ou elle suivra son propre chemin. Certains devront également décider de leur chemin - avec l’Europe et tous les autres, ou avec la Serbie. Cette décision ne dépendra pas exclusivement de la Republika Srpska. Est-ce que la Bosnie-Herzégovine suivra l’Europe dépendra aussi d’autres hommes politiques qui devraient être politiquement plus inventifs, plus flexibles et capables de s’entendre sur une perspective européenne commune. Les hommes politiques en Bosnie attendent encore que les étrangers fassent une partie du travail pour eux, et cela, les étrangers ne peuvent ni ne veulent le faire.

[1] Près de Tuzla sur la ligne de démarcation entre Fédération et Republika Srpska.

 

 

Crimes de guerre : la coopération régionale se renforce 

Traduit par Mandi Gueguen Publié dans la presse : 23 juin 2006

C’est une victoire de la justice dans les Balkans, mais qui n’a pas beaucoup fait parler d’elle : les fonctionnaires de Serbie, de Bosnie et de Croatie sont en train de partager les informations et les preuves dont ils sont en possession. Cela a déjà permis de mener certains procès pour crimes de guerre.

Par Drago Hedl

La presse n’a pas fait grande attention à une rencontre qui a eu lieu à Belgrade, mi-juin, entre les juges pour les crimes de guerre serbes et le procureur général bosniaque. Il s’agit d’un autre signal qui témoigne d’une tendance à une meilleure coopération entre les fonctionnaires serbes, croates et bosniaques, pour traduire en justice ceux qui ont perpétré des crimes lors des conflits des années 1990.

Jusqu’à récemment, un tel travail d’équipe entre ces anciens ennemis aurait été impossible. Dans le passé, les procureurs généraux ont eu du mal à accéder aux archives de guerre des autres États, et les témoins qui se rendaient dans les pays voisins pour témoigner subissaient parfois à la frontière des mauvais traitements ou des humiliations de la part des nationalistes.

Aujourd’hui, en revanche, les observateurs notent que la coopération régionale est devenue un pilier de la justice transitionnelle des Balkans. Une telle coopération entre la Serbie et la Croatie est fondée sur les accords signés en 2001 et en 2005, censés soutenir les efforts déployés à contrer le crime organisé et à punir les crimes de guerre.

Alors que le premier accord définit les principes de base qui gouvernent la coopération entre les deux pays, le deuxième établit une structure plus précise dans le cadre de laquelle évolue la coopération. Dans les termes fixés par ces accords, Zagreb et Belgrade s’engagent à échanger des informations et d’autres documents qui peuvent aider les enquêtes sur les crimes de guerre.

Puisque de nombreux accords régionaux passés ont failli, l’opinion générale accordait peu de crédits à la valeur de ces signes extérieurs de collaboration, qui semblaient destinés à la communauté internationale. Cette impression fut renforcée par les circonstances qui ont mené à la rédaction d’une autre accord-clé entre la Croatie, la Serbie et le Monténégro en 2004, qui prévoyait une coopération directe entre les Parquets respectifs. Dans ce cas, le document a vu le jour lors de la rencontre des experts sur le lac Palic, sous l’œil attentif de l’Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe, l’OSCE.

De premiers résultats en Croatie

Toutefois, malgré les doutes, les fonctionnaires et les observateurs soutiennent aujourd’hui que tout ce travail a donné des résultats notables. « Le but principal de ces accords était d’assurer une coopération rapide et efficace », explique Martina Mihordin, porte-voix du procureur général croate Mladen Bajic. « Ces accords ont permis aux bureaux des procureurs de travailler ensemble. Les résultats que nous avons récoltés jusqu’à maintenant sont extraordinaires, nous communiquons quotidiennement ».

Ce type de coopération a joué un rôle important dans l’enquête croate sur les crimes présumés de guerre commis par les combattants croates contre les Serbes dans la ville d’Osijek en 1991. En novembre dernier, le Procureur du district d’Osijek a pu se rendre à Belgrade pour participer aux audiences convoquées pour recueillir des preuves de témoins qui vivent maintenant en Serbie, preuves qui pourraient être utilisées par les procureurs croates. Les témoins ont déposé devant un juge serbe, mais le procureur d’Osijek a aussi pu leur poser des questions.

« Sans cette coopération, il serait impossible de punir les crimes de guerre », soutien Ivo Josipovic, professeur de droit à l’Université de Zagreb. « On sait que souvent les témoins sont dans un pays et les coupables présumés et les preuves dans un autre. Donc, sans le soutien total de l’autre état, qui comprend l’échange d’informations et l’individuation des témoins, il ne peut y avoir de procès efficace pour les crimes de guerre ».

Cela a clairement été montré dans le procès en cours à la cour départementale de Vukovar contre 17 personnes accusées d’avoir participé à un épisode remontant à octobre 1991, considéré comme une des pires atrocités commises pendant le conflit en Croatie. Certains soldats de l’Armée Populaire Yougoslave, la JNA, sont accusés d’avoir contraint des Croates de Lovas à marcher sur un champ miné, ce qui provoqua 21 morts et 14 blessés.

Le principal accusé, Milos Devetak, et certains autres accusés vivent à l’étranger, et le procès avance péniblement dans leur absence. En outre, les procureurs croates ont été contraints de procéder sans avoir accès aux archives de la JNA, qui se trouvaient en Serbie. Le procès en est à sa quatrième année compromettant sa conclusion si cela continue ainsi.

Mais, l’année dernière certains procureurs serbes pour les crimes de guerre sont intervenus. Un expert près la cour de Vukovar a affirmé à IWPR que leur assistance serait très précieuse. Un porte-voix du Parquet pour les crimes de guerre de Belgrade, Bruno Vekaric, confirme que la coopération est précieuse aussi du point de vue serbe. « La cour pour les crimes de guerre de Belgrade examine actuellement 20 soi-disant « cas régionaux », explique-t-il. Beaucoup résultent de la coopération serbo-croate ».

Il cite pour exemple, les procès dont un extrait vidéo a été rendu public par le Tribunal pour l’ex-Yougoslavie de la Haye (TPIY), l’année dernière, qui semble montrer l’assassinat de six Musulmans bosniaque de Srebenica par des membres de la tristement connue unité paramilitaire des Scorpions. Cela a rendu possible le procès de quelques ex-membres des Scorpions, à Belgrade et à Zagreb. Vekaric note aussi qu’« une coopération très large » concernant les derniers procès en Croatie où des anciens policiers militaires croates ont été jugés coupables de violences à l’égard de détenus de la prison militaire de Lora à Split en 1992. La culpabilité des accusés a été confirmée après que la Court Suprême a annulé la décision précédente, qui les relaxait. Les procès précédents étaient exposés à une série de difficultés graves - résultat de la révision du procès - dont les témoignages manqués des témoins serbes, qui ne sont pas venus témoigner.

Outre la coopération entre Belgrade et Zagreb, les fonctionnaires serbes et croates ont aussi établi de bons rapports avec le bureau du procureur public à Sarajevo, comme l’ont confirmé les représentants de la magistrature des trois pays.

Selon un rapport de l’Associated Press sur la rencontre, tenue la semaine dernière, entre le procureur pour les crimes de guerre serbe, Vojislav Vukcevic et le procureur d’état bosniaque Marinko Jurcevic, les deux s’accordent sur le fait que la coopération concernant les crimes de guerre revêt d’une importance cruciale. Le bureau de Vukcevic soutien semble-t-il que Jurcevic s’est dit satisfait des efforts déployés pour travailler ensemble sur les cas « à risque élevé » soit à Belgrade qu’à Sarajevo.

Satisfaction au TPI

Le porte-parole de l’accusation au TPI, Anton Nikiforov, a confirmé que la coopération a été améliorée ces dernières années et a atteint un niveau qui « selon nous est très bonne ». « C’est en partie grâce à nous », a-t-il ajouté, en expliquant que les fonctionnaires du Tribunal de la Haye incitent depuis longtemps à augmenter la coopération, invitant les fonctionnaires des pays de l’ex-Yougoslavie à des forums variés. Il y a deux ans, ces derniers étaient invités à s’aider mutuellement à l’extérieur du tribunal. Toutefois, Nikiforov reconnaît qu’il reste encore des problèmes à résoudre en ce sens, comme par exemple le refus de la part de la Serbie et de la Croatie en particulier à extrader les citoyens suspectés de crimes de guerre vers les pays voisins, où ils seraient traduits devant la justice.

« Nous craignons qu’il ne reste des cas irrésolus si les mesures adéquates n’étaient pas prises », a-t-il affirmé en ajoutant qu’une éventuelle solution en situations similaires consiste à transférer le matériel nécessaire au pays dont l’individu en question est citoyen, de manière à ce que son procès y soit instruit.

La coopération entre États dans le domaine de la justice dans les Balkans ne se limite pas au partage des informations et des preuves à niveau officiel. L’année dernière, à Belgrade ont eu lieu les procès de nombreux individus impliqués au massacre des personnes enlevées à l’hôpital de Vukovar par les troupes de la JNA, en novembre 1992. Grâce aux efforts communs des ONG serbes et croates, les parents des victimes ont réussi à rejoindre Belgrade pour être présents au procès. Avec un geste apprécié par la Croatie, le Fond légal humanitaire de Belgrade a remboursé leur voyage.

De plus, deux groupes de journalistes serbes se sont rendus en Croatie en mai et en juin de cette année pour visiter les bureaux du procurateur public et les Cours locales, comme celles de Vukovar et de Split, où se tiennent les procès des crimes de guerre. Le but de ces visites, dont un financé par l’OSCE, l’autre par l’ambassade américaine en Croatie, était de montrer aux journalistes la manière dont évolue le processus de justice transitionnelle de l’autre côté de la frontière. Cet automne, à nouveau grâce au soutien de l’OSCE, certains journalistes croates feront un voyage semblable en Serbie.

 

Les féministes de Serbie et du Kosovo s’unissent

Traduit par Persa Aligrudic 

Publié dans la presse : 3 juin 2006

C’est une première. Le Réseau des femmes kosovares et les Femmes en noir de Serbie se sont unies, pour former une Coalition pacifiste féministe, qui entend peser dans le processus de négociations sur le statut du Kosovo. Elle rappelle la résolution 1325 des Nations Unies sur la place des femmes dans les processus post-conflictuels, et elle entend même lancer des négociations parallèles.

Par Jelena Bjelica

La Coalition pacifiste féministe vient de publier son premier communiqué, à propos des négociations sur la protection du patrimoine culturel. Le communiqué souligne entre autres que les autorités de Serbie et du Kosovo ont passé sous silence la Résolution 1325 du Conseil de sécurité des Nations Unies, laquelle invite les gouvernements à impliquer un plus grand nombre de femmes dans les processus politiques post-conflictuels, et que la Coalition pacifiste féminine qui vient de se former a décidé de tenir des négociations parallèles.

C’est la première fois, ces quinze dernières années d’activisme féminin sur le territoire de l’ex-Yougoslavie, qu’une coalition a été officiellement formée entre deux importantes organisations de Serbie et du Kosovo. Il y a eu bien sûr à plusieurs reprises, durant toutes ces années, solidarité exprimée entre les femmes du Kosovo et de Serbie, mais jamais il n’y a eu une si puissante collaboration institutionnelle.

Qu’exige la Coalition pacifiste féminine dans les négociations sur le statut du Kosovo ?

Le respect de la Résolution 1325 du CS ONU « Les femmes, la paix, la sécurité » ; La participation des femmes aux négociations sur le statut du Kosovo ; La reconnaissance et le respect des initiatives pacifiques féminines liées aux négociations sur le statut du Kosovo ; Le suivi des négociations pacifiques sous forme d’évaluation par les réseaux pacifistes féminins (de Serbie et du Kosovo) ; Le soutien des réseaux internationaux des femmes à sa plate-forme ; La reconnaissance et le respect de la part des acteurs importants de la communauté internationale, non pas comme des « compléments » ou des « ornements » dans les négociations, mais comme un acteur extrêmement important dans le processus de paix et des négociations pacifiques.

La série de réunions qui s’est tenue entre les Femmes en noir de Serbie et le Réseau des femmes kosovares a débouché sur une initiative civile indépendante fondée sur la solidarité féminine. La coordinatrice du Réseau des femmes kosovares, Igbala Rogova et les représentantes des Femmes en noir Stasa Zajovic, Jovana Vukovic et Vera Markovic, se sont rencontrées au début du mois de mars 2006 à Belgrade dans le cadre d’une réunion régionale de la fondation suédoise Kvinna till Kvinna, afin de discuter de la situation politique en Serbie, de la sécurité, de la paix dans la région et de la participation des femmes dans ce processus.

À cette occasion, elles se sont entretenues de leur future collaboration : réunions communes, tables rondes, compréhension féministe de enjeux de sécurité, participation des femmes à la construction de la paix et dans les processus pacifiques, organisation de négociations parallèles des femmes lors desquelles seront commentées et critiquées les positions et les conclusions officielles (serbes et kosovares) des équipes de négociations.

Des négociations parallèles

Un mois et demi plus tard, le 23 mai, ces deux organisations ont publié leur premier communiqué sous le nom commun de Coalition pacifiste féministe, à propos des négociations sur la protection du patrimoine culturel. Le communiqué annonce que les autorités de Serbie et du Kosovo n’ont pas tenu compte de la Résolution 1325 du Conseil de Sécurité des Nations Unies, invitant les gouvernements à inclure un plus grand nombre de femmes dans les processus politiques post-conflictuels, et que cette nouvelle Coalition des femmes a décidé de tenir des négociations parallèles et de faire des recommandations relatives à tous les sujets de discussions menées à Vienne.

Bien que la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination contre les femmes soit un document juridique rafitié par la majorité des pays membres des Nations Unies, la Résolution 1325 représente le premier document juridique obligatoire concernant la participation des femmes dans les questions pacifiques et sécuritaires. Elle a été adoptée à l’unanimité le 31 octobre 2000 par le Conseil de Sécurité des Nations Unies, et elle souligne surtout l’importance de la participation des femmes dans les processus pacifiques, ainsi que la protection des femmes dans les régions de crise et de guerre contre la violence, surtout la violence sexuelle, ainsi que l’intégration de ces perspectives dans les mécanismes d’application des accords pacifiques.

La Coalition pacifiste féministe propose d’exclure de la politique les monuments culturels et religieux, et d’inclure dans les négociations toutes les communautés vivant à proximité de ces monuments, de fonder une organisation professionnelle, indépendante pour la protection des monuments, ainsi que d’impliquer les citoyens du Kosovo dans la protection du patrimoine culturel à travers des débats, discussions et réunions publiques. La Coalition pacifiste féministe souligne dans son premier communiqué officiel que les « églises, les cathédrales, les minarets et les autres édifices sont liés au patrimoine culturel et à l’histoire de tous les groupes ethniques », et que « c’est la raison pour laquelle tous les groupes ethniques ont le droit de les partager, de les conserver et de les protéger ».

Les femmes, actrices de la paix

Il est vrai qu’au niveau international, les femmes ne sont visibles pratiquement que comme des victimes de la guerre, comme des objets passifs du nationalisme et du militarisme. En tant qu’actrices de la paix, en tant que promotrices d’initiatives pacifiques, elles sont quasiment invisibles. Cela est confirmé par la composition des missions de paix partout dans le monde et, bien sûr, au Kosovo. Il n’y a pas de femmes dans les hautes sphères de décision de la MINUK, de la KFOR, de l’OSCE et des autres institutions internationales. Dans les négociations sur le statut du Kosovo, les femmes sont présentes seulement comme « décoration » : on ne compte qu’une seule femme dans les deux délégations. Ce fait, avec la montée des résistances nationalistes aux négociations, rend ces négociations de paix encore plus incertaines et fragiles.

« Les groupes de femmes qui ont entretenu ces dernières années des contacts avec les groupes du Kosovo sont ceux qui doivent être consultés lors des négociations, mais il y a le danger que les entretiens alternatifs qui sont menés tout le temps entre les groupes féministes de Serbie et du Kosovo ne deviennent des indices de parallèlisme des négociations sociales », avertit Borka Pavicevic, directrice du Centre pour la décontamination culturelle de Belgrade. Elle ajoute qu’il est indispensable que le voie de la société civile et le voie des États se rencontrent, se reconnaissent, se respectent et soient productifs.

« Les porteurs de changements au Kosovo étaient les femmes, elles se sont émancipées à travers une vraie révolution. Naturellement, il faut que les femmes soient inclues des deux côtés, ce qui n’est pas le cas lorsqu’on en vient à la politique. Toute la région est polluée par le machisme et les constructions abusives. C’est le signe d’une fermeture des sociétés, l’annonce de ce à quoi elles vont ressembler. Les femmes possèdent un instinct pour les phases de changement, car la question centrale est : comment allons-nous vivre, comment la société sera-t-elle organisée ? Les femmes, dans les équipes de négociation, doivent représenter les intérêts des citoyens, de la population. Il faut affronter la réalité et la virtualité, le réel et la mythologie » conclut Borka Pavicevic.

Plate-forme de la Coalition pacifique féminine

Les droits de la personne humaine, et en particulier ceux des femmes, la qualité de la vie de l’individu, doivent être au-dessus du territoire et des frontières. Le droit à l’autodétermination pour nous les femmes, sous-entend le contrôle sur notre propre vie, notre corps, notre esprit ; le droit à l’intégrité et à l’autonomie (économique, politique, morale, émotionnelle, sexuelle). Comme femmes activistes de la société civile, féministes et pacifistes, nous soutenons le droit à l’autodétermination qui sous-entend un plus grand degré de liberté et de droits de toutes les citoyennes et des citoyens, nous soutenons le droit à l’autodétermination qui rejette toute forme d’homogénisation et d’exclusion ethnique. Nous nous engageons de façon résolue pour la séparation de l’Église et de l’État, ce qui signifie que les communautés religieuses ne peuvent pas prendre des décisions sur les questions étatiques, les systèmes d’éducation ou de santé. Le droit à l’autodétermination ne doit menacer aucun droit acquis jusqu'à présent. Le droit commun qui menace le plus les droits de la femme, ne doit pas être réhabilité sous prétexte de préserver « l’identité culturelle », indépendamment du fait qu’il s’agisse de communautés religieuses majoritaires ou minoritaires.

Les droits de la personne humaine, surtout ceux des femmes, sont au-dessus de la souveraineté des États : tous les pays signataires des documents internationaux sur les droits de la personne humaine doivent en premier lieu soutenir les intérêts des citoyennes et des citoyens, et non pas ceux de l’État ;

La sécurité des personnes est au-dessus de la souveraineté de l’État : cela signifie la sécurité des citoyennes et des citoyens (économique, politique, personnelle, sanitaire, etc.), le respect des droits humains, surtout ceux des femmes ; la sanction de toutes les formes de violence contre les femmes, tant sur le plan privé que public ; la démilitarisation de la société. La sécurité des personnes sous-entend une pleine collaboration avec le Tribunal de La Haye, la condamnation de tous ceux qui ont commis des crimes de guerre sur les territoires de l’ex-Yougoslavie, et l’exigence que tous ceux qui ont commis des crimes, d’abord en notre nom et en celui de tous les autres, en assument la responsabilité.

Le droit et l’obligation pour nous de participer aux processus pacifiques, d’influencer les négociations pacifiques : en tant que femmes, nous payons le prix le plus cher de la guerre, du militarisme et de toutes les formes de violence. En tant que citoyennes, nous avons le droit d’exiger que le pays dans lequel nous vivons et la communauté internationale fassent état de la manière dont les fonds sont dépensés : il s’agit de l’argent de tous les citoyens/citoyennes et nous avons le droit et l’obligation d’exiger qu’il soit investi dans la paix, le développement et le bien-être et non pas dans la guerre. Nous exigeons de tous les acteurs importants de la communauté internationale qu’ils considèrent les droits des femmes comme une question internationale essentielle, et qu’ils nous reconnaissent et nous respectent en tant qu’actrices de la paix.

 

Croatie : a-t-on besoin d’une Commission Vérité ? 

Traduit par Caroline Target Publié dans la presse : 19 avril 2006

La polémique en Bosnie sur la nécessité de créer une Commission « Vérité et réconciliation » a initié un débat comparable en Croatie. Comment juger les opérations de reconquête des régions de Croatie occupées par les sécessionistes serbes ? Comment apprécier le rôle joué par la Croatie durant la guerre de Bosnie ? Certains pensent qu’il faudrait une commission régionale pour connaître la vérité sur les guerres de la décennie passée.

Par Drago Hedl

Les discussions se tenant actuellement en Bosnie à propos de la pertinence de la mise en place d’une Commission « Vérité et réconciliation », et le fait qu’un tel organisme existe déjà en Serbie Monténégro, ont stimulé des idées analogues en Croatie. En effet, l’histoire récente de ce pays a également traversé une période de troubles qui a eu de profondes conséquences sur sa société, et par-dessus tout relations sur les rentre la majorité croate et la minorité serbe. Cette idée de mettre en place une commission ne vient pas directement du gouvernement, mais circule exclusivement parmi les organisations non gouvernementales et les médias. Il n’existe nulle part encore de consensus unanime.

Le fait qu’il y ait en Croatie des problèmes pouvant nécessiter une telle commission est plus ou moins admis de tous. Le scepticisme se porte plutôt sur la question de l’efficacité de cette commission à résoudre de tels problèmes. En Croatie, par exemple, il n’existe toujours pas de vision unique de l’histoire récente. Ainsi, les Serbes de Croatie ne nient pas le caractère de « lutte de libération » de l’action militaire « Oluja » (Tempête) qui libéra Knin et sa région en 1995. Par contre, ils désirent que dans l’évaluation de cette action l’on établisse le fait que des crimes de guerre y aient été commis contre les Serbes. Ce n’est seulement que l’année dernière, lors du dixième anniversaire de « Tempête », que l’on a reconnu, pour la première fois, et bien que timidement, cette vision des faits. Jusqu’alors, on ne parlait de l’opération « Tempête » qu’en termes de « brillante victoire militaire ».

La situation est similaire quant à l’interprétation du rôle de la Croatie dans la guerre en Bosnie. Sous Tudjman, la Croatie n’avait officiellement pas participé à la guerre en Bosnie. Ensuite, les comportements ont évolué et certains politiciens de l’opposition en arrivent même à affirmer qu’« en Bosnie la Croatie a été un agresseur ». Dans le même ordre d’idée, le Tribunal de la Haye est encore perçu par bon nombre de gens en Croatie comme « anti-croate », puisque, affirment-ils, seuls les Croates y seraient jugés. L’exemple du général Ante Gotovina est également emblématique : pour la majeure partie des Croates, le général reste un héros et non un possible criminel de guerre. Et des exemples de ce genre, il en existe encore une multitude.

La pacifiste de Zagreb Vesna Terselic, directrice du centre Documenta qui s’occupe de d’étudier le passé récent, affirme que ces commissions ne prennent sens que lorsqu’elles sont précédées d’un vaste débat public. Il est particulièrement important, rappelle-t-elle, d’inclure dans ces discussions les victimes et les survivants qui doivent pouvoir s’exprimer sur la valeur que représente à leurs yeux une commission de ce genre. « C’est important de parler des souffrances, de ce qui est arrivé vraiment et de tout ce que les gens ont vécu, dit Vesna Terselic. Ces décisions ne peuvent être prisent à l’insu des organisations de victimes et de survivants. Il faut avant tout leur demander ce qu’ils en pensent, pour qu’une discussion publique sur les possibles avantages et désavantages d’une telle commission devienne alors possible ».

Andjelko Miloradovic, directeur du Centre de recherches politiques de Zagreb, reste assez sceptique sur les résultats qu’une Commission « Vérité et réconciliation » pourrait obtenir : « Une commission ne résoudra rien en elle-même. L’important est de favoriser un climat politique de réconciliation, basé sur la tolérance et le respect. S’il s’agit seulement d’un acte symbolique, cela pourrait être accepté, quant à rendre cet acte efficace, c’est une autre histoire. Je ne crois pas dans la force d’une telle démarche, mais je crois qu’il serait pourtant bien de la développer. C’est donc là que la question se pose : si la mise en place d’une commission n’est pas un acte fort, alors à quoi sert-il ? »

Marinko Culic, journaliste à l’hebdomadaire Feral Tribune, ne saisit pas non plus le sens de la création d’une Commission « Vérité et réconciliation », en particulier si elle est imposée par la politique officielle. « Si un travail du genre est conduit par l’Etat ou l’historiographie officielle, alors nous ne recevrons que le recyclage de vérités historiques uniformes déjà existantes. En Bosnie, cela serait terrible, parce que nous obtiendrions ainsi la simple somme mécanique des trois vérités historiques : la bosniaque, la serbe et la croate. En Croatie, ce serait sensiblement le même schéma, puisqu’il existe deux vérités : la croate et la serbe. » Culic croit qu’un travail de ce genre devrait être entrepris à la fois par les organisations non gouvernementales et les médias. Selon lui, ce n’est qu’ainsi qu’il pourrait véritablement prendre sens.

Marinko Culic a été l’un des critiques les plus féroces des idées du défunt président Franjo Tudjman, lequel, vers le milieu des années 90, avait abordé l’idée de la réconciliation. Mais à sa façon. Tudjman était en faveur d’une réconciliation « entre tous les Croates » et s’était même engagé à construire un monument unique pour tous les Croates ayant combattu dans l’histoire sous divers drapeaux. Y étaient donc probablement compris les Partisans croates comme les Oustachis. Ces derniers, durant la seconde guerre mondiale, combattaient dans la coalition antifasciste, c’est à dire dans la structure de l’alliance nazie d’Hitler. Marinko Culic condamna fortement cette idée, la définissant comme un « mélange d’os » des criminels et des victimes, motif pour lequel Tudjman intenta un procès à son encontre. Culic fut menacé de prison, mais le procès, qui se prolongea jusqu’à la mort de Tudjman, fut ensuite suspendu.

L’idée de créer une Commission « Vérité et réconciliation », comme ce fut le cas dans plusieurs États ayant traversé des périodes traumatisantes de conflits armés ou de guerre civile -comme l’Afrique du Sud ou la Sierra Leone, par exemple- n’aurait de sens que si elle reposait sur des bases régionales, croient certains pacifistes en Croatie, comme Vesna Terselic. « Il y a quatre ans, nous avons évoqué l’idée de créer une Commission « Vérité et réconciliation » en Croatie, explique Vesna Terselic, mais nous étions alors d’accord sur le fait que ce n’était pas encore le moment adéquat pour la Croatie. Cela ne signifie pas que le moment ne serait pas venu après quelques années. Je crois que cela vaut la peine de penser à un organisme qui permettrait, à un niveau régional, de parler des événements de guerre. Parce que l’on ne pourra arriver à connaître la pleine vérité -que ce soit sur la base des faits ou des propos recueillis- de l’action « Tempête » en ne tenant compte que de ce qui vient de Croatie. Il est très important d’écouter également les voix de l’autre côté de la guerre et les voix des gens qui vivent aujourd’hui en Serbie. Et cela ne pourra être possible que s’il existe un organisme régional ».

 

Jutarnji List Balkans :

 l’UE exige la création d’une zone de libre échange unifiée 

Traduit par Ursula Burger Oesch 

Publié dans la presse : 28 janvier 2006

Evoquée depuis des années lors de discussions informelles, l’idée de la création d’une zone commerciale unifiée des Balkans est devenue il y a peu une proposition officielle de la Commission européenne. La même idée figure également dans le document rédigé par la Commission européenne qui fait office de proposition annexée à l’Agenda de Thessalonique. Enquêtes et analyse.

Par A.Palokaj et S.Simic

A l’heure actuelle, il existe une pléthore d’accords bilatéraux sur le libre échange des biens entre les pays des Balkans de l’Ouest. Il y en a une trentaine, mais qui doivent être remplacés par un accord unique sur la création d’une zone unifiée de libre échange, a affirmé à Bruxelles Olli Rehn, commissaire en charge de l’élargissement de l’Union européenne. L’idée d’un tel accord est évoquée depuis longtemps au sein du Pacte de Stabilité pour l’Europe du Sud-Est. Son grand défenseur est l’ancien Premier ministre suédois Carl Bild, rejoint ces derniers temps par Erhard Busek, le Coordinateur du Pacte. Il semble que M. Busek a même réussi à obtenir un soutien à cette idée de la part de la présidence autrichienne de l’UE.

