presse Bulgarie
Utrinski Vesnik
Bulgarie : harcèlement policier contre le parti de la minorité macédonienne Traduit par Kristina Velevska Publié dans la presse : 9 décembre 2006 OMO Ilinden PIRIN, le parti des Macédoniens de Bulgarie, n’est toujours pas reconnu. Plusieurs de ses membres affirment avoir subi des pressions et des interrogatoires de la part de la police bulgare. Dans la communauté macédonienne, le climat est à l’inquiétude. Le reportage du quotidien macédonien Utrinski Vesnik. Par Viktor Cvetanovski Les Macédoniens de Bulgarie sont inquiets. Récemment, la police bulgare a exercé des menaces à leur encontre, pour qu’ils renient le parti qui les représentent : OMO Ilinden PIRIN. Le climat leur rappelle les dernières années du régime communiste, lorsque les noms des Turcs étaient « bulgarisés ». La haine à leur égard augmente de jour en jour. Lors du match de football CSKA Sofia - Betef de Vraca, certains spectateurs ont brandi des calicots : « Membres d’OMO : traîtres, quittez la Bulgarie. » Les membres d’OMO Ilinden PIRIN ont été appelés par la police pour être interrogés. La police menace les retraités de leur retirer leurs pensions. Elle menace les employés de provoquer leur licenciement. Un membre du parti a été menacé de se voir refuser le crédit dont il a besoin pour se construire une maison. Ivan Bikov, originaire du village de Samoilovo, près de Petric, habite à Sofia depuis longtemps déjà. Il affirme que tous les Macédoniens ont été appelés par la police et incités à renoncer à leur appartenance communautaire. Toujours selon lui, la police aurait dit à une infirmière bulgare de choisir entre le travail et le parti, obtenant d’elle qu’elle renonce à OMO Ilinden PIRIN. Ivan Bikov dit connaître un dentiste ayant rencontré la même situation. Face à ces menaces, des membres ont quitté le parti. « Je suis invité à me rendre demain à la police. Je vais y aller avec un avocat. Je n’ai rien fait contre l’Etat », raconte Bikov. Il souligne que tant les personnes âgées que les jeunes sont convoqués. Récemment, une femme âgée de 90 ans, de la famille Rondevi, a été également convoquée au commissariat. « C’est pire qu’auparavant. C’est pire aujourd’hui que pendant le régime de Todor Zhivkov », éclate Bikov en pleurant comme un petit enfant. Il raconte qu’en 1968, lorsqu’il s’est marié et qu’il s’est déclaré Macédonien, personne ne lui a demandé les raisons qui le poussaient à agir ainsi, bien que son témoin soit un colonel dans les services secrets bulgares. Il dit avoir perdu confiance en l’Etat quand l’ancien premier ministre macédonien Ljubco Georgievski a signé avec la Bulgarie un accord par lequel l’Etat macédonien renonçait à aider les Macédoniens de Bulgarie. Mauvais souvenirs Zdravka Miteva, qui a déménagé de Sandanski à Sofia, est une journaliste à la retraite. Pour elle, ce que l’on fait subir aux Macédoniens ressemble aux actes commis par le régime communiste lorsqu’il a imposé de changer les noms des Turcs de Bulgarie. « Je ne peux pas accepter cela. Tout le monde doit être libre. Chacun doit avoir une conscience libre. Il ne faut pas recourir à la violence. Mon orientation nationale est une chose privée. Il n’y a pas de place pour les hommes politiques dans ma vie privée », explique-t-elle, avant de souligner qu’elle appartient au peuple bulgare, mais qu’elle est liée par son origine à la région de Bitola. [...] Kostadin Georgiev est membre d’un autre parti politique. Il dit qu’il a sympathisé avec des membres d’OMO Ilinden PIRIN. Il s’insurge du fait que les actes de la police ne soient pas conformes aux lois. « Je m’occupe de politique et je sais comment on déclare un parti politique. Il n’y a jamais rien eu de semblable à ce que l’on fait aujourd’hui à OMO Ilinden PIRIN. C’est une action spécialement organisée pour empêcher l’enregistrement légal du parti », affirme-t-il. Il ajoute qu’il est absurde que la police intervienne dans les affaires d’un parti. Tous les membres de la famille de Kiril Conkov, de Goce Delcev, sont des membres du parti OMO Ilinden PIRIN. Tous ont été convoqués par la police : lui, sa femme et ses deux filles. On leur a demandé s’ils savaient de quel type d’organisation il s’agissait, si quelqu’un les avait payé pour devenir membres et combien ils avaient été payés. Dans la petite ville de Goce Delcev, il y a 400 membres d’OMO Ilinden PIRIN. [...] Ivan Gargavelov, qui s’occupe de la documentation relative aux membres d’OMO Ilinden PIRIN, se dit inquiet de la situation. Les menaces et les pressions ont provoqué le départ de deux membres du parti. Ils avaient reçu des menaces de licenciement à l’égard de leurs enfants. Ils sont venu au siège de l’organisation et il ont repris les documents les concernant. [...] |
Bulgarie
: Dupnitza, une ville se révolte contre la mafia
Traduit par Mandi Gueguen Publié dans la presse : 8 juin 2006 Le conseil communal se rebelle et dénonce les méthodes de menaces systématiquement utilisées par les entrepreneurs locaux depuis des années, à l’égard de la population locale. Pourtant, la ville se divise : pour certains habitants, les mafieux sont aussi de généreux mécènes... Par Tanya Mangalakowa La corruption grimpante dans la ville de Dupnitza, au sud-ouest de la Bulgarie, a poussé la population à la révolte, après trois jours de protestations silencieuses, sous le slogan « Non à la peur ». Lors du conseil communal extraordinaire du 26 mars, les conseillers municipaux ont fait le point sur les différents types de pressions exercées par Plamen Galev et Angel Hristov, hommes d’affaires redoutés et anciens membres des équipes spéciales de la police bulgare. D’après les conseillers, ces deux hommes tiennent en main la population depuis des années. Plamen Galev et Angel Hristov ont été définis, et pas à demi-mot, comme les maîtres de la ville. Selon Parvan Dangov, le maire de Dupnitza, et un groupe de conseillers communaux, les deux « parrains » contrôlent le racket auquel doivent se soumettre les entrepreneurs locaux. Par ailleurs, ils hantent la population et les sphères politiques, plongeant la ville entière dans un climat de peur et de terreur. Les tensions présentes à Dupnitza ont atteint leur comble lors du conseil communal de fin mai. Lorsqu’a été évoquée l’infiltration des « mutri » (les « gueules », terme par lequel on nomme les mafieux en Bulgarie) dans les appels d’offres, qu’ils emportent aisément grâce aux menaces dirigées vers les autres participants. A la fin du conseil, une déclaration invitait le ministre de l’Intérieur, le Procureur Général et les tribunaux à persévérer dans leurs efforts contre le crime organisé, qui désormais est active et prospère à Dupnitza depuis plusieurs années. Le jour même, Plamen Galev et Angel Hristov ont donné une conférence de presse, rejetant toutes ces accusations. La police locale a précisé qu’aucune action n’était en cours contre leurs deux ex-collègues. La ville entière semble être divisée quant aux deux personnages, qu’une partie de la population associe toujours à leurs fréquents dons financiers pour les orphelins, les malades et les personnes handicapées. « Nous sommes réduits à l’état d’esclavage », a déclaré Parvan Dangov aux médias, après avoir confirmé que toutes les entreprises de la ville payaient leur « dû » aux « parrains. » Selon le maire de Dupnitza, l’épopée des « bad boys » qui font la loi en ville depuis plusieurs années déjà, seraient devenue de plus en plus brutale et insupportable. « Alors que nous avons perdu Ivo Karamanski, appelé « le parrain » et Zlatko Zlatev, nommé « Zlatistia », (deux mafieux connus de Dupnitza, assassinés l’année dernière), nous avons deux nouveaux héros », a ajouté le maire. De nombreux conseillers municipaux parlent d’un vrai réseau de pouvoir parallèle qui, depuis deux mois, essaie de gagner en légitimité à travers l’association « Renaissance de Dupnitza ». L’association compterait environ cinquante membres, dont d’anciens policiers, des entrepreneurs, des docteurs,... et agirait comme un véritable groupe de pouvoir. Elle remporterait les appels d’offres les plus attirants et réaliserait les projets les plus porteurs. « Une femme, terrorisée par Plamen Galev et Angel Hristov en est arrivée à renoncer à la citoyenneté bulgare », a affirmé aux médias le maire de Dupnitza, rendant publique la lettre de Stanka Dimitrova, qui a passé les douze dernières années en Afrique du Sud. Dans sa lettre, également envoyée au Tribunal de Dupnitza, Stanka Dimitrova explique que la raison l’ayant poussée à renoncer à la citoyenneté bulgare sont les menaces permanentes de Galev et Hristov. Les jours passant, la ville continue à se diviser, et si d’un côté le maire et le conseiller Plamen Sokolov continuaient à accuser Galev et Hristov, de l’autre, certains représentants du monde politique, dont l’ancien député Pancho Panayotov, ont déclaré leur solidarité aux deux « businessmen », en les qualifiant même de citoyens respectables et bienfaiteurs. Le 30 mai dernier, le même ministre de l’Intérieur Rumen Petkov a visité Dupnitza et rencontré les hauts fonctionnaires de la police locale, qui lui ont confirmé qu’ils avaient la situation sous contrôle. Pendant la visite, plus de 500 personnes sont descendues sur la place centrale de la ville pour manifester en faveur de Galev et Hristov. Un panneau dénonçait : « La mafia est dans la commune », alors que des slogans étaient scandés contre le conseiller Sokolov qui, selon les manifestants, est « avide et incompétent », et contre le maire Dangov défini comme « une honte pour le parti socialiste de Dupnitza ». « Le ministre Petkov n’a vu aucune mafia à Dupnitza », ont écrit par la suite les divers quotidiens de l’édition du 31 mai. Les médias ont rapporté les révélations faites par les mêmes Galev et Hristov, qui auraient financé la campagne électorale des mêmes politiques qui l’accusent aujourd’hui. Galev a déclaré avoir apporté environ 7500 euros au maire Dangov pendant les dernières élections locales qu’il a emporté, et qui auraient été utilisés par ce dernier pour acheter 600 voix au sein de la communauté rrom. L’accusation a immédiatement été démentie par le maire. Selon le quotidien Monitor, l’action de protestation contre la mafia à Dupnitza serait pourtant élaborée par les activistes locaux du Parti socialiste comme une campagne promotionnelle pour le ministre de l’Intérieur Petkov et pour le ministre Sergey Stanishev. Dans les premiers jours de juin, le « cas Dupnitza » est parvenu jusqu’au Tribunal Général. Le maire Dangov a rencontré le procureur Boris Velchev pour discuter des problèmes de la ville et pour exiger l’ouverture des enquêtes sur les entreprises de Galev et de Hristov. Même le bureau régional pour la lutte contre le crime organisé de la police de Kyustendil a exprimé sa volonté d’aider à affronter le problème. Dupnitza n’est pas un cas isolé en Bulgarie. Selon un sondage réalisé par l’agence AFIS, repris le 5 juin par le quotidien Standard, un Bulgare sur deux a peur des boss qui font la loi dans leurs villes. A la question : « Dans votre ville, y a-t-il des groupes ou des personnes qui imposent leur influence par des moyens illégaux ? », 52,8% des interviewés a répondu « Oui », alors que seulement 14% ont répondu avec convainction « Non ». Ces résultats, commente le sociologue Chavdar Naidenov, montrent que la situation d’au moins la moitié de la Bulgarie ressemble à celle de Dupnitza. Le même sondage a mis en évidence une classification des groupes et des personnages qui, selon les Bulgares, influencent la vie de leurs villes par des moyens illégaux : les frères Margini, actuellement en prison en attente d’être jugés, arrivent en premier, puis la compagnie SIK, ensuite l’ancien maire de Sofia Stafan Sofianski, le leader de Ataka Volen Siderov et en cinquième place le « parrain » de Dupnitza, Plamen Galev. Une donnée est très préoccupante : 49% des personnes interviewées ont déclaré avoir peur de donner les noms de ceux qui s’imposent par la violence et contre la loi. Les moyens de pression les plus fréquents, selon les citoyens, sont la corruption des fonctionnaires publics, les relations étroites avec la police et les juges, les menaces, le racket et le contrôle des moyens d’information. Selon Chavdar Naidenov, le sondage laisse transparaître pas tant l’influence que le contrôle omniprésent de certaines forces qui sont en train de transformer la ville en véritables fiefs. |
