Presse Monténégro
Monténégro : le coup d’État permanent Traduit par Persa Aligrudic Publié dans la presse : 11 mai 2007 Crimes impunis, menaces contre les défenseurs des droits de la personne, police aux ordres du pouvoir : telle est la réalité du Monténégro actuel, où les oligarques russes et leurs associés locaux jouissent de privilèges exorbitants. Le littoral est saccagé par les constructions sauvages, le système judiciaire est bafoué, mais les citoyens et les intellectuels se taisent, comme en 1991, quand le Monténégro faisait « la guerre pour la paix » à Dubrovnik. Milka Tadic dresse le triste portrait du Monténégro au terme d’un an d’indépendance. Par Milka Tadic-Mijovic Il ne reste plus que la force nue, la criminalité et la peur. Les représentants du pouvoir et du crime organisé ont anéanti l’ordre public, détruit les institutions et réalisé un coup d’État qui, comme aurait pu le dire Svetozar Vukmanovic Tempo [révolutionnaire, héros national de la Seconde Guerre mondiale, NdT], continue de s’écouler comme une rivière. N’aurait-on donc pas arrêté les meurtriers de Srdjan Vojicic [chauffeur de l’écrivain Jevrem Brkovic, victime d’une fusillade en octobre 2006, NdT] s’il y avait eu des institutions compétentes, si la situation d’un chaos organisé n’avait pas été créée ? Depuis la nuit de son assassinat, le doute subsistait qu’un puissant groupe organisé avait des motifs d’entrer en action. Les médias ont publié les détails du crime, il y a eu de nombreux indices rendus publics, mais l’enquête de la police n’a pas abouti. Un jeu étrange se pousuit encore avec Aleksandar Zekovic, menacé de mort. Plusieurs personnes ont reconnu la voix qu’il a enregistrée et qui le menaçait de mort. D’après de nombreux témoignages, elle appartiendrait à un homme de la police. Or, le chef de la police n’a pas reconnu cette voix. Ce sont des amateurs inoffensifs, explique Veselin Veljovic. Il en ressort que ce serait un déshonneur pour la police monténégrine de s’occuper de simples « amateurs », de sorte que l’identité de la personne qui menace de mort un militant des droits de la personne est toujours tenue secrête. De toute façon, les professionnels auront tôt fait d’accomplir leur besogne, comme dans les cas de Scekic et de Jovanovic. Une police aux ordres du pouvoir Il n’y a pas non plus la moindre avancée dans l’affaire du « vol de l’aigle » - l’apparition et la répression d’une mystérieuse guérilla albanaise en septembre 2006. La police a dépassé les limites de ses compétences, à la suite de quoi l’Etat a été interpellé par Amnesty International et de nombreuses organisations pour la défense des droits de la personne. Les personnes arrêtées et soupçonnées de terrorisme ont été battues et maltraitées dans les sous-sols obscurs des institutions publiques. D’après les témoignages, elles ont été humiliées en raison de leur appartenance nationale. Si les institutions fonctionnaient, Veselin Veljovic aurait dû depuis longtemps répondre des actes commis par ses hommes. S’il avait compris l’importance des menaces proférées à l’encontre d’Aleksandar Zekovic, membre du Conseil pour le contrôle civil de la police, après qu’il ait témoigné des mauvais traitements infligés aux prévenus, Veljovic parlerait autrement. Si un membre du Conseil ne peut pas faire librement son travail, le message s’adresse aussi à Veljovic : il n’est pas au service de l’État mais aux mains de maîtres qui se servent des institutions publiques et de leurs employés comme d’une main d’œuvre à leur service. Le saccage du littoral Si les tribunaux faisaient leur travail correctement, une bâtisse plus haute que Avala aurait-elle pu être édifiée devant les yeux des habitants de Budva ? Elle obstrue le ciel, elle tue la ville. De plus, le propriétaire de l’hôtel, le fameux groupe Beppler & Jacobson, a changé la configuration du mont de Gospostina en y « plantant » une dizaine de bungalows. La vulgarité de la nouvelle classe riche a ainsi transformé Gospostina en un enfer de béton et de grisaille. Les puissants constructeurs se sont aussi attaqués aux remparts de la Vieille Ville de Budva qui, depuis des milliers d’années, ont résisté aux conquérants et aux tempêtes. Nos pères avaient engagé des centaines d’experts après le tremblement de terre de 1979 afin de restaurer la Vieille Ville pour que chaque pierre retrouve sa place. Ils ont réussi. Pour qui ? Aucune catastrophe, aucun conquérant ne peut commettre autant de dommages qu’un ordre basé sur l’usurpation. Où est donc l’Institut pour la protection des monuments de la culture, qui devrait s’élever contre ces constructions, où sont nos éminentes personnalités de la culture, nos intellectuels, nos écrivains ? Actuellement, il n’y a plus, dans le monde entier, que les talibans d’Afghanistan pour se comporter ainsi envers le patrimoine. Le Monténégro au service des USA... La même force de destruction se retrouve aussi derrière l’article 98 signé en secret, et par lequel le Monténégro s’engage à ne pas extrader les citoyens américains devant la Cour pénale internationale. Quel courage que d’apposer sa signature sur un document reçu des USA, sans consultation avec le gouvernement et le Parlement ! Ce sont les putschistes du gouvernement de Milan Rocen [ministre des Affaires étrangères, NdT] qui foulent les institutions. En acceptant l’article 98, le Monténégro s’est rangé du côté de Bush, qui détruit l’ordre juridique international par son rejet de la Cour pénale internationale. Le Monténégro est entré en conflit aussi avec l’Union européenne, qui mène un combat difficile avec Bush précisément au sujet de la CPI. Ainsi, Podgorica garantit plus de droits aux soldats américains qu’à ses propres citoyens. Les Américains ne seront pas déférés devant la Cour pénale internationale s’ils commettent des crimes de guerre, alors que les citoyens monténégrins le seront. ...et des oligarques russes Tous les hommes sont égaux, mais certains le sont plus que d’autres, comme dans les colonies du XIXe siècle. Pas seulement les soldats. L’oligarque russe Oleg Derispaska paie l’électricité à un prix « de faveur » pour le Combinat d’aluminium de Podgorica (KAP) alors que celui-ci est le plus gros consommateur du Monténégro. Ne nous mentons pas à nous-mêmes, les aventuriers locaux se sont enrichis avec la privatisation du KAP, ils se sont dissimulés derrière Deripaska et, avec cet argent, ils construisent maintenant des buildings à travers le Monténégro. Ils veulent désormais changer la géographie, après avoir réécrit l’histoire en 1991-1992. La terreur est possible là où il n’y a pas une opinion publique prête à réagir, à sanctionner ou à récompenser le pouvoir. En 1991, ce sont les professeurs et les étudiants qui se sont levés massivement, obéissant fidèlement à l’Etat lorsqu’il leur a ordonné d’aller incendier Dubrovnik. Maintenant, ils observent ou ils participent. C’est ce que Veselin Vukotic leur a enseigné : s’affilier à un clan et toujours jouer pour l’équipe gagnante. Des possibilités infinies ne font que s’ouvrir. L’Université Donja Gorica de Milo Djukanovic va bientôt ouvrir ses portes. Des forces nouvelles seront recrutées. Il faut rassurer la jeunesse : créons une armée pour maintenir le système d’un coup d’État permanent.
|
Le Monténégro indépendant n’est pas près d’avoir sa Constitution Traduit par Jacqueline Dérens Publié dans la presse : 14 décembre 2006 Après la proclamation de l’indépendance en mai 2006, le Parlement de Podgorica travaille depuis le mois de novembre sur le projet de nouvelle Constitution, mais le texte n’a aucune chance d’être adopté avant l’été 2007, en raison des divisions entre la majorité et l’opposition. Principaux points de discorde : l’hymne, le drapeau, le statut des différentes Églises orthodoxes, et le nom de la langue parlée au Monténégro. Par Bojana Stanisic L’opposition monténégrine a refusé de se joindre à la commission parlementaire de travail sur la Constitution, à cause d’un désaccord sur les règles de procédure de son adoption. Ces règles précisent que le Parlement actuel a besoin d’une majorité des deux tiers seulement pour adopter la nouvelle Constitution. L’opposition veut de nouvelles élections et l’adoption de la Constitution par les deux-tiers des élus du nouveau Parlement. Il y a peu de chances que les partis au pouvoir et ceux de l’opposition se mettent d’accord avant longtemps pour adopter les changements constitutionnels demandés par le Conseil de l’Europe, surtout qu’il existe aussi d’autres sujets de discorde. La langue, les symboles de l’État, la position des Églises et la possibilité d’organiser un nouveau référendum sur l’indépendance sont au nombre de ces désaccords. La formation indépendandiste au pouvoir, le Parti démocratique des socialistes (DPS), et son allié, le Parti social-démocrate (SDP), veulent que la langue officielle s’appelle le monténégrin. Ils contestent que cette langue soit la même que le serbe. Ils veulent aussi conserver les symboles étatiques récemment adoptés et sont inflexibles sur le fait que la nouvelle Constitution ne permettra pas la tenue d’un nouveau référendum sur l’indépendance. Leurs opposants de la Liste serbe, le groupe le plus important de l’opposition, veulent que la langue officielle s’appelle le serbe, qu’il y ait de nouveaux symboles de l’État, un hymne différent et que reste ouverte la possibilité d’une nouvelle union avec la Serbie. Pour la langue, ils font référence au dernier recensement : 62% des citoyens du Monténégro ont alors déclaré qu’ils parlaient serbe. Pour l’Église, ils affirment que, selon le droit canon, l’Église orthodoxe monténégrine n’est pas reconnue par les autres Églises orthodoxes et ne peut donc pas être placée à égalité avec l’Église orthodoxe serbe. Parmi les députés de la Liste serbe, certains tiennent au concept d’un État « ethnique ». Ils veulent que toutes les nationalités, Monténégrins, Serbes, Bosniaques, Musulmans, Albanais et Croates soient représentés dans une seconde chambre au Parlement. Les autres veulent une définition « civile » de l’État, reposant sur le concept d’une égale citoyenneté pour tous. Il est clair qu’avec ces différentes positions, le projet cconstitutionnel ne sera pas adopté avant un an, alors que l’adoption d’une nouvelle Constitution était la priorité après les résultats du référendum du 21 mai, qui a mis fin à 88 ans d’union avec la Serbie. Aux élections législatives du 10 septembre, le DPS et le SDP, porteurs du projet d’indépendance, ont gagné 41 sièges sur les 80 que compte le Parlement, et l’opposition unioniste en a obtenu 23. Le Mouvement pour les changements (SzP), qui est en faveur de réformes radicales et n’avait pas de position nettement tranchée sur l’indépendance, a obtenu 11 sièges. Aussitôt après les élections, une équipe d’experts du Conseil pour les questions constitutionnelles avait présenté son propre texte comme base de départ pour une nouvelle Constitution. Cette version était proche du point de vue du gouvernement sur de nombreux sujets importants : la langue est le monténégrin, l’Église orthodoxe monténégrine a le même statut que l’Église orthodoxe serbe, et la possibilité d’avoir recours à un nouveau référendum sur le statut du pays est exclue. La Constitution sera adoptée avec deux tiers des voix du Parlement actuel. Ce n’est que si la Constitution n’était adoptée qu’à la majorité simple qu’un nouveau référendum serait nécessaire. L’opposition, qui exige la tenue d’élections extraordinaires et la majorité des deux tiers du nouveau Parlement, a porté plainte contre les règles de la procédure auprès de la Cour constitutionnelle. À sa grande déception, la Cour a déclaré que le gouvernement avait le droit de définir une nouvelle procédure pour l’adoption de la Constitution. La Constitution actuelle, en vigueur depuis 1992, définit le Monténégro comme un État civil, dont la langue officielle est le serbe et qui reconnaît plusieurs communautés religieuses : l’Église orthodoxe serbe, la communauté islamique, l’Église catholique romaine et d’autres. Dobrilo Dedeic, un député de la Liste serbe, déclare que les forces unionistes continueraient à se battre pour le droit à l’organisation d’un nouveau référendum sur le statut de l’État. « La Liste serbe n’abandonnera jamais l’idée de la réunification du Monténégro avec la Serbie, que nous réaliserons par le biais d’un nouveau référendum sur le statut du Monténégro ». Miodrag Vukovic, du DPS, affirme de son côté qu’aller vers un nouveau référendum sur l’indépendance du pays serait une initiative sans précédent. « Puisque le Monténégro est déjà indépendant, ce serait une absurdité ». Les observateurs politiques prédisent que la bataille pour une nouvelle Constitution va creuser les écarts existants sur la scène politique. « C’est une question délicate, parce que les choses ne se sont pas vraiment calmées après le dernier référendum », reconnaît l’analyste Svetozar Jovicevic. Le vote des députés du Mouvement pour les changements sera décisif pour toutes les questions importantes. S’ils votent avec le gouvernement, comme les partis des minorités ethniques, celui-ci sera assuré d’une majorité des deux tiers. Ce Mouvement a annoncé qu’il cherchait un compromis acceptable sur la question de la langue et à propos de la religion, voulant que la Constitution établisse la séparation de l’Église et de l’État. De son côté, le gouvernement a déclaré qu’il n’avait pas l’intention d’empêcher l’usage du serbe. En appelant la langue le monténégrin, il sait que cela aura peu d’effet pratique : « la langue est définie comme étant du monténégrin, mais avec une remarque : tout le monde parle la même langue sur le territoire des quatre anciennes républiques yougoslaves », indique Srdjan Darmanovic, membre du Conseil pour les questions constitutionnelles. « Les trois autres républiques ont nommé la langue d’après le nom de l’État : la Serbie appelle sa langue le serbe, la Bosnie-Herzégovine, le bosnien, la Croatie, le croate ». Cependant, les forces unionistes n’ont pas l’intention de se laisser apaiser par cette formule. Ils veulent que la langue de leur État s’appelle le serbe et rien d’autre. « Si ceux qui vont élaborer la Constitution veulent éviter les complications politiques et l’instabilité, le statut de la langue serbe ne doit pas être mis en question. Si la langue parlée par les deux tiers de la population changeait de nom, ce serait une grave violation des droits fondamentaux de la personne », estiment-elles. Le Président du Monténégro, Filip Vujanovic, a déclaré que la controverse sur les Églises renforçait les arguments en faveur d’une totale séparation de l’Église et de l’État. « Le Monténégro doit être un État laïc, ce qui veut dire que l’État ne peut pas décider arbitrairement quelle église doit être reconnue par le droit canon ». Toutes ces questions d’importance rendent improbable la présentation rapide d’un projet de Constitution. L’analyste Svetozar Jovicevic l’avoue avec réalisme : « Au train où vont les choses, je ne crois pas qu’il soit réaliste d’espérer une rédaction définitive avant la fin de l’année et l’adoption de la Constitution au printemps 2007 comme on l’avait annoncé. J’ai bien peur que dans ce contexte, personne ne puisse plus parler de date limite ».
|
Pobjeda
Le Monténégro figure toujours sur la carte de la prostitution forcée et de la traite Traduit par Persa Aligrudic Publié dans la presse : 13 novembre 2006 Près de 1000 personnes se livreraient à la prostitution au Monténégro. Alors que la petite république a été ébranlée par une terrible histoire de traite des êtres humains il y a trois ans, cette activité existe toujours. Et l’équipe spéciale de la police n’a enregistrée qu’un nombre dérisoire de plaintes contre les proxénètes et les trafiquants. Par Marija Jovicevic Il n’existe pas de données officielles concernant le nombre de personnes qui se livrent à la prostitution au Monténégro. On suppose que le chiffre s’élève à un millier et que la plus grande partie de cette activité se déroule dans les boîtes de nuit. La prostitution touche plusieurs couches sociales, de la prostitution de rue à celle de luxe. Les affaires sont menées par les maquereaux. Dans la rue, on trouve surtout des jeunes filles issues des classes pauvres, le plus souvent des étrangères et beaucoup d’entre elles sont atteintes de désordres psychiques légers ou lourds. Elles travaillent dans des endroits urbains ou périphériques bien connus. Le prix de leurs services va d’une cigarette à 20 euros. Une interlocutrice nous explique que la prostitution « de luxe, de type fermé » est pratiquée par des étudiantes, des femmes mariées, des ménagères, des intellectuelles, des femmes ayant une bonne situation. La plupart reconnaissent qu’elles font ce travail pour l’argent, pour améliorer le niveau de vie familial. Bien entendu, les maris ou les petits amis ne le savent pas ! Les « meilleures », les plus attrayantes et les plus belles, qui peuvent avoir en une soirée trois ou quatre clients et se font payer 100 euros l’heure, peuvent s’offrir un appartement au bout d’un an. Actuellement, le nombre d’agences fournissant des « escortes d’affaires » a considérablement baissé. Les services sont dorénavant offerts sous le couvert de salons de massage ou de relaxation. La police contrôle régulièrement ces activités. Ceux qui racolent, encouragent ou attirent les femmes à se livrer à la prostitution sont passibles d’une peine d’emprisonnement allant de trois mois à cinq ans. Si une mineure est contrainte, menacée ou trompée, la peine encourue est d’un à dix ans de prison. Les prostituées sont sanctionnées conformément à la Loi sur l’ordre public et la paix. D’après les statistiques de l’Équipe spéciale pour la lutte contre le trafic des êtres humains, créée en 2004, on ne compte en deux ans et demi que neuf plaintes déposées pour traite des êtres humains et médiation dans la prostitution. « Sur les neuf plaintes, cinq ont été déposées en 2004 contre dix hommes, dont sept du Monténégro et deux de Serbie, sous la présomption qu’ils avaient contraint à la prostitution cinq femmes dont deux mineures. Deux d’entre elles étaient Monténégrines, deux Serbes et une Albanaise », explique Veselin Saranovic, chef de l’Équipe spéciale. « En 2005, quatre jeunes filles, dont une mineure, ont fait l’objet d’un trafic en provenance de Serbie. Cinq hommes les ont forcé à se prostituer, l’un était un récidiviste. Trois d’entre eux étaient du Monténégro et deux de Serbie. Aucun cas n’a été enregistré cette année », confirme Veselin Saranovic. Il souligne que ce sont en général des jeunes filles qui travaillaient dans des boites de nuit à Podgorica, Bar, Budva, Rozaje, officiellement pour y danser tard dans la nuit, et qui subissaient ensuite des abus sexuels sous la contrainte. « Dans deux cas, des personnes de Serbie ont amené des jeunes filles, ils ont loué un appartement et pris leurs documents en les gardant sous clé. Comme les victimes du trafic sont des personnes traumatisées, leurs déclarations n’ont en général pas la validité de témoignages et il arrive souvent qu’elles changent leur déposition. Au début, elles sont logées dans les foyers des organisations non-gouvernemenales du Lobby féminin monténégrin, ou à la Maison sécurisée des femmes, avec lesquels la direction de la police entretient une collaboration correcte. Elles y reçoivent protection, examen médical et aide psychologique. Elles ne sont aucunement obligées de séjourner dans ces foyers, et lorsqu’elles parviennent à une période d’adaptation et de confiance, elles décident elles-mêmes si elles veulent témoigner dans les procédures judiciaires. Il arrive parfois qu’une procédure soit interrompue car la victime modifie sa déposition. On suppose qu’il s’agit généralement des conséquences d’un marché conclu entre un intermédiaire et la victime après son séjour dans le Foyer des femmes. On achète le silence contre une certaine somme d’argent », explique Veselin Saranovic. Le plus grand nombre de victimes du trafic des êtres humains au niveau international provient de Moldavie, de Roumanie et des anciennes républiques de l’Union soviétique. « Aucune Monténégrine n’est victime du trafic en dehors des frontières de son pays, autant que l’on a pu le constater lors des réunions des groupes de travail, sur la base des informations du Centre régional de lutte contre le crime organisé SEKI, qui réunit environ dix pays de la région, et d’Interpol », souligne Veselin Saranovic. Il ajoute que les victimes qui se retrouvent au Monténégro proviennent habituellement de familles dont la situation sociale est précaire, ou bien de parents séparés ou d’enfants conçus en dehors du mariage. Habituées à la douleur Milica Vukomanovic, activiste de l’organisation non gouvernementale SAPAT explique que pour ces jeunes filles la prostitution est la manière la plus facile de gagner un peu d’argent. « Elles ne vivent pas dans une bonne ambiance familiale, elles n’ont pas une bonne éducation et ne savent pas faire la différence entre le bien et le mal. Elles ne savent pas ce qu’est la moralité, ou bien c’est une catégorie si floue qu’elle la comprenne à leur convenance. Depuis leur enfance, elles sont soumises à la douleur et elles y sont habituées. La société doit œuvrer à la prévention, tandis que la juridiction doit renforcer les sanctions. Trente jours en prison suffisent à certaines pour se retaper, se reposer, se nourrir et se préparer à une nouvelle ’saison’. D’après nos informations, 85% de femmes se livrant à la prostitution ont subi des abus sexuels dans leur enfance. 90% des femmes prostituées ont subi des maltraitances physiques et 98% ont été malmenées sur le plan émotionnel. Elles quittent donc leur foyer pour échapper à la violence. Elles finissent dans la rue où elles sont ramassées par les proxénètes qui les obligent à se prostituer. Ces jeunes femmes s’adonnent à l’alcool pour oublier leur douleur face à de telles violences et d’abus. Beaucoup d’entre elles deviennent dépendantes de la drogue et de l’alcool, et l’on ne peut que supposer la fin fatale qui les attend », conclut Milica Vukomanovic.