Une opposition de la Croatie

L’idée de création d’une zone balkanique de libre échange existe depuis 1999. Cependant, la Croatie s’y est opposée depuis toujours, de peur que l’opinion publique croate ne la prenne pour une tentative de création de nouvelles intégrations balkaniques. C’est ainsi qu’à l’époque naquit l’idée de la création d’accords communs de libéralisation du commerce entre tous les pays de la région. A présent, l’Union européenne demande le remplacement des ces accords par un accord unique. Le document publié le 27 janvier par la Commission européenne rend compte qu’à l’occasion de la réunion de leurs ministres du Commerce en juin 2005 à Sofia, les pays de l’Europe du Sud-Est avaient déjà lancé une discussion sur la possible intégration de ces accords dans un document unique, lequel aurait dû être signé au milieu de cette année et serait entré en vigueur au début de l’année 2007.

Boris Vujcic, vice-gouverneur de la Banque Nationale Croate, insiste sur la séparation de la question de l’augmentation du commerce de celle de la création d’un nouvel accord unique. « L’augmentation actuelle du commerce dans la région démontre que le cadre présent est stimulant pour le développement du libre échange », affirme-t-il. Trente-et-un accords de libre échange sont signés dans la région, grâce à quoi le commerce augmente chaque année de 50%, voire davantage dans certains cas, notamment dans ceux de la Croatie et de la Serbie-et-Monténégro. L’essentiel est de vérifier si l’accord en question est censé réunir tous les accords préexistants ou s’il s’agit d’un document entièrement redessiné.

A la question de Jutarnji List de savoir si la création d’une telle zone est nécessaire lorsqu’on sait que le commerce est de toute façon déjà libre, Olli Rehn affirme ne pas être d’accord avec la constatation selon laquelle le niveau actuel de commerce est suffisant et souligne que celui-ci serait encore plus important si un accord unique existait. L’UE prépare également la création d’une zone de « cumulation diagonale » de provenance entre l’UE et les pays qui ont déjà signé des accords avec l’UE ; ce qui est pour l’instant le cas de la Croatie et de la Macédoine. Vincent Degert, chef de la Délégation de la Commission européenne à Zagreb, explique que les autres pays pourront s’attendre au même traitement à partir du moment où ils auront signé leurs Accords de Stabilisation et d’Association. « La cumulation diagonale de provenance est un mécanisme très important et utile aussi bien pour la Croatie que pour les autres pays de la région. Elle fera avancer le commerce intrarégional mais aussi celui de la région avec l’UE. Pour nous, ceci est d’un intérêt majeur car l’UE représente notre principal marché », affirme Boris Vujcic.

Substitut à l’adhésion à l’Union européenne ?

A la question de savoir comment convaincre les citoyens croates que cette zone balkanique de libre échange ne représente pas un substitut de moyen terme à l’adhésion à l’UE, le responsable Olli Rehn prétend que « la Croatie ne devrait pas percevoir ceci comme une option soit-soit ». « Ayant adhéré à Europe, après avoir rempli tous les critères nécessaires, à l’instar de tous les autres pays membres, la Croatie fera partie du marché unique de l’Union », a confirmé M. Rehn, en rajoutant quand même que « le gouvernement croate est conscient du fait qu’en signant l’Accord de Stabilisation et d’Association avec l’UE, il a accepté la coopération régionale comme une des conditions de l’adhésion à l’UE ». La nouvelle proposition de l’UE contient également plusieurs propositions sur la facilitation de la libre circulation des personnes. Ce point cependant ne concerne pas la Croatie mais les pays dont les citoyens ont besoin de visa pour voyager dans l’Union européenne.

 

Zarez
Serbie - Croatie : grandir avec la langue de la haine
Traduit par Ursula Burger Oesch
Publié dans la presse : 26 janvier 2006
 

Une décennie après la guerre, la langue de la haine a-t-elle disparu sur le territoire de l’ex-Yougoslavie et quelles sont les chances pour que la communication entre les peuples récemment engagés dans une guerre se normalise ? Rencontre entre Ivica Djikic, écrivain et journaliste de Zagreb, et Nenad Prokic, professeur à la Faculté des arts dramatiques de Belgrade, pour Radio Free Europe.

Propos recueillis par Omer Karabeg

Omer Karabeg (OK) : Monsieur Prokic, peut-on toujours entendre en Serbie les cris de haine qui prédominaient dans les années 1990 ?

Nenad Prokic (NP) : Oui. Un écho de tout cela existe toujours, puisque les gens sont les mêmes. Ces mêmes gens qui à l’époque étaient derrière la politique de guerre sont toujours actifs sur la scène politique serbe. Les forces et les ressources dont ils disposent sont nettement moins importantes, ce qui fait qu’ils ne peuvent plus créer de problèmes dans la région. Cependant, ils peuvent toujours placer leurs discours en Serbie.

Ivica Djikic (IDj) : En Croatie, la langue de la haine et l’incitation à la haine ne sont plus sponsorisées par l’État, qui ne les stimule plus comme c’était le cas dans les années 1990. Même les partis les plus rigides de l’extrême droite, qui basaient à l’époque leur existence et leurs programmes politiques sur la haine, le chauvinisme et la xénophobie de tout genre, essaient aujourd’hui de s’approcher des valeurs européennes. Leurs dirigeants vont en Israël, présentent des excuses aux Juifs pour le camp de Jasenovac, mais ils ne le font pas par véritable besoin intérieur. Ils le font pour qu’un jour, sans que l’Europe ne s’y oppose, ils puissent accéder au pouvoir.

Une fausse légitimation démocratique

OK : Comment se sentent aujourd’hui à Belgrade et en Serbie un Croate, un Bosniaque ou un Albanais ? Sont-ils des citoyens égaux ou des citoyens de deuxième rang ?

NP : Leur position est meilleure qu’à l’époque, mais ils ne sont pas intégrés dans la société civile. Ils ont leurs associations, leurs partis et, à travers eux, ils essaient de réaliser leurs droits ; mais il s’agit de facto d’enclaves. Les blessures de la guerre sont encore fraîches. Le Serbe en Croatie et le Croate en Serbie ne sont pas dans la même position. Il y a quelques petites améliorations, mais c’est globalement un échec.

OK : Les Serbes sont-ils des citoyens égaux en Croatie ?

IDj : Le fait est que, par exemple, le Parti autonome démocratique serbe (SDSS) fait partie intégrante de la coalition au pouvoir en Croatie. Les Serbes donc participent au plus haut niveau du pouvoir étatique. Il est de même pour les Bosniaques. Semso Tankovic, représentant de la minorité bosniaque à l’Assemblé nationale croate, a également signé un accord de coalition avec le HDZ de Sanader. Quand il s’agit donc de ces deux groupes nationaux, l’un comme l’autre, ils sont aujourd’hui présents au pouvoir d’un point de vue pratique. Même si, peut-être, cela peut sembler paradoxal et absurde, ils participent vraiment à la coalition dirigée par le HDZ et Ivo Sanader. Cependant...

OK : En Serbie aussi, les Bosniaques du Sandzak participent à la coalition au pouvoir. Il semble que les directions politiques collaborent bien. Mais comment se sentent les gens moyens ?

IDj : Vous m’avez coupé la parole quand je voulais continuer par dire “ cependant ”. Je suppose qu’en Serbie aussi les Bosniaques du Sandzak participent au pouvoir pour que le gouvernement, comme c’est le cas de celui de Sanader, puisse afficher une légitimation faussement démocratique devant la communauté internationale. La vie d’un Serbe retourné à Donji Lapac ou à Knin n’a sûrement pas, ou très peu de rapport avec le fait que le parti qui les représente formellement soit dans la coalition au pouvoir. La vie de ces gens reste parsemée d’angoisses.

OK : Les pères de la nation sombrent-ils dans l’oubli ? Quelle est la perception de Tudjman aujourd’hui en Croatie ? Est-il toujours considéré comme père de la nation ?

IDj : Je ne peux me baser ici que sur mes propres impressions. Récemment, à l’occasion de la Fête des morts, la tombe de Franjo Tudjman à Mirogoj, le cimetière de Zagreb, a été visitée par plusieurs milliers de personnes qui allumaient les bougies et lui rendaient hommage. C’était ce jour-là, la tombe de loin la plus visitée de Zagreb. Je ne sais pas si cela dit quelque chose. Je pense que les sentiments des citoyens ordinaires envers Tudjman restent partagés, qu’ils restent les mêmes ou pour la plupart les mêmes qu’à l’époque des années quatre-vingt-dix. Ceux qui à l’époque avaient voté pour lui continuent à le considérer aujourd’hui encore comme père de la nation, comme l’homme qui a créé la Croatie, comme un homme irréprochable. Ceux qui ne l’aimaient pas à l’époque ne l’aiment pas aujourd’hui non plus. Mais je pense que depuis cinq - six ans depuis qu’il est décédé, les sentiments envers Tudjman ont dû ternir, diminuer, car les citoyens croates ont des problèmes et des soucis bien plus importants que d’examiner le rôle historique de Franjo Tudjman dans la création de l’Etat croate.

OK : Monsieur Prokic, quelle est aujourd’hui l’attitude en Serbie vis-à-vis de Milosevic ?

NP : Je pense qu’il est oublié, qu’on s’est dépêché de l’oublier. Seuls de petits groupes de gens continuent à le défendre à tue-tête, alors que ceux qui l’ont inventé et soutenu l’ont laissé tomber. Je dois répéter que le plus grand et peut-être le seul consensus dans l’histoire serbe était celui autour de Milosevic au début des années quatre-vingt-dix, quand une majorité presque absolue de tous les citoyens, pratiquement le pays entier et la société entière, excepté un petit groupe de gens, donnaient leur soutien à Milosevic. Il existe une tendance à oublier le plus vite possible ce consensus.

Les chansons oustachies

OK : La propagande de guerre et les stéréotypes négatifs sur les peuples voisins, qui prédominaient cette dernière décennie dans les manuels scolaires, à quel point ont-ils marqué la jeune génération ?

NP : Cela reste à voir. Parmi mes étudiants, je crois que cela n’a pas laissé beaucoup de traces, mais il s’agit d’un cercle restreint de gens. Je pense que la situation sur le terrain est nettement plus grave, car les jeunes ont grandi avec la langue de la haine, en entendant les stéréotypes sur les Slovènes et les Croates qui étaient comme ceci, les Bosniaques ou les Musulmans, comme cela. À chaque fois que j’ai l’occasion de parler aux jeunes, je commence mon discours par “ les Musulmans sont nos frères ” ou “ les Croates sont nos frères ”, après quoi je peux lire le choc sur les visages de ces êtres qui ont grandi avec le discours de la haine.

OK : A quel point la langue de la haine a-t-elle laissé des traces sur les jeunes gens en Croatie ?

IDj : Si on en juge déjà par ce qu’on peut voir de loin, je dirais que le discours de la haine a laissé pas mal de traces sur les jeunes gens. Ce phénomène peut être facilement observable lors des matchs de foot organisés en Croatie auxquels participent les équipes de Serbie et Monténégro, ou bien quand le club de foot de Rijeka engage un gardien de Serbie. Et on sait que les supporteurs sont en général les jeunes âgés de 17 à 25 ans. Leur position par rapport aux Serbes a été formée dans les années quatre-vingt-dix quand, au travers des médias, des manuels scolaires ainsi que dans la politique officielle, on persuadait systématiquement les Croates que les Serbes étaient nos ennemis, que nous ne pouvions aucunement vivre en paix avec eux. Tout récemment, l’un des participants d’un fameux reality show, un garçon de 24 ou 25 ans, s’est mis à hurler devant les caméras à trois heures du matin l’une des chansons de Marko Perkovic Thompson dont les paroles sont les suivantes “ Jasenovac et Gradiska Stara - c’est la maison des boucher de Maks ” (Jasenovac i Gradiska Stara - to je kuca Maksovih mesara). Je pense qu’il a hurlé ceci devant les caméras parce que personne ne lui avait jamais dit que ce n’était pas bien, que le message de cette chanson était affreux. Ni ses parents, ni à l’école, ni dans un bar, personne ne le lui a jamais dit. Il est persuadé que ce qu’il a chanté représente un comportement désirable dans ce pays.

La Croatie, le pays le plus important pour la Serbie

OK : Existe-il en Serbie, auprès d’une opinion publique large, un intérêt pour ce qui se passe en Croatie, Bosnie, Monténégro, Macédoine ou Slovénie ?

NP : Oui, absolument, cet intérêt existe. Les gens ne s’intéressent peut-être pas trop parce qu’ils sont fracassés par leurs propres soucis de survie, car ici, pour survivre, tout le monde a trois, quatre travail à la fois et n’a pas de temps pour quoi que ce soit d’autre. Mais en tout cas, je pense que pour les Serbes, qu’ils le veuillent ou non, la Croatie représente le pays le plus important au monde, non seulement à cause des liens culturels, de la langue plus ou moins la même et de la position géographique : pour la Serbie, tous les chemins vers l’Europe, même physiquement parlant, mènent et passent par la Croatie. La qualité des rapports avec la Croatie représente d’une certaine façon un paramètre pour les relations de la Serbie avec le monde. Plus les rapports avec la Croatie sont bons, plus les relations avec le monde seront harmonieuses.

OK : Existe-t-il en Croatie un intérêt pour ce qui se passe en Serbie, Bosnie, Monténégro, Macédoine, Slavonie ? Les gens se comparent-ils à leurs ex-concitoyens ?

IDj : Cette comparaison est surtout présente dans la propagande étatique, du type - voilà comment on vit en Croatie, et voyez maintenant comment on vit en Serbie, où le salaire moyen est de 300 euros, ou encore, comment vivent les gens en Bosnie et Herzégovine, où la retraite moyenne ne dépasse pas 100 KM (50 euros). La forme la plus répandue de comparaison avec les voisins est donc d’insister sur le fait qu’ils vivent mal, et que nous, grâce à notre gouvernement intelligent, nous vivons bien. En parlant de cela, on oublie, bien entendu, de mentionner la Slovénie où l’on vit beaucoup mieux qu’en Croatie. La Slovénie n’est pas mentionnée dans ce contexte-là, cela ne nous intéresse pas, ce qui nous intéresse uniquement, ce sont ceux qui vivent moins bien que nous, pour convaincre nos citoyens qu’ils vivent bien. Sinon, je pense que les citoyens lambda ne s’intéressent pas trop à ce qui se passe en Serbie et au Monténégro, je pense que seul un cercle restreint de gens éduqués suit ce qui se passe dans les pays voisins, alors que les masses, elles ne sauraient pas dire qui est aujourd’hui au pouvoir en Serbie, et encore moins en Bosnie, vu la complexité de leur système politique. Je crois que, grâce à la politique étatique des dernières années, les Croates ont développé un sentiment de distance envers la Bosnie ainsi qu’envers la Serbie. Quand on dit à quelqu’un en Croatie qu’il se comporte comme un Balkanique, c’est pour lui une insulte. Cette perception des Balkans comme de quelque chose d’entièrement négatif, que les Croates veulent fuir en s’échappant en Europe, reste, je dois dire, aussi forte qu’à l’époque de Franjo Tudjman. Cette façon d’insister sur la prise de distance croate par rapport à ces voisins les plus proches - la Bosnie et Herzégovine et la Serbie et Monténégro, a donc marché. Je suis cependant d’accord avec Nenad Prokic, quand il dit que la Croatie représente le pays le plus important pour la Serbie, et je considère que la Serbie et la Bosnie et Herzégovine sont également les pays les plus importants pour la Croatie.

Les médias triviaux et la pourriture de la culture

OK : Est-ce que les gens s’intéressent plus, par exemple, à ce qui se passe aux Etats-Unis, en Allemagne, en France ou en Argentine, qu’en Serbie ou en Bosnie ?

IDj : Je ne sais pas si ça va sembler trop rude si je dis que les citoyens moyens en Croatie s’intéressent à bien peu de choses. Ils ne pensent pas à grand-chose, rien ne les intéresse si ce n’est leur propre vie ou l’illusion d’une vie heureuse, couronnée de richesse. L’image de ce monde virtuel et imaginaire dont ils rêvent leur est proposée par une masse de plus en plus important de chaînes télévisées et de journaux multicolores aux tirages énormes. Je suis peut-être trop rude, mais j’ai l’impression que nous tous, sur le territoire de cette langue qui est la nôtre, nous vivons depuis ces dernières quelques années, sous la terreur de contenus triviaux médiatiques. Tout se résume à la vente de l’image d’un monde multicolore. On ne parle que de qui a épousé qui, qui s’est fiancé avec qui et qui se sépare de qui. Ce sont en ce moment les nouvelles principales en Croatie, depuis toutes ces dernières quelques années. Et j’ai peur que dans les années qui viennent, les choses ne continuent de s’aggraver.

OK : Monsieur Prokic, en Serbie, y a-t-il la tentation de s’arroger les écrivains et les artistes des autres peuples et de les traiter comme partie intégrante de l’héritage culturel serbe ?

NP : Oui, il y en a, mais la culture ici a atteint un niveau tellement bas qu’il n’y a pas tellement de disputes. En ce qui me concerne, je considère que [l’écrivain croate Miroslav] Krleza, par exemple, fait partie du corpus de la culture serbe. Il s’agit d’une époque où la Serbie était un Piémont, où on ne la quittait pas mais tout le monde y venait, aussi bien Matos, que Krleza et Krklec. La Serbie doit sérieusement se pencher sur la question comment de savoir comment en une période historique si courte, elle a pu passer d’un centre culturel en un trou noir dont tout le monde veut s’échapper. Tout compte fait, on voit que Rade Konstantinovic avait raison quand il disait qu’avec Tito, nous avons atteint le zénith de notre histoire mondiale, et de notre participation dans le monde, et qu’après cela, au moins en Serbie, il y a eu le projet criminel de [Dobrica] Cosic, qui a fait ressortir une racine pourrie de la culture serbe et qui fait que nous vivons maintenant dans un pays désert où ne pousse pas une seule herbe.

OK : Monsieur Djikic, y a-t-il en Croatie la tentation de s’arroger des artistes qui appartiennent à la tradition culturelle bosnienne ou serbe ?

IDj : Oui, il y en a. Je pense que l’exemple le plus sérieux et le plus célèbre est le cas du poète bosnien Mak Dizdar, que vous trouverez dans toutes les anthologies de la poésie croate. Mak Dizdar est considéré ici comme un écrivain croate. On trouve toute sorte d’explications et d’excuses pour inclure Mak Dizdar dans la littérature croate, mais les créateurs de cette récupération ne se basent sur aucun principe. Car rares sont les auteurs d’anthologies, les théoriciens ou les historiens de littérature qui osent inclure, par exemple, un écrivain comme Ivo Andric dans le corpus de la littérature croate, malgré le fait qu’il y aurait bien plus de motif pour le faire que dans le cas de Mak Dizdar. Ivo Andric est Croate de naissance, et pendant un moment il a même vécu à Zagreb. Il y aurait donc plus de motifs pour le faire dans son cas que dans celui de Mak Dizdar, mais les auteurs actuels d’anthologies et les responsables pour la littérature officielle ont considéré Andric comme un mauvais Croate, parce qu’entre autres, il écrivait en serbe. Ils ont même décidé d’ignorer le fait que ceci serait assez rentable puisqu’il a eu le Prix Nobel.

La haine souhaitable

OK : Voyez-vous venir l’époque de la disparition de la langue de la haine sur le territoire de l’ex-Yougoslavie ; à quand prévoyez-vous la normalisation de la communication entre les peuples voisins ?

Nenad Prokic : Je pense qu’il faudra laisser passer encore beaucoup de temps avant que la communication ne se normalise. Les dirigeants des Etats peuvent bien se mettre d’accord, l’Etat peu bien émettre des résolutions, mais je pense que la situation sur le terrain sera encore longtemps telle, que, en ayant une plaque de Belgrade, tu ne pourras pas te sentir à l’aise en dehors de l’autoroute Belgrade - Zagreb. C’est pour moi le test le plus important. Quand il s’agit d’une plaque de Zagreb à Belgrade, la situation est légèrement différente, car ici, il n’y a pas eu d’agression de la part des Croates, mais c’était le cas contraire. Ce qui fait que c’est assez logique qu’ici, on peut passer avec une plaque de Zagreb. Il y a plus de chance pour que tu n’aies pas d’ennuis. Mais ça peut arriver ici aussi.

Ivica Djikic : Je suis d’accord avec Monsieur Prokic, avec le fait que longtemps encore, en ayant une plaque de Belgrade, on ne pourra pas se sentir à l’aise à Zagreb et encore moins à Split, Zadar ou Sibenik. Je suis également persuadé qu’il faudra laisser passer encore beaucoup de temps avant que les rencontres sportives entre les équipes et représentations croates et serbes ne soient traitées uniquement comme des événements sportifs, sans être parsemées de sentiments négatifs qui n’ont rien à voir avec le sport. Les véhicules blindés de la police vont continuer à accompagner les bus de sportifs et de supporteurs serbes à l’occasion de leur sortie et entrée en Croatie, et cela sera également le cas quand des sportifs et des supporteurs de Croatie ou de Bosnie qui vont aller en Serbie. Le Serbe revenu de Vojvodine dans sa maison à Lapac, Udbina ou un village de l’arrière-pays de Zadar se réveillera encore longtemps angoissé, en se demandant si quelqu’un n’allait pas lui casser la fenêtre pendant la nuit, lui jeter une grenade ou venir l’égorger, comme c’était le cas il y a quelques mois d’un vieillard, Dusan Vidic du village Karin, dans les alentours de Zadar. Le coupable de ce crime n’a toujours pas été attrapé. Je crois que les tensions vont durer encore très longtemps, et la raison en est le fait qu’à travers les manuels scolaires, l’éducation, la famille, les médias, la politique officielle et peut-être le plus, à travers l’Eglise - donc par tous les pores de la société - on promeut depuis des années la haine envers les Serbes comme quelque chose de souhaitable. Cette tendance est ces derniers temps un peu moins forte, mais elle continue d’exister. Elle n’est certainement pas éteinte et ne le sera pas encore avant très longtemps. Par conséquent, la haine, très longtemps encore, ne cessera pas non plus d’exister.

 

La crise du gaz russe a fait très peur aux Balkans
Traduit par Persa Aligrudic
Publié dans la presse : 2 janvier 2005

La crise russo-ukrainienne sur le prix du gaz naturel a eu des conséquences immédiates dans tous les pays de la région, totalement dépendants des approvisionnements russes en gaz, qui passent par la Hongrie. Conformément aux promesses de Moscou, la situation est revenue à la normale dans la journée de mardi.

En raison de la réduction des livraisons de gaz naturel à la compagnie hongroise MOL, après le conflit entre la Russie et l’Ukraine sur le prix du gaz, les grands utilisateurs de Serbie ont subi de premières restrictions, qui n’ont pas touché les livraisons à la population. La Hongrie n’a obtenu lundi que 40% des livraisons habituelles de gaz russe acheminé par l’Ukraine.

Le directeur de Serbijagas, Milos Tomic, a déclaré qu’en raison des livraisons réduites de gaz naturel à la compagnie hongroise MOL, les réductions atteignaient en Serbie environ 50%. « La société Serbijagas travaille selon la loi sur l’énergie et l’ordonnance sur la livraison de gaz naturel, dont les priorités sont le chauffage de la population, des établissements scolaires et des services de santé ainsi que la production de la nourriture. Tous ceux qui ne pourront pas remplacer le gaz par le mazout ou une autre source d’énergie seront pénalisés. La situation est très sérieuse ».

Milos Tomic mentionne également que le plan de réduction des fournitures de gaz tient compte avant tout des usines qui subiraient de grandes pertes, à commencer par des dommages pour leurs installations si elles n’étaient plus alimentées au gaz : « Cela concerne surtout l’usine Sartid et la Première verrerie serbe de Paracin. Ces deux usines ont des installations de hauts fourneaux, qui refroidissent et entraînent de grosses pertes lorsqu’elles ne sont plus approvisionnées au gaz. Milos Tomic ajoute que puisque que Srbijagas a signé un contrat en décembre de l’année dernière avec Gasprom couvrant l’année 2006, il est pratiquement impossible de se procurer du gaz par une autre compagnie.

Contact permanent avec la Hongrie

Le vice-ministre de l’Energie, Slobodan Sokolovic, confirme que la Serbie est constamment en communication avec la compagnie MOL et que l’annonce des réductions avait déjà été faite avant le Jour de l’An, suite au conflit entre la Russie et l’Ukraine sur le prix du gaz naturel. Slobodan Sokolovic estime que l’on ne peut pas faire des pronostics sur les futurs approvisionnements en gaz, puisque la Serbie se trouve dans la même situation que la Hongrie et que l’Europe occidentale. Mais si les restrictions devaient continuer, les citoyens bénéficieraient toujours d’une priorité d’approvisionnement.

Les restrictions pour les grands consommateurs ont commencé en Hongrie et en Europe occidentale. Comme l’a déclaré Denis Mohorovic du MOL hongrois, cette compagnie est en contact constant avec les autres fournisseurs européens et elle essaie d’établir des contacts également avec l’Ukraine.

La Croatie et la Bosnie touchées

Le gaz russe qui, dans cette partie de l’Europe, arrive par la Hongrie, parvient depuis dimanche dernier en quantités considérablement réduites, a déclaré Sijka Pistolova, rédactrice de la revue électronique Energyobserver : « La compagnie croate INA a été été informée qu’elle recevrait 18% de gaz en moins. Il en va de même pour Energoinvest de Sarajevo. Je suppose que Srbijagas a aussi été informée qu’elle recevrait des quantités réduites de gaz ».

L’approvisionnement de gaz russe en Serbie a été aussi confirmée par Zorana Milanovic, conseillère pour l’énergie du vice-Premier ministre, Miroljub Labus : « Les restrictions ont débuté dimanche. La Hongrie réduit les quantités de gaz qu’elle achemine vers la Serbie. Srbijagas, en collaboration avec le gouvernement, a pris toutes les mesures nécessaires. Concrètement, la population n’en ressentira pas les répercussions pour le moment. Le problème, actuellement, qui pourrait s’amplifier en Serbie, c’est qu’il n’existe pas de plus grandes capacités de stockage ».

« L’approvisionnement en gaz de Russie a baissé de plus de 40%, en raison de la baisse de pression du gazoduc à la frontière austro-hongroise. À cause de cette baisse, nous sommes obligés de réduire les livraisons pour le même pourcentage », a déclaré le porte-parole de MOL, Sandor Kantor. La compagnie MOL a annoncé qu’elle allait ordonner aux grandes industries de passer à l’utilisation du mazout au lieu de gaz, partout où c’est possible, mais qu’il y aurait d’autres restrictions si l’approvisionnement de gaz russe par l’Ukraine continuait à être réduit. La Hongrie est approvisionnée par un gazoduc venant directement d’Ukraine et par un autre provenant d’Autriche qui est également raccordé au gazoduc ukrainien.

La Russie a stoppé dimanche ses approvisionnements de gaz à l’Ukraine car Kiev n’a pas accepté l’augmentation des prix de cette source d’énergie, c’est pourquoi les livraisons du gaz russe par l’Ukraine ont été réduites vers tous les pays européens. L’Union Européenne essaie d’exercer une pression sur la Russie et l’Ukraine afin que les deux pays règlent leurs problèmes et normalisent les approvisionnements. Par ailleurs, la Hongrie possède des réserves de gaz naturel, mais la question est de savoir quelles seraient les quantités qu’elle pourrait acheminer vers la Serbie, qui ne possède ni réserves ni entrepôts de gaz naturel.

Des conséquences pour l’industrie, pas pour les consommateurs

Le président du Syndicat de Serbijagas, Veljko Milosevic, pense que les restrictions de gaz vont en premier lieu affecter les entreprises, mais pas la population. Il pense que la décision de la Russie de stopper les approvisionnements de gaz naturel à l’Ukraine a un caractère politique et que le fond de l’histoire est qu’il y a des vols de gaz en Ukraine, où passent les principaux gazoducs à destination de l’Union Européenne.

Veljko Milosevic estime que ces restrictions vont d’abord se répercuter sur la production de certaines sociétés, utilisatrices de gaz, mais qu’il ne faut pas s’attendre à des problèmes immédiats pour les consommateurs. « Les priorités en Serbie sont les citoyens et tout ce qui n’est pas prioritaire devra subir des restrictions tandis que certaines sociétés devront réduire le travail au minimum ».