SEGA Les mythes du nationalisme bulgare TRADUIT PAR ATHANASE POPOV Publié dans la presse : 27 janvier 2005 Si les conséquences du processus de slavisation forcée des Turcs de Bulgarie ont vraiment été surmontées, est-ce grâce à la tolérance des Bulgares ou des Turcs ? Si nous sommes amenés à vivre dans l’UE, il nous faudra renoncer aux idées qui veulent que notre nation soit fondée sur une communauté de sang, que les pays voisins nous ont toujours fait du tort, et que nous sommes uniques. Par Tchavdar Marinov Contrairement à ce que pensent les intellectuels bulgares soi-disant libéraux, l’adhésion de la Bulgarie à l’UE ne suppose vraisemblablement pas qu’il faille tirer un trait sur l’identité nationale et la culture bulgares. Mais en dépit de ce que pensent les nationalistes conservateurs, elle entraînera nécessairement leur reformulation de fond en comble. Manifestement, en ce qui concerne le nationalisme, l’UE ne représente pas un espace homogène : sous cet angle, même la Grèce et la Hongrie sont sensiblement proches de nous. L’UE ne représente certainement pas une oasis postnationale où le nationalisme atavique ne connaît jamais d’éruptions, mais tout le travail accompli dans l’espace public européen pour le surmonter reste à faire. Cela vaut surtout vis-à-vis de quatre grands mythes. Mythe premierÀ la différence du « mauvais » nationalisme, il existerait un « bon » patriotisme, et il faudrait soi-disant que nous y aspirions. Or, dans la littérature contemporaine sur le nationalisme, on ne distingue pas entre nationalisme et patriotisme. En réalité, « patriotisme » est un mot issu de l’arsenal verbal des nationalistes eux-mêmes, lequel fut mis en place en Bulgarie essentiellement par les soins du régime communiste (à partir des années 1960), qui distinguait entre le patriotisme socialiste et le nationalisme bourgeois. (...) En fait, il existe surtout deux sortes d’attitude envers les « valeurs » nationales. La première consiste à les accepter sans réserves, sans garder de distance critique, avec toutes les revendications historiques, géographiques, etc. qui les caractérisent, et c’est là l’attitude nationaliste. L’autre attitude est critique envers l’identité nationale, et qui plus est sensible aux contrarguments. Aujourd’hui, c’est précisément sous cet angle qu’on envisage l’histoire dans des pays de l’UE tels que la France. (...) Mythe deuxième : Nation = ethnie et ethnie = sangBien que le modèle « ethnique » ait été dominant dans une grande partie de l’ancien continent, aujourd’hui il a été sérieusement ébranlé ne serait-ce que par l’afflux d’émigrés, qui épargnera de moins en moins y compris la Bulgarie. Cette tendance rend problématique la traditionnelle conception ethnique de l’identité bulgare. Tout comme les Français ne peuvent pas se permettre de considérer que tel ou tel de leurs concitoyens français d’origine africaine n’est pas un « véritable » Français, de même l’attitude des Bulgares envers les émigrés du Tiers monde devra changer, et avec elle la politique d’octroi de la citoyenneté bulgare. Qui plus est, cette évolution ne constitue guère une mise en conformité avec une superficielle politique du « politiquement correct » : dans l’ethnologie contemporaine, l’ethnicité n’est guère envisagée comme des « racines », du « sang » ou une « communauté d’origines », mais bien comme une construction sociale soumise aux contingences historiques. (...) Cette autre conception de l’identité nationale et de l’ethnicité jette de l’ombre sur l’idée qu’il y aurait des « frères de sang » hors des frontières étatiques et rendra encore plus problématiques les catégories telles que « Bulgares ethniques » des pays tels que la Moldavie, la Macédoine, etc. Elle ouvrira la possibilité d’acquérir la citoyenneté française à des gens issus d’autres pays et continents. Mais dans un premier temps, il nous faut renoncer à l’idée que l’identité nationale doit avoir des fondements objectifs tels que la couleur de la peau, pour la concevoir comme un phénomène subjectif, quoique socialement valable. (...) Reconsidérer le concept « d’ethnie » et distinguer celui-ci du concept de citoyenneté, cela revient à en finir avec l’idée que la nation est dotée de caractéristiques uniques, « innées ». Mythe troisièmeNous autres Bulgares serions un peuple tolérant. Je ne le nie pas, sauf à souligner que toute généralisation de ce genre est parfaitement vaine. Or, même les plus jeunes chroniqueurs des principaux quotidiens, quand ils essaient de se montrer critiques tant envers le « communisme » qu’envers le « nous » collectif, n’en dévient pas moins vers des thèmes tels que « notre caractère national », « les racines », « la slavité », et autres sornettes tirées de la tradition nationale. De la même façon, toutes les nations qui nous entourent se considèrent comme « les plus tolérantes » ; chez eux comme chez nous, les épisodes gênants de l’histoire sont passés sous silence et on les voile à travers le prisme de l’incontournable « tolérance » dont nous serions les seuls tenants. Une émission de télévision a récemment été consacrée au « processus de régénération nationale » [1], et elle était carrément choquante. Un député du « Temps nouveau » y a expliqué que les conséquences de cet événement (provoqué sans doute par des extraterrestres) auraient été amoindries grâce à la « traditionnelle tolérance du Bulgare ». Il était significatif de constater qu’il n’est venu à l’esprit ni du député, ni de l’animateur de l’émission, que c’était peut-être les Turcs qui s’étaient avérés être un « peuple très tolérant » suite aux violences qu’on leur avait infligées. ? ?De cette façon, les médias bulgares détruisent eux-mêmes jusqu’à un certain point le mythe de la tolérance. Toute une série d’émissions de télévision qu’on fait chez nous n’auraient pas été possibles dans un pays de l’UE. Il nous paraît parfaitement naturel que « Canal 1 », la principale chaîne de télévision publique, nous rappelle que nous ne sommes entourés que de « terres qui sont les nôtres », or nous n’apprécierions sans doute pas qu’une grande chaîne de télévision grecque consacre une émission spéciale à l’anéantissement de l’hellénisme à Plovdiv, Melnik, Nessebeur, Pomorie, etc. Récemment, le directeur de l’Institut d’histoire auprès de l’Académie des Sciences de Bulgarie a accusé la Turquie d’ « islamisme » sur les ondes de RFI-Bulgarie, en raison de ses prétendus efforts en vue de la conservation de l’héritage ottoman dans les Balkans. Par contre, il faut croire qu’il est parfaitement légitime que nous nous intéressions à « nos » biens à Istanbul. (...) Mythe quatrième« Nous autres Bulgares n’avons pas de fierté nationale ». La réalité démontre le contraire. Une étude récemment réalisée dans un grand nombre de pays a établi que les Bulgares se font la plus haute idée de leur propre « culture », juste après les Américains, dont la fierté nationale est proverbiale. Sans parler des risibles clichés venus d’on ne sait où, du type : nous serions « les plus intelligents après les Juifs » ou « le pays des plus belles femmes », etc. Il se pourrait bien que les intellectuels et les médias nous aient rendus trop arrogants, voire qu’ils aient fait de nous des mégalomanes ridicules. (...) Des hommes d’Etat bulgares offrent aux étrangers de passage des livres tels que Les Bulgares - les premiers européens [2], lesquels feraient rougir de honte n’importe quel politicien européen. Je ne m’arrêterai pas sur les tentatives ratées pour fonder des partis « européens » et « nationalistes modernes » : en jouant cette carte, bon nombre de politiciens tombent dans des mythes nationalistes par trop primaires, qui viennent combler l’absence de problèmes tels qu’une immigration de masse ou d’objectifs politiques tels que davantage de souveraineté vis-à-vis de Bruxelles. L’affirmation selon laquelle nous devrions entrer en Europe avec notre « culture » nationale est un leurre, car celle-ci devra subir une transformation interne complète. Sinon, nous risquerions de ressembler à un musée ethnographique poussiéreux du XIXème siècle, inventé par des ethnographes régionaux.
[1]
Politique de slavisation forcée des populations tursques, dans les années
1980 [2]
Dernier best-seller de Bozhidar Dimitrov, directeur du Musée historique
national et militant du BSP |
BANKER Bulgarie : entre euroscepticisme et euroillusions, le nécessaire euroréalisme TRADUIT PAR ATHANASE POPOV Publié dans la presse : 27 novembre 2004 Plus la perpective de l’adhésion européenne de la Bulgarie se rapproche, plus le débat politique devient confus. Tandis que l’euroscepticisme pointe le bout de son nez, les « euroillusions » sont toujours légion. L’adhésion ne marque pourtant pas le terme mais le début d’un long processus. Elle ne résoudra pas tous les problèmes, et le niveau des Bulgares dépendra toujours de leur travail et de leurs choix politiques. Il est temps de pratiquer un rigoureux « euroréalisme ». Par Aleksandeur Marinov Plus l’adhésion européenne semble proche, plus les europassions bulgares deviennent houleuses et contradictoires. Si l’on s’en tenait aux sondages, il n’y aurait apparemment rien à craindre : la part des partisans convaincus de l’entrée de notre pays dans l’Union européenne demeure élevée et stable. Les europessimistes inconditionnels sont très peu nombreux et ne jouissent d’aucune influence dans la société. Pourtant, le spectre de l’euroscepticisme existe bien, et sa présence se fait de plus en plus sentir. De l’avis du Professeur Peter-Emil Mitev, c’est « quelque chose qui n’est pas vraiment là, mais qu’on craint de plus en plus ». En fait, l’euroscepticisme bulgare existe, et on peut lui trouver des causes premières bien réelles qui ne feront que le consolider en tant que posture sociopsychologique et tendance politique. Il en a été ainsi dans tous les pays membres de l’UE, et il en sera ainsi chez nous. Autre chose est de savoir quel aspect extérieur, quelle essence spécifiquement nationale, cet euroscepticisme acquérra. Mais ce qui est intéressant, c’est qu’à la différence de l’euroscepticisme « européen », son analogue bulgare ne vise pas les faiblesses immanentes de l’unification européenne et des structures supranationales qu’on a fondées tout au long de cette dernière. Selon le politologue Ivan Kreustev, quand ils parlent de l’Europe, les Bulgares parlent en fait d’eux-mêmes. Quand ils parlent de l’Europe, les Bulgares parlent en fait d’eux-mêmesCe qui est en train de prendre de plus en plus clairement les contours d’un euroscepticisme bulgare, c’est non pas le doute sur l’intérêt et les dangers de la création d’une Europe unie, mais bien le pessimisme quant à notre propre aptitude à faire pleinement partie de ce processus comme à faire face aux dangers et défis qu’il va immanquablement déchaîner sur nos têtes. On ne peut que remarquer que ce pessimisme est en train de s’accroître en dépit (ou précisément à cause) de la très sotte « propagande du succès », qui permet à la plupart des politiciens bulgares de placer l’accent sur les avantages de l’adhésion de la Bulgarie à l’UE tout en taisant les risques et conséquences négatives. Autrement dit, la majorité des Bulgares ne débattent pas sur l’intégration européenne en tant que telle car ils en savent trop peu sur les contradictions internes et autres suites négatives inhérentes à la création du futur Super Etat européen. D’ailleurs, force est de reconnaître que la majorité des gens ne s’intéressent pas beaucoup à ces choses-là, parce qu’ils sont profondément persuadés que rien de vraiment important ne dépend de nous. Pourtant, bien que ce soit paradoxal, le fait que leur curiosité théorique et pratique soit limitée n’empêche pas les gens d’avoir des conceptions faussées et irrationnelles déjà bien ancrées sur « qu’est-ce que l’Union européenne » et sur les perturbations qui vont affecter notre mode de vie. L’adhésion, point d’arrivée ou point de départ ?La première euroillusion, massivement répandue, c’est qu’après l’adhésion à l’UE, notre nation toute entière va se retrouver « spatialement » déportée vers l’Occident, en gardant tout le positif, et en