|
Le
Monténégro, l’OTAN et la Russie
Traduit par Persa Aligrudic Publié dans la presse : 15 août 2006 Jurij Bickov, conseiller du ministère des Affaires étrangères de la Fédération russe, s’est étonné de l’intention du Monténégro d’adhérer à l’OTAN. La réponse lui est parvenue de façon inhabituelle : un panneau publicitaire installé près du Parlement de Podgorica conseille à la Russie de laisser les Monténégrins décider seuls de leur avenir et de leurs alliance. Le poids du « grand frère russe » sur l’économie monténégrine devient pourtant écrasant. Par Veselko Koprivica Près du bâtiment du Parlement monténégrin à Podgorica, un message peu commun apparaît sur un grand panneau, rédigé en russe, sur un ton diplomatique, à l’adresse du conseiller du ministère des Affaires étrangères de la Fédération russe, Jurij Bickov : « Honorable Jurij Jevgenevitch ! Nous vous prions d’avoir l’amabilité de nous laisser tranquilles dans notre maison. Nous écrirons nous-mêmes notre Constitution, de notre propre chef. Reposez-vous bien sur le littoral du Monténégro. Bon voyage ». Notre petite mère la Russie ? Le panneau se trouve sur l’une des rues les plus passantes de la capitale du Monténégro. Il est apparu quelques jours après que le diplomate russe ait fait part de son étonnement, dans le journal Vijesti, de son étonnement du souhait du Monténégro de faire partie de l’OTAN. « Faut-il rappeler que l’entrée dans l’alliance politico-militaire restreint la souveraineté de l’État ? C’est précisément pour cela que je suis surpris de l’intention du Monténégro d’entrer dans l’Alliance atlantique. Cela va limiter la souveraineté monténégrine, qui vient d’être obtenue si difficilement. Nombre de vos questions de principe de politique étrangère ne seront plus réglées à Podgorica, mais à Bruxelles et à Washington », écrivait Jurij Bickov. Peut-être serait-il plus naturel pour le conseiller Bickov que le sort du Monténégro soit décidé à Moscou ? À dire vrai, la tradition va dans ce sens. Des siècles durant, les Monténégrins ont brûlé d’amour pour notre petite mère la Russie. Aujourd’hui encore beaucoup de gens sont exaltés sur ce thème, certains parmi les autorités monténégrines. Il semble que beaucoup de leçons du passé soient restées vaines : les promesses russes non tenues sur une grande aide au pauvre Monténégro au temps de la dynastie des Petrovic, le rigide modèle russe de socialisme, le traitement carcéral réserbé à la petite armée monténégrine, la récente fuite des hommes d’affaires russes qui ont quitté les Aciéries de Niksic... De 2001 à 2004, Jurij Bickov fut consul général de la Russie à Podgorica. Il possède un master de sciences historiques et il a écrit un livre sur les rapports russo-monténégrins. Il est donc logique de penser qu’il connaît bien la situation actuelle au Monténégro, le passé du pays et la mentalité des Monténégrins. En tant que diplomate, il doit pourtant savoir qu’il est impardonnable de se mêler des affaires intérieures d’un autre pays. Jurij Bickov a négligé tout cela et s’est arbitrairement attribué non seulement le titre de conseiller pour les affaires militaires, mais aussi celui de rédacteur de la Constitution du Monténégro... « Dans six mois vous aurez une nouvelle Constitution. Si vous deviez inclure dans cet acte juridique le plus important un article proclamant la neutralité du Monténégro, cela en ferait vraiment un acteur indépendant et influent de la politique mondiale. L’OTAN est « le plus grand groupement politique et militaire du monde qui, ces dernières années, a montré son aptitude à agir en dehors des frontières de pays membres sans l’accord des Nations Unies et malgré l’avis de la majorité des membres de la communauté internationale », rappelle le diplomate russe. Et de conseiller paternellement au Monténégro de bien se garder de ce dragon universel dans sa nouvelle Constitution. Le ministre monténégrin des Affaires étrangères, Miodrag Vlahovic, a déclaré à ce sujet : « L’intérêt du Monténégro est d’être au sein de l’OTAN »... Cependant, les anonymes qui ont payé le placard destiné à Bickov n’auraient-il pas un peu exagéré ? Le Premier ministre monténégrin Milo Djukanovic s’est rangé du côté du diplomate russe : « Je pense que monsieur Bickov est un ami confirmé du Monténégro et je suis certain qu’il ne faut absolument pas que sa réflexion sur notre adhésion à l’OTAN soit comprise par l’opinion publique monténégrine comme le suggèrent certains médias, c’est-à dire comme une tentative de mise en tutelle du Monténégro par la Russie. Pas du tout ». Les amis russes de Djukanovic Milo Djukanovic s’est en même temps vanté qu’à Moscou « nous avons des amis qui comprennent le Monténégro et respectent nos options ». On a pu se rendre compte de la manière dont les amis russes de Djukanovic respectaient les options du Monténégro lors de la visite du ministre de la Fédération russe pour les situations de crise, Sergej Sojgu, qui a rencontré le Premier ministre à Sveti Stefan. « Nos rapports ne seront pas meilleurs », a répondu Sergej Sojgu avec diplomatie, quand un journaliste lui demandait si, en cas d’adhésion du Monténégro à l’OTAN, les rapports monténégro-russes se détérioreraient. Ces messages ministériels prennent leur véritable signification lorsqu’on les met dans le contexte de ce que la Russie, comme l’a annoncé Sergej Sojgu, a l’intention de réaliser au Monténégro. L’année dernière, une douzaine de compagnies russes sont venues au Monténégro, mais de nombreuses autres sont intéressées à prendre pied en territoire monténégrin. Elles s’occuperaient de livraison de dérivés pétroliers, de construction d’hôtels et d’affaires bancaires, explique le ministre russe. Sergej Sojgu annonce que la compagnie russe Lukoil rachètera peut-être aussi la firme Jugopetrol Kotor à la compagnie grecque Helenik petroleum. Dans ce cas, les Russes possèderaient pratiquement toutes les sociétés importantes monténégrines ; de la sorte, ils pourraient contrôler quasiment tout le Monténégro de façon à orienter son avenir économique, voire politique. Les hommes d’affaires russes sont déjà propriétaires du Combinat d’aluminium de Podgorica et des Mines de bauxite de Niksic. Ils possédaient également les Aciéries de Niksic, mais ils ont brusquement et héroïquement pris la fuite de cette entreprise. Les Russes viennent également en première place du classement pour l’appel d’offres de privatisation de la centrale thermo-électrique et des mines de charbon de Pljevlja. Il est probable que personne n’a encore fait le bilan de tous les hôtels, maisons et autres biens qu’ils ont acquis sur le littoral monténégrin. Sergej Sojgu annonce que cinq compagnies sont intéressées à l’achat et à la reconstruction de plusieurs hôtels monténégrins, tandis que Lukoil a l’intention de construire un terminal pétrolier dans le port de Bar. Il ne manque plus que des bases militaires sur la côte, dont on parle également beaucoup, pour que le Monténégro commence à ressembler à un protectorat russe. Il ne faut pas l’oublier : déjà Pierre le Grand rêvait pour la Russie d’un accès aux mers chaudes, parmi lesquelles il comptait aussi l’Adriatique. Monténégro souverain Lorsqu’il y a deux ans un journaliste de Monitor a demandé à Jurij Bickov, alors consul de Russie à Podgorica combien étaient vraies les allégations des analystes et des médias, selon lesquels les tycoons russes achètent les Bouches de Kotor et le littoral monténégrin afin d’occuper le sud du Monténégro avant les Américains, et ainsi d’assurer à la Russie une position stratégique sur l’Adriatique et les portes de la mer Méditerranée, le consul général avait répondu : « Les questions sur les rapports ouest-est ou l’idée que les Russes achèteraient des lieux stratégiques pour devancer et nuire aux Américains sonnent comme si nous vivions encore au siècle passé ». La déclaration de Jurij Bickov dans les médias monténégrins et les conseils qu’il prodigue sur les relations entre le Monténégro et l’OTAN ont pourtant la même connotation. Sous le message du panneau adressé au conseiller Bickov, au lieu d’une signature, il est écrit : « Monténégro souverain, 21.05.2006 ». Nous apprenons officieusement qu’un panneau semblable sera dressé dans une rue de Podgorica, adressé au ministre Sojgu. Avec une invitation courtoise à laisser le Monténégro en paix ? Les Libéraux contre l’OTAN La stratégie de sécurité nationale adoptée par le gouvernement du Monténégro stipule que l’adhésion à l’OTAN est une priorité. Le Parti socialiste populaire (SNP) pense par contre que cette question doit être décidée par référendum. Le sondage d’opinion publique effectué par le CEDEM en juin dernier montre que 44,2% des citoyens seulement sont pour l’adhésion à l’OTAN, 27,3% sont contre, et 28,5% n’ont pas d’opinion. À l’inverse, l’adhésion à l’Union Européenne est soutenue par 81,5% des citoyens. « L’adhésion à l’OTAN, qui sous-entend la défense collective, signifie une sécurité accrue, une contribution à la stabilité dans la région, une meilleure organisation des forces de sécurité. Cela sous-entend aussi notre participation à l’adoption d’importantes décisions stratégiques de sécurité, ainsi que la réduction des possibilités de conflit », a déclaré au journal Vijesti Dragan Djurovic, membre de la présidence du Parti démocratique des socialistes (DPS), en rappelant que l’objectif stratégique du Monténégro était l’adhésion au Partenariat pour la paix et à l’OTAN. « Les structures de sécurité multilatérales permettront au Monténégro de protéger ses intérêts plus efficacement que s’il se reposait uniquement sur des mesures autonomes », explique Dragan Djurovic. Pour le Parti citoyen (GP), l’adhésion à l’OTAN est le seul moyen d’assurer efficacement la sécurité à long terme, et le capital russe « ne doit pas causer une implication politique de ce pays dans les affaires intérieures du Monténégro et ne doit pas menacer son avenir euro-atlantique. » Ce parti considère que le Monténégro ne devrait pas accepter d’avoir des bases militaires étrangères sur son territoire étant donné que ses perspectives sont orientées vers le tourisme et l’écologie. Le Mouvement pour les changements (PZP) pense que l’Armée monténégrine doit faire partie de l’OTAN, non pas immédiatement mais après un processus de modernisation et de formation des cadres, conformément aux programmes du Partenariat pour la paix de l’OTAN. « Le Monténégro devrait être une société sans armée, avec une police frontalière professionnalisée. Il n’a pas d’importantes ressources militaires pour justifier son adhésion à l’OTAN, de sorte qu’il devra céder d’autres ressources. Ce seront des ressources naturelles ce qui, de l’avis des libéraux, n’est pas dans l’intérêt stratégique national », considère Ivan Janjusevic, membre de l’équipe pour la défense et la sécurité du Parti libéral (LP). |
Bukovica
: un nettoyage ethnique oublié au Monténégro
De nos envoyés spéciaux Mise en ligne : jeudi 10 août 2006 Le Monténégro indépendant revendique sa qualité d’État multiethnique. Pourtant, durant la guerre de Bosnie-Herzégovine, la police monténégrine a mené une opération de nettoyage ethnique systématique de la petite région musulmane de Bukovica, près de Pljevlja. Treize ans plus tard, les victimes attendent toujours justice et réparation. Enquête sur le « trou noir » de la mémoire monténégrine. Par Jean-Arnault Dérens et Laurent Geslin La Bukovica est un petit paradis montagnard, un saillant monténégrin enkysté en territoire bosniaque. Cette micro région dépend de la commune de Pljevlja, dans le nord du pays, mais un véhicule tout terrain met trois à quatre heures pour rallier la Bukovica depuis le centre de la commune. Les villages sont reliés par des pistes et des chemins de terre, la seule route asphaltée de la région a été construite par l’armée yougoslave en 1993, pour ses propres besoins, mais son état est de plus en plus mauvais, faute d’entretien. Durant des siècles, les habitants, majoritairement musulmans mais aussi orthodoxes, de la trentaine de villages que compte la Bukovica ont vécu en paix, se livrant essentiellement à l’agriculture. « La Bukovica est une terre bénie », précise Jakub Durgut, originaire de la région, « ici, tout pousse ». De grands troupeaux de moutons arpentaient la Bukovica, et les prairies étaient soigneusement entretenues par les habitants. Aujourd’hui, la majorité des villages de la région sont abandonnés et, faute de la présence et du travail des hommes, la nature reprend ses droits. Les prairies se transforment en taillis et des broussailles envahissent les pistes qui forment les seules routes de la région. Sur les versants qui montent vers la Bosnie, on trouve les traces du passage d’un ours, tandis qu’un aigle se prélasse sur le chemin. De présence humaine, point. Dans quelques dizaines d’années, si le mouvement de désertification ne s’arrête pas, la Bukovica sera peut-être devenue une jungle impénétrable. À l’époque yougoslave, les habitants de la Bukovica se rendaient moins souvent à Pljevlja qu’à Cajnice, un gros bourg situé sur le versant bosniaque de la montagne, aujourd’hui en Republika Srpska. Le village de Kovacevici, centre de la Bukovica, est à 20 kilomètres de Foca, 25 de Gorazde, 10 de Cajnice, mais à plus de 70 kilomètres de Pljevlja. Jamais la frontière entre les deux républiques n’avait été perceptible avant que la guerre n’éclate en Bosnie, en avril 1992. La Bukovica jouxte une région qui a été soumise à un intense nettoyage ethnique par les nationalistes serbes dès les premières semaines de la guerre. Les musulmans de Cajnice et Foca ont été massivement expulsés ou sommairement exécutés dès avril 1992, tandis que la ville de Gorazde, restée fidèle au gouvernement de Sarajevo, était soumise à un siège particulièrement rigoureux. Si les habitants orthodoxes de la Bukovica continuaient à se rendre à Cajnice ou à Foca pour leurs affaires, cette route est devenue impraticable pour les musulmans. « Depuis la Seconde Guerre mondiale, la région de la Drina, en Bosnie-Herzégovine, en Serbie et au Monténégro, représente une véritable obsession pour les nationalistes serbes, qui veulent en chasser toute présence musulmane », souligne Jakub Durgut. « En 1992, Vojislav Seselj déclarait d’ailleurs qu’il fallait expulser tous les Boshniaques musulmans du Monténégro et de Serbie, dans une zone de trente kilomètres le long des frontières de la Bosnie. C’est exactement ce programme qui a été appliqué en Bukovica ». La « neutralité » monténégrine Le Monténégro est officiellement resté à l’écart de la guerre qui déchirait la Bosnie. La petite république avait décidé, par un référendum fort contesté, de rester associée à la Serbie, et les deux pays avaient formé, en avril 1992, une nouvelle République fédérale de Yougoslavie. Le Président de la République du Monténégro s’appelait Momir Bulatovic, tandis que le Premier ministre était un certain Milo Djukanovic... L’actuel Président Filip Vujanovic était alors ministre de la Justice. Totalement alignés sur la politique de Slobodan Milosevic, les dirigeants monténégrins n’ont fait preuve d’aucune mansuétude pour les réfugiés bosniaques chassés par la guerre qui affluèrent au Monténégro. Bien au contraire, les autorités de Podgorica violèrent toutes les conventions internationales en arrêtant des centaines de ces réfugiés et en les livrant aux autorités de la Republika Srpska de Bosnie-Herzégovine. Ces réfugiés furent traqués à travers tout le Monténégro, tandis que des journaux comme Pobjeda nourrissaient la haine en affirmant que « des terroristes et des mujahidin » se cachaient au Monténégro. La plupart des réfugiés furent assassinés dès leur remise aux autorités serbes bosniaques. Certains sont toujours portés disparus [1]. Dans le nord du Monténégro, et tout particulièrement dans la commune de Pljevlja, la situation devient particulièrement explosive. La population de Pljevlja se compose majoritairement d’orthodoxes, Monténégrins ou plutôt Serbes, car cette commune n’a été réunie au Monténégro qu’en 1912 et ne possède guère d’identité monténégrine. Au contraire, Pljevlja a été un bastion tchétnik durant la Seconde Guerre mondiale, et cette mémoire a été conservée par les habitants, survivant à la période communiste. Le recensement de 1991 avait dénombré 6964 Musulmans sur une population totale de 39 593 âmes. Dès le début de la guerre de Bosnie, Pljevlja s’impose comme le principal bastion monténégrin du Parti radical serbe (SRS) au Monténégro, ainsi que le siège de nombreuses unités paramilitaires. En visite à Pljevlja en mai 1992, Momir Bulatovic dénonce d’ailleurs formellement cette prolifération d’unités militaires incontrôlées. Miliciens, réservistes et soldats de l’Armée yougoslave multiplient les provocations, agressant les commerçants ou les consommateurs des cafés musulmans. Durant tout le printemps 1992, la ville de Pljevlja est secouée par des explosions incessantes : tous les commerces tenus par des musulmans sont détruits et dynamités. Personne ne sait qui contrôle le poste-frontière de Metaljka, entre Monténégro et Bosnie, où paradent soldats et policiers serbes de Bosnie ainsi que combattants des unités paramilitaires de Bosnie et du Monténégro. Momir Bulatovic, Président du Monténégro, et le Président fédéral de la nouvelle République fédérale de Yougoslavie, Dobrica Cosic, se rendent à Pljevlja en juin 1992 pour essayer de rétablir l’autorité de l’État, condamnant la multiplication des milices. Les tensions atteignent cependant leur comble en août 1992 : les combattants tchétniks du « voïvode » local Milika Ceko Dacevic mettent la ville en état d’insurrection. Nettoyage ethnique Jamais la police monténégrine ni l’armée yougoslave n’avaient disposé de bases fixes dans la petite région de Bukovica, qui n’était pas une zone frontalière quand Bosnie et Monténégro faisaient partie de la Yougoslavie. C’était alors simplement un secteur montagneux reculé où la vie s’écoulait paisiblement. Les relations entre orthodoxes et musulmans, majoritaires, étaient bonnes, malgré les souvenirs des exactions de la Seconde Guerre mondiale. En avril 