La Slovénie craint les grands froids

Au cause du conflit russo-ukrainien la Slovénie reçoit également moins de gaz. La société slovène Geoplin a annoncé que la livraison de dimanche dernier était de 30 % inférieure à la normale, avec une tendance à la baisse, mais que cela n’aurait pas pour l’instant d’effet sur les approvisionnements de la population. Les problèmes pourraient survenir si la température en Slovénie tombait en dessous de moins 6 degrés, car les utilisateurs seront alors appelés à économiser le gaz.

Les livraisons de gaz ont déjà été réduites dans les autres pays européens, annonce la TV POP slovène, mais seule la Hollande, parmi tous les pays de l’Union Européenne, a suffisamment de réserves. De nombreux pays d’Europe occidentale se sont déjà adressés à la Norvège qui est le plus important exportateur de gaz dans cette partie du monde, mais Oslo a annoncé que ses exportations avaient déjà atteint un niveau record et qu’elles ne pouvaient augmenter.

Les représentants du secteur énergétique des pays de l’UE ont tenu une séance extraordinaire à Bruxelles pour convenir des mesures à prendre afin de surmonter la crise. Kiev, après que Gazprom a stoppé les approvisionnements, a menacé de prendre des contre-mesures, en l’occurrence d’augmenter le prix du frêt que la flotte russe de la Mer noire verse au port ukrainien de Sébastopol.

 

Histoire des Balkans : une science de la douleur
Traduit par Jasna Andjelic

Publié dans la presse : 8 décembre 2005

Un grand projet d’enseignement de l’histoire moderne, qui a réuni 60 historiens de onze pays de Sud-Est de l’Europe, a débouché sur l’édition de quatre manuels d’histoire traitant les thèmes les plus douloureux des Balkans : l’Empire ottoman, les nations et les États de l’Europe du Sud-Est, les guerres balkaniques et la Deuxième Guerre Mondiale.

Par Slobodanka Ast

Ces quatres manuels font penser aux paroles de l’historienne Maria Todorova, relectrice de cette édition : « J’aime les Balkans sans avoir besoin d’en être fière ou d’en avoir honte ».

L’analyse comparative des manuels d’histoire des pays du Sud-Est de l’Europe, menée il y a six ans par un groupe d’historiens de tous les pays de la région, a montré que tous les peuples de la région, de la Slovénie à Chypre, se présentaient comme des victimes historiques des peuples voisins.

Ce projet de l’enseignement de l’histoire moderne a été initié par le Centre de la démocratie et la réconciliation dans l’Europe de Sud-Est de Thessalonique. Les histoirens des onze pays de la région ont choisi une nouvelle approche multiperspective pour l’étude de l’histoire.

Ces manuels d’histoire ne prétendent pas présenter la seule et unique « vérité » sur les événements passés, mais informer les élèves sur la façon d’interpréter ce passé commun par d’autres peules et par les différents représentants de leur propre peuple.

Le mythe de la violence

« Ce projet a pour objectif d’effacer un mythe généralement accepté : notre région est devenue synonyme de brutalité, de violence et de carnage. C’est notre réponse aux historiens et aux journalistes occidentaux ainsi qu’aux nombreux hommes politiques. Je pense que ces livres donnent des réponses à des questions importantes - comment s’opposer à ces mensonges, ces déformations et ces manipulations, et comment enseigner l’histoire à l’école », explique Cristina Culuri, rédactrice de l’édition et enseignante à l’Université de Corinthe.

Elle souligne : « L’histoire que nous proposons n’est pas censée remplacer les histoires nationales. C’est une interprétation nouvelle du passé, différente et plus complète, basée sur les documents, sur la culture et l’héritage commun des Balkans. Or, l’histoire des Balkans est conçue comme une partie de l’histoire européenne et mondiale. Nous sommes européens et ces livres en sont la preuve ».

Les guerres balkaniques ont répandu la mort, la peur et la haine entre les peuples des Balkans. Aucun pays n’a été complètement satisfait par ses nouvelles frontières : la Grèce revendiquait les îles de l’Egée, la Serbie voulait un accès à la côte ainsi que la Bosnie-Herzégovine. Le Monténégro réclamait la ville de Skodër et la Roumanie voulait prendre la Transylvanie et la Bessarabie...

Le plus grand mécontentement régnait dans l’Empire ottoman, en Bulgarie et en Albanie. Le traumatisme psychologique a été durable, transmis de génération en génération par des familles de réfugiés. Le manuel d’histoire intitulé « Les guerres balkaniques » rompt avec le modèle traditionnel de présentation scolaire et universitaire des ces événements : les acteurs principaux ne sont pas seulement les rois, les ministres et les généraux, et la guerre ne consiste pas seulement en batailles, victoires et défaites.

Les auteurs montrent les différents visages de la guerre dans les Balkans : la vie des hommes ordinaires, la famine, la peur de perdre ses proches. On y parle des brutalités, mais aussi de l’humanisme et de solidarité.

Une nouveauté précieuse de ces livres d’histoire est l’éclairage sur le rôle des femmes dans l’Empire ottoman, dans les guerres balkaniques et dans toutes les autres périodes. On voit des photographies des infirmières de toutes les confessions et nationalités, des femmes serbes qui s’exercent à tirer au fusil en 1912, les femmes de l’Épire portant sur le dos des cageots de munition sur la montagne du Pinde durant la guerre gréco-italienne en 1940...

Les auteurs ont réussi a donner une image complexe de la Deuxième Guerre Mondiale. Il y a relativement peu de sources, documents ou citations qui présentent les opérations militaires. Les auteurs soulignent qu’ils ne voulaient pas minimiser l’importance de la résistance dans la région, mais ils tenaient à éclaircir les aspects de la vie pendant guerre, qui sont rarement présents dans les manuels scolaires.

L’histoire politique a une place privilégiée dans tous les manuels d’histoire de l’Europe de Sud-Est. Les auteurs de ce manuel offrent aux élèves la possibilité d’analyser le même événement ou problème de plusieurs points de vue. Ils y trouveront les ressemblances évidentes entre les expériences historiques de tous les peuples de la région : la souffrance, la famine, la peur, mais également les chapitres qui donnent des point de vue différents et même opposés.

L’exemple du cardinal Stepinac

Les leçons les plus difficiles, à l’instar de celle sur Alojzije Stepinac, illustrent le mieux les avantages de l’approche multiperspetive. Voici un extrait du volume consacré à la Deuxième Guerre Mondiale sur le sujet.

« Tout en condamnant certains aspects du règime oustachi, Stepinac était un anticommuniste radical qui n’a jamais pris ses distances par rapport à l’État indépendant de Croatie (NDH), parce qu’il considérait que les partisans (ou plus précisément les communistes) étaient ses principaux ennemis. Après la guerre, les autorités communistes l’ont condamné à 16 ans de prison et de travail forcé pour collaboration. Stepinac est mort en exil en 1960. Le pape Jean Paul II l’a béatifié en 1998. 

La représentation historiographique de Stepinac en Yougoslavie communiste, fondée sur les préjugés du tribunal pour la collaboration , était exclusivement négative et tout débat public sur son sujet était interdit. La chute du communisme a tellement changé la présentation historiographique de Stepinac en Croatie qu’il y est généralement représenté de façon positive, comme un juste, un martyre et une victime des circonstances historiques, y compris dans les manuels d’histoire.

Cependant, toute une série d’historiens croates se situent entre ces deux extrêmes et prennent en compte les mérites (sauvetage des Juifs, prostestations adressées aux pouvoirs), mais aussi les erreurs de Stepinac (le fait qu’il n’a jamais pris ses distances par rapport au NDH). L’historiographie serbe n’a pas changé son rapport envers Stepinac et l’accuse toujours de collaboration avec les régime oustachi ».

Ayant en vue la polémique qui a éclaté il y a trois ans en Serbie sur les nouveaux manuels d’histoire, qui transforment les collaborateurs en victimes et leur victimes en bourreaux, imposant ainsi aux élèves la conclusion que l’antifascisme n’était qu’une révolte nuisible et irationnelle et qu’une politique collaborationiste était la plus raisonnable, ces quatre manuels pourraient représenter un support précieux pour les élèves et les enseignants.

L’accord que ces manuels ont reçu du ministère serbe de l’Éducation nationale témoigne de l’acceptation des valeurs européennes basées, entre autres, sur l’antifascisme. Erhard Busek, le représentant spécial du Pacte de Stabilité du Sud-Est de l’Europe a assisté à la promotion belgradoise de ces manuels. « Je dois dire, en tant qu’Autrichien, que nous avons participé à l’histoire de la région. Nous y avons joué un rôle important et sommes responsables de nombreux évenements. Je dis toujours à mes Autrichiens que nous sommes responsables des problèmes de la Krajina. L’empereur Léopold y a établi la frontière militaire de la monarchie autrichienne, ce qui a provoqué les problèmes que l’on constate encore aujourd’hui. Cela relève de la responsabilité européenne dans les évènements de cette région ».

 

La Haye et le Vatican
Traduit par Jean-Arnault Dérens
Mise en ligne : jeudi 22 septembre 2005

La demande de la Procureure générale du TPI amène et oblige l’Église catholique de Croatie à se poser certaines questions sur elle-même. Les rumeurs selon lesquelles Ante Gotovina pourrait se cacher dans un couvent de Bosnie-Herzégovine (tout comme Karadzic pourrait être dans un monastère serbo-monténégrin) sont anciennes et n’ont pas été inventées par Carla Del Ponte. Il faut regarder un peu le passé pour évaluer la crédibilité de telles hypothèses. Un texte de Predrag Matvejevic pour Le Courrier des Balkans.

Par Predrag Matvejevic

Durant la dernière guerre balkanique, à la fin du siècle déjà passé, à aucun moment, on ne put entendre s’élever la voix d’aucun dignitaire catholique ni orthodoxe se référant à saint Paul, qui avait répété à plusieurs reprises, en Grèce et à Rome, que dans le Christ, « il n’y a plus ni Juif ni Grec » (Rom 10,12 ; Col 3, 28 ; Gal 3, 10) - je veux dire par là que personne n’a souligné que la nationalité n’était pas l’une des plus importantes valeurs chrétiennes. Le nationalisme est fortement répandu parmi les ecclésiastiques des pays slaves du sud, l’oecuménisme est une exception rarissime.

Il existait à Zagreb, dans les années 1970-80, un groupe de catholiques, prêtres et laïcs, rassemblés dans une association nommé « Actualité chrétienne ». Les autorités les toléraient à peine, l’Église officielle avait des réticences à leur égard. Nous avons cherché à les aider, en accueillant dans un Pen Club indépendant certains membres de leur association. Dépourvus de nationalisme et de la vieille mentalité cléricale, ils nous semblaient proches des personnalistes français et de l’enseignement oecuménique de Berdiaev.

J’espérais qu’après la création des nouveaux États sur le territoire ex-yougoslave, ces courants puissent justement s’affirmer de manière plus forte et indiquer un voie nouvelle à l’Église, désormais soutenue par les autorités nationalistes. Cela n’a pas été le cas. Dans certaines églises de Split et de Zagreb, on a même pu entendre des éloges d’Ante Pavelic, l’un des plus féroces bourreaux de la Seconde Guerre Mondiale. J’ai écrit à ce sujet une lettre au pape Karol Wojtyla, publiée à Rome par le quotidien La Repubblica, à la veille d’une visite apostolique du pape en Bosnie. J’ai reçu une réponse pleine de compréhension, écrite au nom du Saint Père par le cardinal Re.

Il semble qu’ensuite, le nom de Pavelic n’ait plus été prononcé dans les églises croates, mais une partie du clergé - malgré saint Paul - demeure fortement nationaliste. Dans une Croatie blessée et épuisée par la guerre, l’Église a demandé et souvent obtenu une partie très importante des « biens restitués » depuis la chute du précédent régime. Peut-être plus que dans aucun autre pays en transition.

En Bosnie, on a pu voir d’un côté un engagement très positif, surtout de la part des franciscains, héritiers de la province de Bosnia argentea - l’archevêque Komarica de Banja Luka nous a ému plus d’une fois avec ses paroles inspirées par une foi profonde et ouverte. D’autre part, en Herzégovine, des contradictions et des conflits gênants pour l’Église se sont poursuivis, notamment le conflit entre les franciscains et le pouvoir épiscopal. Sur la colline qui domine la ville multiethnique de Mostar, l’une des plus touchées par la guerre, un gigantesque croix dressée par l’évêché défie brutalement les autres religions.

Dans ce contexte, avant même les déclarations de Carla Del Ponte, on avait entendu l’hypothèse qu’Ante Gotovina pourrait se cacher dans l’un des couvents catholiques de la région. Cela peut sembler possible, d’autant que dans les villes et les villages des alentours, on voit partout d’immenses affiches avec le portrait du général recherché par le Tribunal de La Haye. Cet homme est perçu comme un héros national, on écrit : « nous sommes tous Gotovina ».

Ce général possède un casier judiciaire français chargé (il a été soldat mercenaure de la Légion étrangère), qui énumère divers délits, certains graves. Il est cependant devenu pour les ultra-nationalistes un personnage exceptionnel et exemplaire. Ce « grand patriote » a fait en sorte que sa patrie devienne l’otage du tribunal international pour les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité : le héros n’a pas le courage de se présenter et de se défendre devant ce tribunal.

Carla Del Ponte a donc fait une demande - qui ne doit pas être perçue seulement comme une attaque - en prenant en compte les indices et les hypothèses apparus depuis longtemps. Peut-être, dans ses déclarations, se souvient-elle qu’Ante Pavelic est resté caché jusqu’en 1947 au Vatican, et qu’il est ensuite parti en bateau au Paraguay, déguisé en prêtre. Il est finalement mort dans son lit, accueilli en Espagne par Franco. Je ne perçois pas Carla Del Ponte comme une « ennemi des Croates » (les Serbes l’accusent depuis longtemps d’être « serbophobe »). Je ne la considère pas davantage comme une laïque fanatique qui voudrait à tout prix offenser l’Église. Laissons-la faire son travail. Il me semble qu’elle le fait assez bien, et que sa tâche n’a rien de facile.

Je veux dire par là que, de toute façon, je ne suis pas bien convaincu que le Vatican ait connaissance de ce qui est en train de bouillir dans le chaudron balkanique.

 

Jeunes des Balkans perdus dans la transition
Traduit par Mandi Gueguen

Publié dans la presse : 6 mai 2005
Mise en ligne : mercredi 11 mai 2005

On a souvent dit qu’il suffisait qu’un pays perde 50 de ses meilleurs experts pour que son potentiel scientifique soit mutilé pendant longtemps. Commentaire à la tonalité tristement ironique de notre correspondant à Skopje sur le chômage des jeunes dans les pays des Balkans et en Macédoine en particulier.

Par Risto Karajkov

La Serbie a perdu au moins 200 000 jeunes ayant suivi des études universitaires, depuis le début des années 90, selon des estimations modérées. Le nombre effectif n’est pas connu puisqu’il ne semble intéresser personne. Les jeunes partent, c’est la réalité des Balkans Occidentaux, ainsi nommés. Toutefois, la Croatie s’en sort un peu mieux que les autres.

Les statistiques effectuées dans les Balkans montrent constamment que 50 à 70 % des jeunes saisissent la première occasion qui se présente pour quitter leur pays et cela pour divers motifs : manque de perspectives, pauvreté, chômage...

Les indices du chômage des jeunes dans les Balkans ne font pas partie des programmes politiques. A-t-on jamais vu un politique en parler ? Pourquoi devraient-ils le faire quand tant de priorités sont ailleurs ? Après tout, les indices ne sont pas si élevés.

En Macédoine par exemple, ils n’atteignent même pas 70% et en Bosnie 50%. Il en est de même en Serbie-Monténégro et en Croatie où le pourcentage dépasse difficilement 45%. Les données sont plutôt contradictoires pour le Kosovo. Certaines estimations le mettent à égalité avec la Macédoine, autour de 70%. L’Albanie compte moins de 30 % de chômeurs jeunes.

Ces données sont un peu vagues, car dans la réalité il n’existe pas de chiffres sérieux. Soit les pays des Balkans ne comportent pas de statistiques nationales soit ces dernières sont recueillies de manière inconstante. Ainsi, ce que rapportent les statistiques nationales sont des données tout simplement pas fiables.

Et ce n’est qu’un début. « Les indices de chômage ne sont que le sommet de l’iceberg pour donner une explication profonde du problème du chômage dans la population jeune » soutient une publication récente de l’Organisation Internationale du Travail (International Labor Organisation - ILO). Les statistiques du chômage ne prennent en considération que les personnes qui recherchent activement du travail, et non pas celles qui n’ont jamais travaillé, ou celles qui, découragées, ont cessé de chercher, ou encore celles qui travaillent au noir, souvent dans de mauvaises conditions et sans protection sociale.

Par ailleurs, les indices ne concernent, selon la définition de l’ONU, que les jeunes de 15 à 24 ans. Les conditions de la dépression économique et le manque d’opportunités dans les Balkans, ont prolongé la période de dépendance des jeunes jusqu’à 30 ans et même parfois jusqu’à 35 ans. Beaucoup d’organisations cherchent désormais à travailler avec la définition alternative de personnes jeunes.

Il semble y avoir plus de chômeurs jeunes qu’adultes. Les indices du chômage des jeunes sont de 2 à 4 fois supérieurs aux indices généraux. Les jeunes représentent le quart de tous les employés, mais parallèlement, au moins la moitié de tous les chômeurs.

Plans d’action

Globalement, le problème concerne la question grave du développement. Il y a quelques années, le Secrétaire Général de l’ONU avait constitué un Groupe de Travail de haut niveau sur l’occupation des jeunes, où participaient aussi l’ex-président de la Banque Mondiale, James Wolfenson et le Secrétaire Général de l’ILO, Juan Somavia. L’ONU adoptait à cette occasion une résolution invitant les gouvernements à produire et activer des stratégies nationales sur ce thème. Cette année, le rapport annuel de l’ILO sera focalisé sur l’emploi.

De la même manière dans l’Union Européenne, à la lumière d’un chômage persistant élevé et des indices en constante augmentation, le chômage des jeunes est un sujet préoccupant. Sous le signe de sa stratégie de l’emploi, l’UE oblige les états membres à produire des plans d’actions nationaux pour l’emploi qui donnent une forte priorité à la population jeune.

Comment se fait-il alors, que le chômage des jeunes ne constitue pas une priorité pour les gouvernements des Balkans ? Il y a quelques années, l’Académie pour les Sciences et les Arts de la Macédoine (MANU), qui représente la concentration de l’élite intellectuelle du pays, jeta un pavé dans la mare de l’opinion publique en incluant les migrations dans sa stratégie de développement. Cela aiderait l’économie, selon eux, en faisant baisser les indices du chômage. Autrement dit, un pays peut profiter de l’abandon de ses habitants.

Constituant aussi une énorme perte économique pour les pays des Balkans, à travers les migrations, le chômage des jeunes est étroitement relié à l’inactivité et à la marginalisation de la société, aux activités illicites, à l’instabilité politique et au radicalisme. Un rapport récent de la Banque Mondiale a mis en évidence les aspects du risque politique et sécuritaire d’un pourcentage élevé de jeunes hommes chômeurs en particulier en Bosnie et au Kosovo.

Migration comme solution ?

Dans le même temps, la France dispose d’un « visa scientifique », l’Allemagne possède la « carte verte informatique » et le tiers des résidents temporaires aux USA sont des ingénieurs informaticiens. Le Canada les préfère mariés avec enfants et un certain talent. Ils sont accueillis sans problème. Déjà diplômés. Mais est-ce leur faute ?

Les jeunes affirment que les criminels conduisent les meilleures voitures et dictent le cours des devises. Le processus de transition a amené, entre autres choses, une totale érosion morale. Il va désormais de soi pour tout le monde que l’honnêteté ne permet pas de vivre convenablement.

D’autre part, il est vrai que la migration a des aspects positifs pour les pays d’origine des migrants, dont les envois en argent aident beaucoup l’économie locale. Le succès économique de certains pays, comme récemment l’Irlande, a profitablement utilisé les ressources de la diaspora. Mais, les gouvernements des Balkans ne semblent pas faire des efforts énormes pour aller dans ce sens. Comme dans toute fable classique sur l’opportunisme provincial, les élites politiques locales ne veulent pas que le tonton riche de l’étranger vienne leur dire comment diriger le village.

Une anecdote récente en Macédoine est exemplaire à ce titre. Un des émigrants qui a eu le plus de succès, Majk Zafirovski, jusqu’à récemment vice-président de Motorola, et actuellement membre du Conseil de Boeing, s’est récemment rendu en Macédoine et aucun des fonctionnaires macédoines ne s’est pressé pour l’inviter à une rencontre, alors que les fonctionnaires américains à Skopje ont fait des pieds et des mains pour le rencontrer ne serait-ce que 15 minutes. Un exemple aussi simple et parlant suffit à montrer clairement l’absence de stratégie et l’autocentralisme de notre direction politique.

Certains esprits argumentent que le chômage élevé de la population jeune n’est pas un mal en soi. Les jeunes sont mobiles dans le travail, ils font des expériences, retournent dans les bancs de l’école et puis reviennent dans le marché du travail. Il est normal que le chômage les concernant soit élevé. Selon eux, le chômage de longue durée, de plus d’un an, qui se remarque de manière précoce dans la vie des jeunes est dangereux, a des effets notoires sur la productivité, sur la capacité d’intégration sociale et sur les perspectives d’une vie raisonnable.

Or, si l’on tient compte des chiffres, et c’est un indice commun au chômage des jeunes dans les pays des Balkans, dans la majorité des cas il s’agit de chômage précoce de longue durée.

Quelqu’un pourrait imprimer ces données, en guise de sommaire facile à comprendre et les amener à notre gouvernement. Peut-être, tout simplement ne les connaissent-ils pas encore.

 

GAZETA SHQIPTARE
Balkans : les mois de mars sont toujours périlleux
TRADUIT PAR MANDI GUEGUEN

Publié dans la presse : 9 mars 2005
Mise en ligne : jeudi 10 mars 2005

L’inculpation de Ramush Haradinaj par le TPI pourrait-elle ouvrir un nouveau cycle de violences ? Il est certain que tous les conflits récents des Balkans ont commencé en mars, depuis la guerre de Croatie jusqu’à celle du Kosovo, en passant par les émeutes albanaises de 1997. Simple hasard de calendrier ?

Depuis 16 ans, les rebondissements majeurs de l’histoire des Balkans ont lieu en mars. Il en est ainsi depuis 1989, lorsque la Serbie modifia la Constitution du Kosovo, en le privant de l’autonomie dont il jouissait jusque là. Ce choix jeta la pomme de la discorde entre Serbes et Albanais et fut à l’origine de la violence qui se déchaîna les années suivantes. Deux ans plus tard, le mois de mars 1991 fut aussi tragique, amorçant les conflits entre les Croates et la police serbe qui aboutit vite à une guerre ouverte, signant le début de la fin de l’ex-Yougoslavie. En mars 1992, ce fut le tour de la Bosnie, dont le référendum d’indépendance fut à l’origine du conflit sanglant qui dura quatre ans.

En mars 1997, une rébellion embrasa l’Albanie après la faillite des sociétés pyramidales qui ruinèrent le pays. En mars 1998, le Kosovo baigna dans le sang et la violence de la répression de la police serbe. La naissance de l’Armée de Libération du Kosovo (UCK) fut le symbole de la résistance contre Belgrade.

La communauté internationale semble aussi avoir été touchée par le « syndrome de mars », puisque ce fut en mars 1999 que l’OTAN décida de lancer l’offensive contre Belgrade en obligeant les forces serbes à partir du Kosovo. Un an plus tard, en mars 2000, éclata la révolte de la Vallée de Presevo, où les extrémistes albanais s’affrontèrent aux forces armées serbes.

Fidèle à son calendrier, le spectre de la guerre réapparaît dans les Balkans un an plus tard, en mars 2001, lorsque les Albanais de Macédoine commencèrent une offensive armée contre l’armée de Skopje en revendiquant plus d’autonomie.

L’accord de paix signé à Ohrid en août, sembla établir une paix qui ne dura que jusqu’en mars 2003, lorsque le Premier ministre serbe Zoran Djindjic fut assassiné. La peur d’une révolte s’empara du pays. En effet, elle éclata un an plus tard au Kosovo en mars 2004, pour d’autres raisons.

Cette année, le Tribunal de la Haye a accusé le 8 mars le Premier Ministre du Kosovo, Ramush Haradinaj, ancien commandant de l’UCK. Les forces de l’OTAN se sont mises en état d’alerte dans la province habité majoritairement par des Albanais.

 

Intégration des Rroms : un défi pour tous les pays des Balkans
TRADUIT PAR PERSA ALIGRUDIC

Publié dans la presse : 11 février 2005
Mise en ligne : dimanche 13 février 2005

Les dirigeants de huit pays d’Europe centrale et orientale se sont réunis à Sofia pour le lancement de la « Décennie de l’intégration des Rroms ». Les discriminations pèsent toujours, et l’immense majorité des Rroms vit dans la misère. Entretien avec Ben Sly, responsable du bureau en Europe du Programme des Nations Unies pour le développement.

Propos recueillis par Ivan Radak

En signant ce document, les pays concernés se sont engagés à supprimer la discrimination et à surmonter la différence entre les Rroms et les autres membres de la société pendant les dix prochaines années. Les dirigeants de Bulgarie, Serbie-Monténégro, Hongrie, Macédoine, Croatie, Tchéquie, Roumanie et Slovaquie ont lancé un appel aux autres pays de se joindre à la réalisation des objectifs de cette Décennie des Rroms » qui représente la première tentative commune internationale pour l’amélioration des conditions de vie des Rroms en Europe. Les principales conclusions adoptées concernent l’éducation, l’emploi, la santé, l’amélioration de l’habitat, ainsi que la lutte contre la discrimination des Rroms et de leurs faibles rémunérations. Un rapport du Programme de développement des Nations Unies intitulé : « Visages de pauvreté, visages d’espoir » a été publié. C’est le rapport le plus volumineux jamais élaboré sur les Rroms, particulièrement consacré à leurs mauvaises conditions de vie.

« La Déclaration signée par les dirigeants des pays d’Europe centrale et orientale symbolise l’intention de leur gouvernement de traiter sérieusement le problème des Rroms. Il y a déjà eu de nombreuses discussions sur ce thème, mais il existe actuellement des plans d’action nationaux qui sont devenus la politique officielle des gouvernements. De même, nous avons maintenant assuré le financement de projets par les budgets des État mais aussi par les fonds de la Commission européenne. L’aspect le plus important de la réunion a été la présentation des informations concernant le niveau de pauvreté des Rroms. Nous disposons donc d’une base relative au nombre de Rroms pauvres, chômeurs, ceux qui ont accès à l’eau potable, aux médicaments, ce qui nous permettra de voir si les choses s’améliorent, dans quel pays et pour quelle raison.

Ces données montrent qu’en Serbie un Rrom sur trois est analphabète, plus de 60% vivent sous le seuil de pauvreté, établi comme un revenu de quatre dollars par jour, 40 % de Rroms n’ont pas d’emploi d’après la définition de l’Organisation internationale du travail. Ce qui signifie qu’ils ne sont inclus dans aucune activité, ni même les informelles. Seulement 19% de Rroms en Serbie ont une éducation secondaire, 60% ne peuvent pas se procurer les médicaments qui leur sont prescrits par ordonnance, ce qui veut dire que six Rroms sur dix subissent de gros inconvénients s’ils tombent malades » explique Ben Sly.

Danas (D) : Comment modifier la conscience de la population de nationalité serbe pour réduire le niveau d’intolérance envers les Rroms ?

Ben Sly (BS) : La Serbie a une longue histoire de tolérance ethnique car c’est un pays multiethnique depuis des siècles, de sorte qu’il faudrait commenter l’intolérance à partir de cet angle de vue historique. L’intolérance existe dans toute société et elle génère la crainte, le manque de compréhension et la pauvreté générale car le plus facile pour les pauvres est d’incriminer les autres pour leurs problèmes. Il est donc plus aisé de s’en prendre à quelqu’un de différent, comme les Rroms, qui ont une autre culture, une autre langue et une autre manière de vivre. Dans ce cas, nous devrons trouver des solutions communes pour tous les pays car tous nous vivons dans une société où les individus n’atteignent pas un plein potentiel. C’est pourquoi les gouvernements, la société et les organisations doivent créer des cadres où tous pourront comprendre leurs potentiels et c’est alors que viendra la tolérance.

79% des Rroms du Kosovo vivent en-dessous du seuil de pauvreté

D : Sur quoi se sont concrètement engagés les dirigeants des pays qui ont signé la Déclaration et, d’après vous, combien de gouvernements des pays des Balkans sont-ils capables de mettre en place efficacement la Déclaration ?