laissant derrière elle tout le négatif. Cette illusion se comprend si on garde à l’esprit le fait que la chute de la barrière de l’espace Schengen reste marqué jusqu’à présent comme l’événement le plus emblématique du processus d’intégration dans le vécu du plus grand nombre. Si on ajoute à cela la présentation, sous forme de propagande, des « victoires conquises » au cours des négociations, on voit pourquoi la plupart des Bulgares ne comprennent pas le véritable intérêt de l’adhésion à l’Union. Or, celui-ci consiste à opérer un changement d’envergure en nous-mêmes, dans notre espace public, et à parcourir un chemin très long et difficile, mais ici même et en nous. Cette reconstruction de notre être et de notre conscience sociaux commence, au lieu de s’arrêter, avec la clôture des négociations, comme nous allons tous nous en rendre compte sous peu, au cours du monitoring du respect des engagements pris par la Bulgarie. Une autre euroillusion, liée à celle qui vient d’être décrite, c’est que tout ce qu’on peut imaginer de négatif et de difficile sera derrière nous, à l’endroit même que nous aurons quitté pour toujours. En réalité, on constate déjà l’ampleur des conséquences sur le terrain de cette méprise encouragée pour des motifs politiciens préélectoraux. Nombreux sont les politiciens qui insufflent aux Bulgares, de propos délibéré, l’idée que les quatre années qui viennent de s’écouler ont été une telle réussite que le plus difficile serait désormais derrière nous. On nous persuade que le temps est venu de vivre dans l’opulence. (...) Or, au lieu de se gargariser d’histoires à dormir debout, la société bulgare (c’est-à-dire les individus concrets, les différentes communautés, les sociétés, les institutions) ferait mieux de se renseigner sur ce qui l’attend après le 1er janvier 2007, et sur ce qu’il faudra changer pour améliorer plutôt que d’aggraver son standing matériel et social. Ou bien, prenons une autre euroillusion, qui est, elle aussi, causée par la sous-estimation de l’ampleur du changement que nous allons devoir opérer en nous-mêmes. La mise en conformité avec les standards européens est souvent comprise par le grand nombre comme une mise en scène astucieuse et bien répétée. C’est comme si on savait que les Bulgares n’allaient pas changer mais allaient offrir une apparence « autre » : ils vont s’abstenir de manger de la soupe aux tripes, ils ne vont plus faire d’eau-de-vie artisanale, ils ne vont plus jeter leurs mégots dans la rue, et ils ne vont plus traverser la rue au feu rouge. Ou du moins ils ne vont pas se laisser attraper en flagrant délit « d’eurotransgressions ». Pour passer aux choses plus sérieuses, certains individus vont continuer à se partager l’argent des projets européens de la manière qu’on connaît, mais de façon plus subtile et réussie (bien entendu avec l’aide des mêmes consultants qui servent d’intermédiaires). Tout comme les Grecs, qui nous montrent souvent l’exemple dans l’habileté à mettre à profit les fonds européens. Seulement voilà, même la meilleure mise en scène reste au fond ni plus ni moins que du bluff, or le bluff risque toujours d’être démasqué. L’illusion consistant à croire qu’après notre adhésion, nous allions surmonter automatiquement toutes les difficultés qui nous auront empoisonné la vie, se reporte en partie sur la politique. Notre adhésion à l’UE est souvent perçue comme l’unique mécanisme permettant de faire en sorte que les politiciens bulgares soient contraints de faire ce qui est bon pour nous, et à s’abstenir de faire des choses peu recommandables. C’est ainsi que fut élaborée la conception de ce qu’on a pu appeler le « conseil politique », qui imposerait aux dirigeants des limitations strictes sur les écarts dans leur comportement (qui que ce fût) et qui attribuerait à nos hommes d’Etat le rôle du cosmonaute d’une blague célèbre, rôle consistant à nourrir régulièrement un singe de laboratoire sans jamais toucher aux boutons dans le cockpit de la fusée. Soit dit en passant, même des gens tout à fait sérieux pensent que l’incorporation de la Bulgarie au sein de l’UE (eu égard au transfert de souveraineté volontaire) mènera au dépérissement de la politique nationale autonome dans le sens le plus strict du terme, comme à l’élimination de la nécessité pour les hommes politiques bulgares de prendre des décisions indépendantes parfois difficiles. Des choix nationaux qui resteront importants et difficilesLa vérité se situe à l’exact opposé : l’adhésion européenne, bien qu’elle place notre pays dans le cadre strictement délimité de la politique européenne, nécessitera la prise de décisions encore plus difficiles dictées par la défense des intérêts nationaux de la Bulgarie au sein de la configuration europénne commune. Ce qui veut dire ni plus ni moins que les politiciens qui se frottent les mains aujourd’hui à l’idée qu’ils s’empareront du pouvoir, en se réjouissant de ce que d’autres qu’eux-mêmes leur auront tiré les marrons du feu, se trompent tout simplement sur toute la ligne. Le danger, c’est qu’à nouveau nous, les citoyens bulgares, allons devoir payer pour la démystification de leurs derniers errements. Et enfin, une autre euro-illusion, de plus en plus assidûment entretenue à mesure qu’approchent les élections. Elle consiste à regarder l’UE comme un royaume de la prospérité universelle offerte en pâture au tout venant ; après l’avoir rejointe, il suffirait de puiser à pleines mains les fruits de la répartition des richesses. Cette méprise-là n’est pas dénuée de tout fondement, et ce n’est pas un hasard si l’euroscepticisme est le plus faible précisément dans les pays d’Europe du Sud, lesquels tirent le profit le plus important de la répartition des ressources communautaires assurée à travers les fonds structurels. L’intention consistant à « inclure » l’adhésion européenne dans une telle phraséologie de gauche à des fins préélectorales (l’expression est de Mihail Nedeltchev) représente plus qu’un défi pour les partis politiques de droite : c’est une menace pour l’ensemble de la société, parce que cela nous détournera du chemin qui seul permettra de mettre à profit les principes qui sont à même de faire de l’Europe une vraie puissance mondiale de premier plan. En Europe, personne n’a l’intention de nous offrir quoi que ce soit, et nous n’y obtiendrons que ce que nous aurons mérité à force de travail et de combats politiques. Nécessité d’un impitoyable euroréalismeLe seul remède efficace contre les euroillusions et contre l’effet destructeur de l’euroscepticisme (car une certaine dose de scepticisme est tout de même toujours salutaire), c’est l’application d’un impitoyable « euroréalisme » dans la politique bulgare et la société dont nous sommes dans son ensemble. Ce sont les hommes politiques qui devraient avoir une vocation naturelle pour en donner le ton, en dépit des tentations du populisme préélectoral. On ne saurait citer meilleur exemple que le conseil du Président tchèque Vaclav Klaus (qui se considère lui-même comme « euroréaliste »), qui nous a averti que « les citoyens bulgares ne doivent pas du tout compter sur des sommes à allouer après l’adhésion du pays à l’UE ». Ou encore qu’il « faut que les Bulgares sachent que leur niveau de vie ne dépend que d’eux et de leur travail, et pas de l’admission de la Bulgarie à l’UE. Ce que le pays obtiendra du fait de son adhésion, c’est le grand espace européen ». Du ton et du contenu de la campagne électorale du printemps prochain dépendra au plus haut point notre aptitude à surmonter nos peurs et nos euroillusions. La mâturité des politiciens se révélera dans leur aptitude à adopter un ordre du jour avantageux pour la Bulgarie lors des débats préélectoraux. Bien entendu, l’inverse est possible aussi : qu’ils restent captifs et qu’au final ils deviennent victimes de leurs illusions. |
Les Bulgares de Macédoine
veulent faire entendre leur voix TRADUIT PAR ATHANASE POPOV Publié dans la presse : 22 septembre 2004 Les Bulgares de Macédoine tiennent à faire entendre leur voix. Pour Ljubco Kurtelov, libraire à Ohrid, « dans la Yougoslavie de Tito, on pouvait être tsigane et valaque, mais pas bulgare ». Les Macédoniens se définissant Bulgares demandent un engagement plus soutenu de Sofia, alors que la perspective de l’adhésion européenne rend le passeport bulgare terriblement attractif... Propos recueillis par Virginia Stoyanova Ljubco Kurtelov est libraire. Sa librairie se trouve au centre-ville d’Ohrid, et il répand la connaissance, tout comme ses ancêtres les frères Miladinov, nés à Struga, la ville d’à côté. Son arrière-grand-père, Stefan Kurtelov, fut le meneur des insurgés d’Ohrid qui ont pris part à l’insurrection d’Ilinden en 1903, et il a péri dans la célèbre bataille de Rasanec. Depuis quelques années, Ljubco Kurtelov est citoyen bulgare. Ses enfants font leur études supérieures à Sofia. Il a pris part à bon nombre d’expéditions scientifiques consacrées à l’étude de l’héritage historico-culturel bulgare en Macédoine. Il est le créateur de l’association des Bulgares d’Ohrid « Horizons », qui collecte en ce moments des fonds pour l’érection d’une plaque commémorative en l’honneur du capitaine Hristo Beurdarov, officier originaire de Razgrad ayant péri en 1917 près d’Ohrid. Il a été décoré par le Président Georgi Peurvanov, en 2003, de la médaille décernée « pour le centenaire de l’insurrection d’Ilinden-Preobrazenie ». La Macédoine titiste a interdit l’identité bulgareStandart (S) : On dit à Ohrid que, du temps de la Yougoslavie de Tito, seule votre famille se déclarait comme étant bulgare dans toute la ville. Etait-ce facile d’être bulgare dans la Yougoslavie communiste ? Et de nos jours en Macédoine ? Ljubco Kurtelov (LK) : Ce n’était pas facile. Dans la Yougoslavie de Tito, on pouvait être tsigane, valaque, turc, albanais, mais pas bulgare. L’appartenance à la nation bulgare était criminalisée par la Loi sur l’honneur national macédonien. Il s’agit d’une loi unique dans la pratique mondiale. Selon ses dispositions, si on se déclarait bulgare, on faisait offense à l’honneur national macédonien, et on écopait de 3 à 5 ans de prison. Dans la Macédoine indépendante d’aujourd’hui, cette loi a été abrogée, mais comme l’État a été fondé sur la base de la doctrine serbo-kominternienne du macédonisme, être bulgare continue à être préjudiciable - on perd son travail, on est convoqué à des entretiens « informatifs » dans la police (il faut comprendre des interrogatoires intimidants), etc. Mais des milliers de Bulgares d’Ohrid surmontent leur peur peu à peu, ils s’autodéterminent comme des Bulgares, demandent la nationalité bulgare, envoient leur enfants étudier en Bulgarie. Avec les plus courageux d’entre eux, nous avons créé l’association « Horizons ». S : À présent, l’association « Horizons » collecte des fonds pour édifier une plaque commémorative dédiée au capitaine Hristo Beurdarov, qui sera placée à Razgrad. Qui est cet homme ? LK : Le capitaine Hristo Beurdarov, un natif de Razgrad et chef de la première compagnie du XIXème régiment de Sumen, c’est toute une légende à Ohrid. Du temps de la première guerre mondiale, son régiment a défendu la ville trois années durant, du haut de ses positions sur la mont Mokra. Il a été le favori des habitants de la ville et beaucoup de jeunes filles se sont éprises de lui. Sa mort héroïque, le 19 octobre, a profondément attristé la population. On a composé une chanson qu’on peut encore entendre dans les tavernes d’Ohrid. Beurdarov a été enterré dans la cour de l’église de Struga, et des cierges ont constamment brûlé pendant des dizaines d’années sur sa tombe. Les autorités de la Yougoslavie communiste ont profané sa tombe, tandis que les autorités de la Macédoine « démocratique » ne nous autorisent pas à la restaurer. C’est pour cette raison que nous avons décidé de placer la plaque commémorative dans sa ville natale. Il y sera écrit : « Capitaine Hristo Lazarov Beurdarov 19.12.1891-19.10.1917. Nous nous inclinons devant ton sacrifice pour une Bulgarie libre et indépendante. De la part des habitants d’Ohrid reconnaissants ». Je suis persuadé qu’un jour cette inscription sera gravée sur une autre dalle, laquelle sera placée sur la tombe restaurée du capitaine Beurdarov à Struga. S : Les Bulgares en Macédoine sont-ils