Macédoine : presse

Accueil ] Remonter ] Carte de la Macédoine

 

Dimanche 18 octobre 2009

La Macédoine et Kosovo établissent des relations diplomatiques

La Macédoine et le Kosovo ont établi des relations diplomatiques dimanche, quelques heures après la ratification par leurs parlements respectifs d'un accord sur leur frontière commune.

Le ministère macédonien des Affaires étrangères a déclaré que le chef de la diplomatie Antonio Milososki et son homologue kosovar Skender Hiseni avaient signé un communiqué conjoint dans lequel les deux pays s'engagent à "renforcer leurs relations amicales sur la base du respect mutuel de la souveraineté nationale, de l'indépendance et de l'intégrité territoriale".

La Macédoine a reconnue l'indépendance du Kosovo il y a un an mais elle refusait d'établir des relations diplomatiques tant que la question de la frontière ne serait pas réglée. C'est chose faite dans un accord signé vendredi, qui définit clairement le tracé des 150km de frontière entre les deux voisins.

Le tracé précédent avait été décidé entre la Macédoine et la Yougoslavie en 2001, alors que le Kosovo était encore une province séparatiste yougoslave sous administration de l'ONU. Les Albanais du Kosovo avaient à l'époque érigé des barrages pour protester. AP

 

Utrinski Vesnik

Le Parlement européen s’invite dans le conflit entre la Grèce et la Macédoine 

Traduit par Viktor Zakar Publié dans la presse : 24 avril 2008

Le Parlement européen a adopté ce 23 avril son rapport de suivi 2007 sur la Macédoine. Le texte demande au Conseil de fixer une date d’ouverture des négociations d’adhésion. L’écueil du conflit nominal n’a pu être évité. Daniel Cohn-Bendit dénonce la position grecque. Le rapport invite la Grèce et la Macédoine à reprendre immédiatement les négociations, afin que le conflit nominal ne constitue pas un obstacle à l’adhésion macédonienne.

Par Toni Glamcevski

Le Parlement européen a adopté ce mercredi 23 avril son rapport de suivi 2007 sur la Macédoine [1], par une majorité de 601 votes favorables, contre 52 votes défavorables. Le rapport, rédigé par l’eurodéputé Erik Meijer, devait initialement être voté il y a deux semaines, à Bruxelles. Le texte demande clairement au Conseil européen de fixer une date pour l’ouverture des négociations d’adhésion de la Macédoine. A condition, bien sûr, que le pays remplisse les huit priorités fixées par la Commission.

Cela aurait pu être le point central du rapport, si le problème du nom ne s’était pas imposé. Le débat sur ce sujet a poussé les députés du Groupe des Verts à voter contre la résolution, non parce qu’ils ne soutiennent pas la Macédoine, mais pour exprimer leur mécontentement : par rapport au texte initial, les amendements adoptés entraînent un recul pour la Macédoine sur l’importance donnée aux négociations relatives au conflit nominal. En d’autres mots, les Verts ont ouvertement défendu les intérêts macédoniens.

« C’est un problème qui dure depuis des années et il est nécessaire de résoudre cette question. La Macédoine est la Macédoine et continuera à être la Macédoine. La Grèce finira par accepter cela, sans changement. C’est comme le Nouveau et l’Ancien Testament », affirme Daniel Cohn-Bendit, du Groupe des Verts.

L’amendement en question, quoique issu d’un compromis, n’est pas au goût des eurodéputés grecs. Le texte invite la Grèce et la Macédoine à « reprendre immédiatement des négociations […], sachant que, une solution de compromis étant en vue, cette question ne représente plus désormais un obstacle à l’adhésion de l’ARYM à des organisations internationales ».

[Il reconnaît également comme « toujours en vigueur », l’Accord intérimaire de 1995, qui empêche la Grèce de bloquer l’accession de la Macédoine aux organisations internationales sous son nom temporaire d’ARYM.]

« Je pense que le rapport d’Erik Meijer tente de ne pas mettre d’huile sur le feu et de respecter les petits pas réalisés des deux cotés », estimé Doris Pack (Parti Populaire Européen), présidente de la Commission sur l’Europe du Sud-est au Parlement européen. […]

Officiellement, la question du nom n’est pas obstacle, et résolution n’est pas une condition pour l’intégration de la Macédoine dans l’Union européenne (UE). Mais selon Joseph Daul, président du groupe du Parti Populaire Européen au Parlement, trouver une solution au conflit est de facto devenu une condition à l’entrée de la Macédoine dans l’UE.

« Une solution mutuellement acceptable pour les deux pays doit être trouvée sur la question du nom. On ne peut pas continuer sans accord. Il faut trouver une solution sur la cette fameuse question du nom, et le plus vite possible », déclare-t-il.

Ce implique-t-il d’introduire une nouvelle condition officielle d’entrée dans l’UE pour les pays candidats ? Joseph Daul refuse d’aller jusque là. « Il faut trouver une solution avant qu’un pays devienne membre de l’Union. Dans certains cas, nous sommes allés trop vite. Je crois que ni le nom d’ARYM, ni celui de Macédoine, ni encore le nom proposé de Nouvelle Macédoine ne constitueront un obstacle capable d’empêcher qu’une solution soit trouvée avant l’entrée [de ce pays] dans l’UE », ajoute Joseph Daul.

Le rapport de suivi 2007 affirme que bien des choses ont progressé en Macédoine et que le pays travaille effectivement sur les points qui lui ont valu d’être critiqué par le passé. Le texte salue la mise en œuvre de l’Accord d’Ohrid et les réformes légales. Il attire également l’attention sur la « discrimination persistante envers la communauté Rom ».

Les eurodéputés encouragent les autorités macédoniennes à faire le maximum pour obtenir l’ouverture des négociations d’adhésion avant la fin de l’année 2008. Le rapport dit également espérer que « que la coalition gouvernementale en place assurera la tenue d’élections anticipées équitables et démocratiques, conformément à la constitution et au code électoral ».

[1] Cliquer ici pour lire le Rapport de suivi 2007 sur l’ancienne République yougoslave de Macédoine.

 

 

Un été glacial entre Sofia et Skopje

Traduit par Thomas Claus Publié dans la presse : 1er août 2006

On croyait la hache de guerre enterrée entre la Bulgarie et la Macédoine. Mais cet été, les rapports ont tourné à l’aigre. En cause, la refondation du parti des Macédoniens de Bulgarie, et la concession de la nationalité bulgare à un ancien premier ministre macédonien. A moins que le moteur de tout cela ne soit la campagne électorale pour les présidentielles bulgares ?

Par Francesco Martino

Après plusieurs années de rapports globalement corrects, l’été 2006 se caractérise par un retour à une période de froideur réciproque entre la Bulgarie et la Macédoine. Le déclencheur ? Une déclaration du Ministre bulgare des Affaires étrangères Ivaylo Kalfin : « nous soutenons la Macédoine vis-à-vis de l’Union Européenne, à condition que cessent les agressions envers la nation bulgare et envers son histoire. »

Ces déclarations ne semblent pas avoir été provoquée par un événement particulier. Elles semblent reposer sur la nervosité provoquée par la reconstitution du parti des Macédoniens de Bulgarie OMO-Ilinden Pirin, ainsi que par l’acquisition récente de la nationalité bulgare par l’ex-Premier ministre macédonien Ljubco Georgievski.

Certains commentateurs évoquent une opération électorale aux tonalités nationalistes en vue des prochaines élections présidentielles en Bulgarie. Cela n’empêche qu’un débat est en train de naître dans le pays, sur le sens de l’attribution du passeport, entre autre et avant tout, à des citoyens macédoniens [1], alors que la Bulgarie s’apprête à entrer dans l’Union Européenne.

Rodomontades Sofia, le jeudi 24 juillet. Dans les locaux du Ministère des Affaires étrangères se tient une réunion de travail du ministre Ivaylo Kalfin avec les représentants diplomatiques bulgares à l’étranger. La séance ne semble pas différente des autres. Jusqu’à ce qu’on évoque la Macédoine.

Ivaylo Kalfin déclare aux journalistes présents : « la Bulgarie continue à soutenir la candidature de la Macédoine à l’entrée dans les structures de l’Union Européenne, mais insiste sur le fait que les autorités de ce pays respectent les principes de bon voisinage et cessent les agressions, quelles qu’elles soient, à l’encontre de la nation bulgare et de son histoire. »

La déclaration est trop forte pour être ignorée. Rapidement, la nouvelle se répand hors du Ministère. Ivaylo Kalfin trouve le moyen d’ajouter qu’« il n’est pas normal que notre soutien soit inconditionnel, puisque nous considérons qu’il existe des critères qui doivent être respectés. » C’est la première fois qu’un ministre bulgare des Affaires étrangères use de termes aussi forts à l’encontre de la Macédoine.

L’ambassadeur de Macédoine à Sofia, Abdurahman Aliti, s’est déclaré surpris par les paroles d’Ivaylo Kalfin. Il a immédiatement demandé à être reçu afin d’obtenir des explications. Mais lorsque le ministère lui a proposé de rencontrer un fonctionnaire de niveau inférieur, Abdurahman Aliti a refusé de le voir.

La polémique a repris vigueur le 28 juillet. Durant une visite dans la région de la Dobrudzha (dans le nord-est de la Bulgarie), le ministre Kalfin a affirmé que le directeur du centre culturel macédonien à Sofia, Stefan Vlahov Mitzov, aurait été choisi au sein des structures de direction du parti OMO-Ilinden Pirin. Ce parti a été reconstitué il y a environ un mois. Il constitue l’expression politique de la minorité macédonienne en Bulgarie. Selon Ivaylo Kalfin, il est inadmissible que le personnel diplomatique macédonien puisse prendre part à la vie politique bulgare. En conséquence, il a demandé des explications aux autorités de Skopje.

Vlahov Mitzov, citoyen bulgare, est directeur du Centre culturel depuis son inauguration, en avril 2005, par les présidents respectifs des deux pays, Georgi Parvanov et Branko Crvenkovski en le qualifiant de « pas extraordinaire vers le rapprochement de [leurs] peuples. » Vlahov Mitzov nie participer à l’activité de quelque parti politique que ce soit. De son côté, l’Ambassade de Macédoine a envoyé au Ministère bulgare des Affaires étrangère une note officielle dans laquelle elle confirme les propos du directeur.

Campagne électorale contre diplomatie En 1999, la Macédoine et la Bulgarie ont signé un accord bilatéral dans lequel les deux pays se sont engagés à ne pas intervenir l’un l’autre dans leurs affaires internes. Skopje et Sofia se sont également engagés à contrer tout type de « propagande négative » émanant d’un pays à l’encontre de l’autre. Pendant sept ans les rapports entre les deux républiques ont été caractérisés par un climat plutôt amical, malgré des vieilles disputes relatives à des questions linguistiques et historiques, qui n’ont jamais été résolues et qui continuent à émerger de temps en temps.

Le rapprochement des deux pays semblait avoir atteint un sommet il y a deux mois. Durant une visite officielle en Macédoine, le Premier ministre bulgare, Sergei Stanishev, avait proposé à son homologue macédonien, Vlado Buckovski, l’idée d’une célébration commune de certaines fêtes nationales par les deux pays. Parmi elles, la commémoration de l’« insurrection d’Ilinden » contre l’autorité ottomane en 1903.

Qu’est-ce qui a changé depuis lors ? Beaucoup, surtout en Macédoine, soutiennent que la nervosité diplomatique des Bulgares est due à la reconstitution du parti des Macédoniens de Bulgarie : OMO-Ilinden Pirin. Le parti avait été dissout lorsque la Cour constitutionnelle bulgare l’avait déclaré illégal à cause de son caractère de « parti ethnique ». Le 25 juin dernier, OMO-Ilinden Pirin a été reconstitué par plusieurs centaines de délégués réunis dans la commune de Gotze Delchev.

Le thème de la minorité macédonienne continue à être un tabou en Bulgarie. Beaucoup croient que le parti est soutenu de manière déterminante par les services secrets macédoniens. Sa reconstitution a provoqué des réactions très négatives.

Dans un long éditorial publié dans le quotidien bulgare Dnevnik, Stoyana Georgieva, la rédactrice en chef du portail d’information Mediapool.bg a affirmé que la véritable raison de la déclaration du ministre Kalfin n’est pas la refondation d’OMO-Ilinden Pirin, ni l’obtention de la citoyenneté bulgare par l’ex-premier ministre macédonien Ljubco Georgievski. Les propos d’Ivaylo Kalfin constitueraient plutôt une initiative électoraliste de soutien à la campagne du Président Georgi Parvanov. Selon la journaliste, Parvanov cherche, via son ancien conseiller Ivaylo Kalfin, à attirer vers lui le soutien de la partie des électeurs sensible aux thèmes nationalistes. Hausser de la voix vis-à-vis de la Macédoine entre dans cette stratégie.

Débats sur les « nouveaux bulgares » Au-delà de l’effet immédiat sur la polémique en cours entre la Macédoine et la Bulgarie, le nouveau passeport bulgare donné à l’ancien premier ministre macédonien Ljubco Georgievski a lancé à Sofia un débat interne sur la signification de la concession de la citoyenneté bulgare. En Macédoine, obtenir le passeport bulgare est perçu comme un billet d’entrée pour l’UE, étant donné que le pays devrait décrocher le statut d’Etat membre le 1 janvier 2007.

La procédure d’obtention de la citoyenneté bulgare est relativement simple. Elle se base sur le principe que toute personne démontrant sa « bulgarité » a le droit de devenir citoyen bulgare. Les membres de la minorité bulgare de Moldavie et d’Ukraine, ainsi que la quasi-totalité des citoyens macédoniens d’ethnie slave ont, au moins en théorie, la possibilité de devenir citoyens bulgares.

Mais plus l’entrée de la Bulgarie dans l’UE se rapproche, plus le nombre de demandes augmente. On en est arrivé à douze mille obtentions de la citoyenneté bulgare par an. Dans beaucoup de cas, la requête se fonde sur des motifs difficilement qualifiables de « patriotiques », mais plutôt sur des motifs économiques. Dans un article paru dans le quotidien

Sega , Aleksandar Aleksandrov explique que les passeports sont devenus l’objet d’un véritable business. Le tarif varie de cent à cinq cents euros. Ce chiffre, multiplié par les milliers de demandes, constitue un volume d’affaire de l’ordre du million.

Récemment, même l’UE a demandé qu’un régime plus sévère soit institué. Le vice-président, Angel Marin, qui a le dernier mot sur la concession de la citoyenneté, a déclaré que le nombre de nouveaux citoyens descendra à environ six mille par an.

[1] lire Macédoine-Bulgarie : le baiser qui tue ?.

 

 

Macédoine : les nationalistes du VMRO-DPMNE reprennent la main 

Par Laurent Geslin (Courrier des Balkans)  Mise en ligne : jeudi 6 juillet 2006 

Les élections du 5 juillet ont vu la victoire écrasante des nationalistes du VMRO-DPMNE au détriment du SDSM de Vlado Buckovski au pouvoir depuis 2002. Les partis albanais n’obtiennent que 24 sièges en raison d’une faible participation de leurs électeurs. Reste maintenant à former un gouvernement stable et efficace.

De notre envoyé spécial

« Vive la Macédoine, Vive Ljube Boskovski », scandaient hier soir, dans la salle de conférence du Holiday Inn de Skopje, les partisans du parti nationaliste macédonien du VMRO-DPMNE après leur très nette victoire aux élections législatives du 5 juillet 2006. L’ex-ministre de l’Intérieur acclamé par la foule est pourtant toujours incarcéré par le Tribunal pénal international (TPI) de La Haye pour le meurtre de dix Albanais à Ljuboten pendant le conflit de 2001.

La journée électorale s’était déroulée hier dans le calme même si l’on a pu constater çà et là quelques votes familiaux où quelques électeurs sans cartes d’identité, surtout dans les régions albanaises. Les multiples observateurs déployés par l’OSCE et par des organisations macédoniennes dans le pays semblent avoir dissuadé les fraudes massives.

Les partisans du VMRO-DPMNE n’ont pas attendu la proclamation des résultats officiels pour défiler dans les rues de Skopje en brandissant les drapeaux rouge et noir de leur parti. Selon l’organisation citoyenne MOST, celui-ci obtiendrait 44 des 120 députés que compte la Parlement macédonien contre seulement 33 pour les sociaux-démocrates du SDSM. La défaite est sans appel pour le gouvernement de Vlado Buckovski qui avait été chargé d’appliquer les dispositions des accords d’Ohrid et qui avait permis à la Macédoine d’obtenir le statut de candidat à l’Union européenne. La crise économique et le malaise social qui mine la Macédoine auront eu raison du SDSM après quatre ans d’exercice du pouvoir. Les surprises de la soirée viennent des bonnes percées du NSDP de Tito Petkovski et des ultras nationalistes du VMRO-NARODNA, branche dissidente du VMRO, qui obtiennent respectivement 7 et 8 sièges.

De l’autre côté du Vardar, à Bit Bazar, régnait une joie plus circonspecte. Danses traditionnelles et coup de feu en l’air ne semblaient pouvoir masquer une certaine frustration. Les Albanais ne se sont en effet pas déplacés massivement pour voter et dans bien des communes du nord-ouest du pays, la participation n’a guère dépassé 40%. La coalition menée par le BDI, au pouvoir depuis 2002, ne recueille que 13 sièges. Après une défaite sans appel quatre ans plus tôt, le PDSh d’Arben Xhaferi revient bien et arrache quant à lui 11 sièges. La sous-représentation des Albanais au Parlement n’est assurément pas un bon signe pour la stabilité du pays à l’heure où se poursuivent à Vienne les discussions entre les délégations serbes et albanaises sur l’avenir du Kosovo.

Dans les jours qui viennent, un nouveau gouvernement va devoir rapidement être constitué. Comme en 1998, le VMRO-DPMNE pourrait alors entrer en coalition avec le PDSh, ce qui ne manquerait pas de rappeler certaines sombres pages du jeune Etat macédonien. Les partisans du BDI qui avaient pris les armes en 2001 se retrouveraient alors relégués dans l’opposition.

 

La frontière entre le Kosovo et la Macédoine se négocie sans Belgrade

Traduit par Thomas Claus
Publié dans la presse : 10 mai 2006

Skopje a choisi de négocier avec Pristina le tracé toujours contesté de la frontière entre la Macédoine et le Kosovo. Une décision reçue froidement à Belgrade. En Macédoine, la « question purement technique » devient de plus en plus politique suite aux gaffes du gouvernement.

Par Ana Petruseva

Depuis plusieurs mois, le gouvernement macédonien fait un pas en avant pour trois pas en arrières sur la question du tracé de la frontière entre la Macédoine et le Kosovo.

Le 5 mai dernier, les premiers ministres respectifs de la Macédoine et du Kosovo, Vlado Buckovski et Agim Çeku se sont rencontrés à Skopje afin d’aborder la question. A l’issue de cette entrevue, Agim Çeku a déclaré que Vlado Buckovski et lui s’étaient mis d’accord pour que la frontière ne soit tracée qu’après la détermination du statut final du Kosovo. Mais en répondant aux questions des journalistes, il a laissé entendre que la frontière discutée par lui et son homologue macédonien n’était pas celle qui fut négociée par Skopje et Belgrade en 2001 et reconnue par les Nations Unies, mais celle d’avant l’éclatement de la Yougoslavie.

Avant la rencontre, la Macédoine avait lourdement insisté sur le fait que le Kosovo devait reconnaître la frontière de 2001 avant la conclusion des pourparlers sur le statut final du protectorat. En tenant ce discours, Skopje a fait semblant de ne pas percevoir les signaux de la communauté internationale selon lesquels cette pression n’était pas la bienvenue.

Lors de la rencontre de Skopje, Agim Çeku a affirmé que la démarcation était une question purement technique. En réalité, le sujet est à présent hautement politique.

Si le gouvernement macédonien parvenait à résoudre la question de la frontière, cela constituerait un atout pour les élections législatives du 5 juillet prochain. Le problème est en effet perçu comme une menace potentielle pour la stabilité du pays depuis que la Macédoine a déclaré son indépendance en 1991.

Mais la hâte du gouvernement et le manque de réflexion quant à la manière de mener les négociations ont provoqué la confusion et donné davantage la migraine à l’exécutif macédonien.

Frustration à Belgrade

La question de la frontière n’est pas nouvelle. Elle réapparaît régulièrement depuis l’éclatement de la Yougoslavie, et encore plus depuis que Belgrade et Skopje ont signé un accord de démarcation en 2001, après des années de pourparlers.

Cet accord entre la Macédoine et la République Fédérale de Yougoslavie concernait entre autre une partie de la frontière avec le Kosovo, qui était sous protectorat des Nations Unies depuis 1999, lorsque les troupes de l’OTAN en ont expulsé l’armée serbe.

De manière prévisible, les autorités kosovares ont alors affirmé de manière récurrente qu’elles ne reconnaissaient pas l’accord de 2001 signé par les présidents macédonien et serbe, Boris Trajkovski et Vojislav Kostunica.

Le Parlement du Kosovo a voté une résolution affirmant que l’accord passé entre Belgrade et Skopje n’était pas valide en ce qui concerne la partie kosovare de la frontière.

Une autre raison pour les Kosovars de contester la frontière établie en 2001 est qu’elle s’étend à l’intérieur du territoire kosovar de quelques kilomètres de plus que le tracé précédent.

La position du gouvernement kosovar est claire. Il ne désire et n’acceptera aucune participation de Belgrade à des questions relatives à la province.

La détermination de Skopje à résoudre la question avec Pristina donne aux institutions kosovares une légitimité dont elles sont demandeuses. Mais c’est également pour elles l’occasion de montrer qu’elles peuvent se comporter en voisin constructif alors que la communauté internationale surveille chacun de leur mouvement.

Il n’est pas besoin de dire que Belgrade suit de près la situation, et qu’à plusieurs reprises, d’importants représentants serbes ont ouvertement désapprouvé le fait que la Macédoine discute de la question de la frontière avec Pristina.

Les incohérences de Skopje

A la différence de Pristina, dont la position est claire et durable, Skopje verse paradoxalement dans l’inconstance. Particulièrement lorsque le Président et le Premier ministre expriment des opinions différentes sur la question.

Alors que le Président a laissé percevoir une position proche de celle de la Serbie, le Premier ministre se montre déterminé à mettre un terme à la question, quitte à laisser Belgrade hors des discussions.

En acceptant que le Premier ministre a réellement désiré mettre un terme à ce vieux problème, sa démarche a été si maladroitement menée que la question technique s’est muée en casse-tête politique. Au bénéfice des nationalistes macédoniens, plus sceptiques quant aux intentions du Kosovo.

Une autre erreur du gouvernement a été de ne pas parvenir à expliquer la démarche à l’opinion publique, ni à répondre aux accusations selon lesquelles il favorisait le Kosovo au détriment de Belgrade.

La rencontre de Vlado Buckovski et Agim Çeku a porté la confusion plus loin encore en laissant entendre que les deux premiers ministres s’étaient mis d’accord pour renier l’accord conclu avec Belgrade en 2001.

Le cabinet Buckovski a ensuite tenté de minimiser ces inquiétudes en affirmant que la déclaration d’Agim Çeku à propos de l’ancienne frontière yougoslave avait pour but de lui éviter des problèmes lorsqu’il reviendrait à Pristina, mais qu’il finirait par reconnaître l’accord de 2001. [...] Le gouvernement macédonien perd une opportunité de faire bonne figure avant les élections. Même si pour certains, la saga de la frontière a renforcé les relations entre la Macédoine et le Kosovo, et constitue un pas significatif vers la résolution du problème

 

 

Macédoine : les relations incestueuses de l’Eglise et de l’Etat
Traduit par Kristina Velevska

Publié dans la presse : 19 novembre 2005

Séparés, l’Eglise et l’Etat macédoniens ? Rien n’est moins sûr. Si la constitution macédonienne affirme la laïcité de la République, la séparation des institutions ne se vérifie ni sur le terrain ni dans l’opinion. Du simple citoyen au dirigeant politique en passant par le théologien ou le dirigeant religieux, beaucoup refusent l’indépendance de l’Etat par rapport à l’Eglise. Des témoignages recueillis par le quotidien Vreme.

Par Ivan Blazevski

En Macédoine, l’Eglise et l’Etat restent liés malgré l’orientation constitutionnelle du pays vers une démocratie séculière.

Pour certains théologiens, philosophes de la religion, dirigeants politiques ou responsables de l’Eglise Orthodoxe Macédonienne (MPC pour Makedonska Pravoslavna Crkva), les orthodoxes macédoniens sont à la fois liés à l’Eglise et à l’Etat, deux institutions qu’ils ne perçoivent pas forcément comme séparées.

Pour les théologiens, il est normal que l’Eglise et l’Etat soient unis, puisque l’un et l’autre sont composés des mêmes hommes, à la fois croyants et citoyens.

Mais certains se moquent de la Macédoine, qui continue à ressembler à l’Empire orthodoxe médiéval byzantin, où l’Etat et le pouvoir ecclésiastique ne formaient qu’un.

Aujourd’hui, l’opinion publique est partagée sur la question. Les uns soutiennent l’unité officieuse des deux institutions, alors que les autres s’y opposent.

« Ils ne faut pas les séparer », affirme Dragi Nikolovski, 54 ans, chauffeur de taxi à Skopje. « Regardez seulement comment l’Eglise Orthodoxe Serbe [1] et la Grèce attaquent notre Etat et notre nom, et comment leurs Eglises et leurs Etats sont unis. Notre Eglise et notre Etat doivent s’entraider. »

Pour Frosina C., 25 ans, étudiante, l’Eglise et l’Etat doivent agir séparément. « [Les deux institutions] n’ont même pas la même fonction, explique-t-elle. L’une a une fonction civile, et l’autre, une fonction spirituelle. Si ces deux fonctions se confondent, on ne crée que des problèmes. Il faut qu’elles soient vraiment séparées, et pas seulement sur le papier. »

Entre Dieu et César, l’idylle continue

Un théologien macédonien connu, qui a demandé à rester anonyme, estime que l’existence d’un lien entre l’Etat et l’Eglise est normal.

« Il n’est pas normal qu’il n’y ait pas de lien entre l’Etat et l’Eglise ! Ce lien est très complexe. On ne peut pas faire de distinction claire parce que l’unité fondamentale entre l’Église et l’État est l’homme. »

Toujours selon lui, le Premier ministre Vlado Buckovski soutient l’Eglise orthodoxe en Macédoine et cela est normal. « Il est rationnel que le Premier ministre soutienne la vérité. Je pense qu’il se voit comme une partie de l’Eglise. Mais si certains responsables de l’Eglise s’attachent à l’Etat et soutiennent des valeurs négatives, alors je les désapprouverai », conclut ce théologien de Skopje.

La complexité de la philosophie des religions et ses valeurs sont une spécialité du professeur Ljubomir Cuculovski. Il estime que le lien entre l’Eglise et l’Etat convient au peuple macédonien « dans une certaine mesure ».

« Jésus a dit de rendre à César ce qui est César, et à Dieu ce qui est à Dieu. Mais dans la religion orthodoxe, cela est n’est pas vraiment respecté. C’est le résultat du principe ethnique et national de l’organisation de l’église orthodoxe. »

Le Gouvernement et l’Eglise disent que, généralement, chacun s’occupe de ses affaires, sauf s’il s’agit de « l’intérêt général de la nation », auquel cas ils collaborent.

« En général, les principes de la laïcité sont respectés », affirme Agim Jonuz, adjoint du porte-parole du Gouvernement. « Mais lorsqu’on se trouve face à des problématiques d’intérêt général national, le Gouvernement collabore et collaborera encore avec les communautés religieuses. La MPC ne doit pas agir seule dans cette situation. Et le Gouvernement aura la même attitude si les intérêts de la Communauté musulmane sont menacés. »

Monseigneur Petar, membre du Synode de la MPC, considère également que, malgré la laïcité de l’Etat macédonien, l’Eglise et le pouvoir ont parfois les mêmes intérêts.