1992, la police monténégrine établit une base à Kovacevici, le village qui sert de chef-lieu (mjesna zajednica) à la petite région. Policiers et soldats commencent à arpenter la région, officiellement dans le dessein de contrôler la nouvelle frontière, et de prévenir l’éventuel passage de combattants bosniaques par le territoire monténégrin. Les responsables serbes locaux prétendent qu’une centaine de jeunes musulmans de la région combattraient dans les Bérets Verts, les milices bosniaques, à Gorazde et à Sarajevo, « alors que leurs parents affirment qu’ils ont émigré en Allemagne ou en Turquie » [2]. C’est dans ce contexte que police et armée vont entamer des opérations systématiques de ratissage dans la région, officiellement dans le but de chercher des armes. Voici quel fut le sort de la famille Tahirbegovic, du village de Rosulje. Le 4 mai 1992, une patrouille de la police monténégrine vient fouiller leur maison. Elle est conduite par Milan Sokovic, maintenant chef de la police routière de Pljevlja. Le grand-père nonagénaire est maltraité, les deux jeunes fils de la maison sont emmenés, interrogés et battus. À défaut d’armes, la police trouve les bijoux de la famille : près d’un kilo d’or est volé. « Nous avons été relâchés dans la nuit », explique Haris Tahirbegovic. « Mais le 17 juin, une autre patrouille revient. Le policier Bane Borovic, qui a maintenant le grade d’inspecteur, nous explique que nous devons quitter la maison avant le lendemain, sept heures. Je lui ai demandé pourquoi, en lui disant que le Monténégro n’était pas en guerre, il m’a répondu que c’était la guerre partout entre les Serbes et les musulmans, et que si nous ne partions pas, la guerre viendrait chez nous »... La famille doit fuir, abandonnant sa maison, tous ses biens et le bétail, soit plus de 50 moutons et 6 vaches. Les Tahirbegovic s’installent à Pljevlja, où ils survivent dans des conditions extrêmement difficiles. Un an plus tard, le père de la famille est convoqué par la police, qui lui explique que, dans son intérêt, il ne doit jamais parler à quiconque des bijoux volés. En 1995, Haris parvient à rencontrer Filip Vujanovic, alors ministre de la Justice, et aujourd’hui Président de la République. Celui-ci lui promet que les responsables des exactions seront châtiés, ce qui provoque aussitôt une émeute dans la police de Pljevlja. Rien ne se produit. Bien au contraire, comme tous les policiers impliqués dans la tragédie de la Bukovica, tous les policiers qui ont volé, maltraité et expulsé les Tahirbegovic sont promus. En 1993, les Tahirbegovic tentèrent également de revenir dans leur maison. La police les délogea aussitôt. Ils ne sont revenus « de force » qu’en 2005. Ils ont rénové la maison de bois et les étables. Un voisin orthodoxe, resté fidèle ami et qui avait essayé de les défendre contre la police, leur a offert une vache et quelques moutons. La vie a repris un cours presque normal, même si les Tahirbegovic sont à ce jour la seule famille musulmane expulsée de Bukovica qui ait pu revenir vivre dans la région. « Belgrade n’y est pour rien. Toute la responsabilité des crimes commis et du nettoyage ethnique revient à Podgorica. La police monténégrine a conduit les opérations, l’armée ne faisait que l’accompagner », assure Haris Tahirbegovic, maintenant réfugié en Bosnie-Herzégovine, mais qui est revenu pour quelques jours voir ses parents. Le sort de la famille Klapuh fut tout aussi difficile, même s’ils parvinrent à échapper à l’expulsion. La nuit du 31 décembre 1992, la famille s’apprêtait à réveillonner, quand la maison fut encerclée par la police, toujours à la recherche d’armes. Tous les habitants de la maisonnée durent sortir et restèrent alignés de longues heures dans la neige. Les hommes furent interrogés et battus, et toute la famille dut survivre durant un mois dans les bois voisins, malgré les rigueurs de l’hiver. Les Klapuh purent enfin revenir chez eux, mais restèrent soumis au harcèlement policier jusqu’à la fin des années 1990. La seule aide venait de voisins orthodoxes, les Radovic. La famille Klapuh, qui compte actuellement onze membres, vit essentiellement de l’élevage d’un troupeau de moutons. Les bêtes sont vendues à Pljevlja, mais la famille, comme toutes celles de Bukovica, vit en quasi-autarcie. Le potager, le verger et le poulailler répondent à presque tous les besoins. Une chronique de la Bukovica durant les années de terreur devrait recenser non seulement les meurtres et les enlèvements, les maisons pillées, détruites ou incendiées, mais aussi toutes les fouilles, les perquisitions, les tabassages - perpétrés le plus souvent par des policiers monténégrins. Même si une relative « accalmie » survint peu à peu, des violences sont toujours régulièrement rapportées : le 19 avril 1993, la mosquée du village de Plansko est détruite, le 25 mai de la même année, le minaret de celle du village de Roscici subit le même sort. Le cantonnier Dzafer Dzogo est sommairement abattu le 15 juin 1993. Une plaque a été posée sur le bord d’un chemin, à l’endroit même où il travaillait et où il a été assassiné. Les listes précises établies par l’association des citoyens de la Bukovica permettent d’établir un bilan : 111 familles ont été expulsées, soit 322 personnes. On compte plus de 10 victimes directes abattues durant les opérations, tandis que d’autres habitants de la région sont toujours officiellement portés « disparus », comme les cinq membres de la famille Bungur du village de Krusevci, ou les Bungur du village de Ravni. Une véritable épidémie de suicide toucha aussi les habitants de la Bukovica réfugiés à Pljevlja. Des victimes qui n’existent pas Jakub Durgut, originaire du village de Cerjenci, chassé de Bukovica avec sa famille, vit aujourd’hui à Pljevlja, où il assume les fonctions de secrétaire de la communauté islamique locale. C’est un des grands militants de la mémoire de la région : depuis des années, il essaie de faire reconnaître l’ampleur du crime commis et d’obtenir justice et réparations pour les victimes. Beaucoup de musulmans de Bukovica se sont enfuis vers la Bosnie-Herzégovine : certains ont rejoint à pied, en pleine guerre, la région de Gorazde, assiégée par les forces serbes. Cela indique bien la terreur à laquelle ils voulaient échapper. D’autres sont partis vers Pljevlja. Certains ont pu poursuivre leur voyage jusqu’en Turquie, où beaucoup de musulmans de la région se sont installés tout au long du XXe siècle. En Bosnie-Herzégovine, les ressortissants de la Bukovica ont obtenu le statut de réfugiés, dont ils jouissent toujours aujourd’hui. Par contre, pas de statut particulier au Monténégro où ils ne sont pas reconnus comme des personnes déplacées et ne bénéficient d’aucune aide particulière. Les autorités du Monténégro continuent de nier qu’il se soit produit le moindre épisode de nettoyage ethnique sur le territoire de la république. Elles ont remarquablement bien réussi à étouffer l’affaire, sur laquelle des organisations de défense des droits de la personne, comme le Comité Helsinki du Sandjak ou le Fonds du droit humanitaire de Belgrade ont essayé, mais sans grand succès, d’attirer l’intérêt de l’opinion publique internationale. Le TPI de La Haye ne s’est pas jamais penché sur le dossier. Cependant, les autorités monténégrines n’oublient pas tout à fait les musulmans de Bukovica, y compris ceux qui sont réfugiés en Bosnie-Herzégovine. Ils demeurent citoyens du Monténégro et sont régulièrement invités à participer aux élections. Lors du référendum du 21 mai dernier, toutes les voix favorables à l’indépendance du Monténégro étaient précieuses, et les musulmans de Bukovica sont revenus voter. Haris Tahirbegovic est d’ailleurs lui-même le « délégué » du Parti démocratique des socialistes (DPS), la formation de Milo Djukanovic, parmi les réfugiés en Bosnie-Herzégovine. « C’est parce que je collabore de cette façon avec les autorités que je peux revenir voir mes parents », explique-t-il. Au Monténégro, le secret du vote demeure un principe aléatoire, et les réfugiés de la Bukovica savent bien qu’ils exposeraient leurs parents restés au Monténégro à des risques de représailles s’ils ne revenaient pas voter. Puisque le crime est nié, les victimes ne peuvent pas prétendre à des réparations. « Aujourd’hui, beaucoup de familles pourraient rentrer dans la Bukovica, mais encore faudrait-il qu’elles obtiennent des aides pour reconstruire leurs maisons et relancer une petite activité économique, comme en Bosnie-Herzégovine », affirme Haris Tahirbegovic. « Sans aucune aide, il est presque impossible de revenir ». Pourtant, tous les programmes de retour ont échoué jusqu’à présent. En 1995, une dizaine de maisons musulmanes vides ont été incendiées pour prévenir toute réinstalation. Des maisons ont également été reconstruites grâce à des financements internationaux : elles ont aussi été immédiatement détruites. Tel fut le cas de Jakub Durgut, dont la maison fut incendiée 15 jours après en avoir reçu les clefs. Aucune enquête n’a jamais été menée sur ces exactions. Interrogé cet été sur la situation en Bukovica, Dragisa Sokic, un cadre local du DPS, affirme que seule la misère économique dissuade les habitants de revenir, et que la situation en Bukovica serait donc semblable à celle qui prévaut dans de nombreuses rurales et montagnardes du Monténégro... Le crime du Monténégro Aujourd’hui, on ne compte plus que 16 familles bosniaques vivant encore en Bukovica. Rien ne permet d’envisager un retour des personnes chassées, tandis que les rares qui sont restées sont tentées par l’exil. Les Klapuh pensent ainsi partir prochainement pour Brcko, en Bosnie, car les enfants de la dernière génération seront bientôt en âge d’entrer à l’école, et la seule disponible se trouve à plusieurs heures de marche à pied de leur ferme. On peut donc imaginer que les seuls habitants de la Bukovica seront bientôt les quelques orthodoxes - Serbes ou Monténégrins - qui y vivent encore, mais qui sont presque tous fort âgés. Dans ces conditions, toute présence humaine pourrait bientôt disparaître, à moins que des projets de développement touristique ne s’implantent dans la région, qui demeure un véritable paradis naturel. Dans tous les cas, la chape du silence et de l’oubli risque de se refermer à jamais sur les crimes commis dans les années 1990. Sabina Talovic, une militante féministe de Pljevlja qui a créé et dirige une petite ONG locale nommée Otvoreni Centar Bona Fide, se bat néanmoins avec Jakub Durgut pour que les événements de la Bukovica soient enfin jugés. Une première victoire vient d’être obtenue : trente familles ont déposé au printemps 2006 une plainte auprès de la justice monténégrine. On ne sait pas encore si la plainte sera retenue et si une action judiciaire pourra se poursuivre, mais, grâce au Fonds du droit humanitaire de Belgrade, deux avocats assistent désormais chaque famille. Sabina Talovic se bat pour que l’opinion publique de la région entame un travail d’analyse et de catharsis. Elle a été à l’initiative de la réalisation de huit films documentaires sur les événements survenus dans le Sandjak de Novi Pazar durant la guerre de Bosnie, qu’il s’agisse des événements de Bukovica, du massacre de Strpci, également au Monténégro, ou du « nettoyage » des villages de la commune de Priboj, côté serbe de la frontière. Après la projection publiques de ces films à Pljevlja, en novembre 2005, elle a dû chercher refuge avec sa fille à Belgrade quatre mois, par crainte de représailles. « Pljevlja et la Bukovica représentent la face sombre de l’actuel régime monténégrin. Au lieu d’être jugés, tous les responsables des crimes commis ont été promus, comme l’ancien chef de la police de Pljevlja, récemment devenu chef exécutif de la police du Monténégro », explique-t-elle. « À Pljevlja, l’identité monténégrine est très faiblement présente », poursuit Sabina. « Les habitants orthodoxes se sont toujours définis comme Serbes. Après sa rupture avec Belgrade, en 1995-1996, Milo Djukanovic avait pourtant besoin d’alliés locaux, et il s’est appuyé sur des cadres qui ne cachaient pas, quelques années plus tôt, leurs sympathies tchétniks ». Bien sûr, la mairie de Pljevlja demeure contrôlée par les partis de l’opposition pro-serbe. Cependant, ce sont des hommes du DPS qui dirigent les grandes entreprises de Pljevlja, notamment les mines et la centrale thermoélectrique, en cours de privatisation. « Toute la nomenklatura locale du DPS était tchétnik il y a dix ans », assure Jakub Durgut. « Le directeur de l’hôpital, issu d’une vieille famille de tradition tchétnik, soignait les blessés des unités paramilitaires serbes de Bosnie. Maintenant, il prétend défendre le Monténégro indépendant »... Alors que le régime de Milo Djukanovic a favorisé l’intégration des Boshniaques musulmans dans des communes comme Rozaje, Plav, Berane ou Bijelo Polje, il a suivi une politique bien différente à Pljevlja, où l’alliance avec certains nationalistes serbes est apparue nécessaire. Le DPS leur a fourni pleine absolution pour les crimes commis et n’entend pas que l’affaire de la Bukovica s’ébruite trop, au risque de mettre en cause l’image démocratique que le Monténégro cultive dans l’opinion internationale. Sabina Talovic, militante de longue date de l’indépendance monténégrine, sait pourtant que le Monténégro ne pourra pas devenir un pays véritablement démocratique s’il n’est pas capable d’affronter tous les aspects de son passé. « Il est dans l’intérêt du Monténégro que le nettoyage ethnique de la Bukovica soit enfin reconnu pour ce qu’il a été, que ses auteurs soient jugés et que les victimes soient dédommagées », assure-t-elle. Sabina Talovic sera présente au Festival de Douarnenez, du 19 au 26 août. Elle participera notamment aux débats consacrés aux femmes dans les Balkans et au Monténégro. Retrouvez ici tous les détails sur le festival. --------------------- [1] Lire Seki Radoncic, Kobna sloboda. Deportacija bosanskih izbjeglica iz Crne Gore, Belgrade, Fond za humanitarno pravo, 2005 [2] Lire Bukovica, Beograd, Fond za humanitarno pravo, 2003. |
Monténégro : l’indépendance
est acquise, les discussions avec Belgrade doivent commencer
Traduit par Jean-Arnault Dérens Publié dans la presse : 22 mai 2006 55,5 % des électeurs monténégrins se sont prononcés pour l’indépendance : tels sont les derniers résultats communiqués par le CEMI. Bruxelles attend le rapport de l’OSCE pour reconnaître les résultats du référendum, mais appelle à l’ouverture de discussions entre Belgrade et Podgorica. Predrag Bulatovic, le chef de l’opposition unioniste, refuse néanmoins de reconnaître les résultats. Au nom du CESID de Belgrade, Zoran Lucic a déclaré que les probabilités que le résultat du référendum monténégrin soit inférieur à 55% étaient désormais « égales à zéro ». Cependant, selon ses propres termes, il est indispensable d’attendre les résultats définitifs de la Commission électorale (RRK). Le chef de celle-ci, Frantisek Lipka, a déclaré que la Commission travaillait à bon rythme. En milieu de nuit, 279 400 voix avaient été décomptées, soit le vote de 57,64% des 484 718 électeurs inscrits. Il a déclaré que la participation était de 86,1%. S’adressant aux partisans de l’indépendance, le Premier ministre Milo Djukanovic, également chef de la campagne souverainiste, a déclaré que la volonté des citoyens était de renouveler l’indépendance du Monténégro. « Je vous remercie tous de votre patience. Comme des gens sérieux, nous n’avons pas voulu nous contenter d’estimations. Nous avons décompté 99% des bulletins et, sur cette base, nous obtenons 55,5% des voix qui ont soutenu le Monténégro indépendant. En valeur absolue, cela signifie que le bloc pour l’indépendance obtient 45 000 voix d’avance », a déclaré Milo Djukanovic. « C’est le jour le plus important de l’histoire du Monténégro », a-t-il ajouté. Il a remercié toute l’opinion démocratique du Monténégro, ainsi que ceux qui ne soutenaient pas la même option, mais qui ont montré par leur participation au vote le sérieux démocratique du Monténégro. Il a également remercié l’Union européenne pour son aide dans l’organisation du référendum. Il a souligné que l’indépendance du Monténégro était dans l’intérêt d’un Monténégro démocratique, et il a félicité la Serbie, qui devient aussi indépendante. Bulatovic : 54% seulement pour l’indépendance Dans une conférnece de presse, le chef du Bloc pour l’union d’États, Predrag Bulatovic, a déclaré que les militants de ce bloc avaient collecté des résultats, centralisés au niveau national. « Nous avons décompté les voix de 79% des exprimés. Sur cette base, les résultats de 54% contre 46%, à l’avantage de nos adversaires. Les résultats véritables et définitifs seront ceux collectés par nos militants et ceux qui seront annoncés par la Commission électorale ». « Chaque voix compte. Pour nous, il est important que le résultat soit vérifié et que nous préservions la paix et la tolérance. Ce matin, nous avons tous reconnu qu’il fallait que le Monténégro se réunisse après ce référendum. Nous appelons tous les citoyens à préserver la paix et la tolérance", a déclaré Bulatovic, en ajoutant qu’il ne tolèrerait aucune irrégularité. L’Europe attend les discussions sur la séparation Les diplomates européens ont déclaré que, si ces résultats étaient confimés, Bruxelles attendait l’ouverture de discussions entre Belgrade et Podgorica sur leur séparation. L’Union européenne attendra le rapport de l’OSCE pour prendre sa position officielle, mais elle estime déjà que le référendum s’est déroulé dans des conditions « tout à fait satisfaisantes », et que la participation des citoyens a été très élevée. Si les résultats définitifs confirment le choix de la séparation, Bruxelles appellera les dirigeants de Serbie et du Monténégro au dialogue. Le Haut représentant de l’Union européenne Javier Solana et le Secrétaire général de l’OTAN Jaap de Hop Schefer donneront lundi après-midi leur position officielle sur le référendum monténégrin, après les réunions du Comité politique et de sécurité de l’Union européenne et du Conseil de l’OTAN. |
Le Monténégro est
indépendant !