unis ? LK : Goce Delcev a écrit dans une lettre à son compagnon Malesevski que notre faiblesse héréditaire, à nous autres Bulgares, c’est que nous nous unissons difficilement autour d’une idée commune. Il y a déjà beaucoup d’organisations bulgares en Macédoine. Mais chacune déploie ses activités à sa manière et va son propre chemin. Or, c’est dommage, car les Bulgares en Macédoine, à la condition de s’unir, pourraient devenir une force douée d’une sérieuse influence sur le développement politique, culturel et économique du pays. Sofia ne pense qu’à l’intégration européenneS : Êtes-vous satisfait de la politique de la Bulgarie vis-à-vis du problème des Bulgares en Macédoine ? LK : Je ne dirais pas que je suis particulièrement satisfait. Les gouvernements bulgares n’ont pas de politique envers la Macédoine et plus particulièrement en vue de la défense et de l’aide aux gens qui se sont déclarés bulgares, et qui sont désormais des dizaines de milliers. À Sofia, des personnalités politiques à hautes responsabilités me disent que le principal but stratégique de la Bulgarie jusqu’au début de 2007, c’est l’UE. Or, une des conditions posées par l’Union Européenne, c’est qu’il n’y ait pas de différends fondamentaux avec les pays voisins. Tout renforcement des activités de la Bulgarie en Macédoine pourrait soi-disant se transformer en problème fondamental. Mais il y a des choses qui peuvent être faites dès maintenant, et sans que cela génère de problèmes. S : Lesquelles par exemple ? LK : Prenons la question de l’obtention plus facile et rapide de la nationalité bulgare. En ce moment, les déposants des demandes attendent entre 15 et 16 mois. Cela pourrait se faire plus rapidement si au lieu d’octroyer la nationalité bulgare, on réintégrait les personnes dans leur nationalité d’origine. Les pères et grands-pères des jeunes générations en Macédoine ont été citoyens bulgares entre 1941 et 1944. Cette nationalité leur a été enlevée de manière peu démocratique après la restitution de la Macédoine à la Yougoslavie. Nous voudrions que le nombre de bourses pour les étudiants de Macédoine dans des universités bulgares soit augmenté, et qu’ils n’aient pas à verser les frais d’inscription exigés de la part des étudiants étrangers. Il n’est pas logique que la Bulgarie et nous-même affirmions que "« Macédonien » est un synonyme de « Bulgare », et que pourtant vous demandiez les même frais d’inscription que pour un Grec ou un Africain. Il est nécessaire que la Bulgarie consacre plus d’efforts à la construction du Corridor 8, avec un chemin de fer et une autoroute. Ce couloir, outre qu’il développera les relations économiques, contribuera au renforcement des contacts proprement humains. Sofia et Skopje se trouvent à 200 km l’une de l’autre, c’est-à-dire autant qu’entre Sofia et Stara Zagora, mais le voyage est extrêmement pénible. La Bulgarie doit faire tout le nécessaire pour que la radio et la télévision nationales puissent être écoutée et regardée en Macédoine : pour le moment, on ne reçoit que jusqu’à Gjuesevo. De même qu’il faudrait que des journaux bulgares soient vendus ne serait-ce que dans les grandes villes de Macédoine. Rien de ce que je viens d’énumérer ne pourrait susciter de problème fondamental avec le pouvoir à Skopje, qui puisse entraver l’entrée de la Bulgarie dans l’UE. (...) S : Quel est votre plus grand rêve ? LK : Une Macédoine libre et indépendante, un État pour la population majoritairement bulgare. Je suis persuadé que sinon moi, du moins mes enfants connaîtront cet État un jour. |
ADEVARUL Feu vert à l’entrée de la Roumanie et de la Bulgarie dans l’UE en 2007 TRADUIT PAR OANA RUSU Publié dans la presse : 18 juin 2004 Malgré le retard pris par Bucarest dans les négociations d’adhésion, la Roumanie et la Bulgarie seront traitées ensemble en vue de l’entrée dans l’Union Européenne. Le document final du Conseil européen qui vient de s’achever à Bruxelles rappelle que l’accueil des deux pays est la suite logique de l’élargissement du 1er mai. L’élaboration des traités d’adhésion de la Roumanie et de la Bulgarie commencera dès juillet 2004. Par Andreea Bratosin Le chapitre consacré à l’élargissement dans le document final du Conseil Européen de Bruxelles confirme les attentes les plus optimistes des autorités roumaines : les chefs d’Etat et de gouvernement de l’Union élargie ne se contentent pas de réaffirmer leur intention d’accueillir la Roumanie et la Bulgarie dans l’UE en 2007 mais décident également de commencer la rédaction du traité d’adhésion pour les deux pays dès le mois de juillet. En dépit du fait que la Bulgarie a achevé ses négociations la semaine dernière, le document ne fait aucune distinction entre les deux pays et les considère comme « un tout ». Les 25 « soulignent le fait que la Roumanie et la Bulgarie sont partie intégrante de l’actuelle vague d’élargissement qui a commencé avec l’entrée de dix nouveaux membres le 1er mai 2004 » et rappellent que « les principes de négociation appliqués au dix derniers pays entrés dans l’Union seront maintenus pour la Roumanie et la Bulgarie car leur entrée est la suite d’un même processus d’élargissement, inclusif et irréversible ». Il n’est fait aucune référence à la clause de surveillance, proposée récemment par la Commission Européenne, clause prévoyant le retardement d’un an de l’adhésion du pays candidat qui ne respecterait pas ses engagements pris pendant les négociations. Par conséquent, cette clause n’a pas encore été adoptée compte tenu du fait que le Conseil Européen a toujours le dernier mot pour ce genre de décisions. (Cela ne veut pas dire qu’elle ne sera pas adoptée lors d’un prochain sommet). Le deuxième paragraphe du chapitre « salue les progrès substantiels faits par la Bulgarie et par la Roumanie pendant les derniers mois de négociation » et réaffirme « l’objectif de l’Union de recevoir les deux pays en son sein en 2007 s’ils sont prêts ». « Si les progrès réels et effectifs, constatés dans le rythme des réformes et de la préparation concrète en vue de l’adhésion se poursuivent, l’Union confirme sa volonté de terminer avec succès les négociations avec les deux pays, se basant sur les mérites propres à chacun d’entre eux ». (Les 25 ont donné leur feu vert. Tout repose maintenant sur les épaules des deux pays ; ils seront accueillis en 2007 « s’ils ont prêts » et « en fonction de leur mérités spécifiques ». Ce qui veut dire que chaque pays joue pour son propre compte et que la formule « un tout » a ses limites). « L’Union est particulièrement satisfaite du fait que la Bulgarie ait achevé les négociations de tous les chapitres de l’acquis et que la Roumanie ait fait des progrès importants et se trouve plus proche du but » est-il dit dans la suite du document. Pour la première fois, il est écrit noir sur blanc dans un texte officiel : « En vue de la signature du Traité d’Adhésion de la Bulgarie et de la Roumanie, le plus tôt possible en 2005, l’élaboration du dit Traité commencera dès juillet 2004 ». A la fin, les 25 demandent aux deux pays candidats en bloc « d’intensifier leurs efforts pour être prêts à devenir membre à part entière en 2007. L’Union insiste sur le fait que la Bulgarie et la Roumanie doivent accorder une attention particulière à l’amélioration de leur capacité administrative et législative, à la poursuite des réformes économiques et structurelles et à la mise en application complète et à temps des engagements pris pendant les négociations. L’Union va suivre de près les préparatifs et la mise en application de tous les engagements assumés dans tous les domaines de l’acquis communautaire ». |
SEGA Les parents des soldats bulgares en Irak se mobilisent TRADUIT PAR YVES TOMIC Publié dans la presse : 13 avril 2004 Le contingent bulgare à Kerbala devra être déplacé en lieu plus sûr si la situation se détériore dans la ville. Le Président de la République Georgi Parvanov et le chef d’état-major, le général Nikola Kolev, en ont convaincu les parents des soldats de notre bataillon en Irak. Une quarantaine de proches des soldats, angoissés, sont arrivés hier à Sofia et ont obtenu un entretien avec le Président et le chef d’état-major. Par Vera Aleksandrova Les parents portaient avec eux une demande de retrait d’Irak de notre contingent, signée par 516 personnes. « Le président a déclaré qu’il était question de retirer notre bataillon de Kerbala en lieu sûr », a rapporté Ljubco Panajotov, l’oncle d’un de nos rangers, après la rencontre avec le chef de l’Etat. Selon Penka Dobreva, mère d’un soldat à Kerbala, Parvanov a expliqué que la décision de déplacer les soldats devait être prise par les députés, mais il a promis d’accélérer les choses. Le chef d’état-major, Nikola Kolev, s’est également engagé devant les parents à retirer le contingent en lieu sûr en cas d’escalade de la situation à Kerbala. Néanmoins cela n’est pas nécessaire actuellement car la situation est calme a expliqué Kolev. Les parents ont discuté par téléphone satelite avec le commandant du bataillon Petko Lilov. Il les a également rassuré en leur indiquant que la situation à Kerbala était plus calme et que les choses s’amélioraient. De l’état-major, les parents ont appris que les soldats américains leur étaient arrivés en aide et qu’avec leur appui les milices de Moqtada Sadr avaient été repoussées en dehors de Kerbala. « Nous sortons plus rassurés », a reconnu après l’entrevue Ljubco Panajotov expliquant qu’ils ne souhaitaient pas le retrait du bataillon mais des mesures préventives pour la sécurité des soldats et davantage d’information. Hier les parents ont obtenu des numéros téléphones afin d ‘obtenir une information régulière des soldats à Kerbala. Les proches ont protesté également contre les députés qui ne se sont pas réunis en séance extraordinaire à cause des fêtes de Pâques. Ils ont demandé à Parvanov, Kolev et à un haut représentant de l’Etat de rendre visite au bataillon en Irak afin de leur donner du courage. « Pourquoi Berlusconi pourrait-il le faire et pas eux ? » se sont-ils interrogés. Le président et le chef d’état-major les ont convaincus qu’ils y travaillaient, mais ils ne savaient pas quels dirigeants s’y rendraient. Le président a informé le comité d’initiative des parents et des proches des soldats envoyés en Irak des derniers développements de la situation à Kerbala, ainsi que des mesures politiques, diplomatiques et militaires que l’Etat bulgare prend pour assurer leur sécurité a déclaré le service de presse du président. Parvanov les a convaincu que les autorités politiques et militaires suivaient la situation de près et faisaient le nécessaire pour que le contingent remplisse sa mission malgré le danger maximal. Il devrait faire aujourd’hui une déclaration à ce propos. « Ce que nous faisons en tant que parents est spontané, nos enfants ne l’ont pas souhaité », explique Ljubco Panajotov. Bien qu’angoissées, les mères ont laissé entendre que leurs fils étaient tourmentés mais qu’ils n’avaient pas le droit de le reconnaître à cause des pressions exercées par la hiérarchie militaire. « J’ai parlé ce soir avec mon fils. Il m’a dit : ne faites pas de bêtises », rapporte Vera Nikolova, mère du sergent Nikolov. « Je suis certaine qu’il parle sous pression », a-t-elle affirmé. Notre contingent continue de poursuivre ses missions habituelles, a-t-on déclaré au Conseil des ministres à la suite de la réunion du Centre de coordination pour l’Irak dépendant du Conseil de sécurité. Le chef d’état-major a participé à la réunion. Le Premier ministre était présent au siège du gouvernement pendant deux à trois heures malgré la journée fériée a déclaré le porte parole du gouvernement Dimitar Conev. Le Conseil devrait se réunir à nouveau aujourd’hui. |
