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Adhésion européenne : qu’est-ce que la Roumanie va y perdre et y gagner ?

Traduit par Mihaela Biliuta Publié dans la presse : 2 octobre 2006

La date est certaine : le 1er janvier 2007. Mais qu’est-ce que la Roumanie risque de gagner et de perdre à son adhésion à l’Union européenne ? Croissance économique et stabilité politique, prédisent les plus optimistes. Dans beaucoup de secteurs, cependant, la Roumanie n’est plus compétitive et elle subit durement les coups de la concurrence internationale, notamment chinoise.

La date est certaine : le 1er janvier 2007. Qu’est-ce que la Roumanie gagnera et perdra une fois qu’elle aura adhéré, voilà la question qui se pose maintenant, constate l’Institut des études économiques internationales de Vienne. Selon l’Institut, les bénéfices seront visibles notamment au niveau de l’activité de commerce, de la croissance économique, des investissements et de l’infusion de fonds européens, annonce Rompres.

Economie vs. politique

Du point de vue économique, les prédictions à moyen terme pour les deux pays se sont situées entre 5 et 6% de croissance économique actuelle. Du point de vue politique, l’adhésion des deux pays contribuera à la stabilité dans la zone des Balkans, déclare Gabor Hunya, analyste de l’Institut viennois, cité par DPA.

Selon les spécialistes, les problèmes pourraient cependant se montrer au niveau des petites entreprises et des entreprises moyennes, dans l’agriculture et dans l’industrie alimentaire. Hunya indique que si l’adhésion avait été reportée d’un an, les deux pays auraient couru le risque d’émousser leur motivation pour les réformes. La prorogation aurait affiné certaines améliorations, sans pour autant faire une différence structurelle, toute modification fondamentale exigeant plus d’un an.

Un avantage pour l’économie des nouveaux venus est la différence de salaires par rapport à l’Europe occidentale. Les salaires en Roumanie et en Bulgarie représentent un tiers de la moyenne des pays faisant partie de l’UE dans la formule de 15 membres (avant le 1er mai 2004), à savoir 70% de la moyenne des dix pays ayant adhéré il y a deux ans. Un rapprochement du niveau moyen de salarisation prendra plusieurs décennies.

Selon Hunya, aucun changement majeur n’est attendu en ce qui concerne la production. De grandes différences en termes industriels et de logistique existent encore entre les deux pays et l’Ouest. Même si certaines facilités de production ont été implantées dans ces pays, surtout dans le domaine de la production de meubles, vêtements ou chaussures, les ventes sur le marché interne ont été fort perturbées par les imports de Chine.

Restrictions pour les ouvriers roumains

Pour ce qui est de la migration de la force de travail, des restrictions temporaires pour les ouvriers bulgares et roumains sont envisageables par la plupart des membres de l’UE.

En même temps, le taux de chômage a baissé dans les deux pays, atteignant 10% en Bulgarie et 7% en Roumanie. Selon les chercheurs viennois, le salaire moyen est de 163 euros en Bulgarie et de 264 euros en Roumanie. Dans ce contexte, EurActiv a tenté de passer en revue les secteurs que l’adhésion fera gagner ou perdre.

Selon le site, les textiles, la confection et la maroquinerie ont enregistré des baisses record en 2005. Leur faible performance est inquiétante, étant donné qu’il s’agit de secteurs où la Roumanie est bien spécialisée et qui, il y a peu, propulsaient la production industrielle et les exports.

Les deux autres domaines essentiels pour l’industrie et la croissance économique sont l’usinage du bois et la production de meubles. Ce sont les seuls qui, aux yeux des spécialistes, se maintiennent à la surface et peuvent encore éviter la submersion lente de l’industrie d’usinage en général.

En ce qui concerne l’usinage du bois, la Roumanie a constaté une croissance moyenne de 16% en 1999-2004. Comme pourcentage dans la structure de l’industrie, ce secteur note une croissance de 1,8% en 1994 à 2,7% en 2003.

Dans l’Union européenne, on a observé pour le même secteur un taux moyen de croissance annuelle de 1,1% de la valeur ajoutée et de 2,4% de la productivité du travail. Les analystes rappellent qu’une vieille loi de l’économie déclare la croissance économique d’un pays en péril dès que l’industrie de l’usinage n’enregistre pas une croissance annuelle supérieure à 3%. Les données des études spécialisées montrent que la Roumanie s’approche de façon inquiétante de ce seuil. La cause en serait la performance faible des secteurs-clés importants pour l’export.

En revanche, d’autres secteurs qui, conformément aux analyses de spécialités, devraient être encouragés, ont été négligés en Roumanie : les machines électriques, la technique de calcul et les équipements de télécommunications, les moyen de transport. Ils ont un énorme potentiel de croissance, mais pour l’instant on ne compte pas beaucoup d’actions et d’effets concrets dans ce domaine.

« On a effectué une analyse de l’évolution économique de 169 pays, sur une durée de 25 ans, qui a démontré sans équivoque que les pays ayant développé l’industrie de l’usinage à un rythme plus alerte ont aussi développé un ensemble de secteurs : les machines électriques, les moyens de calcul, les équipements de télécommunications, les appareils de mesure, les moyens de transport routier, des machines et des équipements. En Roumanie, aucun ne s’est développé, à une exception près : les investissements réalisés par une multinationale dans le domaine de l’automobile. A part cela, nous n’avons pas de compagnies fortes en Roumanie, des filiales de multinationales qui puissent pousser en avant ces domaines », a déclaré Cezar Mereuta, vice-président du Centre Roumain de Modélisation Economique (CERME).

Les paris « perdants » de la Roumanie

La Roumanie a parié sur une série de domaines qui peuvent à l’heure actuelle être considérés comme « perdants », en tenant compte de la compétitivité au plan international et notamment dans les relations avec l’UE. Pour les textiles, les vêtements, la maroquinerie et les chaussures, le choc de la concurrence des produits chinois a poussé à la fois les producteurs roumains et européens au bord de la faillite. L’industrie alimentaire et des boissons est caractérisée par une situation paradoxale : elle a beau se défendre bien sur le plan interne, les performances externes sont quasiment nulles.

Dans le domaine de l’industrie textile, la Roumanie a enregistré une baisse moyenne de 3% en 1999-2004. Dans l’UE, ce secteur représente 8% de la valeur ajoutée brute, sur la totalité de l’industrie d’usinage, en baisse comme production. La baisse moyenne dans la période 1993-2004 est de 2%. Les défis essentiels : l’innovation, les droits de propriété intellectuelle, la compétition des pays à force de travail peu chère. Les restructurations sont la clé pour la poussée de la performance.

L’industrie alimentaire, vue comme une secteur global et relativement stable, a sans cesse baissé dans la structure de la production industrielle, le maximum étant de 18% en 1998, passant à 12% en 2002. A présent, elle en constitue 13%. Dans l’UE, ce secteur représente 20% de la valeur ajoutée brute de l’industrie d’usinage et note des taux de croissance moyens et élevés. La législation et l’innovation, voilà les plus grands défis.

La faible performance des secteurs-clés de l’industrie d’usinage, au cours de la dernière année, ne confère pas de perspective très promettante pour 2006,non plus que pour 2007. L’adhésion sera une mauvaise suprise pour les entrepreneurs n’ayant pas mis au point leurs systèmes de management ou les standards pour la protection de l’environnement.

Selon les experts, ce n’est qu’un des facteurs susceptibles de donner des maux de tête aux compagnies roumaines. « Les secteurs industriels traversent aujourd’hui une restructuration forcée. Pour la plupart des compagnies, elle est synonyme de réduction des coûts du marché et des marges de profit. En principe, la restructuration a consisté en une série de pressions conjoncturelles : le taux de change, la libéralisation commerciale par les accords internationaux », a expliqué Liviu Voinea, directeur de recherche du Groupe d’Economie Appliquée (GEA), cité par EurActiv.

 

 

Roumanie : levée de boucliers contre les demandes hongroises d’autonomie

Traduit par Stephane Surprenant 

Publié dans la presse : 18 mars 2006

Les tensions entre Roumains et Hongrois en Transylvanie - qui n’ont jamais vraiment cessé de couver - ont refait surface depuis que le Conseil national des Szeklers (SNC), qui représente des Hongrois, a dévoilé ses demandes visant à obtenir une région autonome.

Par Marian Chiriac

Le groupe a publié ses revendications le 15 mars, une journée où les Hongrois de Transylvanie se rassemblent pour commémorer la guerre de 1848-1849, lorsque les Hongrois s’étaient révoltés contre le joug autrichien des Habsbourg.

Il y a seize ans, après l’une de ces célébration de la mi-mars, de violents heurts avaient éclaté entre Roumains et Hongrois dans les rues dans la ville de Targu Mures. Six personnes avaient perdu la vie.

Les craintes que des événements semblables se reproduisent cette année sont plus grandes qu’à l’habitude, après que les médias de masse roumains aient couvert en long et en large les revendications autonomistes.

Corneliu Vadim Tudor, chef du Parti de la Grande Roumanie (ultra-nationaliste), a menacé de mener 100 000 sympathisants en Transylvanie pour manifester contre ces « gestes anti-roumains ».

Mais suite à la rencontre entre le Président Traian Basescu et des représentants du Conseil national des Szeklers, les tensions se sont un peu apaisées et la manifestation autonomiste de Odorheiu Secuiesc - une petite ville de l’est de la Transylvanie où la proclamation avait été présentée - s’est déroulée sans incident.

Des Hongrois accusent les médias d’attiser le conflit. « Seuls les médias entretiennent des tensions en parlant de possibles incidents lors de notre manifestation », a déploré un Hongrois de l’endroit. « Mais pour nous l’autonomie est une question très importante, même si nous n’entendons la réclamer que par des voies démocratiques », a-t-il poursuivi.

Szekler est l’autre nom désignant les Hongrois de Transylvanie. Les rois de Hongrie - qui ont régné sur la Transylvanie jusqu’après la Première Guerre Mondiale - avaient proposé à ce qui était à l’origine un groupe ethnique différent de garder les frontières est de la Transylvanie.

Les siècles passant, les Szeklers ont abandonné la langue qu’ils parlaient pour s’identifier aux Magyars ou Hongrois. Mais ils ont conservé une identité distincte et leur fierté.

Aujourd’hui, environ 600 000 Szeklers vivent en Roumanie et constituent la majorité de la population dans trois comtés du centre du pays.

Leurs revendications autonomistes ne sont pas nouvelles. Il y a deux ans, le Conseil Szekler avait approuvé une première version d’une proposition en vue d’instaurer une autonomie dans les régions où les Szekler sont concentrés. Le plan suggérait l’élection d’un Président des régions szeklers et d’une assemblée locale, de même que la mise sur pied d’une force de police relevant du Conseil. Ils ont réclamé un système scolaire propre aux Szeklers et que les procureurs et les juges soient bilingues (roumain-hongrois).

L’Assemblée roumaine a rejeté le plan, déclarant que l’idée d’une autonomie locale fondée sur des critères ethniques était « anti-démocratique et anti-européenne ». La Constitution roumaine stipule que la Roumanie est un « État national unitaire et indivisible ».

La plupart des Roumains ne donnent aucun signe d’ouverture au changement et ne semblent pas prêts à concéder quoi que ce soit aux Hongrois qui aspirent à l’autonomie.

« Les revendications des Hongrois de Transylvanie ne sont pas seulement une attaque dangereuse contre notre intégrité nationale, mais sont inconstitutionnelles et anti-européennes », a lancé Vlad Teodorescu de Bucarest, 42 ans, reprenant ainsi les arguments des nationalistes roumains.

Les sondages montrent que plus de 58 % des Roumains soupçonnent encore la minorité hongroise de Transylvanie d’abriter des complots contre l’unité du pays.

La guerre au Kosovo et l’indépendance probable de la province à majorité albanophone de Serbie a suscité la crainte d’un conflit similaire en Transylvanie, bien que le tableau démographique y soit complètement différent. En effet, la grande majorité des habitants de Transylvanie est roumaine, avec plus de six millions de Roumains pour 1,4 million de Hongrois.

Néanmoins, des experts soutiennent que les relations entre les deux communautés sont peut-être en train de s’améliorer, après des siècles de méfiance marqués par le souvenir amer chez les Roumains de la dure domination hongroise sur la Transylvanie.

« Ces dernières années, les recherches montrent un degré plus grand d’acceptation des Hongrois et cette attitude est assez commune en Transylvanie, une région jouissant d’une longue histoire multiculturelle et multiethnique », a expliqué Mircea Kivu, de l’Institut du Marketing et des Sondages.

Cependant, la question de l’autonomie territoriale demeure un sujet qui fâche, provoquant des oppositions acrimonieuses chez les Roumains à travers tout le spectre politique.

En outre, les Hongrois ne sont pas unanimes. Le principal parti hongrois, l’Alliance démocratique des Hongrois de Roumanie (UDMR/RMDS), a été le partenaire de différents autres partis au pouvoir à Bucarest depuis 1996.

En échange de son appui, le parti a obtenu des droits pour les Hongrois dans les domaines de l’éducation et de l’administration publique, de même que l’implantation d’une signalisation bilingue. De plus, des minorités opèrent maintement des journaux et des stations de radio et de télévision.

Bien que le UDMR approuve lui aussi l’idée d’une région autonome, il maintient que cela ne pourra être obtenu qu’étape par étape, contrairement au Conseil des Szeklers, qui est déterminé à acquérir l’autonomie culturelle et territoriale le plus tôt possible.

L’analyste politique Dan Oprescu est toutefois sceptique quand aux chances de voir satisfaites ces revendications autonomistes.

« Le peu d’appui à cette idée chez les Roumains, ainsi que les modifications constitutionnelles complexes que cela nécessiterait, font que les Hongrois s’escriment en vain », a-t-il dit.

« Pour qu’un tel projet aboutisse à des résultats valables, il faudrait un changement décisif dans les attitudes de la majorité roumaine », a-t-il ajouté. « Et cela semble hautement improbable, du moins dans un avenir rapproché. »

 

Roumanie : des bases militaires US sans danger pour le pays ?
Traduit par Ramona Delcea

Publié dans la presse : 7 décembre 2005

Trois bases militaires américaines vont être implantées dans l’est de la Roumanie. Tel est le résultat de la visite de Condoleeza Rice à Bucarest. Le gouvernement et les citoyens roumains sont-ils bien conscients des risques que cette décision peut faire courir au pays ? Le Président Basescu soutient que cet accord n’a pas de lien avec l’affaire des prisons secrètes de la CIA...

Par Irina Cristea, Oana Stancu et Ion Cristoiu

Apres de longues discussions sur les détails de l’accord entre les délégations des deux pays, le Président de la Roumanie, Traian Basescu, Condoleezza Rice et le ministre roumain des Affaires étrangères, Mihai Razvan Ungureanu, ont signé le document qui prévoit l’ouverture de bases militaires en Roumanie.

Traian Basescu a expliqué que les USA vont implanter une base aérienne à l’aéroport Mihail Kogalniceanu, une base d’entraînement à Babadag, ainsi que des zones d’entraînement à Cincu et Smardan - des localités situées dans l’est du pays, tout en précisant qu’une base sera destinée au stationnement des troupes. Ces installations militaires concernent toutes les armes, y compris les forces navales et aériennes. Cet accord, selon le Président roumain, est une confirmation du potentiel et du haut niveau de l’armée roumaine et de sa capacité à collaborer avec les structures homologues américaines, tout en mettant en valeur la crédibilité politique du pays.

À propos de la dimension des bases militaires, le Président roumain et les journalistes américains ont précisé qu’il s’agirait de bases de petite taille, avec un nombre total de 1500 soldats américains pour les trois bases, soit 500 soldats par unité, avec la possibilité de porter ce nombre à 20000.

Les risques : les Roumains ont le droit de savoir !