BS : Excellente question mais qui n’a pas de réponse simple. Chaque pays a tracé un plan national d’action afin de passer aux actes après les promesses. Certains pays ont envisagé des plans plus détaillés et plus réels. Dans certains pays, le problème des Rroms est particulièrement sérieux. En Tchéquie, par exemple, le problème est moindre car c’est un pays relativement riche, alors que dans les Balkans il y a aussi le problème des réfugiés ce qui rend les choses plus difficiles. En principe, le plan d’action identifie les problèmes et développe des programmes pour les surmonter et donne des tâches à des secteurs particuliers du gouvernement qui recevront un soutien financier pour leurs activités. Les données les plus intéressantes mentionnées dans le Rapport du Programme « Visages de pauvreté, visages d’espoir » sont celles qui résument la situation des Rroms en Europe centrale et orientale. Ainsi 79% de Rroms au Kosovo vivent en-dessous du seuil de pauvreté internationalement reconnu, 69% en Roumanie et 61% en Serbie. La situation est meilleure en Hongrie où seulement 8% des Rroms vivent en dessous du seuil de pauvreté. En ce qui concerne l’accès à l’éducation, en Tchéquie la moitié des Rroms a une éducation primaire alors qu’ils sont moins de 20% dans les autres pays. De plus, les Rroms de ces pays disposent en moyenne 50 % de mètres carrés en moins par membre de la famille par rapport à la population non rrom. En Bulgarie et en Roumanie, plus de 80% des ménages rrom n’ont pas de canalisations tandis qu’en Serbie, le pourcentage est d’environ 50%. Le plus inquiétant est que plus de 75% de Rroms en Bulgarie, Hongrie, Macédoine, Roumanie et au Kosovo, ne peuvent se procurer les médicaments élémentaires.

Une situation où il est rationnel de faire des choses irrationnelles

D : Est-ce que vous pensez qu’une part de responsabilité de la mauvaise condition des Rroms en incombe à eux-mêmes car malgré leur faible état matériel ils ont des familles nombreuses qu’ils ne peuvent pas entretenir ?

BS : C’est une erreur de dire que les individus ne sont pas responsables des conditions dans lesquelles ils vivent. Cependant, le fait est que de nombreux Rroms sont dans une situation où il est rationnel de faire des choses irrationnelles. S’ils vivent avec l’aide sociale dont le montant dépend du nombre d’enfants, alors pour eux il est rationnel d’avoir plus d’enfants pour avoir plus d’argent. C’est un choix individuel mais aussi la réflexion de la politique sociale qui devrait vraiment les aider mais représente en réalité un piège à la pauvreté. Dès lors que les gens tombent dans la pauvreté, la politique sociale qui, en théorie, est planifiée pour les aider, les maintient là où ils sont car il leur est difficile de se libérer de la situation où ils se sont trouvés. C’est pourquoi il incombe à l’individu de créer sa propre stratégie afin d’acquérir une éducation ou un emploi, tout comme il appartient aux gouvernements de réexaminer la politique sociale qui pousse les Rroms à des démarches autodestructives.

D : Quelle est la situation à propos des droits des femmes et des enfants de nationalité rrom, et comment leur venir en aide ?

BS : Les enfants et les femmes Rroms souffrent d’une plus grande discrimination par rapport aux hommes et ce n’est pas le cas seulement en Serbie, mais dans tous les pays signataires de la Déclaration. Le début de la lutte contre la discrimination sont les lois qui empêchent ce phénomène, mais il ne suffit pas d’avoir des lois encore faut-il les appliquer. Par exemple, le problème réside aussi dans le fait que les Rroms acceptent de travailler pour un salaire inférieur au salaire minimum et les employeurs sont prêts à leur donner cet argent, de sorte que la loi n’a pas beaucoup d’effet. Avec un développement meilleur et plus rapide de la société, on réduira la pauvreté de sorte que les enfants et les femmes auront une meilleure situation. D’après nos informations, les femmes sont plus pauvres que les hommes, elles se marient et mettent des enfants au monde très tôt, elles n’ont pas d’expérience de travail ni d’éducation comme c’est le cas chez les hommes, ce qui contribue au fait qu’elles ont moins de chance de travailler.

L’éducation séparée, une grosse erreur

D : Récemment, à Belgrade, plusieurs jardins d’enfants de nationalité rrom ont été fermés en raison du manque de ressources. Est-il vraiment souhaitable que les enfants rroms fréquentent des jardins d’enfants ou des écoles séparées ?

BS : L’une des conclusions principales du rapport est que l’éducation séparée des Rroms est une grosse erreur. Les enfants rroms doivent être dans les mêmes classes que les autres enfants, car s’ils sont séparés ils n’auront pas la même éducation, de sorte qu’ils n’auront pas non plus les mêmes chances de travailler et ils tomberont plus facilement dans le milieu de la pauvreté et de tous ses pièges.

 

Les agricultures balkaniques pourront-elles résister à l’intégration européenne ?
TRADUIT PAR JACQUELINE DÉRENS

Publié dans la presse : 7 janvier 2005
Mise en ligne : samedi 15 janvier 2005

Deux ans après l’abolition des barrières douanières sur les marchandises en provenance des Balkans, les exportations totales de la région ont à peine augmenté. L’offre de libre-échange de l’UE a fait plus de mal que de bien aux agriculteurs balkaniques. Les producteurs locaux risquent de perdre à la fois leur marché local et leur marché régional, et les réformes du secteur seront difficiles.

Par Jehona Gjurgjeala

« L’UE peut toujours ouvrir ses portes, la question est de savoir si nous sommes capables de les franchir. Nous ne pouvons pas entrer en compétition avec les compagnies européennes qui sont sur le marché depuis une centaine d’années. Nous avons besoin d’aide supplémentaire de l’UE », estime MilanTadic, directeur de Podravka, la première société agroalimentaire de Croatie.

De nombreux obstacles empêchent les producteurs agricoles d’exporter sur les marchés de l’UE. Bruxelles fait peu d’efforts pour aider à la restructuration du secteur agricole dans la région. Les gouvernements sont faibles et l’administration fonctionne mal pour assurer cette restructuration. De plus, les producteurs ne répondent pas aux exigences sanitaires et de qualité de l’UE. Il faut aussi noter l’attitude des entreprises locales qui bataillent pour s’adapter au concept et aux lois de la compétition du marché après des années de socialisme.

En résumé, les producteurs régionaux ne peuvent pas se contenter d’assistance, ils ont besoin d’une approche plus dynamique s’ils ne veulent pas perdre leurs marchés locaux au profit des majors de l’agroalimentaire de l’UE.

L’Union européenne exige beaucoup et donne peu

L’UE est persuadée qu’avec l’abolition des tarifs douaniers, les producteurs des Balkans occidentaux vont devenir plus compétitifs, augmenter leurs exportations et que cela va créer des emplois et stimuler la croissance économique

On peut aussi dire, avec plus de cynisme, que l’UE peut se permettre d’être généreuse et faire des concessions, étant donné que les exportations vers son marché sont négligeables. Comme le dit Vanja Kaludjer, un expert de la Chambre d’agriculture croate, « l’UE nous a donné l’accès à son marché parce que cela ne change rien ».

Les contraintes et les exigences de Bruxelles sont importantes, mais son aide très limitée.

Les contraintes commencent avec les quotas imposés sur les importations de produits agricoles essentiels comme le vin, le poisson et la viande de veau. Ces quotas dissuadent les producteurs d’augmenter leurs productions puisqu’ils ne peuvent exporter que des quantités limitées vers l’UE. Le résultat, c’est que les investissements nécessaires pour moderniser l’agriculture sont remis à plus tard.

Michael Karmitschnig, qui défend l’UE, affirme que les quotas offre un cadre pour le développement des industries agroalimentaires dans les Balkans occidentaux et que, si ces pays rejoignent l’UE, ils seront soumis à des quotas et qu’il est donc dans leur intérêt de s’y habituer tout de suite.

Le problème est que ce que l’Europe considère comme « des guides pour des changements structurels » représente plus un bâton qu’une carotte. Selon Verena Knaus , une analyste basée à Berlin, qui travaille pour European Stability Initiative, « les pays de l’UE sont soumis aux quotas mais ils reçoivent de l’aide du budget européen, ce que ne reçoivent pas les pays des Balkans occidentaux ».

Jusqu’à présent, l’UE n’a pas offert aux États des Balkans occidentaux l’accès aux programmes de développement. Quand on demande pourquoi à Michael Karmitschnig, il répond que les institutions dans ces pays sont trop faibles pour les gérer et que s’ils postulaient, ils ne seraient pas capables de se qualifier car il faut d’abord mener des réformes institutionnelles.

Verena Knaus admet que les pays de la région ne sont pas en mesure de gérer des programmes comme SAPARD, un programme de soutien aux États en attente d’adhésion, mais dire simplement que « ces pays ne peuvent pas gérer les fonds est mesquin. On doit construire cette capacité et l’UE et les gouvernements de la région doivent commencer à travailler dès cela maintenant ».

Les Accords de Stabilisation et d’Association : le bâton et pas de carottes ?

La Croatie et la Macédoine, les deux seuls pays à avoir signé les Accords de stabilisation et d’association (ASA) ont des soucis supplémentaires à se faire. Ces accords sont un contrat entre l’UE et chaque pays de la région, régulant les relations entre les deux signataires. Les accords contiennent des mesures de libéralisation et des projets de coopération dans de nombreux domaines. Ces accords obligent les signataires à supprimer les droits de douane pour les produits de l’UE, ce qui augmente la compétition pour les producteurs locaux.

Stojmirka Tasevska, responsable du secteur agriculture de la Chambre de commerce de Macédoine, dit que les producteurs locaux risquent de perdre à la fois leur marché local et leur marché régional : « les consommateurs ont vite fait de se rabattre sur les tomates espagnoles, moins chers et mieux empaquetées ». Même son de cloche en Croatie, où les subventions agricoles sont en gros six fois inférieures à celles de l’UE.

L’UE affirme que la situation économique serait pire sans ces préférences commerciales. Pour Michael Kamitschnig, « il y aura toujours des perdants dans le commerce ».

Les contrôles sanitaires et de qualité : une haie trop haute à franchir

En novembre dernier, en Albanie, un des programmes les plus populaires à la télévision a mené une enquête sur la qualité de l’eau en bouteille. Celle-ci a révélé que des sociétés remplissaient les bouteilles avec de l’eau du robinet et les vendaient comme eau de source. Sur sept échantillons, deux seulement étaient buvables et l’un contenait des matières fécales.

Quand on leur a demandé de commenter ces résultats, les sociétés ont envoyé des certificats attestant que leurs eaux étaient saines. Pour couronner le tout, on a découvert que l’institut qui avait fait les tests avait aussi délivré les certificats.

Cette anecdote met en lumière deux points qui ont un impact direct sur la capacité à l’exportation des producteurs des Balkans. Le premier est le besoin de produits de qualité aux normes européennes, le second le besoin d’institutions d’état crédibles qui peuvent délivrer des certificats en qui les consommateurs de l’UE pourront avoir confiance.

Pour les producteurs locaux, étant donné les difficultés à exporter vers l’UE, les marchés régionaux sont de première importance. La Croatie et la Serbie-Monténégro exportent ainsi près de 30 % de leurs produits agricoles vers la Bosnie-Herzégovine.

L’Albanie est une exception. Elle exporte peu de produits, essentiellement des textiles et des chaussures et 90 % de cette production est exportée vers l’UE. Mais cela est en train de changer. Les exportations albanaises vers la région ont triplé en valeur durant la première moitié de 2004, passant de 2,6 à 8,3 %.

Les gouvernements ne peuvent pas agir

Les politiques agricoles des gouvernements sont inadaptées ou bien inexistantes. C’est ce qu’à découvert la Macédoine, quand elle a déposé une demande d’adhésion à l’UE et qu’elle a reçu un questionnaire de plus de 3000 entrées. « Cela nous a permis de découvrir que nous n’avions pas de politique agricole. Nous avons de bons produits, mais pas de politique », reconnaît Valentin Nevsoki, porte-parole du secteur.

Au Kosovo, le vide politique est pire. Il faut errer de bureau en bureau à la recherche de responsables qui auraient des idées sur l’agriculture et l’exportation. Si on réussit à avoir des informations, elles sont partielles et souvent inexactes.

La situation de l’agriculture est la pire au Kosovo mais ailleurs ce n’est pas beaucoup mieux. « Les gouvernements nationaux devraient faire des efforts pour fournir des informations à jour et utiles sur la libéralisation du commerce et la suppression des tarifs douaniers », insiste Amaldo Abruzzini, secrétaire général de l’Association des chambres de commerce et d’industrie européennes, Eurochambres, basée à Bruxelles.

En Macédoine, très souvent, les industries agroalimentaires n’ont pas conscience de leur potentiel à l’exportation et elles reconnaissent que le gouvernement devrait faire plus pour les informer. En Serbie-Monténégro, les investissements dans l’agriculture sont restés très modestes. En Croatie, le gouvernement a lancé une initiative appelée Otvorena Vrata pour encourager les agriculteurs à se spécialiser dans certains produits. Mais les producteurs sont restés impassibles. « C’est loin de la réalité de l’agriculture croate, c’est de l’utopie. De fait 60% de notre agriculture n’est pas prête pour l’UE », bougonne, Josip Pavic, président du syndicat agricole croate, le PPDIV. Ailleurs, les entreprises se plaignent que les gouvernements font bien peu pour stimuler les exportations.

Les petites entreprises résistent aux changements

Cependant, il ne faudrait pas mettre tous les torts sur le dos des gouvernements, les producteurs ont aussi leur part de responsabilité.

Afrim Arzuallxhiu, directeur de l’entreprise agroalimentaire Progres, une des plus importantes du Kosovo, avoue qu’il ne se soucie pas de trouver de nouveaux acheteurs dans l’UE, bien qu’il en ait peu. Son entreprise tourne à 50% de ses capacités et ses produits sont compétitifs sur le marché de l’UE et répondent aux normes requises de qualité. Il reconnaît que son entreprise a un problème d’attitude : « nous ne sommes pas assez agressif pour faire des affaires dans l’UE ». Mais il est beaucoup plus passionné par la question des mesures de protection pour sauvegarde l’industrie domestique, et il se plaint que les pays voisins aient davantage de soutiens dans ce domaine.

Dragan Bisic, propriétaire de la société de plantes médicinales Bilje Borca, admet que les attitudes doivent changer et qu’il faut un esprit d’entreprise plus audacieux et aussi plus d’investissements.

Pour Michael Kamitschnig, la restructuration insuffisante de l’agriculture aboutit à la production de « mauvais produits, des produits de qualité inférieure, des produits de base sans aucune transformation ».

Andrija Pejovic, conseiller économique auprès du ministère serbe de l’Intégration européenne, réagit à ses critiques en disant qu’il faut du temps et des investissements pour rectifier tout cela. « Vous ne pouvez pas en un jour sauter du communisme au capitalisme ».

Il y a un tel fossé entre la qualité et les normes requises pour le marché de l’UE que les producteurs renoncent même d’exporter vers l’UE. Adem Dumishi, dont l’entreprise Agro-Alba produit des fleurs, se souvient du choc quand il a vu de ses propres yeux le haut niveau de qualité aux Pays-Bas où il faisait un stage de formation. « Je ne peux pas entrer en compétition avec une production aussi efficace ».

L’entreprise Tikves de Macédoine est l’une de celles qui a appris à s’adapter au système européen. Elle exporte vers l’Europe depuis quelques années et son directeur Georgi Petrusev, affirme que si elle veut pénétrer davantage le marché européen, elle doit suivre ses règles. « Tôt ou tard nous devrons travailler selon les règles de l’UE. Pour nous, le plus tôt sera le mieux ».

Michael Kamitschnig admet que l’assistance de l’UE doit être plus forte, et qu’il ne suffit pas d’ouvrir les marchés. Bruxelles va mettre l’accent sur des programmes de développement de l’agriculture pour aider les exploitants des Balkans occidentaux à faire face aux pressions du marché dans son plan de budget pour 2007-2013. « Les programmes offerts aux Balkans occidentaux s’inspireront de ceux utilisés par les nouveaux membres de l’Union dans leur phase de pré-accession », ajoute-t-il.

La question est de savoir si beaucoup d’exploitants pourront attendre. Les producteurs croates ont plus de chance que les autres car, avec le statut de candidat à l’adhésion, ils peuvent espérer plus d’assistance pour restructurer leur agriculture. Pour leurs voisins, l’attente de l’assistance européenne risque d’être longue et pour beaucoup elle arrivera trop tard.

 

Après son retrait de Bosnie, l’OTAN se cherche de nouvelles missions dans les Balkans
TRADUIT PAR JACQUELINE DÉRENS

Publié dans la presse : 3 décembre 2004
Mise en ligne : dimanche 5 décembre 2004

Avec le retrait de la Force de Stabilisation de l’OTAN en Bosnie-Herzégovine (SFOR), et son remplacement par la mission EUFOR de l’Union européenne, le 2 décembre, une phase importante de l’engagement de l’Alliance atlantique est révolue. Cependant, l’OTAN n’a pas encore quitté les Balkans, et le Partenariat pour la Paix (PfP) attire tous les pays de la région, notamment la Serbie.

Par Christopher Bennett

En effet, la fin de la SFOR doit être comprise comme le commencement, non pas d’un retrait de l’OTAN de la région, mais d’un processus visant à ancrer toute l’Europe du Sud-est dans les structures euro-atlantiques.

Même après le déploiement de l’EUFOR, à la date officielle du 2 décembre, l’OTAN a maintenu son propre quartier général militaire, qui va se concentrer sur la réforme du système de défense bosniaque, préparant ainsi la Bosnie-Herzégovine à l’adhésion au Partenariat pour la Paix (PfP) puis éventuellement à l’Alliance elle-même.

Le quartier général de l’OTAN, qui aura à sa tête un général américain et un personnel de 150 personnes, travaillera aussi à la lutte contre le terrorisme, à l’arrestation des suspects de crimes de guerre et aux services de renseignements. De plus, les Etats-Unis vont maintenir une présence sur le terrain, avec environ 200 hommes basés à Tuzla. La présence américaine servira de centre de formation pour d’autres opérations.

La coopération entre l’Union Européenne et l’OTAN en Bosnie s’effectue selon la série d’accords connus sous le nom de « Berlin Plus », par lesquels les ministres des Affaires étrangères européens s’étaient engagés en faveur de la création d’une Identité de Défense et Sécurité Européenne, tout en utilisant les atouts de l’OTAN à cette fin. Sur le plan pratique, les arrangements cherchent à éviter la duplication des capacités entre les deux organisations et à s’assurer qu’elles travaillent main dans la main.

UE- OTAN : une chaine de commandement intégrée

Le commandant stratégique de la mission de l’UE en Bosnie-Herzégovine sera le vice-commandant suprême des alliés en Europe, qui est aussi le plus ancien des officiers de l’UE et qui est basé au quartier général suprême des forces alliées (SHAPE) à Mons, en Belgique.

La chaîne de commandement fonctionnera depuis une cellule du SHAPE vers une autre cellule de l’UE du commandement des forces alliées de Naples, qui est aujourd’hui responsable de la SFOR et de la KFOR au Kosovo, pour que les missions opèrent ensemble sans accroc. Des plans d’urgence existent pour que l’OTAN fournisse des forces en cas de besoin.

L’EUFOR tient son mandat d’une résolution du Conseil de Sécurité de l’ONU et ses effectifs armés seront au début de 7 000 hommes, comme les forces actuelles de la SFOR. C’est peu de choses par rapport à l’armée de 60 000 hommes lourdement armés et équipés de l’OTAN qui avaient été déployées en Bosnie en décembre 1995.

La structure des forces armées de la Bosnie comprenait trois armées rivales à la fin des hostilités en 1995, ce qui n’a pas conduit à une stabilité durable. Depuis, l’OTAN et d’autres organisations internationales ont travaillé avec les autorités bosniaques au sein de la Commission de Réforme de la Défense pour réformer les structures de la défense nationale. Ce travail a porté ses fruits avec la création en 2003 d’un seul ministère de la Défense au niveau national.

L’OTAN va jouer un rôle directeur dans la Commission de Réforme de la Défense et va travailler avec les autorités bosniaques pour maintenir le rythme des réformes dans les années à venir.

En plus de la mise en place d’un programme de réformes de sa défense, la Bosnie-Herzégovine doit montrer qu’elle est prête à collaborer pleinement avec le Tribunal Pénal International pour l’ex-Yougoslavie de La Haye, y compris en aidant à l’arrestation de l’ancien Président bosno-serbe, Radovan Karadzic, avant de pouvoir rejoindre le PfP. Le manque de coopération de la Republika Srpska empêche l’entrée de la Bosnie dans le PfP.

Le modèle macédonien et l’enjeu du Kosovo

Le modèle pour une coopération EU-OTAN en Bosnie-Herzégovine a été établi en Macédoine. Dans ce pays, l’Otan a passé sa responsabilité pour le maintien de la paix à l’Union européenne en avril 2003, tout en maintenant un quartier général militaire de 180 personnes dans le pays. Le quartier général de l’OTAN est toujours là et assiste les autorités de Skopje à la réforme de la défense et à la préparation d’une éventuelle adhésion à l’Alliance, tout en fournissant un soutien à d’autres missions sous la direction de l’OTAN dans les Balkans.

La menace de violence est plus grande au Kosovo où l’OTAN a du déployé des forces supplémentaires et les forces de maintien de la paix ont dû utiliser la force pour maintenir l’ordre et protéger les communautés serbes en mars 2004. C’est pour cette raison que l’OTAN maintient une forte présence militaire dans la province avec 17 000 soldats de la KFOR. Ce chiffre est cependant nettement inférieur aux 50 000 soldats de juin 1999.

À la suite des violences de mars 1999, toutes les organisations internationales ont réexaminé leur politique envers le Kosovo et ont pris d’importantes initiatives pour revitaliser le processus politique afin de prévenir toute violence.

Il est tout à fait crucial que l’on voit que la violence ne paie pas et que les coupables des violences de mars 2004 comparaissent devant la justice,.alors que la question du statut final du Kosovo est en suspens depuis les frappes de l’OTAN de 1999 et qu’elle devrait être à l’agenda international en 2005.

Tant que la question du statut du Kosovo ne sera pas résolue, la KFOR a une responsabilité particulière au maintien d’un environnement stable selon la résolution 1244 du Conseil de Sécurité de l’ONU et l’Accord militaire entre l’OTAN et l’armée yougoslave. Des tensions sont susceptibles d’apparaître pendant les préliminaires et au cours des discussions.

Depuis les émeutes de mars 2004, l’OTAN et la MINUK ont mis en place des plans d’urgence avec des responsabilités bien définies pour faire face à une éventuelle flambée de violence...

Elles ont aussi cherché à engager davantage les communautés locales dans les affaires de sécurité en amenant la KFOR, le Service de Police du Kosovo, la police de la MINUK et les institutions naissantes du Kosovo à travailler ensemble dans une nouvelle structure appelée le Groupe d’Assistance pour la Sécurité au Kosovo. À ce jour, toutefois, les Serbes du Kosovo ont choisi de ne pas participer à cette institution, sapant ainsi son potentiel.

Un des grands défis est de persuader les Serbes du Kosovo que leur intérêt est de participer à la vie politique locale. Mais si 90 000 Serbes ont participé aux élections parlementaires du Kosovo en 2001, seulement 2 000 l’ont fait en octobre 2004. La grande majorité, soit par conviction, soit par intimidation, a suivi le mot d’ordre de boycott lancé par Belgrade. De fait, la clé du changement de l’attitude des Serbes du Kosovo, au moment où les discussions sur le statut semblent imminentes, dépend des décisions prises à Belgrade.

Le rapprochement Belgrade-OTAN

Les développements de la situation en Serbie et Monténégro ont toujours de grandes incidences pour le Kosovo et pour la région. Après la chute du Président Milosevic en 2000, Belgrade a mis en place une politique étrangère tout à fait différente et a adopté une politique plus pragmatique et plus constructive envers l’OTAN, même au moment des violences de mars dernier au Kosovo.

En juin 2003, Belgrade a fait une demande officielle pour adhérer au programme du PfP de l’OTAN. is des officiers militaires et des civils ont participé aux cours d’orientation de l’OTAN. Ces cours visent à fournir aux participants une connaissance de base de l’Alliance, ainsi qu’une introduction à la gestion des crises, aux opérations de maintien de la paix et à la coopération civile et militaire...

En novembre 2003, les relations entre la Serbie et Monténégro se sont améliorées au point que le secrétaire général de l’Alliance, Lord George Robertson, a pu faire une visite à Belgrade lors de sa tournée d’adieux en ex-Yougoslavie.

La Serbie et Monténégro ont fait des progrès récemment sur la réforme de la défense et ont coopéré avec le tribunal de La Haye, en particulier avec le transfert de Milosevic. Cependant cette coopération s’est affaiblie ces derniers temps et plusieurs demandes doivent êtres remplis avant que le pays soit admis au PfP.

Belgrade devra livrer à La Haye les suspects de crimes de guerre les plus connus qu’elle abrite, en particulier l’ancien général en chef des Bosno-serbes, Ratko Mladic. Belgrade devra aussi retirer sa plainte contre huit pays de l’Alliance et leurs dirigeants devant la Cour de justice internationale, datant de la campagne des frappes aériennes de 1999.

Ce qui peut inciter Belgrade à répondre aux demandes de l’OTAN est l’assistance qu’elle pourrait en espérer en participant au PfP. L’OTAN assiste déjà les pays voisins dans leurs réformes des secteurs de la sécurité, en leur offrant, entre autres, des programmes pour le recyclage du personnel militaire pour la vie civile et la conversion des sites militaires à des usages pacifiques.

En devenant membre du Conseil de Partenariat euro-atlantique, la Serbie et Monténégro mettrait le pied sur le premier échelon de l’échelle pour intégrer et faire entendre sa voix dans les forums de l’OTAN.

L’OTAN et toute la communauté internationale tireraient aussi de grands bénéfices de l’adhésion de la Serbie et Monténégro au PfP. Car il est difficile de reconstruire une paix et une sécurité à long terme dans la région sans que Belgrade soit un partenaire constructif.

En dépit de questions encore sans réponses, des progrès ont été accomplis.

Si ces progrès sont lents, les Balkans ont montré qu’ils n’étaient pas devenus ce bourbier que beaucoup d’analystes prédisaient quand l’OTAN est intervenu militairement pour la première fois en Bosnie-Herzégovine en 1995, d’où la décision de mettre fin à la présence de la SFOR.

Même si leurs rôles et leurs responsabilités changent, l’UE, l’OTAN et d’autres acteurs internationaux doivent continuer à rester des partenaires efficaces aussi longtemps qu’il faudra pour que la reconstruction et la stabilisation de la région soient durables et irréversibles.

 

CNUCED : investissement en baisse en Europe centrale et orientale avant le rebond

22 septembre 2004La baisse importante de l'investissement direct en Europe centrale et orientale n'empêche pas que, sous l'effet conjugué de la reprise et de l'entrée de huit pays de la région dans l'Union européenne (UE), celle-ci ne devienne la destination la plus intéressante pour les investisseurs en 2004-2005, indique le dernier rapport de l'agence de l'ONU pour le commerce et le développement.

L' « effondrement » de l'investissement étranger direct (IED) en Europe centrale et orientale, passé d´un niveau record de 31 milliards de dollars en 2002 à 21 milliards de dollars en 2003, est « inattendu », selon le Sous-Secrétaire général de la CNUCED (Conférence des Nations sur le commerce et le développement), Carlos Fortin, cité dans un communiqué de l'agence.

Le phénomène s'explique essentiellement par la fin de la privatisation en République tchèque et en Slovaquie, l'an dernier, explique le rapport que vient de publier la CNUCED, intitulé « Rapport sur l´investissement dans le monde 2004 : la montée en puissance du secteur des services » (World Investment Report 2004: The Shift Towards Services) qui table par ailleurs sur une reprise à moyen terme de la croissance de l´IED en Europe centrale et orientale.

L´investissement étranger direct a augmenté dans 10 pays de la région et diminué dans 9 en 2003, la plupart des pays recevant moins d´un milliard de dollars, met en évidence ce document. Il a fléchi en Fédération de Russie où il se trouve ramené de 3,5 à 1 milliard de dollars. La part de l´IED dans la formation brute de capital fixe en Europe centrale et orientale a également chuté de 17% en 2002 à 10% en 2003.