Les géants russes de l’énergie s’intéressent à la Bulgarie TRADUIT PAR DESSISLAVA RAYKOVA Publié dans la presse : 19 septembre 2003 Après l’approvisionnement en gaz russe et en combustible nucléaire, la livraison d’équipement pour le secteur énergétique bulgare et l’ambition de construire la nouvelle centrale nucléaire de Belene, la Russie aurait inclus dans ses plans d’expansion énergétique le rachat des sociétés de distribution électrique bulgares. Par Svetlana Nenova Le vice-président de la société publique russe Systèmes électriques et énergétiques (RAO), Andreï Rapoport, a déclaré que les contrats pour la Bulgarie, la Lettonie, la Lituanie et la Slovaquie allaient être conclus d’ici la fin de l’année. Il n’a pas précisé pour autant ni le montant des investissements ni le nom des projets. Il est notamment possible que les droits de propriété sur les nouveaux achats soient transférés à la société fédérale russe de transfert électrique, où la participation de l’État s’élève à 75 %. Les analystes russes restent méfiants à l’égard de la solidité des motifs économiques derrière une telle expansion agressive du monopoliste énergétique russe, et entrevoient plutôt une commande de nature politique venant du Kremlin. Les Russes sont en concurrence féroce avec la société américaine AES sur le marché de la CEI. D’après le journal russe Nezavissimaya Gazeta, le président de RAO, Anatoli Tchoubaïs, a déclaré qu’afin de réaliser ses projets, RAO doit surmonter l’attitude pro-américaine et la résistance des élites politiques locales. Et de poursuivre : « AES dispose de certains leviers politiques, et lorsque nos intérêts respectifs se heurtent, la bataille touchera l’ambassadeur américain ainsi que le lobby pro-américain ». À ce propos, le site russe Polit.ru pose les questions suivantes : Faudrait-il comprendre que l’État, qui est l’actionnaire principal de ce holding, a poussé les investisseurs à poursuivre l’expansion à l’étranger ? L’État est-il prêt à garantir des assurances contre le risque politique, vu le potentiel de conflits politiques internes dans ces pays où les champions d’une nouvelle redistribution du capital (sous le couvert de la rhétorique patriotique) ne manquent pas ? D’après des informations officieuses, le consultant de la société russe en Bulgarie est Mario Al Djeburi, ex-conseiller du vice-Premier ministre Nikolay Vassilev et frère de l’ancien vice-ministre des Finances Gati al Djeburi. Mario al Djeburi déclarait récemment : « J’ai eu des consultations avec la société russe, mais tout sera clair la semaine prochaine lorsque la procédure débutera ». La Bulgarie vend simultanément 67 % des actions de sept sociétés divisées en trois paquets. Des experts indépendants ont déclaré que la société russe voit ces achats en Bulgarie comme un point de passage pour le transfert d’énergie vers la Turquie. Si la société devient propriétaire d’un des paquets d’actions en question, cela deviendrait le facteur renforçant la dépendance énergétique bulgare de la Russie, ce qui entraînerait notamment une dépendance politique. La Bulgarie menacée d’une totale dépendance énergétiqueDurant une entrevue récente à Moscou entre le président bulgare Georgui Parvanov et le président russe Vladimir Poutine, ce dernier a abordé la question de la participation des sociétés russes dans la privatisation des sociétés bulgares de distribution électrique et de la société Bulgargaz. Le président bulgare l’a assuré que les sociétés russes recevront un traitement égal à celui des autres concurrents. Georgi Parvanov a tout de même évoqué la question de la diminution du prix du gaz de 3 ou 4 $US, quand le seul fournisseur est en position monopoliste, comme c’est le cas avec Overgaz . Des informations sur l’intérêt de RAO ont commencé à circuler l’an dernier. Afin de participer à la privatisation des sept sociétés, RAO doit répondre à la condition présente dans la stratégie de vente des sociétés de distribution énergétique, à savoir que les candidats doivent avoir de l’expérience sur un marché libéralisé, ce qui signifie qu’ils sont capables non seulement de vendre de l’énergie mais aussi de construire et maintenir des équipements. D’après les juristes, il existe deux scénarios possibles : le premier est que la société russe forme un consortium avec une grande société qui possède une telle expérience ; le deuxième est que la société russe s’allie, à un certain moment de la procédure, avec l’une des autres grandes candidates. Tout récemment, le vice-ministre de l’Énergie, Angel Minev, a exprimé le doute que la société russe ne satisfasse pas les exigences mentionnées. En même temps, des bruits courent selon lesquels les conditions initiales seront modifiées. Les médias russes ont notamment annoncé que RAO avait obtenu un contrat avec la société allemande RWE pour la livraison d’électricité en Géorgie pour la période de juillet 2001 à 2006, mais la société russe y a finalement renoncé. En ce qui concerne la Lettonie, la société énergétique locale n’est pas au courant de quelque plan russe que ce soit. Le ministère de l’Économie letton a déclaré que RAO n’avait pas déposé d’offres concernant les entreprises locales de distribution électrique. Une plus grande concentration qu’à l’époque soviétiqueDans un article du 18 septembre, le journal Izvestya a annoncé l’existence de « plans agressifs » pour l’unification des systèmes énergétiques des États de la CEI dans un « espace énergétique unique ». Suite à des contrats déjà conclus avec la Géorgie, l’Arménie et la Moldavie, RAO envisagerait d’acheter d’ici la fin de l’année des parties de réseaux en Ukraine, au Kazakhstan et au Tadjikistan. Actuellement, la Russie a établi un régime synchronisé avec quatorze anciennes républiques soviétiques, tandis que quelques années auparavant un tel régime n’existait qu’avec six États. D’après certains analystes, un tel réseau n’a jamais existé même durant l’époque soviétique. Au cours des trois dernières années, l’exportation d’électricité russe a augmenté de 28 %. Et les Izvestia d’affirmer que les analystes de la bourse russe donnent des avis neutres sur l’intention d’Anatoli Tchoubaïs de transformer la Russie en leader de l’industrie énergétique de l’Eurasie quasi-entière. À l’heure actuelle, le holding pourrait acheter à bon marché plusieurs entreprises, ce qui donne plutôt l’impression que la société donne un sérieux coup de pouce au Kremlin afin de renforcer son influence politique dans les pays de la CEI. (Mise en forme : Étienne Dubé) |
Karavan Intégration européenne : et si la Bulgarie s'intéressait enfin à ses voisins ? TRADUIT PAR PERSA ALIGRUDIC Publié dans la presse : juillet 2003 L'absence d'une politique indépendante extérieure depuis quasiment cinq décennies n'a pas préparé la Bulgarie à faire face aux changements survenus dans les Balkans. Il serait temps que le pays apprenne à assumer ses responsabilités, et établisse des relations saines avec ses voisins post-yougoslaves. Par Ljuco Neskov Tout ce qui s'est passé à l'ouest de notre pays est encore inexplicable et incompréhensible pour la plupart de la population et de la classe politique, qui interprète d'une manière complètement erronée les événements survenus en ex-Yougoslavie depuis la Deuxième guerre mondiale. Pendant sept à huit ans, les dirigeants de Sofia ont entrepris des actions politiques suicidaires, en limitant leurs contacts avec les États indépendants nouvellement créés et, à un moment, en soutenant le régime dictatorial de Slobodan Milosevic. Certains d'entre eux, consciemment ou non, ont permis le financement de ce régime pendant l'embargo. Et si le Premier ministre de Serbie n'avait pas été assassiné en plein centre de Belgrade le 12 mars 2003, nous entendrions probablement encore l'approbation des actions de Milosevic. À cause de l'ignorance de la réalité des pays voisins, en particulier ceux d'ex-Yougoslavie ainsi que l'Albanie, la Bulgarie a pris du retard et perdu des positions qu'elle aurait dû prendre et défendre et auxquelles elle a droit en tant que pays de la région. À l'exception de la décision prise dès le 15 janvier 1992 de reconnaître l'indépendance de la Slovénie, de la Croatie, de la Bosnie-Herzégovine et de la Macédoine, la Bulgarie est restée à l'écart de tous les processus qui ont eu lieu dans les années 1990. Il faut constater ici que cette reconnaissance a eu lieu après que la Commission Badinter a catégoriquement soutenu l'indépendance de ces États. Cependant, Sofia n'a ni compris ni remarqué le danger que représentait le régime de Milosevic. Au cours de l'agression serbe en Croatie et plus tard en Bosnie, des estimations inexactes ont toujours eu cours dans notre pays. Jusqu'à la fin du conflit en Bosnie, on ne faisait que parler des guerres civiles et des conflits entre les nationalités serbe, croate et musulmane (bosniaque). Non seulement les conceptions étaient mêlées mais il n'y avait pas de définition claire et nette des victimes et des coupables. Aujourd'hui encore, personne n'a commencé à utiliser la véritable terminologie qui tient en un seul mot : l'agression. Pour la simple raison que l'armée serbe avait occupé un tiers de la Croatie et les trois quarts de la Bosnie, établissant des camps de concentration et pratiquant le nettoyage ethnique. Même la création du Tribunal international pour les crimes de guerre à La Haye, formé après le vote d'une résolution des Nations Unies en mai 1993, n'a pas modifié cette façon de voir les choses. C'est pourquoi la Bulgarie est restée marginalisée au cours des négociations de paix de Dayton en octobre 1995, qui ont mis fin à la guerre de Bosnie. Sofia a laissé passer l'occasion de conforter sa propre position, ainsi que celle des forces démocratiques de la région. Quelques mois seulement avant la signature des Accords de Dayton, un membre du Parlement bulgare avait rendu visite aux leaders des Serbes bosniaques qui sont actuellement en détention à La Haye. Certaines personnalités ont déclaré qu'il y avait des volontaires bulgares en Bosnie, tandis que d'autres étaient heureuses que le fils de Milosevic, actuellement recherché par Interpol, participe aux courses d'automobiles dans notre pays. D'autres ont publié les livres de Radovan Karadzic et de l'épouse de Milosevic, Mira Markovic. Le premier est en fuite et essaie d'échapper au TPI depuis neuf ans, alors que cette dernière s'est enfuie de Belgrade après l'attentat contre Zoran Djindjic et vit actuellement à l'étranger. C'est pourquoi nous n'étions absolument pas préparés lorsque la guerre a éclaté à cent kilomètres de nos frontières. En 1997, quand il fut clair pour toutes les ex-républiques yougoslaves, et même pour l'Albanie, qu'il y aurait la guerre au Kosovo et que le régime de Milosevic allait entamer un nouvel engrenage guerrier dans cette région, il y avait encore à Sofia des leaders en contact avec le dictateur balkanique. Certains même le considéraient comme un allié politique et un ami. La proximité de la guerre a contraint le gouvernement bulgare de l'époque à prendre une position claire et résolue sur le conflit du Kosovo, surtout lors des bombardements aériens sur la Yougoslavie, au printemps 1999. L'absence totale d'informations sur les agissements du régime de Belgrade a provoqué d'énormes difficultés pour le gouvernement. D'une part, celui-ci avait compris qu'il était impossible de fuir et de dissimuler la vérité, mais d'autre part, il n'avait pas compris que ce ne serait pas la dernière provocation ni la dernière menace pour notre pays. Les politiciens bulgares au pouvoir ont dû agir de façon rapide et déterminée. La fin des opérations de l'OTAN, qui ont duré trois mois, a tranquillisé nos dirigeants qui, satisfaits pour la première fois d'avoir fait un juste choix moral , ont oublié de prêter l'attention nécessaire aux nouveaux processus affectant la région. C'est pourquoi l'apparition d'un nouveau problème albanais est passée inaperçue. Pas même la déportation de plusieurs centaines de milliers d'Albanais du Kosovo n'a servi de mise en garde à Sofia. Cela n'a pas été considéré comme un coup porté contre la stabilité de la région mais comme « la dernière erreur du régime de Milosevic ». Très peu de gens ont alors ont senti le nouveau danger de conflit qui, cette fois, s'élargissait à la Macédoine voisine. Or, même après dix ans de guerre dans la région, la Bulgarie n'était toujours pas prête en 2001 à prendre une position claire vis à vis des problèmes balkaniques. Sofia a refusé de voir le danger d'un nouveau type de nationalisme, venant cette fois d'Albanie. La vérité a une nouvelle fois été cachée à la société bulgare ainsi que les raisons et les buts de ce conflit armé. C'est pourquoi la signature des Accords de paix d'Ohrid, le 13 août 2001, qui mirent fin à huit mois de conflit, est pratiquement passé inaperçue à