La décision d’implanter des bases militaires étrangères sur le territoire national représente, pour tout État indépendant, un moment extrêmement sérieux. Même si le ministère de la Défense Nationale veut diminuer l’importance de cet événement, en affirmant dans un communiqué de presse qu’il ne s’agissait pas de bases militaires, mais d’équipements et d’installations militaires que la Roumanie met à la disposition des États-Unis, cette décision reste néanmoins cruciale pour notre pays. Cet accord inquiète aussi la Russie. Moscou avertit que cet accord présente des risques sur lesquels le peuple roumain doit être informé.

Interrogé pour savoir si cet accord va placer la Roumanie parmi les cibles possibles des attentats terroristes, le Président Basescu a répondu que le gouvernement avait calculé et assumé les risques potentiels auxquels le pays s’expose, et que ces risques peuvent être gardés sous contrôle. Le Président a également ajouté que la Roumanie assume des risques qui ne sont ni plus grands ni plus faibles qu’au moment de sa participation aux opérations militaires en Irak, en Afghanistan ou dans les Balkans. Selon lui, c’est une réalité que nous devons affronter depuis que la Roumanie a choisi de s’impliquer dans la lutte contre le terrorisme.

Le président Basescu est connu pour sa franchise, voire même pour le non-conformisme des déclarations. Pourtant, ces dernières affirmations sont en total désaccord avec cette réputation, car elles le mettent plutôt dans la posture d’un politicien amateur ou d’un père de famille qui ne veut pas inquiéter ses enfants avec des problèmes sérieux.

Les soldats roumains sont présents en Irak, au Kosovo ou en Afghanistan aux côtés des armées de beaucoup de pays du monde, il est donc difficile de trouver singulière cette participation. Ce n’est pas le cas pour les bases militaires de la région de Dobrodgea, qui nous singularisent parmi les États européens, voire même au niveau mondial. Si réellement existe un réseau terroriste mondial, la Roumanie pourrait se retrouver en tête de la liste, comme un pays activement impliqué dans la guerre.

Dans ces conditions, le risque d’un attentat terroriste devient quand même assez important pour qu’on le prenne en compte. C’est peut-être ce détail qui explique pourquoi la Bulgarie hésite à conclure ce traité les yeux fermés et surtout sans rien recevoir en échange.

Est-ce que les autorités roumaines auront un mot à dire sur le choix du pays vers lequel les bombardiers américains de l’aéroport Mihail Kogalniceanu pourront se diriger ? Voici une question de grande importance, au moment où l’administration Bush se sert de l’argument anti-terroriste pour promouvoir ses intérêts à travers le monde. Si les Américains ne sont pas obligés de nous consulter, la Roumanie pourrait se voir entraîner dans des aventures militaires auxquelles il lui sera difficile de faire face.

Ce ne sont que quelques arguments pour se rendre compte du sérieux de cet accord pour l’avenir de la Roumanie. Avec les risques potentiels que la Roumanie prend en signant cet accord, il aurait été normal que le gouvernement réalise des sondages nationaux pour voir si les Roumains acceptent cette collaboration. Au moins, il aurait dû informer le peuple.

La démocratie, au nom de laquelle nous avons éliminé le communisme, demande la participation du peuple dans la prise des décisions importantes.

Il est impossible de prévoir comment l’accord conclu mardi 6 décembre 2005 avec les États-Unis va influer sur l’avenir du pays à long terme, même à court terme. Il va peut-être amener beaucoup de bonheur au peuple roumain. Ou bien de grands malheurs. Mais il est certain que cet accord ne sera pas sans conséquences.

Les prisons de la CIA

Cet accord intervient au moment des controverses au sujet des prisons secrètes qu’aurait créé la CIA en Roumanie.

La Secrétaire d’État américaine a refusé de commenter les accusations lancées contre la Roumanie, qui aurait abrité des prisons secrètes. Elle s’est contentée de dire que c’est un sujet qui n’avait aucun rapport avec le présent accord. De son côté, Traian Basescu a affirmé que ces prisons n’ont jamais existé, et qu’en aucun cas il ne serait possible de pratiquer la torture sur le territoire de la Roumanie, pays où les droits de l’homme sont respectés. Il a même invité les organisations internationales à venir en Roumanie se convaincre par elles mêmes de l’inexistence de ces prisons.

 

La Roumanie veut affirmer son rôle stratégique en Mer Noire
TRADUIT PAR STÉPHANE SURPRENANT

Publié dans la presse : 26 février 2005
Mise en ligne : mardi 1er mars 2005

La Roumanie, située près de la Mer Noire et du Caucase, pourrait fournir à l’Occident une plateforme militaire décisive dans les futures opérations contre des groupes islamistes et le crime organisé. Cette ambition de devenir le principal allié des États-Unis dans la région de la Mer Noire pourrait néanmoins compliquer l’entrée du pays dans l’Union européenne.

Par Victor Roncea

Cette nouvelle politique étrangère roumaine tournée vers l’est ne fait pas l’affaire de tout le monde. Certains pensent que cela pourrait même compliquer l’accès de la Roumanie à l’Union européenne en 2007, tandis que d’autres croient qu’il ne s’agit que de rhétorique.

Le nouveau Président de la République, Traian Basescu, 53 ans, ancien capitaine au long cours, affirme que sa nouvelle stratégie centrée sur la Mer Noire est inévitable si la Roumanie tient à jouer un rôle important dans les batailles à venir liées à la sécurité, au pétrole, à l’immigration et - bien entendu - à la lutte au terrorisme.

Vers un « axe sécuritaire »

De plus, Bucarest met de l’avant l’idée d’un axe sécuritaire regroupant Washington, Londres, et Bucarest, mais aussi le Moyen Orient et Moscou.

« Nous faisons face à plusieurs menaces à la sécurité, car la région de la Mer Noire devient un lieu de transit pour le terrorisme et pour les trafics de drogue et d’êtres humains vers l’UE », a soutenu Basescu récemment. « Tout cela représente un ensemble de menaces pour l’OTAN et les États membres de l’UE, comme pour d’autres pays de la région ».

Bien que l’initiative de Basescu jouisse d’un large soutien en Roumanie, les voix dissidentes ne restent pas toutes silencieuses. En outre, son gouvernement avait soulevé plusieurs critiques à l’étranger pour son appui ostentatoire aux États-Unis durant la guerre en Irak, en particulier en France et en Allemagne.

L’ancien Premier Ministre Adrian Nastase a souligné que l’emploi du mot « axe » - à propos de la collaboration entre Washington, Londres et Bucarest - était très malheureux. « Cela rappelle à beaucoup d’Européens la Seconde Guerre Mondiale », déplore Nastase. L’ancien Premier Ministre considère que la réorientation de la politique étrangère du pays en fonction d’un tel « axe » pouvait créer des tensions inutiles.

Plusieurs analystes politiques sont sceptiques à propos de la nouvelle stratégie roumaine orientée vers l’est, craignant qu’elle ne sape les efforts du pays pour se joindre à l’UE. « Avant de regarder vers l’est, Basescu devrait se rappeler que l’entrée dans l’UE est le principal objectif de la Roumanie », a dit Bogdan Chireac, éditorialiste au quotidien Adevarul.

La Roumanie doit-elle choisir entre l’OTAN et l’UE ?

« La Roumanie ne doit pas avoir à choisir entre l’OTAN et l’UE », poursuit-il. « L’intérêt du pays est de resserer ses liens avec toutes les démocraties occidentales ».

Cependant, l’agenda ouvertement pro-américain du nouveau Président ne rencontre en Roumanie que peu de résistance sérieuse. Il n’y a pas de divergences politiques substancielles sur cette question.

Le soutien à la coalition menée par les États-Unis contre le terrorisme s’étend à tout le spectre politique roumain et, contrairement à d’autres pays d’Europe de l’Est et d’Europe centrale, la Roumanie n’est pas déchirée entre un mécontentement croissant dû à la guerre en Irak et le désir d’entretenir des relations étroites avec Washington.

Après son entrée dans l’OTAN l’an dernier, la Roumanie avait rapidement démontré son support au projet d’invasion de l’Irak par les États-Unis en y envoyant des troupes. Environ 730 soldats roumains sont actuellement sur place et 500 autres en Afghanistan.

Au rebours d’autres pays européens qui ont commencé à retirer leurs contingents d’Irak, Bucarest renforce sa force d’occupation, en expédiant 100 nouveaux soldats récemment. Il n’y a pas non plus beaucoup d’arguments pour justifier que la Roumanie, comme la Bulgarie, mette ses infrastructures militaires et ses ports à la disposition des États-Unis.

Bucarest a été ravi lorsque les USA ont annoncé qu’ils comptaient bien se prévaloir de l’offre roumaine. « L’armée américaine est prête à louer des installations militaires en Europe de l’Est, probablement avant la fin de l’année », a déclaré à la mi-janvier le Général James Jones, Commandant des Forces de l’OTAN et des États-Unis en Europe, lors d’une visite en Roumanie.

Le général Jones a inspecté des sites militaires qui pourraient éventuellement recevoir des troupes étasuniennes, et ce dans le cadre d’un nouveau plan du Pentagone visant à créer de nouvelles bases plus souples en Europe de l’Est. Il a remercié la Roumanie de sa contribution militaire en Afghanistan et en Irak et de son offre d’accueillir des unités de l’armée américaine. « Cela consoliderait le flanc de l’Alliance sur la Mer Noire », a-t-il précisé.

« En tant que membre de l’OTAN, la Roumanie a déjà prouvé qu’elle était un partenaire fiable, à plusieurs endroits dans le monde », a affirmé à l’IWPR Quinton Quayle, Ambassadeur britannique à Bucarest.

« L’Alliance repose sur les capacités spécifiquement militaires ou géo-stratégiques de ses membres », a-t-il ajouté, « et dans ce contexte, la position de la Roumanie sur les bords de la Mer Noire constitue un atout ».

Voilà exactement la teneur du message que Basescu veut promouvoir. « Dans la mesure où l’OTAN prend une importance croissante dans les enjeux de sécurité globale, la Roumanie peut jouer un rôle déterminant sur la frontière est de l’Alliance », a-t-il soutenu au récent Sommet de l’OTAN à Bruxelles.

Régionalisation des enjeux sécuritaires

Néanmoins, Vladimir Socor, analyste expérimenté à la Jamestown Foundation, explique que ce nouvel intérêt de la Roumanie pour la région de la Mer Noire risque de prendre une toute autre tournure avec les objectifs de la Russie, lesquels pourraient bien supplanter ceux de l’Alliance.

« Les nouvelles propositions de Basescu concernant la sécurité sur la Mer Noire et la création d’un groupe opérationnel voué à combattre les trafics d’armes, de drogue, d’être humains et d’armes de destruction massive exclueraient dans les faits l’OTAN en tant que telle des opérations », écrivait récemment Socor dans l’Eurasia Daily Monitor, « et tiendraient les forces navales de l’Alliance hors de la Mer Noire ».

D’après Socor, le groupe opérationnel de pays proposé pour une coopération dans la région de la Mer Noire - trois pays membres de l’OTAN (Roumanie, Bulgarie et Turquie) et la Russie - faisait déjà partie des plans de l’Union Soviétique et de la Russie post-1991 pour « sous-régionaliser » les enjeux sécuritaires en Europe.

« Ils offrent sciemment de créer des groupes composés de pays membres et non membres de l’OTAN dans des zones stratégiques, des groupes qui incluent toujours la Russie (qui se retrouve ainsi en position de force) et exclut toujours l’OTAN comme telle des accords », conclut Socor.

 

Roumanie : Basescu élu par 51,75% des électeurs
PAR LAURE HINCKEL

Publié dans la presse : 13 décembre 2004

Après une nuit de suspens et de coude à coude entre les deux candidats à la présidence roumaine, le bureau électoral central annonce lundi matin Traian Basescu vainqueur, après décompte de 92% des bulletins. L’ancien capitaine de la marine marchande, plusieurs fois ministre des transports et actuel maire de Bucarest, obtient, selon ces résultats encore partiels, 51,75% des voix.

La mobilisation de l’électorat urbain dans les dernières heures de la journée semble avoir fait la différence, dimanche, au deuxième tour des élections présidentielles.

L’avantage de 6-7% en faveur du premier ministre soutenu par le président sortant Ion Iliescu, Adrian Nastase, aurait duré jusqu’aux alentours de 17 heures quand les électeurs de la capitale, majoritairement pro Basescu, ont commencé à voter plus massivement.

Dans la soirée, après les premiers sondages sortie des urnes révélant une égalité entre les deux candidats, Traian Basescu avait rapidement déclaré qu’il considérait ce résultat très favorable pour lui. Des rassemblements pro Basescu ont eu lieu sur la place de l’Université à Bucarest et dans de grandes villes comme Timisoara. Les foules, composées essentiellement de jeunes, ont paru traversées par un énervement palpable. Plus tard dans la nuit, Traian Basescu, se déclarant confiant dans les institutions de l’Etat, a demandé aux milliers de jeunes sortis dans la rue de rentrer chez eux.

La fin de la campagne aura été marquée par les réclamations contre les fraudes électorales, signalées au lendemain du premier tour mais non confirmées officielement par la suite.

Trois jours avant le deuxième tour, la Roumanie a conclu ses négociations en vue de l’adhésion à l’Union européenne. Une clause de sauvegarde a cependant terni cet événement. La corruption endémique et les problèmes concernant les droits de l’homme sont à l’origine de cette méfiance relative des Etats de l’Union européenne.

Il semble que l’actuel premier ministre n’ait pas profité de cet événement qui semble aux Roumains, dont environ 40% vivent en milieu rural et supportent depuis 15 ans un rythme de réformes économiques chaotique, abstrait.

Si l’élection de Traian Basescu se confirme, le nouveau président sera confronté à un choix difficile : conserver un parlement sans majorité claire ou bien convoquer des élections législatives anticipées. Une option qui alimente ce lundi toutes les conversations politiques.

 

DILEMA VECHE
Roumanie, 1996-2004 : une société toujours divisée
TRADUIT PAR ANDREEA LEAHA

Publié dans la presse : 29 octobre 2004
Mise en ligne : mercredi 17 novembre 2004

Un sondage sur les intentions de vote des Roumains, trois semaines avant les élections générales, sert de base à une analyse sociologique de l’électorat en 2004. Cristian Ghinea en conclut que les deux Roumanie qui se sont confrontées en 1996 se retrouvent de nouveau face à face. Les clivages de la société sont restés globalement les mêmes.

Par Cristian Ghinea

Un récent sondage politique montre que la Roumanie électorale n’a pas changé ces 8 dernières années. Le parti de Ion Iliescu, malgré la refonte de son image, est resté le parti dont les électeurs se trouvent surtout à la campagne et font partie des couches les moins instruites de la population. La bonne nouvelle pour Adrian Nastase est qu’il a bien récupéré l’électorat captif de Ion Iliescu, et surtout cette catégorie-là, qui depuis 1992 a voté constamment avec le parti post-communiste qui lui promet la stabilité. La bonne nouvelle pour D.A. (L’alliance Justice-Vérité, composée du Parti Libéral et du Parti Démocrate) est qu’elle a repris le rôle d’opposant principal, joué en ‘96 par la Convention Démocrate Roumaine dont les électeurs sont surtout dans les couches dynamiques de la société.

Les grands clivages sont restés les mêmes, bien que les acteurs aient changé. Le sondage effectué par l’Institut Irecson montre que Adrian Nastase rassemble 44% des suffrages des habitants des zones rurales alors que 25% choisissent Traian Basescu. Le rapport est inverse en milieu urbain : Nastase 32% , Basescu 37%. En ce qui concerne la distribution par sexe, les deux candidats n’enregistrent pas de grandes différences. En revanche, il est intéressant de noter que Vadim Tudor fédère les suffrages de 12% des hommes et de seulement 6,8 % des femmes.