Si les résultats modestes enregistrés dans la région l´an dernier montrent qu´il n´y a eu aucun détournement important des flux d´IED en provenance des anciens membres de l´UE vers les pays d´Europe centrale et orientale, huit des pays de la région qui ont rejoint l´UE en 2004 pourraient, selon certaines conjectures, attirer des investissements de pays non européens.

En 2003, ces huit pays (République tchèque, Estonie, Hongrie, Lettonie, Lituanie, Pologne, Slovénie et Slovaquie) dont l'intégration à l'Union est devenue effective en mai 2004, ont en fait constaté une diminution de l´IED ramené de 23 milliards de dollars en 2002 à 11 milliards de dollars en 2003.

En ce qui concerne l'investissement étranger direct provenant de la région, la Fédération de Russie, avec 59% du total, s´est « taillée la part du lion », indique la CNUCED.

La prédominance habituelle des entreprises russes ressort clairement du classement des premières sociétés transnationales (STN) d´Europe centrale et orientale publié dans le rapport. Les STN les plus importantes ont tenu bon en 2002 en dépit du ralentissement de l´économie mondiale.

Cela tient au fait que les STN de la Fédération de Russie et de la Croatie en particulier ont anticipé l´élargissement de l´Union européenne en espérant prendre pied sur le marché européen élargi à 25 membres, explique l'agence qui précise que le secteur des STN est dominé par des entreprises qui exploitent des ressources naturelles et par des sociétés de transports.

D´après ce nouveau rapport de la CNUCED, la croissance économique devrait favoriser l´augmentation de l´IED en Europe centrale et orientale et les flux d´IED à destination des nouveaux membres de l´Union européenne connaître un "second souffle", les investisseurs traditionnels cherchant à tirer parti des nouveaux avantages géostratégiques de ces pays.

Le rapport souligne également que plusieurs nouveaux membres de l´UE soucieux d'améliorer leurs avantages compétitifs, ont abaissé leurs impôts sur les sociétés pour les ramener à des niveaux comparables à ceux appliqués dans des pays comme l´Irlande.

Sous l´effet conjugué de taux d´imposition des sociétés peu élevés, de salaires relativement bas et d´un accès à des subventions de l´Union européenne - renforcé par l´environnement favorable aux investissements, une main-d´œuvre hautement qualifiée et un libre accès aux marchés des autres membres de l´Union - les nouveaux pays membres sont devenus des destinations intéressantes pour l´IED, provenant aussi bien d´autres pays de l´Union européenne que de pays tiers.

"Il n´est donc pas surprenant que l´Europe centrale et orientale offre des perspectives intéressantes pour l´IED" affirme Karl P. Sauvant, Directeur de la Division de l´investissement de la CNUCED. En effet, plus des deux tiers des principales STN et des experts en localisation d´entreprises interrogés par la CNUCED début 2004 s´attendaient à une remontée des entrées d´IED en 2004-2005. C´est parmi toutes les régions celle pour laquelle la proportion des réponses allant dans ce sens est la plus élevée.

Pour plus de détails, voir le document sur le site du Cnuced

 

La guerre sur grand écran : filmographie de l’éclatement yougoslave
TRADUIT PAR JASNA ANDJELIC

Publié dans la presse : 31 mars 2004
Mise en ligne : samedi 10 avril 2004

Au total, plus d’une trentaine de films consacrés à l’éclatement de l’ancien État commun ont été réalisés dans les différentes républiques issues de la Yougoslavie. Un nouveau genre a été créé, que l’on pourrait appeler le nouveau film de guerre post-yougoslave. Analyse et cinématographie.

Par Nevena Dakovic

Les guerres sur le territoire ex-yougoslave sont devenues sujet obsessionnel non seulement des cinématographies régionales, mais aussi, dans une forme réarticulée, de la cinématographie mondiale. Plus de trois cents films documentaires et de fiction traitent de l’éclatement de l’ex-Yougoslavie, que ce soit à travers des métaphores complexes et ambitieuses (Before the Rain du Macédonien Mancevski, Underground d’Emir Kusturica), un naturalisme vif et enrichi de métaphysique (Les beaux villages brûlent bien, Les témoins), un humour aigre-doux (Le commencement de la guerre sur mon île, ou Au feu ! du Bosniaque Pjer Zalica) ou, plus rarement, une propagande unilatérale du type « les bons contre les mauvais » (Cetvertored, L’environnement). Le nouveau film de guerre est basé sur l’expérience spectaculaire du combat, mais cette fois sans l’idélologie, des films sur les partisans de Tito adaptée au chaos balkanique, avec des motifs repris des films sur le Vietnâm et les traumatismes contemporains de l’urbicide, de la pauvreté, de l’isolement et de la destruction sociale.

La narration cinématographique offre des explications complexes et différentes des conflits, et elle reflète les attitudes chaotiques et opposés des participants volontaires et involontaires à la guerre. Certains de ces films recourent à l’hypothèse de dettes historiques et nationales non apurées (Underground, Cetvertored), d’autres expliquent tout par l’impassibilité du destin Balkanique (Barril de poudre de Goran Paskaljevic, Before the Rain) ou présentent les événements à travers un comique basée sur la folie du tempérament balkanique (Quand chantent les morts, Au feu !). Ces films osent critiquer, quoique indirectement, les incitateurs à la guerre et partagent la culpabilité entre toutes les parties (Les beaux villages brûlent bien, Les témoins). Ils offrent parfois une consolation humanisante, en présentant la guerre comme un mal universel et non comme un phénomène endémique de la région (No man’s land) .

Un miroir déformant

Les films de fiction sont apparus relativement vite après les événements réels. Les incendies de Vukovar n’étaient pas encore éteintes que cette ville baroque sur le Danube est devenue le symbole cinématographique d’une destruction sans fin. Le film Déserteur de Zivojin Pavlovic, tourné en 1992, établit déjà le modèle de transposition de l’histoire en arrière et de transfert du poids émotif. En utilisant la chronologie des véritables carnages, les nouveaux films de guerre traitent des questions universelles de l’amour, de la haine, de la trahison, de l’honneur parmi les personnages représentatifs de point de vue national et social, avec lesquels le public s’identifie facilement. Le drame du retour au foyer d’Oleg Novkovic intitulé Dis-moi pourquoi tu m’as quitté rejoint ce concept et parle de la mort spirituelle des victimes retournées en ville qui ne retrouvent plus le sens de la vie.

Le film Vukovar, une histoire de Bora Draskovic se sert de manière calculée d’un Romeo et d’une Juliette appartenant aux entités en guerre. Dans une ville détruite sans merci, la violence des groupements nationaux est dépassée par les figures mythiques des « chiens de guerre », les soldats qui pillent, violent et tuent de façon animale. En réponse aux films serbes, le metteur en scène croate, Branko Shmidt tourne Le mémento de Vukovar et Vukovar rentre chez lui, le drame d’un combattant qui retourne dans sa ville. Il y compare le passé et le présent de la ville, en écrivant son propre mémento rempli de haine et d’amertume envers les seuls coupables de la destruction. Le prix de la vie de Bogdan Zizic décrit les personnages serbes comme la partie problématique des mariages et liaisons mixtes rompues dans la guerre.

Les films qui transforment les qualifications ethniques en principes éthiques reprennent les chemins myopes de la propagande politique. Dans La madonne de Neven Hitrec, un jeune réalisateur croate, les Serbes sont décrits comme un collectif enclin à l’alcoolisme et aux instincts les plus bas de pillage, de violations et de meurtre des innocents.

Le tournant de Dayton

Les nuances explicatives de notre cinématographie coïncident de manière évidente avec le tournant historique qu’ont représenté les accords de Dayton. Emir Kusturica tourne Underground, un riche galimatias narratif et visuel, politiquement et idéologiquement indéterminable, primé à Cannes l’année même du dénouement de Dayton. Ce film codifie deux caractéristiques importantes du nouveau genre cinématographique : utilisation d’une palette de déterminantes mythologiques, fatalistes, anthropologiques et nationales sur la nature et les causes du conflit et structuration narrative à travers un dialogue permanent entre le passé et le présent.

Parmi ces argumentations différentes, il est possible de distinguer deux larges catégories d’explications cinématographiques de la guerre : la catégorie historico-critique et la catégorie mythique et fataliste. Dans le film Remake de Dino Mustafic, le jeune metteur en scène, réfugié, tourne en France un film qui évoque l’histoire yougoslave comme un « remake » incessant des conflits et de la haine nationale. Dans le film Le tunnel de Faruk Sokolovic, l’entrée physique dans le tunnel d’un vieillard réfugié de Bosnie marque symboliquement ses souvenirs des années 1950, et de son amour de jeunesse détruit par la jalousie et la vengeance d’un policier serbe, avec les images des poursuites « staliniennes » contre le mouvement des « Jeunes musulmans ». Comme dans une tragédie antique, les descendants sont punis pour les péchés de leurs ancêtres. Des films comme Les beaux villages brûlent bien ou Barril de poudre ont adopté la vision mythique-fataliste : le barril de poudre balkanique explose tous les cinquante ans, sans égard à nos actes. Dans le film Before the Rain, le docteur dit que la guerre est comme un virus, une maladie qu’on ne peut pas déraciner, menaçant toujours de se transformer en épidémie.

Le véritable héros du film L’État des morts de Zivojin Pavlovic est la famille multinationale d’un ancien offficier de l’armée yougoslave : le père est Slovène, la mère est Macédonienne, le gendre est de Sarajevo, la petite amie du fils est Croate. Ils finissent à Belgrade, dans un camp collectif, confrontés à la pauvreté, aux suicides, à la criminalité, dans le malheur général d’un pays et d’une époque.

Le film No man’s land de Danis Tanovic, primé par l’Oscar, réalise une cohésion des stéréoptypes internationaux sur le sujet et des idées locales poltiquement correctes. No man’s land est une partie du territoire de combat, une prison pour les combattants serbes comme musulmans qui tentent de sauver leur collègue allongé sur une mine. Les forces internationales participent au sauvetage, suivant leur devise « observe et prend note, mais sans t’en mêler ». Incapables de comprendre l’absurdité de la situation et privés de volonté d’analyse, ils réussissent, tous ensemble, à improviser un dénouement, avec une assistance inerte des médias. En réalité, rien ne change. Nos fronts restent des « no man’s land », des images universelles de la guerre dans un temps insaisissable.

Le film La terre de la vérité, de l’amour et de la liberté, tourné au moment des changements politiques en Serbie, offre une version alternative de la narration sur la guerre. Le jeune monteur, qui a survécu au bombardement du bâtiment de la télévision d’État par l’OTAN, arrive dans un hôpital psychiatrique. Le metteur en scène Milutin Petrovic et le scénariste Sasa Radojevic racontent la folie comme un état d’esprit de la nation et même du monde entier qui passe d’une guerre à l’autre.

Filmographie de l’éclatement de la Yougoslavie

Dezerter (Le déserteur), 1992, Zivojin Pavlovic, Serbie

Kazi zasto me ostavi (Dis-moi pourquoi tu m’as quittée), 1993, Oleg Novkovic, Serbie

Vukovar, jedna prica (Vukovar, une histoire), 1994, Boro Draskovic, Serbie

Vukovarski memento (Le méménto de Vukovar), 1993, Branko Schmidt, Croatie

Vukovar se vraca kuci (Vukovar rentre à la maison),1994, Branko Schmidt, Croatie

Pre kise (Before the Rain)1994, Milco Mancevski, Macédoine

Cijena zivota (Le prix de la vie) 1994, Bogdan Zizic, Croatie

Vidimo se u citulji (A bientôt dans un avis de décès), 1994, Janko Baljak, Serbie

Tamna je noc (La nuit sombre), 1995, Dragan Kresoja, Serbie

Podzemlje (Underground), 1995, Emir Kusturica, Serbie

Ubistvo s predumisljajem ( Le meurtre avec préméditation), 1995,Gorcin Stojanovic, Serbie

Lepa sela lepo gore (Les beaux villages brûlent bien), 1996,Srdjan Dragojevic, Serbie/ Republika Srpska

Kako je poceo rat na mom otoku (Le commencement de la guerre sur mon île), 1996,Vinko Brezan, Croatie

Autsajder (Outsider) 1997, Andrej Kosak, Slovénie

Treca zena (La troisième femme), 1997, Zoran Tadic, Croatie

Savrseni krug (Le cercle parfait) 1997, Ademir Kenovic, Bosnie-Herzégovine

Balkanska pravila (Les règles balkanique), 1997, Darko Bajic, Serbie

U okruzenju (Dans les environs),1998, Stjepan Sabljak, Croatie

Marsal (Le maréchal), 1999,Vinko Bresan, Croatie

Noz (Le couteau), 1999, Miroslav Lekic, Serbie

Bogorodica (La Madone), 1999, Neven Hitrec, Croatie

Crvena prasina (La poussière rouge) 1999, Zrinko Ogresta, Croatie

Cetvorored 1999, Jakov Sedlar, Croatie

Kad mrtvi zapjevaju (Quand chantent les morts),1999, Krsto Papic, Croatie

Drzava mrtvih (L’État des morts) 1999/2002, Zivojin Pavlovic, Serbie

Zemlja istine, ljubavi i slobode (La terre de la vérite, de l’amour et de la liberté), 2000, Milutin Petrovic, Serbie

Tunel (Le tunnel), 2000, Faruk Sokolovic, Bosnie-Herzégovine

Nicija zemlja (No man’s land), 2001,Danis Tanovic, Bosnie-Herzégovine

Mljecni put (La voie lactée), 2001,Faruk Sokolovic, Bosnie-Herzégovine

Prasina (La poussière) 2001, Milco Mancevski, Macédoine

Fine mrtve djevojke (Les chouettes jeunes filles mortes), 2002, Dalibor Matanic, Croatie

Remake, 2002,Dino Mustafic, Bosnie-Herzégovine

Ledina (La friche), 2003, Ljubisa Samardzic,Serbie

Gori vatra (Au feu), 2003, Pjer Zalica, Bosnie-Herzégovine

Ljeto u zlatnoj dolini (L’été dans la vallée dorée), 2003,Srdjan Vuletic, Bosnie-Herzégovine

Svjedoci (Les témoins) 2003, Vinko Bresan, Croatie

 

 

KORRIERI
Le Corridor 8, un défi pour tous les Balkans
TRADUIT PAR MANDI GUEGUEN

Publié dans la presse : 30 mai 2004
Mise en ligne : jeudi 3 juin 2004

Le Corridor 8 est tout aussi important pour l’Albanie et pour sa voisine, l’Italie, que pour l’intégration de l’ensemble de la région, et tous les pays concernés par son passage doivent s’y engager au maximum. Ce corridor paneuropéen de développement doit relier la Mer Adriatique, la Mer Ionnienne et la Mer Noire.

L’ambassade italienne à Tirana, a organisé hier en collaboration avec le ministère des Transports et des Télécommunications, une conférence sur « Le Corridor 8, un défi pour la construction d’un système de réseaux de développement dans la région des Balkans ». L’Ambassadeur italien à Tirana, Attilio Massimo Ianucci, a affirmé que la réalisation de ce Corridor 8 est très importante pour l’intégration de la région. Selon lui, l’engagement de tous les pays dans l’organisation des travaux « aiderait beaucoup à trouver des donnateurs pour sa construction ».

Le ministre des Transports, Spartak Poci, a affirmé que « cette initiative faisait partie des efforts que doivent fournir les gouvernements des pays traversés par le Corridor 8, ainsi que l’Union Européenne et les donateurs ». Selon lui, la conférence scientifique organisée dans ce but, est censée donner de l’ampleur aux travaux pour la réalisation des projets concrets dans la construction complète de ce corridor. « Ce corridor est polyvalent, il comprend des routes, des chemins de fer, des couloirs aériens. Il inclut aussi le cheminement du gas et de l’énergie entre les pays de la région », a ajouté le ministre albanais.

Le Corridor 8 contribuera aussi, selon lui, à accroître la collaboration entre les pays et le développement des secteurs cruciaux de l’économie des pays concernés, tels que le tourisme, le commerce privé, etc. En septembre 2002, à Bari, en Italie, était signé le mémorandum d’Entente du Huitième Corridor Paneuropéen. En mars dernier, les ministres des pays concernés, Albanie, Macédoine, Grèce, Bulgarie, Turquie et Italie, se sont réunis à Tirana afin d’examiner les stratégies nationales et régionales pour l’intégration de ce couloir dans le réseau des transports Transeuropéen. Le Corridor 8 constitue un programme complexe, fondamental pour la cohésion territoriale entre l’Adriatique et les Balkans, la Mer Noire et le Moyen Orient. Il comprend la liaision intermodale Ouest-Est, entre les régions du transport Paneeuropéen, entre la Mer Adriatique, la Mer Ionnienne et la Mer Noire. La ligne principale relie Bari et Brindisi à Durres,Vlora, Tirana, puis prend l’axe Cafasan, Skopje, Plovdiv, Burgas, Varna. Le Corridor inclut aussi la liaison routière Ormenion-Svilengrad-Burgas, qui est aussi liée aux Corridors 4 et 9 ainsi qu’au réseau transeuropéen.

Le Corridor 8 constitue l’actualisation d’un système complexe de collaboration, qui prévoit la réalisation, partant pratiquement de zéro, d’infrastructures routières de 960 km, de réseaux férroviaires de 1270 Km, d’œuvres maritimes importantes, de nouvelles stations aéroportuaires qui incluent un important système de pipelines de gas et de pétrole.

Le gouvernement albanais a présenté récemment aux structures de l’UE tous les projets concernant le Corridor 8 et, selon des sources officielles, il poursuivra dans l’avenir des initiatives interrégionales dans ce sens, étant donné la place privilégiée qu’il accorde à cette affaire pour l’avenir du pays.

 

ADEVARUL
Europe centrale et du Sud-est : rencontres régionales à Mamaia
TRADUIT PAR LAURE HINCKEL

Publié dans la presse : 28 mai 2004
Mise en ligne : samedi 29 mai 2004

Le récent élargissement de l’Union européenne est au menu de la rencontre des chefs d’Etat d’Europe centrale qui se tient sur la côte roumaine fin mai. En marge des discussions, les questions frontalières entre l’Ukraine et la Roumanie et le difficile réchauffement des relations entre la Moldavie et la Roumanie.

Par Andreea Bratosin

A Mamaia (station balnéaire sur la mer Noire) s’est ouverte jeudi 27 mai 2004 la réunion des chefs d’Etat d’Europe centrale, un forum de discussion, informel, dédié à la coopération régionale. Le président Ion Iliescu est entouré de nombreux chefs d’Etat invités, 16 pour 15 pays. L’Autriche, à l’origine de l’idée de l’organisation de telles réunions est représentée par deux présidents : Thomas Klestil, dont le mandat arrive à sa fin, et son successeur élu, Heinz Fischer. En revanche le président italien Carlo Azeglio Ciampi a dû annuler au dernier moment sa visite en raison de problèmes de santé. Les autres participants sont les présidents d’Albanie, Bosnie, Bulgarie, Allemagne, Croatie, république de Moldavie, Pologne, Serbie Monténégro, Slovaquie, Slovénie, République Tchèque, Ukraine et Hongrie. Pendant deux jours, les 17 chefs d’Etat vont analyser les conséquences de l’intégration dans l’UE du premier groupe d’Etats d’Europe centrale, vont évoquer le moment 2007 quand la Roumanie et la Bulgarie devraient devenir à leur tour, membres de l’Union européenne.

Ils discuteront aussi probablement des limites du futur élargissement, sujet très épineux à l’heure actuelle. Il semble probable que dans leur déclaration finale les participants s’expriment en faveur « de la poursuite de la réunification du continent », recommandant qu’ait un jour lieu l’intégration des pays des Balkans de l’ouest. De telles déclarations généreuses sont logiquement attendues de la part de chefs d’Etat qui en général ont surtout un rôle officiel (à quelques exceptions près, parmi lesquelles, celle du président Iliescu). Ceux qui détiennent le pouvoir dans les Etats de l’UE sont cependant beaucoup plus prudents. Par exemple, hier, le chancelier autrichien Wolfgang Schussel s’est dit d’avis qu’après l’entrée de la Roumanie, de la Bulgarie et éventuellement de la Croatie, l’élargissement devrait observer une pause pour un temps assez long, le temps que l’Union assimile comme il convient les nouveaux venus...

En marge du cadre officiel, le président Iliescu a eu hier des entretiens bilatéraux avec chacun de ses invités. Selon le porte parole Corina Cretu, tous ont eu lieu dans une atmosphère cordiale, même celui avec le président de la république de Moldavie, Vladimir Voronin. Le président communiste Vladimir Voronin qui a accusé à de nombreuses reprises la Roumanie de « tendances impérialistes » et « d’intervention dans les affaires internes de la Moldavie » s’est montré cette fois « ouvert au dialogue ». Il ne croit pas que dans son pays existe une « campagne anti roumaine » mais seulement « des provocations » ou des « incompréhensions », pour le dépassement desquels la Roumanie et la Moldavie devraient coopérer plus étroitement, afin de détendre leurs relations. Dans ce but Iliescu et Voronin ont décidé de réactiver la commission mixte bilatérale, surtout au niveau économique.

Un autre entretien qui s’annonçait cordial, celui de l’après midi entre Iliescu et le président ukrainien Kutchma, en dépit des problèmes territoriaux non résolus entre Bucarest et Kiev. Dans une déclaration officielle faite avant son arrivée en Roumanie, le leader ukrainien se déclarait confiant dans le fait « que les problèmes restés en suspens » dans le traité bilatéral seront résolus sans qu’il soit nécessaire de faire appel à l’arbitrage du tribunal de la Haye. Vendredi les discussions devaient se concentrer sur le climat d’affaire dans cette zone et sur les opportunités d’investissement en Europe centrale et du Sud est. A la table ronde sur ce thème devaient participer aussi des représentants de firmes et entreprises européennes. Le premier ministre Adrian Nastase était lui aussi attendu dans la soirée à Mamaia.

 

5 mai 2004, Montpellier/Rome -- 

Richesse et pauvreté continuent de coexister en Europe

Cinq pour cent de la population souffrent d'insécurité alimentaire

«L'Europe est une région caractérisée par une très grande diversité. Elle comprend certains des pays les plus avancés du monde ainsi que d'autres présentant un taux élevé de pauvreté», a déclaré aujourd'hui à Montpellier (France), M. Jacques Diouf, Directeur général de l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), lors de son discours inaugural à la 24e Conférence régionale de la FAO pour l'Europe (5-7 mai 2004).

«Pour la région, le taux de pauvreté estimé sur la base d'un revenu de moins de 2 dollars est de 21 pour cent et 5 pour cent de la population souffre d'insécurité alimentaire», a fait observer le Directeur général de la FAO.

«Ces taux sont plus faibles que dans la plupart des autres régions du monde, mais les variations sont importantes entre les pays», a-t-il ajouté.

«Une attention particulière doit être portée aux pays les plus pauvres de la région, en particulier en Europe du Sud-Est et dans la Communauté des Etats indépendants, pour remédier à l'insécurité alimentaire et la pauvreté en milieu rural», a souligné M. Diouf.

Parmi les facteurs ayant contribué à la progression de la pauvreté au cours des quinze dernières années, M. Diouf a cité les difficultés liées à la transition des systèmes centralement planifiés vers l'économie de marché, le déclin de la production agricole et agroalimentaire ainsi que le chômage.

Selon les estimations du Rapport 2003 de la FAO sur l'état de l'insécurité alimentaire dans le monde, le nombre de personnes sous-alimentées dans les pays en transition est passé de 25 à 34 millions entre 1993/95 et 1999/2001. La plus grande partie de cet accroissement a eu lieu dans la Communauté des Etats indépendants, où ce nombre est passé de 20,6 à 28,8 millions.

Production agricole en baisse

«Entre 1998 et 2003, la production agricole a diminué d'environ 0,5 pour cent par an dans la région. Elle a surtout progressé dans les pays dits en transition», a indiqué M. Diouf.

Et de rappeler que, pour la région Europe, l'agriculture représentait 12 pour cent du produit intérieur brut en 2001.

«La part des exportations agricoles dans les exportations totales était de 7,4 pour cent en 2002, pour un montant de 211 milliards de dollars, contre 222 milliards pour les importations agricoles», a-t-il précisé, ajoutant que «les 25 pays de l'Union européenne contribuent à plus de 90 pour cent de ces montants».

«L'année 2003 n'a malheureusement pas été favorable à l'agriculture dans la plupart des pays de la région», a déclaré M. Diouf, citant à cet égard la sécheresse, le gel, les inondations, les criquets et les rongeurs «qui ont entraîné une forte baisse de la production, notamment en Arménie, Bulgarie, Moldavie et Ukraine».

Au cours du dernier exercice biennal, six pays dans les Balkans et la Communauté des Etats indépendants ont reçu une aide d'urgence de la FAO, totalisant environ 15 millions de dollars, en réponse à des crises ayant affecté le secteur agricole, a révélé le Directeur général de la FAO.

Mais en dépit des problèmes qui se posent dans certains pays de la région, M. Diouf s'est déclaré convaincu qu'avec la volonté politique appropriée l'Europe peut relever les défis de la pauvreté et de l'insécurité alimentaire.

Par ailleurs, il a attiré l'attention sur la diminution de l'aide extérieure au développement du secteur agricole dans le monde «qui est passée, aux prix constants de 1995, de 27 milliards de dollars à environ 15 milliards au cours des années 90, alors qu'il faudrait doubler ce montant et accroître la part de l'agriculture dans les budgets nationaux pour accélérer la réduction de la sous-alimentation».

A propos des négociations commerciales multilatérales, le Directeur général de la FAO a fait observer qu'«une politique d'équité commerciale est indispensable au développement rural et à la sécurité alimentaire».

La qualité des produits alimentaires

Outre les défis et priorités pour le futur, le rôle de la recherche agricole dans le développement agricole et le suivi du Sommet mondial de l'alimentation (1996), la Conférence régionale de la FAO à Montpellier doit examiner notamment l'importance de l'amélioration de la sécurité sanitaire et de la qualité des produits alimentaires.

Sur ce dernier point, le Directeur général de la FAO a souligné: «C'est là un objectif important pour les gouvernements, le secteur privé et les organisations de la société civile de toute la région», rappelant ainsi l'engagement de l'Organisation à faciliter la participation de la société civile à ces évolutions.

Evoquant l'importance de la recherche agricole pour l'intensification durable de la production agricole, M. Diouf a déclaré: «La promotion d'échanges, les partenariats régionaux et mondiaux, le renforcement des liens entre les instituts publics et privés de recherche, de vulgarisation, d'éducation et de communication revêtent une grande importance pour l'Europe.»

_____________________
Contact:
Gilles Hirzel
Chargé d´information
Bureau régional de la FAO pour l´Europe
gilles.hirzel@fao.org
(+33)680754543

 

Balkans : trafic de la douleur
TRADUIT PAR JACQUELINE DÉRENS

Publié dans la presse : 27 novembre 2003
Mise en ligne : samedi 29 novembre 2003

L’enquête de l’IWPR sur le trafic des êtres humains a fait les gros titres des journaux des Balkans, amorçant un débat sur cette question et son traitement par la presse.

Ce rapport, intitulé « Trafic de la douleu », résultat de l’enquête menée par une équipe de l’IWPR, suscite un vaste débat public. Plusieurs tables rondes ont été organisées et largement commentées dans la presse de toute la région, mettant enfin au grand jour un délit qui n’avait jamais reçu autant d’attention.

À la suite de la publication du rapport, l’Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe (OSCE) a tenu une conférence sur le trafic des êtres humains au Kosovo et, à Skopje, des juges ont demandé à l’IWPR d’organiser un séminaire de haut niveau dont l’objet sera les médias et le système judiciaire macédonien.

« Trafic de la douleur », d’abord publié sur le site Internet de l’IWPR en septembre dernier, est le fruit de recherches effectuées dans les huit pays de la région, la coordination de ce travail étant assurée par les rédactions de Londres et de Roumanie.

Des journalistes ont visité des clubs, des bars, des hôtels, des bordels, parlé avec des trafiquants, des proxénètes, des responsables gouvernementaux et des victimes de ce trafic, ce qui a permis de brosser une image détaillée des réseaux transfrontaliers et des gangs responsables de la perpétuation de cet esclavage moderne.

Le rapport a été publié dans une douzaine de journaux et magazines dans les Balkans, et cité par beaucoup d’autres.