Sofia. Il est vrai qu'à cette époque le gouvernement était en cours de changement. Mais ceci n'est pas une excuse pour nos dirigeants, car ce comportement n'est pas une exception mais une règle. Les autorités de Sofia préféraient prendre des positions catégoriques pour des événements plus éloignés et de moindre importance dans le monde. La réponse à la question qui se pose aujourd'hui, à savoir si ce qui s'est passé autour de nous a finalement servi de leçon à la Bulgarie, n'est pas optimiste. Nous ne comprenons pas, ou peut-être refusons-nous tout simplement d'évaluer ce qui se passe en Turquie ou en Grèce, deux pays qui vont devenir nos alliés dans le bloc militaire de l'OTAN dans seulement quelques mois. L'attentat contre Zoran Djindjic a donné lieu à quelques conclusions élémentaires, telles que : « C'est bien pour les Serbes, voyez combien de gens ils ont réussi à mettre en prison ». Personne ne s'est demandé pourquoi la situation en Macédoine après le changement de pouvoir est devenue de plus en plus compliquée et explosive. On sait très peu de choses sur les priorités de la politique extérieure de l'Albanie ni ce que pourrait être l'avenir de la Bosnie-Herzégovine. Ce qui est le plus inquiétant, c'est qu'en Bulgarie, aucune attention n'est accordée aux questions auxquelles sont confrontés les Balkans, comme le statut du Kosovo. Cela peut entrainer un isolement permanent de notre pays tant face aux événements actuels qu'à ceux qui seront dictés par le développement des Balkans dans les cinq ou six prochaines décennies. Comment peut-on parler d'euro-intégration si nous ne connaissons pas nos voisins et que nous trompons constamment la population ? La Bulgarie a encore l'occasion de défendre ses positions et son influence dans la région. Cela implique qu'elle doive avant tout prendre une position ferme en ce qui concerne les événements actuels. D'abord, en donnant son soutien au pouvoir actuel de Belgrade qui, pour la première fois, tente de mettre fin au terrible régime des dernières décennies. Ensuite, en participant activement au règlement des problèmes en Serbie méridionale, au Kosovo, en Macédoine et probablement au Monténégro si celui-ci décidait de quitter l'union avec la Serbie. Il ne faut surtout pas permettre que le débat s'ouvre avec des considérations du genre « nous sommes un petit pays et rien ne dépend de nous ». Il faut souligner qu'il ne s'agit pas d'une démonstration de nationalisme. Notre participation active dans les processus qui affectent les Balkans présente aussi un intérêt pour les autres pays. Il est donc important de miser sur de véritables alliés et partenaires politiques. La situation dans la région est favorable, et il s'agit peut-être la dernière chance pour tous nos pays. Pour la première fois en cent ans, les autorités de Belgrade ont une orientation clairement pro-européenne. Ces autorités respectent les voisins de la Serbie et ne revendiquent pas de quelconques « droits » à leurs dépens. C'est un changement historique pour toute la région, puisque la plupart des questions qui attendent une réponse sont directement liées à la Serbie. La solution véritable et équitable de ces problèmes sera profitable à tous les États de la région. Toutefois, chacun d'entre eux doit désormais assumer sa responsabilité afin d'éviter toute nouvelle souffrance à l'avenir. |
OSSERVATORIO SUI BALCANI Crime et politique en Bulgarie : les héros de notre temps TRADUIT PAR JEAN-ARNAULT DÉRENS Publié dans la presse : 19 mars 2003 Le crime organisé se porte bien en Bulgarie. Enquête dans les bas fonds de Sofia, où certains entrepreneurs louches parviennent à émerger au premier plan de la classe politique. Quelle est la culture de la violence et de le réussite financière qui sous-tend la carrière de ces héros de notre temps ?
Par Tanya Mangalakova Les riches entrepreneurs bulgares d'aujourd'hui ont fait tous les métiers avant de se lancer dans les affaires : on trouve parmi eux des sportifs, des économistes et même des généraux. Après la chute du communisme, les sportifs ont été les plus actifs pour se lancer dans les affaires, sans hésiter à recycler des fonds provenant du racket, du trafic des voitures volées, de la contrebande ou de la prostitution. Officiellement, ces "morceaux de viandes" - on trouve parmi eux beaucoup de lutteurs ou de lanceurs de poids - étaient tous employés par des assurances ou des officines de sécurité, mais en réalité, ils s'occupaient de racket. Ils prélevaient les "taxes" versées par les commerçants "assurés" ou "protégés". Le 7 mars dernier, un meurtre a ému ce monde louche. Ilya Pavlov, l'entrepreneur le plus riche de Bulgarie, a été tué par une balle tirée en plein cœur. Sa fortune personnelle était estimée à 1,5 milliards de dollars. D'une certaine manière, la fin de Pavlov avait été prévue, il y a déjà quelques années, par Tristo Kalchev, l'un des romanciers bulgares les plus lus, auteur de dizaines de romans sur la guerre des gangs en Bulgarie et dans le monde underground de Sofia. En 1996, après le meurtre de l'ancien Premier ministre Andrei Lukanov, Tristo Kalchev avait écrit qu'un tel sort attendait Pavlov. Dans une interview au quotidien 24 Chassa, le 20 août 2002, l'écrivain avait affirmé : "les vrais malfaiteurs de ce pays se trouvent à la tête des compagnies d'assurances comme VIS, TIM, Apolo, Balkans, Zora Ins, etc". Le général Bioko Borisov, actuel secrétaire du ministère de l'Intérieur qui, en 2001, a abandonné la direction de sa puissante compagnie d'assurances IPON pour rejoindre les plus hautes sphères du pouvoir, représente l'un des meilleurs exemples de ces liens entre le monde sportif et l'élite politico-économique bulgare. Autrefois, il a été le garde du corps personnel du dirigeant communiste Todor Zivkov. Après la chute du communisme, il a rejoint les services de sécurité du roi Siméon de Saxe-Cobourg-Gotha, alors en exil, qui est devenu depuis Premier ministre du pays. L'ancien garde du corps a été remercié de sa fidélité en étant promu général. De simple garde du corps, il est donc ainsi devenu homme d'affaire, et enfin responsable politique de très haut niveau. Le phénomène des lutteurs Depuis 1993, le terme "mutra" (littéralement "museau", utilisé pour désigner les mafieux) s'est répandu dans le langage courant. Dans le même temps, celui de "lutteur" a changé de sens. Les "museaux" étaient fortement engagés dans le racket et le paiement des traites de crédit. La plupart des membres de ces groupes mafieux étaient de très jeunes sportifs passés par les écoles de lutte. Entre 1993 et 1996, on a assisté à une aggravation des affrontements à main armée et des combats entre bandes rivales. Parmi les victimes de ces combats de rue, on trouve e fondateur de la compagnie de sécurité VIS, Assil Iiev, ainsi qu'Ivo Klaramanski, connu comme le Parrain. De grands empires économiques se sont constitués durant ces années. Certains se sont déjà effondrés, d'autres résistent. Et certains requins résistent à toutes les turbulences. Par exemple, la VIS, compagnie d'assurance qui a davantage acquis sa notoriété par ses citations fréquentes dans les chroniques noires que par ses services d'assurance, a restructuré ses activités et s'occupe aujourd'hui principalement de commerce, de sport et de loisirs. Un article du quotidien 24 Chassa évoque par exemple "la VIS, des professionnels du commerce et du cinéma". Iliya Pavlov, les hauts et les bas de l'homme le plus riche de Bulgarie Iliya Pavlov est un ancien champion de lutte. Il était particulièrement doué pour donner une façade légale à des activités criminelles et pour recycler l'argent sale. Le nom de Multigroup, sa société la plus connue, devint un mot de passe pour évoquer la mafia des lutteurs, comme le terme "multak", qui désignait les employés de Multigroup. En mars 1995, Iliya Pavlov publia un article dans le quotidien Dum, dans lequel il écrivait "que la luciole s'est coupée la queue". À partir de ce moment, l'activité des bandes de lutteurs devint moins visible. Pavlov avait épousé la fille d'un général des services secrets bulgares. Son divorce ultérieur n'a pas empêché Pavlov de conserver des relations étroites avec le monde des renseignements, ce que prouve le fait que le personnel dirigeant de la Multigroup était largement constitué d'anciens fonctionnaires de haut niveau de la nomenklatura communiste et d'anciens membres des services secrets. Accusée à de nombreuses reprises de se livrer au recyclage de l'argent sale et à la contrebande, non seulement par la presse bulgare, mais aussi par les services secrets allemands et par certains rapports de l'ambassade américaine à Sofia, la Multigroup a été constituée avec un capital de 180 millions de dollars venant des fonds gérés par le Comité central du Parti communiste bulgare, obtenus grâce à la médiation d'Andrei Lukanov, l'ancien Premier ministre assassiné en 1996, et celle d'Edvin Sugarev, député du parti de droite de l'Union des forces démocratiques. La Multigroup parvint cependant tr ès vite à se libérer de ce patronage. Et certains veulent voir l'ombre de Pavlov derrière l'assassinat de Lukanov. Peu de jours avant le meurtre du Premier ministre, celui-ci avait eu, en effet, une violente discussion à Moscou avec Pavlov. "Tu es ma créature et je peux te détruire", s'était écrié Lukanov, et Pavlov lui avait répondu : "n'oublie pas que maintenant, c'est moi qui suis aux commandes". Pavlov d'ailleurs a été assassiné le lendemain de sa comparution en tant que témoin au procès sur l'assassinat de Lukanov. Dans le même temps, des signes de découragement parviennent du ministère de l'Intérieur bulgare à propos de la lutte contre le crime organisé. "Nous sommes impuissants face à ce qui se produit", ont reconnu des fonctionnaires de haut niveau après le meurtre de Pavlov. Les quotidiens Dnevnik, Novinar et Duma ont rapporté des déclarations du général Bioko Borisov, qui a rappelé, après le meurtre de Pavlov, que "les six ou sept groupes rivaux qui existent actuellement en Bulgarie vont tôt ou tard commencer à s'affronter". Duma, le quotidien de la gauche bulgare fait ses gros titres en écrivant que près de 8000 criminels armés circuleraient dans les rues du pays, et rapporte d'autre déclarations du général Borisov, qui explique que le crime est très bien organisé en Bulgarie et particulièrement difficile à combattre. Le journal ne rend pas compte, par contre, de l'opinion des gens ordinaires qui, depuis treize ans, payent le prix de la transition vers le mirage des valeurs démocratiques occidentales et de l'économie de marché. 