« La MPC et le Gouvernement ne s’immiscent pas dans leurs affaires mutuelles, mais nous avons des objectifs et des intérêts communs pour lesquels nous prenons des positions communes, parce que ce qui représente un intérêt commun pour l’Eglise et l’Etat demande une coopération entre les deux institutions », affirme l’Evêque.


[1] Les Eglises orthodoxes serbes et macédoniennes sont en conflit depuis leur séparation en 1967. 

 

Utrinski Vesnik
La Macédoine fête ses quinze ans de multipartisme
Traduit par Ivana Dimitrovska

Publié dans la presse : 14 novembre 2005
La Macédoine a fêté il y a quelques jours ses quinze ans de multipartisme. Pour l’occasion, le quotidien Utrinski Vesnik a proposé une évocation de ces élections chargées d’espoir, qui précédaient de peu de temps l’éclatement de la Yougoslavie.

Par Sonja Kramarska

Ce 11 novembre, la Macédoine a fêté ses quinze ans de multipartisme. C’est le 11 novembre 1990 que les premières élections multipartistes se sont tenues, à la veille de la désintégration de l’ancienne République Fédérative de Yougoslavie. C’est à ce moment que la Macédoine a choisi quelle voie prendre pour construire sa souveraineté. En ce temps-là, l’ambiance dans le pays était tendue, non seulement à cause des événements intérieurs mais aussi à cause du virus de l’instabilité qui commençait à se répandre dans d’autres Etats fédéraux plus grands que la Yougoslavie.

Les citoyens macédoniens ont attendu le pluripartisme avec de grands espoirs et un optimisme patent. Leurs attentes étaient que la situation commence à changer avec la mise en œuvre du système pluraliste, permettant aux citoyens de choisir directement leurs dirigeants. Mais quinze ans après, les macédoniens attendent encore les bénéfices de ce changement, en évoquant avec nostalgie le temps passé. La transition a coûté plus que ce qui était prévu, la corruption a pris de l’ampleur et il semble que l’acceptation de la logique capitaliste soit plus difficile que l’abandon de la logique socialiste.

Les premières élections multipartistes ont été organisées par Vulnet Starova, Président de l’Assemblée de la République Socialiste de Macédoine à cette époque. Plusieurs partis politiques formés juste après la déclaration de la fin du régime du parti unique ont participé à ces élections. L’élite sociale de cette époque fut très active dans l’animation du multipartisme. Juste après l’adoption de la loi sur les associations et l’organisation sociale des citoyens - qui a donné la loi actuelle sur les partis politiques - les premiers partis d’opposants au Comité des Socialistes de Macédoine se sont formés. Les premiers à s’être jetés à l’eau ont été un parti albanais, le Parti pour la Prospérité Démocratique (PDP) et le Parti Social-démocrate du professeur Slavko Milosavlevski, qui n’est plus actif aujourd’hui.

La tenue des premières élections multipartistes a été encadrée par le gouvernement de ce temps-là, à savoir le Comité Exécutif de l’Assemblée, avec Gligorie Gogovski à sa tête. Ce gouvernement a adopté l’ensemble des documents et des actes de loi nécessaires à l’organisation des premières élections libres. La préparation a duré un an, d’une manière modeste et active, sans euphorie et sans aucune obstruction de la part du régime communiste antérieur. En Macédoine régnait alors une atmosphère favorable au changement de pouvoir de manière démocratique et calme. C’est d’ailleurs pourquoi certains appellent le gouvernement de Gligorie Gogovski le « Gouvernement de transition ». Le premier gouvernement pluraliste, dirigé par l’académicien Nikola Kljusev, est plutôt connu comme « le Gouvernement des experts » même s’il était composé des représentants des partis politiques. Puisqu’il n’était pas un gouvernement politique classique, aucun parti ne voulait assumer la responsabilité de son travail. Le Gouvernement de Kljusev n’a pas passé la première motion de censure au Parlement.

Le premier tour des élections eut lieu le 11 novembre 1990. Les citoyens ont voté pour 1.158 candidats dans 120 circonscriptions électorales. Parmi les candidats, 1.115 étaient nommés par des partis politiques et une association de citoyens (l’Union des retraités de Bitola), et 43 étaient des candidats indépendants proposés par des groupes des citoyens. Le taux de participation des électeurs fut très élevé : 84,8%. Au premier tour, seuls 24 députés ont été choisis et le parti des communistes réformés SKM-PDP de Petar Gosev gagna devant le nouveau VMRO-DPMNE.

Suite à ces élections, 11 partis politiques ou coalitions et trois députés indépendants sont entrés au Parlement. Il s’agissait du VMRO-DPMNE avec 38 députés, du SKM-PDP (devenu SDSM aujourd’hui) avec 31 députés ; du Parti pour prospérité démocratique (PDP, albanais) avec 17 députés ; de l’Union des Forces Réformatrices de Macédoine (plus tard devenus libéraux avec Andov) avec 11 députés ; du Parti Socialiste avec 4 députés ; du Parti Démocratique de la Yougoslavie avec 2 députés ; de la coalition « Union des Forces Réformatrices avec 6 députés ; de la coalition PDP-NDP avec 5 députés ; de la coalition du Parti Socialiste avec 1 député ; de la coalition du Parti de l’Emancipation Complète des Roms ; du Parti Socialiste avec un député et de 3 candidats indépendants.

 

La Macédoine se serre la ceinture
Traduit par Thomas Claus

Publié dans la presse : 20 septembre 2005

Les statistiques sociales dépeignent une Macédoine de plus en plus pauvre. Le taux de chômage culmine à 38,6% de la population. Près de 70% chez les jeunes. Mais même le salaire moyen de 150 euros ne permet plus de vivre correctement. Un thème laissé dans l’ombre du discours politique.

Par Risto Karajkov

Il y a cinq ou six ans, la pauvreté dans la société macédonienne était stabilisée à environ 20% de la population. Au début de la transition, elle atteignait un niveau bien inférieur. Au cours de ces dernières années, 120.000 personnes (environ 30.000 par an) ont vu leurs revenus passer en dessous du seuil de pauvreté. Mais ce chiffre est une valeur absolue. Si on le relativise, le nombre devient bien supérieur : un Macédonien sur deux souffre d’une forme ou l’autre de pauvreté. L’absence d’emploi est la cause principale de cette situation.

Dans une région qui souffre d’un taux de chômage élevé et permanent, la Macédoine continue à être le champion indiscuté. Officiellement, 38,6% de la population est au chômage, ce qui équivaut à 320.000 personnes. La situation est particulièrement critique chez les jeunes. La proportion de chômeurs atteint chez eux un taux déconcertant de 65-70%. Beaucoup d’entre eux souffrent de la pire espèce de chômage qui soit : le chômage prolongé antérieur à leur premier emploi. Ils n’atteindront jamais la productivité que pourrait leur conférer leur potentiel humain. Le niveau de compétence que leur a donné l’enseignement s’appauvrit avec le temps, et leurs possibilités d’avoir une vie professionnelle de qualité deviennent marginales. Sauf s’ils quittent le pays.

Un thème oublié de la politique

Pourtant, une simple observation des habitudes et de la rhétorique politiques en Macédoine montre combien ce thème est laissé dans l’ombre. Personne ne parle jamais de ces problèmes. Il ne s’agit pas d’une priorité. Un homme politique peut être formellement d’accord avant ou après la campagne électorale. Mais les gens préfèrent entrer dans des débats anxieux afin de savoir si l’ancien Ministre de l’Intérieur comparaîtra libre à La Haye ou si l’albanais doit devenir une langue officielle à tel ou tel niveau inférieur de l’administration. N’avons-nous finalement pas ce que nous méritons ? Comment un pays peut-il avoir les deux tiers de ses jeunes au chômage et ne pas s’en préoccuper ? Il ne faut pas s’étonner ensuite que le seul rêve qu’on leur laisse soit celui de quitter le pays sans se retourner.

Les gens essaient de survivre comme ils peuvent. Petits trafics, petits commerces, travaux journaliers de manœuvre ou dans les champs, cueillette des fruits et des champignons sauvages. Tout est bon pour patienter en attendant les allocations, en vaguant par les conteneurs et en fréquentant la soupe populaire (habituellement gérée par les associations caritatives de l’Eglise).

La capitale est pratiquement le seul lieu où l’on peut espérer trouver un travail « normal ». En province, ceux qui travaillent sont soit fonctionnaires, soit exploités dans le privé (textile, cordonnerie), soit gérants d’un petit commerce.

« Nous survivons grâce au salaire de ma femme. Pour 250 heures par mois dans un magasin de vêtements, elle touche entre 3.000 et 4.000 denars (50 à 70 euros). Moi, je n’ai pas de travail », explique un habitant de la province.

L’industrie du secteur textile, qui était très forte et employait des milliers de personnes dans ses usines, a été presque entièrement détruite dans le processus de privatisation. Le coup a été dur pour des villes entières, qui ne dépendaient que de cette industrie. Le secteur a connu un nouveau développement sous la forme de petites entreprises tenues par des propriétaires étrangers (mais pas seulement) qui exploitent cruellement les employés, des femmes pour la plupart. Il y a des villes entières où ne travaillent que les femmes. Elles prestent plus de douze heures par jours, pour un salaire minime et aucune protection sociale. Les employées craignent de recourir aux syndicats parce qu’elles n’ont pas d’alternative à l’exploitation dont elles sont victimes. Conscients de cela, les employeurs abusent d’elles au maximum. Le gouvernement est au courant mais se révèle incapable de résoudre la situation. Si les autorités fermaient ces entreprises, les gens finiraient dans la rue. C’est un cercle vicieux.

« Le grec [le propriétaire] nous dit que nous travaillons mal, que nous ne savons pas couper correctement les vêtements. Un jour, il nous a tenu jusqu’à onze heures du soir. Notre salaire est de 4.000 denars (70 euros) », se lamente un travailleur du secteur textile.

« Je touche 50 euros d’allocations (de chômage). Avec la pension de ma femme, nous avons 150 euros par mois. Nos enfants sont étudiants. Nous avons commencé à élever des abeilles et à produire du miel ; nous distillons de l’alcool de notre petite vigne. Tout cela nous garantit 100 autres euros. Nous survivons plus ou moins », explique un ancien employé d’une coopérative agricole.

Lutter pour payer ses factures

En Macédoine, seuls 3% des gens affirment toucher un salaire suffisant pour couvrir leurs besoins. Une large majorité considère que 500 euros seraient nécessaires pour satisfaire les dépenses mensuelles d’une famille. Mais le salaire moyen est d’environ 150 euros par mois, et il est difficile de trouver une famille où les deux époux travaillent. De plus, les salaires peuvent être versés en retard. Certains employés ignorent quand et combien ils seront payés, voire même s’ils seront payés. Une famille touchant un revenu fixe est considérée comme avantagée. Les gens luttent pour payer leurs factures. Les sociétés publiques ont mis sur pied différentes solutions pour leurs débiteurs. Elles leur demandent de réaliser des travaux manuels en compensation des dettes qu’ils n’arrivent pas à rembourser.

Le budget du gouvernement ne sert qu’à payer les salaires et les allocations. Il ne reste rien pour les investissements. Les économistes s’accordent à juger qu’aucune croissance n’est possible dans ce cas. De plus, le budget social s’est appauvri. A la fin de l’année dernière, l’UNICEF a averti le gouvernement que même des pays plus pauvres que la Macédoine prennent mieux soin de leurs enfants. Le rapport de l’UNICEF affirme que le gouvernement ne consacre que 5% du PIB à la santé et moins de 3% à l’éducation. Il s’agit de proportions extrêmement basses.

Des villes reposant sur une source forte d’emploi comme une mine ou une grande usine se sont financièrement effondrées dans la banqueroute. Les familles sont contentes si au moins l’un des grands-parents vit avec elles, car sa pension est la seule source sûre de rentrées. Des statistiques non officielles affirment que, dans une petite ville, le montant total de la dette privée vis-à-vis des magasins locaux (pour les nécessités de base) peut atteindre deux millions d’euros. Les gens achètent à crédit puis n’arrivent pas à payer. Les magasin ressortent leur vieille pancarte : « la maison ne fait pas de crédits. »

Les experts craignent qu’une bombe sociale explose dans les rues. Les gens ne pourront pas supporter longtemps la pression. Entre la construction, les transports et l’éducation, peu de secteurs n’ont pas annoncé de manifestations.

Mais comme d’habitude, le gouvernement a choisi de nier ces choses. Il publie occasionnellement des statistiques biaisées affirmant que beaucoup d’emplois sont disponibles ou que les revenus industriels a crû d’une certaine proportion. Beaucoup d’habitudes de l’ancien régime ont la peau dure, comme le fait de répéter continuellement le même mensonge afin que les gens y croient.

Occupée par ses interminables débats politiques, la Macédoine ne semble avoir ni les idées ni l’énergie pour travailler à sa croissance économique. Les événements peuvent prendre un tour fâcheux, et plus vite qu’on ne le croit.

 

La Macédoine, quatre ans après les Accords d’Ohrid
Traduit par Thomas Claus

Mise en ligne : mercredi 14 septembre 2005

Il y a eu quatre ans cet été, le conflit macédonien se concluait par la signature des Accords d’Ohrid. Entre les volontés albanaises d’autonomie et l’exigence macédonienne de préserver l’unité du pays, les parties choisirent la décentralisation. Aujourd’hui, certains considèrent que les objectifs sont atteints. D’autres décrivent une réalisation sélective des mesures.

Par Risto Karajkov

Quatre ans sont passés depuis la signature des Accords d’Ohrid d’août 2001. Ces accords ont mis fin au conflit armé qui menaçait de précipiter la Macédoine dans une guerre civile. Mais peu de gens ont célébré la circonstance.

« Aujourd’hui, comme il y a quatre ans, je reste convaincu que l’adoption d’un accord politique plutôt que d’une solution militaire a été le choix le plus juste », a déclaré le président macédonien Branko Crvenkovski lors de la commémoration de la signature des Accords.

Selon Crvenkovski, « le fait que la Macédoine soit un pays stable et libre de toute menace contre son intégrité territoriale, sa souveraineté et son caractère unitaire est tout aussi important. Les perspectives euro-atlantiques claires et tangibles de la Macédoine confirment qu’elle a pris la bonne direction. »

Décentraliser plutôt que scinder

Le conflit a éclaté au début de l’année 2001 et a duré huit mois avant que la communauté internationale ne mène les parties à la table des négociations au moyen de fortes pressions et d’une intense activité diplomatique. Du côté macédonien, soixante personnes ont perdu la vie. Du côté albanais, le nombre des victimes est toujours inconnu. Si le conflit est resté limité dans ses conséquences en termes de vies humaines (par rapport aux autres conflits de l’ex-Yougoslavie), il a causé d’énormes dégâts matériels et une importante émigration forcée. Beaucoup de villages ont été brûlés. Environ deux mille personnes, majoritairement des Macédoniens, ont fui durant le conflit et n’ont pas encore réintégré leurs habitations.

Les Accords d’Ohrid ont modifié l’organisation constitutionnelle et politique du pays, afin de garantir des normes plus élevées pour les droits des communautés minoritaires en Macédoine. Le principal instrument créé à cet escient fut un processus intense de décentralisation qui a transféré au niveau local certaines compétences précédemment attribuées au pouvoir central. Dans ce sens, les Accords d’Ohrid ont mené à une meilleure coordination des communautés sans altérer le caractère unitaire du pays. La disposition la plus connue des Accords d’Ohrid est qu’il ne peut y avoir aucune solution territoriale à la question ethnique.

La partie normative de la transposition légale des Accords est parvenue à son aboutissement en juillet dernier avec l’introduction de la loi sur l’usage des drapeaux des minorités. Ce processus normatif a rencontré son obstacle majeur l’année dernière, lorsque l’opposition tenta de bloquer par un référendum l’adoption de la loi réformant les circonscriptions territoriales.

« La route vers Bruxelles passe par Ohrid »

« Il y a beaucoup d’obstacles, poursuit Crvenkovski, mais le prix est incomparablement plus bas que celui que nous aurions dû payer si nous avions accepté une guerre civile sanglante. Aujourd’hui, les Accords d’Ohrid constituent un concept largement réalisé. Ce n’est plus un objectif mais une réalité sociale. »

« L’accord a définitivement atteint ses objectifs », a affirmé le premier ministre Vlado Buckovski à l’agence officielle MIA. « Cela aurait été encore mieux si nous avions effectué plus rapidement la transposition légale des Accords. En effet, il est devenu clair que les messages provenant de la communauté internationale - c’est-à-dire que la route de la Macédoine vers Bruxelles passe par Ohrid - se sont révélés être une réalité. »

Mais tous ne partagent pas les déclarations du gouvernement sur les accords de paix et sur leur transposition.

Aleksandar Bicikliski, le porte-parole du principal parti macédonien d’opposition, le VMRO-DPMNE, déclare que « dans l’optique d’atteindre complètement les objectifs des Accords, ce qui doit être obtenu au plus tôt est le retour des déplacés, une collecte complète des armes et la fidélité à l’Etat. » Le VMRO-DPMNE veut que les Albanais montrent leur fidélité à l’Etat plutôt que d’avancer constamment de nouvelles exigences. [...]

Ali Ahmeti, dirigeant de la Ligue Démocratique pour l’Intégration (BDI, composante albanaise de la coalition gouvernementale) et ex-leader de la guérilla albanaise, déclare à propos des quatre années passées depuis la signature des Accords : « quand on travaille, on n’est pas toujours satisfait de ce qu’on a fait. Nous cherchons à apporter de nouvelles idées. »

Le BDI est le seul parti à avoir officiellement célébré l’anniversaire des Accords d’Ohrid. Les dirigeants du bloc macédonien ne se sont pas beaucoup fait remarquer aux célébrations. Les représentants étrangers en Macédoine se sont quant à eux progressivement éclipsés au fil des ans.

Ce fait est un indicateur en soi des différentes interprétations des Accords d’Ohrid. Les Macédoniens perçoivent surtout les Accords comme une défaite (ce qui a été perdu varie d’une opinion à l’autre). Les Albanais ont un sentiment ambigu : certains apprécient les Accords en tant que vecteurs de progrès mais se plaignent de leur trop lente application. Enfin, les sentiments dépendent du versant politique auquel on appartient : gouvernement ou opposition.

« Reproduire l’ancien système »

« Au cours des quatre dernières années, seul un fragment des Accords a été mis en application, par des éléments qui ne correspondent pas à l’esprit du texte », soutient Iljaz Halimi, vice-président du PDSh, le Parti Démocratique des Albanais, qui figura parmi les signataires des Accords et qui fut ensuite relégué dans les rangs de l’opposition.

« L’accès de la langue albanaise au statut de langue officielle, la décentralisation, la nouvelle division territoriale, la représentation proportionnelle [des Albanais dans l’administration publique] et l’amnistie [des combattants] sont un véritable désastre. Le camp macédonien s’arrange pour reproduire l’ancien système de relations et le BDI montre une incompréhensible coopération », ajoute Halimi.

Abduladi Vejseli, le président du PDP, le second parti albanais d’opposition, considère également que les demandes albanaises sont perpétuellement remises à plus tard. « La Constitution n’est pas un texte sacré. Nous devons perpétuellement l’adapter à la réalité et aux spécificités. Des amendements et des mises à jour sont nécessaires. »

Pour Ljubomir Frckovski, un analyste politique qui figura parmi le comité d’experts qui réalisa le brouillon des Accords d’Ohrid, l’élargissement continu du texte par les demandes récurrentes des Albanais est un motif de frustration pour le camp macédonien.

Le professeur Denko Maleski, ancien ambassadeur de Macédoine à l’ONU, considère ce processus comme la normale et douloureuse naissance d’une véritable société multiethnique. « Au plus tôt nous réaliserons cela, au plus tôt nous soignerons l’apathie de masse qui a étouffé les Macédoniens », a-t-il déclaré au webzine Transitions Online.

Lors des célébration de 2003, feu le président Boris Trajkovski, partisan du processus de paix qui aboutit aux Accords d’Ohrid, avait décrit l’initiative comme « un contrat essentiel qui, sur la question ethnique, ferme la porte aux solutions de type territorial, qui donne un caractère unitaire et multiculturel à la Macédoine, et qui portera peut-être le pays vers l’Europe. »

En attendant ce jour-là, on espère assister à d’autres anniversaires des Accords, fussent-ils sombres et désagréables.

 

Islam de Macédoine : la pente dangereuse de la radicalisation
Traduit par Thomas Claus

Publié dans la presse : 17 août 2005
Mise en ligne : mercredi 24 août 2005

Des divisions profondes minent la Communauté islamique de Macédoine. Une aile radicale guidée par l’ancien mufti de Skopje cherche à prendre le pouvoir. Mais d’autres imams résistent à la dérive extrémiste. Le tout devant le silence du gouvernement et de la communauté internationale.

Par Risto Karajkov

Depuis plus d’un an maintenant, la Communauté islamique de Macédoine est lacérée de divisions internes. L’organisation, qui représente les croyants musulmans du pays, a même connu au cours des derniers mois des affrontements de plus en plus violents : passages à tabac, enlèvements, menaces, autant de signaux perçus comme alarmants et préoccupants par les autorités locales et les services de renseignement occidentaux.

Il est difficile de se faire une idée précise des événements, puisque les personnes impliquées sont réticentes à donner des interviews et faire des déclarations publiques. Mais il est à présent évident que la Communauté islamique de Macédoine risque de connaître un véritable schisme.

Tout porte à croire qu’une aile radicale, guidée par le controversé Zenun Berisha, ancien mufti de Skopje, cherche à prendre la tête de la Communauté sans se préoccuper des moyens qu’elle déploie pour atteindre cet objectif.

Le mufti contesté

Zenun Berisha a été élu mufti de Skopje il y a plusieurs années, lors d’élections dans lesquelles beaucoup ont perçu de la manipulation, mais qui ont néanmoins été reconnues par le Reis-ul-Ulema Arif Emini, principal représentant de la communauté musulmane du pays. Berisha a ensuite été accusé d’avoir géré sa charge en autocrate. Il y a deux ans, par exemple, il a bloqué le salaire des imams pour ne pas avoir reçu leur soutien à l’une de ses propositions.

Berisha a préféré travailler avec un cercle fermé de personnes à sa solde. La persistance de cette situation a conduit la communauté des imams à demander au Reis Emini la révocation de Berisha. En octobre dernier, 150 religieux ont signé une pétition allant dans ce sens. Sans résultat.

Les imams « dissidents » ont poursuivi leur action en élisant celui qui devait être le successeur de Berisha, Taxhedin Beslimi. Mais ce dernier n’est jamais entré en fonction. Berisha a refusé de lui céder son poste. De son côté, le Reis Emini a adopté une position en retrait et n’a, de fait, jamais levé d’obstacles contre Berisha. Il s’est réfugié derrière des raisons de santé (ce que, selon les imams, il fait souvent quand la situation est difficile) et a évité les journalistes. Beaucoup estiment que le Reis Emini s’est comporté ainsi afin de protéger sa vie.

En septembre 2004, selon un article publié dans la presse macédonienne, des hommes armés liés à Berisha auraient fait irruption dans les bureaux de la Communauté islamique et auraient menacé Emini avec des armes pour le pousser à engager des étrangers proches de l’univers du fondamentalisme islamique.

La médiatisation du conflit

Cette information, qui n’a jamais connu de confirmation officielle, est restée confinée aux pages internes des médias macédoniens. Mais le choc médiatique est venu de la publication par plusieurs quotidiens nationaux d’une interview de Claude Moniquet, un expert de l’ESISC [1], un think tank établi à Bruxelles et spécialisé dans les questions de sécurité et de renseignement.

« Il pourrait s’agir du début de quelque chose de très dangereux », affirmait Moniquet, avant d’inviter les services de sécurité macédoniens à surveiller la situation. L’expert pointait en particulier la madrasa (école islamique) du village de Kondovo (près de Skopje), financée par des pays arabes.

« Selon plusieurs services de renseignement européens, Berisha joue le jeu des Saoudiens, comme d’autres personnes en Europe orientale et occidentale, en favorisant l’apparition d’un Islam fondamentaliste dans les Balkans », soutenait Moniquet. « Cela ne signifie naturellement pas que Berisha est un terroriste, ou qu’il est lié à des terroristes. Cela signifie qu’il essaie, pour des intérêts personnels et religieux, de promouvoir un Islam radical en Macédoine. » [2]

En réponse à cette interview, Berisha a qualifié le tout de « non fondé », ajoutant que Claude Moniquet « savait mieux que tout le monde où il avait pris ces informations. »

Suite à la publication de cette interview, le ministre macédonien de l’Intérieur s’est contenté de confirmer qu’il y avait des craintes liées à l’implantation d’un Islam radical en Macédoine. « Nous surveillons toutes les activités liées à la pratique de l’Islam radical dans le pays », a affirmé son porte-parole, Goran Pavlovski, en expliquant qu’il ne pouvait alors pas donner plus de détails.

Un climat de peur

Au cours des mois suivants, la division au sein de la Communauté islamique a continué à s’approfondir. Taxhedin Beslimi, le successeur de Berisha, n’a jamais eu la possibilité d’entrer de facto en fonction, puisque le Reis Emini ne lui a jamais donné de mandat en ce sens. Les imams dissidents ont occupé à plusieurs reprises les bureaux de la Communauté islamique pour mettre le Reis sous pression et pour faire en sorte que Berisha ne prenne pas le contrôle total du pouvoir central.

De nouvelles élections ont été programmées à la mi-juin dans la madrasa de Kondovo pour désigner le nouveau mufti de Skopje. Mais le scrutin a été interrompu par des hommes armés qui auraient tiré en l’air, ainsi que menacé et frappé Arif Emini. Ces informations sont cependant le fruit de déclarations fragmentaires dont les sources ont requis l’anonymat.

Quelques jours plus tard, le Président de l’assemblée de la Communauté islamique, Metin Izeti, a démissionné en avançant « l’impossibilité de remplir sa fonction. » La semaine suivante, le Reis Emini a pris la même décision, pour les mêmes raisons mais aussi pour des problèmes de santé. La Communauté islamique est donc à présent dépourvue de guide.

Les imams qui avaient entrepris la résistance contre Berisha ont formé un groupe dont le but est de maintenir une présence stable dans les bureaux de la Communauté en la surveillant jour et nuit.

« Que faire d’autre pour éviter que les bureaux soient occupés par le groupe qui a interrompu les élections, ou par Berisha, ou par son fils ? », demande Muarem Veseli, meneur du groupe et voix émergente depuis le début des troubles.

Le silence des autorités

Veseli qui, avec quatre autre imams, a été bloqué le deux juillet dernier par un groupe armé alors qu’il rentrait d’un mariage. Tous ont été lourdement frappés. Veseli, qui a le plus souffert de l’agression, a été hospitalisé.

« Ils nous demandaient en hurlant si nous étions ceux qui allaient à la télévision pour attaquer l’Islam radical. Ils nous ont tiré hors de la voiture et nous ont frappé », a déclaré l’une des cinq victimes.

« Les personnes qui nous ont attaqué étaient sûrement des représentants de l’Islam radical, ou, comme nous les appelons, des Wahhabites. Ils soutiennent Berisha, qui essaie depuis un an de prendre le contrôle de la Communauté islamique », a affirmé un autre des imams, Saban Ahmeti, dans une déclaration pour la presse écrite.

Au cours des jours suivants, les représentants de la Communauté islamique ont élu comme président ad interim Ruzhdi Ljata, un imam de Debar. Sa fonction aurait été de guider la Communauté jusqu’aux élections prévues pour la fin du mois de juillet. Mais dix jours après sa nomination, Ljata a donné sa démission en expliquant avoir reçu des menaces de mort et avoir été suivi régulièrement par des inconnus.