Mise en ligne : dimanche 21 mai 2006 Selon le Centre de monitoring (CEMI), les premiers résultats donnent le Monténégro indépendant à 55,5%. Le taux de participation atteignait 86.6% à 20h30. 419 800 des 484 000 électeurs inscrits avaient déja accompli leur devoir électoral. Ce taux est nettement plus élevé que lors de tous les précédents scrutins. A noter qu’il y avait 1118 bureaux de vote ouverts au Monténégro. |
L’indépendance du Monténégro, une chance pour la Serbie Traduit par Jasna Andjelic Publié dans la presse : 12 mai 2006 Pourquoi l’Union européenne soutient-elle toujours Kostunica, défenseur du nationalisme serbe, et l’opposition unioniste monténégrine ? Biljana Kovacevic-Vuco, présidente du comité des juristes pour les droits de l’homme de Belgrade, s’exprime sur les relations avec le TPI, le nationalisme serbe, l’avenir du Monténégro et de la région. Propos recueillis par Milka Tadic-Mijovic Monitor (M) : Lors d’une récente conférence à Sarajevo, Carla Del Ponte a exprimé sa surprise du fait que Kostunica n’avait pas livré Mladic en dépit de ses promesses. Êtes-vous également surprise ? Biljana Kovacevic-Vuco (BKV) : Bien sûr que non. L’expérience nous apprend que nous ne pouvons pas faire confiance à Kostunica, et surtout pas à ses promesses concernant Mladic. Kostunica s’est attaqué à Zoran Djindjic depuis le jour où ce dernier a livré Milosevic au TPI. Pour Kostunica, c’était un coup d’État et il a commencé à créer une ambiance de lynchage en représentant Djindjic comme un ennemi. Les partisans de Djindjic sont actuellement victimes de purges en Serbie. C’est dans cette situation que ce même Kostunica devient une garantie de la paix et de la stabilité pour l’Europe. Cela rappelle la position Milosevic après l’Accord de Dayton. Je pense que Carla Del Ponte est également responsable dans l’affaire Mladic. Elle n’aurait pas du faire confiance à Kostunica qui est à l’origine de la politique négative envers le TPI. Il a tout fait pour humilier le tribunal. Il a affirmé qu’il était antiserbe et, comme comble de l’hypocrisie, il a demandé une coopération dans les deux sens en présentant les personnes accusées de crimes monstrueux comme des gens qui se sacrifient pour la Serbie en se rendant volontairement. Ils sont tous actuellement en liberté et décident de notre destin. L’Europe soutient Kostunica et les nostalgiques de Milosevic M : Vous croyez que les acteurs internationaux sont également responsables ? BKV : On est dans une situation paradoxale. Ce n’est pas par hasard que les personnes qui luttent pour des positions européennes et des principes démocratiques depuis les années 1990 sont qualifiés d’extrémistes en Serbie. Ils gênent Kostunica qui est considéré comme un démocrate en Europe alors qu’il développe l’idéologie de Ljotic [1]. L’Europe accepte Kostunica comme un « nationaliste modéré », comme l’unique possibilité pour la Serbie. Je trouve cela insultant. Les citoyens de la Serbie ne devraient pas être ainsi sous-estimés. Une des raisons de cette tolérance occidentale envers Kostunica est qu’il représente une opposition au Parti radical. Mais quelle est la différence entre le DSS et les radicaux ? Les radicaux proclament ouvertement leur rejet de l’Europe, de la coopération avec le TPI, leur volonté de protéger Mladic. Le DSS de Kostunica n’est pas aussi ouvert, mais il partage les mêmes valeurs. Une coalition tacite entre le DSS et les radicaux est évidente. Elle n’est pas formée d’après les intérêts politiques du moment, mais elle se base sur le même système de valeurs. Au lieu de nous inciter à affronter les problèmes, l’UE s’investit pour maintenir Kostunica au pouvoir, et elle le fait aussi bien en Serbie qu’au Monténégro. Kostunica garde le pouvoir grâce au soutien du Parti socialiste de Serbie (SPS) et à celui de l’UE qui se considère maintenant surprise à cause de Mladic. Personne ne voit à Bruxelles que Kostunica et son gouvernement ne souhaitent pas livrer les criminels de guerre parce qu’ils n’ont pas envie d’entrer en Europe. M : En réalité, qui gouverne la Serbie ? BKV : Les centres habituels du pouvoir : les nouveaux riches et les services secrets qui n’ont pas été dissous. Ils ne veulent pas de l’Europe. Pourquoi voudraient-ils aller en Europe ? Ce serait un suicide pour eux. Ce sont les services et les riches amis de Kostunica. S’il voulait aller en Europe, il aurait réformé l’armée, la police et les services secrets et il aurait lutté contre la corruption organisée par les nouveaux riches les plus puissants de l’Europe de l’Est. Ces derniers temps, on dit que les problèmes de corruption, des monopoles et de la mafia existeraient seulement au Monténégro. Ce sont les arguments principaux de l’opposition monténégrine dans sa campagne contre l’indépendance. La question qui se pose est de savoir qui est en réalité cette opposition monténégrine et quelles sont ses valeurs. Il est clair qu’elle profite de l’UE et de son soutien à Kostunica qui a pour objectif de sauvegarder l’État commun. Cette opposition envoie des messages de haine et de nationalisme non seulement au Monténégro, mais aussi en Serbie. Ils manipulent et intimident les gens en racontant des histoires sur ce qui va se passer après le référendum. Ils exercent une pression psychologique pour renforcer l’attitude anti-monténégrine en Serbie. La personne qui a interviewé Milo Djukanovic sur B92 lui a demandé : « Pouquoi préférez-vous les Albanais aux Serbes ? ». Elle était inconsciente du racisme et de la haine contenus dans son attitude. Il faut rappeler que la journaliste en question et sa télévision représentent la Serbie libérale ! Il est inquiétant que beaucoup de gens en Serbie ne voient pas que cette question est nuisible. Ces questions sont le résultat de la propagande des partis proserbes du Monténégro. Les partis qui s’opposent à l’indépendance monténégrine ont un passé nationaliste marqué par des alliances avec Milosevic, et leur attitude envers les autres peuples est discriminatoire. Ils n’arrêtent pas de répéter que les Albanais " donneront " l’État à Milo Djukanovic, comme si ces Albanais n’étaient pas des citoyens du Monténégro qui ont droit à prendre une position sur toutes les questions, et par conséquent, sur le statut de l’Etat. M : Pourquoi l’UE le tolère-t-il ? BKV : Je ne comprends pas que les représentants de l’UE ne voient pas bien qui sont les partisans de l’Etat commun aussi bien au Monténégro qu’en Serbie. Je peux comprendre que certaines personnes trouvent pénible toute sorte de séparation, mais les plus grands partisans de l’union mènent une campagne agressive contre tous ceux qui souhaitent une autodétermination au Monténégro. C’est de l’hégémonisme. Dans la Serbie de Kostunica, et pour les représentants de l’opposition monténégrine, le Monténégro est traité comme une colonie ou comme un territoire serbe. Il est constamment sous-estimé : la Serbie traite le Monténégro comme une région sous-développée qui ose demander son indépendance. Hégémonisme et racisme M : Quel est l’État que veulent Kostunica et l’opposition monténégrine ? BKV : Ce n’est pas un État composé de deux membres égaux. À la différence des souverainistes qui ont un projet politique clair, ils n’ont pas présenté de projet pour l’Etat commun, pour son fonctionnement, avec un mode d’adaptation des deux unités bien précis, qui garantirait l’égalité au Monténégro, dix-sept fois plus petit que la Serbie. Il est clair qu’ils ne cherchent pas de solutions. Ils ne veulent pas d’État commun, mais la Serbie avec un Monténégro - région, contrôlé par la Serbie. M : Vous avez dit que la Serbie avait plus peur de l’indépendance du Monténégro que de celle du Kosovo... BKV : On parle plus souvent du Kosovo, mais on a beaucoup plus peur du départ du Monténégro, considéré comme partie intégrante de la Serbie. Pesonne ne fait de prévisions sur l’éventuel échec du référendum. Ce serait une catastrophe, il perdrait même les attributs étatiques actuels, il serait puni et sanctionné. Il est triste que personne n’aide le Monténégro sur son chemin d’émancipation. L’indépendance du Monténégro, une chance pour toute la région M : Quelles seraient les conséquences de l’indépendance monténégrine pour la Serbie ? BKV : La fin de la dissolution de l’ex-Yougoslavie serait un phénomène positif pour toute la région. La Serbie serait finalement toute seule, face à son passé et à Mladic. Nous devrions prendre nos distances par rapport à la politique de Milosevic qui se poursuit grâce à Kostunica.. Nous sommes les seuls de la région à ne pas avoir pris cette distance, alors que c’est une condition pour accéder à l’intégration et pour la réconciliation. Tant que la Serbie considère que Mladic doit aller au TPI parce que c’est la première condition posée par l’UE, et non pas parce qu’il a commis des crimes terribles, la réconciliation et l’intégration au Sud-Est de l’Europe ne seront pas possibles. M : Pourquoi l’Europe insiste-t-elle tellement sur l’État commun, qui est un projet de Milosevic ? BKV : Je vais faire une comparaison. Je viens de rentrer de Sarajevo. Ils n’ont pas encore restauré le bâtiment de la mairie. Les gens font toujours la queue pour les visas devant les ambassades étrangères. Est-ce la gratitude européenne pour les trois années et demi de siège ? Pourquoi l’Europe a-t-elle fermé ses frontières pour ceux qui ont enduré la plus grande souffrance sur le sol européen depuis la Deuxième Guerre mondiale ? Il en est de même avec le Monténégro, le rapport européen n’est pas correct. L’information des représentants de la communauté internationale joue beaucoup. La diplomatie révèle que la Serbie traite toujours le Monténégro de province. La diplomatie de la Serbie-et-Monténégro dans le monde entier représente exclusivement les intérêts serbes. Je ne comprends pas comment l’Europe a pu imposer au Monténégro des règles discriminatoires pour les électeurs indépendantistes. Elle a puni le Monténégro parce qu’il a choisi une possibilité prévue par la Charte constitutionnelle. J’espère, en dépit de tout cela, que nous pourrons fêter l’indépendance monténégrine le 21 mai, et qu’elle représentera un nouveau début pour nous tous, y compris pour la Serbie. [1] Dirigeant pro-nazi serbe des années 1930 |
Pobjeda
Référendum monténégrin : l’Europe n’est pas contre l’indépendance Traduit par Amaël Cattaruzza Publié dans la presse : 15 mai 2006 L’émissaire spécial européen pour le référendum monténégrin, Miroslav Lajcak, assure que l’Europe a changé d’opinion et ne s’oppose pas par principe à l’indépendance. Cependant, il exclut la possibilité de voir le Monténégro proclame l’indépendance si la barre des 55% n’était pas atteinte. « Cela signifierait une transgression de la loi que l’Union européenne a contribué à écrire », précise Miroslav Lajcak. Il ajoute que l’expérience qu’il a acquise au cours de cette mission l’amène à penser que l’Etat monténégrin n’est pas prêt à de telles actions. « Je pense tout au contraire que cela ne passera pas ainsi ». Le représentant européen a ainsi rapporté que ses partenaires se sont toujours comportés de manière sérieuse et responsable. « C’est pourquoi je ne veux pas spéculer sur le fait qu’ils puissent soudainement arrêter de se comporter de la sorte », précise-t-il. Commentant la déclaration du Premier ministre monténégrin Milo Djukanovic, qui stipule que, si le résultat devait être compris entre 50 et 55 %, « de longues négociations se préparent entre Belgrade et Podgorica avec la médiation de Bruxelles », Miroslav Lajcak a juste souligné que cela conforte la thèse qu’il n’y aurait pas de débordements d’un côté comme de l’autre. Il pense aussi que Svetozar Marovic remplira de façon responsable son devoir de Président de l’Union Serbie-et-Monténégro. « Il ne travaille pas contre la Serbie-et-Monténégro, car le référendum au Monténégro n’est pas une offense : un tel évènement était déjà prévu par la Charte constitutionnelle depuis trois ans, et cela doit être respecté. Ce qui se passera après le référendum dépend désormais de la volonté des citoyens monténégrins ». Selon lui, l’Union européenne a changé d’attitude, car elle n’est plus maintenant être pour le maintien de l’État commun. « L’Union européenne reconnaît le droit au référendum du Monténégro, car cela est écrit dans la Charte constitutionnelle. L’Union européenne est totalement neutre au sujet des résultats du référendum et elle souhaite au plus haut niveau que la processus électoral soit clair, légitime, transparent et constitutionnel ». Il confirme que des négociations entre la Serbie et le Monténégro auront lieu dans le cas où le Monténégro deviendrait indépendant. « Dans un cas comme dans l’autre, il y aura des négociations. Belgrade est prête à cela. C’est logique et inévitable. Il n’y a aucun problème là-dessus », a-t-il dit, en estimant que la position des différents négociateurs dépendra du résultat du référendum. |
Monténégro indépendant : à
quand la reconnaissance internationale ?
Traduit par Jasna Andjelic
Publié dans la presse : 12 mai 2006
Si le Monténégro devient indépendant, combien de temps devra-t-il attendre pour être reconnu ? Les unionistes évoquent de délais longs et pénibles. Le gouvernement envisage (et met déjà en place) un scénario beaucoup plus rapide, prévoyant la reconnaissance de l’ONU pour septembre. Par Drasko Djuranovic Deux longues années. Selon Predrag Bulatovic, député et chef de l’opposition unioniste, le Monténégro indépendant devra attendre sa reconnaissance internationale pendant deux ans, il ne s’agira là que du début des problèmes. « En cas d’abandon de l’Etat commun, la position du Monténégro sera beaucoup plus difficile que celle de la Serbie », dit Bozidar Milovic, au nom du bloc pour l’Etat commun. Milovic considère que le Monténégro n’a pas suffisamment de ressources humaines ni financières pour organiser des activités diplomatiques indépendantes. C’est pourquoi le Monténégro restera longtemps exclu de toutes les institutions et organisations internationales. « Ce sera un petit espace isolé et antieuropéen, où le régime décidera de tout et, par conséquent, de nos vies », conclut Milovic. Un nouvel élément s’ajoute à l’ensemble des craintes ressenties par les unionistes sur l’avenir : le Monténégro attendra-t-il aux guichets de l’ONU pendant des années ? Les citoyens du Monténégro, se transformeront-ils en personnes privées de passeports, exclus de tous les Etats normaux ? Peur injustifiéeLes experts en droit international ne voient pas de raison de punir le Monténégro pour son indépendance. Paul Williams, l’un des fondateurs du Groupe pour le droit public et la politique internationale, explique les conditions de reconnaissance internationale d’un Etat. Il y a selon lui quatre critères principaux, traditionnels dans le droit international : un territoire étatique clairement déterminé ; un Etat doté d’une population permanente (un nombre de citoyens clairement défini) ; un pouvoir qui gère tout le territoire ; et une administration étatique souveraine (un gouvernement qui exerce son pouvoir sans obstacles). Selon ces quatre conditions, il serait difficile de reporter la reconnaissance internationale du Monténégro. La jurisprudence internationale en fournit des exemples : les Etats issus de l’ex-Yougoslavie qui sont devenus indépendants pendant les guerres, ont reçu une reconnaissance internationale relativement rapide (voir encadré).
Or le territoire monténégrin est précisément déterminé. Il ne connaît pas de problèmes frontaliers (le régime provisoire de contrôle à Prevlaka est convenu avec la Croatie) ni de conflits ethniques. « Il est très important que le processus référendaire soit conforme avec les standards internationaux, en coopération avec l’Union Européenne (UE) et la communauté internationale dans le sens large du terme. Le résultat du référendum monténégrin sera inconditionnellement accepté par la communauté internationale », dit Dragan Sekulovic, vice-ministre des Affaires étrangères du Monténégro. Les étapes de la reconnaissance internationaleLes ruses politiques se retournent parfois contre leurs créateurs. Les unionistes ont ainsi insisté pour que l’UE soit directement incluse dans le processus référendaire. Mais cela ouvre également les portes à la reconnaissance internationale du Monténégro. L’envoyé européen Miroslav Lajcak a effectué une médiation directe lors de la définition des conditions référendaires. Frantisek Lipka est quant à lui chargé de la procédure électorale. Ce sont deux témoins essentiels de la légitimité du référendum monténégrin. Le gouvernement du Monténégro est sûr du résultat du vote. D’après nos informations, le ministère des Affaires étrangères a déjà mis sur pied un plan d’action étatique constitué de quatre démarches principales. 1. Le référendum sera suivi par l’adoption parlementaire de l’acte de souveraineté et d’indépendance du Monténégro, conformément aux résultats de la consultation du 21 mai. La Charte constitutionnelle et l’Union des Etats seront officiellement abolies, et le Monténégro reprendra la pleine souveraineté sur son territoire. 2. La deuxième phase sera constituée d’une large action diplomatique visant à établir des rapports avec les autres Etats. Le Premier ministre Milo Djukanovic ou le Président Filip Vujanovic adresseront une lettre à tous les pays membres de l’UE, comportant l’information officielle du résultat du référendum et affirmant l’intention d’établir des rapports bilatéraux. Suivront une communication directe et l’établissement des relations bilatérales. 3. En fonction de ses intérêts, le Monténégro ouvrira des missions consulaires et diplomatiques dans certains pays. Conformément à la législation nationale, la procédure technique de l’ouverture des ambassades et des consulats monténégrins durera entre trois et six mois. 4. Parallèlement aux accords bilatéraux, le Monténégro demandera son affiliation à l’ONU et dans d’autres institutions internationales. L’adhésion à l’ONU représentera l’acte final de la reconnaissance internationale du Monténégro. D’après le plan gouvernemental, la reconnaissance internationale du Monténégro devrait avoir lieu en septembre, à l’occasion de la réunion de l’Assemblée générale de l’ONU. Les unionistes invoquent la Charte constitutionnelle de la Serbie-et-Monténégro, qui prévoit que l’Etat membre qui quitte l’Union des Etats n’hérite pas du droit à la subjectivité juridique internationale. En cas d’indépendance du Monténégro, la Serbie héritera des propriétés et des droits acquis dans l’Union des Etats, ainsi que l’affiliation aux institutions internationales. En ce qui concerne les propriétés, le Monténégro ne perd rien : durant les quatre années de son existence, l’Union des Etats n’a pas fait d’acquisitions importantes sur le plan interne ou à l’étranger. La reconnaissance internationale arrivera rapidement, mais elle aurait pu être encore plus rapide, si Belgrade avait montré plus de compréhension et si elle avait signé un accord international sur le divorce serbo-monténégrin. Les anciennes républiques soviétiques ont connu des situations similaires au moment de la disparition de l’URSS. Mais à la différence des gouvernements Gorbatchev et Ieltsine, qui avaient trouvé un accord avec les anciennes républiques, le gouvernement Kostunica fait tout son possible pour rendre le référendum monténégrin difficile. Or, le premier pas vers la reconnaissance internationale est qu’au moins 55% du Monténégro reconnaisse lui-même l’indépendance le 21 mai. |
Monténégro : le parlement adopte enfin une Loi sur les minorités Traduit par Jasna Andjelic Publié dans la presse : 11 mai 2006 Le Parlement monténégrin vient d’adopter une loi sur les minorités, qui était attendue depuis longtemps. L’opposition unioniste critique ce vote, à une semaine du référendum. S’agit-il d’un marchandage pour acheter des voix ? Certains représentants albanais ne sont guère satisfaits de la nouvelle loi, mais les Boshniaques du Monténégro y voient « un pas important ». Après un débat de quatre heures, dimanche 10 mai, l’assemblée nationale du Monténégro a adopté une loi sur les droits et les libertés des minorités qui « garantira la pleine intégration des minorités dans la société monténégrine ». L’adoption de cette loi, attendue depuis plus de trois ans par le Monténégro, a été soutenue par le chef du Parti libéral, Miodrag Zivkovic. Arrivé au parlement cinq minutes avant le vote, il a assuré ainsi la majorité nécessaire aux représentants du gouvernement, tandis que deux députés du DPS étaient absents de la séance... Le président de l’Union démocratique des Albanais, Ferhat Dinosha n’était pas présent à la séance de l’assemblée nationale. Les huit représentants du Parti socialiste populaire (SNP) et du Parti populaire (NS) présents à la séance, se sont abstenus. Le député du Parti citoyen, Krsto Pavicevic, a été le seul à voter contre et les membres du Parti populaire serbe (SNS) ne sont même pas entrés dans la salle. Alors qu’il avait annoncé qu’il ne soutiendrait pas la loi, Mehmet Bardhi, de la Ligue démocratique des Albanais, a quitté la salle quelques minutes avant le vote. Le vice-président du Parlement, Dragan Kujovic, ne lui avait pas permis de répondre au député Ferhat Dinosha, car un tel acte aurait contredit le « respect du règlement. » Les députés des partis de l’opposition ont fait savoir que le pouvoir adoptait « une loi si importante » pour se donner une bonne image publicitaire, « à la veille du référendum et sans la présence des médias ». Le ministre pour la protection des Droits des Minorités, Gëzim Hajdinaga, a précisé que la nouvelle loi interdisait toute sorte de discrimination ethnique : « La loi va sauvegarder l’identité nationale des minorités, les défendre de l’assimilation et leur permettre une participation permanente et effective à la vie publique. » Suivant le principe de l’action affirmative, la loi garantira une augmentation du nombre de députés représentant les minorités. Par ailleurs, elle stipule que « les minorités qui représentent entre un et cinq pourcent de la population monténégrine auront droit à un mandat parlementaire par l’intermédiaire du représentant élu de la liste électorale des minorités. Quant aux minorités qui constituent plus de cinq pourcent de la population, elles auront droit à trois mandats parlementaires ». Une loi qui divise l’Assemblée Ces dispositions gênent le député du SNP Vasilije Lalosevic, qui accuse le gouvernement de créer une confusion entre la législation électorale et celle des minorités, à cause du référendum. Le député Mom ?ilo Vucetic (SNP) estime quant à lui que les deux premiers articles de la loi qui définissent le terme de minorités, « créent une telle anarchie qu’il est impossible de comprendre la loi ». Et Vasilije Lalosevic de rajouter : « Le recensement est formel. Les 200 000 Serbes du Monténégro constituent plus de 30 % de la population. Ce n’est pas une minorité ». Les députés des partis de l’opposition sont unanimes. Ils demandent que la loi distingue les minorités autochtones, les peuples minoritaires et les minorités ethniques. Par ailleurs, ils souhaitent que la loi définisse comme minorité tout groupe de citoyens de la République, moins importante en nombre certes, mais qui a des caractéristiques ethniques, religieuses ou linguistiques communes. Le représentant du gouvernement, Orhan Sahmanovic, a estimé que tous ceux qui le souhaitent et en ressentent le besoin pourront réaliser leurs droits de minorité, et que la loi en question ne définissait pas le caractère ou non autochtone de la population. « Le terme de minorité ethnique est large, et il n’a pas de définition unique. Celle de notre loi est reprise de la Charte sur les droits de minorités », dit Orhan Sahmanovic, en faisant référence au document adopté avec la Charte constitutionnelle de la Serbie-et-Monténégro. Une loi justifiée par le référendum ? Le député du NS Savo Djurdjevac estime que l’adoption de la loi représente une « transaction commerciale » entre le gouvernement et les minorités, à cause du référendum. Il s’attendait à ce que les minorités refusent ces propositions : « Nous regrettons le fait que la loi soir adoptée maintenant, à cause du référendum. C’est contraire à la réalisation des droits des minorités ». Le vice-président de l’assemblée Rifat Rastoder considère que l’adoption de la Loi est un des pas les plus importants dans la construction démocratique du Monténégro. Srdjan Milic a estimé que la Cour constitutionnelle pouvait rejeter cette loi quand elle le souhaiterait, après avoir appris qu’aucune commission parlementaire n’avait analysé la proposition de loi à cause du manque de quorum. L’assemblée a rejeté douze amendements proposés par Mehmet Bardhi, qui a demandé que l’adoption de la loi soit reportée après le référendum. Il a estimé que la Constitution garantissait aux Albanais plus de droits que la proposition de Loi. Ferhat Dinosa a dit que la Loi représentait un pas en avant vers un véritable partenariat entre le pouvoir et des minorités, et que son adoption fournissait « un bon soutien logistique aux futures intégrations européennes et atlantiques d’un Monténégro indépendant ». Les Bosniaques du Monténégro sont satisfaits « Par l’adoption de la Loi sur les minorités, le Monténégro a montré son orientation européenne et sa capacité à se présenter dans la société des peuples et des États européens comme un État indépendant », a déclaré le parti bosniaque. Le communiqué du parti souligne que les peuples autochtones, les minorités ethniques et les autres communautés minoritaires obtiennent un cadre légal qui redéfinit leur statut et introduit les instruments de protection. |