Si la frustration sociale est la principale raison du vote en faveur du leader PRM (Parti Grande Roumanie, xénophobe, ultranationaliste), cela veut dire que ces données ont une logique : les hommes (ayant l’âge moyen entre 35 et 55 ans) sont en général plus insatisfaits des changements et plus affectés par la faillite des industries lourdes. Le niveau d’éducation semble faire la différence la plus nette entre les deux premiers candidats. Nastase serait le choix de 52% de ceux qui n’ont suivi que l’école primaire et de 50% de ceux qui ont fini le collège. Ici, Basescu en perd beaucoup : 13% de ses potentiels électeurs n’ont suivi que l’école primaire et 20% le collège.

Parmi ceux qui ont suivi des études au lycée et plus, la distribution est presque égale, environ 33-35%, mais le rapport devient nettement inverse sur le segment de ceux ayant fait des études supérieures - 29% (lycées) pour Nastase et 45% (université) pour Basescu - ou plus : 16% (lycée) pour Nastase et 55% (universités) pour Basescu. En ce qui concerne Corneliu Vadim Tudor, celui-ci ne jouit pas spécialement des voix des moins instruits (7-9%) ou de ceux qui ont suivi des études supérieures (5%), mais le pourcentage augmente dans la couche de la population d’éducation moyenne (11-12%). Comme ceux qui n’ont terminé autrefois que le lycée, les travailleurs industriels non seulement ont été frappés par la transition mais ont subi aussi la perte de leur prestige social (contrairement à ceux des moins instruits, habitués au mal) et par conséquent, l’explication de la frustration sociale comme déterminant le vote d’extrême est ici confirmée. Adrian Nastase a plus de succès parmi les femmes au foyer (37%), les retraités (49% contre 34% pour le leader PD) et les agriculteurs (55% contre 18%), alors que Traian Basescu est choisi surtout par les patrons (48%, contre 34% pour le leader PSD), par les étudiants (51% contre 20%) et par les chômeurs (41% contre 27%). Vadim Tudor draine la plupart des voix des chômeurs (18%) et quelques voix des patrons (5,4%).

La distribution par tranche d’age garde les mêmes proportions. Basescu est surtout le candidat des jeunes de moins de 35 ans (plus de 40%, contre 29% pour Nastase), alors que pour le segment d’âge moyen, les deux sont à égalité et la proportion est inverse au-dessus de 55 ans : Nastase 49%, Basescu 20%.

En dépit des stratégies d’image compliquées, l’électorat reste plus inerte que les politiques et leurs conseillers d’image le pensent. Au niveau social, les tendances changent très difficilement ou pas du tout. Malgré les 8 ans si agités, marqués par des convulsions et des réformes consistantes quoique inadaptées, les deux Roumanies de 1996 sont restées en grande mesure les mêmes qu’en 2004. Le profeseur universitaire, docteur, diplômé européen et collectionneur avisé Adrian Nastase est surtout le candidat des agriculteurs pauvres, des retraités et des moins instruits. Ce n’est pas un reproche. Au contraire, il a réussi la performance de transférer sur soi-même la fidélité de l’électorat conservateur de Ion Iliescu, ceux qui seraient heureux si la Roumanie du 25 décembre 1989 était restée la même, avec un peu plus de nourriture et de chaleur, que celle des heureuses années ’70. De l’autre côté, l’homme dur Basescu a du succès parmi ceux ayant fait des études et remportant un succès économique, pour lesquels le changement a été et est encore trop lent, ceux qui, en fin de compte, supportent les coûts de la transition mais en profitent le plus. Même si le temps où les uns applaudissaient les mineurs alors que les autres recevaient des coups de bâtons est passé, la Roumanie conservatrice et celle dynamique se préparent à une nouvelle confrontation.

Bien installé dans le rôle du leader du changement comme Emil Constantinescu l’était autrefois, Basescu devrait se concentrer sur la mobilisation du vote de ceux qui lui sont acquis, les électeurs actifs. Il a beau jeu de dépenser du temps et de l’argent en essayant de reveiller la Roumanie rurale ou la Roumanie des retraités. Ce qu’il pourrait attirer a été déjà attiré, 15-20%, pas plus. Fatigués et déboussolés, ces Roumains votent de manière inertielle, ou ne votent pas du tout. Basescu devrait s’appuyer massivement sur le désir de changement de la classe moyenne. C’est aussi ici que Adrian Nastase devrait chercher de nouvelles voix, en dehors du bassin électoral traditionnel de son parti. Mais pour l’instant, il a choisi de pleurer sur les malheureux, en les menaçant d’un effondrement général si les autres prennent le pouvoir. Comme je disais au début, cette élection est une réédition en détail de l’année 1996

 

EVENIMENTUL ZILEI
La Roumanie traduit l’Ukraine devant la Cour Internationale de Justice
TRADUIT PAR OANA RUSU

Publié dans la presse : 17 septembre 2004
Mise en ligne : mercredi 22 septembre 2004

Depuis 1997, Roumains et Ukrainiens se sont rencontrés à 24 reprises pour tenter d’aplanir le différend maritime qui les oppose : à qui appartient l’Ile des Serpents... et ses réserves supposées d’hydrocarbures ? Entre temps, l’Ukraine creuse un canal à travers le delta du Danube, au mépris de toutes les conventions internationales.

Le gouvernement roumain, par le biais de l’Ambassade de Roumanie à La Haye, a demandé hier à la Cour Internationale de Justice de La Haye d’entamer une procédure qui permettra de résoudre le problème de la délimitation du plateau continental et des zones économiques exclusives de la Roumanie et de l’Ukraine, au large de la Mer Noire.

Des documents bilatéraux roumano-ukrainiens, « établissant la juridiction de cette instance internationale en matière de délimitation de l’espace maritime des deux pays, ont été communiqués. La partie roumaine a décidé de saisir la Cour Internationale de Justice en raison de l’impasse dans laquelle se trouvent les négociations bilatérales, qui ont commencé en 1998 et n’ont pas abouti à un rapprochement des positions des deux parties, après pas moins de vingt-quatre rounds de négociation. Il y a peu de chances de trouver une issue lors de ces discussions bilatérales car la partie ukrainienne défend une variante sans aucun fondement juridique international et dont les conséquences seraient profondément inéquitables pour la Roumanie » fait savoir le gouvernement.

La porte-parole du gouvernement, Despina Neagoe, explique par ailleurs que le recours à la CIJ garantit l’obtention d’une solution équitable et entièrement en accord avec les normes du droit international. « L’analyse de la jurisprudence de la CIJ montre qu’il y a une forte probabilité que l’instance statue sur une solution de délimitation très proche de celle souhaitée par la Roumanie. La partie roumaine a fait part en même temps de sa disponibilité pour la poursuite des négociations bilatérales, à condition que la partie ukrainienne fasse preuve d’une réelle ouverture pour arriver à un accord réciproquement acceptable » », a mentionné Despina Neagoe.

Le canal de Bistroe sur l’agenda européen

Dans ce contexte, un communiqué du Ministère des Affaires Etrangères nous informe que le problème du canal Bistroe a figuré hier (16 septembre, NDLR) sur l’ordre du jour de la deuxième réunion du Groupe de Travail permanent de la Commission internationale pour la Protection du Danube (ICPDR), à Vienne. Lors de cette réunion la délégation roumaine comprenait des représentants du Ministère des Affaires Etrangères et du Ministère de l’Environnement et de la Gestion des Eaux. L’objectif de cette réunion est de préparer la Conférence ministérielle du mois de décembre 2004 et parmi les principaux sujets abordés figurera la question des conséquences négatives de la poursuite des travaux de construction du canal de navigation Bistroe par l’Ukraine. Compte tenu des positions exprimées par de nombreuses institutions et organisations internationales, la réunion abordera des aspects liés au non respect des documents internationaux en vigueur (notamment la Convention de Sofia pour la protection et l’utilisation durable du Danube) et parlera de la nécessité d’effectuer une étude exhaustive sur l’impact du projet Bistroe.

Les plus importantes instances européennes en matière d’environnement prendront part le 21 septembre à une réunion d’urgence, pour analyser l’impact qu’aura le canal Bistroe sur l’écosystème du Delta du Danube. Selon les informations fournies par Monsieur Virgil Munteanu, gouverneur de l’Administration de la Réserve de la Biosphère du Delta du Danube (ARBDD), seront présents à cette réunion des représentants de l’Union Européenne, du Programme des Nations Unies pour l’Environnement, du Programme des Nations Unies pour le Développement, du Secrétariat National Ramsar et de la Convention sur le commerce international avec des espèces sauvages de faune et de flore en voie de disparition.

Des colonies de pélican en danger

Un rapport réalisé par Herve Lethier, suite à une étude effectuée entre le 22 et le 25 juillet pour la Direction de la Diversité Biologique et du Milieu Naturel de l’Europe, dans le cadre du Conseil de l’Europe, et qui a été présenté au Conseil de l’Europe, recommande au gouvernement ukrainien trois trajets alternatifs pour le canal Bistroe : l’élargissement sur une longueur de 18 km du bras navigable d’Ochakivsky, la création d’un canal artificiel avec des écluses qui lie le bras de Chilia au golfe de Zhebryanskaya et l’utilisation d’un canal d’irrigation déjà existant qui relie le bras de Chilia au lac de Sasyk.

D’après les estimations des spécialistes, le projet ukrainien modifiera le régime hydrologique du Danube, l’activation du débit du canal Bistroe se faisant au détriment des autres bras du fleuve. En plus, deux sites de l’ARBDD, réserve classée au patrimoine de l’UNESCO depuis 1991, soit la forêt de Letea et la colonie des pélicans de Rosca, la plus importante d’Europe en son genre, seraient menacés. Le gouverneur Virgil Munteanu a déclaré que le Gouvernement de la Roumanie a alloué 1,5 milliards de lei pour financer une étude d’impact réalisée par des spécialistes, et qu’il attend les conclusions de la commission internationale d’enquête concernant le projet de la partie ukrainienne avant de décider s’il saisit la Cour Internationale de Justice.

Monsieur Bogdan Aurescu, Secrétaire d’Etat au Ministère des Affaires Etrangères, a annoncé hier que si les autorités ukrainiennes n’enlevaient pas les balises déposées illégalement dans la partie roumaine du bras de Chilia, ces dernières seraient retirées par la Police de Frontière Roumaine, informe Rompres. Bogdan Aurescu a expliqué que ce genre de situation est du ressort de la Commission mixte de frontière roumaino-ukrainienne, laquelle commission devait être créée trois mois après l’entrée en vigueur du Traité de frontière signé par les deux pays. Cependant, malgré le fait que le traité est entré en vigueur depuis le 27 mai, après l’échange des instruments de ratification, la dite commission n’a toujours pas vu le jour. Le diplomate roumain soutient que c’est la partie ukrainienne qui est responsable de cette situation parce qu’elle n’a pas encore nommé les membres de la commission alors que la partie roumaine est prête depuis longtemps. En l’absence de cette commission, le problème des balises ne peut être résolu que par le dialogue bilatéral, a rajouté Bogdan Aurescu. Le Ministère des Affaires Etrangères roumain a déjà transmis une demande à Kiev pour obtenir le retrait des balises illégales. Faute de réaction de la part des autorités ukrainiennes, la Police de Frontière Roumaine se chargera de les faire disparaître. L’impact des travaux du canal Bastroe sur l’écosystème du Delta du Danube a été le principal sujet débattu hier par le Conseil Scientifique de l’Administration de la Réserve de la Biosphère du Delta du Danube. Le manque du projet technique se trouvant entre les mains de la partie ukrainienne a mis en difficulté les spécialistes de l’Institut National de Recherche et Développement « Le Delta du Danube ».

« Dans ces conditions, lundi, à Genève, je ne pourrais présenter qu’un projet avec des alternatives », a déclaré mercredi, Mircea Staras, directeur scientifique de l’Institut. Le Président Ion Iliescu a qualifié les accusation de l’Ukraine « d’aberrations », « d’inventions » et d’affirmations sans fondement. Dire que la Roumanie a construit trois canaux qui menacent l’écosystème du Danube, est « pour quelqu’un qui connaît un peu la géographie et qui a voyagé sur le fleuve, une aberration évidente ». Le Président a rappelé que la Roumanie a construit un seul canal, celui nommé Danube-Mer Noire et qui n’a rien à voir avec le delta. Si la Roumanie avait creusé les trois autres canaux, l’Ukraine n’aurait pas manqué de réagir, a tenu a rajouter le chef de l’Etat. A ses yeux, la partie ukrainienne est « coupable » de ne pas avoir informé la partie roumaine de son intention de construire le canal Bistroe. Il a précisé que la partie ukrainienne a envoyé il y a quelques jours une documentation mais que pour l’instant elle était « incomplète ».

 

COTIDIANUL
OTAN : la Roumanie intégrée, la Russie inquiète
TRADUIT PAR LAURE HINCKEL

Publié dans la presse : 31 mars 2004
Mise en ligne : jeudi 1er avril 2004

Depuis lundi 29 mars, l’OTAN compte sept nouveaux membres. La Roumanie saluera cet événement tant attendu par un jour de congé, vendredi 2 avril. Mais pendant ce temps, la Russie affûte ses arguments pour un Conseil OTAN - Russie qui s’annonce houleux.

Par Costin Ionescu

La frénésie de célébration qui a parcouru l’Europe centrale et orientale depuis que le président américain George W. Bush a salué lundi soir l’intégration effective de sept Etats de la région dans l’OTAN est considérée avec retenue aussi bien à Washington qu’à Moscou, où la plus grande phase d’extension de l’Alliance a provoqué des turbulences - y compris militaires - plus importantes qu’en 1997, quand les premiers Etats anciennement membres du Pacte de Varsovie se sont joints à l’organisation nord atlantique.

Le département d’Etat s’est senti obligé hier de prendre position face à l’attitude parfois furibonde des autorisés russes devant l’extension de l’OTAN, insistant pour la x-ème fois sur le fait que l’admission de sept nouveaux Etats dans l’Alliance ne menace pas la sécurité de la Russie et même, en collaboration avec elle, peut contribuer à la consolidation de la sécurité européenne.

La prise de position de la diplomatie américaine a coïncidé avec de nouvelles preuves de l’opposition manifestée par Moscou sur cette question, comme l’annonce de la Douma d’Etat qu’elle va émettre aujourd’hui (mercredi) une déclaration dans laquelle elle souligne que l’élargissement du pacte nord atlantique affecte les intérêts nationaux de sécurité de la Russie.

La déclaration programmée initialement pour la semaine dernière, a été décalée pour permettre aux diplomates russes de la remettre aux Occidentaux, au Conseil Otan - Russie qui aura lien le vendredi 2 avril, jour où, à Bruxelles, aura lieu la cérémonie de levée des couleurs des nouveaux alliés aux côtés de celles des actuels membres de l’OTAN.

Lundi, avant que le président Bush ne prononce son discours sur le thème de l’élargissement à la Maison Blanche, dix navires de la Marine militaire russe prenaient part à un exercice majeur au centre et dans l’est de la mer Noire - nouveau point de référence pour les frontières orientales de l’OTAN étendu.

Essayant autant que possible d’expliquer cette coïncidence chronologique entre les deux événements, le chef de la Flotte de la Mer Noire, l’Amiral Vladimir Masonin, a tenu à rappeler que dans six mois ses troupes vont réaliser des exercices militaires communs avec l’Italie, laissant entendre que de tels préparatifs étaient nécessaires, ces exercices étant d’ailleurs couronnés de succès. La rhétorique des officiels russes s’est révélée être bien plus belliqueuse, le vice président de la Douma, Liubov Sliska, se révélant extrêmement sceptique devant les déclarations rassurantes faites lundi par Bush, comme quoi l’élargissement de l’Otan est fait contre le terrorisme et en aucun cas contre la Russie.

S’il en était ainsi, a dit Sliska, « le mur de Berlin aurait du être déplacé dans une autre direction, non vers les frontières de la Russie ». Et selon Stanislav Belkovski, chef de l’Institut de stratégie nationale de la fédération russe, « les USA promeuvent une politique de stabilisation d’un contrôle direct, par le placement de régimes pro américains dans tous les pays » de l’espace d’influence russe, fait qui nécessiterait de la part de Moscou « des actions énergiques, préventives, y compris celles employant la force ».