Récemment, Ali Ahmeti, le leader du BDI (Union Démocratique pour l’Intégration, qui représente la communauté albanaise dans la coalition gouvernementale), a rencontré Fatos Nano, le leader du parti socialiste albanais à Korca, en Albanie. Les deux hommes se sont dits préoccupés par l’apparition de « musulmans radicaux » à Kondovo.

Après plus d’un an de turbulences, les affrontements au sein de la Communauté islamique de Macédoine semblent encore éloignés de toute conclusion. Une escalade est même toujours possible. Jusqu’à présent, le gouvernement et la communauté internationale se sont contentés d’observer le cours des événements. Cela est dû en partie à la tendance de la Communauté islamique à résoudre ses problèmes à huis clos. Mais les autorités gouvernementales ne semblent pas parvenir à se décider sur une position à assumer dans ce débat interne à une communauté religieuse.

_______________

[1] European Strategic Intelligence and Security Center

[2] Cette déclaration a connu et continue à connaître une grande fortune dans la presse macédonienne. Elle est souvent citée en omettant les précautions que le spécialiste avait ajoutées.

 

Macédoine : découverte d’un plan secret de partage du pays
Traduit par Yves Tomic

Publié dans la presse : 8 juin 2005
Mise en ligne : mardi 14 juin 2005

Une interview du leader du Parti démocratique des Albanais de Macédoine (PDSH), Arben Xhafëri, dans lequel il reconnaît avoir planifié avec l’ancien Premier ministre et chef du VMRO-DPMNE, Ljubco Georgievski, le partage selon des lignes ethniques du pays, a provoqué de vives réactions en Macédoine.

Par D. Joksic

Les acteurs interpellés par cette question, les partis, les médias mais aussi le procureur général Aleksandar Prcevski ont fait connaître leurs positions. Ce dernier a fait savoir qu’une procédure concernant cette affaire était déjà ouverte. On saura si il y a suffisamment d’éléments pour des poursuites pénales une fois que l’entretien contesté aura été complètement analysé et lorsque le bureau du procureur aura rassemblé d’autres preuves.

Dans un entretien accordé à la télévision de Pristina, Koha Vision, Xhafëri a reconnu qu’après sa victoire aux élections parlementaires de 1998, le Premier ministre d’alors, Ljubco Georgievski et lui avaient échafaudé un plan secret sur le partage pacifique de la Macédoine. Mais sa mise en application a été entravée par la guerre qui a éclaté en 2001. Xhafëri a par ailleurs déclaré que les autorités de Belgrade avaient été consultées à l’époque à propos de ce plan.

« Nous en avons discuté la première fois en mai 2001, mais Xhafëri avait refusé de parler d’échanges de territoires et de populations de telle sorte que les discussions en sont restées là » a déclaré pour sa part Georgievski.

Un pacte secret sur le changement des frontières avait déjà été conclu en 1993 à Vienne lors d’une réunion commune du Comité macédono-albanais dont l’objectif principal était la division de la Macédoine en deux cantons, l’un albanais et l’autre bulgare, qui auraient été rattachés respectivement à l’Albanie et à la Bulgarie.

Les membres de ce Comité étaient des personnalités connues des émigrations macédonienne et albanaise, et le devoir de réaliser cet accord revenait à Georgievski et à Xhafëri.

Le promoteur principal, l’inspirateur et le financier de ce plan du côté macédonien était Georgi Mladenov Goso, le chef de la fraction ayant opéré une scission au sein de l’Organisation patriotique macédonienne au Canada, défendant ouvertement l’option bulgare vis-à-vis de la Macédoine et de la question nationale macédonienne. Ce riche émigré macédonien, âgé alors de 66 ans, avait reconnu publiquement en 1998 dans l’hebdomadaire de Skopje Fokus qu’il se prononçait pour la division de la Macédoine entre la Bulgarie et l’Albanie. « Je n’ai jamais contesté que le pays macédonien était bulgare et le peuple macédonien bulgare... Toute action violente à l’encontre de la population albanaise serait anormale et infondée sur le plan du Droit. On n’arrive à rien avec la violence. C’est pourquoi il faut s’asseoir et discuter ouvertement de quelle Macédoine nous voulons, jusqu’au jour de son unification avec la Bulgarie. » avait déclaré Mladenov.

Cette reconnaissance publique avait seulement confirmé ce que l’on savait déjà avant en Macédoine : les émigrations macédonienne et albanaise échafaudent des plans, dessinent des cartes, refont les frontières, partagent les Etats, les régions, les villes et les villages, déplacent les lignes ethniques.

L’engagement de Georgievski pour le changement des frontières et la création d’Etats ethniquement purs, à savoir pour l’échange de territoires dans le but prétendument de régler les conflits ethniques entre les Macédoniens et les Albanais, a suscité de nombreuses critiques dans l’opinion publique. Hier, comme aujourd’hui. Car cela conduit inévitablement à une nouvelle guerre et à un bain de sang.

Ali Ahmeti a refusé l’offre de l’Académie macédonienne des sciences et des arts.

L’homme que les Macédoniens regardaient en 2001 à travers le viseur, et aujourd’hui le chef du parti appartenant au gouvernement de coalition, l’Union démocratique pour l’intégration, Ali Ahmeti, a dévoilé que du siège de l’Académie macédonienne des sciences et des arts (MANU) on lui avait proposé le partage de la Macédoine au moment de la crise militaire de 2001.

« Je suis le seul qui en 2001 a démasqué le document secret sur le partage que m’a proposé sous forme écrite le président de l’Académie d’alors, Djordji Efremov, qui se trouvait à cette position du temps où Ljubco Georgievski était chef du gouvernement. Selon cette proposition, Lipkovo devait être rattaché au Kosovo, Debar à l’Albanie et ma localité natale Zajas serait restée en Macédoine de telle sorte que je sois satisfait en tant que chef de l’Armée de libération nationale. J’ai refusé cet accord. Je ne pouvais dire au gens qui auraient été déplacés d’un territoire à l’autre de transporter avec eux les tombes de leurs ancêtres » a déclaré Ahmeti.

Echange territorial

Georgievski et Xhafëri, anciens partenaires au pouvoir, l’un du bloc politique macédonien , l’autre du bloc albanais ont bien avant cet affaire avancé l’idée du partage de la Macédoine.

Georgievski s’est prononcé pour des échanges de territoires et la création d’Etats ethniquement purs, tandis que Xhafëri luttait également pour l’indépendance du Kosovo qui était, selon lui, l’une des préconditions à l’unification de tous les Albanais des Balkans.

 

Rroms de Macédoine : des progrès en vue ?
Traduit par Thomas Claus

Publié dans la presse : 16 mai 2005
Mise en ligne : vendredi 3 juin 2005

La Macédoine veut s’affirmer comme modèle en ce qui concerne l’intégration des Rroms. Le gouvernement se dit déterminé à prendre des mesures pour améliorer leur situation. Sur le terrain, des progrès s’accomplissent, mais il reste du chemin à parcourir.

Par Risto Karajkov

73% des enfants rroms de Macédoine qui s’inscrivent à l’école primaire ne finiront pas ce cycle, selon les statistiques. En 1993, seulement trois Rroms étaient inscrits à l’université en Macédoine. A présent, grâce à l’instauration d’un quota destiné à soutenir l’accès de cette communauté à l’enseignement supérieur, mais aussi grâce à l’apparition de nombreuses universités privées, les étudiants universitaires rroms sont environ 150. Mais beaucoup d’entre eux n’auront jamais leur diplôme.

Ces chiffres crus ne donnent pourtant pas une bonne description de la réalité. Les statistiques sont souvent aveugles, et celles qui concernent les étudiants universitaires rroms sont particulièrement trompeuses. En effet, beaucoup d’étudiants se déclarent rroms uniquement pour jouir des avantages garantis à cette communauté.

« Nous nous sentons victimes des abus opérés dans le système des quotas et de ces étudiants qui se déclarent rroms sans l’être », explique Redzep Ali Cupi, étudiant rrom. Redzep suggère que, lors de l’inscription à l’université, l’appartenance à la communauté rrom ne se fonde pas seulement sur une déclaration personnelle, mais soit également prouvée par des données demandées aux écoles supérieures.

Le parcours de Rafiz est différent. « J’ai fait quatre ans d’école, puis je n’ai plus eu les moyens de me procurer les livres », explique-t-il. Rafiz est un enfant. Il vit dans les rues du centre de Skopje. Son frère, Sali, n’a même pas commencé l’école. Leur travail quotidien est de mendier. A deux, ils gagnent cinq euros par jour.

« Le problème majeur est que, souvent, les enfants rroms sont inscrits à l’école avec beaucoup de retard. Certains parents ne les inscrivent même jamais. A cela s’ajoute un taux très élevé d’abandon », affirme Dragan Nedeljkovic, membre d’une institution d’état qui s’occupe de l’instruction des minorités.

« Il peut arriver qu’il y ait dans une famille trois ou quatre enfants en âge d’aller à l’école. Les livres et le matériel scolaire sont très coûteux. Il est impossible pour les parents de soutenir ces dépenses », expose Saip Iseni, directeur d’une école élémentaire située à Suto Orizari, une municipalité du district de Skopje où réside la plus grande communauté rrom de Macédoine.

Rompre le cercle vicieux

Beaucoup de projets et d’organisations travaillent sur le thème de l’éducation des enfants rroms. Mais rompre le cercle vicieux est difficile. Pour combattre le phénomène d’abandon des études, chaque étudiant universitaire dispose de 60 dollars par mois et d’un tuteur, mis à sa disposition par l’USAID, une structure américaine d’aide au développement.

Il y a 54.000 Rroms en Macédoine, mais ce nombre est discutable vu l’ambiguïté de la déclaration ethnique qui le fonde. Parmi eux, 17.000 sont sans emploi et 14.000 ne parviennent pas à satisfaire leurs besoins fondamentaux. Selon d’autres données, 85% des Rroms bénéficient d’aides sociales.

La famille de Raim Haim est constituée de dix personnes qui vivent dans une pièce de dix mètres carrés à Topana, le faubourg le plus pauvre de Skopje. Raim subvient à leurs besoins en jouant de l’harmonica dans la rue. Il est le seul de la famille à gagner de l’argent : cinq euros les bons jours. Aucun membre de sa famille ne bénéficie de l’assistance sociale.

« Nous ne savons pas où demander pour obtenir l’aide sociale. Il faut beaucoup de documents. Nous ne les avons pas et nous ne savons pas où les obtenir. C’est une vraie misère de n’avoir aucune éducation », souffle Raim.

Les emplois les plus fréquents chez les Rroms sont le petit commerce, le recyclage des déchets, la mendicité. Généralement, les femmes sont employées de maison.

L’intégration des Rroms devient un thème politique

Récemment, le gouvernement a publié une Stratégie nationale pour les Rroms, à l’occasion de la Journée internationale pour les Rroms, le 8 avril dernier. Cette journée internationale s’est développée suite aux engagements pris par la Macédoine et neuf autres pays d’Europe centrale et orientale, dans le cadre du programme de la « Décennie pour l’intégration des Rroms », promue par le Banque Mondiale, la Fondation Soros et les gouvernements hongrois et bulgare. La stratégie macédonienne se concentre sur quatre priorités : le logement, l’éducation, l’emploi et la santé.

« Les Rroms de Macédoine doivent affronter de nombreux problèmes, tous liés à la pauvreté, au manque d’instruction et aux mauvaises conditions de vie », a affirmé le Premier ministre, Vlado Buckovski, en lançant le programme national. « Nous devrons tous collaborer pour soutenir leur intégration dans la société. »

Buckovski a ajouté que « la Macédoine sera sans doute un exemple dans la région, pour ses succès dans l’intégration des Rroms. » Il a ensuite rappelé l’évolution positive qui se vérifie selon lui depuis quelques années. Il ne se lasse pas d’en répéter les manifestations : la Constitution macédonienne reconnaît les Rroms en tant que peuple ; c’est en Macédoine que l’on trouve le seul maire rrom d’Europe ; un député rrom siège au Parlement. Par ailleurs, on trouve dans le pays plusieurs chaînes de télévision privées gérées par des Rroms, ainsi que de nombreuses ONG rroms qui collaborent régulièrement avec le Gouvernement.

Mais pour Ramandan Pilji, membre de l’ONG rrom Mesecina, « le gouvernement n’a pas fait grand-chose pour les Rroms jusqu’à présent ». Il affirme ne pas être satisfait, « mais nous sommes optimistes et voulons rester confiants. Nous devrons travailler dur au cours des prochaines années. »

Les ONG rroms sont souvent accusées de ne pas se comporter de manière responsable vis-à-vis de leur propre communauté, d’être corrompues et gérées par des individus qui placent leur intérêt personnel avant celui de la population qu’ils affirment aider, de détourner l’aide fournie - même tardivement - à la minorité rrom par la communauté internationale.

Récemment, la représentante de la Banque Mondiale en Macédoine, Sandra Blumencamp, a remis au pays le titre de leader régional de l’intégration des Rroms. Un rapport rédigé récemment par des députés européens et portant sur la situation des Rroms a lui aussi émis des commentaires positifs.

Mais, au-delà des apparences, il y a de quoi s’interroger. Une question rhétorique revient souvent : les Rroms sont-ils victimes de la discrimination parce qu’ils sont pauvres, ou sont-ils pauvres à cause de la discrimination qu’ils subissent ?

Les Macédoniens répondront que les Rroms ne subissent pas de discrimination dans le pays. Comment le pourraient-ils, s’ils jouissent des mêmes droits que les autres citoyens ? Pourtant, on ne voit pas les Rroms fréquenter les mêmes bars que les Macédoniens...

L’égalité est-elle une question de théorie ou de pratique ? Les Rroms ont encore une longue route à parcourir avant d’être de facto égaux aux autres citoyens. Là-dessus, tout le monde est d’accord.

 

Utrinski Vesnik
La Macédoine ignore (dangereusement) les réalités du Kosovo
Traduit par Viktor Zakar

Publié dans la presse : 20 mai 2005
Mise en ligne : mercredi 1er juin 2005

Si le Kosovo regarde vers son statut à venir, la Macédoine ne s’en préoccupe guère. La classe dirigeante macédonienne se maintient dans un état de sous-information quant aux réalités d’un voisin direct et partenaire commercial privilégié. Les évolutions au Kosovo ont pourtant toujours des retombées directes sur la stabilité de la Macédoine !

Par Sasko Dimevski

Les Etats-Unis ont récemment présenté leur plan pour l’avenir du Kosovo. La Macédoine n’a, elle, pas encore d’attitude claire à l’égard du statut final de la province. [...] La Macédoine n’a pas encore pensé au statut final du Kosovo. Il ne faut pas qu’elle s’y implique. Mais il faut qu’elle y soit prête, parce que le statut du Kosovo aura une influence sur la situation macédonienne.

Le gouvernement participe actuellement aux négociations de libre échange avec le Kosovo. Mais cela ne constitue pas grand-chose, et on peut considérer que l’essentiel des rapports entre Kosovo et Macédoine n’a toujours pas été traité sérieusement. La question du Kosovo a jusqu’ici été traitée par les fonctionnaires macédoniens de réunion en réunion avec des représentants de la MINUK et les autorités intérimaires kosovares. Toutes les tentatives d’approches plus flexibles ont été vivement critiquées.

Pourtant, les dernières semaines ont laissé apparaître deux problèmes importants entre la Macédoine et le Kosovo : le tracé de la frontière et le régime douanier. Cela montre que nous avons une approche peu sérieuse du problème, voire que nous n’avons pas les informations adéquates sur la politique, l’économie et la sécurité du Kosovo.

Résultat : nous nous surprenons quand sont annoncées des mesures telles que le renforcement du régime douanier et les nouveaux droits de douane pour les produits macédoniens. Le président Branko Crvenkovski a interprété ce mouvement comme l’introduction de visas, à la différence du premier ministre qui y a vu une mesure de lutte contre la criminalité.

Une ignorance totale de la réalité

Le fait le plus frappant est que, six ans après l’adoption de la Résolution 1244 des Nations Unies, nul en Macédoine ne connaissait les détails techniques de ce document, ni ne savait qu’en vertu de cette résolution, la MINUK n’est pas compétente pour fixer la démarcation de la frontière.

Les dirigeants macédoniens ne savent donc pas encore quelle attitude adopter à l’égard du Kosovo. Il se pourrait pourtant que, avant que la Macédoine ne prenne position, le Kosovo atteigne les standards imposés par l’ONU et constitue ses ministères de Justice et de l’Intérieur grâce à la MINUK.

Non seulement la Macédoine ne possède pas d’informations de qualité, ni les analyses et les estimations requises pour sa politique régionale, mais en plus elle reste indifférente à ce problème. La plupart du temps, les dirigeants politiques macédoniens ne fondent leurs opinions que sur des informations provenant des services secrets. Ces informations étant centrées sur les questions de sécurité, les dirigeants n’ont presque pas d’informations concernant les courants économiques et la situation politique de la province.

Réorganiser la représentation macédonienne à Pristina

Un haut fonctionnaire gouvernemental considère qu’il vaudrait mieux que la Macédoine envoie un diplomate de grande expérience au Kosovo, ainsi qu’une équipe, au lieu d’avoir un représentant économique à Pristina. Les membres de cette équipe n’auraient pas le statut de représentants diplomatiques à cause de la situation indéfinie de la province. Mais, ce qui compte, c’est que ces experts pourraient informer la Macédoine de ce qui se passe au Kosovo. Ils aideraient également la Macédoine à se préparer le mieux possible à l’évolution du statut de la province et à toutes les mesures qui en suivront.

De telles expériences existent déjà. Le meilleur exemple est celui de la Slovénie, qui construit d’excellentes relations aussi bien avec le Kosovo et qu’avec la Serbie.

Il est nécessaire que la Macédoine surmonte son complexe de supériorité et son ignorance vis-à-vis de toute les propositions venant du Kosovo. Mais aussi qu’elle adopte une approche plus sérieuse et plus pragmatique pour protéger les intérêts de ses citoyens, déclare le même haut fonctionnaire gouvernemental.

Un point important est de comprendre que, lors des négociations qui seront entamées par le vice-Premier Ministre Minco Jordanov, la Macédoine aura en face d’elle un négociateur sérieux, qui ne lui concèdera pas l’accord qu’elle désire actuellement (sur le modèle de l’accord de libre échange avec la Serbie et Monténégro). On devrait plutôt aboutir à un accord établissant des droits de douane minimaux. Le gouvernement devra aussi travailler sur la démarcation de la frontière. Enfin, si le régime douanier devait se transformer en un nouveau système de visas, une mesure réciproque pourrait être prise à l’égard des citoyens du Kosovo.

 

Vecer
Un mémorial dédié à Tito à Skopje !
Traduit par Belgzim Kamberi

Publié dans la presse : 9 mai 2005
Mise en ligne : mardi 17 mai 2005

Le président de la République mécédonienne, Branko Crvenkovski, envisage la constrution d’un mémorial dédié à Tito à Skopje. Celui-ci, selon le président, permettrait enfin d’accepter le passé proche de la Macédoine et d’envisager l’avenir du pays sans polémique partisane.

Que l’on construise un mémorial en l’honneur de Josip Broz Tito : c’est là ce que demande le Président de la République Branko Crvenkovski au Premier ministre Vlado Buckovski et au maire de Skopje Trifun Kostovski.

Il y a quelques jours, il leur a envoyé une lettre dans laquelle il explique les raisons qui le poussent à croire qu’il est nécessaire de faire édifier un tel monument dédié à la mémoire de Tito. « Il en va du courage civique de chaque peuple d’avoir une attitude respectueuse envers sa propre histoire, quelles que soient les réalités de celle-ci. Josip Broz Tito a sans nul doute toute sa place dans l’histoire du peuple et de l’Etat macédoniens. Broz Tito est l’un des leaders incontestés de la lutte contre le fascisme au cours de la Deuxième guerre mondiale. De plus, Josip Broz Tito est une personnalité historique qui a joué un rôle des plus positifs dans le règlement de la question nationale macédonienne et l’édification de l’Etat macédonien », explique Crvenkovski dans son initiative écrite.

Le Président de la République a fait cette proposition précisément au moment où l’on célèbre le 60ème anniversaire de la victoire contre le fascisme. « La République de Macédoine et le peuple macédonien, de même que l’ensemble de ses citoyens se joignent de plein droit et selon leur mérite à cette célébration. Notre peuple a été un membre actif de cette lutte et sa contribution à la victoire finale et à la libération de notre patrie avec ses propre forces a été immense. Dans le même temps, c’est précisément grâce au mouvement de libération nationale qu’ont été créées les conditions de l’émergence de l’Etat macédonien d’aujourd’hui. Sur ces bases, et à l’occasion du soixantième jubilée de la victoire contre le fascisme, je prends l’initiative de la création d’un monument dédié à Josip Broz Tito à Skopje, la capitale de la République de Macédoine. Qui plus est, je rappelle que cette initiative ne doit en aucun cas être ramenée au contexte de l’idéologie défendue par Josip Broz, et il ne faut y voir aucun rapport avec notre ancienne fédération étatique. D’ailleurs, il ne faut jamais étudier le rôle historique joué par une personnalité de façon manichéenne » - c’est ainsi que Crvenkovski a clos son texte.

Vlado Buckovski, le Premier ministre, pense qu’il ne faut pas chercher à fuir le passé proche. « Je pense qu’il est grand temps que nous établissions le bilan de tout ce que le Maréchal a fait pour la Macédoine. Je crois personnellement qu’il a joué un rôle positif dans notre histoire récente, et qu’il fait partie des gens qui ont contribué à nous faire accomplir ce que nous avons accompli », a déclaré Buckovski.

 

 

 

 

Des missiles destinés à une nouvelle guérilla albanaise en Macédoine interceptés en Albanie
TRADUIT PAR PIERRE DÉRENS

Publié dans la presse : 17 décembre 2004
Mise en ligne : mardi 21 décembre 2004

La police albanaise a arrêté quatre personnes qui faisaient passer illégalement dans le pays des missiles sol-air, qui auraient été destinés aux séparatistes albanais de Macédoine.

Par Neil Barnett

La saisie en Albanie de trois missiles sol-air portables à l’épaule, destinés en principe aux séparatistes albanais de Macédoine, suscite la crainte de nouvelles menaces pour la sécurité de la région.

Les missiles SA-7B Strela ont été interceptés le 13 décembre. On pense qu’ils proviennent de Bosnie ou de Serbie et qu’ils étaient destinés à la Macédoine, où les rebelles albanais ont mené un bref conflit contre les autorités en 2001.

La police albanaise a arrêté quatre personnes - Sokol Mujaj, Ilim Isufi, Armir Troshani et Mentor Cani -- avec les missiles, peu de temps après leur entrée dans le pays en provenance du Monténégro.

Bajram Ibraj, directeur général de la police albanaise explique : « Quatre hommes ont été pris avec les missiles, sur la route de Vlora à Rinas. Ils se trouvaient dans une camionnette d’une compagnie faisant le commerce de saucisses. L’opération de la police avait été bien préparée. Nous continuons à rechercher l’origine et la destination des missiles, et nos correspondants au Monténégro mènent aussi l’enquête ».

On a dit qu’un groupe séparatiste albanais, actif en Macédoine et au Kosovo, aurait passé commande des missiles. Un Bosniaque aurait accepté le marché, fournissant les armes à partir d’un groupe ayant des liens islamistes et de cercles mafieux.

Les missiles Strela, fabriqués en Russie, et d’autres missiles sol-air (SAM) sont une réelle menace pour l’aéronautique civile et militaire. Des missiles identiques ajustés à l’épaule ont été lancés, sans succès, contre un avion d’Israël à Mombasa en 2002 et une version plus sophistiquée, Strela 3, a frappé un avion-cargo DHL qui allait atterrir sur l’aéroport de Bagdad en 2003.

Nouvelle guérilla en Macédoine

Les extrémistes albanais de Macédoine ont beaucoup augmenté leurs activités militaires ces trois derniers mois.

Ils ont essayé de se procurer des SAM de diverses provenances, pour s’en servir contre les drones de surveillance et les hélicoptères macédoniens d’attaque. Il y a aussi eu une hausse du recrutement, des fonds locaux et internationaux et de l’achat de matériel médical. Depuis 2001, les réseaux de communication de la radio des insurgés se sont faits de nouveau entendre.

Depuis la mi-novembre, les tensions sont montées d’un cran en Macédoine, lorsque 300 Albanais armés sont apparus dans le village de Kondovo, près de Skopje. Depuis, ils ont pris le contrôle du village, creusant des tranchées, sans qu’interviennent les forces de sécurité.

On ne sait pas ce que veulent ces combattants, ni ce qu’ils représentent.

Le ministre de l’Intérieur de Macédoine les présente comme un groupe de criminels, et la presse locale se demande s’il ne s’agit pas d’Islamistes venus de l’étranger et liés à la medresa (école religieuse) Isa Beg de Skopje, qui est située dans le village de Kondovo.

Pour certains il s’agit simplement de chômeurs manifestant leur mécontentement, ainsi que le soutient le dirigeant de l’Union démocratique pour l’intégration (BDI-DUI), membre de la coalition au pouvoir, Ali Ahmeti, qui souligne la déplorable situation économique du pays.

Quelles que soient les personnes qui se cache derrière l’incident de Kondovo et l’interception des armes, les analystes expliquent que l’engagement politique non achevé, les frontières poreuses, une législation faiblement mise en œuvre et un abondant marché des armes, sont autant de facteurs qui menacent la stabilité des Balkans.

L’annonce de la saisie des missiles a été faite au cours d’une conférence régionale à Tirana sur le trafic des petites armes de poing dans l’Europe du sud-est, à l’invitation du ministre albanais de La loi et de l’ordre.

Difficile coopération des polices et des services de renseignements de la région

La conférence était organisée par Initiative et coopération en Europe du sud est (SECI), un réseau basé à Bucarest pour la coopération contre le crime organisé. Des responsables de police de toute la région étaient présents.

En plus du SECI, il y a de nombreux séminaires de formation de police, des projets de liaison et d’aide dans la région, avec Interpol, les Nations Unies, l’OSCE en Europe et l’UE. Il n’en demeure pas moins que la lutte contre le trafic des armes doit s’attaquer à un marché colossal.

Un délégué à la conférence, qui a préféré garder l’anonymat, a souligné qu’aucun pays balkanique ne met ses services de renseignement en accord avec la fiabilité des sources. Il est donc difficile au SECI d’évaluer le danger.

Il ajoute que « l’idée d’analyser sérieusement les organisations criminelles - de façon à permettre de prendre tout un réseau plutôt que simplement des individus - est elle aussi nouvelle ».

Non seulement il existe une grande méfiance entre les différentes forces de police nationales, mais il y a aussi bien peu de coopération entre les différentes institutions de sécurité publique d’un même pays.

Cependant, beaucoup de pays de l’Europe du sud-est se battent pour limiter le trafic des armes dans leur pays, en partie pour faire face à des critères d’adhésion très stricts de l’UE, et pour manifester à l’Occident le sérieux de leur engagement contre les gangs du crime organisé.

Il est indéniable que l’Albanie et d’autres pays de la région font des progrès, mais cette amélioration est parallèle à la hausse de l’activité criminelle, qui est même supposée toucher les plus hauts niveaux du gouvernement.

Pour Erion Veliaj, à la tête du mouvement civique albanais Mjaft (Assez) : « Tout le trafic que le gouvernement ne fait pas lui-même, il l’intercepte pour impressionner la communauté internationale ».

Dans le passé, le Premier ministre Fatos Nano avait déjà été accusé de faciliter le trafic des armes pour l’UCK du Kosovo, sur la base de conversations le mettant en cause, en 1997. À la suite de quoi, il aurait dit qu’il était moralement justifiable d’aider l’UCK.

Erion Velaj ajoute : « Les déclarations de Fatos Nano prouvent que des gens au sommet du pouvoir savent comment faire ce trafic, et cela a pu être le cas dans d’autres circonstance. J’ai vu au Rwanda des kalachnikovs fabriquées en Albanie ».