Monténégro
: « l’indépendance ouvre toutes les portes »
Mise en ligne : mercredi 10 mai 2006 Le référendum du 21 mai n’est qu’une étape. Avec quel projet politique et de développement le Monténégro pourra-t-il construire son indépendance ? Le Prince Nicolas Petrovic Njegos explique pourquoi il choisit l’indépendance. Il lance un appel à la réconciliation de tous les Monténégrins et à la définition de nouvelles relations avec la Serbie. Propos recueillis par Jean-Arnault Dérens et Lejla Sadovic Le Courrier des Balkans (CdB) : Le référendum va-t-il représenter un moment historique pour le Monténégro ? Nicolas Petrovitch Njegosh (NPN) : Oui, bien sûr, c’est un moment historique, même si la période n’est pas bonne, même si le Monténégro est épuisé par la longue descente aux enfers de l’ancienne Yougoslavie, même si les citoyens ne sont peut-être pas dans la meilleure position pour prendre des décisions sereines. Je crains fort que l’enjeu de ce référendum ne soit parasité par d’autres questions qui n’ont rien à voir avec celui-ci : la situation économique et sociale, la mauvaise gestion de crise de la part de la Serbie, qui n’a pas su exploiter le crédit énorme dont elle jouissait à la chute de Milosevic pour aller de l’avant...La question du Kosovo va aussi beaucoup influencer, dans un sens ou dans l’autre, le référendum monténégrin. Je déplore le manque de projets d’avenir, dans un camp comme dans l’autre. Les gens vont émettre en bonne part un vote négatif : contre l’union avec la Serbie, ou bien contre la séparation. Ce qui m’inquiète également, c’est la dimension sentimentale et émotionnelle de ce vote, qui ramène les citoyens à des réflexes hérités du passé, aux clivages entre le nord et le sud du pays, aux souvenirs de la Seconde Guerre mondiale et des affrontements entre tchétniks et partisans. Ce référendum prend l’allure d’une catharsis nationale, mais cette confusion est mal venue quand il s’agit de décider en toute conscience et en toute sérénité de l’avenir du pays. Cependant, les référendums sont toujours convoqués dans des périodes de crise ! Oser la réconciliation nationale CdB : Croyez-vous que des risques de division menacent le pays ? NPN : La société monténégrine est divisée, et le référendum exacerbe ces divisions. Comment le Monténégro va-t-il se réveiller après ce match sans pitié ? Je crois que le pays possède un instinct de survie suffisamment fort pour surmonter la crise, mais tout dépendra de ce qui se passera après le référendum. Si les indépendantistes gagnent, il faudra qu’ils comprennent que l’avenir du pays passe aussi par la reconstruction des bonnes relations traditionnelles avec la Serbie. Si les unionistes l’emportent, il ne faudra pas que leur victoire entraîne la disparition pure et simple du Monténégro, même si celui-ci n’aura plus aucune chance d’exister sur la scène internationale. Les dirigeants politiques actuels du Monténégro sont tous d’anciens communistes, pourtant ils n’ont pas appris la dialectique : ils ne comprennent pas que la question essentielle est de savoir répondre à la moitié des citoyens qui ne pensent pas comme eux. CdB : Vous voterez naturellement pour l’indépendance ? NPN : Je suis pour l’indépendance du Monténégro depuis l’éclatement de l’ancienne Yougoslavie, en 1991. Du moment que cette Yougoslavie n’existe plus, notre seule carte à jouer, c’est le Monténégro. L’autre raison politique, stratégique, pragmatique, qui me fait préférer l’indépendance est la suivante : deux États indépendants peuvent choisir de collaborer, voire de s’unir. Ils peuvent choisir de réunir partiellement ou totalement un certain nombre d’institutions et de compétences. Dès lors que le Monténégro sera indépendant, on pourra envisager de nouvelles formes d’association avec la Serbie, mais étant enfin débarrassés du boulet des quinze années de guerre et de nationalisme serbe, des wagons de cadavres... Une union sur de nouvelles bases peut devenir possible, avec une nouvelle Serbie, qui aura enfin digéré le conflit et les échecs qu’elle a accumulé. L’indépendance n’est pas la fin de l’histoire. Au contraire, elle peut ouvrir une ère nouvelle. Aujourd’hui, le maintien de l’union ferme les portes de l’avenir, tandis que l’indépendance ouvre des voies nouvelles. CdB : Et l’indépendance va-t-elle l’emporter ? NPN : Je le crois. Je crois que tous les Monténégrins, quand ils seront dans l’isoloir, vont se retrouver en face d’eux-mêmes : sont-ils prêts à voter pour la disparition de leur pays ? Le développement durable pour rendre sa fierté au Monténégro CdB : Qu’est-ce que le Monténégro pourrait et devrait faire de son indépendance ? NPN : Le Monténégro est officiellement un « État écologique » : qu’il joue donc cette carte ! C’est le seul projet intelligent pour un petit pays comme le nôtre. Il y a deux possibilités pour le Monténégro : devenir un nouveau paradis de la mafia et de l’argent sale, ou bien s’orienter vers ce projet de développement durable auquel tout le monde rêve sur la planète. Un Monténégro de 600 000 habitants, qui redevient un État, qui surgit comme une edelweiss sur la scène internationale a beaucoup d’atouts à mettre en valeur en ce sens. Il pourrait devenir un laboratoire intéressant le monde entier. En s’engageant entièrement dans un projet de ce type, le Monténégro pourrait retrouver sa fierté, les Monténégrins pourraient redevenir combatifs et héroïques ! Encore faut-il qu’il y ait une véritable politique qui aille en ce sens, et c’est ce qui manque cruellement durant cette campagne référendaire. Personne ne parle des vrais enjeux, d’un projet pour l’avenir du pays. L’indépendance n’est pas un but en soi, c’est un pari qu’il faudra réussir dans la durée. CdB : Un projet de ce type peut-il être porté par les dirigeants actuels du Monténégro ? NPN : Pourquoi pas ? Ils peuvent avoir l’intelligence de sentir le potentiel qui existe dans le pays. Bien sûr, leur vision est trop enfermée dans les limites du Monténégro. Ils n’arrivent pas à penser à l’échelle mondiale, mais ils peuvent comprendre qu’il y a une carte énorme à jouer. Le Monténégro compte 35000 policiers. Cela pouvait se comprendre à l’époque de Milosevic, quand il fallait que le Monténégro puisse se défendre, mais aujourd’hui, c’est injustifiable. Cependant, bien sûr, on ne peut pas licencier ces policiers du jour au lendemain. Par contre, on pourrait en transformer la moitié en gardiens de l’environnement, qui recevraient une formation ad hoc, créer une police verte... Le Monténégro n’aura jamais de grandes Universités de médecine ou de sciences, mais il pourrait avoir un Institut de l’environnement qui deviendrait une référence mondiale. Des projets pertinents de ce type pourraient trouver le soutien du PNUD, de la Banque mondiale... Nous ne sommes plus en guerre, nous ne sommes plus sous embargo, il faut passer à une nouvelle étape, celle d’une vraie normalisation basée sur l’État de droit et sur des projets innovants. Je ne sais pas si nos dirigeants actuels sont capables de mener de tels projets, mais ils peuvent déléguer. Les jeunes générations qui sont désoeuvrées, qui rêvent de partir à l’étranger malgré leur attachement viscéral au pays, pourraient s’engager dans de tels projets. L’indépendance peut donner l’occasion de construire un Monténégro qui deviendra un modèle à l’échelle mondiale. « Nous serions tous trop tristes si le Monténégro disparaissait » CdB : Dans un Monténégro indépendant, quelle place doit-elle revenir aux Petrovic Njegos ? NPN : Que le Monténégro soit indépendant ou pas, j’estime y avoir ma place. Quelle que soit l’orientation qui l’emportera, la dynastie des Petrovic Njegos doit être présente. C’est une part essentielle du patrimoine du pays. Je travaille et je continuerai à travailler pour que la dynastie ait toute sa place au Monténégro, pour aider le pays. Je ne veux pas laisser une situation bancale à mes enfants. C’est dans ce sens que j’ai entamé auprès du gouvernement une démarche de réhabilitation de la dynastie qui a été injustement bannie en 1918 et privée de tous ses droits. C’est dans ce sens également que j’ai récemment réanimé l’ordre dynastique de Danilo... Cet ordre est le seul héritage, spirituel, qui n’a pas pu être confisqué. J’aimerais également mettre mes compétences professionnelles d’architecte au service de mon pays. En effet l’environnement, l’urbanisme, l’architecture, le paysage, sont des enjeux vitaux pour un pays qui n’a comme richesse que la beauté de sa nature. CdB : Dans les jours à venir, vous allez être beaucoup sollicité par les médias monténégrins, quel message allez-vous faire passer ? NPN : Ne vous divisez pas ! Le référendum se soldera par un résultat qui sera forcément difficile à accepter pour les uns ou pour les autres. Mais je pense que le scrutin sera honnête, et il faudra donc accepter ce résultat, quel qu’il soit. Après le référendum, l’enjeu majeur sera celui de la réconciliation de toute la population. Je vais dire cela aux Monténégrins : arrêtez de vous diviser, car vous gaspillez votre énergie. Mais je dirai aussi que l’indépendance ne ferme aucune porte. Au contraire, elle ouvre toutes les portes de l’avenir. Quand la Serbie et le Monténégro étaient deux États alliés mais indépendants, ils ont gagné toutes les guerres. Par contre, réunis, ils ont perdu toutes les batailles. Je vais dire aux Monténégrins qu’ils seront tous très tristes si nous perdons notre Monténégro, si nous le faisons disparaître. S’il n’y a plus de Monténégro, on ne pourra même plus s’engueuler entre nous ! Regardons ensemble vers l’avenir, pas vers le passé. |
Référendum au Monténégro : un match inégal Traduit par Jasna Andjelic Publié dans la presse : 3 mars 2006 L’Europe a fixé les règles du référendum monténégrin : il faudra que 55% des électeurs se prononcent pour l’indépendance, pour que ce résultat soit reconnu. 55 / 45, voici une règle démocratique inédite... Et que se passera-t-il si 53 ou 54% des électeurs votent pour l’indépendance. Cette « majorité insuffisante » sera considérée comme minoritaire. À croire que l’Europe cherche par tous les moyens à créer des troubles au Monténégro. Par Drasko Djuranovic C’était une journée parlementaire comme les autres, grisâtre à cause de la pluie froide qui tombait dehors et privée de discours émouvants et de rouges drapeaux nationaux. Ce mercredi 1er mars 2006 était pourtant un jour historique : l’assemblée a adopté la Loi sur le référendum. Au moment où nous mettons sous presse ce numéro, la séance parlementaire est encore en cours, mais la date du référendum est déjà connue : ce sera le 21 mai 2006. D’après la nouvelle loi, la question référendaire sera la suivante : « Souhaitez-vous que la République du Monténégro soit un État indépendant, avec la pleine reconnaissance juridique et internationale ? » Ce référendum était attendu depuis des années par les libéraux, les sociaux-démocrates et les partisans des autres partis politiques indépendentistes, soutenus par de nombreux écrivains, artistes, enseignants, journalistes et des gens ordinaires qui rêvaient tous de la liberté monténégrine. Personne n’aurait pu imaginer que cette décision sera adoptée si rapidement, durant une séance parlementaire ordinaire, comme s’il s’agissait d’un paragraphe législatif quelconque. 55/45 Tout a été conçu à Bruxelles par Javier Solana, et humblement accepté par le DPS de Milo Djukanovic. On a accepté un référendum selon le modèle 55 / 45. Sous pression de l’administration européenne, les souverainistes, incapables de déterminer les règles indépendamment, ont accepté une course avec 10 % d’avantage offerts à leurs opposants. La Loi sur le référendum a été adoptée au Parlement grâce au vote du DPS et de l’Union démocratique albanaise (DUA) d’un côté, et du bloc des partis unionistes de l’autre (SNP, NS, DSS, SNS). Les sociaux-démocrates, les libéraux, le Parti citoyen et le DSCG (autre parti albanais) sont restés en minorité. Ce n’est pas un bon signe, mais c’est la réalité monténégrine. Or, l’avenir du Monténégro se décidera dans deux mois et demi. En plus de la légende sur les liens historiques serbo-monténégrins, les unionistes tenteront de présenter l’État commun comme l’idée principale soutenue par la Serbie et l’UE. Ils comptent sur le soutien logistique de Belgrade pour attirer les électeurs indécis. Le chef du Parti radical serbe, Tomislav Nikolic, a déjà annoncé que le Premier ministre serbe Vojislav Kostunica et le Président Boris Tadic financaient les partis unionistes eu Monténégro. Il est évident que Belgrade ne sera pas passif durant la campagne référendaire. De plus, les unionistes ont un avantage psychologique, puisque une seule voix qui dépasse le seuil des 45 % suffira pour sauvegarder l’État commun. Ceci résulte de la proposition bruxelloise : les unionistes ne sont pas obligés de gagner le référendum pour emporter la victoire, il importe seulement pour eux de ne pas perdre avec une grande différence. En cas de participation de plus de 82% des inscrits, Predrag Bulatovic et ses collègues devront rassembler plus de 170 000 voix. En d’autres termes, les partisans de l’union avec la Serbie devront surpasser leur meilleur résultat atteint en 2001 (environ 167 000). Le problème clé des unionistes consiste dans le fait qu’ils représentent la minorité et que, par conséquent, leur succès dépend du comportement des souverainistes. Bulatovic sait très bien qu’il lui sera difficile d’atteindre 170 000 voix mais il lui reste à espérer que les indépendantistes ne réussiront pas à en rassembler 200 000. C’est le risque principal de l’idée unioniste : il n’est pas facile de dépendre des autres, que ce soit l’assistance de Belgrade ou les mauvaises démarches des opposants politiques. Il est d’autant plus difficile de construire une campagne positive : comment attirer les nouveaux partisans en leur expliquant que la disparition de l’État monténégrin est une condition de la survie de la Serbie-et-Monténégro ? Les problèmes des indépendantistes sont nombreux dès le départ. Une fausse stratégie dans les négociations avec Bruxelles, la confiance absolue dans des propositions européennes et les convictions du DPS ont déjà alourdi la facture. En acceptant l’ultimatum européen et le modèle 55 / 45, Milo Djukanovic a donné a ses opposants 40 000 voix d’avantage. Ce cadeau correspond au corps éléctoral actif de la commune de Niksic ! Les membres du DPS sont les seuls à savoir par quels moyens Javier Solana réussit toujours à les convaincre. Le bloc souverainiste toujours divisé La discorde concernant les règles référendaires menace la fragile unité du blocus indépendantiste. Les quatre partis politiques indépendantistes n’ont pas été unanimes lors du vote au Parlement. Pourtant, seuls l’unité et le plein engagement pour l’indépendance du Monténégro des partis souverainistes peuvent réveiller les sentiments ensevelis de la majorité des habitants du Monténégro. La clé de la réussite est dans les mains de l’appareil DPS, c’est-à-dire que tout dépend de l’utilisation de leurs infrastructures politiques bien éprouvées. Les leaders du plus important parti politique monténégrin savent que l’argent et la puissance des institutions étatiques mènent à la victoire. D’autre part, l’indépendance demande plus que de la simple machinerie électorale : pour convaincre le votant ordinaire à choisir l’indépendance, Djukanovic et les chefs du DPS doivent prouver leur disponibilité à sacrifier quelque chose qui leur appartient pour notre Monténégro. Dans le cas contraire, l’électeur, fatigué par les mensonges électoraux, pensera que l’indépendance n’est qu’un projet de plus qui permet de garder le pouvoir et celle-ci ne passera pas. Les deux blocs politiques vont tenter de convaincre les électeurs indécis. Les sondages du CEDEM démontrent que le bloc souverainiste dispose de 4,3 % d’électeurs indécis. Ce sont pour la plupart des sympathisants du DPS ou des membres des minorités nationales. Le pourcentage des indécis chez les unionistes est à peu près le même - 4,6 %. Il s’agit des partisans du SNP qui se déclarent Monténégrins. Au premier coup d’œil, tout sera centré sur ces sept ou huit mille électeurs. En réalité, chaque changement d’avis compte le double pour ce référendum. Si les souverainistes atteignent les 55 % ou que les unionistes emportent la majorité de votes, la situation sera claire, avec une majorité gagnante et une minorité perdante. Par sa solution imposée, l’Europe ouvre une troisième voie, qui est une majorité insuffisante des souverainistes. De point de vue formel, la loi est claire : pas d’indépendance en dessous de 55%. Cependant, la vie réelle nous posera des problèmes réels. Comment l’Europe forcera-t-elle cette majorité indépendantiste à renforcer l’État commun qu’ils ne souhaitent pas ? Comment forcera-t-elle les unionistes à rester dans l’opposition en dépit de la victoire de leur idée ? L’Europe veut-elle déstabiliser le Monténégro ? Le négociateur Lajcak a « négligé » de faire signer au deux blocs une Déclaration sur le comportement des partis politiques après le référendum. Il y était prévu que les deux parties acceptent les résultats du référendum si les missions d’observation internationales constatent qu’il a été organisé de manière juste et démocratique. On a renoncé à cette signature pour des raisons inconnues. L’Europe fait-elle exprès d’introduire le virus de l’instabilité dans le système politique monténégrin ? L’introduction du seuil de 55% a crée une « zone grise » dans laquelle la majorité n’est pas gagnante. Bruxelles renonce à l’obligation des deux blocs à respecter les règles adoptées en ouvrant la zone libre après le référendum. Qui garantit que les unionistes reconnaîtront leur défaite ou que les souverainistes respecteront l’État commun en cas de « majorite insuffisante « ? En dépit de ces incertitudes, Miroslav Lajcak a constaté que sa mission au Monténégro était terminée, même s’il restera présent jusqu’à la fin du processus référendaire. Et que ferons-nous si la majorité devient perdante et frustrée, et la minorité gagnante sans aucune mérite ? Il faut être honnête et reconnaître que ce n’est pas la faute de Miroslav Lajcak ni de Javier Solana mais de nos chefs de partis des deux côtés. Ils n’auraient pas du permettre que la voie vers le référendum se transforme en compétition inégale. |
Pobjeda
Monténégro : dernier dialogue avant référendum Traduit par Jasna Andjelic Publié dans la presse : 20 décembre 2005 Le président de la République du Monténégro, Filip Vujanovic, a convoqué une séance extraordinaire du Parlement le 7 février 2006, afin d’organiser le référendum sur le statut étatique et juridique du Monténégro. Il propose à l’opposition et à la majorité de négocier la date et la formulation de la question. Par D.C. et I.K. Dans sa lettre au président du Parlement monténégrin, Ranko Krivokapic, il propose aux partis parlementaires d’entamer immédiatement le dialogue, avec l’aide de Miroslav Lajcak, envoyé personnel du Haut Représentant de l’UE pour la question du référendum sur l’indépendance du Monténégro. « J’ai donné la possibilité au pouvoir et à l’opposition de s’accorder sur la date du référendum et sur la formulation de la ou des questions référendaires, confirmant par là que je suis prêt à intégrer cet accord dans la proposition d’organisation du référendum que je ferai parvenir à l’Assemblée avant le 7 février. Il est évident que la date du référendum doit être déterminée à l’issue des 45 jours suivant l’adoption de la décision sur son organisation et avant la fin du mois d’avril 2006, période des élections locales », précise Vujanovic. Il souligne qu’il aurait pu fixer lui-même la date du référendum, la Constitution l’y autorisant et ce référendum devant être organisé entre le 7 février et la fin avril, mais qu’il avait estimé que cela devait faire l’objet d’un accord entre le pouvoir et l’opposition. « Je crois au dialogue et ne souhaite pas faire de prévisions sur l’échec éventuel du compromis politique ni exprimer mes suggestions personnelles concernant la meilleure date, excepté le délai de la fin avril 2006 », explique le Président monténégrin. Filip Vujanovic a proposé à Svetozar Marovic, président de l’Union des Etats Serbie-et-Monténégro, d’organiser une réunion avec les dirigeants de Serbie, Boris Tadic et Vojislav Kostunica. « Je m’attends à ce que le Président et le Premier ministre de Serbie acceptent le dialogue, comme l’a fait le Monténégro au sujet du partage des fonctions ministérielles. A l’époque, le Monténégro a pris en compte l’intérêt de la Serbie en acceptant que les ministres des Affaires étrangères et de la Défense de l’Union soient tous deux serbes, ce qui est contraire à la Charte constitutionnelle. Le Monténégro a été correct dans sa communication avec la Serbie et il le restera, ayant la conviction qu’il faut discuter sur tous les sujets ». « Je m’attends à ce que le Président et le Premier ministre de Serbie démontrent la même disponibilité et la même compréhension concernant la négociation sur le principe des rapports entre le Monténégro et la Serbie en tant que deux Etats indépendants », souligne Vujanovic. Selon lui, le Monténégro est disposé à affirmer entre les deux Etats indépendants les principes de l’ouverture des frontières, de la libre circulation des personnes, des marchandise et des capitaux, de la protection des droits acquis, de l’égalité des citoyens, des entreprises et des entrepreneurs. |