La sensibilité de la problématique imposée par la nouvelle « frontière » OTAN - Russie est évidente aussi au vu de la riposte du ministère russe des Affaires étrangères à l’annonce faire par certains pays ouest-européens qu’ils allaient surveiller l’espace aérien des pays baltes : la diplomatie moscovite appréciant hier que cette décision est « incompréhensible, inutile et contreproductive ». Le problème, a averti le ministère des affaires étrangères russe sera soulevé lors du Conseil Otan - Russie de vendredi, d’autant plus que la région baltique « a été démilitarisée par la partie russe ».

Bush n’a pas répondu du tout, dans son discours, aux inquiétudes russes. Au contraire, il a utilisé l’histoire de l’agressivité de la Russie en Europe Centrale et Orientale comme une métaphore pour la nouvelle menace terroriste, montrant que « quand l’OTAN a été créée, les citoyens de ces sept Etats étaient captifs d’un empire. Ils ont enduré des tyrannies amères. Ils ont lutté pour l’indépendance. Et ils ont gagné la liberté par le courage et la persévérance ».

Pour les autorités roumaines, les choses se présentent de manière beaucoup moins sombre. Le premier ministre Adrian Nastase a déclaré lundi à Washington : « jamais je ne me suis senti aussi bien depuis que je fais de la politique », soutenant l’idée que ultérieurement ne devraient plus avoir lieu que deux autres vagues d’élargissement, vers les Balkans et vers le Caucase et que donc la Roumanie ne sera plus une zone tampon entre l’est et l’ouest de l’Europe.

A Bucarest, le négociateur chef de la Roumanie à l’UE, Vasile Puscas, considérait hier que, en remplissant les critères politiques et économiques d’adhésion à l’OTAN, la Roumanie aurait la garantie d’une évolution positive sur la voie de l’intégration dans l’Union européenne, alors que le secrétaire d’Etat au Ministère de la défense nationale, George Maior, commençait à parler du « choix effectif de l’emplacement des futures bases US », qui pourraient fort possiblement se trouver aussi en Roumanie.

Saluant les mérites des anciens satellites soviétiques admis maintenant dans l’OTAN, George W. Bush a dédié une bonne partie de son discours de lundi soir aux nouvelles priorités de l’Alliance, y compris l’Afghanistan et l’Irak, exprimant - au mécontentement de Moscou- son soutien à la politique de la porte ouverte, ce qui permet de nouvelles vagues d’extension. « Les portes de l’OTAN resteront ouvertes jusqu’à ce que toute l’Europe soit unie dans la liberté et la paix » a-t-il dit en présence, également, des Premiers ministres des trois Etats qui en sont encore au processus d’adhésion : l’Albanie, la Macédoine et la Croatie.

 

La Roumanie est-elle trop pro-américaine ?
TRADUIT PAR OANA RUSU

Publié dans la presse : 27 avril 2004
Mise en ligne : lundi 17 mai 2004

Y a-t-il en Roumanie un débat sur les relations roumano-américaines ? Adrian Severin, député de Bucarest et membre influant du Parti social démocrate au pouvoir, s’interroge sur la notion de pro-américanisme et tente d’expliquer l’alignement américain de la Roumanie en matière de politique étrangère.

Par Adrian Severin

Beaucoup se demandent, notamment dans le contexte actuel de l’intervention controversée en Irak, si la politique de la Roumanie n’est pas trop pro-américaine. Mais qu’est ce que cela veut dire au juste, être pro-américain ?

Au début des années ’90, on véhiculait l’idée que la Roumanie, dans sa volonté de promouvoir son agenda international et de se détacher de l’URSS, avait intérêt à tisser des liens particuliers avec les Etats-Unis. A l’époque, elle cherchait à regagner la clause de « nation la plus favorisée ». Simultanément, on s’est rendu compte que des bonnes relations avec Washington servaient dans les négociations menées avec les organismes de prêts internationaux. Il était vital que la Roumanie signe des accords avec le FMI et la Banque Mondiale parce qu’elle était éloignée des marchés financiers internationaux, parce que le pouvoir était accusé de crypto-communisme et que sa réputation était minée par les descentes de mineurs sur la capitale. Ensuite la priorité nationale a été l’adhésion à l’OTAN. Or, il était évident que sans l’appui des Américains l’objectif ne serait jamais atteint. Par conséquent, les visites de très haut niveau dans les deux pays se sont multipliées, la porte de la maison Blanche étant longtemps restée fermée aux autorités roumaines. De plus, des achats d’équipements plus ou moins militaires, certains nécessaires, d’autres obsolètes, ont été effectués. Ca n’était pas du pro-américanisme, mais de l’utilitarisme.

Avec le temps, on a compris que les relations avec les Etats-Unis ne pouvaient pas durer si elles n’étaient pas construites sur des valeurs partagées et si elles n’étaient pas garanties par une ressemblance entre nos systèmes sociaux. Au lendemain des élections générales de 1996 on a affirmé que la Roumanie était prête a adopter le modèle social qui rend possible le « rêve américain ». En d’autres mots, de construire une société libre et ouverte, promouvoir le partenariat public-privé dans le domaine social et économique, assurer la transparence et la responsabilité de l’acte politique, privilégier la méritocratie, stimuler le travail, encourager le libre échange, la concurrence et la flexibilité du marché de l’emploi, mettre en pratique la décentralisation et la subsidiarité à la verticale et à l’horizontal, garantir l’égalité des chances pour tous, développer la démocratie participative et un système institutionnel équilibré où fonctionne le contrôle réciproque, combattre la corruption, l’oligarchie, la bureaucratie, privatiser, déréguler. Il est évident que de tels changements étaient dans l’intérêt des Roumains même si par la même occasion les Etats Unis se faisaient un allié crédible dans une région géostratégique importante. Une telle option n’a donc pas été du pro-américanisme mais plutôt une attitude pro-roumaine.

Ce choix n’altérait en rien l’identité européenne de la Roumanie, au contraire, il l’enrichissait d’un mélange de pragmatisme et de principes qui lui avaient souvent fait défaut tout au long de l’histoire. Quand la Roumanie faisait la course en même temps pour l’adhésion à l’OTAN et à l’Union Européenne, il a été clair qu’entre les deux il n’y avait pas de contradiction. Aux yeux des Roumains, les Etats-Unis étaient une puissance « européenne » qui plaidait en faveur du renforcement des liens transatlantiques et contre les rivalités. Eux voyaient les Américains parler de l’avantage de la création d’une zone transatlantique de libre échange (TAFTA) ainsi que d’une confédération euro-atlantique. Les américains disaient aussi qu’une Union Européenne plus forte pourra mieux partager les responsabilités globales qui leur incombaient et que la naissance d’une entité européenne chargée de la défense et de la sécurité ne devait pas éloigner l’Europe de l’OTAN. Enfin, ils laissaient entendre que même après la disparition du bloc soviétique la présence américaine était indispensable en Europe pour protéger les européens contre les effets nocifs de leurs éternelles querelles intestines. Ce n’est pas faire preuve de pro-américanisme, mais être pro-européen.

En 1997, souhaitant donner plus de poids à ses relations avec les Etats-Unis, la Roumanie a signé un partenariat stratégique qui prévoyait que les deux pays se consultent, se concertent et collaborent en vue d’atteindre des buts stratégiques communs. Cette initiative était le fruit d’une politique visionnaire et non pro-américaine.

En vertu des dispositions du partenariat, la Roumanie avait l’obligation de soutenir les actions américaines dans le monde mais également d’avertir son partenaire quant aux risques qu’il encourait en se lançant dans une région géo-culturelle inconnue, sans une préparation politique préalable. Assurer le transfert des informations, trouver des solutions pour la prévention et la gestion des crises locales, voilà un exemple d’une éventuelle contribution roumaine. A cela aurait pu s’ajouter le travail auprès des pays voisins pour maintenir un climat d’entente à la frontière orientale de l’OTAN et pour permettre aux Etats-Unis d’établir des contacts utiles dans la sous-région, quand le but poursuivi ne s’encadrait pas dans la liste des objectifs communs définis par le partenariat. Et ceci parce qu’un partenariat prévoit l’obligation de soutenir, d’avertir l’autre ainsi que le droit de dire « non ». Il n’est pas question ici d’être pro ou anti américain mais d’être loyal.

Historiquement parlant, la Roumanie n’a pas une longue tradition de la loyauté. Aussi, a-t-elle entendu montrer sa fidélité en encourageant les imprudences américaines, en suivant les Etats-Unis mécaniquement, en refusant de leur signaler leurs erreurs, en reniant avec ostentation ses anciens amis, en ignorant la solidarité européenne.

Malheureusement, ceci s’est produit dans un contexte fait de nouvelles contradictions et asymétries entre la qualité d’omnipuissance de l’Amérique et le manque d’ouverture d’esprit des électeurs américains ; entre la volonté américaine de faire régner l’ordre au niveau mondial et son refus d’accepter que les règles qu’ils imposent aux autres s’appliquent à leurs propres relations avec le reste du monde ; entre la mondialisation et la montée du nationalisme américain ; entre le progrès de la démocratie dans le monde et le recul des libertés civiles aux Etats-Unis ; entre les dépenses américaines pour la défense et celles pour le développement ; entre la dépendance croissante des Etats-Unis des entrées de capital étranger (humain et financier) et la politique américaine hostile à l’immigration ; entre la qualité de puissance universelle de l’Amérique et l’absence d’un message universaliste américain ; entre les performances de la technologie militaire américaine et la peur de la mort des soldats américains ; entre le niveau de consommation intérieure des Américains et leur capacité d’exportation ; entre la sacralisation du « rêve américain » au sein du pays et son refus à l’étranger. Lorsque la puissance des Etats-Unis (relative et temporaire) compte davantage que les valeurs américaines (pérennes) l’ayant nourrie, on ne parle plus de politique pro-américaine mais de politique de voyou.

Lutter contre ce genre de politique de voyou, ça, c’est être pro-américain. Ceux qui luttent contre ça, le sont, pro-américains et moi, j’en fais partie.

 

ADEVARUL
Le Parlement européen adresse un coup de semonce à la Roumanie
TRADUIT PAR LAURE HINCKEL

Publié dans la presse : 20 février 2004
Mise en ligne : dimanche 22 février 2004

Le rapporteur du Parlement européen pour la Roumanie attaque tous les points faibles du pays : corruption, influence politique sur la justice... Dernier coup de canif dans le contrat de fiançailles entre l’UE et la Roumanie : cette dernière vient d’attribuer à une société américaine proche des Républicains le marché de construction d’une autoroute, sans appel d’offre préalable.

Par Mara Stefan

La commission de politique étrangère du Parlement européen a adopté, jeudi, à Bruxelles, à l’unanimité des voix - il est vrai que seuls 39 députés étaient présents sur les 138 - le rapport établi par la baronne Emma Nicholson concernant la Roumanie, avec la plupart des amendements proposés. Dans la forme finale du rapport, l’expression « suspension des négociations d’adhésion » a été remplacée par « réorientation de la stratégie de pré-adhésion de la Roumanie ». Le rapporteur du Parlement européen pour la Roumanie, Emma Nicholson, soutient que les deux formulations signifient en fait la même chose, la modification des syntagmes étant déterminée par le fait que le terme de « suspension » a effrayé les gens. Quelque soit la formule utilisée, le but de l’amendement reste le même : obliger la Roumanie à concentrer ses efforts sur la consolidation de l’Etat de droit, le plus important des critères politiques pour l’adhésion à l’Union européenne. Dans le rapport, il est signalé qu’en dépit des progrès réalisés dans certains domaines, la Roumanie a de sérieuses difficultés à remplir les critères politiques de Copenhague. Plus encore, le document précise qu’il est impossible que la Roumanie puisse conclure les négociations d’adhésion à la fin de 2004 et adhérer en 2007 si elle ne remplit pas une série de conditions, dont la lutte contre la corruption, surtout au niveau politique, l’indépendance et le fonctionnement de la justice, la garantie de la liberté de la presse, et le mauvais traitement des détenus.

Et pour être certaine que ces conditions seront respectées, la commission parlementaire demande à la Commission européenne de réaliser une analyse détaillée et une « monitorisation » continue des problèmes mentionnés dans le rapport. De même, il est demandé à la Commission européenne d’élaborer d’urgence un plan de « monitorisation » de l’application des fragments d’acquis déjà adoptés par la Roumanie. C’est aussi la Commission européenne qui devra enquêter de près sur le mode d’attribution du contrat pour la construction d’une autoroute, sans passer par une offre publique de marché, à la firme Bechtel, ce qui est « un non-respect flagrant de l’acquis européen sur les achats publics ainsi que de l’économie de marché ».

L’amendement le plus important repoussé par la Commission est celui concernant une demande d’enquête Interpol en liaison avec les polices d’autres Etats, sur certaines adoptions en Roumanie.

« La grande majorité des amendements adoptés par la Commission soulignent les nombreuses échecs de la Roumanie sur le chemin de l’adhésion. C’est un rapport dur, qui envoie un signal politique très clair à la Roumanie : appliquez des réformes authentiques maintenant ou l’adhésion en 2007 est impossible » a déclaré la baronne Nicholson après le vote de la Commission.

Plus encore, « le gouvernement de la Roumanie doit reconnaître ouvertement que l’adhésion en 2007 n’est pas une affaire déjà conclue », et de rappeler aux autorités de Bucarest que le Parlement européen, « seule institution européenne élue au suffrage direct », a le dernier mot en ce qui concerne l’adhésion de la Roumanie à l’UE.

Emma Nicholson a aussi expliqué ce que signifie la réorientation de la stratégie d’adhésion : la Commission accordera plus de temps, plus d’importance et plus d’argent aux efforts d’assistance à la Roumanie pour la construction de l’Etat de droit.

Les autorités à Bucarest n’ont cependant retenu que l’aspect financier de cette explication. Selon leur opinion, la réorientation de la stratégie de pré-adhésion ne signifie que plus de fonds alloués, le problème de la modification du calendrier de négociations ne se posant pas le moins du monde. « Aucune tentative de modifier la règle du jeu utilisée pour les autres Etats candidats n’apparaît dans ce texte », a déclaré Mircea Geoana, ministre des Affaires étrangères et vice-président du Parti social-démocrate. Comme il y a quatre mois, quand les mots utilisés dans le rapport annuel de la Commission européenne concernant l’économie de marché avaient été interprétés de manière positive par les autorités de Bucarest, les officiels roumains se déclarent satisfaits d’avoir réussi, dans la dernière ligne droite, grâce à des pressions et des jeux politiques, à adoucir les formulations radicales.

Et cela parce « suspension des négociations » s’est transformé en « réorientation des négociations » pour figurer dans le texte final comme « réorientation de la stratégie de pré-adhésion ». Stratégie qui, selon M. Geoana, n’a rien à voir avec les négociations. Et si un vice-président du parti de gouvernement peut dire cela, un diplomate de carrière ne peut pas oublier que la Stratégie de pré-adhésion représente « l’ensemble de la coopération Roumanie-UE en vue d’adhésion à l’Union », ce qui implique aussi les négociations.

Selon Mircea Geoana, le rapport de la Commission de politique étrangère du Parlement européen ne représente qu’une « forme d’avertissement précoce » que - promet-il - les autorités de Bucarest traiteront « avec beaucoup de sérieux ».

Les officiels roumains croient fermement qu’ils concluront les négociations d’adhésion d’ici la fin de cette année, pendant le mandat de l’actuelle Commission européenne et leurs espoirs sont liés à un nouveau parlement européen - celui qui décidera de l’adhésion de la Roumanie à l’UE - plus amical, car, n’est-ce pas, le rapport d’hier ne peut être que le « chant du cygne » de l’actuel Parlement, sur la fin de son mandat.