Ce rapport a été à la source de toute une série de débats et de tables rondes en Serbie, en Roumanie, au Kosovo et en Macédoine, tout au long du mois de septembre. Les discussions ont eu pour objet essentiel le trafic des êtres humains et la façon dont cette question est traitée dans les médias.

Des personnalités de haut rang ont participé à ces conférences. Parmi elles, Dusan Zlokas, coordinateur d’une équipe mise en place par le ministre de l’Intérieur de Serbie pour l’arrestation des trafiquants et le général Dan Valentin Fatulolu, directeur adjoint de l’Initiative de coopération pour l’Europe du Sud-Est, qui lutte contre le crime organisé et le trafic de drogues. De nombreux journalistes, des juristes et des représentants des ONG travaillant dans la région étaient aussi présents à ces débats.

Les tables rondes ont reçu une large couverture médiatique. Journaux, radios, agences de presse ont parlé de cet événement.

La rencontre de Pristina a été retransmise par la télévision publique RTK qui émet sur tout le Kosovo, celle de Skopje a fait l’objet de nombreux reportages, y compris sur la Télévision A1, la chaîne la plus importante du pays. À Bucarest, de nombreux bulletins d’information de plusieurs chaînes régionales ont parlé de ces événements.

Le débat public et la couverture médiatique qui ont suivi l’enquête de IWPR ont incité de grandes organisations internationales et des représentants locaux à organiser des événements pour continuer le débat.

Le 22 octobre, un mois après la table ronde de Pristina, l’OSCE a organisé sa propre conférence sur la question du trafic des êtres humains. À l’issue de la discussion, une série de recommandations ont été incluses dans un plan d’action pour la lutte contre ce trafic dans la région.

« Le débat suscité par IWPR est venu au bon moment et a porté ses fruits. Trop souvent, des rapports sont publiés sans laisser de traces, sans aucun suivi sur la question soulevée. Les enquêtes présentées ont mis sur le devant de la scène la question du trafic, à la fois d’un point de vue régional et d’un point de vue personnel et humain », a déclaré le porte-parole de l’OSCE pour le Kosovo Sven Lindholm.

Des représentants de l’appareil judiciaire de Macédoine ont suggéré à IWPR d’organiser un séminaire sur les relations entre la justice et les médias et la transparence du processus légal dans les cas de trafic d’êtres humains.

La juge d’instruction Hilda Meskova a confirmé que la table ronde de Skopje avait provoqué un vif débat parmi les juges, et elle a insisté sur la nécessité d’une pleine et entière compréhension des procédures légales et de la législation pour la couverture médiatique des cas de trafic d’êtres humains.

« Nous avons affaire à de nombreux cas de ce genre, et la façon dont ils ont été traités par les médias, qui ont donné l’identité des victimes et de leurs témoins, a eu une influence négative », affirme Hilda Meskova. qui espère que l’intérêt pour cette question amènera IWPR et l’Association des Juges de Macédoine à organiser des débats au début de l’année prochaine.

 

SEEMO
Bosnie : Kemal Kurspahic lauréat du prix « Dr. Erard Busek-SEEMO » 2003
TRADUIT PAR JEAN-ARNAULT DÉRENS

Publié dans la presse : 15 octobre 2003
Mise en ligne : vendredi 17 octobre 2003

Le Prix 2003 « Dr. Erhard Busek - SEEMO pour la compréhension dans l’Europe du sud-est » a été décerné à Kemal Kurspahic, ancien rédacteur en chef du quotidien de Sarajevo Oslobodjenje.

L’Organisation des médias du Sud-est de l’Europe (SEEMO) et son jury international ont choisi d’attribuer à Kemal Kurspahic, ancien rédacteur en chef du quotidien de Sarajevo Oslobodjenje, le Prix 2003 « Dr. Erhard Busek - SEEM pour la compréhension dans l’Europe du sud-est », en reconnaissance de ses efforts de journaliste, qui ont contribué à une meilleure compréhension dans l’Europe du sud-est.

Né le 1er décembre 1946, Kemal Kurspahic a été rédacteur en chef du quotidien Oslobodjenje de décembre 1988 à mars 1994. La première année après sa nomination, en 1989, Oslobodjenje a été désigné « journal de l’année » dans l’ex-Yougoslavie, et il a été élu « journal mondial de l’année » en 1992.

Kemal Kurspahic a marqué l’histoire du journalisme en publiant Oslobodjenje chaque jour depuis les ruines de l’immeuble du journal, durant la guerre et le siège de Sarajevo. Il a également reçu de nombreux autres prix, dont le Prix du courage journalistique en 1993, le Prix Bruno Kreisky pour les droits de la personne en 1993, et le Prix de l’Institut international de la Presse « Héros mondial de la liberté de la presse » en 2000.

Écrivain reconnu, Kemal Kurspahic est l’auteur de quatre livres, dont : Aussi longtemps que Sarajevo existe, Lettres de la guerre, La Maison blanche et le crime à l’heure du 20 heures. Il est actuellement responsable de la lutte contre la drogue et la prévention de la criminalité pour les Nations Unies à Vienne.

Le Prix « Dr. Erhard Busek - SEEM pour la compréhension dans l’Europe du sud-est » est sponsorisé par le Dr. Erhard Busek, Coordinateur spécial du Pacte de stabilité pour l’Europe du sud-est, et président de l’Institut Région Danube. L’an dernier, le prix a été décerné au journaliste croate Denis Latin.

 


Trafic des êtres humains : une menace pour l’Europe entière
TRADUIT PAR JACQUELINE DÉRENS

Publié dans la presse : 15 septembre 2003
Mise en ligne : dimanche 21 septembre 2003

En novembre 2002, une conférence de l’OSCE sur le trafic d’êtres humains estimait que près de 200 000 femmes des Balkans avaient été victimes des réseaux de trafiquants qui étendent leur emprise de la région vers l’Europe occidentale.

Par l’équipe de IWPR

Selon les derniers chiffres donnés par l’Office Internationale des Migrations (OIM) les quatre grands pays exportateurs de filles vers l’Europe occidentale sont la Moldavie, la Roumanie, l’Ukraine et la Russie.

La Roumanie est au cœur du trafic pour deux raisons : sa position géographique en fait un bon pays de transit et elle compte un nombre important de femmes frappées par la misère, proies faciles pour les trafiquants.

Les deux routes principales de ce trafic commencent ici. La première route connaît deux bifurcations : soit nord vers la Hongrie, soit vers le sud-ouest, en passant par l’ex-Yougoslavie, jusqu’à l’Albanie et de là, vers l’Italie en traversant l’Adriatique. La deuxième route va directement vers le sud par la Bulgarie, en direction de la Grèce.

Par la première route, les filles sont emmenées vers des villes roumaines comme Bucarest ou Timisoara, près de la frontière serbe. Beaucoup sont alors vendues à des gangs serbes qui les emmènent plus au sud en les exploitant à Belgrade comme prostituées ou en les vendant à d’autres groupes criminels en Bosnie, au Kosovo ou au Monténégro. Certaines sont introduites illégalement en Italie ou d’autres pays européens.

La seconde route va directement de la Roumanie, en traversant la Bulgarie, vers la Grèce. En Bulgarie, un certain nombre de filles sont vendues à des gangs qui les font entrer illégalement en Macédoine, puis en Albanie et en Italie.

Ce commerce représente une coalition d’intérêts qui dépassent les divisions ethniques. Des groupes bien organisés, qui se sont connus en faisant du trafic de drogues ou d’armes, font ce commerce par-dessus les frontières, tout comme des trafiquants isolés.

La guerre a fait des Balkans le paradis rêvé de tous les trafiquants. Leur commerce illicite a pu prospérer grâce au chaos de ces dix dernières années, qui a affaibli les contrôles aux frontières et détruit les communautés appauvries qui, autrefois, maintenaient leur cohésion par un code moral rigide.

Dans tous les Balkans, les postes de contrôle sont souvent mal tenus par des autorités corrompues, habituées à l’usage du pot-de-vin, alors que les armes et la drogue circulaient librement dans la région pendant la guerre. Des faux passeports sont facilement obtenus et les visas sont accordés sans trop regarder.

Les guerres ont aussi crée un marché pour les filles dans les Balkans mêmes. L’argent facile des forces internationales de maintien de la paix, en Bosnie, au Kosovo et en Macédoine, a fait gonfler le marché de la prostitution. Selon une source de la Mission des Nations Unies au Kosovo (MINUK), le marché est maintenant si développé que les filles qui ont été introduites illégalement dans le protectorat veulent travailler comme prostituées. Leurs profits sont bons, leurs protecteurs les traitent bien et elle disent que « c’est mieux que de retourner en Moldavie ».

Il y a plusieurs méthodes pour recruter les filles, par des annonces dans les journaux en promettant des emplois de serveuses en Europe occidentales ou bien en promettant faussement des mariages avec des citoyens de l’UE. Après avoir attiré et trompé les filles, les trafiquants prennent leurs passeports, les emmènent dans les grands centres régionaux du commerce du sexe et les forcent à se prostituer. Tous les pays de la région pratiquent ce commerce du sexe

En Grèce, on s’attend à ce que le commerce prospère avec les jeux olympiques d’Athènes en 2004. Les trafiquants sont parfaitement organisés. Ils vérifient scrupuleusement l’identité des clients pour éviter les pièges de la police ; ils sont en possession d’instruments de communication hautement sophistiqués qui empêchent la police de localiser les appels et possèdent même des chaînes de télévision qui font de la publicité pour leurs établissements.

L’Albanie est, de l’aveu même de plusieurs ministres de l’Intérieur, un pays de transit pour les prostitués en route vers l’Europe occidentale, et elle est aussi un pays où un nombre important de filles sont contraintes à la prostitution. Selon le rapport de l’OIM de 2001, le trafic en direction de l’Europe occidentale se fait essentiellement par les ports de Durrës et Vlora sur la côte Adriatique.

La peur d’être victime de ce trafic empêche les filles albanaises d’aller à l’école. Selon le rapport de Save the Children Fund de 2001, 90% des élèves qui, dans les zones rurales éloignées, doivent marcher plus d’une heure pour aller en classe, refusent d’aller à l’école de peur d’être enlevées. S’il est difficile de connaître le nombre exact de femmes victimes de ce trafic, il est clair que les prostituées du quartier chaud de Soho à Londres viennent en majorité d’Albanie ou du Kosovo.

La Macédoine, qui dispose d’une position centrale dans l’ex-Yougoslavie, est le centre vital du trafic. Ses frontières mal surveillées et sa géographie de montagnes en font un endroit idéal pour les trafiquants. Selon les forces de l’ordre du Kosovo, la frontière avec le protectorat est l’une des plus poreuses d’Europe. Le cas de Dilaver Bojku Leku, un proxénète notoire, arrêté puis évadé, arrêté de nouveau au Monténégro cet été, a attiré l’attention de la communauté internationale.

Au Kosovo, l’économie est largement dépendante de la présence internationale. Dans des villes comme Pristina ou Prizren, des boutiques de style occidental, des restaurants, des bars sont apparus pour satisfaire les goûts et les portefeuilles bien remplis des étrangers. Beaucoup d’habitants ordinaires du Kosovo ont été entraînés dans le racket pour le marché de la prostitution, l’un des plus rentables en Europe. « La majorité des gens gagnent de l’argent par le trafic de drogues et de filles. Ils connaissent parfaitement les filières, les zones minées, et ils vont là où les troupes de la KFOR ne vont jamais. La KFOR n’intervient pas, parce qu’elle ne veut pas risquer un conflit et que cela ne l’intéresse pas. De plus les soldats de la KFOR ne sont pas d’ici et ils ne font guère attention à ce qui se passe », reconnaît une source anonyme issue des rangs de la KFOR.

Les polices locales ne sont pas non plus à la hauteur, le plus souvent incapables de régler le problème. De surcroît, certains policiers sont directement impliqués dans des opérations de trafic en tout genre. Ailleurs dans les Balkans, le problème d’une police compétente est tout aussi aigu qu’au Kosovo.

En Bosnie, les efforts faits pour réprimer les gangs du crime organisé et les trafiquants ont été sapés par des changements prématurés pour former la police. En janvier 2003, la Force Internationale de Police des Nations unies (IPTF) a été remplacée par une mission de police de l’UE (EUPM).

La force internationale de police ne comptait pas moins de 1600 personnes en poste dans 200 localités pour former, équiper et contrôler les policiers locaux. En août 2003, la mission de l’Union européenne ne compte que 480 membres pour tout le pays. John O’Reilly, le coordinateur de l’IPFT a mis en garde contre la recrudescence des activités illégales, et il reste sceptique quant à la capacité de la mission européenne de régler le problème du trafic d’êtres humains.

Au Monténégro, la situation est fort semblable et un scandale de trafic d’êtres humains a mis en cause l’adjoint au Procureur général, ce qui a fort embarrassé le gouvernement.

Tous les analystes reconnaissent que le trafic d’êtres humains dans les Balkans est un problème international qui requiert une réponse coordonnée des pays de la région et des gouvernements occidentaux et de leurs forces de police.

À cette fin, en mars 2003, l’UE a mis sur pied un groupe de 20 experts indépendants pour recommander des actions de coordination pour lutter contre ce trafic. Pour Julie Bindel, un des experts du groupe, le problème commence dans les Balkans, et l’UE doit faire beaucoup plus dans cette région. Jusqu’à présent, tout ce qui a été fait visait à régler les problèmes au coup par coup et seulement à un bout de la chaîne.

Alors que les pays des Balkans regardent du côté de l’accession à l’UE, beaucoup doivent faire de grands efforts pour mettre fin à ce trafic s’ils veulent avoir une chance d’en devenir membre. Le Traité de l’Union Européenne fait explicitement référence au trafic d’êtres humains et exige de ses membres de se conformer aux normes législatives et policières en ce domaine. Pour l’instant, les pays balkaniques sont encore bien loin de ces normes.

Cependant, une approche régionale pour maîtriser ce problème est en train de prendre forme. En septembre 2002, le Centre pour une Initiative de Coopération de l’Europe du sud-est (SECI), basée en Roumanie, et qui a pour but de combattre le trafic transfrontalier a lancé sa première opération régionale contre le trafic d’êtres humains. Sous le nom de code MIRAGE, l’initiative a réuni les forces de police de dix pays dont l’Albanie, la Bosnie, la Bulgarie, la Croatie, la Grèce, la Macédoine, la Roumanie et la MINUK au Kosovo.

En janvier 2003, la SECI dans son rapport indiquait que 237 victimes et 293 trafiquants avaient été arrêtés lors de 20 000 descentes de police dans des bars, des night-clubs, des restaurants et à des carrefours frontaliers dans les Balkans. Mais si l’opération MIRAGE a rencontré un certain succès, elle a aussi mis à jour les pratiques de corruption parmi les forces de police dans les Balkans ce qui souligne les difficultés des gouvernements pour mettre fin à ce fléau...

 

Les médias indépendants: gages de paix!
od Florent Cosandey Thursday September 18, 2003 at 12:01 PM

Un calme précaire règne dans les Balkans, après une décennie de conflits sanglants. Même si elle ne fait plus la une de l’actualité, la région reste une poudrière. La paix ne s’est pas encore imposée dans les esprits et de nombreux facteurs d’instabilité demeurent. Depuis plus de dix ans, l’organisation Medienhilfe, basée à Zurich, soutient les médias indépendants d’ex-Yougoslavie, lesquels ont un rôle important à jouer dans le processus de démocratisation et de pacification des Balkans. En offrant une information de qualité, fondée sur des principes déontologiques, ils désamorcent les conflits et combattent les préjugés. Medienhilfe élargit actuellement son champs d’action, en cherchant à venir en aide aux médias qui ont besoin de soutien à travers toute l’Europe de l’Est. Elle coordonne notamment un réseau de médias électroniques à l’intention des minorités roms, victimes de discriminations dans la plupart des pays européens.

 

Un calme précaire règne dans les Balkans, après une décennie de conflits sanglants. Même si elle ne fait plus la une de l’actualité, la région reste une poudrière. La paix ne s’est pas encore imposée dans les esprits et de nombreux facteurs d’instabilité demeurent. Depuis plus de dix ans, l’organisation Medienhilfe, basée à Zurich, soutient les médias indépendants d’ex-Yougoslavie, lesquels ont un rôle important à jouer dans le processus de démocratisation et de pacification des Balkans. En offrant une information de qualité, fondée sur des principes déontologiques, ils désamorcent les conflits et combattent les préjugés. Medienhilfe élargit actuellement son champs d’action, en cherchant à venir en aide aux médias qui ont besoin de soutien à travers toute l’Europe de l’Est. Elle coordonne notamment un réseau de médias électroniques à l’intention des minorités roms, victimes de discriminations dans la plupart des pays européens.

Les «médias de la haine» et la désintégration de l’ex-Yougoslavie

Les médias ont contribué dans une large mesure au conditionnement nationaliste des opinions publiques des pays devenus indépendants suite à l’effondrement du régime socialiste yougoslave. A cet égard, la disparition du président Tito constitua un tournant. En effet, sous la Yougoslavie titiste (1946-1980), laquelle revendiquait une ligne politique indépendante de celle de l’Union soviétique, la presse jouissait d’une certaine liberté par rapport aux autres pays communistes du bloc de l’Europe de l’Est. Les médias affichaient une grande retenue sur la question des identités nationales, les minorités ethniques bénéficiaient d’une certaine attention et les événements dramatiques ayant enflammé les Balkans durant la Seconde guerre mondiale étaient refoulés par un pouvoir fédéral craignant que toute allusion à ces faits ne réveille de vieux démons et ne conduise à terme à l’éclatement de la Fédération.

A la mort de Tito, la majorité des médias devinrent les fidèles auxiliaires des partis nationalistes, lesquels prirent progressivement les leviers du pouvoir dans les différentes régions yougoslaves. Dès la fin des années quatre-vingt, la plupart des médias de ce qui était encore la République populaire fédérative de Yougoslavie se livrèrent à une véritable surenchère nationaliste, couvrant l’actualité en faisant fi de toute objectivité et en orchestrant des campagnes de haine contre certains groupes ethniques. Les télévisions, les radios et la presse utilisèrent une terminologie guerrière puisant dans l’irrationnel collectif. Ils ouvrirent la boîte de Pandore des peurs ancestrales et préparèrent un terreau favorable aux pires violences que connut l’Europe depuis la Seconde guerre mondiale. Les médias devinrent, pour le pouvoir, un outil de propagande et de manipulation des peuples. Abreuvées d’informations fallacieuses et orientées, de larges franges de la population cautionnèrent les atrocités commises contre leurs anciens compatriotes, par peur, par suivisme, par ignorance ou par conviction.

Courageux garants d’une information non partisane

Le besoin d’informations indépendantes et fiables se fait particulièrement sentir lors des crises et des conflits. Les médias peuvent désamorcer ces situations tendues, en relatant les événements de façon mesurée et responsable ainsi qu’en faisant contrepoids aux groupes d’intérêts et aux détenteurs du pouvoir avec des arguments fondés sur les faits. Les conflits armés en Croatie, en Bosnie et au Kosovo ont été précédés, on l’a vu, par une «guerre» des médias. Bien avant que le premier coup de feu ne soit tiré, le travail de sape de la propagande des médias, inféodés au pouvoir pour la plupart, a favorisé la marche vers la guerre. A travers des reportages empreints de considérations nationalistes, ceux-ci ont propagé la haine et les germes de la guerre. On peut l’affirmer sans ambages: la vérité a été la première victime de la guerre.

Durant les différentes «guerres yougoslaves» des années nonante (Slovénie, Croatie, Bosnie, Kosovo), les médias indépendants furent soumis à de très fortes pressions de la part de leurs gouvernements respectifs. Accusés d’intentions anti-nationalistes et de trahison, plusieurs médias indépendants durent payer de fortes amendes, voire cesser leurs activités. Malgré un contexte hostile, quelques médias non affiliés ont survécu et résisté. Des journalistes courageux se sont opposés et s’opposent toujours au quotidien aux déchaînements guerriers et au nationalisme. Ils offrent une information de qualité, fondée sur des principes déontologiques, et estiment que la cohabitation pacifique entre les différents peuples de la mosaïque ethnique balkanique est possible. Leur travail s’accomplit dans des conditions difficiles et leur vie est parfois en danger. L’exercice de leur profession est bien souvent entravé par la censure, des lois restrictives ou différentes pressions et intimidations, allant du vol de matériel à la séquestration, voire la destruction, des imprimés. Lorsque les conditions de travail des médias se détériorent au point qu’ils ne peuvent plus pratiquer leur devoir d’information objective de manière acceptable, seul un soutien rapide et ciblé de l’étranger leur permet de contrecarrer les funestes intentions des autorités. Les médias indépendants ont payé un lourd tribut en vies humaines durant les conflits puisqu’ils constituaient bien souvent une des cibles prioritaires des belligérants.

Paradoxalement, le travail des médias indépendants n’est pas plus facile depuis que les armées ont regagné leurs casernes. Avec la fin des crises qui ont mis à feu et à sang les Balkans et le calme précaire qui règne aujourd’hui dans la région, les médias indépendants et non partisans sombrent désormais dans l’indifférence de l’Occident. Ils évoluent actuellement dans un contexte économique difficile. En effet, le marché publicitaire est limité et le pouvoir d’achat de la population faible, ce qui rend particulièrement précaire leur santé financière. La plupart des médias impartiaux ne survivent que grâce aux aides publiques internationales, ou à celles d’organisations non gouvernementales comme l’Open Society Institute ou Medienhilfe. Or, la transition et la consolidation démocratique des pays de l’ancienne Yougoslavie ne pourront aboutir que si les journalistes compétents et objectifs ont la possibilité d’exercer leur métier sans pressions.

Aide aux médias indépendants: toujours d’actualité!

L’ex-Yougoslavie ne fait plus la une de l’actualité, comme il y a quelques années, durant les épisodes les plus sanglants des guerres de Croatie, de Bosnie ou du Kosovo. Les canons se sont (provisoirement?) tus et des élections sous contrôle international ont eu lieu dans la plupart des pays maintenant indépendants. Néanmoins, la région demeure instable et de nombreuses «questions» non résolues pourraient rouvrir à terme des plaies que l’on croyait cicatrisées. Quelques exemples non exhaustifs: velléités d’indépendance au Kosovo et au Monténégro, statut des minorités ethniques, mouvements sécessionnistes en Macédoine, retour des réfugiés, économie en lambeaux, crime organisé et mafieux, déséquilibres écologiques, etc. On peut en outre affirmer que la paix ne s’est pas encore imposée dans les esprits.

Les médias indépendants ont un rôle primordial à jouer dans cette phase délicate. Malgré certains progrès, les autorités actuelles ont tendance à brimer les médias critiques en usant des mêmes méthodes que les gouvernements «va-t’en-guerre» des années nonante. L’aide aux médias indépendants de l’ex-Yougoslavie garde donc, malheureusement, toute sa pertinence. Comme le dit l’adage bien connu: «Mieux vaux prévenir que guérir!»
medienhilfe: réaction aux déchaînements guerriers

Durant l’été 1991, la guerre est à nouveau devenue réalité au cœur de l’Europe. Les images du conflit et de ses milliers de victimes et de réfugiés ne laissèrent pas la Suisse indifférente. Des représentants des médias et de la politique se retrouvèrent en décembre 1992 à Zurich pour réfléchir aux moyens de contrer la propagande belliciste et chauvine émanant de la majorité des médias de chaque camp. De ces premiers contacts naquit une organisation vieille maintenant de plus de dix ans: Medienhilfe. Son but: soutenir les médias indépendants d’ex-Yougoslavie par la mise en œuvre d’un réseau d’aide concrète.

Au fil des années, plusieurs dizaines de médias ont reçu une aide de la part de Medienhilfe, sous quelque forme que ce soit. Même si certains médias soutenus n’ont pas survécu, d’autres partenaires se sont développés avec succès. Une collaboration sur le long terme s’est substituée à une aide d’urgence dans des régions en crise. En outre, les besoins se sont déplacés progressivement de la Croatie et la Bosnie-Herzégovine au sud de l’Europe de l’Est (Serbie, Kosovo, Macédoine).

Depuis des années, Medienhilfe est un partenaire reconnu de la Confédération et du Pacte de stabilité pour l’Europe du Sud-Est, en tant que membre de la Task Force médias. Medienhilfe élargit actuellement son champ d’action. Outre le soutien aux médias indépendants d’ex-Yougoslavie, elle coordonne la création d’un réseau de médias électroniques destiné aux populations roms de l’Europe du Sud-Est.

Quels sont les buts de Medienhilfe?

La réconciliation et la compréhension mutuelle ne peuvent se réaliser que si les citoyens disposent d’un libre accès à l’information, en temps de guerre comme de paix. Dans l’Europe du Sud-Est, certains médias sont parvenus à conserver leur indépendance. Ils se considèrent comme les garants d’une couverture objective et engagée de l’actualité. Ils donnent une voix aux citoyen(ne)s attaché(e)s aux solutions pacifiques et leur permettent de partager leurs expériences.

Medienhilfe soutient des projets médiatiques allant dans ce sens dans toute l’Europe de l’Est. Un autre objectif est de contrer la couverture de l’actualité des médias locaux qui pratiqueraient la désinformation pour de sombres desseins.

Les buts de Medienhilfe:
• renforcer la liberté et la diversité de la presse
• donner une voix et une identité aux minorités
• appuyer un journalisme faisant preuve de déontologie
• encourager la compréhension mutuelle et la réconciliation entre les peuples
• contribuer à la promotion civile de la paix

Medienhilfe permet…
• la formation continue de rédacteurs/trices et de journalistes
• le financement de l’équipement nécessaire
• l’amélioration du management et des structures financières des médias
• l’établissement de réseaux et de collaborations transfrontaliers

Medienhilfe soutient les médias qui…
• ne sont ni aux mains ni sous le joug des gouvernements, des partis politiques ou de particuliers
• suivent une ligne rédactionnelle indépendante
• pratiquent un journalisme fondé sur des principes éthiques
• encouragent la compréhension mutuelle, la cohabitation pacifique et la tolérance sociale
• soutiennent activement le processus de démocratisation
• promeuvent la collaboration transfrontalière
• donnent une voix aux minorités

Nos partenaires sont:
• des médias électroniques privés
• des journaux et des revues
• des agences de presse
• des organisations de médias et des associations de journalistes
• des centres de formation professionnelle

Les moyens financiers de Medienhilfe pour ses programmes proviennent:
• du Département fédéral des affaires étrangères (DFAE), division politique IV (promotion civile de la paix) et de la Direction du développement
et de la coopération (DDC)
• des administrations d’autres pays (Allemagne, Irlande)
• d’institutions internationales comme l’Union européenne ou le Pacte de stabilité pour l’Europe du Sud-Est
• de fondations et d’organisations non gouvernementales (Open Society Institute, National Endowment for democracy, etc)
• de communes suisses
• de contributions individuelles

Medienhilfe vous offre les prestations suivantes:
• par courrier: des nouvelles et des brefs rapports sur la situation des médias et des projets menés (mh-info)
• par courrier électronique: les informations les plus récentes (medianews@medienhilfe.ch)
• sur le web: des analyses et une mise en perspective du contexte (http://www.medienhilfe.ch). Des informations sont maintenant disponibles en français
• sur demande: des expertises et des conseils spécifiques

 


Sommet de Thessalonique : une intégration « à la carte » pour les candidats balkaniques ?
TRADUIT PAR PERSA ALIGRUDIC

Publié dans la presse : 26 juin 2003
Mise en ligne : lundi 30 juin 2003

L’UE a proposé à Thessalonique une nouvelle forme de coopération et de soutien pour les pays balkaniques, afin de remplir les critères d’adhésion européens de 1993, sous la forme d’un « développement du partenariat pour l’intégration européenne ». Fondé sur l’expérience de la cinquième et dernière vague d’élargissement de l’UE, le partenariat sera taillé à la mesure de chaque pays et les réformes exigées seront régulièrement contrôlées.

Par Sonja Seizova

Samedi dernier à Porto Karas, lorsqu’un haut diplomate grec raccompagna son collègue de Serbie-Monténégro au deuxième Sommet de l’Union européenne (UE) et des Balkans de l’Ouest, l’atmosphère s’était quelque peu améliorée et les attentes se rapprochaient de la réalité. La veille, le sommet de l’UE confirmait dans quatre clauses (sur les 110) que la région figurait bien sur la liste des membres potentiels, mais seulement lorsque plusieurs conditions seront remplies. Le commissaire aux Affaires extérieures Chris Patten, lors d’une conférence de presse - la seule d’ailleurs consacrée aux Balkans, mais aussi la seule traitant d’un sujet spécifique - a réaffirmé que sans cette région le puzzle européen ne serait pas complet. Ni lui, ni personne, y compris la majorité des officiels des pays concernés, et chacun pour des raisons particulières, n’a pris la responsabilité d’avancer de date.