Faire le trafic des armes, de la drogue, des êtres humains par les frontières balkaniques devient de plus en plus risqué. Mais il faudra attendre des années avant que les criminels transnationaux n’estiment que la probabilité d’être pris et jugés est plus forte que l’appât des profits illicites.

 

Amer anniversaire de l’indépendance de la Macédoine
TRADUIT PAR ATHANASE POPOV

Publié dans la presse : 7 septembre 2004
Mise en ligne : dimanche 12 septembre 2004

La Macédoine a fêté le 8 septembre le treizième anniversaire de son indépendance, mais l’avenir du pays est incertain. Un référendum devra être organisé sur la réforme municipale et l’adoption du bilinguisme dans les communes où les minorités représentent au 20%. Cette mesure voulue par les accords d’Orhid risque de transformer la Macédoine plurinationale en État binational.

Par Diana Mladenovska

La Macédoine a fêté le 8 septembre l’anniversaire de son indépendance dans un climat tendu. Les Macédoniens sont préoccupés par le referendum d’initiative citoyenne sur le remodelage des municipalités dans le pays. En effet, en application des accords d’Ohrid et de la politique de discrimination positive imposée par l’UE, toute municipalité où vivent au moins 20% d’albanophones se voit reconnaître l’usage de la langue albanaise comme seconde langue officielle. De ce fait, et après la diminution du nombre des municipalités, certaines villes comme Struga devront devenir binationales. En cas d’issue négative du référendum, l’UE ne prévoit pas de « plan B ».

Ces treize années d’indépendance ont été marquées par l’arrachement indolore du giron de l’ancienne République Fédérative de Yougoslavie, mais aussi par l’incertitude et la peur de l’avenir. Tout cela a été suivi de l’inflation à trois chiffres que l’on connaît, de l’embargo grec au début des années 1990, de la tombée sous l’anonymat, tandis que l’odeur de poudre empestait le voisinage, et que le tourbillon de la transition démocratique emportait à peu près tout, sauf la criminalité et la corruption. Les barrières des visas pour pouvoir voyager, la crise des réfugiés, le conflit interethnique interne, l’attentat manqué contre le premier Président du pays, le décès tragique du deuxième. Tel ne devait pas être le dessein des fondateurs de notre État qui, il y a 13 ans de cela, dans la force de l’âge, ont entrepris de sceller les aspirations et espoirs séculaires de maintes générations de Macédoniens dans le nouvel État. Lequel devait cette fois-là être libéré des chaînes idéologiques du socialisme et de la dépendance des centres de l’entité étatique yougoslave qui a représenté les poumons avec lesquels la Macédoine a respiré pendant près de 50 ans.

Aujourd’hui, à l’occasion du treizième anniversaire du référendum pour une Macédoine souveraine et indépendante, les mêmes personnes, mais avec des cheveux clairsemés et grisonnants, sont encore en politique. Les citoyens sont déçus, affaiblis et désorientés à force d’attendre dans une voie secondaire tandis qu’ils se laissent distancer par certains autres trains que ces mêmes fondateurs de notre État, dans un passé pas si éloigné, assuraient voir se faire traîner vers les fastes de l’Europe par une Macédoine campée dans son rôle de leader de la région. Mais la plus grande source de tourments vient toutefois du dilemme auquel les Macédoniens doivent faire face avec un nouveau référendum, peut-être encore plus décisif que celui qui a été tenu le 8 septembre 1991.

Le référendum était précédé par l’adoption de la Déclaration d’indépendance du premier Parlement macédonien à plusieurs partis politiques, le 25 janvier 1991, tandis la volonté de la nation d’avoir un État indépendant était formellement confirmée par la Déclaration d’acceptation des résultats du référendum, le 17 septembre. L’étape suivante en vue de la consolidation de l’Etat a été l’adoption de la Constitution, le 17 novembre 1991, laquelle a été amendée dix ans plus tard, après le conflit de 2001 et la signature des accords de principe. Le statut de sujet de droit international de l’Etat a été définitivement confirmé le 8 avril 1993, lorsque la Macédoine a été accueillie avec des acclamations à l’Assemblée générale des Nations Unies en tant que 181-ème membre de plein droit de l’organisation internationale. Cependant, à cause de la résistance opposée et des pressions exercées par la Grèce, laquelle n’accepte pas notre nom officiel, nous sommes devenus membres de l’ONU sous l’appellation temporaire de FYROM. 

Le nouvel État et les Albanais

Quoique plus de 95% des 71,65% des citoyens qui sont allés voter aient alors répondu par l’affirmative à la question énoncée en ces termes : « Êtes-vous pour un État macédonien souverain et indépendant, étant en droit de conclure à l’avenir une alliance avec des États souverains issus de la Yougoslavie ? », cela n’a tout de même pas été la volonté de tous les citoyens, puisque les Albanais qui vivent en Macédoine n’ont pas pris part à la consultation électorale. Les Albanais ne sont pas venus non plus à la célébration qui a eu lieu sur la place de Macédoine, dans le centre de Skopje, après le décompte des bulletins du référendum. Au lieu de cela, ils ont organisé leur propre référendum à la va-vite, lequel, bien que raté, a laissé dans l’ombre pendant les années qui ont suivi toutes les tentatives de développement du jeune État et toutes les aspirations des gens qui s’identifiaient à cet État.

Selon beaucoup de gens, les conséquences, pour les Albanais, du fait d’avoir ignoré l’État, de même que l’indifférence de l’État vis-à-vis du silence de la plus grande communauté ethnique, pendant les années qui ont suivi, auraient été d’invalider les pronostics d’un avenir radieux. Kiro Gligorov, le Président de l’époque, déclarait : « Le 8 septembre 1991 est un événement historique en raison du fait que tout ce qui a été gagné pendant la Seconde Guerre mondiale est désormais couronné par le fait que la Macédoine s’en est allée prendre place au sein de la communauté internationale, afin de devenir un membre à part entière de toutes les organisations à orientation pro-européenne ».

La Macédoine a peut-être effectué un départ, mais elle en est encore au même point 13 ans plus tard, qui plus est miséreuse, anonyme, enfermée dans ses frontières et en conflit. À nouveau, les Albanais s’abstiendront de prendre part au référendum même si, cette fois, la question soumise au vote populaire est tout à fait différente. Les Macédoniens, tout comme les représentants des communautés nationales moins nombreuses, sont divisés au sujet du référendum. L’État, et ce en dépit du sacrifice qu’il a fait à l’autel de la cohabitation pacifique avec les derniers amendements constitutionnels, est de nouveau menacé par la perte de ses principaux acquis depuis le référendum d’indépendance en 1991. Le seuil des 20% prévus dans les accords brident de plus en plus l’épanouissement de la conception citoyenne de l’État, et celui-ci devient chaque jour davantage binational plutôt que plurinational. Le projet de décentralisation mine dangereusement le caractère unitaire de l’Etat, tandis que les groupes de pression du Kosovo violent tous les jours la souveraineté sur son territoire.

 

OSSERVATORIO SUI BALCANI
Macédoine : la société civile se mobilise contre la décentralisation
TRADUIT PAR J.A.D.

Publié dans la presse : 1er septembre 2004
Mise en ligne : lundi 6 septembre 2004

Un vaste mouvement de contestation du processus de décentralisation prévu par les accords de paix d’Ohrid se développe dans le pays. Même les ONG favorables au principe de la décentralisation et du bilinguisme critiquent la méthode retenue par le gouvernement. Il s’agit de la crise politique la plus grave depuis la fin du conflit armé de 2001.

Par Risto Karajkov

La Macédoine entre dans une nouvelle phase de possible insécurité, à partir du moment où l’opposition déclare avoir recueilli les 150 000 signatures requises pour exiger un référendum contre la nouvelle loi de décentralisation. Cette loi, récemment adoptée par le Parlement, redéfinit les limites des communes avec l’objectif d’assurer le bilinguisme, par le biais de la création de communes comptant au moins 20% d’Albanais (seuil nécessaire pour l’usage officiel d’une seconde langue dans les communes abritant une communauté minoritaire).

Il s’agit d’un des points principaux des Accords de paix d’Ohrid de 2001, qui ont mis fin au conflit armé. La coalition gouvernementale pousse en ce sens et a le soutien résolu de la communauté internationale. L’opposition conteste violemment ce projet, en essayant, non sans succès, d’exploiter les frustrations de la communauté macédonienne majoritaire. Si le référendum devait avoir lieu, il risquerait de représenter un nouveau blocage dans la communication encore fragile entre les deux principaux groupes du pays, les Macédoniens et les Albanais.

En réalité, c’est une association de citoyens qui a pris l’initiative de réclamer un référendum. Le Congrès pan-macédonien a commencé à recueillir des signatures en février dernier, mais le processus a pris de l’ampleur quand l’opposition s’y est ralliée. Le dirigeant de ce Congrès, Todor Petrov, qui effectue une sorte de retour sur la scène politique, possède une longue expérience dans l’animation de protestations citoyennes. Il a commencé sa carrière publique au début des années 1990, avec l’organisation de rassemblements et de barrages sur les routes près de la frontière macédo-grecque, en signe de protestation contre l’opposition d’Athènes à l’utilisation du nom de Macédoine. Cela lui permit d’obtenir un siège de député. Durant son mandat parlementaire, il se déclara de centre gauche, en conservant sa position de député indépendant, et ses innombrables activités le mirent souvent au premier plan de l’intérêt public. Il ne parvint pas à être réélu, et revint au militantisme citoyen, en fondant ce Congrès pan-macédonien, une organisation qui se situe du côté de la droite nationaliste. Durant le conflit de 2001, Todor Petrov reprit l’habitude des manifestations de citoyens et des barrages routiers, cette fois sur les frontières entre la Macédoine et le Kosovo.

Un autre courant de l’opinion publique est en train de hausser la voix en cette période critique, sous la forme de nouvelles associations de citoyens. Un large groupe de personnalités publiques, intellectuels, businessmen, académiciens, réunis dans un Mouvement des citoyens pour la Macédoine, critiquent la stratégie du gouvernement et soutiennent l’idée du référendum. Ce Mouvement est mené par Gordana Siljanovska-Davkova, professeur à la Faculté de droit, et experte sur les questions d’administration locale. Le Mouvement s’appuie sur un puissant think tank, Evrobalkan, qui travaille principalement sur les réformes de l’administration publique et l’intégration européenne, ainsi que sur l’un des hommes d’affaires les plus connus de Macédoine, Trifun Kostovski, également député. Le Mouvement réunit des personnes qui sont plus ou moins engagées en politique, ou qui l’ont été, si bien que les représentants du gouvernement les accusent de profiter de la situation à des fins politiciennes. Le Mouvement, qui est en train de se structurer, agit essentiellement par le biais de déclarations et de lettres ouvertes aux membres du gouvernement et du Parlement, soutenant l’idée du référendum.

Une autre ONG a pris une position marquée dans ce bourbier politique. Le Comité Helsinki macédonien pour les droits de la personne a publié un prudent communiqué de presse marquant son désaccord avec les actions du gouvernement tout en veillant avec attention à ne pas apparaître liée à un parti politique quelconque. « La décentralisation devrait commencer et s’achever par la participation active des citoyens... Les autorités compétentes devraient prendre en considération des intérêts opposés des citoyens et réexaminer une nouvelle fois les critères retenus pour les découpages territoriaux », souligne ce texte.

Enfin, certaines ONG très actives en Macédoine dans les domaines sociaux et culturels se sont positionnées à travers un communiqué de presse commun, qui appelle à la fin de la polarisation ethnique et politique à propos de l’organisation territoriale du pays. Le Macedonian Center for International Cooperation, la First Children’s Embassy - Medjashi, l’Open Society Institute, l’ADI, et de nombreuses autres organisations ont signé cette déclaration favorable à l’usage des langues des minorités dans le processus de décentralisation, mais qui critique dans le même temps la stratégie du gouvernement, accusé de manquer de transparence et d’être insensible à l’opinion publique.

Si la plus grave crise politique depuis la fin du conflit armé devait se poursuivre, il est nécessaire de conserver une certaine prudence pour dépasser une situation qui risque d’aggraver les divisions ethniques. Certaines des ONG macédoniennes ont montré qu’elles avaient cette prudence. Elles sont souvent très motivées et de mieux en mieux organisées, et elles peuvent exprimer leurs arguments de manière calme et posée, en contribuant à éviter une nouvelle vague d’hystérie collective qui pourrait jeter une nouvelle fois le pays dans la spirale de la folie nationaliste.

 

La Macédoine, au risque de la décentralisation
TRADUIT PAR JACQUELINE DÉRENS

Publié dans la presse : 5 août 2004
Mise en ligne : mardi 17 août 2004

Les Macédoniens restent perplexes devant le plan de décentralisation qu’on leur propose et qui a suscité de violentes manifestations de protestation cet été, trois ans après les accords de paix d’Ohrid. Le plaidoyer du responsable de projet de l’International Crisis Group en faveur du plan proposé par le gouvernement de Skopje : pour lui, ce projet ne crée pas de nouvelles zones mono-ethniques.

Par Nicholas Whyte

Ceux qui affirment que le nouveau découpage des administrations locales fixe les divisions ethniques du pays n’ont pas examiné la situation actuelle avec assez d’attention. La Macédoine a hérité au moment de son indépendance, en 1992, de 34 administrations locales qui, en 1996, ont été scindés en 123 unités plus petites. Les propositions aujourd’hui sont de réunir ces unités en 80 municipalités.

Le processus de redécoupage administratif et des circonscriptions électorales est toujours une question politique sensible, et peut provoquer de sérieuses controverses. Un coup d’œil à la carte des municipalités en Belgique ou à celle des districts aux États-Unis montre que même des démocraties établies de longue date ont de sérieuses difficultés à maîtriser ces questions surtout quand la question des droits des minorités est en jeu. Il n‘est donc pas surprenant que les mesures proposées en ce moment en Macédoine soient sujettes à la critique.

Il est plus étonnant de voir que ces propositions résistent bien à un minutieux examen, en particulier quand on les accuse de renforcer la ségrégation ethnique . De fait, sur les 128 municipalités actuelles, 48 ont une population à 90% macédonienne, 16 une population à 90% albanaise et une, Plasnica, une population à 97% turque. Cette liste inclut Kisela Voda, le plus grand faubourg de Skopje, mais la plupart de ces municipalités sont de petites unité rurales dont la population avoisine au total 37% de la population totale.

Les changements proposés réduisent fortement le nombre de ces municipalités presque mono-ethniques. Sur les 80 propositions, 26 de ces municipalités seraient à 90% macédonienne, 3 à 90% albanaise et Plasnica garderait sa majorité turque. Cette population vivant dans des communes mono-ethniques formerait 32% de la population totale. Selon les propositions, il y aurait davantage de municipalités ethniquement diversifiées.

Si l’on va un peu plus loin dans l’analyse des propositions, 92% des Macédoniens et 77% des Albanais vivraient dans des municipalités où ils auraient la majorité, ce qui n’apporte pas un grand changement.

Le grand changement a eu lieu en 1996 : les 34 anciennes municipalités étaient plus mélangées ethniquement que les nouvelles communes. Selon les chiffres de 1994, 14 de ces municipalités avaient une population à 90% macédonienne, ce qui représentait 36% de la population macédonienne totale. 88 % des Macédoniens et 45% des Albanais vivaient dans des municipalités où ils avaient la majorité locale. Les opposants albanais disent que la décentralisation proposée est un retour à la situation d’avant 1996, ce qui est également inexact.

Le seuil magique des 20%

Tout cela n’a pas vraiment d’importance. Ce qui va compter, ce sera l’identité du maire. Si vous étiez maire de Struga, la plus grande ville dont la majorité locale va changer, de macédonienne pour devenir albanaise, il s’agit d’un enjeu véritable.

L’autre point de friction est la capitale Skopje, dont les limites administratives vont être étendues pour inclure deux districts voisins afin d’amener la proportion d’Albanais au-dessus du seuil magique des 20%. Il s’agit clairement d’une décision politique pour donner à la minorité la plus importante du pays, les Albanais, un statut plus important en zone urbaine. Comme dans n’importe quel pays, délimiter les frontières entre la capitale et la zone périphérique est une question politique délicate.

N’importe où en Macédoine, si vous apparteniez à un groupe ethnique qui dépasse les 20% de la population locale, vous aurez le droit de vous adresser au conseil local dans votre propre langue, et le conseil local aura les mêmes droits selon la loi de décentralisation que les autres conseils locaux, avec plus de responsabilité pour les services publics, la planification urbaine et rurale, la protection de l’environnement, la culture, les finances locales, l’éducation, l’aide sociale et les services de santé. Votre passeport et votre citoyenneté ne seront pas affectés et personne ne vous forcera à quitter votre maison. Aussi décrire les changements proposés comme une « purification ethnique » est une grossière exagération et une insulte envers ceux qui ont été chassés de leurs maisons dans les conflits balkaniques depuis 1991.

Tout se serait mieux passé si le gouvernement avait été plus ouvert à la consultation avec les partis d’opposition et avec les directions des municipalités existantes. Cela aurait été mieux si l’on avait confié le tracé des nouvelles limites municipales à une commission indépendante d’experts, en incluant des experts internationaux. Mais je ne veux pas jouer l’Irlandais à qui on demande la direction à prendre et qui répond : « Pour aller là, je ne partirai pas d’ici ». Nous sommes où nous en sommes et les propositions de décentralisation sont la meilleure façon d’avancer.

 

La Macédoine n’est pas gagnée par le syndrome du Kosovo
TRADUIT PAR JACQUELINE DÉRENS

Publié dans la presse : 23 mars 2004
Mise en ligne : dimanche 28 mars 2004

En moins d’un mois, deux événements ont soulevé de sérieuses questions sur la stabilité en Macédoine. La mort accidentelle du président Trajkovski et, surtout, la flambée de violence qu’a connu le Kosovo voisin auraient pu enflammer le pays, mais l’opinion publique a démontré plus de maturité et de raison qu’auparavant.

Par Iso Rusi

Le premier fut la mort de Boris Trajkovski. Cette mort fut largement interprétée comme une menace pour la stabilité et une occasion de renouer avec les conflits entre les deux principales communautés du pays, étant donné son rôle de conciliateur qui avait écarté la guerre civile généralisée en 2001.

Le second fut la vague de violence au Kosovo qui risquait de d’étendre en Macédoine.

Dans les jours qui ont suivi la mort de Boris Trajkovski, la Macédoine s’est unie dans la douleur et il devint de plus en plus évident que la tragédie ne remettait pas la stabilité du pays en question.

Pour la violence au Kosovo, qui à certains moments semblait hors de contrôle et aurait pu déborder en Macédoine, il faut dire que l’opinion publique a montré ici plus de maturité et de raison qu’auparavant.

Étant donné le grand nombre d’Albanais qui vivent des deux côtés de la frontière, la question de la stabilité au Kosovo et en Macédoine a souvent été traitée comme une question interdépendante.

La position du gouvernement précédent, en particulier celle de son dirigeant Ljubco Georgievski, était qu’en 2001 la Macédoine avait été victime d’une agression de la part du Kosovo dominé par les Albanais.

Jusqu’à l’an dernier, la plupart des partis macédoniens continuaient à penser que l’indépendance du Kosovo était le premier pas vers l’union de tous les Albanais dans une Grande Albanie, qu’ils identifiaient avec la déstabilisation de la région.

Mais durant les derniers heurts au Kosovo, le danger de la violence s’étendant au sud vers la Macédoine a été traité avec modération. Peu de place a été accordée à la question dans les colonnes des journaux, même par ces médias qui ne manquent pas d’habitude de jeter sur ces événements une lumière glauque sur les relations interethniques.

Ce changement de la position de la Macédoine en ce qui concerne le potentiel de déstabilisation de la Macédoine était déjà clair avant la mort de Boris Trajvosski et la dernière vague de violence au Kosovo.

La position du gouvernement sur le statut final du Kosovo est clairement définie et affirme que seul un Kosovo stable, respectueux du droit est l’intérêt majeur de la Macédoine.

Dans le bloc politique albanais en Macédoine, seul le parti d’opposition, le parti Démocratique des Albanais (PDA) et son dirigeant, Arben Xhaferi, dans la campagne électorale pour les élections législatives de 2002, insistaient sur l’indépendance pour le protectorat de l’ONU comme un pré-condition à la stabilité de la Macédoine.

D’un autre côté, Ali Ahmeti et son parti, l’Union démocratique pour l’Intégration, se concentrent beaucoup plus sur la situation intérieure de la Macédoine. Même avant l’établissement de son parti, Ali Ahmeti avait déclaré que la solution pour le Kosovo était dans les mains de ses propres citoyens et de la communauté internationale.

Ali Ahmeti est devenu le premier dirigeant albanais à ne pas compter sur les visites consultatives à Pristina et Tirana qui était la norme pour les dirigeants des partis albanais du pays.

La Déclaration de Prizren, que Ali Ahmeti a signé au printemps 2001 au nom de l’Armée Nationale de Libération, et les dirigeants de ce qui étaient alors les puissants partis albanais, Imer Imeri pour le Parti Démocratique de la Prospérité et Arben Xhaferi pour le DPA, a inscrit le principe que « les territoires ne sont pas les solutions aux problèmes ethniques ». Ce même principe a été inclus dans les accords d’Ohrid.

En septembre 2001, quand l’ALN a été désarmée, le gouvernement avait perdu le contrôle sur presque un tiers de son territoire. Mais depuis, des patrouilles mixtes de police avec l’aide de l’OSCE ont été déployées dans toutes les anciennes régions en crise. La mission européenne, Proxima, est présente dans ces mêmes zones et a entrepris les réformes de la police visant à trouver des solutions aux points faibles les plus criants de la police dans ces zones.

Le nombre d’incidents à caractère ethnique dans la partie occidentale de la Macédoine a chuté et les éléments perturbateurs qui contrôlaient des villages entiers, voire des régions, sont maintenant hors du pays ou en prison.

Etant donné cette situation, la future campagne présidentielle se déroulera très vraisemblablement dans le calme et personne ne s’attend à ce que la joute électorale pour gagner des voix se fasse sur des bases ethniques.

Les élections auront seulement pour intérêt de servir de test pour mesurer la puissance et le pouvoir à l’intérieur des deux communautés, et celui de l’opinion publique avant les élections locales de septembre prochain.

Le sujet principal sera la bataille entre le dirigeant social-démocrate et l’actuel Premier ministre, Branko Crvenkovski et le candidat peu connu du VMRO-DPMNE, le principal parti d’opposition, Sasko Kedev.

Du côté albanais, après le retrait de la candidature d’Arben Xhaferi, qui avait joué sa campagne de 2002 sur le Kosovo, les élections présidentielles ont perdu beaucoup de leur incertitude. Toutefois, il pourrait y avoir des incidents entre les partisans des partis albanais comme ce fut le cas aux élections locales de 2000 [1].

Cela ne veut pas dire que la Macédoine soit devenu un oasis de stabilité ou qu’elle soit totalement immunisée contre les maux de la région. Mais simplement que le risque d’instabilité est essentiellement interne au pays.

Le pays va entre dans une période électorale jusqu’à la fin de l’année. Les chances de Branko Crvenkovski de devenir le nouveau président sont réalistes, aussi la Macédoine est susceptible d’avoir un nouveau Premier ministre et un nouveau gouvernement.

L’aspect négatif de tout cela est que ces élections vont pratiquement geler le travail du Parlement qui devrait débattre et adopter des lois de décentralisation et d’autres points contenus dans les Accords d’Ohrid.

La situation économique et sociale déplorable, qui est en soi un facteur de troubles, ne s’améliore pas. Alors que la production industrielle continue à chuter et que le chômage se maintient à plus de 400 000 chômeurs, la paix et la stabilité permanente de la Macédoine ne sont pas assurées.

 

UTRINSKI VESNIK
Boris Trajkovski, les paradoxes d’un Président très indépendant d’esprit
TRADUIT PAR IVANA DIMITROVSKA ET ANETA GULEVA

Publié dans la presse : 28 février 2004
Mise en ligne : vendredi 5 mars 2004

La journaliste Sonja Kramarska esquisse un long portrait du défunt Président, en soulignant les paradoxes de cette figure largement extérieure au sérail politique, souvent critiqué dans son propre pays malgré sa large reconnaissance internationale. C’est grâce à son rôle modérateur durant le conflit de 2001 que Boris Trajkovski a commencé à se faire un nom.

 

Par Sonja Kramarska

Un désir est en train de se réaliser pour le président Boris Trajkovski, celui de devenir immortel. Avec sa disparition tragique et rapide, à 48 ans, beaucoup de spéculations et de controverses sont en train de se faire jour. Mais une chose est certaine : de la manière dont il a mené sa carrière et finit sa vie, son nom sera inscrit de manière indélébile et spéciale dans la jeune et nouvelle histoire de la Macédoine.

Nous, les journalistes, allons nous souvenir de lui et des rapports sincères qu’il entretenait avec nous, comme du fait qu’il était souvent touché et meurtri du manque de considération en Macédoine pour l’importance de la fonction qu’il occupait et du travail qu’il réalisait. Le président Trajkovski nous a enseigné que nous étions, nous les journalistes, les vrais maîtres du jeu et qu’il n’était qu’un hôte dans son propre cabinet. Ses comportements l’ont rendu populaire, mais d’un autre côté, il a aussi été très critiqué.

Un dirigeant d’envergure mondiale

Il y a en fait peu de temps que la presse a eu vent, à Bruxelles, de diverses informations selon lesquelles le Président Trajkovski était un leader politique apprécié et reconnu par les grands dirigeants du monde occidental. Lors de plusieurs rencontres internationales auxquelles il était convié, Boris Trajkovski se permettait de pouvoir quitter ses amis du protocole comme les dirigeants d’Albanie et de Bulgarie afin de s’entretenir avec Georges Bush et Jacques Chirac, ce qui paraissait invraisemblable aux autres, mais ne posait aucun problème pour notre défunt Président. Ces possibilités de contacts avec les plus hautes sphères du pouvoir, aucun autre homme politique macédonien ne semblait pouvoir les obtenir.

Trajkovski se permettait d’appeler par le diminutif de « Gole d’Edimbourgh », George Robertson, l’ex-secrétaire de l’OTAN, du fait de ses origines écossaises. Il pouvait téléphoner à « Gole » quand il le désirait, celui-ci déclarait être toujours prêt à s’entretenir avec lui de la Macédoine et des perspectives pour la région des Balkans. « Gole » semblait très respectueux de ce rapport sincère que Trajkovski avait construit avec lui, qui lui faisait déclarer que notre Président était un personnage politique très intéressant et important dans un paysage politique balkanique sombre et qu’il avait joué un rôle politique important afin de favoriser l’intégration de son pays aux structures de l’Union européenne.

Lors de son arrivée au poste présidentiel, Boris Trajkovski, comme tous les personnages politiques ambitieux, semblait surtout préoccupé par le fait de s’assurer une carrière politique très longue. Du fait des relations politiques tendus dans le pays ainsi que des tensions ethniques, j’avais pronostiqué qu’il n’allait pas rester Président bien longtemps, et en aucun cas jusqu’à la fin de son mandat. Personne n’envisageait ne serait-ce que l’idée même d’un second mandat. Bien évidemment personne ne pouvait imaginer que la vie et la carrière de Trajkovski finirait de cette manière tragique. Le président Trajkovski a péri dix mois avant la fin de son mandat, dans un contexte politique complexe. Le Président Boris Trajkovski peut être décri, en fonction de tous ces critères, comme une figure politiquement unique sur la scène macédonienne. Plus il était populaire à l’étranger, plus il était isolé et contesté dans son propre pays. Cette constatation n’est pourtant pas très étonnante quand l’on connaît les circonstances politiques avec lesquelles le Président Trajkovski devait composer. Avec l’Union social-démocrate (SDSM) de Branko Crvenkovski, l’actuel Premier ministre, les relations passaient de manière permanente du chaud au froid. Ce qui est le plus étonnant reste pourtant qu’avec la droite, le parti VMRO-DPMNE dont il était lui-même issu, de nombreux signes montraient que les rapports étaient également très tendus.