 

COTIDIANUL
Les priorités de la diplomatie roumaine en 2004
TRADUIT PAR OANA RUSU

Publié dans la presse : 7 janvier 2004
Mise en ligne : mardi 13 janvier 2004

Le ministre des Affaires étrangères de Roumanie espère aider la République moldave voisine, avec laquelle elle partage une partie de son histoire, en réussissant sa propre intégration européenne et en incitant l’Europe à poursuivre la « politique de la porte ouverte ».

Par Costin Ionescu

« La nouvelle conception de l’Etat », en vigueur dans la République de Moldavie depuis le début de la semaine, et qui donne aux Roumains de ce pays le statut de minorité ethnique, ainsi que les attaques du président Vladimir Voronine contre les autorités de Bucarest sont « des tours de deux sous », l’expression « d’un certain désespoir » des dirigeants communistes de Chisinau, qui ont remis à l’ordre du jour « la panoplie staliniste » des années ’50. Voilà la « certitude » de Mircea Geoana, le ministre des Affaires étrangères. Au même titre, il est pour lui « certain » que la Roumanie doit considérer « avec détachement » les commentaires du régime moldave.

En présentant les priorités de l’année 2004, ce qui dans le langage de la diplomatie s’appelle « certitudes », le chef de la diplomatie roumaine a laissé comprendre que le choix du ministère qu’il dirigeait était d’ignorer « les messages à caractère staliniste » des autorités de Chisinau. Même si le président Iliescu a jugé nécessaire, il y a quelques jours, de riposter durement aux attaques lancées par son homologue Voronine, concernant les supposées tendances « impérialistes » de la Roumanie, le ministre pense que pareils commentaires ne doivent pas être pris en compte parce qu’ils sont « contreproductifs » pour « les frères » de l’autre rive du Prout et qu’ils cachent les vrais problèmes, à savoir la crise économique et la situation en Transnistrie.

De surcroît, a-t-il dit, la Moldavie a pour la Roumanie un « intérêt à la fois historique et de longue durée, auquel nous n’allons pas renoncer de sitôt », l’objectif étant de la voir intégrer l’Union Européenne.

Les certitudes de la diplomatie roumaine pour cette année « charnière », telles qu’elles ont été présentées par le ministre de ressort, sont de finaliser les négociations d’adhésion à l’Union Européenne et arriver à la fin du processus d’adhésion à l’OTAN, si possible deux mois avant le sommet d’Istanbul, ce qui permettrait à notre pays de pouvoir influencer les décisions prises lors de cette réunion, dans le sens du maintien de la politique des « portes ouvertes » pour de futurs membres.

S’ajoutent à cela le rôle de membre non permanent du Conseil de Sécurité de l’ONU que la Roumanie détient en 2004 et en 2005, et une plus grande implication dans l’espace diplomatique du « large Moyen Orient », du Caucase au nord de l’Afrique, où la Roumanie aurait - d’après Mircea Geoana - beaucoup à dire. En jouant un rôle dans les processus de paix de la région, du Soudan, en passant par Israël et jusqu’au Kosovo, en étant un membre actif de l’OTAN qui soutient l’entrée de nouveaux candidats à l’espace euro-atlantique, la Roumanie essaye de dépasser le statut auquel l’a confinée l’histoire, celui d’une région limitrophe de l’Europe.

Elle tente en quelque sorte de repousser la frontière de l’Europe davantage vers l’est. Et pour que ces objectifs soient atteints, le ministère des Affaires étrangères va subir à partir de ce mois une grande réorganisation, a annoncé le ministre, notamment pour lui permettre de s’adapter aux standards de l’Union européenne. Ce processus se déroulera progressivement et consistera en la création de nouvelles fonctions, de nouveaux départements ou de nouvelles missions diplomatiques à statut spécial, ou en la réception de conseillers étrangers, un anglais pour la reforme de l’administration et un allemand pour l’intégration. Il existe donc bien des priorités et des certitudes pour l’année 2004 et la Roumanie est trop occupée pour trouver le bon endroit et le bon moment, pour répondre aux provocations « stalinistes » de Chisinau

 

ADEVARUL
Roumanie : l’euro s’envole, l’économie s’affole
TRADUIT PAR ANDREEA LEAHA, DE LA RÉDACTION DU COURRIER DE LA ROUMANIE

Publié dans la presse : 24 novembre 2003
Mise en ligne : mercredi 26 novembre 2003

La Roumanie a été obligée d’importer de grandes quantités de blé en 2003, une grande dépense qui met en péril les efforts de stabilisation macroéconomique du pays. Le gouvernement vient donc de décider d’intervenir en utilisant les réserves stratégiques de blé pour contenir les prix. Le but est de terminer l’année sans dépasser les 14 % d’inflation, mais l’objectif d’entrée dans l’Union européenne en 2007 plaide plutôt pour une inflation à un chiffre. Difficile à atteindre sans réformes structurelles dans le domaine de l’énergie, car c’est là que se trouve le moteur de l’inflation.

Par Daniel Oanta

L’Agence Nationale des Réserves de l’Etat s’apprête à se défaire d’une quantité de blé suffisante pour arrêter la hausse des prix des produits de panification, affirme le Premier ministre Adrian Nastase. Récemment, le ministre de l’Industrie, Dan Ioan Popescu, s’est senti obligé de déclarer qu’il n’était pas question d’augmenter le prix de l’énergie, du gaz naturel ou des combustibles d’ici à la fin de l’année. Si cela devait se passer, cela n’aurait lieu que « très tard », en 2004.

Les garanties du ministre interviennent alors que la monnaie unique européenne flambe et vient de dépasser le seuil psychologique des 40 000 lei roumains. La Banque Nationale a dépensé des millions de dollars pour maintenir à tout prix le cours leu-euro au-dessous de ce seuil jusqu’au moment où l’on a réalisé que cette démarche coûteuse est vaine, devant l’évolution de la parité dollar-euro sur les marchés internationaux. Après que l’euro se soit apprécié envers le billet vert à un degré encore jamais rencontré depuis l’apparition matérielle de la monnaie européenne, la Banque Nationale de Roumanie (BNR) a utilisé une nouvelle fois le levier du taux d’intervention, en accélérant la vitesse d’aspiration de l’argent qui stagne dans l’économie roumaine.

L’action de la BNR est significative, surtout qu’elle rappelle une déclaration récente du gouverneur de la BNR, Mugur Isarescu, selon lequel une nouvelle augmentation du taux d’intervention n’aura lieu que si à la fin de l’année l’inflation dépasse les valeurs prévues. Entre ces trois évènements, apparemment disparates, le lien est pourtant très fort. La Roumanie vit le choc de l’euro. Dans ces conditions, maintenir l’inflation dans les limites prévues pour 2003 devient aussi difficile que coûteux. Mettre le blé de la réserve de l’Etat sur le marché intérieur (au lieu d’en importer à grands frais), faire des déclarations dont la durée de garantie d’annonce courte concernant sur la stagnation des tarifs de l’énergie et du prix de l’essence, accroître l’intervention de la BNR, sont autant de signes qui montrent que l’inflation commence à reprendre et que les autorités essayent de sauver ce qu’elles peuvent de leurs objectifs pour 2003.

Le gouvernement roumain et la BNR se retrouvent d’ailleurs dans une situation très ingrate, voulant maîtriser les prix tant que l’euro est plus fort que ce que le mécanisme économique de la Roumanie peut supporter. Bref, le gouvernement et la BNR, institution dont le rôle central est de contrôler l’indice général des prix, doivent faire face à l’influence d’au moins deux vecteurs qui ont des effets négatifs sur la totalité des prix de l’économie : l’augmentation de l’euro et l’évolution des tarifs de l’énergie.

D’une part, la BNR ne peut pas intervenir sur les prix administrés comme le sont les tarifs de l’énergie. D’autre part, le gouvernement doit actualiser les tarifs de l’énergie, en les corrélant avec l’évolution des prix d’importation des produits énergétiques, parce que c’est ce que l’UE demande, ce que veut le FMI et que d’ailleurs cela s’inscrit dans une certaine logique économique. Pratiquement, dans cette perspective, cela ne compte plus que l’euro crève les plafonds ou que les prix des produits pétroliers sur les bourses extérieures soient déterminés par un attentat à Riyad, par des explosions dans le centre d’Istanbul ou par la chute d’un hélicoptère américain en Irak. Tant que notre pays est lié étroitement par l’indice monétaire aux évolutions de l’Union Européenne, l’économie roumaine doit être préparée à faire face à de tels « euro-chocs » . Plus que cela, on pourrait dire que l’un des tests les plus importants de la consolidation de la macro-stabilité dont le gouvernement se vante consiste justement dans la capacité de l’économie d’absorber sans conséquences négatives majeures de tels chocs qui tiennent de la fonctionnalité en termes de marché, et cela pas seulement à la fin de 2003, mais aussi dans l’année malheureusement électorale de 2004.

Le marché roumain est pourtant « presque achevé, dans la mesure où des progrès considérables sont constatés », etc. Et parce que l’on parle du marché, il faut dire que l’économie de Roumanie ne pourra sortir jamais du cercle vicieux « cours des devises-énergie-inflation » tant que le monopole de l’énergie ne disparaît pas (qu’il soit public ou privé). Le développement d’un marché concurrentiel dans ce domaine est vital si on veut un processus de désinflation sans obstacles.

Un exemple : si une mise à jour des tarifs des ressources publiques a été suffisant pour que l’inflation fasse un bond à 2,1% pour le mois de septembre alors que l’objectif est de 14 en 2003, on peut imaginer ce que pourrait signifier un bond mensuel similaire en 2004, alors que l’objectif est de 9%. Un désastre total. La privatisation de l’énergie s’avère donc essentielle. Le problème est qu’au vu des mesures structurelles qui doivent être prises dans le domaine énergétique, ce noyau dur générateur d’inflation, nous nous trouvons terriblement pris par le temps.

Le calendrier ambitieux d’accession à l’UE en 2007 impose aussi bien l’alignement des prix de l’énergie qu’une inflation à un seul chiffre. A présent, les deux objectifs s’excluent réciproquement. Bien sûr, outre l’euro, d’autres éléments spécifiquement nationaux composent le prix du pain. Avant même la sécheresse de cette année, nous avons souligné que l’exécutif allait payer très cher la débandade de l’agriculture, le manque d’investissements pour refaire le système d’irrigation et la lenteur de la réforme de l’industrie alimentaire.

L’inflation générée par les prix des produits alimentaires, sur le fond d’importations non pas de bananes, d’oranges ou de kiwi, mais de blé pour assurer le pain quotidien était, mathématiquement, inévitable dans les conditions d’un euro en croissance. De la prise de conscience du gouvernement et de la mise en œuvre avec efficacité des mesures qui doivent être prises dans le domaine énergétique, dans le domaine des arriérés et dans celui de l’agriculture, dépend de manière décisive l’orientation de la Roumanie : soit elle prend la bonne voie, soit elle devra reprendre depuis le début sa stabilisation macroéconomique.

 

EVENIMENTUL ZILEI
Rapport de la Commission européenne sur la Roumanie : une gifle avec un gant de velours
TRADUIT PAR VINCENT JOOS

Publié dans la presse : 7 novembre 2003
Mise en ligne : samedi 15 novembre 2003

« La Roumanie n’a pas obtenu le statut d’économie fonctionnelle cette année », a confirmé Enrico Pasquarelli, négociateur en chef pour la Roumanie à la Commission Européenne, dans une interview accordée à l’agence Mediafax à Bruxelles. Selon Pasquarelli, le rapport indique que la Roumanie s’approche de ce statut, mais qu’elle n’est toujours pas une économie de marché fonctionnelle.

Par Vlad Macovei, Gabriela Palade, Lidia Moise et Marius Ghilezan

Les hauts fonctionnaires de Bruxelles contredisent ainsi le Premier ministre Adrian Nastase et le Président Ion Iliescu, qui considèrent quant à eux que la Roumanie a déjà une économie capitaliste qui fonctionne.

Le chef de la délégation de la Commission en Roumanie, Jonathan Scheele, a précisé hier que son équipe a essayé « de traduire le plus objectivement possible le texte du rapport de pays ». « Si des ambiguïtés dues aux formulations syntaxiques subsistent, le texte de référence reste celui en langue anglaise », a-t-il dit en s’adressant à ceux qui se réfèrent à l’expression « Romania can be considered as a functioning market economy once the good progress made has continued decisevely ». Le Premier ministre Adrian Nastase a considéré hier que cette traduction était sans âme et que la version correcte est dans son opinion : « La Roumanie est considérée comme économie de marché fonctionnelle et ce statut va être confirmé au travers des mesures que nous prenons continuellement »

« Financial Times » : une déception majeure

Le rapport s’est révélé être une grande déception, ce qui pourrait conduire à la démission de quelques membres du gouvernement, selon les observateurs politiques de Bucarest, cités dans l’édition électronique de jeudi du quotidien Financial Times. L’agence Reuters en fait elle aussi une présentation sèche et extrêmement dure : « la Roumanie a échoué dans sa tentative d’obtention du statut d’économie fonctionnelle. Ainsi se dévoile la vulnérabilité des intentions ambitieuses d’adhésion à l’UE en 2007 ».

Pasquarelli : « la Roumanie n’est pas encore une économie fonctionnelle »

Selon ce rapport d’évaluation, la Roumanie a fait de grands pas mais elle n’est pas encore une économie de marché fonctionnelle. Enrico Grillo Pasquarelli, négociateur en chef à la Commission pour la Roumanie et coordonnateur de l’équipe qui a rédigé le rapport, a affirmé que « trois choses sont essentielles » pour que le pays acquière ce statut. « En premier lieu, l’inflation doit être réduite » ; ensuite on doit résoudre les problèmes du retard des réformes : « il s’agit des aides de l’Etat masquées ». Pasquarelli a aussi dit que la Roumanie a besoin d’ « une politique fiscale prudente ». Les prix de l’énergie doivent être majorés pour atteindre une valeur réaliste, ajoute l’officiel de l’UE. Il soutient également que la privatisation et la restructuration doivent être poursuivies afin que l’économie de marché roumaine devienne fonctionnelle. Il précise aussi que les membres de l’UE ont changé le ton des conclusions du rapport avant de le présenter aux commissaires européens pour approbation.

Le commissaire européen pour l’élargissement : « Le statut peut être confirmé à l’avenir »

Au sujet du qualificatif d’économie de marché fonctionnelle, le porte-parole du commissaire européen pour l’élargissement Guenther Verheugen, Jean-Cristophe Filori, affirme que le statut d’économie de marché sera confirmé à l’avenir. « Suite aux efforts de la Roumanie, votre pays pourra être considéré comme une économie de marché fonctionnelle dès que les progrès significatifs dont j’ai parlé précédemment, continuent de manière soutenue. Nous sommes très confiants en ce qui concerne le statut d’économie de marché fonctionnelle : il peut être confirmé prochainement en vertu des efforts soutenus et du parcours positif », affirme Jean-Cristophe Filori.

 

ADEVARUL
La Roumanie, « pas encore » une économie de marché fonctionnelle selon Bruxelles
TRADUIT PAR LAURE HINCKEL

Publié dans la presse : 5 novembre 2003
Mise en ligne : mercredi 5 novembre 2003

La présentation des « rapports de pays [candidats à l’UE] » aura lieu aujoud’hui, à Bruxelles. La Roumanie attendait le moment avec inquiétude, et les soucis sont justifiés. Le pays ne se verra pas encore accorder le statut d’économie de marché fonctionnelle en raison de la corruption, des retards de paiement chroniques qui affectent l’économie et des faiblesses de la justice et de l’administration.

Par Mara Stefan

La Roumanie devra attendre encore une année dans l’espoir que l’Union européenne lui accordera le convoité statut d’économie de marché fonctionnelle, critère à remplir obligatoirement pour intégrer l’UE. Le rapport de pays que le commissaire européen à l’élargissement Gunter Verheugen va présenter aujourd’hui à Bruxelles devant le Parlement européen mentionnera le fait que la Roumanie est « presque » sur le point d’avoir une économie de marché, formule présente dans le rapport 2001 de la Bulgarie, qui a obtenu dès 2002 ce statut d’économie fonctionnelle.