À chacun sa course

La Croatie, dont la demande de reconnaissance de son statut de candidat est en examen ; l’Albanie et la Macédoine, qui participent déjà au Pacte de stabilisation et d’association (la principale structure politique de l’UE dans la région) ; la Bosnie et la Serbie-Monténegro... La phrase « Un Kosovo multinational et démocratique aura également sa place en Europe » figure aussi dans l’agenda du Sommet de Thessalonique pour les Balkans de l’Ouest.

Développement du partenariat

Comme de nombreux candidats éventuels sont venus au Sommet avec de grands espoirs, ils en sont repartis avec le sentiment habituel que le verre était à moitié plein ou à moitié vide, au choix. Les attentes contradictoires ont fait place au scepticisme des observateurs qui ont remarqué que « certains pays de l’Europe centrale et du Nord » ne veulent rien savoir de nouveaux engagements auprès des Balkans, si bien que le résultat final peut être considéré comme positif car les ambitions européennes dans la région ont été explicitement formulées. On peut supposer que le document de Javier Solana sur la stratégie de sécurité, qui propose de créer des sortes de « provinces militaires » aux frontières de l’UE en soutenant la stabilité de ces régimes et de ces sociétés, ait eu une influence décisive.

Au lieu de dates trompeuses, l’UE a proposé aux Balkans une nouvelle forme de coopération et de soutien afin de remplir les critères d’adhésion de 1993, sous la forme d’un « développement du partenariat pour l’intégration européenne ». Fondé sur l’expérience de la cinquième et dernière vague d’élargissement de l’UE, le partenariat sera taillé à la mesure de chaque pays et les réformes indiquées sur la liste de classifications seront régulièrement contrôlées. Chaque pays devra établir son propre plan et ses progrès seront mesurés en fonction des objectifs atteints. L’agenda de Thessalonique prévoit aussi une « collaboration politique renforcée » dans la sécurité et la politique extérieures sous la forme d’un nouveau Forum de l’UE et des Balkans de l’Ouest, alors qu’un mécanisme pour élargir la politique de l’UE dans ces domaines sera mis sur pied. Les conseillers des pays membres aideront à créer des institutions à travers le TAIEX (Technical Assistance Information Exchange Office).

Est prévu également un soutien à l’exportation pour les pays balkaniques ainsi que la création de nouveaux programmes dans les domaines de l’éducation, de la culture, de la recherche, de l’énergie, de l’environnement et de la société civile. L’UE a ainsi accordé un supplément de 210 M€ pour la période de 2004 à 2006, ainsi que « des frais de voyage » pour un ajustement plus rapide aux critères, le tout en plus des 4,6 milliards d’euros attribués pour 2000-2006 dans le cadre du programme CARDS. L’aide attribuée par les pays de l’UE aux pays des Balkans de l’ouest depuis 1991 s’élève à sept milliards d’euros. Les mécanismes d’aide précédents ont été remplacés depuis 2000 par le programme CARDS (Community Assistance for Reconstruction, Development and Stabilisation).

Une occasion manquée

Les déclarations officielles de l’UE lors du Sommet envoyaient un seul message : l’adhésion ne dépend que de vous, c’est-à-dire du moment où vous remplirez les conditions requises. Cela dit, chacun à sa manière a posé certaines restrictions ou souligné un aspect particulier. Dans un plus large débat sur l’identité culturelle de l’UE, beaucoup ont insisté, outre sur le respect des critères politiques et économiques, sur « l’adoption de nos valeurs » . Le chef de la diplomatie française, Dominique de Villepin, dans un article pour le Financial Times, a indiqué que même les citoyens des pays de la région souhaitaient ne pas être admis avant que leurs sociétés ne soient conformes aux critères européens. Car dans le cas contraire, pensent-ils, les valeurs de l’UE seraient dévaluées.

Insister sur des valeurs communes signifie dans la pratique ajouter une condition politique plus arbitraire, impossible à remplir sans bonne volonté de toutes les parties. Les doutes concernant les délais du futur élargissement de l’UE sont d’autant plus justifiés que, outre de remplir des critères pondérables, il faudra remplir des critères plus vagues, lesquels dépendront d’un ensemble circonstanciel de différents facteurs au sein de l’UE. Ce critère politique, sans prendre le pas sur le degré d’intégration institutionnelle et les progrès économiques, n’en demeurera pas moins omniprésent.

Les dirigeants des pays de la région ont exprimé leur satisfaction et ont estimé qu’une nouvelle phase s’ouvrait dans les rapports avec l’UE. Les trop longues conférences de presse nationales - le plus souvent sans interprète - ont bien montré qui en étaient les véritables destinataires. Mais pour cause de marketing politique interne, on a manqué une excellente occasion de donner dans les relations publiques politiques avec les leaders de l’UE et de l’OTAN, lesquels avaient pourtant annulé leur participation à une croisière en raison d’un long retard.

L’appel du Président Djukanovic  de former un « consensus politique minimal » - parce qu’il n’existe pas d’alternative à la voie européenne - demeurera lettre morte tant qu’aucune décision ne lui donnera corps. Selon une source diplomatique étrangère, mobiliser les citoyens de Serbie-Monténégro en vue d’un lobby européen qui de fait ne sert que des agendas politiques personnels n’a pas de sens. Il faudrait plutôt profiter de toutes les occasions pour raffermir le choix des valeurs européennes et travailler à remplir les critères de l’UE.

Par exemple, que parmi les responsables de la lutte contre le trafic international des êtres humains - une des exigences fondamentales de l’UE dans la lutte contre le crime organisé - il ne s’en trouve pas un pour dire de la prostitution forcée « que les gens en profitent un peu », comme ce fut le cas récemment à Athènes après le séminaire Euro pola. Éviter de telles bourdes, même en rêve, serait un bon début.

(Mise en forme : Stéphane Surprenant)

 

« Reconstruction » en Irak : tirer des leçons de l’expérience balkanique
TRADUIT PAR JACQUELINE DÉRENS

Publié dans la presse : 2 mai 2003
Mise en ligne : dimanche 4 mai 2003

Malgré les leçons du Kosovo, du Timor oriental et de l’Afghanistan, les organisations internationales semblent frappées d’amnésie à chaque nouvelle crise.

Par Fron Nazi et Doug Rutzen

L’aide au développement doit être efficace et adaptée. Il n’y a pas de raccourci aux dures leçons à tirer des interventions passées au Kosovo, au Timor oriental et en Afghanistan. Et pourtant, à chaque nouvelle crise, beaucoup d’organisations internationales d’aide semblent frappées d’amnésie. Les donateurs se précipitent, répètent les mêmes erreurs, et un an plus tard les feux de l’actualité se tournent vers d’autres crises, plus urgentes encore.

En ayant cela en tête, jetons un coup d’œil vers ce qui a marché et ce qui n’a pas marché dans les interventions post-conflictuelles récentes, au Kosovo en particulier, pour voir comment un travail d’urgence peut conduire un jour à l’émergence d’un État stable et démocratique. Des indicateurs émergent très clairement.

Commencer vite et rester plus tard. Les donateurs font souvent beaucoup de promesses grandioses qui suscitent des attentes sur le terrain mais il faut des mois, voire des années avant que les fonds soient disponibles, s’ils arrivent. De plus, comme nous l’avons vu en Bosnie, au Kosovo et plus récemment en Afghanistan, les fonds passent d’une crise à l’autre, comme dans une partie de ping-pong, ne restent jamais assez longtemps dans un seul endroit pour créer une réelle différence.

Le développement est un long processus. L’assistance dans des situations post-conflictuelles se passe souvent en trois phases : l’urgence, c’est-à-dire l’aide humanitaire ; la construction, c’est-à-dire la construction d’infrastructures ; le développement, c’est-à-dire le soutien à l’économie et aux réformes démocratiques.

Certaines organisations internationales reconnaissent que ces trois phases font partie du processus. Beaucoup ne le font pas et échouent à intégrer les objectifs du développement dans les deux premières phases. D’autres n’envisagent même pas les objectifs du développement parce que cela prend du temps et qu’il est plus difficile d’en mesurer le succès.

Mais à la fin, si tout ce qui reste en place, ne sont que des nouveaux bâtiments et des projets d’infrastructure, le progrès à court terme n’est rien de plus qu’un mirage.

La communauté locale doit être considérée comme une partie de la solution, et pas comme le problème. Cela est trop souvent l’approche commune des organisations internationales et des donateurs qui viennent avec une solution toute prête et laisse les locaux se débrouiller avec.

Des solutions prêtes à l’emploi créent un environnement où le donateur a le pouvoir de décision et où les organisations internationales jouent le rôle de « dictateurs de bonne volonté ». Les communautés locales se retrouvent avec de nouveaux ponts, de nouvelles écoles, des hôpitaux et des logements tout neuf, mais nous n’avons pas réussi à engager la communauté à développer ses propres talents.

Si le but est de construire une société démocratique, elle ne se construit pas avec des bulldozers...

Le danger, c’est que nous oublions le développement rural en faveur de la création de villes Beaucoup de groupes internationaux ont ouvert boutique quand ils sont arrivés dans la capitale et y sont restés. Dans le sillage de la guerre au Kosovo, la majorité des 500 organisations occidentales d’aide ont travaillé dans Pristina et aux alentours.

Comme dans beaucoup de sociétés instables, les zones rurales du Kosovo ont été le point de départ de divers mouvements populaires. Même aujourd’hui, certains d’entre eux ont la capacité de déstabiliser la région. Pauvres et négligées par les programmes de développement, les communautés rurales sont aussi devenues un terreau fertile de recrutement pour les éléments politiques les plus radicaux et le crime organisé.

Il y a aussi des exemples de réussite qui donnent à penser. Au Kosovo, certaines organisations ont aidé les communautés à s’engager dans des objectifs de développement dès les phases d’assistance humanitaire et de construction.

Ces donateurs ont fourni l’aide aux villages et aux villes à la condition que ces communautés mettent en place des conseils représentatifs de leur composition politique, sociale, ethnique et de la représentation des femmes. Les conseils étaient chargés d’établir les besoins prioritaires et les donateurs fournissaient les fonds.

Construits sur le partenariat, on a demandé aux conseils d’élaborer des projets et de fournir si possible la main d’œuvre et parfois des fonds issus de la communauté pour construire des ponts, des écoles et des hôpitaux. De ces conseils ont émergé des représentants qui ont basé leur campagne politique sur les besoins de leur communauté et des organisations non gouvernementales et des associations ont commencé à jouer un rôle plus actif comme agent du changement.

Les régimes autocratiques ont en général élaboré des lois et des politiques pour s’assurer qu’il n’y ait pas de véritables ONG indépendantes. Une des premières mesures est par conséquent de développer un cadre légal et des règles qui leur permettront d’opérer en tout indépendance.

Dans les premières phases, la plupart des ONG sont mises en place pour répondre aux exigences des donateurs internationaux. Cela crée une explosion d’organisations avec une seule personne qui voit cela comme une opportunité de créer des emplois plutôt que comme un engagement civique et responsable.

Au Kosovo il y avait plus de 2000 ONG enregistrées. La plupart ont plié bagages quand la manne de l’aide internationale s’est tarie. L’expérience a laissé une image négative persistante des ONG et un manque de confiance dans l’opinion publique.

En Iraq, nous devons commencer par encourager les organisations qui ont un but réel et nous devons nous concentrer sur les moyens de les rendre viables dans la durée.

Nous devons nous débarrasser de cette habitude de vouloir en toute hâte faire du développement. Les « drogués de l’humanitaire » sont déjà en train de planifier leur prochaine réunion en Iraq, abandonnant « les projets finis » comme ceux du Kosovo, du Timor oriental et d’Afghanistan.

Les bailleurs de fonds aussi souffrent de la même maladie. Ils aiment donner des fonds à des interventions qui ont un impact immédiat au lieu de financer des projets de développement à long terme.

Pour trop de donateurs, les défis du passé sont déjà oubliés. Il n’est pas étonnant alors de voir nos amis penser que nous souffrons d’amnésie.

 


Mafias balkaniques, menace pour l'Europe


TRADUIT PAR PERSA ALIGRUDIC

Publié dans la presse : 19 avril 2003
Mise en ligne : mardi 22 avril 2003

Les États aux mains des réseaux criminels sont un danger pour l'Europe entière. Analyse d'un livre récent du publiciste allemand Norbert Mappes-Niediek sur les mafias balkaniques.

 

Le jour même où « l'autre Serbie » pleurait sur la tombe de Zoran Djindjic, l'éditeur berlinois Christoph Links Verlag publiait un livre sur l'interaction des institutions nationales et de la pègre criminelle non seulement en Serbie, mais dans les autres pays des Balkans. Cette pure coïncidence a toutefois incité le critique du journal Die Zeit à noter que l'auteur de La mafia balkanique, Norbert Mappes-Niediek, « avait d'une certaine manière cherché à révéler le passé d'un attentat dont il ne savait encore rien ». Le défunt Premier ministre de Serbie est d'ailleurs mentionné à plusieurs reprises dans ce livre.

Le critique de Die Zeit cite tout d'abord un extrait du livre : « À Belgrade, Zoran Djindjic obtiendra une majorité en faveur de ses douloureuses réformes aussi longtemps qu'il convaincra qu'elles représentent la clé pour l'entrée dans l'union Européenne (UE). Si les électeurs n'y croient plus, politiquement parlant, il est mort » ! Et le critique de conclure : « La mafia a été plus rapide que les électeurs ! »

Depuis longtemps, les tentacules de la mafia balkanique s'étendent dans toute l'Europe. « Les gangs des Balkans contrôlent le trafic d'héroïne en Allemagne du sud et en Suisse, en Autriche, en Slovaquie et Tchéquie » écrit Norbert Mappes-Niediek, « et les centres de ces cercles de la drogue sont également présents dans les Pouilles et à Bruxelles, à Luttich, Anvers et Amsterdam, en Catalogne et sur la Costa del Sol, à Malmö et à Göteborg, ainsi qu'en Angleterre méridionale. Leur patrie leur sert de base et de centre pour préparer leurs affaires et blanchir l'argent sale ». Les enquêteurs rencontrent souvent des « zones grises », c'est-à-dire des régions sans loi, où aucun État n'a plus d'autorité.

Norbert Mappes-Niediek effectue des reportages dans la région depuis onze ans pour des journaux allemands renommés ainsi que pour la télévision allemande, et il passe sans aucun doute pour l'un des meilleurs connaisseurs de la situation des capitales et des provinces balkaniques.

Catharsis balkanique

Il est bien connu des professionnels mais aussi des lecteurs bien informés que sous le régime de Milosevic en Serbie « des cartes d'identité de la police avaient été délivrées aux criminels. On connait aussi les « 150 meurtres non élucidés » de hauts fonctionnaires politiques ou de grands mafieux, et l'on se demandait, bien avant l'attentat contre Djindjic, pourquoi l'on ne réglait pas les comptes avec ces mafieux et leurs protecteurs politiques. Ce n'est un secret pour personne que le pouvoir monténégrin s'est engagé dans la réexportation du tabac en Europe occidentale, que « la police tient ses propres bordels » en Macédoine, que la « mafia colombienne se présente comme un investisseur à Tirana », et qu'en Bosnie et en Macédoine, « les chefs de la police et des douanes sont remplacés en même temps que chaque nouveau gouvernement »...

Tous les chefs balkaniques qui, au début des années 1990, avaient promis la libération » à leur peuple sont aujourd'hui soupçonnés de corruption, d'enrichissement, voire d'être « en liaison avec le crime organisé », écrit l'auteur. C'est en vain que les enquêteurs serbes tentent de « découvrir les comptes et les réserves en or que la famille Milosevic a mis de côté à Chypre et probablement en Suisse ». De même, on n'a toujours pas découvert les énormes richesses de Radovan Karadzic et de Momcilo Krajisnik, qui contrôlaient toutes les importations en Republika Srpska (RS) durant la guerre, par l'intermédiaire des sociétés Selekt-Impeks et Centreks. Dans ce livre, sont évoquées aussi d'autres familles, telles que celle de Franjo Tudjaman, « qui est mort soupçonné d'avoir couvert les affaires obscures de sa femme, de ses filles, de ses fils et avant tout de son petit-fils Dejan Kosutica ». Le livre fait également part des liaisons de Tudjman et de Suska avec des personnes telles que Tuta et Stela en Herzégovine.

Il montre comment, dès le tout début, ces Tuta et ces Stela herzégoviniens ne sont que des maillons dans la chaîne qui s'est développée pour que certaines personnes s'enrichissent, par le trafic de pétrole avec Karadzic ou le trafic de cigarettes avec les Monténégrins.

Après la guerre en ex-Yougoslavie, les criminels sont devenus des héros nationaux dans les médias patriotiques, afin qu'ils puissent commencer leur deuxième carrière avec succès, toute aussi criminelle et « réussie » que celle qu'ils menaient jusqu'à leur retour au pays ou à la sortie des prisons locales. De sorte que l'auteur a visé en plein centre, surtout quand il décrit comment « ceux d'en haut » ont graduellement et consciencieusement privatisé les États nouvellement formés en créant un nouveau genre de relations entre la mafia et l'État, c'est-à-dire des État mafieux dans lesquels les dirigeants politiques sont en même temps les principaux parrains !

Dans cette triste énumération, un certain Bakir Izetbegovic est mentionné pour des « affaires familiales ».« Dans l'ombre protectrice de son père Alija, ancien Président bosniaco-musulman, Bakir vendait les droits de location des appartements des Serbes et des Croates déplacés à un prix minimum de 2000 dollars aux sympathisants du parti de son père ». Et ainsi de suite, de long en large des Balkans, de Vardar à Zagreb, de Tirana à Sofia, mais en excluant entièrement la Grèce, et la Croatie partiellement, qui n'est traitée comme pays des Balkans que lorsque les tentacules de la mafia atteignent Zagreb ou bien partent de Zagreb.

L'auteur remarque des points communs dans les espaces et les mécanismes du pouvoir, où la principale caractéristique est « l'émergence d'un mélange de puissance nationale et privée, de politique et de crimes, par le biais de décisions réfléchies ». La meilleure illustration de la « nationalisation du crime et des criminels » est fournie par le régime de Milosevic, qui a été le premier dans le genre, mais le modèle, dans une mesure plus ou moins grande, concerne tous les pays. Comme le dit l'auteur, ce sont d'abord des brigands classiques, ou des « criminels sur commande » qui ont reçu la « bénédiction de l'État » pour piller les villages croates et musulmans, torturer leurs habitants, et pour ensuite refermer le cercle. L'auteur cite dans ce chapitre le fameux criminologue belgradois Dobrivoje Radovanovic : « Celui qui a passé sa vie dans les prisons occidentales a rallié le régime de Milosevic, mais celui qui a goûté aux prisons yougoslaves s'est tourné vers l'opposition anticommuniste ».

Des exceptions comme celle de Giska ne font que confirmer la règle. Dobrivoje Radovanovic est de nouveau cité :« Si quelqu'un avait été arrêté, on aurait trouvé sur lui une carte d'identité policière ». Le régime de Milosevic a distribué des insignes de police à la pègre belgradoise. L'ancien chef d'Interpol à Belgrade, Budimir Babovic est aussi cité dans le livre : « Nos criminels devinrent alors nos collègues, officiellement employés, de sorte qu'ils bénéficiaient de l'immunité contre toute poursuite ». Ils ont ensuite continué leur carrière criminelle en Croatie et Bosnie, en tant que « combattants pour la patrie » !

Un chapitre du livre note que « les sanctions contre la Serbie et le Monténégro ont eu un effet semblable à la prohibition à Chicago », selon la fameuse citation de « Deda Avram ». Ce chapitre décrit en détails les méthodes dont se servaient les hommes de Milosevic (Kertes et autres) pour voler leur propre pays. « La Serbie, sous sanctions pendant huit ans, est devenue un pays pauvre, tandis que la famille Milosevic devenait extrêmement riche ». Un autre chapitre traite du rôle peu glorieux de l'establishment monténégrin pour transformer le Monténégro en un carrefour européen du trafic illicite, ce que l'UE a plus ou moins toléré tant que les affaires n'ont pas commencé à menacer sérieusement certains monopoles traditionnels dans ce domaine. Le livre décrit aussi les « liaisons grecques » et la « guerre du tabac » entre Belgrade et Podgorica.

L'auteur analyse aussi l'implication de l'opposition serbe dans les trafics, menant à la conclusion : « On ne saura que plus tard combien les partis et certains politiciens étaient corrompus pendant ces années de sanctions ! »

Particularités de la mafia balkanique ?

Des dizaines de pages font état du rôle de la mafia macédonienne et albanaise, de leurs « modèles d'action », des « routes balkaniques » qu'elles contrôlent, jusqu'à montrer clairement que derrière les présumées « armées de libération », se cache le crime organisé. Or, ce problème s'est transféré à l'Occident, argumente l'auteur. À vrai dire, « le crime organisé d'origine balkanique n'est en rien nouveau en Occident », écrit-il, « mais ce qui est nouveau, ce sont seulement les formes et l'envergure que prend ce phénomène ». L'auteur décrit en détail les souvenirs laissés par les bandes serbes et croates, mais la conclusion est que, parmi les auteurs de délits en Allemagne, ce sont les Albanais qui prennent la deuxième place, après les Turcs, selon les statistiques de la Bundeskriminalamt à Wiesbaden.

Leur caractéristique est la brutalité, affirme l'auteur du livre, et leur champ d'activité est « le trafic d'héroïne au sud du pays », et des « délits de propriétés au nord ». Or, lorsqu'une grande partie de la criminalité organisée est revenue au Kosovo et en Albanie, après la guerre du Kosovo, cela a causé un problème plus grand pour les organes d'enquête occidentaux. Ces derniers n'ignorent pas que les gangs albanais contrôlent le commerce d'héroïne d'Allemagne et de Suisse jusqu'en Angleterre du sud, de Belgique à la Tchéquie, de Barcelone à Göteborg. Actuellement, il s'avère de plus en plus difficile de les détecter et quasiment impossible de les contrôler. Essentiellement parce que les gangs albanais, à la différence des gangs russes ou autres, « sont strictement limités ethniquement, car ils sont en général regroupés autour de quelques familles ». Il n'existe pas de « cartels formels », de sorte qu'il est pratiquement impossible de pénétrer dans leurs structures.

En bref, affirme l'auteur, environ la moitié du marché de l'héroine au sud de l'Allemagne et en Suisse, et dans de nombreux autres pays, dont la Pologne, la Tchéquie et la Slovaquie, est déjà entre les mains des Albanais. À ceci, il convient d'ajouter le trafic humain et la prostitution. Environ 120 000 personnes passent chaque année illégalement par les Balkans vers Europe occidentale, faisant tourner des centaines de millions d'euros.

Cependant, c'est le trafic des femmes qui représente la forme la plus brutale de la criminalité, où les gangs balkaniques, surtout albanais, se taillent la part du lion. L'estimation selon laquelle la mafia balkanique a « englouti les États » est plus que lucide. Car dans les Balkans, il ne s'agit pas seulement « d'un groupe de gens organisés qui, comme une instance parasitaire, se sert de moyens de violence pour s'interposer entre les citoyens et l'État, pour commettre des crimes afin que les membres de ce groupe s'enrichissent d'une manière illégale », selon la fameuse définition de la mafia donnée par l'écrivain italien, Leonard Sciascia. Non, il ne s'agit pas dans les Balkans d'une « instance parasitaire » entre les citoyens et l'État, mais bien d'une « disparition de l'État lui-même », constate l'auteur.

Des « solutions intermédiaires » pour les Balkans

Naturellement, la population des petits États balkaniques nouvellement formés n'a pas confiance dans ses nouveaux dirigeants, et les nouvelles élites, avec leur passé criminelle, n'ont pas intérêt à en faire des espaces où régnerait l'État de droit. Il y a une dizaine d'années, le peuple désirait seulement rejeter un État qui ne fonctionnait plus, mais il n'a obtenu que ce qu'il a actuellement. Il ne reste plus que l'espoir d'adhérer à l'Union Européenne, cette espérance des gens ordinaires qui en ont assez des expérimentations payées par leur sang, d'où sont nées les « nouvelles élites ».

Ce livre suggère aux responsables de l'UE d'entreprendre d'ores et déjà des démarches dans les Balkans, par exemple de lancer des projets d'infrastructure et de commerce, afin de parvenir à des « solutions intermédiaires », une sorte « d'espace européen commercial et juridique », dont les bases sont déjà inscrites dans le projet presque oublié du Pacte de stabilité pour l'Europe du sud-est. L'une de ces « démarches intermédiaires » serait d'accepter les pays balkaniques dans les Fonds européens pour l'aide structurelle aux pays candidats, même si, formellement, ils n'ont pas le statut de candidats. Mais avant toute chose, comme le pense à raison Norbert Mappes-Niediek, les instances policières européennes doivent avoir « un droit d'enquête directe » dans les Balkans, et les plus hautes instances judiciaires en Europe le droit légal d'entamer des procédures pénales contre, par exemple, les ministres criminels de n'importe quel État balkanique. La conclusion de l'auteur sur « l'effondrement de la civilisation » donne une note amère à la fin du livre. La suggestion qu'il donne aux responsables de l'UE de procéder à une « adhésion rapide à l'Europe » comme un pas « vers une autre direction », est un message d'une importance exceptionnelle que donne ce livre.

 

KARAVAN
Les enfants et les jeunes, premières victimes des crises balkaniques
TRADUIT PAR PERSA ALIGRUDIC

Publié dans la presse : 31 mars 2003
Mise en ligne : vendredi 4 avril 2003

Dans tous les pays des Balkans, les jeunes ne rêvent que d'une chose : fuir en Occident. Ce constat dramatique est le résultat de la terrible situation sociale que connaissent les enfants et les jeunes dans toute la région, même si les États ont ratifié la Charte internationale sur les droits des enfants.

Par Svetlana Jovanovska

D'après les statistiques de l'UNICEF, 70 % des jeunes des pays balkaniques n'ont qu'un désir : quitter leur pays et aller en Occident à la recherche de la lumière, au bout de l'interminable tunnel de la conflictuelle transition balkanique. Les enfants représentent le plus grand pourcentage parmi les pauvres et les marginalisés, tout d'abord en raison de l'ignorance générale des droits des enfants.

La débâcle économique, les problèmes politiques, les conflits et leurs conséquences ont provoqué la fragmentation des familles et des structures de la communauté, et engendré des milliers d'orphelins.

Récemment, l'UNICEF a décidé de collaborer avec la Commission européenne et les organisations gouvernementales et non gouvernementales (ONG) des pays des Balkans, dans le but d'améliorer le sort de cette partie problématique de la population.

"Le défi dans cette lutte contre la marginalité des enfants est un problème qui, s'il n'est pas résolu, peut représenter un handicap pour l'avenir de la société. On ne peut imaginer le développement économique du pays si l'on ne tient pas compte de la jeune génération, de ses besoins, de ses droits et de ses devoirs", affirme l'UNICEF.

Bien que tous les pays de notre région aient signé et ratifié la Convention sur les droits des enfants, il est rare que l'un d'entre eux ait une approche cohérente et efficace de ce problème, une législation adaptée ou une politique concrète dans ce domaine. On sait très bien qu'aucun pays en transition n'est en mesure d'investir suffisamment dans la protection sociale, la santé et l'éducation...

Ceci est surtout valable pour les Balkans qui, depuis peu, ont finalement laissé leurs conflits derrière eux. Un grand nombre d'enfants vivent dans des foyers d'accueil, voire dans les rues, certains se droguent ou se prostituent, d'autres ont attrapé le sida et ne vont pas régulièrement à l'école. En outre, dans les pays qui ont des problèmes avec les minorités, ce sont les enfants qui ressentent le plus directement l'intolérance interethnique. Enfin, le nombre de réfugiés demeure énorme dans les Balkans.

Les experts de l'UNICEF constatent que "si les droits des enfants ne sont pas améliorés et s'ils ne font pas partie de la liste des priorités de l'État et des organisations privées, la transition vers la démocratie et l'économie de marché sera compromise par de sérieuses conséquences qui auront un effet négatif sur le développement économique et la cohésion sociale, ainsi que sur les droits de la personne humaine".