Respecté à l’étranger, mais seul sur la scène politique macédonienne

Le paradoxe du Président Trajkovski est qu’il a réussi à se forger une image respectée et à se faire accepter sur la scène politique internationale, alors qu’en même temps il subissait une débâcle sur la scène macédonienne. Plus sa renommée grandissait dans les institutions internationales, plus il était « roulé dans la boue » dans son propre pays, la Macédoine. Il semble que l’élite politique de Macédoine n’était pas prête à accepter dans ses rangs un membre qui avait commencé sa carrière à Monospitovo [1].

Pour les politiciens macédoniens comme pour la population, Trajkovski n’était pas un personnage autour duquel il y avait des controverses. Pour tout le monde, il était devenu président « par hasard ». Cette position offensait le Président Trajkovski qui pensait que sa manière différente de faire de la politique devait amener un message moderne, civique et politique. En tant que journaliste, je connaissais sa volonté et l’envie profonde avec laquelle il défendait sa vision de la politique, j’avais la chance de bien le connaître, ainsi que son désir profond de voir la Macédoine atteindre un niveau de développement maximal et cela en fonction des circonstances politiques intérieures difficiles. Je crois qu’il était lui-même beaucoup plus objectif et impartial que les autres par rapport à cela. Comme tout homme, il était conscient des ses défauts et de ses possibilités, mais il était aussi complètement persuadé que depuis l’indépendance de la Macédoine, il y a maintenant treize ans, il était l’un des seuls politiciens qui avait commencé sa carrière dans un tout petit village en conservant une honnêteté absolue dans l’exercice de sa fonction.

Une figure extérieure au sérail politique

Au contraire de beaucoup d’autres dirigeants, et cela non seulement en politique, Trajkovski n’affichait pas de grande vanité ni la volonté de n’être entouré que par des gens qui devaient systématiquement l’écouter et le suivre aveuglement. Il semblait rechercher plutôt dans une sélection large et sans aucun complexes à s’entourer des éléments les meilleurs. Cet effort politique est aujourd’hui rare chez les autres politiciens ou dirigeants. Peut-être cela venait-il du fait que Trajkovski était conscient qu’il avait encore beaucoup à apprendre et que la fonction présidentielle, qui dans des circonstances normales est considérée comme le couronnement d’une activité politique réussie, était pour lui seulement le début de sa carrière.

Une constante encore remarquable de son activité politique et présidentielle fut sa volonté d’être un président hors partis. Durant la guerre civile de 2001, Trajkovski a montré par différentes prises de position sa volonté d’être le Président de tous les citoyens de la Macédoine, au dessus des partis. Sa lutte privée avec le VMRO-DPMNE et son dirigeant Ljupco Georgievski a commencé quand il a refusé de déclarer l’état de guerre dans le pays. On sait aussi qu’à plusieurs reprises Trajkovski a condamné publiquement la corruption et les activités criminelles du gouvernement qui émanait de son propre parti, qui l’avait amené au poste de Président.

Son rôle durant le conflit de 2001

Le plus paradoxal de cette histoire est que ce seront les événements tragiques de la guerre de 2001 qui auront sortis le Président Trajkovski de l’anonymat pour toujours. Le deuxième paradoxe est que la tragédie dans laquelle il a périt, a fait qu’il a obtenu pour toujours une place spéciale dans l’histoire récente de la Macédoine. Mais ses nombreux mérites seront surtout appréciés si les Accords d’Ohrid deviennent un jour être la base d’une Macédoine moderne et européenne comme il l’espérait, l’attendait et l’appelait de tous ses voeux. Comme le dit le proverbe, la véritable reconnaissance, Boris Trajkovski l’aura obtenue une fois qu’il ne sera plus parmi nous. Comme les autres politiciens, il croyait que sa politique n’était pas comprise et qu’il était en but à des remarques injustifiées de la part des journalistes. S’exprimant toujours sincèrement, certains articles écrits à son sujet peuvent aussi nous donner à nous journalistes une idée d’exemple à ne pas suivre, une idée des limites de la liberté de la presse en Macédoine.

Utrinski Vesnik, la veille de la tragédie, avait demandé président Trajkovski de lui accorder une vaste interview. La médiatrice dans les relations avec la presse était sa conseillère Dimka Ilkova-Boskovic qui a, elle aussi, péri dans la tragédie. Le Président avait accepté notre proposition mais l’avait remise à plus tard arguant du fait qu’il voulait attendre d’avoir de nouvelles informations à nous révéler. Nous sommes vraiment désolé que cette interview n’ait pu se réaliser.

 1. Monospitovo est le village natal de Boris Trajkovski, tout au sud de la Macédoine, manière de rappeler que le personnage n’était pas issu du sérail politique.

 

UTRINSKI VESNIK
La Macédoine entre la guerre et la paix
TRADUIT PAR JULIJA JOVCEVSKA

Publié dans la presse : 19 février 2004
Mise en ligne : dimanche 22 février 2004

À l’initiative de la Fondation Soros, un colloque a fait le point à Skopje sur la situation actuelle de la Macédoine. Trois ans après les accords de paix d’Ohrid, et alors que la situation économique et sociale est catastrophique, le pays va-t-il se stabiliser ou connaître de nouveaux conflits armés ?

Par Gordana Duvnjak

Que s’est-il passé en Macédoine en 2001 : une guerre, une révolte citoyenne, une agression ou bien quelque chose de complètement différent ? Comment se fait-il que la Macédoine, qui était considérée comme une « oasis de paix », se soit si rapidement transformée en un « baril de poudre » ? Quels sont les plus grands défis du pays après la signature des Accords d’Ohrid ? La Macédoine va-t-elle pencher vers la paix ou un nouveau conflit ?

Les participants à la conférence intitulée « De la Macédoine après l’Accord d’Ohrid : confrontation réelle aux nouveaux défis ou nouvelle réalité virtuelle » ont essayé de donner quelques réponses. Le forum était organisé par la fondation Soros (FOSIM) à l’occasion de la publication d’une brochure, « Les perspectives actuelles de la Macédoine d’aujourd’hui : efforts de paix, démocratie et sécurité », du professeur Biljana Vankovska.

Mme Vankovska a souligné qu’il fallait se rendre compte des erreurs qui avaient été faites dans le passé pour permettre ainsi de ne pas les rééditer et donc de poursuivre notre route ailleurs et différemment. Souvent, des fautes sont commises quand un conflit est légalisé par la violence, et selon elle, la violence peut au contraire être tranquille, douce, comprise, « encastrée » dans les différentes structures et institutions de l’état. Mme Vankovska a par contre insisté : mal canalisée, cette la violence réelle des structures pouvait s’avérer particulièrement dangereuse, si elle ne se préoccupait pas de l’opinion réelle des citoyens, à savoir s’ils vivaient mieux maintenant qu’autrefois, si la sorte d’agonie vécue par les différents citoyens de ce pays durant conflit passé valait la peine ou non...

Le directeur exécutif de la Fondation « Institut pour l’avènement d’une société ouverte en Macédoine (FOSIM) (appelée aussi fondation Soros), Vladimir Milcin, a déclaré pour sa part que c’était dans la responsabilité des politiciens qu’il voyait les possibilités d’un nouveau conflit. Il a indiqué que la fondation avait comme projet de publier un recueil de textes des quatre différents signataires de l’Accord d’Ohrid (Ljubco Georgievski (VMRO-DPMNE), Arben Xhaferi, du PDA, Ymer Ymeri (PDP) et Branko Crvenkovski, du SDSM) et de quelques ministres clés qui étaient en fonction lors du conflit. « Jusqu’à présent, un seul de ces personnages publics a envoyé un texte, le deuxième n’a pas répondu, le troisième a rejeté ma demande et le quatrième s’est excusé pour des raisons de santé » a déclaré Vladimir Milcin.

Selon le professeur de la Faculté de droit Gordana Siljanovska les chances de paix semblent moindres que les risques d’un nouveau conflit. Un pays ayant un P.I.B. par an et par habitant de 1 780 dollars sera forcément confronté à des conflits, car il y est très difficile d’y construire une démocratie stable et solide quand 400 000 personnes sont au chômage, a soulignée Gordana Siljanovska. Dès le printemps, Siljanovska prévoit un « conflit social profond », car selon elle il n’existe pas en Macédoine de classe moyenne qui serait porteuse de progrès dans le pays.

« Je sens une révolte sourde en moi-même », s’est pour sa part exprimé Rizvan Sulejmani en interrogeant directement le public sur le silence des intellectuels en Macédoine. « Où sont les différents intellectuels qui devraient nous donner ou nous aider à trouver des réponses aux nombreuses questions non résolues ? »

L’ex-ambassadeur de Macédoine à Bruxelles, Jovan Tegovski, a pour sa part déclaré que selon lui, il y avait depuis toujours de réelles difficultés à dire la vérité, à dévoiler le visage réel de la Macédoine. Selon lui, si cela n’était pas tant le cas lors des premières années de l’indépendance, cela l’est devenu de manière beaucoup plus problématique à partir de 1997, quand dans le pays ont commencé à s’installer de nombreuses fondations, organisations ou entreprises étrangères qui, en lançant des informations dans tous les sens, et ceci en voulant clarifier la situation ne l’ont en fait que rendus plus complexes encore. Il s’est lui aussi élevé devant le manque d’analyses sérieuses réalisées par des auteurs de Macédoine.

 

UTRINSKI VESNIK
Macédoine : sévère rapport annuel du Comité Helsinki
TRADUIT PAR ANETA GULEVA

Publié dans la presse : 29 janvier 2004
Mise en ligne : lundi 2 février 2004

Dans son rapport annuel, le Comité Helsinki adresse ses plus vives critiques à la police ainsi qu’au système judiciaire macédonien.

« L’influence des partis politiques au pouvoir est fortement présente dans les structures de l’Etat. Les organes étatiques manquent de transparence, les droits sur la sécurité sociale et économique sont menacés, la pauvreté est en hausse, la police continue de violer les droits de l’homme, le système judiciaire est dépendant du gouvernement, les médias de leur côté ont fait des progrès, mais les rapports interethniques sont caractérisés par un "bi-ethnisme" au lieu des principes de multiethnicité », souligne le Comité Helsinki de Macédoine dans son rapport annuel [1].

Le président du Comité, Mme Mirjana Najcevska, lors de la conférence de presse d’hier, a déclaré que le pouvoir en place n’avait réalisé aucun des objectifs envisagés, ni ceux concernant l’amélioration de la sécurité et de la situation économique, ni ceux quant à la démocratisation globale, au niveau de vie et au respect de l’Etat de droit.

Le rapport de 2003 est basé sur l’analyse des 557 cas concrets de violation des droits de l’homme pratiqués par les médias et les autres institutions chargées de cette problématique. Les plus fortes critiques du Comité de Helsinki ont été adressées à la police qui « a montré son manque de savoir-faire et son incapacité dans les différentes situations multiculturelles », comme dans les exemples de Sopot et lors de l’arrestation des moines enlevés. De plus, cette institution étatique poursuit sa politique de violation systématique des droits de l’homme, et dans quinze cas, il semblerait acquis qu’il aurait été exercé à l’encontre des citoyens des formes de torture et d’humiliation.

Concernant le système judiciaire, Najcevska a mentionné que ce secteur était dépendant du pouvoir exécutif et en subissait la pression, le Procureur de l’Etat n’étant de ce fait qu’un observateur passif des événements.

Les médias, d’après le rapport du Comité progressent dans leur pratique de la liberté d’expression, cependant la partition ethnique et de ce fait son corollaire l’unilatéralisme existent toujours, ainsi que le non-respect de la présomption d’innocence et l’incitation à l’intolérance religieuse. Selon le Comité, les éditoriaux de certains journaux posent un problème particulier, en citant par exemple les contributions des professeurs Marjanovic et Frckovski, dont les éditoriaux sont publiés dans les colonnes de Dnevnik. D’après ce rapport, « ils utilisent très souvent le langage de la haine, des insultes et de la vulgarité envers certaines personnes ».

Concernant les rapports interethniques, le Comité considère qu’en Macédoine se met progressivement en place les principes d’un fonctionnement « bi-ethnique » au lieu de ceux de la multiethnicité, alors qu’en même temps une forme de démarcation et d’épuration ethnique sont toujours présentes en particulier dans les anciennes zones de crise.


[1] En ligne en anglais : http://www.mhc.org.mk/eng/a_izveshtai/a_2003gi.htm.

 

 

UTRINSKI VESNIK
Macédoine : l’Europe bannit les adversaires des accords d’Ohrid
TRADUIT PAR JULIJA JOVCEVSKA

Publié dans la presse : 27 janvier 2004
Mise en ligne : dimanche 1er février 2004

L’Europe établit pour la première fois une « liste noire » de citoyens macédoniens qui n’auront plus accès à l’espace communautaire. Les adversaires de la mise en oeuvre des accords de paix d’Ohrid sont désormais bannis de l’Europe.

Par Slobodanka Jovanovska

Le Conseil des ministres de l’Union européenne a pris la décision de mettre à jour une liste de certains citoyens de la Macédoine qui n’auront plus accès à l’espace européen. Cette liste, la première de ce type, sera complète et rendue public au cours de cette semaine. A priori, selon la déclaration de Bruxelles, elle ne devrait comporter qu’une douzaine de personnes « connues pour des faits de violence et des crime » et qui continuent aujourd’hui à agir contre la mise en œuvre et l’application réelle des Accords d’Ohrid.

Christina Gallah, la porte parole de Javier Solana, a déclaré pour que les différents pays concernés interdiront à leurs représentations consulaires de délivrer des visas aux personnes qui tentent par des actions violentes d’empêcher la mise en oeuvre des Accords d’Ohrid. La porte-parole se refusait à nommer ces personnes, mais a malgré tout ajouté qu’aucune catégorie précise n’était visée.

Interrogé pour savoir pourquoi l’Europe avait attendu si longtemps avant de rendre publique une telle liste, Bruxelles a répondu que les Accords d’Ohrid en étaient à la fin de leur mise en application, et que la publication de cette liste n’était pas obligatoire tant que le processus se déroulait d’une manière correcte. Christina Gallah a ensuite déclaré que Bruxelles avait identifié depuis longtemps déjà ces individus extrêmement nuisibles pour la réalisation des Accords, mais que le fait que ces individus continuent aujourd’hui encore à tenter de saboter la volonté de stabilité pronée par les Accords a motivé la publication de cette liste ainsi que la décision d’interdire aux personnes visées l’accès à l’espace européen.

Elle a cependant nié que l’UE estimait, en faisant ce geste, que la mise en œuvre des Accords d’Ohrid était en danger, évoquant notamment le processus de décentralisation qui vient d’être votée. Elle a enfin rappellé que la République de Bosnie-Herzégovine et que l’Union de Serbie et Monténégro ont, elles aussi, au cours de leur histoire récente, fait l’objet de la publication de telles listes, ajoutant que les individus qui seront sur cette liste se reconnaîtront d’eux-mêmes.

On se souvient que les Etats-Unis d’Amérique avaient eux aussi publiés une liste noire des citoyens macédoniens, mais elle se voulait beaucoup plus rigoureuse que celle de l’Union européenne, étant donné que celle de Bruxelles ne sera valable que sur le territoire des 25 pays formant l’Europe.

Les personnes mentionnés sur cette liste n’auront pas la possibilité d’obtenir même un visa de transit et donc, pour eux, cette interdiction signifiera un total isolement physique comme politique.

Les motivations réelles de l’UE sont toujours du domaine des spéculations, mais il semble que cette déclaration soit un sérieux message d’avertissement plus particulièrement adressé à ceux qui voudraient tenter de s’opposer à la décentralisation, ou même à ceux qui voudraient essayer de manipuler les prochaines élections présidentielles afin de tenter de déstabiliser de toutes les manières possibles le pays. Le message pourrait aussi être adressé à ceux qui aujourd’hui tiennent les rênes du pouvoir.

De ce fait, si l’on considère que les membres du gouvernement et de la coalition majoritaire sont favorables à la mise en œuvre des Accords d’Ohrid, les noms des « bannis de l’Europe » doivent être recherchés du côté des membres du VMRO-DPMNE, du Parti démocratique des Albanais, chez certaines membres de l’Union démocratique pour l’intégration (BDI), ainsi peut-être que du côté de quelques journalistes, bien que cette dernière supposition n’ait pas été confirmé par Bruxelles.

 

UTRINSKI VESNIK
Seul le redressement économique peut sauver la Macédoine
TRADUIT PAR IVANA DIMITROVSKA

Publié dans la presse : 17 janvier 2004
Mise en ligne : mercredi 21 janvier 2004

Le redressement économique du pays est la clé de l’avenir du pays. Mais les dirigeants politiques continuent largement d’ignorer cette réalité, tandis que la corruption ronge l’économie macédonienne et que la misère s’étend.

Par Jovan Korubin

Une bonne démocratie efficace peut être comparée à un tabouret à trois pieds. L’État, l’économie et la société civile doivent avoir chacun un rôle, de manière équilibrée. Si l’un domine les autres, alors s’ensuivent des conséquences négatives. C’est par ces mots que l’un des sociologues les plus reconnus actuellement et qui est aujourd’hui directeur de la célèbre Haute école de l’économie et des sciences politiques de Londres, Anthony Giddens, a expliqué dans son dernier ouvrage « Le monde qui nous échappe », le succès des soi-disant « démocraties stables d’aujourd’hui ». Ou, pour être plus précis, le chemin à suivre pour aller vers ce type de démocratie.

Le tabouret à trois pieds

En ce sens, la métaphore du tabouret a trois pieds est vraiment plus qu’appropriée. En Macédoine, le tabouret a trois pieds fait très vite couleur locale. Mais, dans le sens métaphorique concernant la démocratie, cette image ne correspond malheureusement aucune réalité dans notre pays, à la différence du beau petit meuble en bois. La domination du politique sur tous les autres fondements de la société nous a mené depuis longtemps aux conséquences néfastes que Giddens mentionne dans son ouvrage. La dernière décennie, dans ce contexte, peut être considérée comme la décennie de la politique, la décennie d’un marketing politique singulier, mais aussi la décennie d’un véritable racket politique.

Notre fragile démocratie commence de plus en plus à ressembler à un ring de boxe, sur lequel il n’existe pas de règles définies, mais où se déroule une lutte sans merci. Les règles qui font généralement partie de ce qui s’appelle la politique démocratique et la procédure démocratique ne sont pas encore établies, ou bien, si elles sont présentes, ne sont pas encore véritablement respectées. Les causes de cette situation sont complexes, et leur étude nécessiterait une analyse plus approfondie. Mais il semble qu’une des causes les plus importantes soit celle que Giddens mentionne, celle du déséquilibre entre le politique, l’économique et la société civile.

Justement, les changements qui ont eu lieu jusqu’à aujourd’hui, depuis le début des réformes, il y a plus de dix ans jusqu’à la fin de l’année dernière, étaient en grande partie liés à la sphère du politique. Ces réformes ont été beaucoup moins importantes dans la sphère des institutions civiles et, bien que cela ait l’air d`un paradoxe, moins encore dans la sphère économique. Ainsi, procédant de cette manière, les pieds de notre tabouret n’ont évidemment pas la même longueur et il est fort à craindre que, d’un moment à l’autre, une chute ne se produise, transformant notre societé en une sorte de trou noire pour ceux qui y vivent.

Priorité à l’économie

Il est évident que l’économie doit avant tout retrouver sa place perdue. Et ceci pas de manière verbale, mais avec de réels efforts évidents et concrets qui deviendront alors la première condition de la stabilisation, non seulement du processus politique mais du processus démocratique en général. Ces processus qui provoquent aujourd’hui un rejet des institutions par la rue, des révoltes spontanées mais aussi politiquement organisées, des agitations sociales et la résistance des citoyens, un mode de raisonnement émotif plus que rationnel, une intolérance politique évidente, et même de la haine, pourraient permettre un retour à la normale si la situation économique se normalisait.

Les dernières élections, par exemple, ont démontré le caractère prioritaire de cette question économique. En effet, dès qu’un média cherchait à savoir l’issue de ces élections, à savoir qui allait l’emporter, une seule réponse était de mise : celui qui va améliorer l’économie. Il est temps que l’économie remplace le politique, et le temps du marketing politique est terminé, car cette rhétorique n’amène plus personne à croire ceux qui miseraient dessus.

Le bien-être économique n’est pas pour demain

En ce sens, nous avons même souligné le fait que les problèmes de la transition devaient être résolu non pas par le biais de mesures sociales mais par le biais de mesures économiques et une politique à long terme longuement mûrie. Mais comment alors répondre au mécontentement grandissant et aux différentes contestations sociales ? L’agitation sociale ne peut pas être seulement réduite par des mesures sociales, et les politiciens doivent arrêter de jouer avec des promesses faciles et oser révéler que le bien-être économique n’est pas aujourd’hui une perspective proche.

Le gouvernement actuel promet que l’année 2004 sera l’année de l’offensive économique. Toute personne douée de raison, au pouvoir ou dans l’opposition, devrait se satisfaire si cela se réalisait effectivement. Cette réalisation éventuelle n’est pas en tout cas une mince question politique, mais une des questions les plus importantes pour l’État lui-même. Mais est-ce que cette promesse va vraiment devenir une réalité, ou ne sera-t-elle pas transformée en une nouvelle illusion politique ? Plusieurs éléments nous amènent à nous poser cette question.

La difficulté des réformes réelles

Tout d’abord, les quelques essais qui ont été tentés au niveau économique. Nous nous rappelons encore d’une réunion importante d’experts en économie du rang le plus élevé, qui avait eu lieu il y a une dizaine d’années, dans l’ambiance on ne peut plus agréable de l’hôtel Molika, dans les montagnes de Pelister, près de Bitola. Cette réunion au sommet était consacrée à la question de la privatisation. Les différents experts économiques, contrairement aux sociologues présents qui manifestaient un certain scepticisme, étaient convaincus que le processus de privatisation prendrait fin au bout de six à sept ans. Cette réunion avait été suivie d’une conférence de presse, où les différentes analyses et ce constat avaient été présentés au public. Malheureusement, nous pouvons constater que ce processus n’est toujours pas terminé au bout de plus d’une décennie.

Nous nous rappelons aussi de grands projets d’experts, pour lesquels beaucoup d’argent a été dépensé par des institutions du plus haut rang, sur les perspectives de développement en Macédoine, qui promettaient beaucoup mais qui sont malheureusement restés dans le cadre des souhaits et pas dans celui des réalités. Tous les autres essais n’ont pas davantage abouti, probablement du fait que les différentes prévisions portaient la marque de la vieille bureaucratie qui était aveugle face au processus démocratique politique engagé. Il a aussi souvent été démontré que, passé le temps du changement de régime, l’économie dite de transition a subi elle-même des phénomènes de déviations sérieux, comme la corruption et des formes perverties de privatisation.

Exclusion en hausse

La deuxième question que l’on doit se poser touche au fonctionnement actuel de la démocratie politique en Macédoine. Elle semble se réduire, si l`on peut dire, à sa forme la plus primitive : la lutte pour le pouvoir avec un seul but, éliminer l’adversaire a tout prix, créant ainsi, comme le soulignait Klaus Offe, l’un des théoriciens de l’État moderne, une société profondément divisée. Une société dans laquelle n’existe pas seulement un dualisme politique, mais aussi un dualisme éthique et social. Dans cette société profondément divisée, on note un accroissement du nombre des pauvres, des exclus de la société, des personnes sans espoir, des laissés pour compte, de la marginalisation et, pour ces individus, la démocratie se réduit à un tabouret à deux pieds, tabouret sur lequel tout le monde espère que personne ne s’assoira.

Il est cependant évident qu’on ne peut pas reprocher cette situation aux seuls politiciens et réduire notre analyse à une mauvaise utilisation du pouvoir où à l’arrogance politique de ceux qui sont au pouvoir.

La clé du succès, évidemment, n’est pas dans la sphère de la politique, et l’utilisation des différents moyens politiques jusqu’à maintenant est là pour le prouver. La clé se trouve dans l’économie et il faut donc chercher dans cette direction.

Celui qui trouvera la clé pourra alors considérer comme acquis son futur succès politique. Tous les autres moyens de la lutte politique, qu’ils soient de type idéologique, nationaliste ou patriotique, jouant sur la carte des émotions, malgré leurs prétentions à l’efficacité, ont échoué.

Pour la stabilisation du processus politique et démocratique en Macédoine, le moyen le plus efficace est bien celui de l’économie, mais uniquement si cela devient une réalité et ne reste pas un vague souhait, car devant les faits, même les dieux n’ont rien à dire.

 


Légalisation de l’université de Tetovo : les manifestants persistent et signent
TRADUIT PAR JULIJA JOVCEVSKA, DE LA RÉDACTION DE SKOPJE DU COURRIER DE LA MACÉDOINE - Publié dans la presse : 10 décembre 2003

Environ 3 000 étudiants, élèves et citoyens de plusieurs villes du pays ont manifesté devant le parlement contre la légalisation de l’université albanophone de Tetovo.

Par Ljubica Grozdanovska et Igor Segavik

Au même moment, le ministre de l’Éducation, M. Aziz Polozani, défendait le projet de loi selon lequel cette institution universitaire supérieure de Tetovo devait être reconnue. Les manifestants ont demandé que le ministre Polozani et les leaders des deux syndicats étudiants – qui soutiennent le processus législatif – présentent leurs démissions.

Hormis des organisations citoyennes, quelques représentants de certains partis politiques et des sympathisants du VMRO-DPMNE étaient présents à cette manifestation. Certains d’entre eux sont venus d’autres villes de Macédoine, le transport ayant été organisé.

Les manifestants, vers midi, ont protesté devant l’assemblée nationale et se sont ensuite rendus devant le siège du gouvernement. Un groupe d’étudiants a « attaqué » à deux reprises le ministère de l’Éducation avec des œufs, des pierres, des bouteilles et divers projectiles, provoquant le bris de quelques vitres.

Le bureau coordinateur des syndicats d’étudiants a condamné cet incident en dénonçant une infiltration de groupes qui n’étaient pas soutenus par la majorité des manifestants, et a réitéré son appel aux députés à ne pas voter cette loi qui permettrait à l’institution de Tetovo de devenir une institution nationale. Le bureau a annoncé que les étudiants continueront à protester et ceci tous les jours a partir de 10 heures, peu importe que la loi soit ou non acceptée.

Hier, ils ont demandé à être reçus par le Premier ministre, Branko Crvenkovski, le président de l’assemblée, Ljupco Jordanovski et par le président de la République, Boris Trajkovski, mais seul le Président Trajkovski a pour l’instant répondu à leurs demandes. Il leur a ainsi promis qu’ils auraient la possibilité de discuter avec le Premier ministre, mais qu’il pouvait par contre pas leur garantir que la loi ne passerait pas selon le jeu de la procédure parlementaire.

« Nous sommes ici et nous y resterons jusqu’à ce que cette question soit résolue. En Macédoine, il faut vivre selon les normes édictées par la justice. Nous prions les députés de suspendre la session et de sortir dans la rue pour voir combien de personnes sont contre cette loi. D’où vient cet argent pour une troisième université, est-ce que c’est de nos poches ? Vu le niveau de vie des étudiants nous serons donc obligés de mendier », a déclaré Trajce Jovanovski, président du syndicat des étudiants de la faculté de philosophie de l’Université Saints-Cyrille-et-Méthode de Skopje.

 


Les dernières troupes étrangères quittent la Macédoine
TRADUIT PAR IVANA DIMITROVSKA

Publié dans la presse : 15 décembre 2003
Mise en ligne : mercredi 17 décembre 2003

La Macédoine est désormais seule à assurer sa sécurité après une décennie de présence de forces militaires étrangères. Les forces européennes de l’Opération « Concordia » ont terminé leur mandat, et leur mission est considérée comme un succès.