La Commission européenne est mécontente du haut niveau de corruption de Roumanie, affirmant que les autorités à Bucarest ont commencé à agir contre ce fléau, mais sans grand succès, motif pour lequel il est demandé à la Roumanie de renforcer sa législation sans ce domaine. Plus encore, le rapport se réfère à la récente démission, de la ministre de l’intégration européenne, Hildegard Puwak, contre laquelle une enquête administrative est en cours, pour déterminer s’il y a eu utilisation illégale de fonds communautaires. En Roumanie la Justice n’est pas indépendante et le système administratif est fragile, montre le document. Le rapport mentionne la récente restructuration du Gouvernement qui a conduit à la réduction du nombre de ministères de 24 à 16, mais ne manque pas de rappeler les six nouvelles fonctions de ministre délégué dont les attributions ne sont pas encore claires. Le projet de rapport contient aussi des appréciations positives, comme les progrès enregistrés dans la stabilisations macro économique et les réformes structurelles qui ont conduit à l’augmentation des investissements étrangers. Dans le contexte, le document fait aussi référence à l’échec persistant des autorités à imposer la discipline financière à toutes les entreprises, et mentionne en particulier l’attitude de tolérance pour les retards de paiement et la très longue réorganisation des entreprises dont l’offre de privatisation n’a pas trouvé preneur (cf le cas de la Banca Comerciala Romana).

Le rapport met en évidence les efforts de la Roumanie dans le domaine des privatisations mais souligne l’inactivité du gouvernement dans le domaine des privatisations du secteur énergétique. On ne conclura pas les négociations d’adhésion sans l’obtention préalable du statut d’économie de marché fonctionnelle, ce qui donne à 2004 le statut d’année décisive pour la Roumanie, le seul Etat candidat sans économie de marché fonctionnelle. La non attribution de ce statut dans le rapport de pays 2004 conduira à l’allongement de tout le processus et , inévitablement, au report de la date-cible pour l’intégration de la Roumanie dans l’UE, l’année 2007.

 

DILEMA
Rroms de Roumanie : le miroir déformant du petit écran
TRADUIT PAR OANA RUSU

Publié dans la presse : 17 septembre 2003
Mise en ligne : samedi 1er novembre 2003

« Voleurs », « mendiants », « étrangers »... Dans la course à l’audimat, les chaînes télé roumaines récupèrent avec délice les préjugés les plus répandus dans la société roumaine... Le magazine Dilema dresse le sombre portrait de la situation des Rroms en Roumanie, telle que vue par la lucarne du petit écran.

Par Cristian Ghinea

Ce week-end, le couronnement du nouveau roi des Rroms a fait la une des journaux de toutes les chaînes privées. Mais sur les petits écrans, quand ils ne sont pas rois, les Rroms sont des voleurs… L’agence de surveillance de la presse/Academia Catavencu a analysé la manière dont les Rroms ont été présentés par quatre chaînes privées de télévision entre juin et juillet 2003.

C’est PRO TV, la chaîne privée qui récolte la plus forte audience, qui est en tête pour le nombre de reportages consacrés aux Rroms - mais c’est également celle qui en donne l’image la plus négative. Nul besoin d’effectuer des recherches approfondies pour en comprendre la cause : dans la majeure partie des reportages portant sur des Rroms, il est questions de délits, le journal de Pro TV s’étant par ailleurs fait une spécialité des reportages sensationnels sur les crimes en tous genres. L’agence de monitoring de la presse a établi un « palmarès » des stéréotypes les plus véhiculés sur le peuple rrom : ce sont des délinquants, des étrangers, des mendiants, ils sont sales, pauvres, violents, voleurs, ont beaucoup d’enfants, sont malhonnêtes. En même temps, le Baromètre des rapports interethniques de novembre 2001 avait demandé aux personnes interrogées d’énumérer « quelques traits qui caractérisent au mieux les Rroms de Roumanie » : ils sont sales (50% des opinions exprimées), voleurs (50%), paresseux (39%), divisés entre eux (20%), arriérés (19%).

Les stéréotypes promus par la télévision ressemblent beaucoup à ceux exprimés par la population. Se demander si la presse est à l’origine de ces idées reçues ou si elle ne fait que les reprendre n’a pas de sens : les médias sont partie intégrante de la société. Ceux qui écrivent dans les journaux ont tous entendu ces stéréotypes à la maison, et l’école ne les a pas effacés. Ils ne font que les transmettre à leur tour au public.

Mais pourquoi est-il question au journal télévisé du couronnement du roi Stanescu et des descentes de police dans les quartiers rroms ? Malheureusement, les Rroms sont la cible de prédilection des chaînes dans leur course au sensationnel. 80% des sujets pris en compte par l’étude présentent des situations conflictuelles, où les Rroms sont opposés aux forces de la Police (fût-elle roumaine ou étrangère). Les rédacteurs des journaux peuvent toujours arguer qu’ils ne font que présenter la réalité, que le journal est un miroir de la société… Si c‘était le cas, 80% des Rroms seraient des délinquants. Or, les statistiques de la Police montrent qu’en 2000, sur 240 344 personnes ayant fait l’objet d’une enquête, 20.186 étaient des Rroms et en 2001, sur 247 727 personnes, 21 302 appartenaient à cette ethnie. J’avoue que je pensais moi-même qu’ils étaient plus nombreux. Mais les chiffres de la Police roumaine parlent d’eux-mêmes : le pourcentage des délits causés par les Rroms n’est que de 8,39% en 2000 et de 8,59% en 2001, alors qu’ils représentent en Roumanie - bien qu’il soit assez difficile de trouver une réponse précise à cette question - 3% d’après les données officielles, 14% d’après les organisations rroms et 8 ou 9% selon les dires de sociologues dignes de confiance.

Ainsi arrivons-nous à un constat choquant : les Rroms sont loin d’êtres aussi enclins à la délinquance que nous le montre le miroir de la société. L’ironie du sort veut que suite à des critiques véhémentes, la Police a supprimé le critère ethnique de ses rapports (du moins de ceux rendus publics) et il nous a été impossible d’avoir des chiffres plus récents. Par conséquent, il sera encore plus difficile à l’avenir de démonter le mythe du Rrom génétiquement programmé pour commettre des délits…

A mes yeux, ce que font les chaînes de télévision n’a rien à voir avec le journalisme. Se promener, caméra à l’épaule, au milieu d’une descente de policiers masqués, pour filmer des femmes agitées en jupes multicolores n’est pas informer, malgré le fait que les producteurs roumains de journaux télévisés raffolent de ce genre de sujets. A son tour, la Police, n’est pas en train d’améliorer son efficacité lorsqu’elle invite la presse à participer à ces raids. Bien au contraire, imposer la loi est devenu un titre du journal du soir. Ce miroir dont parle les journalistes est déformant. La réalité n’est nullement aussi spectaculaire.

Mais les Roumains ont aussi droit à leur exception culturelle. A vrai dire, les Rroms sont confrontés au même genre de problèmes dans tout l’espace est-européen. N’ayant pas de propriété ou d’autres types de lien profond avec leur pays natal, ils sont davantage tentés par l’immigration. Les réactions des journaux occidentaux n’ont rien à envier aux médias roumains en matière de racisme.

A travers toute l’Europe de l’Est (où vivent 80% des Rroms), ils sont plus démunis et moins éduqués que le reste de la population. L’accès aux services sociaux est restreint. En Slovaquie, par exemple, ils représentent 11% de la population, avec un taux de chômage quatre fois supérieur à la moyenne nationale. 2% à peine ont obtenu un baccalauréat et l’espérance de vie est de 15 ans inférieure à celle de l’ensemble de la population. Les partis extrémistes pensent que les Rroms sont un danger pour la nation. En 1993, Vladimir Meciar a prononcé une phrase qui est devenue célèbre : « Si nous ne trouvons pas maintenant une solution au problème rrom, nous seront bientôt leur problème à résoudre ». En 1997, quand un groupe important de Rroms tchèques et slovaques ont demandé l’asile politique au Royaume-Uni, ce fut un véritable scandale national. La presse britannique a été envahie par une vague de réactions racistes anti-Rroms et les Slovaques se sont indignés du coup porté à leur image. Mais tout cela a comme un air de déjà vu.

Les tziganes qui passent au journal ont des couronnes en or, vivent dans des palais à plusieurs tours et leurs serviteurs sont des Roumains ; quand ils ne sont pas occupés à voler, ils mendient, combattent la Police et à cause d’eux nous sommes la risée de toute l’Europe. Mais, s’ils sont tellement riches, pourquoi ont-ils encore besoin de mendier ? La presse britannique a révélé que les tziganes mendiant à Londres possédaient des palais au bord de la rivière Ialomita . L’article en question a soulevé un tollé à Bucarest. Il y eut aussi un article démentant le premier mais personne n’en a entendu parler. Alors, sont-ils aussi riches qu’on le dit ? Si l’on prend en compte un seuil de pauvreté de 2,15$/jour, nous constatons que 53% des Rroms vivent en dessous de ce seuil contre « seulement » 25% du reste de la population (roumaine). Les chiffres sont sensiblement les mêmes en Bulgarie .

Mihai Surdu, un jeune chercheur, a récemment démontré l’existence d’une ségrégation de facto dans les écoles roumaines à l’égard des Rroms. Nous n’avons malheureusement pas le temps ici de nous attarder sur les résultats surprenants de son travail de recherche : les enfants Rroms vont dans des écoles séparées, souvent à l’initiative des autorités locales. La ségrégation de facto n’est pas induite par des lois ou des politiques, c’est le résultat de la tradition, des préjugés et de l’inertie. Le peuple Rrom est gravement touché par l’abandon scolaire, l’unique raison de poursuite de la scolarité étant l’allocation-enfant versée par l’Etat.

Au sein de l’ethnie il faut distinguer entre : les communautés qui continuent à parler le Romani (moins de la moitié) et celles qui ont assimilé la langue roumaine. Les enfants du premier groupe sont deux fois plus nombreux à quitter l’école. Cela prouve que dans le passé, l’éducation était synonyme d’assimilation et l’école était un milieu hostile pour cette minorité ethnique. A présent, plus les enfants Rroms vont en grand nombre à l’école, plus ils risquent de fréquenter des établissements bondés où ils n’ont droit qu’à des professeurs remplaçants. La qualité de l’enseignement s’en ressent. « Le BAB, c’est tout ce qu’ils apprennent du CP au CM2 » déclarait un parent de Tigveni à Mihai Surdu.

Cet état de fait a une explication logique, mise en évidence par toutes les études portant sur cette population : la discrimination à long terme et le manque de la propriété ont restreint l’accès des Rroms à l’éducation et les ont condamnés à rester à la traîne. Leur organisation politique est précaire, contrairement à la minorité hongroise, par exemple. Cela est une autre réalité mais elle est moins spectaculaire. Au journal vous ne verrez que les rois avec des couronnes en or et poursuivant des femmes en jupes multicolores.

En fin de compte, le passant ordinaire qui voit son portefeuille disparaître dans le bus doit avoir quelqu’un à haïr. Et s’il ne trouve pas de coupable, il a déjà sa petite idée. Après tout, c’est ce que tout le monde raconte et il l’a vu à la télé…

 


2004, une année cruciale pour la Roumanie
TRADUIT PAR MARC-HENRI REBOUL DE WISSNER ET LAURE HINCKEL

Publié dans la presse : 20 octobre 2003
Mise en ligne : vendredi 31 octobre 2003

Alin Teodorescu, président de l’Institut de Marketing et d’Analyse Sociale (IMAS), alerte les responsables politiques et la société civile et veut les convaincre de l’importance de la période actuelle pour la Roumanie : l’analyste pointe les difficultés que le pays devra surmonter dans l’année qui vient pour conclure ses négociations d’adhésion, et rappelle que les partis extrémistes représentent un réel danger pour les élections parlementaires de 2004.

 


Entretien réalisé par Rodica Palade

Nous vivons sous un véritable bombardement médiatique : les scandales des ministres, Petrom, Radet, le rapport de Bruxelles sur l’état du pays, l’unification de l’opposition, etc. Comment fait le citoyen lambda pour savoir ce qui est important dans tout ça ?

Je suis perplexe devant le peu d’aptitude de l’élite bucarestoise à apprécier justement la situation de la Roumanie. Peu de gens se rendent compte que nous attendent douze mois cruciaux. Il semble que depuis l’ultimatum de l’Union Soviétique en 1940, la Roumanie n’a plus eu à faire face à une situation d’une telle importance pour son avenir. Normalement, les partis politiques, le pouvoir et l’opposition, la société civile, tous devrions être sur des charbons ardents dans cette période cruciale pour l’adhésion de la Roumanie à l’Union Européenne. Ce qu’il y a, à l’heure actuelle, d’extrêmement préoccupant, est qu’entre aujourd’hui, c’est-à-dire octobre 2003 et octobre 2004, le Gouvernement roumain doit clore tous les chapitres d’adhésion à l’Union Européenne.

Nous sommes les derniers dans le processus de négociations pour l’adhésion à l’Union Européenne. Nous sommes le seul pays parmi les douze candidats à être massivement repoussé par l’opinion publique de l’Union Européenne.

Un sondage montre que 70% de la population de l’Union Européenne ne souhaite pas que la Roumanie fasse partie de cette communauté. Nous sommes le seul pays du processus d’adhésion à avoir signé l’accord sur le Tribunal Pénal International (TPI) qui prévoit d’excepter les soldats américains de procès en territoire étranger. Cette signature a compliqué nos relations avec les européens.

De plus, la capacité actuelle du Gouvernement à accélérer les négociations est limitée. Nous avons besoin, en tant que nation, de 12 mois de mobilisation complète. Nous avons besoin de changements structurels, et leur absence crée la panique au sein de la Commission européenne, du Parlement européen et une profonde insatisfaction nationale.

La peur du chômage a été plus forte que celle du sous-développement...

Des changements structurels doivent avoir lieu dans la justice, dans l’administration publique et dans l’économie. En Roumanie, la justice n’a jamais été un pouvoir indépendant au sein de l’Etat, n’a jamais été un corps professionnel puissant, avec un règlement et un contrôle propres. En 1999, 70% de la population considéraient la justice corrompue, les gens n’étaient pas satisfaits de ses performances. En 2003, nous avons la même proportion de mécontents. Donc il n’y a eu aucun changement. Un des autres domaines d’une extrême importance pour le passage de l’examen d’entrée à l’Union Européenne est l’administration publique. Depuis qu’existe l’Etat roumain moderne nous n’avons pas eu d’administration publique dans les règles, avec une capacité d’auto renouvellement, avec une capacité d’auto-mobilisation. Il faut mettre sur pieds le premier « corps de Fonctionnaire publics » de Roumanie, des professionnels de l’Etat, pas de la politique, pas de la société civile, de la justice, mais de l’Etat. Le processus législatif est relativement avancé, mais à l’échelle des mécanismes internes, il y a encore beaucoup de travail.

Enfin, nous devons avoir une économie de marché fonctionnelle. La Roumanie paie maintenant pour ce qui s’est passé (ou ne s’est pas passé) entre 1990 et 2000. Entre 1990 et 2000 a perduré la théorie selon laquelle les entreprises de Roumanie étaient bonnes, qu’elles avaient seulement besoin de financements et qu’elles allaient se placer en position de leader sur les marchés nationaux et internationaux. Tous les chefs d’Etat, jusqu’en 1996, puis de 1996 à 2000 ont eu comme idée qu’il fallait maintenir les gens au travail, payer les salaires, aussi petits soient-ils, le résultat est que la productivité a baissé. Chez les dirigeants roumains la peur du chômage a été plus forte que celle du sous-développement.

Ce que le Parti Social Démocrate a dû faire après 2000

Le dernier chiffre du chômage est de 6,7%. Mais un chômage bas est un objectif du Parti Social Démocrate au pouvoir depuis 2000.