Monténégro : l’Europe précise
ses exigences sur le référendum Publié dans la presse : 3 décembre 2005 L’Europe précise ses conditions sur l’organisation du référendum monténégrin. Javier Solana insiste sur la nécessité d’un dialogue entre le pouvoir et l’opposition. Mais les dirigeants monténégrins sont-ils vraiment prêts à mener cette difficile bataille ? En tout cas, ils affirment ne pas avoir de scénario alternatif au référendum. Par Veseljko Koprivica Bruxelles a adressé de nouvelles instructions à Podgorica, plus précisément, à quatre partis politiques d’opposition - le Parti socialiste populaire (SNP), le Parti populaire (NS), le Parti populaire serbe (SNS) et Parti démocrate serbe (DSS). Il s’agit de le réponse du Haut représentant européen pour la sécurité et la coopération à leur lettre commune du 10 novembre. Ces partis avaient écrit à Javier Solana que le Monténégro n’avait pas besoins de référendum et qu’ils demandaient, en cas de son organisation, le droit de vote pour les citoyens non-résidents. L’Union européeene n’acceptera pas le résultat d’un référendum unilatéral où le pouvoir et l’opposition ne coopéreront pas avec la communauté internationale, a répondu Javier Solana, en adressant le même message aux autorités. « L’Union européenne croit que la question de l’avenir de la communauté d’États doit être résolue de manière à sauvegarder la stabilité intérieure et régionale conformément au progrès continu de la Serbie et du Monténégro vers l’UE », avertit Javier Solana. Il ajoute que « toute démarche liée à l’éventuel référendum doit attendre la publication des recommendations de la commission de Venise », après lesquelles « nous comptons sur la disponibilité du pouvoir monténégrin ainsi que des représentants de l’opposition à s’engager dans un dialogue constructif ». En bref, Solana a souligné deux points de repère précédemment mentionnés, aussi bien pour le pouvoir que pour l’opposition : un dialogue obligatoire, sans démarches unilatérales. La troika de l’UE qui s’était récemment rendue à Podgorica a clairement demandé le dialogue entre l’opposition et le pouvoir. Tout le monde se réjouit du message de Solana Quelles sont les réactions au dernier message de l’UE ? Tout le monde en est très content, ce qui est plutôt rare. Le Parti populaire dit que les dernières recommendations de Javier Solana correspondent à ses positions. Le dirigeant du Parti socialiste populaire Predrag Bulatovic est également satisfait, « parce qu’il a été clairement répété que l’Europe ne soutenait pas les processus unilatéraux et qu’elle ne soutiendra que les résultats d’un large consensus ». La vice-présidente du DSS Dragica Perovic est ravie : « Cette lettre représente la fin de la publicité unilatérale du référendum ». Le DPS (gouvernemental) a également constaté que les recommandations de Solana correspondaient à ses positions sur le respect des standards de l’UE et de la commission de Venise. La lettre de Solana est avant tout un avertissement à l’opposition monténégrine sur la nécessité de dialoguer sur les conditions de l’organisation du référendum. Cependant, les partis d’opposition ne renoncent pas à leur détermination de discuter seulement avec les représentants européens. Que dit Solana sur la nécessité d’organiser le référendum ? Il ne consacre pas à ce problèlme un seul mot de sa lettre adressé à l’opposition. L’ambassadeur de Serbie et Monténégro à Bruxelles, Milica Pejanovic Djurisic, donne son interprétation : les derniers messages de Solana ne remettent pas en question la possibilité d’organiser le référendum. D’après elle, Solana souligne le besoin de l’organiser en accord avec les principes européens et insiste sur l’importance du résultat du rapport de la commission de Venise. Milica Pejanovic-Djurisic ne s’attend pas à de surprises dans ce sens. La Commission de Venise réclamera-t-elle une majorité qualifiée ? Les partisans de l’indépendance du Monténégro craignent que l’UE ne demande une majorité qualifiée pour la décision de sortir de l’État commun, même si une tellemajorité n’a pas été requise pour y entrer. La bureaucratie européenne imposera-t-elle ce critère discriminatoire ? Tout sera résolu d’ici dix jours, quand la Commision de Venise donnera soin avis sur la conformité de la Loi monténégrine sur le référendum avec la pratique internationale et définira les standards pour le référendum. Blagota Mitric, juge du Tribunal de l’État commun estime que « l’UE dispose de tous les mécanismes juridiques et non juridiques, souterrains et officiels. C’est un scandale juridique international si la commission de Venise subit des pressions politiques et qu’elle ne respecte les standards internationaux contemporains ». Nebojsa Vucinic, professeur de la Faculté de droit de Podgorica, a également donné son commentaire sur le sujet : « En tant qu’enseignant de droit international, je peux dire que toute cette série de messages, d’exigences et d’appels, représente une ingérence dans les affaires intérieures d’un État ». James Lions, le chef du bureau de l’International Crisis Group pour la Serbie et le Monténégro dit dans une interview publié dans Monitor qu’il a des information sur les pressions politiques de l’UE sur les membres de la commission de Venise pour que ces derniers reportent la publication de leur avis. Monténégro et Kosovo « L’UE reconnait qu’elle ne peut pas empêcher la tenue du référendum en avril et se concentre sur son organisation, conformément à des règles constitutionnelles convenues qui premettraient son acceptation par la population monténégrine, Belgrade et le monde », a dit la semaine dernière à Podgorica Judie Bat, experte de l’Institut de recherches sociales de Paris. Elle pense que Bruxelles a peur du boycott du référendum par l’opposition et d’un résultat final plutôt étroit. Elle est surtout préoccupée par le fait que « tout cela se déroulera en même temps que les efforts pour trouver une solution pour le Kosovo entre Belgrade et Pristina ». Ellle avertit que, « du point de vue de la reconnaissance du nouvel État, le référendum n’est pas suffisant. Il faut avoir un État complétement défini, avec une Constitution et un gouvernement capable de contrôler et gérer tout le territoire ». Dans tous les cas, la bataille pour l’indépendance du Monténégro sera difficile. Les déclarations des hauts fonctionnaires ne donnent pas l’impression que le pouvoir monténégrin y soit bien préparé. Le Premier ministre Djukanovic a confirmé qu’il considérait personnellement qu’après avoit voté l’indépendance, le Monténégro pourrait discuter avec la Serbie sur une certaine forme d’alliance. Il est bien connu que la Serbie, en ce moment, n’y est pas du tout disposée. James Lions dit que l’UE a des projets sur le sujet. « Certains signes indiquent que l’UE garde la proposition de confédération de deux États indépendants comme un plan de réserve. Le problème est que cette question n’a pas été négociée à temps ». Pas de scénario alternatif Le Premier ministre Djukanovic a démenti les spéculations des médias qu’il disposait d’un plan alternatif en cas d’échec référendaire : « Cela n’a pas de sens, car non seulement je ne pense pas à une solution alternative, mais je n’ai pas non plus participé à l’élaboration de plans alternatifs ». Il a récemment annoncé son départ de la scène politique en cas d’échec du référendum. Milo Djukanovic tente en même temps de persuader l’opinion que le référendum sur le statut étatique sera organisé entre fin février et début avril 2006. « Le début de cette période est défini dans l’Accord de Belgrade et la fin est déterminée par les élections locales de mai, selon des crtières constitutionnels indiscutables », explique Milo Djukanovic. |
Réforme de la Charte
constitutionnelle : le Monténégro marque un point Publié dans la presse : 10 avril 2005 Le Haut représentant européen Javier Solana a fait une visite éclair à Belgrade pour précipiter des modifications de la Charte constitutionnelle de l’Union de Serbie et Monténégro. Le Monténégro n’a pas renoncé à son projet de référendum, tandis que la Serbie a accepté de repousser les élections au Parlement de l’Union. Malgré la satisfaction unanime de tous les signataires de l’Accord sur les changements de la Charte, les analystes considèrent que Podgorica a marqué un point politique positif. D’après eux, le Monténégro n’est pas allé plus loin qu’une simple discussion sur l’organisation du référendum, alors qu’on a refusé à Belgrade la possibilité de tenir des élections directes pour le Parlement de l’Union de Serbie et Monténégro (USM), ainsi que le souhaitait le Premier ministre Vojislav Kostunica. En fait, le parlement de Serbie devra dès la semaine prochaine suspendre la loi récemment proclamée sur l’élection directe des députés de l’USM. « La signature de ce cet Accord supprime un obstacle dans les communications entre Belgrade et Podgorica, mais aussi dans les relations de l’USM avec la communauté internationale. Cependant, il est négatif que l’accord ait été conclu avec un si grand retard », estime le politicologue Zoran Lutovac qui a suivi le long processus d’adoption du plus important document de l’USM. Objectif européen avant tout Selon Bruxelles, l’Accord signé le 7 avril doit assurer le fonctionnement efficace du Parlement de l’Union d’États, augmenter les chances de l’USM d’obtenir une étude de faisabilité favorable et donc accélérer le processus d’adhésion à l’UE. Comme l’annonce l’Agence Beta, on attend ces jours ci que soit réglée la dernière question relative à la coopération avec le Tribunal de La Haye avec l’arrestation du général Nebojsa Pavkovic. Bruxelles exprime aussi sa satisfaction en raison d’une entente au sujet d’un éventuel référendum en consultation avec l’UE, et aussi en raison du fait que Kostunica a persuadé le haut représentant Javier Solana que Pavkovic serait livré au TPI d’ici le 12 avril. Pourtant, Zoran Lutovac pense que le fait de lier les élections directes au Parlement de l’USM avec les élections législatives dans les États membres représente un avantage pour le Monténégro, bien que le changement du calendrier électoral convienne aussi bien à Belgrade qu’à Podgorica. Les changements prévus par l’Accord, qui doivent être adoptés par les trois Parlements stipulent que « la réglementation d’un éventuel référendum doit être fondé sur les standards démocratiques reconnus internationalement ». L’État membre qui organisera un référendum devra collaborer avec l’UE sur le respect des standards internationaux tel que prévu par la Charte, est-il mentionné dans l’Accord. Comme l’indique notre interlocuteur, l’Accord ne fait que surmonter le problème de la légitimité de l’assemblée de Serbie et Monténégro, dont les mandats des députés ont expiré le mois dernier. Points de vue bloqués sur le référendum « Or, nos points de vue sur le référendum ne se sont pas rapprochés, ce qui sera de nouveau le sujet clé politique, avant tout au Monténégro. Ce problème vital n’est pas réglé et aucune avancée n’a été faite », souligne Lutovac, en ajoutant que rien n’a été changé par rapport à la clause de la Charte relative au référendum. Le directeur du Centre pour la démocratie (CEDEM) de Podgorica, Srdjan Darmanovic, pense que la clause sur le référendum ne doit pas être interprétée comme une concession des autorités de Podgorica. Il a communiqué au journal Vijesti « qu’il n’est pas écrit dans l’Accord que le Monténégro doit collaborer avec l’UE en ce qui concerne le respect des standards démocratiques, ce qui serait difficile d’éviter si Bruxelles insistait sur ce fait ». Il ajoute qu’on ne sait pas comment réagira Podgorica « si l’UE tente d’imposer la règle de la majorité qui, d’emblée, signifie l’échec » pour ceux qui sont pour l’indépendance. Le Président du Parlement du Monténégro, Ranko Krivokapic, pense que « l’invention » de nouvelles conditions pour le référendum sur l’indépendance monténégrine n’aurait pas de fondements juridiques ni politiques. Ranko Krivokapic, qui est aussi président du Parti social-démocrate, a déclaré à la Radio Antena M de Podgorica que le Monténégro doit refuser toute tentative de marchandage sur le compte de son indépendance : « Il y a des tentatives pour empêcher l’indépendance monténégrine, et une forte demande des milieux nationalistes en Serbie de leur donner le Monténégro en compensation du Kosovo ». Ranko Krivokapic dit que le Monténégro respectera les standards internationaux concernant l’organisation du référendum et il ajoute que le Monténégro possède déjà une Loi sur le référendum qui stipule les conditions requises par l’Organisation pour la sécurité et la coopération européenne (OSCE). Le ministre pour les Relations économiques avec l’étranger de Serbie et Monténégro, Predrag Ivanovic, pense que les changements apportés à la Charte suppriment un obstacle à l’obtention d’une évaluation positive de l’étude de faisabilité et que, pour cela, il ne reste plus qu’à remplir de la conditions de la coopération avec le TPI. En commentant la partie de l’Accord sur les changements de la Charte concernant le référendum, Predrag Ivanovic a fait remarquer qu’il y avait aussi auparavant une clause dans la Charte constitutionnelle qui stipulait que le référendum dans un État de l’Union devait être en conformité avec les principes démocratiques internationaux. Comme nouvelle clause, il a indiqué l’implication de l’UE en tant que sujet qui devra inciter la mise en application de ces standards. Ivanovic a dit que le but du pouvoir à Podgorica était d’organiser un référendum démocratique dont l’effet ne serait pas d’avoir « des vainqueurs et des vaincus mais de créer les conditions nécessaires à la stabilité économique du Monténégro. À cet effet le juge du Tribunal de Serbie et Monténégro et professeur à l’Université de Podgorica, Blagota Mitric, souligne que la clause sur le référendum est claire du point de vue juridique mais qu’il craint « son interprétation politique ». « Juridiquement, il ne devrait pas y avoir d’ambiguïté car le pouvoir actuel du Monténégro a jusqu’à présent exprimé sa volonté de respecter les standards internationaux, et précisément la Loi monténégrine sur le référendum en tient compte. |
Dernières propositions du Monténégro
à la Serbie : à prendre ou à la laisser ? Publié dans la presse : 25 février 2005 Le Monténégro a proposé de remplacer l’actuelle Union avec la Serbie par une « Fédération d’États indépendants ». Beaucoup d’incertitudes, d’espoirs et de craintes demeurent autour de ce projet, mais une chose est essentielle : s’agit-il de la dernière proposition monténégrine ou d’un papier de plus sur la table ? Seul Milo Djukanovic connaît la réponse... Par Drasko Djuranovic Milo Djukanovic n’a pas bluffé : après l’avoir annoncé samedi, la proposition officielle du Monténégro était mardi sur la table de Vojislav Kostunica et de Boris Tadic : un accord sur la transformation de l’Union Serbie-Monténégro en une fédération d’Etats indépendants de la Serbie et du Monténégro, les deux pays étant reconnus internationalement. On pourrait croire qu’il s’agit du titre d’un volumineux document constitutionnel. En fait, le texte envoyé à Belgrade comprend deux pages et demi. D’une manière réduite, la proposition monténégrine est la suivante : l’union actuelle devrait être transformée en une union d’Etats indépendants reconnus internationalement ; il y aura trois institutions d’État communes : l’assemblée, c’est-à dire les deux parlements républicains, la Commission de l’union des Etats indépendants et le Conseil de la défense composé de trois membres. Les règles adoptées par l’Union européenne seront appliquées en économie... C’est à peu près tout : il n’y aura plus de conseil des ministres, on abolira le tribunal de l’Union, le service diplomatique commun n’existera plus. Le reste sera affaire d’entente. Les fédérations sportives, les organisations et les associations structurelles pourront exister s’il existe un intérêt commun et un accord entre les fédérations et associations serbes et monténégrines. Il est prévu que l’accord sur la nouvelle union soit adopté par les assemblées des États membres, ainsi que par l’assemblée de Serbie-Monténégro. À la fin, tout serait validé par un référendum, « conformément aux Constitutions du Monténégro et de la Serbie ». De la sorte, l’Union des États indépendants obtiendrait la reconnaissance internationale mais aussi la légitimité interne politique et juridique. Encore moins de liens qu’entre les États de la CEI« Bien que cela rappelle la Communauté des États indépendants qui a succédé à l’URSS, il y a des différences. Avant tout, Podgorica propose une fédération encore plus souple dans laquelle il n’y a pas de Président, ni de tribunaux ni d’autres institutions », explique Srdjan Darmanovic, professeur des systèmes politiques contemporains à la Faculté de droit à Podgorica. Qu’a donc conçu le sommet d’Etat monténégrin ? Il est certain que la coalition gouvernante sait regarder l’heure : dix jours avant la fin du mandat des députés à l’assemblée de Serbie-Monténégro, dans le vif des menaces des autorités serbes de révoquer Svetozar Marovic, Podgorica a pris l’offensive. « Les institutions publiques non fonctionnelles et le coût élevé de l’Union actuelle », sont les raisons principales mentionnées par Vujanovic et Djukanovic dans leur proposition présentée à Belgrade. La proposition monténégrine ressemble au maintien de l’État actuel, alors qu’une nouvelle Union est proposée ; c’est comme si la main était tendue aux autorités serbes, tout en réglant le problème monténégrin. Aucun espace de manœuvre n’est laissé à Belgrade. Quelle que soit la variante qu’ils choisiront, soit d’accepter ou de refuser la proposition monténégrine, Kostunica et Tadic ouvriront la voie vers la souveraineté monténégrine. La proposition de Podgorica enfreint la Charte constitutionnelle, mais c’est la onzième fois depuis deux ans de sorte que le pouvoir monténégrin ne craint pas beaucoup les reproches de l’opinion publique. En outre, la monténégrine pense que cette fois-ci, elle obtiendra énormément. Cette Union des États indépendants permet aux autorités serbes de continuer les négociations sur le Kosovo, tant que les rapports avec le Monténégro se maintiennent. Les Monténégrins sur la « voie slovène » ?Les premières réactions de Serbie montrent toutefois que peu de gens vont soutenir la proposition monténégrine. Le premier ministre Kostunica n’a pas hésité un seul instant : il a rejeté la proposition. Nebojsa Bakarec, éminent fonctionnaire du parti de Kostunica, le Parti démocratique de Serbie (DSS), explique ainsi ce choix : « La violence juridique du régime monténégrin a commencé avec l’ajournement des élections directes et la violation de la Charte constitutionnelle. Maintenant, avec leur nouvelle proposition d’union d’États indépendants, ils ne font que poursuivre cette violence juridique. Le comportement actuel des autorités monténégrines rappelle fortement les démarches slovènes à la fin des années 90 du siècle dernier ». Le Parti radical serbe (SRS) a également rejeté la proposition. « Je n’ai pas reçu la proposition officielle de Podgorica, mais en principe, notre parti s’oppose fermement à l’idée de séparer une union d’Etats déjà souple », a souligné Aleksandar Vucic, son vice-président. Bien que le Parti démocratique de Boris Tadic ne conteste pas la possibilité d’une entente entre Podgorica et Belgrade, il est certain qu’en raison de la position négative du DSS de Kostunica et du SRS de Seselj, le président « pacifiste » serbe courbera l’échine. Par conséquent, les forces dominantes en Serbie ont rejeté d’emblée la proposition monténégrine. Le Monténégro lance un signal à la communauté internationalC’est précisément la carte sur laquelle Podgorica joue ! Si Belgrade n’accepte officiellement pas la proposition d’une fédération d’États indépendants, il sera considéré comme la partie qui ne désire ni accord ni stabilité dans la région. Ce sera la preuve irréfutable, comme le pensent les dirigeants monténégrins, que la Serbie majoritaire ne désire pas un accord mais une domination sur le Monténégro. C’est là où se cache le jeu politique monténégrin : bien que présentée officiellement à Belgrade, la proposition est en premier lieu un signal pour la communauté internationale. Bruxelles, par le truchement de Kristine Galjak, porte-parole de Javier Solana, a réagi le lendemain de la proposition monténégrine : l’UE n’a pas l’intention d’imposer par décret une solution à Podgorica et Belgrade. L’ambassadeur américain à Belgrade, Mike Polt, n’a pas jugé la proposition monténégrine mais il a souligné que les Etats-Unis soutiendront tout accord démocratique du Monténégro et de la Serbie. Cela concorde avec nos sources dans les milieux diplomatiques, qui affirment que la proposition n’est pas chose nouvelle pour certains milieux de la communauté internationale. « L’idée avait déjà été communiquée et n’a pas rencontré l’opposition des acteurs occidentaux influents », souligne notre source. La stratégie des dirigeants monténégrins est claire : prendre l’offensive afin de neutraliser la pression internationale sur le règlement de la question étatique. En lançant l’idée d’une Union d’États indépendants sur la scène politique monténégrine, les autorités espèrent tirer un double profit. En fait, Djukanovic tente de vider les arguments des forces politiques qui sont pour l’union des deux pays. Il est difficile de parler actuellement du partage tragique des familles et de leurs biens : la Serbie et le Monténégro seront reconnus internationalement mais dans une fédération souple garantissant la libre circulation des personnes et des biens. « L’essentiel, après la reconnaissance internationale, est que les citoyens se libèrent de la crainte de subir de grandes ruptures et de voir s’élever de nouveaux murs de Berlin entre les États », estime Srdjan Darmanovic. Une proposition acceptable pour les sympathisants du SNP ?Avec leur proposition, les dirigeants du DPS donnent aussi un signal au Parti socialiste populaire (SNP). Lors du Congrès du SNP, Predrag Bulatovic a promis qu’il allait établir le parti comme une opposition basée au Monténégro. Il est maintenant confronté à un défi : s’il ne peut avoir une influence décisive sur le maintien de l’union Serbie-Monténégro, Bulatovic pourrait être un facteur déterminant du nouveau consensus au Monténégro. Ensemble avec la Serbie, mais reconnus internationalement... Qui sait, cela pourrait être une formule acceptable pour de nombreux sympathisants du SNP ? En général, les partis d’opposition proserbes au Monténégro ont réagi de la même façon que leurs collègues de Belgrade. Predrag Bulatovic lui-même a accusé Milo Djukanovic d’esquiver le référendum. Ce n’est que le début de l’histoire. Il sera intéressant de suivre les débats, les arguments et les questions qui se posent : est-ce que la souveraineté monténégrine sera suffisamment protégée, ou bien la survie de l’assemblée de l’union est-elle un nouveau piège pour le Monténégro ? Est-ce que Bruxelles va maintenant exercer des pressions sur Belgrade et laisser tranquille Podgorica ? Ou bien cherchera-t-on à arracher de nouveaux compromis ? |