Par Igor Ilievski

« C’est un beau jour, un jour de succès pour nous tous. C’est un beau jour pour la Macédoine pour sa stabilité et sa sécurité est aujourd’hui entre les mains même des leaders choisis », a déclaré le représentant européen pour la politique étrangère commune, Javier Solana.

Il est arrivé à Skopje pour quelques heures seulement afin de marquer la fin de l’opération « Concordia » et saluer l’arrivée de la police européenne de la mission « Proxima ».

Durant cette cérémonie Solana a déclaré que la fin de « Concordia » ne signifiait pas la fin de l’engagement de l’Union européenne en Macédoine et que la plus grande menace pour la stabilité n’était plus le conflit armé mais la criminalité. C’est pourquoi l’appui européen mettait l’accent sur la coopération policière avec cette mission « Proxima ».

Les plus hautes instances politiques macédoniennes ont assisté à la cérémonie qui avait lieu à Skopje. Le Premier ministre, Branko Crvenkovski,a déclaré que si l’on compare la situation de la Macédoine d’il y a un an avec celle d’aujourd’hui, on pouvait constater que la mission de « Concordia » a été remplie.

« Le fait que la Macédoine soit devenue un pays sûr et stable, et qu’aujourd’hui la priorité soit donné au développement économique et aux problèmes sociaux, font la preuve de notre succès commun » a déclaré Crenkovski.

Il a aussi assuré aux différentes personnes présentes que « ce succès ne sonnait pas la fin mais le début de notre collaboration, pour aider la Macédoine à devenir membre de l’Union européenne ».

Le président, Boris Trajkovski, a quant à lui déclaré qu’il y a « neuf mois, il y avait des sceptiques qui doutaient des possibilités réelles de l’application de ce premier projet pratique dans la cadre de la nouvelle politique européenne pour la sécurité et la défense ».

« Les hautes instances politiques macédoniennes, elles, ne doutaient pas de cela. Aujourd’hui, on n’entend plus la voix des sceptiques avec l’arrivée de la nouvelle mission « Proxima », a déclaré Trajkovski.

Avec ces mots « Skopje et votre pays sont attachés à nos coeurs », Solana a souhaité à la Macédoine de poursuivre sa marche en avant vers les institutions de l’ Union européenne.

« Nous avons fait un grand pas et j’espère que les lois sur la décentralisation vont rapidement être adoptées par votre parlement, ce qui représentera une partie importante de l’accord-cadre d’Ohrid. Si la Macédoine continue à aller de l’avant, on ne peut donc pas douter qu’elle se rapprochera de plus en plus des institutions européennes. »

Il a d’ailleurs confirmé qu’il était de manière générale satisfait de la manière dont se déroulait l’application des accords d’Ohrid, en insistant seulement sur le fait que certaines parties devraient, ou auraient pu, peut-être être adoptées plus rapidement par le Parlement.

 


Toujours pas d’issue pour les réfugiés rroms en Macédoine
TRADUIT PAR JACQUELINE DÉRENS

Publié dans la presse : 12 décembre 2003
Mise en ligne : lundi 15 décembre 2003

Des efforts sérieux devraient être fait pour trouver une solution au sort dramatique des réfugiés rroms du Kosovo. Le gouvernement macédonien, les gouvernements occidentaux et le Haut commissaire des Nations Unies pour les réfugiés doivent assurer à ces réfugiés des conditions de vie décentes

Macédoine : mettre un terme à l’absence de statut juridique des réfugiés rroms du Kosovo.

Le dernier rapport de Human Rights Watch, intitulé « Sortir du vide juridique ? La question du sort des réfugiés rroms du Kosovo », décrit les conditions de vie dramatiques des réfugiés en Macédoine. HRW demande instamment au gouvernement macédonien de redoubler d’efforts pour améliorer leur statut dans le pays, et appelle les gouvernements occidentaux et le HCR à considérer sérieusement la question de la réinstallation de ces réfugiés qui vivent une situation très difficile.

Pour Rachel Denber, directrice de HWR pour l’Europe et l’Asie centrale, ces réfugiés n’ont aucun statut. La plupart ne peuvent pas retourner au Kosovo et la perspective d’une intégration en Macédoine reste très floue. Il est grand temps de mettre fin à cette situation intenable.

Aujourd’hui, la Macédoine héberge environ 2500 Rroms déplacés depuis la guerre du Kosovo en 1999. En mai dernier, les autorités de Macédoine et le HCR ont fermé le centre de Shuto Orizari, le plus grand des camps, parce que les conditions sanitaires étaient inacceptables. Pour attirer l’attention sur leur situation désespérée, les 700 Rroms qui avaient vécu dans ce camp se sont installés aux abords du village de Medzitlija, près de la frontière gréco-macédonienne.

Les 9 août, épuisés et frustrés après 80 jours d’occupation qui n’ont abouti à rien, les réfugiés ont abandonné ce village pour aller dans d’autres endroits en Macédoine

Alors que la situation de crise était passée, ni le gouvernement macédonien, ni les autorités internationales n’ont cherché à trouver une solution à long terme pour les réfugiés rroms du Kosovo. Selon le rapport, pour ces réfugiés le retour au Kosovo est impossible parce que leurs propriétés ont été détruites et que leur sécurité n’est pas assurée.

Leur installation en d’autres endroits de Serbie ou du Monténégro est impossible parce que d’autres réfugiés dans ces endroits doivent faire face à des conditions de vie inacceptables, ce que reconnaissent les autorités serbes et monténégrines en qualifiant les conditions d’accueil de ces réfugiés comme « très insuffisantes ».

Pour le moment, les deux seules solutions viables seraient une installation dans un pays tiers ou l’intégration en Macédoine. Mais cette solution ne sera possible que si le gouvernement macédonien et les agences internationales améliorent d’une manière significative la situation sociale, légale, et économique des Rroms.

La plupart des Rroms réfugiés du Kosovo se prononcent en faveur de leur réinstallation dans un pays tiers. Mais les états membres de l’UE ne semblent guère empressés à les accueillir.

« Une réinstallation ne doit pas être exclue quand les pays où se trouvent les réfugiés ont à faire face à une crise de cette ampleur. Depuis plus de quatre ans maintenant, le gouvernement macédonien n’a pas réussi à donner à ces réfugiés une existence acceptable, ce qui éloigne la possibilité de leur intégration », affirme Rachel Denber

HRW insiste sur le fait que des pays tiers ayant des politiques de réinstallation et travaillant avec le HCR devraient envisager l’accueil de ces personnes dont les perspectives de retour volontaire au Kosovo et l’intégration en Macédoine sont bien incertaines.

En attendant, le gouvernement macédonien, avec l’aide des agences internationales, devrait redoubler d’efforts pour reconnaître à ces Rroms le statut de réfugiés et leur permettre de bénéficier des droits de la Convention des réfugiés et des autres traités garantissant la reconnaissance des droits humains.

La plupart de ces réfugiés rroms avaient des biens au Kosovo, un travail régulier et leurs enfants allaient à l’école. Leur condition en Macédoine est catastrophique

Les familles rroms vivent dans des camps, entassées dans de petites pièces. Ceux qui vivent dans des appartements ne peuvent se permettre que la location d’appartements minuscules et ont été obligés de déménager plus de dix fois pendant leur séjour de trois ou quatre ans comme réfugiés. La plupart des enfants de réfugies ne vont pas à l’école ou bien d’une manière très irrégulière. Beaucoup de parents sont trop pauvres pour acheter les vêtements et les livres nécessaires pour aller à l’école ; ceux qui ont la chance d’y aller sont en butte aux harcèlements de la part des autres élèves. HRW estime que le gouvernement macédonien n’a pas pris les mesures nécessaires pour assurer la protection des enfants rroms et garantir leur égal accès à l’éducation.

Une interdiction officielle d’emploi « pour les personnes qui bénéficie d’une aide humanitaire temporaire », qui a pris effet en juillet 2003, empêche les réfugiés rroms de travailler légalement en Macédoine... Certains ont réussi à trouver un emploi temporaire comme saisonniers dans la construction ou pour creuser des canaux dans l’économie « grise ».

Des lois récemment adoptées autorisent leur emploi sous certaines conditions. Cependant, comme ils ont été mis en dehors du marché du travail depuis quatre ans et privés de tous moyens pour créer leurs propres entreprises, les Rroms ont toujours beaucoup de mal à trouver du travail. Le fort taux de chômage en Macédoine est un autre facteur aggravant pour les Rroms. Le taux de chômage est de l’ordre de 30 à 35 % en Macédoine, mais dans la municipalité de Shuto Orizari où se concentrent la plupart des Rroms ce taux est proche de 90 % de la population active.

À ce jour, les autorités et les tribunaux macédoniens ont refusé le droit d’asile aux Rroms, au prétexte que les Rroms du Kosovo pouvait retourner dans un autre endroit de leur pays d’origine ou que leur intégrité physique n’était pas en danger au Kosovo. HRW prie le gouvernement macédonien de ne pas recourir à cette logique injustifiée sur le droit d’asile, qui repose sur les nouvelles lois adoptées en juillet dernier.

 


Macédoine : les premiers résultats du rencensement présentés officiellement
TRADUIT PAR JULIJA JOVCEVSKA, DE LA RÉDACTION DE SKOPJE DU COURRIER DE LA MACÉDOINE

Publié dans la presse : 2 décembre 2003
Mise en ligne : mardi 2 décembre 2003

Les premiers résultats du recensement tenu en 2002 ont été officiellement déposés, hier, par l’organisme d’État chargé de mener le premier décompte de la population depuis 1994. Les observateurs internationaux émettent toutefois quelques réserves.

Par Igor K. Ilievski

L’Agence d’État du recensement a officiellement déposé ce lundi les premiers résultats du recensement tenu en Macédoine : le pays compterait 2 022 547 habitants, dont 64,18% de Macédoniens et 25,17% d’Albanais. Le directeur de cette agence, Donco Gerasimovski, a annoncé qu’il n’est pas possible de garantir qu’en ce moment dans le pays il y ait un nombre suffisant de citoyens de nationalité albanaise pour maintenir l’Accord d’Ohrid, puisque le document prouvant la nationalité n’était pas une condition de ce recensement.

Les observateurs internationaux ont constaté qu’il y avait des personnes qui se sont fait recenser sans leur attestation de nationalité, ainsi que des personnes vivant à l’étranger depuis longtemps. Le directeur de l’Agence d’État du recensement s’en est justifié : « les réponses de ces personnes ne sont pas encore totalement dépouillées ». Il a également déclaré que son institution avait demandé la présence d’observateurs internationaux suite à des pressions permanentes, mais il a ensuite démenti cette déclaration et confirmé le contraire.

Selon les résultats qui ont été annoncés par l’Agence d’état du recensement, il y a en Macédoine, 1 297 981 Macédoniens et 509 083 Albanais « de souche », ceci hors documentation prouvant la nationalité.

Selon Gerasimovski, la croissance de la population albanaise s’explique par le « déplacement continuel de la population ». « C’est le premier recensement dans le monde réalisé sous la compétence d’un corps politique, c’est-à-dire la Commission d’État du recensement. Les observateurs internationaux sont venus à l’appel de l’Agence du fait des nombreuses pressions de la part de certaines structures qui ont tenté de manipuler les résultats les années précédentes » a-t-il déclaré en conférence de presse.

Mais le lendemain, Gerasimovski affirmait le contraire : « Je confirme de manière officielle que d’aucune façon il n’y a eu de pressions extérieures. L’Agence d’État du recensement, qui est une instance indépendante, souveraine et officielle, a mené à bien et terminé l’opération. Nous avons demandé des observateurs internationaux pour confirmer la valeur professionnelle et officielle du travail de l’Agence ».

Les observateurs internationaux ont déclaré ce recensement valable, mais ils ont cependant émis quelques critiques. « Ce recensement s’est effectué libre de toutes pressions, même si des obstacles sont apparus dans certains lieux, ce qui a sûrement eu une certaine incidence sur le décompte des données. Les problèmes les plus importants quant à la documentation incomplète ont été résolus à l’aide des dossiers du ministère de l’Intérieur, mais des personnes se sont cependant déclarées en tant que résidents alors que leur situation ne permettait pas de répondre aux différents critères répondant à la définition de ce terme », a déclaré Halgrimud Snorason, responsable en chef du groupe d’experts d’observateurs du recensement.

Ce problème se posait aussi pour le recensement des émigrés. « Le recensement des personnes qui demeurent à l’étranger n’est pas sûr. Beaucoup de ces personnes qui demeurent à l’étranger depuis plus d’un an sont recensées comme n’étant là-bas depuis moins de douze mois, et des gens qui vivent à l’étranger sont recensés comme habitant ici. Tout cela peut donc entraîner un nombre plus important que la population réelle » a déclaré Snorason, en rajoutant que jamais un recensement n’a été parfait.

Lors de la réunion avec le Premier ministre Branko Crvenkovski et trois de ses ministres, Snorason a déclaré : « Le recensement est un processus d’auto-déclaration. Pour une partie des recensés, pour lesquelles il n’était pas sûr s’ils vivaient à l’étranger ou en Macédoine, l’Agence d’État a donné la possibilité de se déclarer comme vivant ici. »

Les observateurs ont donc émis une conclusion en demi-teinte : « Les résultats sont reconnus par la Communauté internationale et sont un outil statistique valable quant à la situation du pays. C’est maintenant au peuple et aux politiciens de savoir utiliser ces résultats pour la prospérité de ce pays. Le recensement de l’année 2002 est le premier où la population ne se déclare pas selon le lieu de résidence comme normalement dans toute documentation officielle, mais selon le lieu de "résidence habituelle". De ce recensement a été exclu tous les citoyens de Macédoine qui sont à l’étranger depuis plus d’un an. »

 

UTRINSKI VESNIK
Pauvreté : un Macédonien sur quatre vit avec mois de 2,5 euros par jour
TRADUIT PAR IVANA DIMITROVSKA

Publié dans la presse : 17 novembre 2003
Mise en ligne : mardi 18 novembre 2003

La Macédoine détient les records de pauvreté et de chômage en Europe. D’année en année, la situation s’aggrave. En 1990, on pensait que le taux de pauvreté se situait aux alentours de 2% de la population. En 1997, lors des premières études sérieuses, ce taux est brusquement monté à 19,1%, en 1998 à 20,7%, en 1999 à 21% et selon les dernières informations pour l’année 2001, il se situerait aux alentours de 24,6 %.

Par Maja Tomik

Un citoyen du pays sur quatre est pauvre. Parmi les États de l’ex-Yougoslavie, la Macédoine, avec un salaire moyen mensuel de 190 euros, ne devance que la Serbie et seulement de 3 euros. Avec ce taux de pauvreté de 24,6%, la Macédoine se situe en tête des pays pauvres en Europe. C’est pourquoi, dès le début de l’année 2001, avec l’aide et le soutien de la Banque Mondiale, les bases d’une stratégie commune afin d’enrayer la pauvreté ont été posées, avec la formation d’un groupe d’experts.

Un premier plan de résolution avait été élaboré il y a dix ans par des économistes renommés de l’Académie des Sciences et des Arts de Macédoine (MANU), regroupée autour de Nikola Uzunov, plan qui insistait déjà sur le poids essentiel de la pauvreté et du chômage. Malheureusement, jusqu’à présent, rien n’a été mis en place pour résoudre ces problèmes bien connus, qui se sont donc aggravés pour atteindre le niveau actuel.

Les économistes n’ont pas cessé de se pencher sur ces thèmes de la pauvreté et du chômage, mais sans résultats. Pour le professeur d’économie de l’Université de Skopje, Trajko Slavevski, le plus important aujourd’hui serait de diminuer la pauvreté qui ne cesse d’augmenter, en garantissant une stabilité politique qui permettra ainsi à l’économie de mieux fonctionner et qui ramènera les indices de chômage et de pauvreté à des taux inférieurs. Selon la stratégie mise au point avec l’aide de la Banque mondiale, le seuil de pauvreté est aussi lié au niveau d’études de la population. En effet, les citoyens les plus pauvres et les chômeurs se rencontrent dans les couches sociales ayant le moins de contacts avec le système éducatif.

Pour l’instant cette stratégie n’a pas encore été considérée comme un document officiel, elle n’est disponible que sur l’Internet. Le changement de gouvernement, en 2002, avait laissé espérer que cette stratégie serait adoptée vers la fin de l’année comme politique de lutte par le gouvernement, mais jusqu’à présent rien n’a semblé avancer de ce coté-là. Le fait que le gouvernement et le ministère des Finances ne semblent pas se préoccuper de cette stratégie de lutte est inquiétant. D’autant plus qu’en décembre dernier, une conférence sur ce thème avait été tenue et que le gouvernement s’était engagé à finaliser un projet précis, ce qui n’a toujours pas été fait.

« Il est regrettable que le Premier ministre, lors de la présentation du bilan annuel de son gouvernement, n’ait à aucun moment mentionné le mot de pauvreté, en se contenant de dire que ce thème était l’une de ses futures priorités, tout en critiquant l’ancien gouvernement », déplore Trajko Slaveski. « Nous ne possédons pas de données nouvelles, et nous craignons que la situation ne soit pire encore », souligne-t-il, en insistant sur l’importance des différents cas sociaux.

Le nombre de chômeurs a encore augmenté de 10 000 personnes pour atteindre le chiffre de 380 000, alors que le nombre des ménages bénéficiant de l’aide sociale est aujourd’hui de 70 000. En prenant en compte le taux de pauvreté mais aussi ces deux statistiques, la Macédoine détient définitivement la dernière place en Europe. Cet état de fait a été souligné par la Banque mondiale dans son étude sur les réformes institutionnelles pour l’investissement et l’accroissement du développement en Europe du sud-est, qui met en évidence le fait que la Macédoine se situe dans le groupe des pays ayant le taux de chômage le plus élevé. À cela s’ajoute la chute de la production industrielle, le manque d’investissements, la faible stabilité macroéconomique, et des niveaux d’imposition et de corruption élevés.

Selon une autre enquête menée par l’UNDP, le taux de pauvreté en Macédoine serait même de 34,6%, alors que 500 000 personnes vivent avec moins de 150 denars/jour (soit 2,5 euros), taux considéré mondialement comme étant le seuil absolu de pauvreté. Il est tout aussi inquiétant que 40% des personnes interrogées par un sondage récemment paru pensent que le gouvernement ne fait rien pour changer cette situation, et qu’ainsi il ne laisse aucun espoir quant à la résolution progressive des différents problèmes sociaux du pays. Un récent rapport de la Banque mondiale recommande de se pencher tout d’abord sur le taux de chômage du pays qui atteindrait aujourd’hui 36,7% de la population active, alors qu’il n’était que de 31,9% l’année dernière, ce qui représente, pour une seule année, un bond de 4,8%.

Selon la Banque mondiale, les solutions passent en priorité par l’ouverture de nouvelles branches dans les différents secteurs privés. Et bien que la diminution de la pauvreté ainsi que du chômage fût, cette année, le but stratégiques de la politique économique du gouvernement, les effets escomptés se sont révélés terriblement décevants. Cette tentative se solde par un échec cuisant. L’application effective de la loi sur le travail, qui devait aider à l’embauche de 20 000 personnes dans le secteur privé, n’a pour l’instant permis l’embauche que de 5 000 personnes. Et aucune autre option économique n’existe.

Selon la stratégie triennale d’aide à la Macédoine élaborée par la Banque mondiale, qui vient d’être présentée, il est prévu de fournir à la Macédoine une aide de 165 millions de dollars afin d’améliorer le climat des affaires dans le pays, de créer un contexte plus propice aux investissements, de permettre un développement plus rapide du secteur privé, et d’améliorer les conditions de vie des travailleurs et la cohésion sociale. La Banque mondiale a enfin prévu des études intermédiaires d’évaluation des taux de chômage et de pauvreté, qui donneront lieu à des recommandations spécifiques.

 


Campagne de restitution d’armes illégales en Macédoine : l’armée récupère un tank, mais les résultats se font attendre
TRADUIT PAR JULIJA JOVCEVSKA

Publié dans la presse : 5 novembre 2003
Mise en ligne : lundi 10 novembre 2003

Malgré le caractère spectaculaire de l’événement, la remise aux autorités macédonienne d’un tank de l’armée, subtilisé par l’UCK en 2001, apparaît plutôt comme un coup médiatique : la campagne nationale de restitution d’armes illégales semble toujours avoir du mal à décoller, et les autorités sont peu pressées d’en montrer les premiers résultats à la presse locale...

Par Emil Zafirovski

Les habitants albanais du village de Matejce, de la région de Kumanovo, ont remis aux autorités le tank qu’ils détenaient depuis le conflit entre les communatés albanaise et macédonienne, en 2001. Cinq jours après le début de l’opération, il n’y a toujours pas beaucoup d’activités autour du dépôt d’armes de Matejce ; la remise de ce tank apparait plutôt comme une opération médiatique. Les membres de la commission locale ont déclaré que les citoyens venaient rendre leurs armes mais ils refusent toujours de dévoiler à la presse les caisses contenant ces fameuses armes.

« Aujourd’hui, il n’y a rien à voir dans les conteneurs, car ils sont vides, mais cela ne veut pas dire que cette opération ne rencontre pas un écho favorable auprès de la population. Les citoyens qui sont venus aujourd’hui demandent plus comment il est possible de légaliser les armes, et dans ce cas précis, les armes sont enregistrées et directement transportées au ministère de l’Intérieur », a expliqué Slobodan Kovacevski, président de la commission locale de la région de Kumanovo, qui est aussi le maire de cette municipalité. Selon ses dires, l’opération se déroule normalement même s’il se refusait toujours à vouloir donner un nombre précis quant aux armes remises depuis le début de cette collecte. « Ces informations seront dévoilées par le service concerné du bureau coordinateur aux alentours du 10 novembre [1]. Je peux seulement vous déclarer qu’à ce jour, différents types d’armes ont été remis, explosifs, câbles de mise à feu, pistolets ainsi que des munitions ».

Dans la région de Lipkovo, en signe de bonne volonté, les habitants de Matejce ont eux remis le tank T-55, qui appartenait à l’armée macédonienne et avait été subtilisé durant le conflit de 2001, après avoir été mis hors d’état de fonctionnement par les membres de l’UCK. Les responsables du dépôt d’armes situé entre Otlja et Matejce ont déclaré qu’il leur avait été difficile de persuader la population afin qu’elle veuille bien rendre ce tank.

« Les habitants voulaient garder ce tank comme un symbole de la guerre de 2001, mais nous avons réussi à les convaincre et tout le monde a fini par se mettre d’accord. Cela doit être compris comme l’expression de la bonne volonté des habitants a participer de manière active à cette opération de désarmement, d’autant plus ce tank hors d’usage pourrait, pour seulement 500 euros de réparation, être opérationnel » a plaisanté Ibrahim Zimberi, un des membres de la commission locale de Lipkovo.

Ce tank hors d’usage a donc hier enlevé été du village de Matejce à l’aide d’une grue spéciale, sous la surveillance de l’armée macédonienne.

Comme dans les autres endroits où nos journalistes se sont rendus, Otlja ne dépareille pas, il nous a été impossible de pouvoir jeter un œil au contenu de ces différents conteneurs.

« Il en est hors de question » nous ont répondu de manière ferme et définitive les responsables de la commission.

____________________________

[1] Skopje donnera de manière étalée sur le temps des informations précises sur le déroulement de cette opération, ainsi que sur le nombre d’armes recueillies. La première de ces conférences se déroulera aux alentours du 10 novembre, mais ne permet pas à quiconque de s’assurer à chaque minute de la remise réelle des différentes armes.

 

UTRINSKI VESNIK
Macédoine : les quatre ingrédients essentiels pour adhérer à l’OTAN
TRADUIT PAR IVANA DIMITROVSKA

Publié dans la presse : 4 novembre 2003
Mise en ligne : mercredi 5 novembre 2003

Le transfert des responsabilités de l’armée à la police quant à la sécurité des frontières, la création d’une brigade d’opérations spéciales, la formation d’un centre de gestion des crises répondant à des normes législatives strictes, ainsi qu’une présence convenable des différentes communautés de la Macédoine dans l’armée ; voilà les quatre cruciales priorités du ministre de la Défense et de l’état-major de l’armée macédonienne pour l’année 2004.

Par Sasko Dimevski

Ses nouveautés, qui font partie d’un récent plan d’action pour la future intégration de la Macédoine à l’OTAN, vont être présentées aujourd’hui, à Bruxelles, où doit se rendre la délégation macédonienne composée de conseillers et d’experts de différents ministères. Ces priorités ont d’ailleurs été discutées hier, à la caserne Ilinden lors d’une réunion réunissant les différents membres du sommet de l’Etat.

Le président Boris Trajkovski, le Premier ministre Branko Crvenkovski, le vice-président du gouvernement, Musa Dzaferi, les ministres des Affaires étrangères et de la Défense, Ilinka Mitreva et Vlado Buckovski, ainsi que le chef de l’état-major Metodi Stamboliski, se sont entretenus à huis-clos pendant une heure de ce plan d’action ainsi que des différentes réformes entreprises au sein de l’armée.

Suite à cette réunion, le président Trajkovski a expliqué que cette entrevue d’hier faisait partie de rencontres régulières au sommet de l’État en même temps qu’une préparation en vue du départ de la délégation macédonienne pour Bruxelles.

« Au cours de cette rencontre ont été réitérés à nouveau la nécessité de dresser un portrait plus positif de l’armée macédonienne devant les autorités européennes afin de mettre toutes les chances de notre côté pour notre candidature à l’OTAN », a dit le président Trajkovski. Selon lui cela doit se réaliser de manière effective et dans la direction des projets de réforme annoncés pour 2004, la réalisation de ces projets étant de plus étroitement surveillée et évaluée par l’OTAN.

De ces priorités, il est normal d’en attendre un début de réalisation avant la fin du délai proposé. Ce calendrier va débuter en mai 2004 avec la prise de contrôle de la frontière avec la Grèce par les forces de police, ce qui lancera le début du transfert complet de la sécurité frontalière des forces de l’armée aux forces de police. Actuellement, 400 personnes comprenant gradés et non-gradés, suivent un stage spécialisé de formation au contrôle des frontières afin d’entrer, en mai prochain, au service de la police.

Suite à une critique du président Trajkovski le mois dernier, la brigade d’opérations spéciales est en ce moment en train de finir sa formation et son équipement, d’autant plus que les différents groupes devant la constituer, les « loups », les éclaireurs ainsi que les forces aériennes, sont au meilleur de leur forme, alors que seule la troupe des Rangers manque encore à l’appel afin de clore la formation effective de cette brigade.

Le centre de gestion des crises devra lui évoluer vers une meilleure coordination entre les différents organes chargés de la sécurité le constituant, tandis que la présence des différentes communautés au sein de l’armée s’est jusqu’à présent déroulé d’une manière et à un rythme convenables.

Enfin, il a été discuté de la volonté commune de rendre effective de manière plus rapide encore ce plan d’action, volonté soutenue par le président Trajkovski pour réaliser les objectifs avant l’année 2006, ainsi que de la réforme de l’armée qui devra ramener à égalité le nombre de conscrit et de réservistes (1)

----------------------------------------

1.  Conscrits et réservistes : Au jour d’aujourd’hui le nombre de conscrits est de 16 000 et celui de réservistes de 21 000, le projet de réforme de l’armée macédonienne est donc de réduire de 5 000 le nombre de réservistes.

 


Macédoine : les succès mitigés de la campagne de restitution d’armes illégales
TRADUIT PAR JULIJA JOVCEVSKA, DE LA RÉDACTION DE SKOPJE DU COURRIER DE LA MACÉDOINE

Publié dans la presse : 4 novembre 2003
Mise en ligne : mardi 4 novembre 2003

Depuis le 1er novembre et jusqu’au 15 décembre prochain, les Macédoniens bénéficient d’une période d’amnistie durant laquelle ils peuvent rendre aux autorités les armes illégales en leur possession ; après cette date, les propriétaires seront passibles d’une peine de cinq ans de prison par arme découverte. Mais le succès de cette campagne est encore loin d’être assuré.