Après les élections de 2000 lorsque le PSD est arrivé au pouvoir, il s’est produit un paradoxe assez intéressant. Les sociaux-démocrates ont été purement et simplement contraints de faire deux choses contre leur propre volonté :

-  intégrer l’agenda politique externe de la Convention Démocratique (au pouvoir entre 1996 et 2000 NDLR) qui impliquait l’intégration à l’OTAN, l’intégration à l’Union Européenne, l’accord avec le Fonds Monétaire international, l’accord avec la Banque Mondiale, la politique macro-économique, la privatisation, la croissance de la productivité, etc.

-  ils ont été obligés de procéder à la restructuration de certains secteurs industriels.

Vous être parmi les rares personnes à retenir encore des aspects positifs du gouvernement de la Convention Démocratique Roumaine...

La Convention démocratique a changé l’agenda de la classe politique de Roumanie, mais n’a pas réussi à le mettre en pratique. Le Gouvernement au pouvoir de 1996 à 2000 a voulu faire entrer la Roumanie dans l’OTAN, mais il n’y était pas préparé et n’a rien fait pour s’y préparer. La seule chose qu’il faut en effet mentionner c’est la position du Président Constantinescu durant le conflit du Kosovo, quand il a soutenu l’intervention de l’OTAN au prix de sa chute de popularité traduite dans les sondages, puis par la suite lors des élections. Lui il a tenu parole et a créé un certain modèle de comportement individuel. Pendant quelques mois, la Roumanie a été bien vue, a été invitée à Helsinki pour commencer le processus d’adhésion à l’Union Européenne, bien que l’on savait que c’est un pays très en retard. C’est assez peu pour quatre ans de Gouvernement, mais c’est tout de même quelque chose.

Mais revenons au paradoxe du PSD après sa victoire aux élections…

Les sociaux-démocrates sont arrivés au pouvoir avec un programme et ont été contraints d’en appliquer un autre. Ils ont eu un plus grand succès que celui de la CDR dans l’application et le respect d’un agenda qui n’était pas le leur. Les sociaux-démocrates ont obtenu la levée des visas Schenghen, la réduction de l’inflation, la réduction du déficit budgétaire, l’amélioration progressive de la collecte des impôts, l’entrée dans l’OTAN, l’accélération des négociations avec l’Union Européenne. Les sociaux-démocrates sont arrivés au pouvoir avec l’idée de vouloir appliquer le programme, accordant des garanties gouvernementales aux entreprises d’Etat, créant des emplois, construisant des maisons, achetant des locomotives et d’autres trucs de ce type. Tout ce qui caractérise l’idéologie de l’intervention de l’Etat dans une économie fermée.

D’une certaine façon les sociaux-démocrates ont eu l’intention d’une restauration de gauche, après que la CDR ait tenté une restauration de droite. Pour notre bonheur, les sociaux-démocrates ont rapidement abandonné les caprices idéologiques. Ils se sont réorientés sur le parcours de l’agenda et sont devenus performants. L’effet pervers de cette réorientation a été qu’ils ont ignoré les paramètres qui concernent les transformations structurelles nécessaires à la clôture des chapitres d’adhésion pour octobre 2004. Ils auraient à présent besoin du soutien de la société civile, des partis de l’opposition, afin d’accélérer les réformes. Dans la société roumaine il existe des forces très puissantes contre la modernisation, à l’encontre de l’adhésion à l’Union Européenne, à l’encontre de l’adhésion à l’OTAN, et ces forces refont surface dans les situations de crise. Regardez ce qui s’est passé lors de la tentative d’introduction de l’impôt à taux unique.

L’Etat prend plus à la société qu’il ne lui rend

Le principal adversaire à l’introduction d’un impôt unique a été le Président Iliescu, suivi par les syndicats.

C’est exactement ce que nous disons : il y a des forces très puissantes…

Nous pouvons les nommer.

Elles sont visibles...

A quel point ces forces sont-elles redoutables ?

Très redoutables. Elles se manifestent d’abord au sein du PSD. Dans le PSD, il y a deux courants. Le premier est le courant socialiste, non communiste, Dieu les en garde ! Dans le courant socialiste éclairé il y a des gens qui mettent l’accent sur les quatre indicateurs de base qui définissent une doctrine socialiste :

-  L’Etat doit être un agent économique et il est un meilleur agent économique que les agents privés ;
-  Il doit prendre chez les riches pour donner aux pauvres ;
-  l’Etat doit mettre en place des services publics, tels que le transport, l’éducation, la santé, la construction de maisons, etc ;
-  Et l’autorité de l’Etat est plus importante que celle de la société civile.

Il existe dans le PSD, un fort courant socialiste, qui pense que l’Etat est un agent économique performant et, partant de ses activités économiques, il a le droit de prendre à la société plus qu’il ne lui rend. C’est ce qui se passe à présent : l’Etat prend plus à la société qu’il ne lui rend.

Et les autres courants au sein du PSD ?

Et il y a encore une vraie social-démocratie qui vient du XIXe siècle, plus particulièrement du milieu allemand, qui reconnaît en l’Etat son seul rôle de régulateur des relations entre l’économie dominée par les lois du marché et les autres composantes. La justice est indépendante du facteur politique, de l’économie, des cercles d’intérêts, l’économie fonctionne avec des agents privés, lesquels entrent en compétition, sur la base de la loi de l’offre et de la demande, et l’Etat est une autorité qui protège ceux qui ne peuvent se protéger seuls et qui assure les mécanismes de réglementation entre le législatif, l’exécutif, le juridique, la société civile, les média, c’est-à-dire les principaux acteurs de la société.

C’est la social-démocratie qui existe dans un pays avec une vraie économie de marché. La Grèce n’est pas une vraie social-démocratie, parce que 50% de son produit intérieur brut sont générés par des entreprises d’Etat. Dans les années 70, 65% du PIB de la Grande-Bretagne étaient générés par l’Etat, fait qui ne permettait pas le développement. Après que le retrait de Etat, l’économie a évolué très rapidement. Quand Ceaucescu a pris le pouvoir, en 1965, nous étions 20% au-dessus de la Grèce et du Portugal et, quand il l’a laissé, nous étions 70% au-dessous de la Grèce et du Portugal. Faut-il citer d’autres exemples ? Le rôle de l’Etat dans l’économie roumaine doit être réduit. Les taxes doivent être réduites et l’Etat doit laisser les gens faire ce qu’ils savent faire, c’est-à-dire de l’économie.

A part les impôts, le gouvernement n’a pas d’autre moyen d’assurer son budget.

Il ne risque pas, parce qu’il finance toutes sortes de choses qu’un Etat normal ne doit pas financer.

Pourquoi les gouvernements qui se sont succédés ont-ils manqué d’audace pour se libérer des trous noirs de l’économie ? C’était la peur de l’explosion sociale ?

Non, non, non. Il est très intéressant de voir pourquoi les Roumains n’ont pas été préparés à quelque chose de ce type. Je crois que ceux, avant 1989, pensaient à l’avenir, voyaient tous une société de type socialiste, mais avec la liberté de la presse, avec la liberté de circulation, avec la limitation de l’autorité des services secrets, de la police. Personne n’a pensé et personne n’a préparé la société roumaine à ce que signifie une véritable économie de marché, à ce que signifie un vrai agent économique privé. Il a fallu tout un processus d’apprentissage, processus que le Gouvernement au pouvoir de 1992 à 1996 a tenté d’arrêter, mais il n’a réussi qu’à perdre les élections.

Le pouvoir entre 1996 à 2000 s’est trop basé sur l’agenda externe, croyant que si nous intégrons l’OTAN et l’Union Européenne, les changements positifs internes allaient suivre. C’est faux. Les conditions externes facilitent les choses, mais ne remplacent pas les politiques internes.

Les sociaux-démocrates sont arrivés au pouvoir avec l’intention de changer les structures économiques et sociale internes, mais finalement ils ont dû s’orienter vers la politique externe, où ils ont été très performants. Mais maintenant, la politique interne se retourne contre eux : ils font des privatisations et se retrouvent avec des révoltes sociales, ils tentent de modifier la fiscalité et se retrouvent avec une révolte des syndicats et de certains hommes politiques, ils tentent d’accélérer l’indépendance de la justice et se retrouvent avec une révolte des magistrats, ils tentent d’accélérer la formation d’un corps de fonctionnaires publics et se retrouvent avec une révolte des fonctionnaires publics, ils tentent de réformer le système de santé et se retrouvent avec une révolte générale du système de santé. En même temps l’injustice sociale s’aggrave. Si tu vas te faire opérer, n’importe quel professeur t’envoie dans sa clinique privée, tu lui donnes 500 euros et il t’opère. Si tu veux te faire opérer dans le système pour lequel tu paies des taxes, tu ne peux pas. C’est une source incroyable de corruption et de prolifération de cercles mafieux. Il en va de même dans l’Education, dans les Transports publics, dans le secteur de l’Energie. Et lorsque quelqu’un tente de toucher à l’un de ces secteurs apparaissent alors les forces qui s’opposent. Encore une fois, les succès externes ne t’aident pas. La Commission européenne ne peut pas effectuer les réformes à ta place.

Donc, finalement, le problème se trouve dans l’opposition de ces deux forces du parti au pouvoir. On peut parler de réformateurs et de rétrogrades ?

Non, on peut parler de vrais sociaux-démocrates et d’autres qui sont socialistes.

Et quels sont ceux qui ont consolidé le système mafieux ?

Ils ne l’ont pas consolidé, ils l’ont révélé. La population a commencé à comprendre ce qui se passe au sein de la justice, de la police, aux douanes, dans la santé publique, dans l’enseignement.

L’intégration à l’Union Européenne contraint les autorités étatiques de Roumanie à être parfaites.

Disons que les douze prochains mois vont aller comme sur des roulettes, sans faux pas. Sommes-nous, nous, véritablement préparés à l’Union Européenne ?

Non, nous ne sommes pas préparés. Mais le problème ne se pose pas de cette manière. Aucun pays qui a intégré l’Union Européenne - la Grèce en 1981, l’Espagne et le Portugal en 1985- ne sont arrivé avec les mêmes niveaux de vie, avec la même qualité d’infrastructures, avec le même service public, avec la même transparence du processus politique comme tous ceux qui existent déjà dans l’Union Européenne. Ils ont été amenés peu à peu au niveau de l’Union Européenne. Le décalage diminue lentement - d’un point de vue historique - très lentement, parce qu’il est très difficile de re-transférer une partie du PIB, de modifier l’administration, l’armée, la justice. Le problème qui se pose est de savoir si on est prêt du point de vue de l’autorité de l’Etat, parce que l’Union Européenne est une union d’Etats, et cela, on l’oublie toujours. Après 2007, l’Etat roumain se intégré (s’il l’est), mais des pans des secteurs de la justice, de l’administration, de la société, de l’économie, vont en pratique rester en dehors de l’Europe.

Pour participer en tant que partenaire égal à une union d’Etats, l’autorité d’Etat en Roumanie doit être parfaite, c’est-à-dire que la justice doit être indépendante, faire son travail en coopération avec la justice des autres pays membres, l’administration publique doit être indépendante du politique, faire son travail et s’unir avec les administrations publiques des autres pays européens. Il en va de même pour l’armée, les services d’informations, la société civile doit être indépendante et active, particulièrement par ses institutions - mais pas seulement - et les média être indépendants et actifs. Quelle vitesse d’intégration peut avoir un pays qui paye ses fonctionnaires à la limite du seuil de pauvreté et qui se donne tant de mal pour construire trois ou quatre mille appartements par an ?

Qu’est-ce qui pourrait affecter le processus d’adhésion ?

Le processus d’adhésion peut être arrêté en premier lieu à cause de la situation interne, c’est-à-dire la lenteur des transformations structurelles et s’il se produit quelque chose de grave lors des élections parlementaires de 2004. « Grave » signifie l’arrivée au pouvoir de partis extrémistes (la probabilité existe). Il se peut également que les pays déjà membres cèdent à l’opinion publique, laquelle ne nous connaît pas et à de nous une image négative.

Le danger extrémiste existe encore

Je voudrais faire une parenthèse. Il existe vraiment un danger extrémiste ?

Je n’ose plus rien dire. Quand nous disions - en septembre, octobre, novembre 2000 - que le PRM (Partidul Romania Mare) prend de l’ampleur, l’IMAS a été traînée en justice par la presse et les candidats à la présidentielle. Nous sommes encore en procès. Nous ne savions pas à quel point Vadim Tudor allait monter, parce que chez l’électorat de Vadim Tudor fonctionne la spirale du silence, ce n’est pas tout le monde qui reconnaît vouloir voter pour lui, mais auprès du PRM, j’ai appris qu’il allait atteindre les 20%. L’IMAS n’a pas été le seul institut à être accusé, d’autres instituts de sondages ont eu des procès.

Le danger des partis extrémistes demeure très grand, dans le contexte dans lequel les indicateurs de base du gouvernement sont négatifs. 70% de la population ne sont pas contents du Gouvernement, mécontents de la justice, de la police, de l’enseignement public, de la santé, de la qualité des infrastructures, du volume de la corruption dont la population est devenue graduellement consciente. La corruption existait avant 2000, mais aujourd’hui les gens se rendent compte qu’elle représente un frein au développement économique. Le fait que les indicateurs de base du gouvernement sont négatifs fait qu’une partie des détenteurs du droit de vote, c’est-à-dire environ 10 millions d’électeurs - c’est la proportion qui vote en Roumanie, 10,5 millions sur un potentiel de 17 millions – donc une partie de ce public risque d’être volatile, de changer rapidement d’option pendant une campagne électorale.

Quelle est la proportion d’électeurs volatiles sur les 10,5 millions de votants ?

1,8 millions. Si quelqu’un vient lors d’une campagne et dit : je vais mettre fin à la corruption, le segment mentionné se déplace en sa faveur. Et même avec un gouvernement qui aurait fait quelque chose (et le CDR a fait quelque chose), tu peux te réveiller avec un pourcentage plus faible que lorsque tu es venu de l’opposition. Cela peut se produire maintenant avec le PSD. Surtout que les forces de l’opposition parlementaire et extraparlementaire ne cherchent pas à attirer cette partie volatile de l’électorat.

Quelles catégories composent cet électorat volatil ?

Ce sont des jeunes instruits, avec des revenus moyens et importants, qui ont accès à la télévision par le câble et qui, par exemple, se laissent captiver par le spectacle avec un perroquet politique qui participe à je ne sais quel divertissement, et se laissent convaincre de voter pour lui. Ce n’est pas parce que le public est immature, mais parce les gens sont profondément insatisfaits de la façon dont certains segments de la société ont été gérés.

Nous sommes à un an des élections. Les partis d’opposition ne peuvent-ils pas faire une offre crédible ?

Je crois que les hommes politiques du Parlement et des alliances, de l’UDMR, du PSD doivent sérieusement commencer à penser à la direction qu’ils veulent prendre. Il ne suffit pas de critiquer l’un puis l’autre de l’équipe gouvernementale, il faut s’occuper des éléments structurels. Il est vrai que l’équipe Nastase est une équipe inégale. Ils y a cinq, six hommes capables de performance, qui feraient de la politique dans n’importe quel pays de l’Union Européenne : Nastase, Geoana, Pascu, Tanasescu, Serban Mihailescu (ce dernier assure le fonctionnement d’un Gouvernement dans des conditions incroyables). Quelqu’un, je ne sais pas qui exactement, a désigné Vasile Puscas au poste de négociateur en chef pour l’Union Européenne. Cet homme a fait autant que toute une industrie. Alors que certains secteurs de l’industrie perdaient des dizaines de millions de dollars par an, Puscas nous a rapporté à peu près 400 millions d’euros par an de la Commission européenne, négociant sans cesse et faisant la navette entre Bucarest et Bruxelles. Ils ont de la chance avec certains ministres, mais pour le reste - la santé, l’éducation, la justice, les transports, l’économie - on ne voit rien. Mais l’opposition s’attaque continuellement aux personnes au lieu d’être active dans les secteurs.