Privatisation du combinat
d’aluminium de Podgorica : pacte de corruption entre Glencore et
BNP-Paribas ? Publié dans la presse : 10 décembre 2004 La privatisation du Combinat d’aluminium de Podgorica (KAP), qui représente à lui seul près de la moitié de l’économie monténégrine, s’engage dans des conditions très douteuses. Principaux acteurs du feuilleton : le géant suisse de l’acier Glencore, qui gère déjà le combinat, et la BNP-Paribas, qui est par ailleurs le conseiller financier du gouvernement de Podgorica. Par Milka Tadic-Mijovic La période actuelle est décisive. Le Monténégro se trouve face à une décision qui va déterminer son développement. Tout dépend de la privatisation du Combinat d’aluminium de Podgorica (KAP) : la bauxite, l’énergie électrique, le port, le chemin de fer et même la rivière Tara. Après le 20 janvier, date de clôture de l’appel d’offres, lorsque le gouvernement prendra sa décision au sujet du KAP, il décidera en fait de l’avenir de la moitié de l’économie du Monténégro. Peu de raisons d’espérerLe gouvernement monténégrin a permis la privatisation du KAP dans des circonstances douteuses. Surchargé de dettes et mal exploité. Dans la stratégie de privatisation, les principaux créanciers - Vektra, Glencore et Standard Bank, sont autorisés à s’entretenir sur le sort des dettes du KAP dans des négociations directes avec les investisseurs potentiels. En fait, ce sont eux qui décideront à qui appartiendra le Combinat. Les énormes dettes, dont celles envers les principaux créanciers, qui s’élevaient à 130 millions de dollars au moment de l’appel d’offres, ont incité les acheteurs potentiels à demander des subventions pour l’électricité, le minerai, les impôts, la main d’œuvre. Ces subventions seraient désastreuses pour le Monténégro. Il se pourrait que le Monténégro, dans les cinq prochaines années, fasse cadeau de 80 millions de dollars au futur propriétaire du KAP, uniquement à cause de l’électricité. On parle de la privatisation du KAP avec de moins en moins d’optimisme .L’opinion publique s’attend à une baisse des critères retenus. Le Président Vujanovic a récemment déclaré que le KAP serait vendu s’il y avait une bonne offre d’électricité. Bien sûr, une bonne offre pour l’investisseur. Mais mauvaise pour tout le monde au Monténégro. La compagnie russe Sual a renoncé à l’achat, soi-disant à cause des frais très élevés. La compagnie russe Rusal voudrait une électricité moins chère. Glencore, lui, veut tout : électricité, impôts, main d’œuvre.. et le moins d’investissements possible. On ne parle toujours pas des conditions offertes par la compagnie Vedante en Inde. Les autorités monténégrines ignorent quasiment tout de cette compagnie, bien qu’elle soit en expansion. Glencore et BNP-Paribas en favorisLe géant suisse est un vieux partenaire du KAP, créancier et investisseur potentiel. En raison de ses propres créances, la compagnie suisse pourrait disqualifier les autres investisseurs qui ont proposé leur offre. La vente du KAP ne se fera pas si Glencore et Vektra ne donnent pas le feu vert. C’est une position que leur a assuré le pouvoir monténégrin, malgré les avertissements des experts comme quoi les créanciers avaient des pouvoirs royaux. Le gouvernement s’est couvert avec les propositions reçues par le conseiller pour la privatisation, la banque française BNP-Paribas. Glencore et BNP-Paribas sont des partenaires financiers. La BNP a récemment accordé à Glencore un crédit faramineux de trois milliards de dollars. Ils ont tous deux des liens avec les autres investisseurs potentiels de l’usine de Podgorica. D’ailleurs, ces jours-ci, BNP-Paribas et Glencore essaient de régler les problèmes financiers de Rusal, le deuxième investisseur potentiel du KAP. D’après les sources d’un journal russe connu, Glencore a accordé un crédit de 150 millions de dollars à Rusal en décembre 2002. Mais ce dernier, après des années d’expansion, est tombé dans des problèmes financiers qui vont en s’accumulant, de sorte qu’on se demande s’il représente un acheteur crédible pour KAP. Il est vrai que Rusal est l’un des plus grands producteurs d’aluminium au monde. Son chiffre d’affaires annuel se monte à des milliards de dollars. Mais, selon les sources des média mondiaux, le propriétaire majoritaire de Rusal, Oleg Deripaska, est en manque d’argent après avoir acheté 25% des actions de son partenaire Roman Abramovic. Deripaska détient 75% de la compagnie, mais Rusal accroit ses dettes auprès, entre autres, du conseiller du gouvernement monténégrin, qui n’est autre que la BNP-Paribas. BNP-Paribas et Glencore ont accordé en commun des crédits à Rusal. Or, la BNP-Paribas est aussi devenue le conseiller de Rusal dans des projets évalués à des centaines de millions de dollars. Personne dans le gouvernement monténégrin n’a soulevé la question : comment la BNP-Paris bas va-t-elle conseiller celui-ci pour la vente du KAP, lorsque de l’autre coté de la table se trouvent ses plus proches collaborateurs : Glencore et Rusal ? Le fait surprenant que cela soit justement le conseiller financier du gouvernement monténégrin qui doit jouer un rôle déterminant sur les principaux créanciers du KAP peut alors s’expliquer. BNP-Paribas doit évaluer la meilleure offre pour le Monténégro. Dans une lettre récente adressée au gouvernement monténégrin, le conseiller réagit de façon négative à la proposition des sociaux-démocrates de donner la priorité à l’investisseur qui fournira lui-même l’électricité et, de la sorte, obtiendra moins de subventions. « Le conseiller veut nous convaincre que le coût de la vente du KAP est le plus important. Et que nous ne pouvons pas perdre énormément à cause d’une électricité bon marché, que nous devrons assurer au KAP », dénonce un responsable du SDP. Dans sa lettre, la BNP-Paribas indique aussi la manière d’évaluation des points aux offrants du KAP et, en plus de l’électricité, ajoute en fin de liste la protection écologique. Elle ouvre la porte à l’investisseur qu’il peut réaliser de grands profits sur une électricité bon marché et de moindres investissements dans le domaine de l’environnement. Le conseiller souligne à plusieurs reprises dans sa lettre que l’on doit « tenir compte des offres qui sont suffisamment attrayantes pour rembourser les dettes aux principaux créanciers ». Mais revenons à Rusal. Après l’appel d’offres pour le KAP, Rusal a de plus en plus de problèmes. À New York, il essaie de s’octroyer un crédit de 800 millions de dollars, toujours incertain. Le géant russe n’a plus la confiance de ses créanciers et s’est trouvé sur la sellette face à Poutine et aux autorités fiscales russes. « C’est maintenant au tour de Deripaska. Il pourrait devenir, après Hodorovski, propriétaire de Jukos, l’autre grand oligarque dans la coupe de Poutine ». Hodorovski est en prison pour fraude fiscale, Jukos est cassé. Rusal n’est donc pas en situation d’acheter, car il a plus besoin de liquidités que de nouveaux investissements, estiment les experts financiers étrangers. Si c’est le cas, pourquoi Rusal n’a-t-il pas renoncé à l’appel d’offres comme l’a fait l’autre grande compagnie russe Sual ? « Rusal pourrait jouer le jeu de son financier Glencore, son partenaire suisse, et celui de la compagnie Vektra de Podgorica : demander lors des négociations une réduction supplémentaire du prix de l’électricité et d’autres avantages que le gouvernement ne peut pas accepter. Après le refus du gouvernement, Glencore pourrait apparaître comme le sauveur », constate une source bien informée de Monitor. Dans ce cas, Glencore et Vektra n’auraient plus qu’à légaliser leur propriété du Kombinat, qu’en fait ils gèrent déjà et dont ils récoltent tous les revenus de la vente d’aluminium. Le KAP produit actuellement plus que jamais. Mais puisqu’il est esclave de ses dettes, tout ce qu’il gagne va dans les caisses de Vektra, de Glencore et de Standard bank. Ils engrangent le profit, utilisent l’électricité peu coûteuse, la bauxite et la main d’œuvre afin de se rembourser des dettes dont, d’ailleurs, il n’a jamais été établi comment elles ont été véritablement générées. Et tout se passe comme si la BNP et le gouvernement monténégrin faisaient tout pour qu’il en soit ainsi à l’avenir. |
Monténégro : Des
licenciements au nom de la langue Publié dans la presse : 25 octobre 2004 Le débat sur le nom de la langue s’envenime au Monténégro. Alors que les écoles monténégrines dispensent désormais des cours de « langue maternelle », 27 enseignants ont été licenciés à Niksic pour avoir continué à enseigner le serbe. Par I. Kljajic et J. Tasic Le cas des professeurs de langue serbe de Niksic qui ont été licenciés a été le sujet d’un débat tenu samedi après-midi, à la Foire du Livre de Belgrade. Les représentants de l’Organisation des Professeurs de lycées et d’écoles primaires de Niksic ont assisté au lancement d’un numéro spécial de Svevidje, une revue consacrée à la religion, à la culture chrétienne et à la vie de l’Église, et publiée par l’Éparchie de Niksic et Budimlje de l’Église orthodoxe serbe. Le numéro traite de la langue serbe au Monténégro. Les enseignants portaient des t-shirts avec l’inscription « On parle serbe au Monténégro ». Veselin Matovic, Président de l’Organisation, déclare que « 27 enseignants ont été licenciés parce qu’ils défendaient la langue serbe, qui constitue l’essence spirituelle du peuple ». « Même si Slobodan Backovic, Ministre de l’Éducation publique du Monténégro, soutient qu’il ne s’agit que de cas isolés, 10 professeurs de serbe et 17 professeurs d’autres matières ont perdu leur emploi. En défendant la langue, nous défendons la Constitution, la science et des principes pédagogiques », explique Matovic. Il ajoute que les protestations des enseignants de Niksic se heurtent au « silence de l’opinion publique et au verrouillage médiatique du Monténégro ». « À part la chaîne de télévision Elmag, le quotidien Dan, la station de radio Svtigora et la revue Svevidje de l’Église orthodoxe serbe, tous les médias sont à la botte de Milo Djukanovic et du Ministre Backovic », dit Matovic. D’après Vesna Todorovic, enseignante licenciée, ceux qui ont perdu leur travail militaient depuis deux mois pour que la langue serbe reste au programme. « Il y a un mois que nous organisons chaque soir des marches de protestation dans les rues de Niksic et des colloques scientifiques, où les professeurs licenciés, soutenus par les partisans de la langue serbe au Monténégro, essaient de convaincre des politiciens myopes qu’il s’agit d’une véritable honte », dit-elle. Elle précise que neuf enseignants ont été inculpés pour avoir abusé de la loi sur la grève. « Nous avons été congédiés des lycées de Niksic parce qu’on a manipulé les enfants. Certains prétendent que nous représentons l’Église orthodoxe serbe. Nous répondons que l’Église est au-dessus de nous, au-dessus d’eux aussi d’ailleurs, et que nous avons sa bénédiction pour sauvegarder notre identité et résister aux efforts des « Dioclétiens » (Académie dioclétienne des Sciences et des Arts, institution qui promeut l’indépendance du Monténégro, n.d.t.) pour créer de nouveaux Monténégrins. La victoire appartient toujours aux courageux, pas à la force », affirment Vesna Todorovic et Milanka Djurdjevac. Elles déplorent que le Monténégro n’ait aucune association professionnelle à laquelle ils pourraient s’adresser pour défendre leurs droits. Ils ont donc fondé leur propre organisation. Vesna Todorovic dit que toutes leurs tentatives de contact avec le Ministère, les lettres, les appels et les offres de négociation, sont demeurés sans résultat : le Ministère fait la sourde oreille. Zvonko Pavicevic, Président du Syndicat autonome de l’Éducation du Monténégro, raconte que son organisation suit le conflit depuis le début et a constaté les licenciements la semaine dernière. Il dit que le problème a pris une dimension internationale : son Syndicat a informé l’Internationale de l’Éducation à Bruxelles, et les représentants de l’OSCE et de diverses ONG examinent la situation. Les enseignants congédiés sont soutenus par l’Église orthodoxe serbe et l’Académie serbe des Arts et des Sciences de Belgrade. Des manifestations quotidiennes ont lieu. « Notre Syndicat défend ses membres et protège le statut juridique de l’employé. Sans participer au débat linguistique, je considère la décision du Conseil général de l’Éducation anticonstitutionnelle et nuisible. La Réforme de l’Éducation est en cours : ce n’est ni le bon moment ni la bonne méthode. Aucun linguiste renommé ne soutient la décision ministérielle. Alors j’ai des doutes sur les véritables motifs d’une telle décision », estime Pavicevic. « Les professeurs congédiés sont représentés par des avocats syndicaux, qui ont déposé des plaintes auprès des écoles. Les licenciements ont été justifiés par l’absence des enseignants de leurs lieux de travail. Pourtant, ils venaient tous les jours à l’école, mais refusaient d’enseigner leur matière sous un autre nom », poursuit Pavicevic. Selon lui, 28 professeurs ont été licenciés dans 20 écoles primaires et 17 dans des lycées, où les nouveaux programmes sont appliqués. Pavicevic constate que les milieux politiques monténégrins sont partagés sur la question. Les partis au pouvoir ont pris les décisions, mais l’opposition est contre. Dajana Sevaljevic, professeur de langue maternelle au lycée de Niksic, ne s’oppose pas à la décision du Ministère. Elle déclare que les changements au programme vont dans le sens de ses opinions politiques pro-monténégrines, qu’elle les appuie et qu’elle continue de travailler à l’école. « Je suis désolée pour le licenciement de mes collègues. Je respecte leur position, mais ne la partage pas. Ils ne méritent pas de perdre leur emploi, mais leur attitude était si intransigeante... Ils se sont obstinés en dépit des conséquences prévisibles », dit-elle. Mijat Bozovic, Directeur du lycée Stojan Cerovic de Niksic, a congédié le 12 octobre 13 personnes pour absence de leurs lieux de travail : 11 professeurs et deux directeurs-adjoints. « En tant que Directeur, seules la loi et l’organisation des cours comptent. Je ne prétends pas savoir qui a raison ou tort. J’ai tenté de convaincre ces personnes de reprendre les cours et de faire avancer leur cause auprès des institutions compétentes. Elles ont fait leur choix, et les licenciements en furent la conséquence. Nous avons ensuite entamé des procédures d’embauche de nouveaux enseignants afin d’assurer la poursuite des cours. Pendant ces procédures, les cours sont donnés par des professeurs engagés temporairement, conformément à la loi », explique Bozovic. La décision du Conseil général de l’Éducation du gouvernement monténégrin, prise début septembre, sur l’introduction de la dénomination « langue maternelle » au lieu de « langue serbe » dans les Lycées, suivant une proposition du Ministère en mars, a été interprétée par certains comme « une promotion de la langue monténégrine et un pas vers son introduction progressive comme langue officielle du Monténégro ». Des étudiants de la Chaire de la Langue serbe de l’Université de Niksic ont été les premiers à réagir. Le Conseil général de l’Éducation et ces étudiants ont convenu que cette question ne sera pas réglée avant un débat scientifique. La nouvelle année scolaire a commencé, avec le nouveau programme. L’Église serbe a également pris position. Le numéro d’avril de Svevidje soutenait que « 70 linguistes considèrent comme une absurdité le changement du nom « langue serbe » en « langue maternelle » au Monténégro ». (Correction : Stéphane Surprenant) |
Recensement au Monténégro : le défi de la différence TRADUIT PAR PERSA ALIGRUDIC Publié dans la presse : 26 décembre 2003 Lors du dernier recensement, 30% des citoyens du Monténégro se sont déclarés de nationalité serbe, contre 10% en 1991, tandis que de nombreux Slaves musulmans se déclaraient Bosniaques. Ce bouleversement des équilibres démographiques remet-il en cause le projet d’indépendance de la petite république ? Drasko Djuraskovic appelle au respect de toutes les différences. Par Drasko Djuraskovic C’est comme si un ouragan avait traversé le Monténégro : tout est là mais rien n’est plus pareil. Les Monténégrins forment bien la majorité mais ils ne sont plus le peuple majoritaire ; les Serbes sont restés une minorité mais maintenant ils représentent le tiers de la population du Monténégro. Au sein du groupe musulman - le deuxième groupe ethnique du pays par sa importance numérique d’après le recensement de 1991 - plus des deux tiers des citoyens se sont déclarés comme Bosniaques. Ce sont les contours du nouveau paysage ethnique. Les statistiques confirment qu’au Monténégro on a enregistré le changement le plus important et le plus rapide de la structure ethnique jamais constaté en Europe en période de paix. En douze ans, le nombre de Monténégrins a été réduit de 106 000, alors que le nombre de Serbes a augmenté de 146 000 personnes et, en outre, on compte 63 000 Bosniaques qui ne figuraient pas dans le précédent recensement. Lors du recensement de 1991, les Monténégrins étaient majoritaires dans 15 villes. Actuellement ils le sont dans six seulement : Cetinje, Niksic, Danilovgrad, Podgorica, Kolasin et Mojkovac. Il en va de même au niveau national. Autrefois on comptait 61 % de Monténégrins, actuellement il y en a 40 %. Le Monténégro d’aujourd’hui s’est classé dans le groupe des États européens, comme la Bosnie, Andorre et la Hollande, où la moitié des habitants ne forme pas un peuple majoritaire. Cette année, le recensement a été supervisé de plusieurs parts, depuis l’opposition jusqu’à de nombreuses organisations non gouvernementales. Le recensement donne l’image d’un Monténégro politiquement divisé : il est évident que la division ethnique a suivi la ligne des divisions politiques. On note un accroissement important du nombre de Serbes et, proportionnellement, une baisse du nombre de Monténégrins dans les communes où la coalition « Ensemble pour les changements » avait obtenu la confiance des électeurs. Il semble que l’opposition au l’actuel pouvoir monténégrin soit telle que les citoyens n’ont pas hésité à changer leur nationalité. Cela n’est pas arrivé par hasard. Le résultat du recensement est une conséquence naturelle et une lourde condamnation de la politique du Parti démocratique des socialistes (DPS). Nous récoltons actuellement les fruits que ce parti a semés durant son règne de quinze ans. Le pouvoir « anti-bureaucratique », dirigé par Momir Bulatovic, Milo Djukanovic et Svetozar Marovic, a été formé au début des années 1990 sur la base d’une seule prémisse : obéir au projet de Grande Serbie et être prêt à œuvrer contre les intérêts nationaux du Monténégro. Pendant des années, la direction monténégrine, a tourné en dérision de manière tenace et systématique tout ce qui touchait aux particularités monténégrines : depuis l’histoire et la religion jusqu’à la simple politique quotidienne. Plusieurs générations ont grandi avec une vulgaire propagande pro-serbe. Peut-être est-ce seulement en 1997, lorsque Djukanovic est entré en conflit avec Milosevic, qu’il a pris conscience de la nocivité de sa propre politique. Et peut être est-ce aussi la raison pour laquelle le pouvoir qu’il contrôlait a commencé brusquement - maladroitement mais aussi grossièrement - à promouvoir l’histoire monténégrine. Or, brandir les drapeaux monténégrins, revenir soudainement à la tradition monténégrine, à sa culture et à son histoire, ne représente qu’une partie superficielle de l’histoire. Le DPS a continué son jeu, en restant assis sur deux chaises à la fois : propager la souveraineté mais en même temps, quand le besoin s’en faisait ressentir, faire les yeux doux à l’Église serbe qui, de la façon la plus destructive possible, déniait le droit à la particularité nationale monténégrine. Malgré tout ce passé, le fait que 40 % des citoyens aient exprimé leur nationalité monténégrine peut être considéré comme une surprise positive. La nouvelle image ethnique modifiée soulève une question : l’indépendance monténégrine serait-elle un projet condamné ? Les leaders des partis d’opposition se sont hâtés de dire que « la colonne vertébrale du projet séparatiste au Monténégro était brisée ». Le vice-président du SNP, Zoran Zizic ,a tout de suite déclaré que l’augmentation du nombre de Serbes était pratiquement le retour au monténégrisme traditionnel ! En même temps il a été menaçant : si le pouvoir monténégrin continuait son action séparatiste, il y aurait danger d’une nouvelle instabilité dans les Balkans. Dragan Soc, du Parti populaire (NS) pense de même, ainsi que le nouveau président du parti Populaire serbe (SNS), Andrija Mandic. Mais pourquoi y aurait-il des révoltes en cas d’indépendance monténégrine ? Les Russes au Kazakhstan représentent plus de 35% de la population, et en Estonie et Lituanie ils forment le tiers de la population. Néanmoins, cette minorité « respectable » a accepté pacifiquement la souveraineté des anciennes républiques russes. Le recensement a brisé une illusion qui vient de l’autre côté, du côté indépendantiste. Beaucoup ont cru à la création rapide d’un Monténégro indépendant par un vote majoritaire, par la force des poings et avec la pression du pouvoir. La chute du bloc monténégrin, après les élections d’avril 2001, a montré que l’élite politique n’était pas prête à mettre en œuvre ce projet. Toutefois, cela ne signifie pas que le Monténégro indépendant n’ait aucune chance. C’est précisément parce qu’il n’y a pas une soi disant « nation majoritaire » dominante que la voie monténégrine doit être différente. Cela suppose la création d’une société civile où chaque voix aura la même valeur, où l’État ne sera pas la propriété d’une nation ou d’un groupe au pouvoir. Mais cela signifie aussi l’application d’une politique qui ne cultivera pas les divisions inter-monténégrines, mais qui cherchera à les surmonter. Au XXIe siècle les distances seront de plus en plus courtes, et le Monténégro vivra dans un monde diversifié. Ses peuples auront des rencontres avec des gens de différentes races, cultures et langues. S’ils peuvent supporter les petites différences intérieures à leur pays, ils pourront alors aussi communiquer avec les autres aussi. La communauté nationale qui n’en sera pas capable au Monténégro est condamnée à être rayée de l’histoire. C’est le problème de Zizic : lorsqu’il agite sans cesse ses 30%, il néglige les 70% autres. Il serait justement fatal pour les Serbes au Monténégro de croire qu’ils pourront faire du Monténégro une mauvaise réplique de la Republika Srpska. Cela ne pourrait se faire sans qu’il y ait violence contre la volonté de l’immense majorité de ses citoyens. Le recensement suggère le contraire : quel que soit le statut national du Monténégro, plus que partout ailleurs, on doit respecter rigoureusement une zone de chances égales et de droits égaux à l’autodétermination. Bien entendu cela sous-entend aussi le droit au référendum sur le statut national. Sinon, le Monténégro sera un lieu maudit. |