Par Emile Zafirovski

Malgré le début de la période d’amnistie, on ne trouve aucune trace de dépôts d’armes dans les villages de Saraj et d’Aracinovo, près de Skopje. A Tearce, près de Tetovo, deux préposés attendent sous la pluie que d’improbables « clients » viennent y déposer leurs pistolets et leurs cartouchières, comme on pouvait en voir très souvent lors du conflit de 2001. La situation est similaire dans de nombreux villages où sont mis en place des programmes de récoltes d’armes, aux alentours de Skopje et de Tetovo.

Au dépôt d’armes près du combinat industriel de Tetovo, face à la station service « Petrol-Kompani », on se refusait de commenter le succès de cette campagne au sein de la population, et la presse n’a pas véritablement accès aux endroits où les armes rendues étaient soi-disant entreposées.

« Les citoyens ont bel et bien déposés des armes, mais nous ne pouvons pas vous donner plus de détails. La presse n’est pas autorisée - sans autorisation spéciale – a visiter les dépôts. Pour plus de renseignements, vous devez prendre contact avec le coordinateur qui vous donnera toutes les informations », ont répondu de manière évasive les préposés en poste.

Blagoja Markovski, officier responsable du bureau de coordination du programme, a de son côté refusé la demande d’accréditation de Dnevnik pour permettre à nos journalistes de visiter les entrepôts d’armes. « Une accréditation vous sera délivrée prochainement lors d’une visite spéciale des différents dépôts organisée pour la presse » a répondu brièvement Markovski.

Cette visite a eu lieu hier après-midi au dépôt d’armes du centre-ville de Skopje, situé à l’entrée de la forteresse Kale. La mince récolte était composée de trois pistolets, deux étuis à armes à feu en cuir et d’un vieux fusil Mauser, ressemblant plus à une vieille carabine…

« La mobilisation a été bonne. Pour l’instant cette opération se déroule de manière satisfaisante et aucun problème n’est à signaler. Beaucoup de citoyens se présentent aux dépôts et demandent s’il leur est possible de déclarer leurs armes. A Aracinovo, après des débuts difficiles suite à un mauvais emplacement, celui-ci a été déplacé près du stade et la récolte vient de commencer il y a environ dix minutes », a déclaré Markovski sans toutefois se prononcer sur le nombre exact des armes déjà récoltées. « Les premières informations vous seront divulguées dans une dizaine de jours » a poursuivi l’officier.

Selon Mirko Simonovski, président régional de la commission de récolte des armes, « les citoyens seraient bien avisés de rendre leurs armes aujourd’hui car à la fin de cette période d’amnistie, ils devront faire face à une politique législative très rigoureuse. »

« L’écho auprès de la population est satisfaisant, mais je pense que le résultat sera encore plus réjouissant à la fin de cette opération. La plupart des armes récoltées à ce jour sont de la catégorie des petits calibres » a enchaîné M. Simonovski.

Le premier dépôt d’arme à avoir fonctionné a été celui de Debar ; dès hier, quatre grenades, une kalachnikov et plus de 200 balles de calibre 7,62 ont été remis aux autorités. A Bitola, une mitrailleuse, deux fusils, deux pistolets et d’autres petites munitions étaient maintenant sous le contrôle de la gendarmerie.

Avant-hier par contre, lors du lancement de cette opération aux alentours de Kumanovo, l’agence de presse Mak-Kaks rapporte des détonations d’armes à feu autour des villages de Vaksince, Otlja et Lipkovo…

 

Macédoine : les réfugiés rroms du Kosovo doivent choisir entre un statut sur place et l’expulsion
TRADUIT PAR PIERRE DÉRENS

Publié dans la presse : 30 octobre 2003
Mise en ligne : vendredi 31 octobre 2003

Des milliers de Rroms du Kosovo pourraient être reconduits à la frontière s’ils refusent l’asile qui leur est offert en Macédoine. Les réfugiés rroms qui ont fui le Kosovo en 1999 ne veulent pourtant pas accepter l’asile politique offert par Skopje, mais rêvent toujours de poursuivre leur voyage vers l’Occident.

Par Nikolaus Steinberg

Les autorités macédoniennes, soutenues par l’Union européenne, offrent un nouvel ensemble de conditions d’asile, donnant aux Rroms les privilèges des citoyens macédoniens. Certains dirigeants de la communauté rejettent pourtant cette proposition et encouragent leurs partisans à s’en tenir au rêve d’une vie nouvelle à l’Ouest.

Le gouvernement propose de donner à chaque réfugié le droit au travail, l’accès au système de santé et d’éducation ainsi que les aides publiques aux chômeurs, soit quelque 50 euros par mois.

Mais à quelques jours seulement de la date butoir du 6 novembre, fixée pour pouvoir bénéficier de ces conditions, la plupart des 2600 réfugiés rroms du Kosovo en Macédoine ne savent pratiquement pas ce qui leur est proposé et ils pensent toujours, à tort, pouvoir demander asile dans un pays de l’UE ou bien aux USA.

Le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (UNHCR), le gouvernement macédonien et de nombreuses organisations non-gouvernementales locales et internationales se renvoient la responsabilité de tenir au courant les Rroms des possibilités qui leur sont offertes et de les aider à demander asile.

Selon le porte-parole des ONG, la tâche a été rendue encore plus difficile par le fait que les réfugiés sont disséminés autour de Skopje. Les avocats macédoniens impliqués dans cette campagne ont raconté qu’il leur avait fallu circuler tout autour de la ville à la recherche de familles rroms, qui ont maintenant leur propre logement.

Dans le même temps, les dirigeants rroms locaux et internationaux ont encouragé les réfugiés à repousser l’offre du gouvernement et à s’en tenir à demander le droit d’asile à l’Ouest, alors même que les chances de voir cette requête aboutir sont quasiment nulles.

S’ils devaient demeurer dans ce vain espoir, les Rroms courent le risque d’être reconduits au Kosovo, bien que l’ONU prévienne que ce pays n’est toujours pas sûr pour eux.

La porte-parole du ministre de l’Intérieur de Macédoine, Mirjana Konteska, affirme que les réfugiés refusant les propositions d’asile « seront traités comme des étrangers et renvoyés dans le pays d’où ils viennent. Nos policiers les retrouveront, aujourd’hui sinon demain ou après-demain ».

Ce n’est pas la première fois que les dirigeants rroms se sont dressés contre l’avis de la communauté internationale. En juin, ils ont soutenu les quelque 700 réfugiés qui essayaient de traverser la frontière grecque, tout en sachant qu’il y avait très peu de chances qu’ils puissent être admis dans ce pays.

Selon Nicolae Gheorghe, conseiller pour les questions rroms auprès de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), « les dirigeants rroms savaient bien que les réfugiés ne seraient pas admis. C’était un geste de protestation, et les dirigeants souhaitaient donner une audience internationale à leur situation, mais beaucoup de réfugiés croyaient réellement qu’ils allaient être acceptés, et beaucoup le pensent encore ».

Cette opération a eu des effets inattendus. Depuis l’échec des réfugiés devant la frontière grecque, l’UE a pressé la Macédoine pour qu’elle accorde un statut aux réfugiés roms Ce statut leur interdira de prétendre à l’asile dans un autre pays. Ceci est maintenant fait, et le gouvernement de Skopje montre peu de sympathie pour les Rroms qui rejettent ses propositions.

Pour l’instant, seulement 120 réfugiés ont demandé ce statut. La procédure demeure confuse, et beaucoup de Rroms restent perplexes sur les intentions des autorités.

D’autres craignent de perdre leur passeport et leurs papiers en acceptant l’asile en Macédoine. Ils pensent à tort qu’ils ne pourront plus rentrer chez eux, quand la situation se sera améliorée au Kosovo. Bajram Berishar, Rrom de vingt ans et père de quatre enfants, explique ses craintes : « si je donne mes papiers aux Macédoniens, ma famille sera prisonnière ici, et nous ne pourrons jamais revenir au Kosovo ».

Skopje est déjà prête à déporter des réfugiés. La Macédoine vient de renvoyer trois Rroms au Kosovo le mois dernier. Ils avaient été arrêtés avec de faux documents de voyage.

Isaac Robinson, avocat auprès du Conseil norvégien pour les réfugiés (NRC), l’une des organisations non-gouvernementales les plus importantes impliquée dans le processus du droit d’asile, affirme que le gouvernement macédonien jouera la carte du retour forcé, si les Rroms n’acceptent pas les propositions des autorités.

« Quand vous déportez trois personnes en même temps que vous mettez sur pied un processus pour le droit d’asile, vous faites passer aux réfugiés un message très clair : soit vous acceptez nos conditions, soit vous serez renvoyés », commente-t-il.

Marija Bosse, présidente de la communauté rrom de la commune de Sutka, a convenu qu’il était maintenant tout à fait clair que le rêve de vivre à l’Ouest n’était pas réaliste. Elle explique que les réfugiés devraient comprendre que l’offre d’asile n’est pas seulement acceptable, mais que c’est le seul choix viable. « C’est une bonne proposition, les réfugiés auront le même statut que les citoyens macédoniens », ajoute-t-elle.

Beaucoup de Rroms restent perplexes. Hassan, du camp de réfugiés de Katlanovo, affirme que sa famille et lui n’ont pas encore pris de décision. « Nous avons peur de rentrer chez nous, mais nous ne voyons toujours pas d’avenir en Macédoine ».

D’autres, confrontés au choix entre la déportation au Kosovo et la vie en Macédoine, sont prêts à payer un passeur pour aller à l’Ouest. Un réfugié qui a voulu garder l’anonymat explique que « les trafiquants demandent 10000 euros pour passer en Suisse. Je ne sais pas où je trouverai cette somme, mais il n’y a pas d’autre solution ».

 

UTRINSKI VESNIK
La Macédoine, recordman européen pour le nombre d’assassinats
TRADUIT PAR IVINA DIMITROVSKA

Publié dans la presse : 16 octobre 2003
Mise en ligne : mercredi 22 octobre 2003

La Macédoine détient la première place en Europe pour les assassinats perpétrés avec une arme à feu, avec 42 assassinats par million d’habitants.

L’année dernière, la Macédoine se classait première en Europe quant au nombre d’assassinats avec une arme à feu. Avec 42 assassinats par million d’habitants, la Macédoine est en tête de la liste noire européenne.

D’après les statistiques de la police et une recherche faite par l’Association nationale des armes à feu, on comptait jusqu’en 1994 environ 30 assassinats par an en Macédoine.

Conséquence du conflit de 2001, les dernières années auront vu ce rapport augmenter très sensiblement, de telle sorte qu’aujourd’hui la police enregistre plus de 50 assassinats par an.

L’année 2002, la première après la fin du conflit, aura été à ce titre la plus représentative de cette hausse inquiétante : sur 102 assassinats, 84 ont été perpétrés à l’arme à feu, la plupart du temps avec des armes illégales, les armes déclarées n’étant presque jamais en cause dans ces crimes.

Le ministère de l’Intérieur a déclaré à « Utinski Vesnik » que sur les 65 assassinats perpétrés l’année dernière en Macédoine, 41 seulement avaient été résolus alors que cette année, sur les neuf premiers mois de l’année, 46 meurtres avaient été résolus sur 60, un record de vitesse dans la résolution de ces procédures pénales.

Le Dr Vasil Vasilevski, professeur en criminologie, s’interroge quant à lui sur la valeur des statistiques des pays voisins : il ne peut comprendre comment il ne soit mentionné que deux assassinats par an et par million d’habitants par les statistiques de l’association nationale des armes à feu de Roumanie ou de Bulgarie, alors que d’autres statistiques prouvent que pour dans ces deux pays, le nombre d’assassinats dépassait la dizaine pour le seul dernier mois…

Pourusivant son analyse, le Dr Vasilevski a insisté sur le fait que bon nombre d’assassinats non résolus pouvaient en fait très bien l’être, et que le coupable était souvent connu ainsi que le motif du crime et son déroulement. C’est pour toutes ces raisons, affirme-t-il, que la Macédoine s’est classé à la première place mondiale, cette fois-ci, pour les assassinats non résolus. Mais cela veut en fait surtout dire, ajoute-t-il, que pour différentes raisons, il y a des assassinats pour lesquelles personne ne tient réellement à ce que soient révélés l’auteur et les motifs du crime exécuté.

Notre police, ajoute-t-il, dispose de méthodes d’investigation criminelle et de cadres formés de manière professionnelle pour la résolution des crimes de sang, qui travaillent selon les mêmes méthodes enseignées en criminologie dans le reste du monde.

Le département des crimes de sang de la police relève d’ailleurs également que durant les dernières années, beaucoup de circonstances extérieures aux enquêtes ont « aidées » à la non résolution des crimes et à la non arrestation des coupables. Derrière certains assassinats se cachent de nombreux motifs politiques, ce qui rend alors très difficile la procédure d’enquête et l’arrestation des coupables, même si des preuves démontrent de manière précise qui a fait quoi. De 2000 à 2002, il y a eu à Skopje et à Tetovo cinq affaires criminelles de ce type, trois à Gostivar et à Kicevo, et un à Strumica et à Struga.

Les experts criminologues soulignent qu’il y a des cas où l’alibi du coupable est clairement « politique », cas pour lesquelles une fois le crime réalisé, le coupable cherche protection auprès des partis politiques en place. Dans des cas de ce type et même lorsqu’une enquête judiciaire avait pu être ouverte contre un suspect, l’ex ministre de l’Intérieur [1] semblait jouer un rôle important.

 

[1] Ljube Boskovski, ministre de l’intérieur du gouvernement VMRO-Dpmne

 

DNEVNIK
Premier pas vers une réforme en profondeur de l’armée macédonienne
TRADUIT PAR JULIJA JOVCEVSKA, DE LA RÉDACTION DE SKOPJE DU COURRIER DE LA MACÉDOINE

Publié dans la presse : 19 octobre 2003
Mise en ligne : lundi 20 octobre 2003

Le BDI, parti politique albanophone membre de la coalition au pouvoir, a finalement accepté un point crucial de la réforme de l’armée, qui pourrait ainsi être autorisée à mener des opérations sur l’ensemble du territoire de la Macédoine, afin de venir en aide à la police dans ses actions anti-terroristes et pour résoudre d’autres problèmes de sécurité intérieure.

Par Bobi Hristov

L’accord politique de l’Union démocratique pour l’intégration (BDI) sur cet élément du nouveau programme stratégique de défense, qui doit être mis en pratique à partir de 2005, a été annoncé avant-hier lors d’une conférence réunissant le ministre de la Défense, Vlado Buckovski, et le secrétaire général du BDI, Gezim Ostreni. Ils forment, avec le responsable de l’OTAN, James Baxter, le groupe de travail intergouvernemental chargé de définir le futur rôle de l’armée macédonienne.

Le programme stratégique de défense devrait permettre de redéfinir la place et le rôle de l’armée à partir de 2005, date à laquelle le contrôle des frontières, pour l’instant exercé par l’armée, devrait revenir aux forces de police macédoniennes.

Ces changements attribueront deux nouvelles tâches à l’armée : soutenir les forces de police dans les actions de sécurité intérieure, ce qui signifie qu’elle pourrait agir sur l’ensemble du territoire ; et participer à la résolution de crises en défendant les civils.

Suite à l’action conjointe de la police et de l’armée à Brest contre des groupes armées, qui est l’un des premiers exemples de ce que serait le rôle futur de l’armée, Ali Ahmeti s’était opposé à la nouvelle place ainsi faite à l’armée. Il n’est pas acceptable, pour le numéro un du parti albanais au pouvoir, que l’armée puisse agir de cette manière sur tout le territoire de la Macédoine, et il a demandé qu’il soit déterminé de manière plus précise dans quels types d’actions et de quelles manières l’armée sera associée à ces actions. Ali Ahmeti a notamment insisté sur le fait que les différentes composantes du gouvernement doivent être associées au commandement général lors de ce type d’actions, et non pas seulement le président en tant que chef des armées, comme c’est le cas à l’heure actuelle.

Bien qu’il était annoncé que le groupe de travail devait résoudre ces questions, les membres composant celui-ci se sont finalement entendus, lors de la réunion d’avant-hier, pour que les détails des circonstances des futures interventions armées soient finalement décidés au cours d’un débat ultérieur, auquel seront présents experts et hommes politiques.

Le gouvernement a déclaré que ces changements doivent être soutenus par tous les partis politiques, étant donné qu’ils entraînent un changement à la Constitution qui n’autorise jusqu’à maintenant l’armée à exercer son pouvoir qu’au niveau du contrôle des frontières. Ce changement devrait être entériné par le Parlement à la majorité des 2/3 pour devenir effectif.

Ce nouveau programme stratégique de défense se trouve être un acte politique important de la République de Macédoine pour son adhésion à l’OTAN en 2006. Suite à l’accord passé avant-hier entre les membres de la coalition au pouvoir, le Parti social-démocrate (SDSM) et le BDI, le gouvernement espère maintenant que le prochain conseil des ministres, qui aura lieu au plus tard dans une dizaine de jours, fasse de même.

 

Macédoine : la fin de la ségrégation scolaire n’est pas pour demain
TRADUIT PAR PIERRE DÉRENS

Publié dans la presse : 3 octobre 2003
Mise en ligne : dimanche 5 octobre 2003

De violentes manifestations à Skopje et à Bitola ont obligé le gouvernement à faire marche arrière sur ses projets visant à faire étudier ensemble Albanais et Macédoniens. Les tentatives controversées des autorités macédoniennes de mettre un terme à la ségrégation scolaire ont également été perçues comme maladroites par les diplomates occidentaux et les analystes.

Par Ana Petrusava et Boris Georgievski

Les projets de création d’une classe en albanais dans une école de Bitola ont capoté la semaine dernière, après que des centaines d’étudiants macédoniens sont descendus dans la rue pour protester, certains allant jusqu’à dire qu’ils ne permettraient jamais qu’existe une classe en albanais dans leur ville.

Les élèves macédoniens sont revenus dans leurs classes, mais seulement après avoir reçu l’assurance qu’une classe en albanais ne serait pas ouverte. Les protestataires ont menacé d’organiser d’autres manifestations si l’on essayait à nouveau de faire étudier côte à côte les deux communautés.

La semaine dernière, les tensions ethniques ont également grimpé dans l’école secondaire Arseni Jovkov de Skopje, où parents et élèves macédoniens se sont rassemblés contre la décision d’accepter sept classes albanaises dans le même bâtiment. Auparavant, les élèves albanais avaient classe dans une autre partie de la ville. À la suite des protestations, le projet de réunir les deux groupes a été mis sur la touche.

L’enseignement multiethnique est une question explosive depuis plus de dix ans. Les filières d’enseignement en albanais et en macédonien sont totalement séparées, souvent dans des écoles distinctes, et toute les précédentes tentatives visant à réunir les deux groupes ensemble ont échoué.

La dernière tentative amorcée contre cette ségrégation ne relevait pas d’une volonté d’en finir avec cette division ethnique des écoles du pays, elle n’était qu’un geste de bonne volonté de la part des partis macédoniens au pouvoir en direction de leurs partenaires albanais.

Azis Polozhani, ministre de l’Éducation et membre de l’Union démocratique pour l’intégration (BDI), le parti albanais de la coalition gouvernmentale, a été confronté à cette alternative : abandonner tout projet contre la ségrégation ou bien se démettre.

Confronté au malaise populaire continu contre les réformes, il semble que le gouvernement a renvoyé ce problème au second plan. Pour Emira Mehmeti, porte- parole du BDI, « la décision est au frigo en attendant que les tensions ethniques se calment ».

L’agitation a commencé aussitôt que Azis Polozhani a annoncé les changements prévus au début septembre. Depuis, le ministre s’est trouvé sous le feu parce qu’il essayait de mettre en œuvre la réforme alors que l’année scolaire avait déjà commencé. On lui a aussi reproché de ne pas avoir anticipé la prévisible réaction, en particulier à Bitola, lieu de violentes émeutes contre la communauté albanaise en 2001.

« Azis Polozhani aurait du savoir qu’il ne fallait pas lancer cette réforme de but en blanc », nous a confié un diplomate occidental, désirant rester anonyme. « Il aurait dû consulter les gens sur place. On ne peut pas prendre une décision d’en haut en espérant qu’elle sera respectée. Le moment choisi pour le faire était aussi crucial. Si la décision avait été prise avant que ne commence l’année scolaire, la situation eût été différente. Peut-être y aurait-il eu des tensions, mais probablement pas de cette intensité ».

Au niveau gouvernemental, on a aussi considéré que le moment était mal choisi, en affirmant que les heurts auraient pu être évités si Azis Polozhani avait annoncé la décision pendant les vacances d’été. Pour le gouvernement, « rien ne peut toutefois justifier ce qu’ont fait les élèves macédoniens ».

Gjuner Ismaïl, le directeur de Forum magazine, estime qu’un manque de prévision du ministère de l’Éducation avait fait flamber le sentiment nationaliste macédonien à Bitola. Il ajoute que « le ministère devrait résoudre, et non pas créer les problèmes. Bitola est un cas spécial, une ville qui avait été très engagée dans la guerre. Par sa façon d’agir, le ministère a donné l’occasion de recommencer à ceux qui avaient organisé les incidents en 2001 ».

Le Parti démocratique des Albanais (PDSh, opposition) a réagi avec colère face au recul du gouvernement, en le présentant la semaine dernière comme le résultat « d’une action bien préparée et bien organisée afin d’empêcher les Albanais de mettre leurs droits en pratique ».

Mirjana Najcevska, à la tête de comité local d’Helsinki pour les droits de la personne, affirme qu’il ne faut pas voir ces derniers événements comme des événements isolés, mais plutôt comme le résultat de la lourdeur de la main du gouvernement et de son manque de transparence au sujet des réformes.

« Nous connaissons de nombreuses occasions où un directeur d’école ou bien un enseignant est remplacé, sans consultation, et où parents et élèves protestent. En ce qui concerne la dimension ethnique, du côté albanais on pense que les choses peuvent changer en un jour, alors que les Macédoniens construisent un mur et refusent absolument de penser aux besoins légitimes et insatisfaits des autres », estime-t-elle.

La ommunauté internationale a exprimé le profond souci que lui causaient les tensions récentes. L’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) a stigmatisé les manifestations de Bitola, comme étant « menaçantes et inacceptables ».

Isabelle De Ruyt, porte-parole de l’OSCE, ajoute : « Il est décevant de voir des gens se mobiliser contre une possibilité d’éducation commune. L’OSCE pense que les élèves devraient pouvoir aller dans les écoles près de chez eux, et qu’un enseignement multiethnique devrait être encouragé ».

 


Macédoine : à qui profitent réellement les aides humanitaires ?
TRADUIT PAR JEAN-ARNAULT DÉRENS

Publié dans la presse : 9 septembre 2003
Mise en ligne : vendredi 3 octobre 2003

Les agences internationales imposent souvent l’embauche de consultants aux tarifs vertigineux et l’achat de matériel venant du pays donateur. On estime que 80% des sommes données à la Macédoine reviennent ainsi dans leur pays d’origine.

Par Petre Dimitrov

10% des crédits de la Banque mondiale destinés à la santé ont servi à rémunérer des consultants. Les consultants embauchés sur ces projets touchaient des indemnités quotidiennes comprises entre 400 et 700 dollars. Les consultants locaux recevaient par contre des indemnités nettement inférieures, a reconnu à la télévision A1 Dragan Gocjev, responsable de projet pour les réformes du secteur de la santé auprès de la Banque mondiale. Cet exemple n’a rien d’exceptionnel.

Selon les experts du secteur non gouvernemental, une pratique très répandue veut que les étrangers donnent des aides, financières ou d’autre nature, et demandent ensuite d’avoir recours à des consultants extérieurs, au coût très élevé, dont les indemnités journalières et les frais de séjour en Macédoine dépassent largement les sommes allouées. Il n’est pas rare que les ONG locales, qui travaillent souvent avec des fonds obtenus auprès d’agences ou d’ONG internationales, soient obligées, pour la réalisation d’un projet, d’engager des consultants extérieurs et d’acquérir des équipements étrangers. Pour confirmer leurs propos, certaines ONG macédoniennes nous ont montré les contrats établis avec leurs partenaires extérieurs.

Un contrat avec une ONG américaine révèle que, sur un budget total d’un million de dollars, 300 000 dollars sont réservés à des consultants extérieurs, 500 000 aux frais généraux du siège de l’ONG dans son pays d’origine, et que seulement 200 000 dollars restent dans notre pays. Les Américains imposent toujours comme condition d’avoir recours à leurs consultants et à leurs équipements. Selon les experts macédoniens, 80% des aides extérieures apportées dans le secteur non gouvernemental reviennent ainsi dans leur pays d’origine. Les agences américaines et européennes, gouvernementales et non gouvernementales, travaillent cependant sur des bases différentes, reconnaissent les experts. Les Américains exigent toujours que l’on ait recours à leurs propres consultants.

Selon le règlement intérieur d’une organisation américaine, qui fait partie des principaux bailleurs de fonds de notre pays, seules les organisations américaines peuvent recevoir des sommes supérieures à 20 000 dollars. Les consultants, selon les contrats qui nous ont été montrés, touchent des indemnités journalières comprises entre 700 et 1500 dollars. Les agences japonaises fonctionnent selon des principes similaires.

« Le problème principal n’est pas que la majeure partie des aides revienne dans le pays d’origine. Il s’agit d’un principe que l’on retrouve dans tous les pays qui ont recours à des aides extérieures », explique un expert local. « Mais cette réalité oblige à faire des choix qui ne sont pas les plus économiques pour nous. Et les vrais problèmes commencent quand on obtient des équipements dont on ne connaît pas le mode d’utilisation, et dont l’achat a été imposé par les donateurs. Il s’agit d’équipements à la manutention coûteuse, sans assistance ni réparation possible dans notre pays. Quel est l’intérêt réel de ces investissements ? »

Les agences européennes suivent des règles en partie différentes. Les consultants ayant le droit de travailler pour des agences européennes peuvent venir de pays membres de l’Union européenne, mais aussi des pays candidats et même des Balkans occidentaux et de notre propre pays. Il en va de même pour les équipements nécessaires à la réalisation d’un projet. Les ONG locales qui mettent en œuvre ce projet peuvent se fournir dans l’Union, dans les pays candidats, mais aussi auprès d’entreprises locales. Les indemnités journalières des consultants européens sont comprises entre 400 et 1000 dollars.

Les étrangers qui travaillent dans des agences internationales présentes dans notre pays peuvent gagner mensuellement jusqu’à 10000 dollars, en tenant compte des allocations de logement et de déplacement, ainsi que les billets d’avion pour les visites au pays d’origine. Le salaire maximal que peut espérer un Macédonien travaillant pour une agence étrangère est de 1500 dollars. En moyenne, ces salaires vont de 700 o 1500 dollars. En principe, les citoyens macédoniens qui travaillent pour de telles agences ne sont pas assurés, et leur emploi n’est pas protégé par le code du travail macédonien. Certaines organisations et agences internationales sont exemptées de toute taxe et impôt, ce qui n’est pas le cas des ONG macédoniennes, qui réclament depuis longtemps une exemption fiscale, qui stimulerait les donateurs et permettrait aux ONG de travailler dans le pays à moindre coût.

 


Macédoine : une paix toujours fragile deux ans après les accords d'Ohrid
TRADUIT PAR PIERRE DÉRENS

Publié dans la presse : 20 août 2003
Mise en ligne : vendredi 22 août 2003

Deux ans après la signature des accords d'Ohrid, La Macédoine doit toujours faire face aux nombreux défis d'une paix fragile. Malgré les réels progrès qui ont été effectués, l'avenir du pays demeure bien incertain.