Les enfants des minorités sont victimes du nationalisme

Le problème concerne surtout les enfants rroms. On estime que leur nombre varie entre 3 et 12 millions dans les pays d'Europe centrale et orientale. Il n'est pas possible de déterminer leur nombre avec précision, mais il est certain que la moitié des Rroms ont moins de 18 ans. Les Rroms ne sont pas les seuls à être confrontés à la pauvreté, mais il ont encore plus de problèmes à cause de la discrimination. Les incendies de maisons, les attaques physiques, surtout sur les enfants, sont chose fréquente en Bulgarie, Serbie, Hongrie, Roumanie et Pologne. Pour pallier à cette injustice, l'UNICEF a initié un programme en Albanie. Il s'agit d'un programme télévisé intitulé "Tros !", qui signifie en albanais "dis la vérité". Des adolescents entre 13 et 18 ans y participent, et l'émission est diffusée à la TV nationale tous les dimanches. C'est une partie du projet de l'UNICEF "Réseau des média pour les jeunes", une approche originale et un des exemples les plus intéressants prouvant que les média peuvent devenir des instruments pour bâtir la tolérance ethnique, la réconciliation et le dialogue. L'équipe de ce programme tente d'établir le dialogue au Kosovo, en Macédoine et en Serbie-Monténégro, ainsi qu'avec les enfants rroms d'Albanie.

"À travers ces histoires, nous voulons construire des ponts de communication et de compréhension pour tous les jeunes gens, afin qu'ils acceptent la langue, la culture et la tradition des autres. C'est le premier pas à faire, si nous voulons la paix dans notre région", déclare un jeune journaliste de ce programme, âgé de 16 ans.

Le Café bla-bla, à Gracanica, est un exemple de plus où les Serbes et les Albanais du Kosovo cohabitent et travaillent ensemble. Il s'agit d'une station radio multiethnique dont les programmes sont diffusés sur plus de quarante stations de radio, et qui est la seule à préparer ses programmes en serbe et en albanais. En 2002, cette station a préparé 4500 minutes de programme, et sa plus grande valeur réside dans le fait qu'elle offre la possibilité aux jeunes d'exprimer leur opinion et d'entendre le point de vue de jeunes gens appartenant à d'autres régions.

Exemple positif en Macédoine

L'UNICEF mentionne la Macédoine comme un modèle dans la lutte contre certains de ces problèmes, en dépit des conflits qui ont secoué le pays en 2001. L'adoption de la stratégie nationale pour inclure les enfants handicapés dans la société en est un exemple. Après l'adoption du document, la Macédoine s'est grandement engagée, avec l'aide de l'UNICEF, pour informer le public de ces problèmes. L'UNICEF reconnait que c'est insuffisant, mais que c'est un bon début. Une campagne a été conduite en Macédoine pour créer une ambiance locale positive à l'aide d'annonces à la radio, de brochures, de posters, de représentations de marionnettes et de compétitions dans les écoles.

En outre, depuis 1998, un service spécial pour la protection des droits des enfants fonctionne au sein du bureau du procureur public.

L'UNICEF a donné une estimation positive sur le fonctionnement de ce service en constatant une amélioration des droits des enfants. Le plus grand problème en Macédoine, ce sont les enfants qui sont maltraités ou forcés à mendier par leurs parents.

Ce service offre aux enfants le droit d'avoir une protection spéciale conformément à la loi et, par ailleurs, des propositions concrètes ont été formulées pour créer des centres ouverts toute la journée, destinés à travailler avec ces enfants et leurs parents.

 

 


Kofi Annan dans les Balkans : la démocratie ne s'invente pas en une nuit
TRADUIT PAR JEAN-ARNAULT DÉRENS

Publié dans la presse : 20 novembre 2002
Mise en ligne : mercredi 20 novembre 2002

Le Secrétaire général des Nations Unies a terminé sa tournée balkanique par une visite à Belgrade, où il a rencontré les plus hauts représentants de la Yougoslavie, de la Serbie et du Monténégro.

À la suite de ses entretiens avec le Président yougoslave Vojislav Kostunica, Kofi Annan a salué les réformes démocratiques en Yougoslavie, en rappelant qu'il restait encore beaucoup de travail à faire. Le Président Kostunica a émis le souhait que la visite de Kofi Annan marque le signe de la réintégration de la Yougoslavie dans la communauté internationale, révélant que les entretiens avaient essentiellement porté "sur la consolidation des bases de la démocratie, c'est-à-dire la reconstruction des institutions, car sans institutions démocratiques, il ne peut y avoir d'Etat de droit, ni de développement économique durable".

Vojislav Kostunica a ajouté que la coopération régionale avait également été évoquée. Elle se développe rapidement, car "l'accord de libre-échange a une importance particulière, comme de nombreux autres accords, qui permettent la normalisation entre les pays de la région, et tout particulièrement entre la Yougoslavie, la Croatie et la Bosnie-Herzégovine".

Le Kosovo au coeur des entretiens

Pour preuve de cela, le Président a rappelé que, dans la période récente, un grand nombre de réfugiés avaient pu rentrer chez eux : 43% des réfugiés en Bosnie, 17% en Croatie, mais seulement 0,056% au Kosovo. "Nous nous entièrement retrouvés d'accord sur la nécessité du retour des réfugiés et du respect de la résolution 1244. Sans le respect de cette dernière, sans respect des droits de l'homme, sans décentralisation et reconstruction des institutions, il n'y a pas lieu de parler du statut final du Kosovo", a déclaré le Président Kostunica. "À propos de la coopération avec La Haye, nous avons expliqué le caractère difficile de la situation, mais aussi la volonté du gouvernement de Belgrade de coopérer avec le Tribunal", a-t-il conclu.

"Je peux dire que de grands progrès ont été faits pour ce qui de l'Etat de droit, de la démocratie et du respect des droits de l'homme, et je suis assuré que si ce rythme se maintient, la Yougoslavie apportera beaucoup à la stabilité de la région", a déclaré le Secrétaire général. Il a exprimé sa grande satisfaction devant les progrès de la coopération entre la Yougoslavie et l'Union européenne, souhaitant que le pays puisse bientôt s'intégrer à la famille européenne.

"Personne ne naît démocrate, et la démocratie ne se construit pas en une nuit. Nous savons tous que sont nécessaires beaucoup de temps et d'efforts", a déclaré Kofi Annan.

Le Secrétaire général a rappelé que la Yougoslavie avait été un partenaire important des opérations de paix des Nations Unies, et il appelé les autorités à engager de nouveau les policiers et les militaires yougoslaves dans de telles opérations. Kofi Annan a estimé que la mission de l'ONU au Kosovo avait fait de grands porgrès et que la MINUK travaillait en vue d'un Kosovo multiethnique, dans lequel seraient respectés les droits des minorités. "Le Président Kostunica a raison quand il rappelle que très peu de gens sont revenus au Kosovo, mais il faut tenir compte du facteur temps, car ceux qui avaient dû quitter la Bosnie ou la Croatie ont eu plus de temps pour revenir", a commenté Kofi Annan.

Le Premier ministre de Serbie Zoran Djindjic a déclaré, après sa rencontre avec Kofi Annan, à laquelle a assisté le chef de la MINUK Michael Steiner, que Belgrade et Pristina devaient établir au plus vite des relations politiques directes, qui permettront de résoudre tous les problèmes litigieux. "J'ai expliqué au Secrétaire général qu'après l'adoption de la Charte constitutionnelle (entre la Serbie et le Monténégro, NdT), qui devrait intervenir au plus tard d'ici deux semaines, nous travaillerons à une nouvelle Constitution pour la Serbie, ce qui rend obligatoire la résolution du statut du Kosovo (...)", a déclaré le Premier ministre. Zoran Djindjic a ajouté qu'il n'avait pas été question de l'affaire Orao et des ventes d'armes à l'Irak.

Le Secrétaire général a également rencontré Nebojsa Covic, vice-Premier ministre et président du Comité de coordination pour le Kosovo et Metohija. "Nous avons évoqué les résultats obtenus au Kosovo et Metohija, en reconnaissant que cela n'était pas encore suffisant", a expliqué Nebojsa Covic. Il a déclaré avoir remis à Kofi Annan un projet de décentralisation du Kosovo et Metohija, ajoutant que le Secrétaire général lui avait confirmé qu'il n'y aurait pas de "solutions imposées, et qu'il ne pouvait y avoir de discussions sur le statut final tant que les standards de base n'étaient pas respectés". Nebojsa Covic a déclaré à Kofi Anan que le Kosovo était encore "bien loin de la multiethnicité", et qu'il fallait résoudre les questions de sécurité, de liberté de circulation, de même que la question des Serbes disparus.

Milo Djukanovic optimiste

Le Président du Monténégro Milo Djukanovic a discuté avec le Secrétaire général des relations au sein de la future Union de Serbie et du Monténégro. "J'ai apporté au Secrétaire général une note optimiste en lui disant que nous étions proches d'un accord, et qu'il serait bientôt possible de constituer le nouvel État. Pour ce qui concerne la presqu'île de Prevlaka, nous avons reconnu que le climat des relations s'était amélioré entre Zagreb, Belgrade et Podgorica, et nous croyons que l'on pourra mettre en oeuvre la résolution des Nations Unies, qui qui prévoit la fin de la mission de l'ONU à Prevlaka pour le début du mois de décembre".

Pour ce qui est du Kosovo, Milo Djukanovic a rappelé que le Monténégro soutenait une mise en oeuvre complète de la résolution 1244 des Nations Unies.

 

Novi Sad, Osijek, Tuzla : une tradition de bonnes relations
TRADUIT PAR PERSA ALIGRUDIC

Publié dans la presse : 19 janvier 2002
Mise en ligne : mercredi 30 janvier 2002

Un accord sur la tolérance multiethnique entre les villes de Novi Sad, d’Osijek, et la commune de Tuzla, devrait être signé lundi 21 janvier à Tuzla. Parmi les signataires, il y aura les maires Borislav Novakovic (Novi Sad), Jasmina Imamovic (Tuzla), et Zlatko Kramaric (Osijek). Les représentants des organisations non gouvernementales de ces trois villes seront également présents : Aleksandar Popov (directeur du Centre pour la régionalisation), Vehid Sehic, (représentant du Forum des citoyens à Tuzla), et Katerina Kruhonja – présidente du Centre pour la paix, la non-violence et les droits de l’Homme à Osijek.

Par Natasa Bogovic

« Des relations spéciales existaient aussi auparavant entre Tuzla et Novi Sad, et il y a trois ans un accord de collaboration avait été signé. Nous espérons que la ratification de l’accord sur la tolérance multiethnique sera le début d’une coopération entre la Slavonie orientale, la Vojvodine et la Bosnie du Nord-Est », a déclaré Aleksandar Popov à notre journal.

Tihomir Salajic travaille à la direction municipale d’Osijek. Il coordonne la collaboration des villes du Sud-Est de l’Europe. Il constate que le choix de Novi Sad, de Tuzla, et d’Osijek n’est pas innocent. Les maires de ces trois villes mènent une politique multiculturelle empreinte de tolérance. Ils souhaitent voir s’y affirmer les valeurs civiques.

« La collaboration entre les organisations non gouvernementales dans ces villes existe depuis des années. Avec cette ratification, la coopération s’étendra aux administrations locales. Dans ces trois villes, les habitants ont exprimé leur volonté et entrepris des actions au cours des périodes les plus difficiles pour conserver les valeurs de la société civile. Cet accord a pour objectif de réaffirmer les valeurs culturelles au sens le plus large et d’encourager la collaboration entre la Slavonie orientale, la Vojvodine et le Nord-Est de la Bosnie » a déclaré Vehid Sehic.

Le texte prévoit la préservation de la diversité culturelle, la protection des droits et libertés des minorités nationales et ethniques. Il souhaite également que les bonnes relations interethniques soient maintenues, que les principes des droits de l’Homme et le multiculturalisme soient les conditions essentielles de la démocratie. Il s’oppose aux discours haineux, à la xénophobie, aux préjugés, et à toutes les formes d’intolérance, ethnique ou religieuse. L’accord espère contribuer à la mise en place d’une société de droit, démocratique, propice au bon sens, à la créativité, au débat public et à la critique sociale, à la responsabilisation des citoyens et au sens de l’initiative. Tout sera fait pour le respect et le développement des langues et cultures minoritaires, que ce soit à l’école, dans les médias ou dans la société civile. Les moyens de communication seront développés et la collaboration entre les différents organismes locaux sera intensifiée.

Les signataires devront prendre « toutes les mesures nécessaires pour éviter que la force (pression physique et psychologique, déplacement de population, etc.) ne modifie les structures ethniques. »

Les villes s’efforceront d’aider ceux de leurs citoyens « qui n’ont pas violé les lois et qui ont été contraints, pendant la guerre, de quitter leur foyer. Il faut qu’ils puissent (ré)acquérir leurs droits à la citoyenneté et à la propriété. »

Dans la partie relative aux médias, il est précisé que des efforts seront faits pour que les citoyens soient informés dans leur langue – fût-elle minoritaire. Le respect du droit et des valeurs multiculturelles sera encouragé, ainsi que la tolérance interethnique. Les discours haineux devront être bannis.

« L’accord adresse un message politique aux autorités centrales de Slavonie, de Bosnie, et de Vojvodine. C’est un appel pour que d’autres villes viennent nous rejoindre » a déclaré Salajic. Il rappelle qu’un accord existe déjà entre Osijek et Subotica et que leur collaboration – dans l’ancienne Yougoslavie, c’était deux villes amies – n’a pratiquement pas été interrompue.

Nous lui avons demandé si l’accord avait entraîné des réactions négatives de la part des médias croates. Salajic a reconnu qu’il y en avait eu, mais «  que tout homme raisonnable désire avoir de bons rapports avec ses voisins ». Il a poursuivi en disant : « Les autorités actuelles de Novi Sad se sont ouvertement opposées à la politique qui était menée autrefois sous Milosevic. Il est regrettable que l’accord n’ait pas fait l’objet d’une plus grande diffusion médiatique. D’aucuns considèrent que des actions telles que la signature d’un accord sont quelque peu prématurées. Toutefois, il faut bien commencer par quelque chose ».

Nous lui avons fait observer que certains individus de Novi Sad avaient participé aux opérations de guerre à Osijek et Tuzla. Vehid Sehic a tenu à préciser que les habitants de Tuzla avaient à plusieurs reprises montré leur attachement à la vérité. Ils savent qu’il ne faut pas généraliser : « Ceux qui sont responsables doivent répondre de leurs crimes, mais cela ne donne à personne le droit de porter des accusations d’ordre général sur les citoyens de tel ou tel État. Nous faisons toujours notre possible pour le respect des droits de l’Homme et du citoyen. Nous veillons à individualiser les responsabilités pénales. »

Nos interlocuteurs nous ont fait part qu’un plan d’action concret est prévu dans le domaine de la culture. Selon Sehic, l’accord prévoit également de tisser des liens économiques entre les agriculteurs et les petites et moyennes entreprises. Il ne s’agit pas de revitaliser le concept obsolète de jumelage, mais de créer un marché régional. Natasa Bogovic.

(Mise en forme : Stéphan Pellet)

 

Mardi 28 novembre 2000


L'achèvement de l'oléoduc Tenguiz-Novorossisk encourage un projet balkanique
Agence France-Presse
Sofia


L'achèvement la semaine dernière d'un oléoduc reliant le gisement pétrolier de Tenguiz, au Kazakhstan, au port russe de Novorossisk, sur la Mer Noire, encourage la réalisation d'un projet d'oléoduc de la Bulgarie à l'Albanie via la Macédoine, a déclaré mardi la société américaine AMBO chargée de ce projet.

Ted Ferguson, président du Balkan pipeline consortium (AMBO), a déclaré lors d'une conférence de presse à Sofia qu'il s'attendait «avant la fin du premier trimestre de 2001» à ce que les grandes compagnies pétrolières se décident d'un financement du projet. BP-Amoco, Exxon-Mobil, Texaco, Chevron, Unical et Coneco se sont déclarées intéressées, a-t-il indiqué.

Les sociétés américaines Chevron et Exxon-Mobil, ainsi que Amoco désormais détenue par British Petroleum, participent au Consortium international pour l'Oléoduc de la Caspienne ayant construit l'oléoduc Tenguiz-Novorossisk. Celui-ci recevra son premier chargement en juin 2001 d'une capacité de 600.000 barils par jour.

Quatre ans seront nécessaires pour la construction de l'oléoduc qui reliera le port bulgare de Bourgas, sur la Mer Noire au port albanais de Vlorë, sur l'Adriatique. Sa longueur sera de 890 km, sa valeur est estimée à 1,13 milliards de dollars et sa capacité à 750 000 barils de pétrole par jour (soit 39 millions de tonnes par an), selon M. Ferguson.

«Le progrès important réalisé par le Consortium caspien garantit que les quantités de pétrole nécessaires seront fournies» ce qui permettra de lancer les projets d'oléoducs dans les Balkans, a déclaré le ministre bulgare du Développment régional Evgueni Tchatchev.

La Bulgarie est prête à réaliser ce projet aussi bien qu'un autre pour un oléoduc de Bourgas au port grec d'Alexandropoulis, sur la Mer Egée, selon M. Tchatchev. Ce projet d'une valeur de 700 millions de dollars prévoit la construction d'un oléoduc d'une longueur de 320 km et d'une capacité annuelle de 40 millions de tonnes.

Selon M. Ferguson, les deux projets constituent «des by-pass» du détroit de Bosphore qui ne pourra pas assurer le transport de tout le pétrole venant de la Mer Caspienne.

Cette année, le prix mondial du transport de pétrole a doublé et il ne risque pas de diminuer», a relevé M. Tchatchev.

 

23 janvier 2002 (Traduit par Jasna Tatar)

Bilan et statistiques sur les réfugiés des Balkans

 D'après les donnés de l'ONU, le nombre de réfugiés et de personnes déplacées sur le territoire de l'ancienne Yougoslavie était de quatre millions en 1994. Par Vesna Tasic et Miodrag Markovic. L'ex-Yougoslavie était constituée de six républiques. A présent, la région est composée de cinq nouveaux Etats. Il ne manque plus qu'un Etat virtuel, une patrie pour les nomades des Balkans, appelés pudiquement les réfugiés. Les déportations sont autant de catastrophes qu'il convient d'ajouter aux morts et disparus. Quatre millions de personnes ont été déplacées selon les statistiques de l'ONU de 1994. Le chiffre a toutefois été revu à la baisse cette année ; le Haut commissariat des Nations unies parle de 1 200 000 déportés. Quarante-cinq mille personnes vivent toujours dans des camps de réfugiés. Ce chiffre correspond au nombre d'habitants de la ville de Jajce (Bosnie-Herzégovine) avant la guerre. Un réfugié de Sarajevo a même demandé et reçu le statut de réfugié aux Indes ! Il a expliqué que ce pays était heureux de participer à l'élan général d'aide aux réfugiés. La plupart des personnes déplacées sont restées sur le territoire yougoslave. Elles dépendent de l'aide sociale des organisations internationales – auxquelles elles ne font guère confiance – et des Etats balkaniques. Ces derniers sont démunis, et la plupart du temps ils ne sont pas responsables du sort qui a frappé les réfugiés. D'après les données de l'administration fédérale du régime de Milosevic, la RFY aurait dépensé 1024 milliards de Dollars par an pour les réfugiés, et cela durant huit ans, depuis 1991. Les déportations ont commencé avant le conflit, dès 1989. Des familles entières ont été déplacées vers des territoires où leur ethnie était majoritaire. Le processus a atteint des records entre 1992 et 1995. Aujourd'hui, les migrations se poursuivent, et à en juger d'après les prévisions de la CIA, on peut s'attendre, au printemps, à une grande vague de réfugiés macédoniens. La Slovénie a connu son plus grand nombre de réfugiés en 1992 (47 000). En Croatie, ils ont été chassés des hôtels avant la saison touristique, et en Serbie Mme Mirjana Markovic, l'épouse de Milosevic, ne comprenait pas « ce qu'ils voulaient ». L'actuel président de la RFY leur a récemment adressé un message en particulier qui commençait par ses mots : « Mes chers amis qui souffraient. » Au plus fort de la déportation, on n'a guère parlé du nombre de morts. L'information est demeurée confidentielle. Certaines associations disposaient de données selon lesquelles six réfugiés par jour mourraient de faim. Un réfugié de Drvar (Bosnie-Herzégovine) déclare que 200 de ses compagnons se sont suicidés. Des statistiques officielles n'ont jamais existé. Radenko Popic, membre du comité régional pour l'aide au réfugiés en Vojvodine, affirme que Biljana Plavisic, la présidente de la Republika Srpska de l'époque, lui avait dit que 4000 Serbes, en l'espace de deux ans, s'étaient suicidés dans son pays. Les réfugiés installés dans la RFY ont survécu à la politique de l'ancien ministre fédéral aux réfugiés, Mme Bratislava Buba Morina. Ils se préparent à la nouvelle stratégie annoncée fin 2001. Pour qu'elle soit mise en œuvre, il faudrait trouver 300 millions de Dollars. Cent deux millions sont déjà disponibles grâce aux fonds étrangers. Cette nouvelle politique doit résoudre le problème du logement (seulement 18% des réfugiés ont un toit), entraîner la fermeture des camps de réfugiés, et répondre au problème du chômage (seulement 20% des réfugiés ont un travail). D'après les estimations de l'UNHCR, le nombre des réfugiés et des personnes déplacées sur le territoire de la RFY est de 664 000. La majeure partie vient de Bosnie (143 600), ensuite c'est de Croatie (245 100), de Slovénie (660), et de Macédoine (450). Depuis la fin des bombardements et l'arrivée de la KFOR, le nombre de réfugiés du Kosovo en Serbie et au Monténégro est de 230 800. Avant et pendant les bombardements de l'OTAN, 800 000 personnes avaient été déportées du Kosovo en Serbie. Une grande majorité est depuis retournée sur ses terres. Selon l'UNHCR, 772 300 personnes sont revenues dès septembre 1999. L'Albanie a quant à elle accueilli 280 réfugiés du Kosovo. Parmi les réfugiés installés en Serbie, 60 % ont décidé de s'intégrer totalement, 150 000 viennent de Croatie, et 80 000 de Bosnie-Herzégovine. Seulement 5,3 % souhaitent retourner dans leur pays d'origine. Le recensement de 2001 précise que la majorité des réfugiés a entre 18 et 59 ans, qu'il y a plus de femmes que d'hommes, et que le niveau de formation moyen est le bac. Il est intéressant de noter que 81 % d'entre eux sont des urbains. 167 420 personnes louent un appartement, 67 143 en sont propriétaires ou ont acheté une maison. Le nombre de réfugiés en Bosnie-Herzégovine est de 504 000. 470 500 d'entre eux ont été déplacée à l'intérieur de la province, le reste vient de Croatie (24 000) et de la RFY (9 500). Selon les sources de l'UNHCR, le nombre de réfugiés en Croatie est de 19 670 (18 272 de Bosnie-Herzégovine et 1 389 de la RFY) alors que la quantité de déportés s'élève à 22 713. La Croatie a connu le plus grand nombre de personnes déplacées en 1991 (627 000). Avec la guerre en Bosnie, ce nombre s'est élevé à 700 000 en 1992. En Macédoine, il y a actuellement 24 720 personnes réfugiées et déplacées (source UNHCR). Les réfugiés proprement dits viennent de la RFY (4500), du Kosovo et de la Bosnie-Herzégovine (50). Le reste est dû aux derniers conflits. Dans les pays tiers (en Europe de l'Ouest le plus souvent), selon les statistiques des organisations internationales, 217 000 personnes (111 300 de la RFY, 5 300 de Croatie, et 101 300 de Bosnie-Herzégovine) ont demandé asile. Le nombre de demandes déposées a atteint à un moment le chiffre de 924 060 (source UNHCR). En 1994, 643 000 personnes originaires de l'ancienne Yougoslavie séjournaient dans les pays tiers. D'après l'UNHCR, le nombre de personnes qui, en septembre 2001, sont retournés en Croatie est de 327 360 (dont 193 891 réfugiés, et 223 469 déplacées). De 200 000 Serbes qui ont fui la Croatie après l'opération « Oluja », un peu plus 90 000 sont retournés en Croatie, selon le porte-parole du bureau de l'UNHCR à Zagreb, Andrej Mahecic. Depuis 1996, les pouvoirs croates ont enregistré que 59 003 personnes étaient revenues de la RFY. L'UNHCR ne leur a donné que 1 200 tracteurs ! D'après les dernières données de l'UNHCR, 811 095 personnes sont retournées en Bosnie-Herzégovine. 623 950 sont allées dans la Fédération croato-musulmane, 32 925 en Republika Srpska. La majorité sont des Musulmans (plus de 500 000), ensuite viennent les Serbes (environ 180 000), et les Croates (plus de 100 000). L'année dernière, 3079 Musulmans sont retournés à Banja Luka, et 16 600 Serbes sont revenus à Sarajevo. En décembre 2001, 138 300 personnes étaient rentrées en Macédoine – 81 000 réfugiés et 57 300 déplacées. Après la signature de l'accord de Dayton, il y avait en Bosnie-Herzégovine 200 camps de réfugiés qui hébergeaient quelque 60 000 personnes. Actuellement, il y a 59 camps dans la Fédération et 49 camps dans la Republika Srpska. Ils accueillent environ 12 500 individus. En 1995, après la grande vague des réfugiés de Croatie, il y avait 750 camps en Serbie. Aujourd'hui, en Serbie, les camps accueillent 25 000 réfugiés. En Croatie, ils hébergent 7 348 personnes.

(Mise en forme : Stéphan Pellet) 

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DANI
Naissance du Groupe 99 autour de quize intellectuels ex-yougoslaves
TRADUIT PAR NICOLE DIZDAREVIC, DE L’ASSOCIATION SARAJEVO

Publié dans la presse : 15 octobre 1999
Mise en ligne : vendredi 29 octobre 1999

Le jour même de l’inauguration, cette année, de la Foire Internationale du Livre de Francfort, le Groupe 99, composé de quinze hommes de lettres des différents pays et villes de l’ex-Yougoslavie, a annoncé sa constitution. Il est composé de : Bogdan Bogdanovic, Filip David, Slavenka Drakulic, Drinka Gojkovic, Drago Jancar, Miljenko Jergovic, Shkelzen Maliqi, Semezedin Mehmedinovic, Ali Podrimja, Milorad Popovic, Nenad Popovic, Branko Sbutega, Slobodan Snajder, Dragan Velikic et Ivan Lovrenovic.

Voici le texte de la déclaration publiée à cette occasion : " Après la chute du mur de Berlin, la chute du totalitarisme et l’avènement de la démocratie dans l’Europe de l’Est, nous avons, dans notre partie du continent, été confrontés à la guerre, à d’atroces violences, à la violation systématique des droits de l’homme. L’espace culturel s’est désintégré. Il faut maintenant en créer un nouveau, de la Slovénie - aujourd’hui prospère - jusqu’au Kosovo, dévasté et humilié. Nous, hommes de lettres réunis ici à Francfort à l’occasion de la Foire Internationale du Livre, nous élevons avec violence contre le chauvinisme politique et culturel qui a transformé les frontières politiques en frontières entre les cultures. Nous sommes convaincus que les idées, les livres et toutes les valeurs culturelles doivent circuler librement. Il est grand temps de surmonter l’actuelle situation et d’établir des normes démocratiques et culturelles européennes. Peu nombreux sont les écrivains signataires de ce texte qui vivent et travaillent dans des conditions normales. La plupart d’entre nous sommes considérés indésirables dans la vie publique de nos pays, certains vivent en exil. Avides de changements, nous venons de nous associer au sein d’un groupe auquel nous donnons le nom de l’année de sa naissance : le Groupe 99. Nous désirons, grâce à notre action, assurer la libre circulation des livres, des idées et de toutes les valeurs esthétiques. Dans une confrontation créatrice des critères esthétiques, des concepts et réalisations artistiques, nous tenterons de former un espace culturel dynamique et libre. Le Groupe 99 s’efforcera de créer des formes d’action concrète durables - à travers un réseau de communication et l’édition. Le Groupe se réunira et organisera des débats thématiques sur la littérature et la société. Nous désirons par là ouvrir aussi le débat avec d’autres hommes de lettres de notre région et de l’ensemble de l’Europe."