La dette publique monténégrine : un calcul à deux inconnues TRADUIT PAR PERSA ALIGRUDIC Publié dans la presse : 26 septembre 2003 Pour le moment, on sait que le Monténégro a une dette de 703 millions d’euros envers l’étranger et ses épargnants. Le montant exact sera connu lorsqu’un accord aura été conclu avec les membres du Club de Londres et la Serbie. Par Jadranka Rabrenovic Lorsqu’on demande au Premier ministre Milo Djukanovic à combien s’élèvent les dettes du Monténégro, il répond : 512 millions d’euros. Le ministre des Finances, Miroslav Ivanisevic, mentionne qu’elle est inférieure à la moitié du PNB, qui s’établit à 1,3 milliards d’euros. Le gouverneur de la Banque centrale du Monténégro (CBCG), Ljubisa Krgovic, émet pourtant des doutes, en déclarant que la répartition interne de la dette envers le Club de Paris reste à définir entre la Serbie et le Monténégro. « On n’a toujours pas convenu du statut de la dette monténégrine, contractée par le biais de la Banque nationale de Yougoslavie (NBJ) envers les créanciers commerciaux, ni de faire partiellement un échange avec les sommes dues au Club de Paris », explique t-il, en pensant aux 167 millions que le Monténégro a racheté en 1992 au prix de 30 cents pour un dollar. Dragana Ostojic, la principale économiste de la Banque centrale du Monténégro, mentionne dans son rapport que la plus grande part de la dette nationale a été souscrite l’année dernière. Selon cette estimation, les dettes de l’État s’élèvent à 332 millions de dollars envers les organisations financières internationales, 167 envers les pays du Club de Paris et un peu plus de 12 millions envers les autres créanciers, ce qui correspond au chiffre avancé par Milo Djukanovic. Sauf que Dragana Ostojic souligne que, concernant l’endettement envers le Club de Paris, le traitement de la dette rachetée en 1992 est contestable. Et cela justifie le chiffre donné par Ljubisa Krgovic. Un autre problème apparaît dans le calcul de la dette envers le Club de Londres, c’est-à-dire les banques commerciales mondiales, qui chiffrent actuellement l’endettement du Monténégro à 2,5 milliards de dollars. Les négociations tendant à réduire cette dette durent depuis deux ans. La directrice adjointe du FMI, Ana Kriger, qui a signé l’analyse du bilan de juillet pour la Serbie-Monténégro (USM) promet dans sa conclusion le soutien des donateurs et des créanciers en vue d’alléger le fardeau social des réformes qui ont commencé. Elle souligne que « les autorités doivent en bonne foi poursuivre les négociations avec les créanciers du Club de Londres au sujet de la restructuration de dette sous les même conditions que celles du Club de Paris ». Selon le FMI, l’accord avec le Club de Londres devait se terminer au début de cette année. Le Club de Paris, auprès duquel l’USM est deux fois plus endettée, a annulé 51 % de la dette et promis 15 % de plus si un arrangement financier efficace était réalisé avec le FMI. Entre temps, le ministre serbe des Finances Bozidar Djelic a fait appel aux membres du Club de Paris afin de réduire ou d’annuler la dette. L’Allemagne a réagi en premier, sous la condition que l’USM investisse 30 millions de dollars dans des programmes d’infrastructure écologique. Immédiatement après le meurtre du Premier ministre serbe Zoran Djindjic, même les experts monétaires étrangers espéraient que le Club de Londres accepterait un arrangement rapide et favorable en annulant jusqu’à 80 % des crédits. Miroljub Labus qui, avec Radovan Jelasic, était à la tête de l’équipe des négociations, a récemment déclaré au quotidien Dnevnik de Novi Sad que la situation était aggravée par les hommes d’affaires locaux qui ont racheté une partie de ces dettes et n’acceptaient pas une annulation rapide. On forme actuellement une autre équipe de négociateurs mais, comme l’endettement s’accroit de 300 000 dollars par jour, et que le capital initial est près du double actuellement, il n’y a pas de temps à perdre. Étant donné la situation difficile, surtout en Serbie où une crise d’endettement a failli surgir il y a trois ans, on espère l’annulation de 1,5 milliards. Grâce aux modèles miraculeux servant de calcul à la valeur des dettes, le chiffre final pourrait être de loin inférieur. Quoi qu’il en soit, la dette extérieure totale du Monténégro, y compris l’ancienne épargne en devises, s’élève à 703 millions d’euros, soit 54% du PNB. Il est prévu que les deux dettes soient remboursées d’ici 2017. Les remboursements annuels seraient entre compris entre 17 et 25 millions d’euros jusqu’en 2007 et 18 à 35 millions d’euros dans les dix prochaines années Les anciens épargnants recevraient tous les 1er juillet, jusqu’en 2007, des versements de 380, 530, ou 500 euros ,et le solde serait donné par des versements annuels égaux accrus de dix pour cent. Le Monténégro rembourse pour l’instant régulièrement les intérêts. Miroslav Ivanisevic affirme que le taux annuel ne dépassera pas deux et demi pourcents du PNB. « Le budget n’est pas en crise d’endettement mais cela ne signifie pas qu’il faille négliger la prudence et de bonnes estimations pour redresser la balance des paiements et assurer le taux d’accroissement planifié du PNB », précise-t-il. La crise d’endettement survient lorsque se réduisent le niveau de vie et les salaires des rares privilégiés qui travaillent encore et que le chômage s’accroît. On y parvient aussi par des importations supérieures aux exportations. L’année dernière, le déficit de la balance du commerce extérieur du Monténégro a atteint 400 millions d’euros. Ce déficit a été réduit par un surplus dans l’échange de prestations de services, de sorte que la perte de l’année dernière s’est élevée à 161 millions d’euros, soit 13% du PNB. Une petite partie de cette somme a été couverte par des donations, mais le gouvernement en a résorbé 9% en s’endettant auprès des banques étrangères et locales. Le FMI, dans son rapport de juillet sur l’USM, met en garde sur le fait que l’augmentation des exportations ne peut être remplacée par des investissements directs étrangers. Si la société transforme ses dettes en actions et les vend à l’investisseur étranger, elle s’engage à des obligations envers les actionnaires qui,au fond, sont de même nature que les crédits. Cela est valable aussi pour l’État, de sorte que la capacité de remboursement des crédits et la rentrée d’investissements étrangers dépendent directement des exportations. Cela veut dire que si le déficit sur le compte courant est de 9 %, le PNB doit augmenter dans la même proportion pour pouvoir dire que l’État a stabilisé ses obligations envers l’étranger. La couverture du déficit par des donations étrangères et des emprunts auprès des banques n’est qu’une solution provisoire au problème. Comme cette année on prévoit un taux d’accroissement de 5 à 6 % du PNB, et que le budget de l’État TABLE sur un déficit de 70 millions d’euros, avec des importations deux fois supérieures aux exportations, il semble que l’ évaluation de la stabilité des finances publiques repose sur des « pieds d’argile ». Ce qui est surtout terrifiant, c’est que le budget de cette année ne soit pas assaini, bien qu’il ait reçu la part du lion résultant de la vente de Jugopetrol. Avec la re-balance du budget en juillet, le gouvernement a maintenu le déficit prévu. La plus grande partie de l’argent provenant de la vente de Jugopetrol a été engloutie dans le remboursement d’un vingtième de l’ancienne épargne en devises et dans les primes de licenciement des policiers et autres employés, alors que le cinquième seulement a été employé à la production. Ce qui cause une plus grande crainte encore est le fait qu’un citoyen sur cinq au Monténégro vit sur le budget de l’État, un sur quatre sur le fonds des retraites, et que la consommation publique dépasse les trois quarts du produit national. |
Monténégro : changer de monnaie pour camoufler la catastrophe économique ? TRADUIT PAR PERSA ALIGRUDIC Publié dans la presse : 21 mars 2003 Une balance commerciale déficitaire de plus d'un demi-milliard d'euros, l'ensemble des dettes monténégrines supérieures au PNB de la République... Pour sortir le Monténégro du marasme économique, certains préconisent un retour au dinar, voire le passage de l'euro au perper monténégrin. Solution viable ou cache-misère désespéré ? Par Jadranka Rabrenovic Le Premier ministre du Monténégro, Milo Djukanovic, a récemment annoncé que les dettes à l'exportation du Monténégro s'élevaient à plus d'un demi-milliard d'euros. S'appuyant sur la méthode qui consiste à indiquer les mauvaises nouvelles de façon progressive, il n'a pas révélé le montant de la dette intérieure… Les économistes affirment cependant que la dette intérieure est supérieure à celle de la balance commerciale. Cela signifie donc que notre passif est quasiment égal à notre produit national brut annuel. Dans une économie normale, ce serait la banqueroute. Chez nous, les experts se demandent s'il vaut mieux demeurer dans la zone euro, et ainsi afficher de manière évidente notre grand dénuement, ou opter pour des cache-misère comme le dinar serbe ou le perper. Slavko Drljevic est directeur de la « Hipotekarna banka », un établissement financier qui collabore avec les sociétés locales. Favorable au perper, il affirme que les directeurs de la plupart des entreprises monténégrines prévoient la faillite de leurs sociétés d'ici la fin de l'année : « Il faudrait voir le bilan comptable des entreprises, une fois qu'elles auront réglé leurs dettes. Il y a fort à parier que le résultat demeurera alarmant. Toutefois, il semblerait que peu de gens se préoccupent de la situation ». Au Monténégro, l'argent manque. Pour l'exercice précédent, la balance commerciale était déficitaire à hauteur de 387 millions d'euros. Slavko Drljevic voit l'avenir en noir. En 2002 et 2003, l'argent aurait circulé par des voies illégales. Ce serait la raison pour laquelle, il ne figurerait pas sur les comptes officiels du Monténégro : « L'argent sort du pays, et de gros stocks de marchandises voient le jour. L'objectif est de les vendre, mais je ne vois pas comment nous y parviendrons ! » Le perper pourrait selon lui être la solution : « Pour 2003, les contraintes extérieures nous imposent une politique de rigueur budgétaire, basée sur l'euro, avec pour banque émettrice la Banque centrale. Ces mesures devraient encourager le développement économique du pays, mais elles nous conduisent à réfléchir sérieusement à avoir notre propre monnaie. » Le directeur de la Podgoricka banka, Mladen Rabrenovic, demeure quant à lui favorable à l'euro : « l'euro donne des estimations et des chiffres plus précis. Le fond du problème est d'assainir l'économie nationale. Il nous faut des investissements à long terme, et une production compétitive. » Que la devise employée soit l'euro, le dinar ou le perper lui importe peu : « Quand aucun programme de développement économique n'est mis en œuvre, lorsque la balance commerciale est déficitaire, ce n'est pas en imprimant des billets de banque que l'on règle le problème. » Milo Djukanovic est du même avis : « notre passif est dû au fait que le Monténégro ne présente aucun produit concurrentiel sur le marché mondial. Il faut au plus tôt élaborer un programme pour stimuler les exportations. » Le Monténégrin Predrag Popovic et le Serbe Andrija Mandic, tous deux membres du Parti populaire, souhaitent revenir au dinar : « La banque centrale obtiendrait 150 millions d'euros de change si le dinar se substituait à la monnaie européenne. L'État pourrait réajuster les prix en fonction du cours du change, et intervenir ainsi dans la politique économique du pays ce qui, avec l'euro, est impossible. » Leur ancien collègue de parti, Predrag Drecun, actuellement directeur du Centre d'études économiques et sociologiques, considère qu'une monnaie n'est ni dure ni molle, à la différence de ceux qui la gèrent : « En Serbie, Mladjan Dinkic [1] a résisté aux pressions politiques et prouvé que le dinar pouvait être stable ». Slavko Drljevic regarde le dinar comme un virus dangereux : « Le dinar n'a jamais rendu heureux qui que ce soit. Il ne peut que créer une situation chaotique pour notre économie. Avec lui, ce serait mettre un terme au projet d'indépendance du Monténégro. » Mladen Rabrenovic est également opposé au retour du dinar : « Pour nous il s'agit d'une monnaie étrangère. Podgorica ne pourra pas influer sur la mise en circulation d'une telle devise. Le retour du dinar serait la pire des solutions, car notre économie est faible. » Nebojsa Medojevic, coordinateur du « Groupe pour les changements » est plutôt conciliant. Il souligne que le choix du dinar ou de l'euro est une décision politique et que les paramètres économiques sont rarement retenus : « Si nous devons faire partie de l'Union européenne (UE) à moyen terme, nous n'avons pas besoin du dinar. Si nous voulons notre propre monnaie, nous devons alors évaluer ce que nous avons à y gagner ou à y perdre. » Selon lui, toutes les recettes budgétaires doivent être en euro « car cela renforce la position monténégrine auprès de l'UE ». Le directeur du Centre pour l'entreprenariat, Petar Ivanovic, estime que l'euro a délivré une image précise de l'économie monténégrine, ce qui ne plait pas à tout le monde : « Au lieu de pallier les problèmes, nous recherchons des alibis : ce n'est pas le dinar ou le perper qui réduiront le déficit du commerce extérieur ! Nous y parviendrons en réduisant les dépenses de l'État et en augmentant les importations. Je ne suis pas surpris outre mesure par le fait que ceux qui ont réussi socialement à l'époque du dinar souhaitent aujourd'hui l'introduction d'une nouvelle monnaie. Notons que leurs épargnes sont sur des comptes à l'étranger, et dans une devise autre que le dinar ! Que ce soit le perper ou le dinar, le problème reste le même. » Il s'interroge quant à la proposition de Slavko Drljevic qui désire lier le perper à l'euro : « cette suggestion est-elle motivée par des raisons politiques (l'élection d'un gouverneur apte à résoudre les problèmes économiques), ou est-ce une fleur accordée aux groupes de pressions financiers ? Ces derniers ne savent gagner de l'argent que lorsqu'ils sont en situation d'initiés et de monopole. » Petar Ivanovic affirme que l'euro convient à tous ceux qui désirent entrer sur le marché mondial. Cependant, il nous met en garde sur le fait qu'aucune monnaie ne nous apportera bonheur et richesse si nous ne faisons rien pour cela. La dernière décennie a démenti le préjugé selon lequel les Monténégrins étaient paresseux. Certains ont gagné des millions, pendant que d'autres, pour survivre, ont montré qu'ils pouvaient travailler seize heures par jour s'il le fallait. Cette année, il est temps que la transition économique soit mise en œuvre. Elle a trop longtemps été ajournée. Comme l'a déclaré un éminent homme d'affaires qui entretient d'excellentes relations avec le parti au pouvoir (le DPS), ceux qui luttent pour survivre devraient conserver leur emploi, et quant à ceux qui se sont enrichis d'une manière douteuse, la faillite les guette. Rira bien qui rira le dernier… (mise en forme : Stéphan Pellet) |
Le Monténégro en plein marasme économique TRADUIT PAR JACQUELINE DÉRENS Publié dans la presse : 18 mars 2003 Les boutiques désertes de Podgorica témoignent de la profondeur de la crise économique que subit la petite république. L'introduction de l'euro comme monnaie légale au Monténégro s'est soldée par une véritable catastrophe sociale. Par Boris Darmanovic à Podgorica Comme beaucoup d'autres Monténégrins, Garo, âgé de 50 ans, est une nouvelle recrue pour le marché noir. Il travaillait auparavant pour Jugooceanija, autrefois une florissante compagnie maritime qui a fait faillite récemment quand les dettes contractées pendant la période des sanctions de l'ONU ont eu raison du dernier navire. Aujourd'hui, il vend à la sauvette des cigarettes sur un étal de fortune installé devant la porte d'entrée de son immeuble. Tant que la police ne fait pas de descente, il arrive à gagner entre 150 à 200 euros par mois. Sa femme, Lela, gagne à peu près autant comme infirmière à l'hôpital de Podgorica. Leur revenu commun leur permet à peine d'acheter les aliments de base pour eux et leur deux jeunes garçons. Les chiffres réunis ce mois de mars par les syndicats estiment à 340 euros le panier de la ménagère. Garo, Lela et leurs deux garçons dépensent chaque mois 50 euros pour le pain et le lait. Les factures d'électricité, d'eau et de téléphone s'empilent en attendant des jours meilleurs. Et les vêtements ou les excursions au bord de la mer à 50 kilomètres sont entrés dans le domaine des rêves les plus fous. Le sort de Garo et Lela n'a rien d'exceptionnel : ils sont plutôt bien lotis comparés à beaucoup d'autres. L'institut pour les études stratégiques et les prévisions (ISSP) une ONG de recherches économiques, estime que 60 % de la population vit avec 180 euros ou moins et qu'environ 10 % vit avec moins de 120 euros par mois. L'inflation tourne, officiellement autour de 9 % mais ISSP estime qu'elle est le double. Les chiffres officiels sont difficiles à obtenir. Quand IWPR a demandé à des responsables du bureau des statistiques à combien on estimait le salaire moyen pour le mois de janvier, la réponse fut la suivante « Nous ne calculons pas les salaires parce que la méthode est obsolète. » Les économistes expérimentés affirment que la réticence à calculer le salaire moyen n'est pas une coïncidence. Les pensions au Monténégro sont indexées sur les chiffres du salaire moyen fournis par le bureau des statistiques. Si les salaires sont bas, les estimations pour le calcul des pensions sont encore plus basses. Si des chiffres exacts étaient annoncés, l'État ne serait pas en mesure de payer la facture des pensions. Au moins Lela a toujours un emploi. Le chômage selon les chiffres officiels serait de 20 %. Une autre vague de licenciements est attendue après les pressions faites par les puissances occidentales sur le Premier ministre Milo Djukanovic pour entreprendre. des réformes radicales. En premier lieu, parmi ces mesures, la fin de la pratique qui constituait à utiliser des fonds gouvernementaux pour aller au secours des compagnies d'état mal en point. « Le gouvernement ne peut plus diriger ces compagnies et les financer avec ses propres revenus. À partir de maintenant, elles seront soumises à la loi du marché » a annoncé le Premier ministre Djukanovic au début de l'année. Les compagnies qui avant n'allaient pas à la ruine grâce aux prêts de l'État pour payer les salaires et les dépenses vont maintenant aller droit dans le mur. « La situation ne peut qu'être pire. Les usines d'État défaillantes seront fermées. Et il y a des plans de dégraissage dans la fonction publique, ce qui veut dire qu'il y aura encore plus de gens au chômage », explique Nebojsa Medojevic, un analyste économique. La crise est pire encore au nord du Monténégro. Là, selon ISSP, le taux de chômage est de 25% et les salaires 50% en dessous de ceux qui sont payés dans le centre ou le sud du pays. « Je travaille pour une compagnie privée. Mon revenu mensuel est de 65 euros. Ce n'est pas assez pour me nourrir, mais je préfère travailler au lieu d'être au chômage comme le sont des membres de ma famille et mes amis » affirme Milos, qui vit à Mojkovac, l'une des villes les plus pauvres du nord de la république. Le FMI a promis des prêts à la condition que le Monténégro élabore un plan de lutte contre la pauvreté. Cela doit inclure une estimation réaliste de l'extension du problème, une analyse de ses causes et des propositions de mesures pour le maîtriser. Aucun de ces documents n'a encore été produit. Les chiffres officiels montre que le PIB a moins augmenté que prévu en 2002 et que la production industrielle n'a pas augmenté depuis deux ans. À Podgorica, les boutiques sont désertes en dépit des soldes permanents et des rabais. « Personne n'achète de vêtements. Il y a de moins en moins de travail. C'est tout juste si nous avons de quoi couvrir nos têtes en attendant des jours meilleurs », s'exclame Sasa qui tient une boutique. « Personne n'achète rien. J'imagine que les gens utilisent leur argent pour acheter du pain. Hier, j'ai vendu deux sacs à main à 10 euros chacun, ce qui couvre les coûts pour moi, pas plus. J'ai 2000 euros de dettes, de l'argent que je pensais pouvoir gagner mais maintenant, je ne sais plus comment rembourser. » Ce sont là les paroles de Zeljko, un maroquinier. Car maintenant, personne ne sait quand les Monténégrins auront plus d'argent en poche car au contraire de l'an passé et de l'année précédente même les responsables ont arrêté de promettre des jours meilleurs. |