Par Ana Petruseva

Des groupes de guérilla éparpillés, une économie appauvrie, des institutions d'État affaiblies, le crime, la corruption ainsi qu'un grand écart social entre les communautés ethniques, tous ces facteurs menacent encore de déstabiliser la région.

En 2001, les guérillas albanaises se battaient pour des droits civiques plus importants. Les combats ont pris fin avec la signature des accords de paix, mis au point par les puissances occidentales, les accords d'Ohrid, le 13 août 2001.

Lors des élections qui ont suivi, en septembre 2002, les électeurs ont chassé les nationalistes du pouvoir, en faveur d'une nouvelle coalition, composée des Sociaux-démocrates (SDSM) et de l'Union démocratique pour l'intégration (BDI), formé par de nombreux anciens combattants de la guérilla de l'Armée de libération nationale (UCK).

L'ancien porte-parole de l'UCK Ali Ahmeti a déposé les armes pour devenir député, et son parti compte maintenant quatre ministres ainsi qu'un vice-Premier ministre.

Les accords d'Ohrid, dont le but était de fonder un État multiethnique uni, sont considérés comme la base de la stabilité du pays, et leur réalisation est un pas nécessaire vers l'intégration dans l'Union européenne et l'OTAN.

Les accords se réalisent petit à petit, l'essentiel est adopté sauf pour ce qui concerne la décentralisation.

La décentralisation est la seule composante des accords qui représente des avantages réels pour les Macédoniens autant que pour les Albanais, mais redessiner les limites municipales et le financement des autorités locales n'a même pas encore commencé, en raison d'une absence de compromis d'un côté comme de l'autre. De nouvelles discussions ont été reportées au mois prochain.

Dans d'autres domaines, des avancées ont été réalisées. Au Parlement, les députés albanais peuvent utiliser leur langue. Les documents d'identité sont rédigés en albanais, et l'Université albanaise illégale et controversée de Tetovo a été légalisée et sera bientôt financée par l'État. Le principe d'une représentation égale des Albanais dans les institutions de l'État est en cours de réalisation.

Il y a deux ans, la plupart des Macédoniens considéraient ces accords comme une défaite, prétendant que la majorité avait été « prise en otage » par la minorité albanaise. Aujourd'hui, les accords semblent nécessaires même si on ne les aime pas.

À l'occasion de leur second anniversaire, le Président de la République, Boris Trajkovski, a expliqué : « Aucun parti n'a besoin de prendre ces accords comme une défaite. Le temps qui passe nous donne raison d'espérer un accord vraiment européen qui mettrait un terme à la possibilité de solutions territoriales aux questions ethniques. Ces accords sont la garantie d'une authentique identité multiculturelle de la Macédoine et ne donnent aucune chance à une fédéralisation ou bien à une division sur la base des appartenances ethniques ».

Ce qui n'empêche pas les partis d'opposition, tant macédoniens qu'albanais, de ne pas partager cette opinion et de sauter sur chaque occasion pour dénigrer les accords, sous prétexte de l'absence de résultats. Beaucoup ont même mis en avant la division du pays sur des bases ethniques.

Le plus grand parti macédonien d'opposition, le VMRO-DPMNE, et son ancien partenaire de coalition, le Parti démocratique des Albanais (PDSh), ont fortement critiqué les accords, affirmant qu'ils n'avaient eu aucun résultat dans le domaine de la sécurité puisque de nombreux incidents violents interviennent chaque jour

Le Premier ministre Branko Crvenkovski a réfuté ces affirmations : « Beaucoup de critiques sont formulées de tous bords, mais personne n'a proposé une autre solution qui tienne la route. En eux-mêmes, les accords n'imposent pas de limites, mais ce qu'ils rendent possible dépend de notre capacité à les mettre en œuvre. Le retour à une paix complète, à la sécurité et à la confiance multiethnique passe par un chemin rempli d'embûches. Mais le jeu en vaut la chandelle, il consiste à appliquer intégralement ces accords ».

Sur le terrain, les deux communautés vivent encore à l'écart l'une de l'autre, entretenant des préjugés condamnables, et peu de tentatives pour combler ce gouffre ont abouti jusqu'à présent.

Sur le plan sécuritaire, des progrès ont été réalisés ces deux dernières années. Concordia, la mission militaire de l'UE, doit quitter le pays à la fin de l'année. Il n'en demeure pas moins que la continuité de la violence ethnique démontre que la Macédoine n'est pas encore sortie du bois.

Un groupe de guérilla fantomatique, l'Armée Nationale Albanaise (ANA-AKSh), revendique la responsabilité de la plupart des incidents en Macédoine, au sud de la Serbie et au Kosovo, et menace de façon répétitive de commencer la guerre pour réunir tous les territoires albanais.

À Skopje, les diplomates affirment que ce groupe est composé de criminels et ne pose pas de menace sérieuse à la paix, alors qu'au Kosovo, l'ANA est présentée comme un groupe « terroriste ».

Edward Joseph, un ancien directeur de l'International Crisis Group dans la région nous a expliqué qu'on ne pouvait pas encore dire que le conflit était terminé. Selon lui, « on ne sait pas si le calme qui prédomine en Macédoine à l'heure actuelle est une accalmie momentanée ou bien la première manifestation d'une authentique stabilité. Il y a encore trop de problèmes en suspens. L'État, la police, les tribunaux, le gouvernement et les dirigeants politiques ne peuvent pas affirmer que la Macédoine est véritablement engagée dans la voie de la paix et ne retombera pas dans la guerre ».

 

Macédoine : violentes manifestations à Aracinovo
TRADUIT PAR PIERRE DÉRENS

Publié dans la presse : 17 juin 2003
Mise en ligne : vendredi 20 juin 2003

De violentes manifestations ont éclaté la semaine dernière, à la suite de la fusillade par la police d’un criminel recherché dans un village albanais de la région de Skopje. Ces événements mettent en lumière la méfiance des communautés locales face aux forces de l'ordre, en particulier dans les régions frappées par le récent conflit.

Par Ana Petruseva à Skopje

Le 12 juin, la police a entouré le suspect, Nexhbedin Demiri, qui montait dans sa voiture à Cento, un faubourg essentiellement albanais de Skopje. Demiri, 25 ans, d’origine albanaise, avait été condamné à deux ans et demi de prison pour vol avec violence. Il était aussi recherché pour des attaques à main armée sur un policier et un inspecteur.

La police l’a abattu alors qu’il sortait un revolver, le pointant sur l’un des policiers.

Le ministre de l’Intérieur a affirmé ensuite que le policier avait respecté la loi, étant en danger de mort. Les organisations internationales sont aussi de cet avis. Pour un porte-parole : « Aujourd’hui cela ressemble bien à de l’autodéfense, mais attendons les résultats de l’enquête officielle. »

Le meurtre a déclenché une réaction violente dans le village natal de Demiri, Aracinovo, village albanais à 13 kilomètres de Skopje, qui avait connu de lourds combats entre les insurgés et les forces de sécurité macédoniennes en 2001.

Le jour où fut abattu Demiri, le poste de police du village a été pris par une foule de civils armés d’armes automatiques, qui ont pris en otage une douzaine de policiers pendant quelques heures, en signe de protestation contre l’assassinat. Ils demandaient également que le corps du défunt leur soit remis.

Les médias locaux ont rapporté qu’au moins six policiers macédoniens avaient été blessés. Les représentants de la police et de l’OSCE sur place lors de l’incident n’osaient pas confirmer ce qui s’était passé.

Vojislav Zafirovski, porte-parole de la police, a déclaré : « C’est vrai que les policiers ont été retenus quelques heures. Mais on ne peut pas dire qu’ils ont été battus. »

Wolfgang Graven, porte-parole de l’OSCE ajoute : « Pour l’OSCE, ce qui s’est passé à Aracinovo est purement d’ordre criminel. Nous encourageons la police macédonienne à arrêter ceux qui l’attaquent et ceux qui troublent l’ordre public et à les faire comparaître devant la justice. »

Au moins quatre journalistes sur place dont une équipe de la télévision d’État ont été attaqués et blessés dans l’échauffourée, et deux hospitalisés pour coups et blessures.

Ivona Talevska, journaliste pour TV Sitel, rapporte : « J’avais un revolver sur la tempe mais je n’ai pas été battue. Mon caméraman n’a pas eu autant de chance, ils l’ont battu à coups de pieds. Ils ont aussi cassé la caméra. »

Vanja Stevkovska, journaliste à la TV d’État est allée à Aracinovo, après que le maire Resat Ferati lui a dit au téléphone qu’il n’y avait pas de danger pour faire un reportage au village. Lorsque son équipe est arrivée, des villageois l’ont saisie aux cheveux et l’ont arrachée de sa voiture. Ses caméramans et son chauffeur ont été sévèrement battus.

Des soldats de la force européenne d’intervention rapide en Macédoine, l’EUFOR, ont été témoins des attaques et les journalistes disent qu’ils ne sont pas intervenus. Une déclaration de l’EUFOR a précisé que ses soldats s’étaient arrêtés pour secourir un journaliste.

L’Association des journalistes de Macédoine, les partis politiques et les organisations internationales ont condamné d’une même voix les attaques de journalistes.

La situation était si tendue, qu’on n’a pas envoyé de police supplémentaire sur les lieux. Au lieu de cela, des responsables albanais auraient plutôt négocié avec le groupe armé pour calmer le jeu. Fatmir Dehari, vice-ministre de l’Intérieur, représentant du Parti albanais de la coalition au gouvernement, l’Union démocratique pour l’intégration (BDI), est aussi intervenu.

D’après la police, le calme est revenu quand on a pu expliquer que Demiri était mort dans une action légitime, menée correctement par la police.

Ce n’est pas la première fois que des arrestations de la police soulèvent des protestations albanaises. La détention récente d’un homme soupçonné d’avoir planté une mine qui a tué deux soldats de l’OTAN et deux Macédoniens ont amené les anciens rebelles à menacer de reprendre la guerre s’il n’était pas relâché.

Certains disent que ce dernier incident met en lumière la question de l’application de la loi et celle de la méfiance larvée de la communauté albanaise vis-à-vis des autorités. Les criminels se servent des tensions ethniques pour échapper à la justice et font de leurs problèmes avec la police des problèmes politiques. La police a de la peine à patrouiller les zones albanaises ayant connu le pire en 2001, car ils sont pris pour des étrangers mal venus, même quand ses équipes sont ethniquement mixtes.

Le directeur du magazine Forum, Gjuner Ismail, précise : « Il ne faut pas oublier que la communauté albanaise est très serrée et qu’il existe un sens de la solidarité qui est faux. Mais personne ne devrait penser que les criminels albanais sont meilleurs que les criminels macédoniens et mériteraient ainsi une certaine protection. » Il a ajouté qu’il revenait aux politiques albanais de faire face à ce problème.

L’application de la loi, ou sa non-application, dans les secteurs à majorité albanaise est une question fondamentale pour le BDI, dont beaucoup de membres étaient du côté des rebelles en 2001. En tant que composante albanaise de la coalition gouvernementale élue en septembre de l’année dernière, ce parti a une responsabilité particulière à la fois pour la stabilité dans les régions de l’ancien conflit et aussi pour répondre aux attentes des Albanais de voir s’améliorer leurs statuts. Pour l’instant, les responsables du BDI minimisent l’importance de la question, expliquant que les criminels ne sont pas à même de poser un véritable problème.

Emira Mehmeti, porte parole du BDI explique : « Nous considérons ceci comme des tentatives secondaires de déstabilisation, mais nous ne permettrons pas l’escalade. Notre dilemme n’est pas entre la lutte contre le crime et la question de s’occuper de ces criminels. »

Igor Sivanovski, porte-parole des partenaires socio-démocrates de la coalition avec le BDI affirme : « La Macédoine ne connaîtra la sécurité que lorsque nous en aurons terminé avec ces gangs de criminels ; dans l’intérêt non seulement de la population locale, mais de chacun en Macédoine. »

Les diplomates eux aussi pensent que les criminels n’ont pas le soutien populaire généralisé. Nicolaas Biegman, ambassadeur de l’OTAN à Skopje, a souligné que ces incidents étaient purement criminels et n’avaient rien à voir avec des problèmes ethniques.

Le 14 juin, à la TV A1, il affirmait : « Aucun de ces criminels a le soutien de la population. Il se peut qu’elle soit mécontente de la façon dont la police mène ces arrestations, mais elle n’a aucune sympathie pour les criminels, même s’ils sont vêtus de noir pour ressembler aux combattants de la liberté. »

 

Macédoine : des extrémistes tentent d'empêcher le retour des réfugiés
TRADUIT PAR ANNE-CLAIRE BELLEC

Publié dans la presse : 28 février 2003
Mise en ligne : vendredi 7 mars 2003

Les Macédoniens qui avaient quitté les régions à majorité albanaise pendant la crise de 2001 craignent que les incendies à répétition perpétrés récemment par des extrémistes albanais soient le début d'une campagne destinée à les empêcher de rentrer chez eux.

Par Todor Stojcevski, journaliste pour l'hebdomadaire Denes de Skopje.

Le 11 février dernier, l'incendie criminel qui a ravagé la maison de Zoran Dimkovski à Opae, a été interprété comme le dernier geste d'une série de violences commises par des Albanais décidés à dissuader les Macédoniens déplacés de revenir dans leur village.

Quelques jours auparavant, des incidents identiques s'étaient produits à Aracinovo, située à moins de 10 Km de Skopje. L'attaque était dirigée contre la maison de Vide Krstevski et sa famille, qui comme Dimkovski et beaucoup d'autres Macédoniens vivent sans logement fixe depuis deux ans.

Krstevski a confié au quotidien Dnevnik, « même si les médias prétendent que l'on peut vivre en sécurité à Aracinovo, après ces incidents, moi je doute que cela soit encore possible. C'est évident, nous ne pouvons pas rentrer chez nous ».

En juin 2000, les rebelles albanais étaient entrés dans Aracinovo. La prise de la ville avait donné lieu à de violents combats provoquant le départ de nombreux Macédoniens.

Le conseiller auprès du ministère de l'Intérieur sur les questions de police, Vojce Zafirovski, veut dédramatiser les événements. Il a déclaré à IWPR que ces attaques étaient « les derniers gestes de certains individus et groupes d'extrémistes qui font pression sur les Slavo-macédoniens afin qu'ils quittent les régions de crise ».

« Ces personnes ne sont pas soutenues par la population locale qui souhaite que les attaques prennent fin ».

Jana Petrusevska, présidente de l'Association d'aide aux personnes déplacées, défend un tout autre point de vue. Elle affirme que la campagne d'incendies empêche toute cohabitation dans les régions concernées par les cinq attaques des deux derniers mois.

Grozda Stankovska est l'une de ces victimes. Elle interprète ces gestes comme de pures actes de nettoyage ethnique. « Il faut condamner l'Etat pour ces évènements », a-t-elle déclaré à IWPR. « Il n'y a aucune force de sécurité qui patrouille la nuit et les maisons sont laissées à la merci des gens du coin ».

« Lors du conflit en 2001, ma maison a subi quelques dégradations. Peu de temps après, nous avons été pillés par nos propres voisins. Ils ont commencé à saccager la maison et ce qu'il en restait a été, depuis, complètement brûlé. Et après ça le gouvernement nous suggère de rentrer chez nous ! ».

« Même si nous en avions envie, nous ne pourrions en aucun cas retourner vivre à Aracinovo », a déclaré Petrusevska à IWPR. « Personne ne garantie notre sécurité là-bas. Les autorités n'ont pris aucune initiative pour relancer le dialogue et restaurer la confiance dans la population, aucune mesure n'a été prévue pour nous protéger de nos anciens amis ».

Au total, 650 Macédoniens ont dû quitter Aracinovo pendant le conflit et environ 60 maisons leur appartenant ont été saccagées ou détruites. Avant la crise, il y avait à Aracinovo 173 ménages macédoniens sur les 1500 qui habitaient la ville. D'après le dernier recensement effectué en novembre 2002, Aracinovo compte 11000 habitants et tous sont Albanais.

Petrusevska explique que quelques déplacés sont revenus mais uniquement pour vendre leurs biens.

Reshet Ferati, le maire d'Aracinovo, a condamné les incendies criminels et a précisé qu'ils étaient l'œuvre d'individus cherchant à tout prix à empêcher les Macédoniens et les Albanais de vivre à nouveau ensemble. « Il y a quand même des citoyens d'origine macédonienne qui vivent ici et qui n'ont aucun problème », a t-il ajouté.

Wolfgang F. Greven, porte-parole de l'Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe (OSCE), partage l'opinion du maire.

Il a déclaré que « ces agissements sont le fait de criminels qui ne respectent apparemment rien. Nous savons qu'ils ne bénéficient d'aucun soutien dans la population locale ».

Il s'est montré optimiste et confiant quant au travail que la police macédonienne doit mener afin de traduire ces individus en justice.

De tels actes de vandalisme ne se sont pas seulement produits à Aracinovo. Jovan Bulevski, journaliste pour la radio macédonienne, en reportage dans la région de Tetovo à majorité albanaise, rapporte que Jelosnik, petit village niché en contre bas de la montagne Sara, a lui aussi été la cible des extrémistes.

« Les habitants de ce village macédonien, chassés lors du conflit, ne sont toujours pas rentrés chez eux. Les maisons rénovées ont été maintes fois saccagées et les vandales n'ont pas épargné la petite église de la Sainte Mère », explique Bulevski.

Le ministère de l'Intérieur a déclaré avoir pris connaissance de plusieurs cas d'incendies et autres actes criminels dans les zones en crise. Zafirovski a également admis l'inefficacité des patrouilles mixtes, composées d'Albanais et de Macédoniens, mises en place dans ces régions, patrouilles qui ne circulent jamais la nuit au moment précisément où se déroulent les attaques.

 

UTRINSKI VESNIK
Macédoine : chaque maison cache-t-elle un arsenal ?
TRADUIT PAR JULIJA JOVCEVSKA (RÉDACTION DE SKOPJE DU COURRIER DE LA MACÉDOINE)

Publié dans la presse : 6 février 2003
Mise en ligne : mercredi 12 février 2003

Il existe un véritable arsenal dans notre pays, sur lequel l'État n'a toujours pas de contrôle. Si quelque 10 000 armes sont déclarées en Macédoine, 700 000 sont détenues de manière illicite.

Par Kosta Popovski

Le siège de l'Union démocratique pour l'intégration (BDI) à Skopje a été récemment frappé par une fusillade au pistolet et au lance-grenades. Selon les responsables du BDI et des spécialistes de la police anti-terroriste, les commanditaires et les exécutants de cette attaque voulaient signifier leur désaccord avec la politique prônée par ce nouveau parti albanais. Avec le message suivant : nous n'acceptons pas la politique du BDI en faveur de la stabilité politique d'une Macédoine unitaire et souveraine, du respect de la constitution et de l'application réelle de l'État de droit sur tout le territoire de la République.

Cette nouvelle attaque révèle une fois de plus qu'on trouve en Macédoine toutes les sortes d'armes possibles, qui forment un véritable arsenal illicite en plein cœur des Balkans. Émettre des hypothèses est peut-être la pire manière de se rapprocher de la vérité, mais cette fois nous allons tout de même utiliser cette manière de raisonner, étant donné qu'il n'existe pas d'autres manières pour percer la seule et véritable question de ce débat : Combien d'armes se trouvent-elles en Macédoine ? Combien d'armes les citoyens macédoniens cachent-ils chez eux ?

On estime que se trouvent en Macédoine entre 300 000 et 700 000 armes illégales, telles que des bombes ou des lance-grenades, ainsi qu'environ quinze millions de balles pour des pistolets et des fusils automatiques. On suppose aussi qu'au Nord-Est du pays, on peut trouver toutes sortes de vieux canons et d'autres pièces d'artillerie. Il est probable qu'un citoyen sur cinq possède des armes en Macédoine. À la fin de l'année dernière, la police avait trouvé des bombes, des grenades et d'autres explosifs dans un local désaffecté. Les spécialistes ont alors supposé que si cet arsenal avait été mis en contact avec un feu ou une forte source de chaleur l'explosion produite aurait causé de graves dommages matériels et coûté la vie à plusieurs personnes.

Selon les seules données fiables dont nous disposions, seulement 10 000 personnes possèdent des armes avec un permis légal, mais qui permet souvent à ses détenteurs de posséder également des armes normalement interdites aux civils. Pendant le conflit de l'été 2001, l'ancien Premier ministre Ljupco Georgievski et son ministre de l'Intérieur Ljube Boskovski, ont ainsi distribué les armes et les bombes de 3000 dépôts qui n'ont, bien entendu, jamais été restituées à la police. Les services de police ont aussi constaté qu'en trois années passées au gouvernement, le VMRO a distribué plus de 3 000 permis de port d'armes à ses sympathisants. Par exemple, l'ancien chef de la police de Bitola, sous couvert de son autorité, distribuait des permis de port d'armes à ses fidèles ainsi qu'à ceux du VMRO-DPMNE.

Pendant la campagne électorale, le nouveau gouvernement avait annoncé sa volonté de retirer de la circulation les armes illégales, affirmant qu'il s'agirait d'une de ses priorités. Mais les récents assassinats ainsi que la dernière attaque contre le siège du BDI ont confirmé le fait que beaucoup de citoyens possèdent des armes illégalement et qu'il faudra rapidement procéder à une collecte de ces armes. Cette mesure a d'ailleurs été à nouveau promise par le ministre de l'Intérieur, Hari Kostov.

Cette opération est-elle vraiment réalisable, et comment va-t-on s'y prendre ? "Le ministère de l'Intérieur a demandé une vérification complète de tous les permis de ports d'armes délivrés jusqu'à présent. Il semblerait qu'environ 90% des permis délivrés se trouvent en-dehors de toutes les dispositions légales", estime le ministre Kostov. Il a demandé aux tribunaux du pays une collaboration sans failles afin de remplir les objectifs de ce projet, à savoir vider le pays de ses nombreux stocks d'armes illégaux.

Le porte-parole du ministère de l'Intérieur a déclaré que l'opération de collecte des armes était déjà en cours de réalisation, et que tous les postes de police du pays recherchaient les caches d'armes illicites ainsi que les personnes susceptibles de posséder des armes sans détenir de permis valable.

Pour l'instant, on sait qu'à Kicevo, Makedonski Brod, Prilep, Kumanovo et Skopje, la police a découvert de nombreux stocks d'armes et pris des mesures judiciaires contre leurs détenteurs. La plupart des armes trouvées étaient des pistolets ainsi que des fusils automatiques, accompagnés de leurs munitions. Cette action se poursuit à travers tout le pays.

 

Monitor 9 mars 2001 (traduit par Jasna Tatar)

 LA MACEDOINE AU BORD DU GOUFFRE 

L'extension du conflit vers le territoire macédonien prouve que la stratégie internationale du maintien de statu quo, sans résolution du statut du Kosovo, de la Serbie et de la Macédoine peut entraîner une nouvelle déstabilisation des Balkans. Par Bozo Nikolic. Slobodan Milosevic, spécialiste des manipulations, qui provoquait l' instabilité pour renforcer son pouvoir est politiquement mort, mais les vents maléfiques qu'il a libérés, ne rentrent facilement dans la boîte de Pandore. Les coups de canon résonnent encore dans les Balkans. L'armée macédonienne s'oppose depuis une dizaine de jours à des guérilleros albanais dans les montagnes qui séparent la Macédoine et le Kosovo. Entre temps, les forces de l'OTAN ont renforcé le contrôle de la frontière pour étouffer la révolte qui risque de se transformer en une nouvelle guerre balkanique. Trois bataillons américains qui font partie des forces internationales au Kosovo se sont installés face au village macédonien de Tanusevci, contrôlé par les milices albanaises. Les hélicoptères et les avions de reconnaissance ont survolé la zone de combat et les journalistes ont été invités à quitter la région. Selon les fonctionnaires du Ministère macédonien de la défense, les révoltés albanais ont commencé à tirer les premiers. Ils ont tiré sans arrêt, durant deux jours, sur les positions de l'armée macédonienne. Un officier et un soldat macédonien ont trouvé la mort dimanche 4 mars, lorsque leur char de combat a sauté sur une mine. Le même jour, un autre soldat était tué par un tireur embusqué près de la frontière, à Tanusevci. Les autorités macédoniennes estiment avoir réussi à limiter le conflit aux quelques villages qui entourent Tanusevci, à une trentaine de kilomètres au nord de Skopje, mais les combats risquent d'éclater ailleurs et de gagner une grande partie de ce petit pays balkanique. De basse intensité, ces combats pourraient néanmoins se révéler explosifs parce que la communauté albanaise représente un quart de la population macédonienne. La guérilla albanaise qui opère près de la frontière du Kosovo, n'a toujours pas communiqué ses revendications ni les raisons de la révolte. Cependant, depuis la séparation pacifique de la Macédoine fin 1991 et début 1992, les Albanais réclament des droits accrus. D'après certains journalistes occidentaux, les révoltés ont l'intention de mener en Macédoine une guerre qui ressemblerait à celle au Kosovo. On estime également que leur révolté est liée à l'Armée de libération de Presevo, Medvedja et Bujanovac (UCPMB) qui opère au Sud de Serbie, 10 à 20 km au nord-est de la frontière macédonienne. La guérilla met à profit la zone interdite, large de un kilomètre, qui longe la frontière  pour éviter la KFOR et l'armée macédonienne. On considère qu' ils sont présents à Tanusevci depuis quelques semaines, tandis que leur présence dans la zone démilitarisée au sud de la Serbie date de plusieurs mois. Les extrémistes albanais ont non seulement intensifié leur activité en Macédoine, mais ils continuent à maltraiter et tuer les Serbes au Kosovo, malgré la présence de l'OTAN et de l'ONU. En Serbie méridionale, les combattants albanais mènent une campagne d'intimidation et de meurtres, ignorant les propositions de négociations du nouveau gouvernement. La Macédoine est la dernière et la plus dangereuse zone de combat. Les analystes occidentaux reconnaissent que tous ces éléments radicaux qui agissent en Macédoine, au Kosovo ou dans la vallée de Presevo, n'ont qu'une ambition : unifier toutes les régions de l'ex-Yougoslavie à majorité albanaise. Ce serait un premier pas vers la création de la Grande Albanie, mais il n'est pas certain que les Albanais de Macédoine soutiennent ce radicalisme. L'augmentation des tensions à Presevo et en Macédoine accroît également le risque d'une nouvelle crise au Kosovo, presque deux ans après l'entrée officielle de l'OTAN et de l'ONU dans la région. L'OTAN craint que les incidents dans la vallée de Presevo ou en Macédoine ne révèlent l'existence d'un mouvement extrémiste organisé à la veille des élections en Albanie et au Monténégro. L'OTAN se demande également comment réagir  si les combats en Macédoine se poursuivaient. Le rédacteur en chef du magazine américain Janes Worlds Armees estime que les sources du terrain confirment que les extrémistes albanais considère déjà l'OTAN comme une force d'occupation : « La situation dans la région est très compliquée et une entente par le dialogue serait la meilleure option. Je pense quand même que l"OTAN devra bientôt entreprendre des démarches contre les extrémistes s'il ne veut pas que la situation échappe à tout contrôle ». C'est pourquoi, l'OTAN, l'Union Européenne et les pays balkaniques ont entamé une forte activité diplomatique pour empêcher que les affrontements entre les unités macédoniennes et les extrémistes albanais ne se transforment en une véritable crise. Les diplomates britanniques et d' autres pays  européens affirment avoir adressé aux leaders albanais au Kosovo de clairs messages d'avertissement sur les possibles conséquences d' une poursuite des attaques des révoltés albanais en macédoine et au sud de la Serbie. Philippe Rikker, l'attaché de presse de Département d'Etat américain  a condamné, à Washington, les actions des « extrémistes qui souhaitent déstabiliser la Macédoine, le Kosovo et toute la région ». Xavier Solana, haut représentant de l'Union Européenne pour la politique extérieure et la sécurité a utilisé un vocabulaire similaire.

(Mis en forme par Jean-Arnault Dérens)