2002, la guerre des gangs Une série de meurtres spectaculaire a frappé la Bulgarie en 2002. Certains commentateurs politiques ont essayé de rassurer la population en expliquant qu'il s'agissait simplement de criminels éliminant d'autres criminels. Ce n'est pourtant guère rassurant. Le phénomène des "lutteurs" est en pleine recrudescence. Trud, un des journaux les plus lus de Bulgarie a fait la liste de ces meurtres exemplaires, en citant ceux qui sont restés sur le carreau : Dimiter, alias Maymuneka Monkey, le chef d'une bande spécialisée dans le vol et la revente d'automobiles ; Hristomera Atanasova, impliquée dans le trafic de produits pharmaceutiques, Dimiter Mastara, officiellement boucher, Kiro Akopovic, chef du commerce du gaz, et enfin le procureur Nikolai Kolei. Face à ces meurtres, l'État semble impuissant, et les services de police sont totalement dépassés par la criminalité organisée. L'histoire du garde du corps Bioko Borissov Bioko Borisov est un authentique phénomène bulgare. Ancien champion de karaté, ancien pompier, ancien homme d'affaires à succès et maintenant politicien en vue. En novembre 2002, il s'est permis de téléphoner aux agences de sondage pour demander que son propre nom soit ôté des enquêtes de popularité, car les indices de satisfaction particulièrement élevés lui "créaient des problèmes". Dans un sondage réalisé en février 2003 par l'agence Meridiana, Bioko Borisov atteint en effet une cote de satisfaction de 78%. Dans le quotidien Sega, la sociologue Lidia Jordanova a décrit Boris Borisov comme "l'idole des Bulgares". Pour 24 Chassa, cette popularité particulièrement élevée est sans aucun doute liée à la "poigne de fer" revendiquée par le général. Ses succès ne s'arrêtent pas là. En novembre 2002, il a été nommé homme de l'année par l'hebdomadaire Club M. Et il est même devenu une sorte de nouveau sex symbol. Début mars, il était décrit de la sorte dans les colonnes de Sega : "le héros de notre temps mesure 185 centimètres, il pèse 92 kilos et déborde muscles. Ses admiratrices sont âgées de 16 à 66 ans". un journaliste de Duma le décrit d'une manière plus fantastique encore : "l'homme porte toujours la barbe, il à un regard lourd, une masse impressionnante et le look d'un nouveau Don Corleone". Bioko Borisov reste une idole pour les Bulgares, malgré ses liens inquiétants avec les milieux d'affaires interlopes et les nombreuses gaffes qu'il a faites depuis son entrée au ministère de l'Intérieur. Il est vrai qu'il dispose d'une équipe de relations publiques particulièrement efficace. L'agence IPON, qui appartient à Bioko Borisov, est l'une des plus florissantes dans le domaine de la sécurité et des assurances. Après son entrée fracassante dans la politique, les médias l'on interrogé sur son implication dans trois société de sécurité, aux côté de Rumen Nikolov, le patron de la SIK. "Ma conscience est propre, je ne me suis jamais engagé dans des partenariats douteux", a répondu Bioko Borisov. De nombreux doutes subsistent néanmoins, et il semble difficile de prétendre que les nombreuses agences dans lesquelles Bioko Borisov a une participation ne s'occupent toutes que de soutenir le sport du karaté. La brillante carrière du général Borisov est le résultat d'une brillante campagne de relations publiques, qui cache pourtant mal les "erreurs" commises par l'ancien garde du corps. Un des problèmes qui se pose à lui est que, malgré sa "poigne de fer", le crime est bien loin d'être en diminution, tout au contraire. Même si le général a souvent déclaré que le grand nombre de délinquants en circulation n'était pas imputable à l'inefficacité de la police, mais à celle du système judiciaire. "Nous les arrêtons et ils les renvoient dans la nature", est le slogan que Bioko Borisov répand dans tous les médias. L'année 2002 a été marquée par une série d'attaques contre les juges, qui a entraîné une prise de position officielle de la Cour suprême de Bulgarie. Bioko Borisov a dû battre un peu en retraite et, dans une interview donnée à Sega en septembre 2002, il s'est même partiellement excusé auprès des juges et des avocats. Un autre faux pas a été sa proposition d'établir des visas de sortie pour les Bulgares se rendant à l'étranger, afin de "contrôler les flux d'immigration clandestins". Le quotidien Sega a immédiatement rappelé que cette mesure rappelait l'ancien régime communiste de Todor Zivkov, quand le ministère de l'Intérieur contrôlait tous les déplacements des citoyens bulgares. Cependant, malgré un passé trouble et de nombreuses erreurs depuis son entrée au ministère, les articles qui osent l'attaquer demeurent extrêmement rares. En décembre 2001, le quotidien Démocratie publia un article accusant Bioko Borisov de posséder une usine qui fabriquait des cigarettes de contrebande, en partenariat avec un homme d'affaire sulfureux lié à la compagnie d'assurances SIK, Emil Raikov. En octobre 2002, Sega a relayé les accusations d'une prostituée qui avait déclaré à la radio publique que Bioko Borisov était impliqué dans les réseaux de proxénétisme. Le ministère de l'Intérieur a aussitôt répliqué qu'il s'agirait d'une calomnie émanant d'un ancien fonctionnaire de police de Plovdiv. Sega a également reproduit les déclarations d'un journaliste allemand, qui avait suggéré qu'il serait nécessaire "que la Bulgarie renforce de sains principes démocratiques plutôt que de se fier aux performances d'anciens champions de karaté". En 2003, les médias n'ont pas pu passer sous silence une remise à l'ordre émanant du ministère lui-même, enjoignant à Bioko Borisov "de ne plus se consacrer à des activités publiques sans liens directs avec sa mission, comme les défilés de modes ou les visites aux écoles maternelles". Ces activités collatérales sont pourtant fondamentales pour créer la mythologie du général. La philosophie du pop-folk Le succès d'un "héros de notre temps" comme Bioko Borisov a une explication scientifique. L'anthropologue Haralan Aleksandrov, consultant de l'Institut pour kles relations interpersonnels de Sofia, a expliqué dans une interview à Sega, en février 2003, que la nécessité d'avoir des héros remonte aux époques pré-modernes. "La capacité de la société bulgare à s'organiser et à se structurer en communauté est faible, et cette société a donc besoin de se trouver des sauveurs idéaux". Entre 1995 et 2000, Haralan Aleksandrov a interviewé plus de trente acteurs de l'économie légale et illégale, dans le but de trouver les raisons de leur succès. Dans ses conclusions, il relève que les "vainqueurs", particulièrement ceux qui ont amassé d'immenses fortunes et qui sont toujours restés à la limite entré légalité et illégalité, ont développé une sorte de version bulgare du darwinisme social. La société humaine ne serait qu'une jungle, dominée par la loi de la survie, et seuls les individus forts, aux grandes capacités d'adaptation, peuvent survivre. Certaines ritournelles des chansons les plus populaires du pop-folk - un genre musical connu dans d'autres pays sous le nom de turbofolk - affirment : "les gens ne t'aiment que si tu as de l'argent", ou encore : "je veux avoir cent Mercedes Benz et les conduire durant cent années". "Accepter d'être guidé par ces fausses vérités est une misère, et cela implique de renoncer à contrôler sa propre vie. Pour les entrepreneurs bulgares, s'identifier à de tels schémas conduira sans aucun doute à la catastrophe", conclut Haralan Aleksandrov. |
Bulgarie : un crime impuni, la violence contre les femmes TRADUIT PAR JACQUELINE DÉRENS Publié dans la presse : 17 février 2003 La honte et la peur paralysent les victimes de la violence domestique. Ces souffrances des femmes bulgares durent depuis des années. C'est ce qui apparaît à la lecture d'un reportage du quotidien Sega sur deux cas typiques de violence domestique.
Par Tanya Mangalakova Pendant cinq années, Vanya, âgée de 23 ans, a supporté les coups et les insultes de son mari. Elle avait 20 ans quand elle a rencontré Siméon, qui a 22 ans de plus qu'elle. Elle était amoureuse de Siméon et elle l'a épousé, mais sa vie devint vite un enfer de coups et d'insultes. "Il ressentait un plaisir incroyable quand il m'insultait et que j'éclatais en sanglots", racconte-t-elle. Vanya n'a pas prêté attention aux signes précurseurs, mais les psychologues disent que les insultes sont les premiers signes de la violence domestique. Toutes les femmes devraient savoir que les choses peuvent devenir plus graves. La jalousie d'un mari peut détruire la vie d'une femme. Celui qui use de la violence domestique imagine souvent sa femme dans les bras d'un autre et, à ses yeux, elle devient une traînée. Quand Vanya était enceinte, elle espérait que cet enfant serait un gage de sa fidélité et de son amour. Mais le macho devint encore plus brutal, il lui donnait des coups de pied dans le ventre. "Il me battait et je me taisais car, au moindre mot, il me battait encore plus fort". Leur petit garçon, Stefan, a lui aussi été victime de maltraitance. Vanya s'est enfuie et elle a décidé de divorcer car la violence physique et psychologique devenait permanente. Mais Siméon a pris l'enfant avec lui, en disant à Vanya qu'elle ne reverrait plus son fils. Elle a porté plainte auprès du procureur de Sofia. Siméon s'est alors précipité chez elle et il a agressé Vanya et ses parents. Quand Siméon agrippa le bébé, la mère de Vanya essaya de le retenir, mais Siméon la frappa si fort qu'elle tomba sans connaissance. Siméon put garder l'enfant pendant plus d'un an. Vanaya a déposé plusieurs plaintes auprès de la police et du procureur, mais sans résultats. Les institutions gouvernementales lui répondirent qu'il s'agissait là d'une affaire privée. La police a répondu ironiquement à Vanya que "c'était des histoires de famille". "Je n'ai reçu aucune aide de l'État", se lamente la jeune femme, qui a perdu toute confiance dans la loi et le système judiciaire de Bulgarie. Une seule organisation non-gouvernementale, Animus, l'a aidée. Elle a appelé leur service d'écoute téléphonique permanent quand son mari a enlevé le bébé. Les psychologues d'Animus lui ont permis de surmonter le choc et la maltraitance psychologique et, grâce à cette association, elle a réussi à retrouver son enfant. Le martyr de Svetla, âgée de 36 ans, a duré dix ans. Sa vie familiale est devenue insupportable quand elle a donné naissance à son deuxième enfant. Son mari rentrait tard le soir, complètement ivre et il invitait aussi des amis à boire. Alors il l'insultait en lui disant : "tu es de la merde, et tes enfants aussi sont de la merde". Mais les insultes n'étaient pas tout, les coups pleuvaient aussi. Svetla a essayé de fuir son mari. Elle a laissé ses enfants chez une amie et elle ademandé à la police de l'accompagner à la maison parce qu'elle avait peur de l'agressivité de son mari. Mais elle s'est trouvé nez à nez avec une femme agent de police, imperturbable, qui lui a expliqué que la police ne se mêlait pas de ces histoires familiales. Finalement Svetla s'est tournée vers le Nadys Center qui l'aidé et lui a offert un abri. Avec ses enfants, elle est restée six mois dans ce refuge. Plusieurs organisations non-gouvernementales viennent en aide et offrent gratuitement un abri aux femmes et aux victimes de la violence domestique. Le Nadys Center, créé en 1995, est l'une de ces organisations. Il offre des consultations avec des psychologues qualifiés, des avocats et des médecins neurologues. Il a mis en place une ligne téléphonique permanente pour les femmes battues. Depuis sa création, il y a huit ans, le Nadys Center a reçu plus de 10000 appels. Ce centre fonctionne aussi comme refuge, et offre entre 16 et 18 lits. Une soixantaine de femmes avec leurs enfants peuvent êtres accueillis. Depuis 1997, 653 femmes ont été hébergées. Les victimes peuvent rester de quatre à six semaines. L'association Animus offre des consultations 24 heures sur 24 aux victimes de violence domestique. Trente volontaires écoutent les femmes victimes de violence ou de viol. "Il est difficile pour les femmes bulgares de venir ici. Elles ne sont pas prêtes à reconnaître qu'il y a eu violence", reconnaît Katya Krastanova. Les hommes imputent en général la faute aux victimes, ce qui provoque une nouvelle flambée de rage et de violence. Une femme sur quatre est victime de violence domestique, selon les données de l'agence sociale Noem. Plus des deux tiers des victimes ne demandent pas d'aide. 23% des victimes seulement demandent de l'aide à leurs familles ou aux institutions gouvernementales. La majorité des victimes considère la violence comme un problème interne à la famille et n'a pas envie d'en parler. Un sentiment de honte empêche 30% des victimes à demander de l'aide. 61% des Bulgares connaissent au moins une femme qui été battue ou maltraitée par son mari. Environ 40% des Bulgares donnent les raisons suivantes à cette violence domestique : le manque d'argent, le chômage et les problèmes sociaux. |
BALKANS HUMAN RIGHTS Déclaration des Rroms de Stolipinovo (Bulgarie) TRADUIT PAR JACQUELINE DÉRENS Publié dans la presse : 12 novembre 2002 Stopilinovo dans la banlieue de Plovdiv en Bulgarie est le plus grand ghetto rrom des Balkans avec ses 40 000 habitants. Cela nous donne le droit de nous exprimer et que notre voix soit entendue en Europe. Par la Coalition des organisations citoyennes de Stolipinovo Douze ans après les changements intervenus avec le début de la démocratie, sept millions de Rroms en Europe de l’Est doivent faire face jour après jour au chômage, à la faim, à des conditions d’habitat déplorables dans le ghetto, à l’absence de soins médicaux adéquats, à une éducation insuffisante et un manque total de perspective de développement social. Si les pays de l’Union Européenne ne veulent pas que les Rroms de l’Est viennent à l’Ouest comme réfugiés ou travailleurs illégaux, ils doivent considérer la demande d’adhésion à l’UE des pays de l’Est selon d’importants critères politiques qui doivent être réévalués chaque année.
Obtenir une représentation appropriée des Rroms dans les institutions démocratiques : Parlement et conseils municipaux. En Bulgarie où vivent 600 000 Rroms pour une population totale de huit millions d’habitants cela veut dire que 15 à 20 Rroms devraient siéger au Parlement. Leur absence signifie que les Rroms n’ont pas de représentation démocratique et que leurs droits ne sont pas défendus. Le chômage devrait diminuer chaque année de 15 % ; aujourd’hui ce chômage atteint le taux de 90 %. Si cela ne se passe pas, nul ne devra s’étonner de voir les Rroms fuir vers l’Ouest pour trouver à manger comme réfugiés ou travailleurs illégaux. L’aide au développement pour les communautés Rroms en provenance de l’UE doit continuer d’une manière responsable. Les contribuables occidentaux doivent être sûr que leur argent est bien utilisé. Les problèmes les plus importants sont les suivants : La corruption qui entrave l’aide de l’Ouest à l’Est. Très souvent, la corruption commence avec le personnel des organisations, des programmes et des institutions occidentales d’aide au développement. Le faible degré d’efficacité de cette aide est dû à plusieurs raisons : L’argent qui est dépensé en priorité pour des conférences, des séminaires, des évaluations, la recherche, les honoraires des consultants, les voyages, une activité factice avec de piètres résultats. Le monopole de contrôle des dépenses de l’aide par un cercle restreint d’organisations privilégiées, des institutions nationales et internationales et des ONG. Nombreux parmi ces personnels sont ceux qui s’enrichissent en quelques années. Pour que l’aide de l’UE ne s’égare pas dans les chemins de la corruption et une pseudo activité, il est absolument nécessaire que les pays de l’UE : Réduisent les possibilités de corruption en exigeant la transparence. Cela peut s’obtenir par la publication des budgets détaillés et le contenu détaillé de tous les projets financés sur le site Internet des programmes responsables et également leur publication dans la presse. La publication de simples résumés des projets et du montant total des fonds alloués n’est rien d’autre qu’un écran pour la corruption. Mettre en œuvre des indicateurs quantitatifs et qualitatifs pour l’évaluation de la progression des projets. Évaluer et éliminer les facteurs qui conduisent au monopole de certaines organisations à fournir l’aide au développement. Pour que les communautés rroms se développent, il faut absolument impliquer les organisations de citoyens rroms et qu’elles ne dépendent pas d’une chaîne de médiateurs. Nous faisons confiance aux institutions européennes et nous attendons d’elles qu ‘elles adoptent une politique efficace et responsable pour l’intégration des Rroms dans une Europe unie. Les Rroms des Balkans ont besoin : d’une représentation politique, de travail, d’une aide au développement efficace et transparente.
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BALKANITE Bulgarie : les Macédoniens du Pirin, une question sensible pour Sofia TRADUIT PAR STÉPHAN PELLET Publié dans la presse : avril 2002 Le Conseil national chargé des questions ethniques et démographiques (NCEDI) a remis son rapport aux ministres bulgares. Il prévoit que la convention légale pour la protection des minorités nationales sera présentée au Conseil de l'Europe, ce qui a déclenché de rudes critiques de la part des médias locaux. Par Tanya Mangalakova Le 10 avril 2002, le contenu du dossier a été annoncé lors d'une conférence de presse organisée par l'Organisation Révolutionnaire Macédonienne (IMRO) : le rapport serait « une menace à l'encontre de la sécurité du pays, car il encourage la Bulgarie à reconnaître l'existence des minorités Pomak et macédoniennes. » (extrait de l'édition du 11 avril du journal Trud) La presse et les médias électroniques se réfèrent à une lettre du secrétaire de la NCEDI, Mihail Ivanov, adressée à son président, Nejdet Mollov, et au ministre des Affaires étrangères bulgares, Solomon Pasi. Une étude du rapport et de la lettre révèle qu'il y a une différence de point de vue entre l'équipe d'experts du NCEDI et le ministre des Affaires étrangères. Nous avons reproduit ci-joint un extrait du courrier d'Ivanov au ministre des Affaires étrangères : « Il manque, dans les publications de l'Institut national de la statistique, les résultats du recensement de 1992 où 10803 individus se regardaient comme macédoniens, et où 3188 personnes déclaraient que le macédonien était leur langue maternelle… Il me semble que la politique qui consiste à ne pas les reconnaître comme des citoyens bulgares, qu'ils se considèrent macédoniens ou qu'ils affirment que leur langue maternelle est le bulgare, est néfaste et contraire aux intérêts du pays. Cela conduit à une série de publications spéculatives dans des revues de bonne tenue, comme l'article qui annonce que les trois langues parlées dans notre pays sont le bulgare, le turc, et le macédonien, et qu'il y a 250000 macédoniens en Bulgarie, soit 2,9 % de la population. » Le journal Monitor considère que le rapport est fait pour diviser la Bulgarie. Dans l'édition du 12 avril, un article avait pour titre : « Le physicien Ivanov ferait mieux de scinder l'atome plutôt que la Bulgarie. » L'IMRO et le Culte de Saint Jean pour le Progrès Chrétien ont critiqué le dossier déclarant qu'il développait une thèse selon laquelle, depuis la Libération, à quelques rares exceptions, les représentants des minorités avaient été systématiquement et résolument réprimés. Ce raisonnement conduirait à une auto-culpabilisation collective et justifierait d'éventuelles compensations. ( Voir le site www.vmro.bg ) L'ancien député et président en exercice de l'IMRO, Krassimir Karakachanov, a expliqué, en exclusivité à l'Osservatorio sui Balcani, les menaces que cela faisaient planer sur la constitution : « Le rapport n'est pas objectif. Il a été écrit d'une manière non professionnelle. Il soutient la thèse selon laquelle il y aurait des minorités nationales en Bulgarie, ce qui est en contradiction avec la constitution. C'est un appel aux personnes d'origine turque ou macédonienne pour se constituer en groupe afin de faire valoir leurs droits. La constitution de notre pays reconnaît ces minorités, mais elles n'ont pas le statut de "minorité nationale". Tous les Bulgares sont égaux devant la loi. Cette égalité revêt un caractère individuel et ne saurait reposer sur des critères religieux ou ethniques. » Karakachanov reconnaît qu'il n'y a pas de minorités en Bulgarie, quelle qu'elle soit : « Il est, d'un point de vue historique, absurde d'affirmer l'existence d'une communauté macédonienne séparée du territoire bulgare. Les quelques centaines de personnes et les groupuscules, officiels ou non, qui se réclament macédoniens, sont la conséquence d'une vieille politique propagandiste de l'ancienne Yougoslavie et de la toute jeune république de Macédoine. » Alors que les cercles patriotiques au sein de la Bulgarie, comme l'IMRO, enjoignent la Bulgarie de ne pas reconnaître les minorités nationales, les organisations non gouvernementales se réfèrent au cadre constitutionnel pour la protection des communautés minoritaires. Antonina Zhelyazkova est chercheuse aux South East European Studies, et présidente de l'INMIR (International Center for Minority Studies and Intercultural Relations). En 2001, elle a gagné le trophée décerné par l'organisation française des droits de l'Homme, destiné aux avocats internationaux. Elle considère qu'il est grand temps que l'État bulgare reconnaisse l'existence d'une minorité macédonienne : « Je ne vois aucune raison de ne pas parler de la minorité macédonienne dans le rapport destiné au Conseil de l'Europe. Le recensement de 1992 révèle qu'un peu plus de 10000 personnes en Bulgarie se considèrent de nationalité macédonienne. » L'ONG du comité bulgare d'Helsinki (BHC) a déposé une requête devant la Cour européenne des droits de l'Homme, à Strasbourg, concernant l'enregistrement d'organisations macédoniennes. Le président de la BHC, Krassimir Kanev, nous raconte le déroulement des événements : « La première affaire a opposé, l'an dernier, Stankov et OMO "Iliden" à la Bulgarie qui a été reconnue coupable. La deuxième concernait un groupe de Macédoniens dont la demande de manifestation avait été rejetée par le maire et la cour de justice régionale. Il y a eu une troisième histoire où la décision de la cour constitutionnelle bulgare d'interdire l'OMO "Iliden" a été cassée. La dernière affaire est due à l'instigation de l'OMO "Iliden" : la cour régionale de Blagoevgrad (ville du Pirin macédonien en Bulgarie) a refusé de les enregistrer – cette décision a d'ailleurs été confirmée par la Cour suprême. » En avril, Ivan Singartiiski, le président de l'organisation OMO « Iliden », déclarait que 5 à 6000 personnes originaires du Pirin macédonien avaient demandé la nationalité macédonienne. Le journal Trud a commenté l'événement de la manière suivante : « Skopje recrute des Macédoniens dans la région du Pirin. (…) Skopje crée une nouvelle minorité macédonienne en Bulgarie. » La presse macédonienne a considéré que le rapport du NCEDI était le signe d'une volonté de la part des Bulgares de reconnaître les 250000 Macédoniens qui résident sur le territoire du Pirin. Le Trud du 13 avril a donné, à cette publication, le titre suivant : « Le rêve diabolique de Skopje ». Les historiens bulgares déclarent qu'après la Seconde Guerre Mondiale, la Bulgarie a eu recours à des méthodes énergiques pour dénationaliser une partie de sa population dans la région du Pirin. Conformément à la demande de Staline, le parti communiste bulgare a, durant l'été 1946, résolu d'accorder une autonomie culturelle au Pirin. De ce fait, il a été décidé que les populations bulgares du Sud-Ouest du pays faisaient partie de la nation macédonienne. Les personnes qui résidaient dans la région du Pirin ont été obligées de troquer leur passeport et leur carte d'identité contre des documents macédoniens. » ( Bobi Bobev : "The Macedonians in Bulgaria, Minorities on the Balkans in the context of human rights", Sofia, 1994 ) La résistance des Bulgares du Pirin a été calmée par des arrestations et des punitions administratives. Le macédonien a été introduit comme langue officielle dans les écoles. Les historiens de la république de Macédoine font référence à cette période pour soutenir leurs revendications. Ivan Singartiiski déclare : « il y a environ 250000 Macédoniens dans le Pirin, mais le recensement ne fournit pas la trace exacte du nombre d'entre eux qui s'identifient en tant que tel. » Il affirme également que le dénombrement a fait l'objet d'une manipulation. Antonina Zhelyazkova explique l'origine de la spéculation autour de ces chiffres : « Les estimations des experts démontrent que le recensement de 2001 a enregistré un déclin du nombre de personnes qui se regardent comme macédoniens. Ils seraient environ 3000. Pendant de longues années, les organisations internationales ont fait de grossières surestimations. J'ai eu de longs débats avec le Minority Rights Group basé à Londres qui s'obstinait à affirmer qu'il y avait 250000 Macédoniens en Bulgarie. Ce chiffre approximatif a été établi d'une façon non professionnelle. Le Minority Rights Group s'est basé sur la population totale de la région du Pirin. Un spécialiste repèrerait, immédiatement, que cette approche est fausse. Elle l'est plus encore si l'on sait qu'il y a un nombre considérable de roms, de bulgares musulmans, et de turcs parmi les habitants de la province. » Zhelyazkova est un des rares intellectuels bulgares qui considèrent que la mise à l'index de l'OMO « Ilinden » Pirin est une démarche politique peu judicieuse. Elle offre la possibilité à une poignée de personnes de se regarder comme des victimes héroïques. La férocité du débat public sur la question, sensible, du sort de la minorité macédonienne, et l'accueil du rapport de la NCEDI en avril 2002, démontre la difficulté à laquelle devra faire face une partie de l'élite bulgare pour transformer la société, qui d'ethnocentrique doit devenir citoyenne. Le rapport de la NCEDI fait avancer le débat. Il n'a toujours pas été présenté au gouvernement bulgare pour faire l'objet d'un débat et d'une approbation. Les experts du ministère des Affaires étrangères ont gardé le silence, mais certains commentaires sofiotes annoncent que la partie la plus contestée du dossier pourrait être absente lors de la version finale du document. |