Il est fondamental pour la Roumanie d’intégrer l’Union Européenne

Existe-t-il pour la Roumanie une autre solution que l’intégration à l’Union Européenne ? L’Union Européenne a ses propres problèmes, extrêmement compliqués.

Il est certain qu’elle a des problèmes, mais c’est la première union de paix de l’histoire, qui a réussi à homogénéiser le fonctionnement de ces trois piliers essentiels pour une société : le judiciaire, l’exécutif et le législatif sur le fondement des droits de l’homme. Il y a un problème formidable qui est que l’Union Européenne ne peut pas se défendre. Sa défense dépend des Etats-Unis ; c’est un univers voulu par tout le monde, mais qui ne peut pas se défendre. L’Union Européenne dépend, dans l’exercice de ses attributions intérieures et extérieures, du « bras armé » qui se trouve de l’autre côté de l’océan. Il y a des situations - comme ce fut le cas en Irak - qui peuvent conduire à des tensions diplomatiques.

Mais en aucun cas ne peuvent apparaître des « défections » structurelles. Pour la Roumanie qui, de 1964 à 1989, a été retirée du circuit mondial, il est fondamental d’intégrer cette communauté européenne. On a été exclus de tous les circuits, et soviétique et mondial. Nous n’étions ni Soviétiques ni Européens, nous étions Roumains, nous étions spéciaux, nous étions à ce point spéciaux que nous n’étions pas même capables de donner du pain aux gens. La réintégration est difficile et risque de durer aussi longtemps que l’isolement.

Vous avez une vision assez sombre de ce qui nous attend.

Au contraire, je suis très optimiste, parce que j’ai vu à quelle vitesse les gens ont pu changer, à quelle vitesse les habitudes ont changé.

Que manque-t-il alors ?

Une direction politique

Oui, mais la politique se fait, le plus souvent, en tournant le dos à la population...

C’est un problème ; soit les politiciens se tournent vers les éléments progressistes de la société, soit ils sont éliminés. Malheureusement, dans leur processus d’élimination, nous sommes également pris dans l’engrenage.

Les politiciens ont finalement appris, en 14 ans, qu’ils viennent au pouvoir et qu’ils en partent aussi ?

Oui, ils ont tous appris ça, mais certains tirent la conclusion qu’ils doivent attraper tout ce qui leur passe sous la main puisque de toutes façons ils ne restent pas longtemps. D’autres en effet tentent de se tourner vers le public et vers la vérité.

Il manque les mécanismes pour contrôler ces « opportunistes » ?

Ce sont les mécanismes de partis. Les partis sont des organisations de la société civile, volontaire, et elles devraient réagir, dire « toi, collègues, nous t’avons soutenu et tu as prouvé que tu n’était pas capable, tu dois te retirer. Mais aujourd’hui les partis sont dominés par l’esprit de bande. « C’est un voleur, un mauvais, un incapable, mais il est des nôtres, donc meilleur que celui des autres ».

En Roumanie, depuis que l’on parle de la société civile (car c’est elle qui est accusée à chaque fois que quelque chose ne marche pas), je n’ai jamais entendu dire que les partis politiques sont la société civile. Le Groupe pour le Dialogue Social est montré du doigt parce qu’il n’est pas actif.

Le GDS a fait et fait son travail. A chaque fois qu’il y a une crise, les gens se rendent au 120 de Calea Victoriei.

 

Roumanie : un rapport sévère de la Société Académique sur la gestion du pays
TRADUIT PAR ALINA VLAIC, DE LA RÉDACTION DU COURRIER DE LA ROUMANIE

Publié dans la presse : 5 mai 2003
Mise en ligne : mercredi 14 mai 2003

Le faible niveau de capacité administrative menace l'intégration européenne, la confiance des Roumains dans le gouvernement actuel diminue après une longue stagnation, tandis que les intérêts politiques ont subordonné presque toute la presse. Ce sont les conclusions du dernier Rapport sur le gouvernement Nastase effectué par la Société Académique de Roumanie (SAR) et publié à la fin de la première semaine du mois de mai.

Par Mihai Toader

La capacité administrative, entre langue de bois et intérêts politiques

Dans le Rapport on mentionne que le problème majeur du processus d'adhésion de la Roumanie à l'Union Européenne est la capacité administrative diminuée. La Société Académique de Roumanie a réalisé le premier test national de la capacité administrative, mesurant le degré d'application la Loi de libre accès aux informations.

Le résultat est que seulement 16% du secteur public roumain a la capacité de mettre en œuvre des décisions politiques, tandis qu'en Bulgarie le pourcentage est de 48%. Dans ce contexte, quoique tout le monde parle de la capacité administrative, le document précise qu'elle se perd dans le discours politique entre la langue de bois et les intérêts politiques.

La Roumanie ne peut dépenser l'argent de l'UE

L'un des effets de la faible capacité administrative est l'impuissance de la Roumanie à assimiler les fonds de l'UE. En partant de cette réalité, le rapport de la SAR identifie ainsi le maillon faible dans le processus d'obtention des fonds.

Les fonctionnaires publics ne sont pas directement intéressés par le succès d'un programme financé par l'UE. En plus, l'Office des Payements et Contractualisations (OPC) existant dans le cadre du Ministère des Finances est confronté à des problèmes majeurs : on travaille sous la pression de centaines de contrats déroulés simultanément, l'Office manque de ressources, d'instruments modernes de gestion et ses fonctionnaires sont mal payés.

Dans le rapport on suggère des mesures à prendre pour accroître le taux d'absorption des fonds de l'UE en Roumanie. Concrètement, l'OPC devrait recevoir le financement nécessaire afin de pouvoir remplir ses tâches efficacement, tandis que la communauté politique et diplomatique devrait reconnaître le statut d'acteur stratégique de l'OPC dans l'administration d'Etat.

L'image de l'Exécutif est en baisse

Le document montre qu'à la fin de l'année 2002 le gouvernement Nastase était confronté à une majorité soupçonneuse, mais qu'il aurait tout de même gardé le même noyau de supporters (38% en janvier 2003). Pourtant, les mécontentements de la population ont augmenté ce printemps, de sorte que ceux qui pensent que le gouvernement est incapable d'améliorer la situation sont devenus majoritaires avec 51%, selon le sondage CURS du mois d'avril.

La presse, prisonnière des intérêts politiques

Au chapitre « liberté de la presse » de ce Rapport on soutient que celle-ci est subordonnée presque entièrement aux intérêts politiques. En remarquant que les pressions politiques et économiques sur les journalistes et les éditeurs se sont accrues et que le public est déçu par la rapidité avec laquelle certains d'entre eux se sont alignés aux nouvelles directives, la SAR attire l'attention qu'elle continuera d'avertir aussi sur d'autres aspects concernant les mécanismes de mise en œuvre de la loi. La SAR montre que la législation punitive dans le domaine de la presse a des effets dévastateurs sur l'image de la Roumanie à l'extérieur et propose une série de mesures pour son amélioration.

 


Roumanie : le parlement donne son accord à une intervention contre l'Irak, manifestations à Cluj et Bucarest
TRADUIT PAR ANDREEA LEAHA, DE LA RÉDACTION DU COURRIER DE LA ROUMANIE

Publié dans la presse : 15 février 2003
Mise en ligne : mardi 18 février 2003

Le parlement roumain s'est prononcé favorablement à la demande du chef de l'Etat de fournir des troupes et une aide logistique à la coalition anti-irakienne qui prend forme autour des Etats-Unis. Au même moment, deux manifestations prenaient place, à Cluj et à Bucarest.


Le parlement roumain autorise la participation roumaine à une intervention contre l'Irak

Ziua, le 15 février 2003

Par R. A.

Le Parlement de la Roumanie a approuvé, hier, la participation de la Roumanie à la coalition contre l'Irak, appuyant ainsi la proposition du président Ion Iliescu en ce sens. La chambre basse roumaine s'est prononcée à 350 voix pour, 2 voix contre et 74 abstentions En cas d'attaque contre l'Irak, la Roumanie enverra 278 militaires et mettra à la disposition des alliés son espace aérien et un appui logistique.

Les parlementaires du Parti de la Grande Roumanie (PMR, extrême-droite) sont opposés à cette intervention, arguant que le Conseil de Sécurité de l'ONU n'a pas encore pris de décision concernant l'intervention militaire en Irak. Le ministre des Affaires Etrangères, Mircea Geoana, estime pour sa part que son gouvernement a « agi avec prudence », s'étant prononcé sur la question après la plupart des autres pays d'Europe centrale. A son avis, si le régime irakien n'est pas renversé, l'Irak pourrait lancer des armes de destruction massive « sur la Roumanie, vers l'Europe ». A son tour, le président de la Commission sénatoriale des Affaires étrangères, Ghiorgi Prisacariu (Parti social-démocrate) a affirmé que la Roumanie pourrait « avoir son mot à dire » après la chute de Saddam Hussein, notamment en ce qui a trait à la récupération de la dette de 1,7 milliard de dollars que Bagdad doit rembourser aux autorités de Bucarest.

 


 

Manifestations contre la guerre à Cluj et Bucarest

Ziua, le 17 février 2003

Par B. G.

Une centaine de personnes ont participé samedi, dans les rues du centre-ville de Cluj, à une manifestation contre une éventuelle intervention militaire en Irak. La manifestation était organisée par l'Institut roumain pour l'action, l'éducation et la recherche au service de la paix (PATRIR).

Les participants ont scandé des messages de paix devant le Théâtre national de Cluj-Napoca avant de se diriger vers la Maison de la culture des Étudiants, devant laquelle ils ont improvisé un autel sur lequel ils ont allumé des cierges. Le représentant du PATRIR, Alexandru Moldovan, a demandé aux autorités du gouvernement de ne pas impliquer la Roumanie dans cette guerre, mais plutôt de l'engager dans les actions pour maintenir la paix dans les zones de conflit. Selon le PATRIR, le gouvernement roumain ne parle pas au nom des citoyens et agit contre l'opinion de la majorité de ceux-ci.

Une autre manifestation contre l'appui du gouvernement roumain à la politique américaine d'invasion de l'Irak a eu lieu sur Piata Universitatii, à Bucarest.

Les manifestants voulaient adresser un signal d'alarme contre la « politique servile du gouvernement actuel envers les Etats-Unis ». Quelques citoyens Irakiens étaient également présents au sein des manifestants.

 

 

BUCAREST HEBDO
L'intégration de la Roumanie à l'OTAN se précise
TRADUIT PAR MADALINA CIRLANARU

Publié dans la presse : 11 octobre 2002
Mise en ligne : lundi 28 octobre 2002

Les chances que la Roumanie soit invitée, à Prague, à intégrer l'OTAN, semblent plus sérieuses. La Chambre des représentants du congrès américain a adopté lundi une résolution recommandant l'admission de la Roumanie dans l'Alliance Nord-Atlantique, aux côtés de six autres pays anciennement communistes.

Par Mihai Zodian

C'est le premier geste officiel envers les futurs membres de l'OTAN. Divers dignitaires occidentaux se sont bornés à reconnaître publiquement les progrès enregistrés par les États candidats, ont réitéré la politique de « porte ouverte » de l'Alliance, mais ils ont évité de révéler les pays qui seront invités à adhérer à l'OTAN. Une liste de pays a été introduite dans la résolution de la Chambre des représentants, sur la proposition du président du Comité aux relations internationales, Elton Gallegly.

Le représentant des États-Unis au Conseil Nord-Atlantique, l'ambassadeur Nicholas Burns, a déclaré lundi à Bucarest que la Roumanie restait « un très sérieux candidat » pour l'adhésion à l'OTAN, suite aux progrès enregistrés dans le processus d'intégration à l'Alliance de l'Atlantique Nord. Nicholas Burns a précisé que le Pentagone réalisera une dernière évaluation des candidats avant le sommet de Prague. Il a ajouté que les dirigeants des pays de l'OTAN n'avaient pas encore établi la liste des pays qui seront reçus dans l'Alliance à Prague.

L'ambassadeur a effectué une tournée dans les États candidats. Le Comité permanent de l'assemblée parlementaire de l'OTAN a sollicité, dans une déclaration adoptée dimanche dernier, d'accepter à Prague les sept prétendants, dont la Roumanie. Il est noté : « L'admission de nouveaux membres consoliderait l'OTAN, améliorerait la sécurité de l'Europe et donnerait un nouvel essor aux processus de réformes politiques et économiques des pays de l'Est. »

Le président de l'assemblée parlementaire, Rafael Estrella, a estimé que l'élargissement de l'OTAN et une collaboration plus étroite avec la Russie contre le terrorisme avait une importance vitale pour la stabilité de la zone euro-atlantique.

Le ministre des Affaires étrangères roumain, Mircea Geoana, et celui de la Défense, Ioan Mircea Pascu, ont présenté lundi le quatrième volet du plan d'adhésion à l'Alliance Nord-Atlantique (PNA IV). Le chef de la diplomatie de Bucarest a affirmé que le document représentait le passage d'une Roumanie candidate à celui d'une Roumanie membre de l'OTAN. Le ministre de la Défense a précisé que le PNA IV apportait de nouveaux éléments sur les engagements concrets de Bucarest et les capacités qu'elle pouvait mettre à la disposition de l'Alliance.

Le plan entrera en vigueur après son approbation par le Conseil Nord-Atlantique, dans une séance à laquelle participeront aussi les représentants de la Roumanie.

(Mise en forme : Stéphan Pellet)

 

 

UNICA
Roumanie : le problème des enfants des rues

Publié dans la presse : septembre 2002
Mise en ligne : samedi 7 septembre 2002

Nous nous sommes habitués, quand quelque chose nous attriste, à détourner le regard. Ainsi, nous nous focalisons sur nos soucis sans trop nous préoccuper de ceux des autres. Nous sommes habitués à compatir. Il nous arrive d'apprécier et d'aider une personne nécessiteuse. À cela, une condition : que son cas soit isolé. Si plusieurs se présentent, cela devient banal, et « beaucoup » devient « trop ». Nous soulageons alors notre conscience en pensant qu'il est impossible d'aider tout le monde. Nous préférons ne plus penser, et fermer les yeux. Peut-on être attristé par une chose qu'on ne voit pas ?

 

Chacun a le droit de décider si cette attitude est morale ou non, et si elle lui convient. Nous n'avons ni l'intention ni le droit de juger. Peut-être y a-t-il trop handicapés, trop d'orphelins, trop d'enfants des rues ? Nous sommes épuisés à force d'en entendre parler. Leur histoire a été médiatisée à l'étranger immédiatement après 1990. À cause de cela, nous sommes devenus célèbres, car nous avons été montrés du doigt.

Qui est la fille qui tend la main ?

Il y a une dizaine d'années, à l'époque la fondation de l'Organisation Humanitaire Concordia, une jeune fille aux cheveux blonds et frisés, faisait la manche dans les rues. Raluca Iordanescu, qui a maintenant 19 ans, avait appris sa leçon : tout d'abord elle achetait à boire pour son père, et elle ramenait l'argent qui lui restait à la maison, un ghetto nommé Zabrauti, aux alentours de Ferentari. C'est là-bas qu'elle vivait avec ses parents et ses cinq frères. Trois d'entre eux faisaient la manche et les autres attendaient argent et nourriture. Ils ont eu la chance de pouvoir demeurer au foyer, car deux de leurs frères ont été vendus ! Lorsque Raluca était enfant, ses parents ont essayé de la vendre, ainsi qu'une de ses sœurs, à l'étranger. Afin de ne pas être achetée, Raluca jouait à la méchante et mangeait plus que de raison. Elle avait appris de ses parents que celui qui mange beaucoup est un méchant. Finalement, les deux sœurs se sont enfuies. Les parents ont d'abord vainement essayer de céder Raluca à des tsiganes, puis ils se sont habitués à l'idée qu'ils devaient l'élever, elle qui maintenant faisait la manche pour que toute la famille puisse se nourrir.

Raluca savait de ses parents qu'elle était très laide et très méchante. C'est pour cela, pensait-elle, qu'ils veulent me vendre. Ils lui avaient fait croire qu'elle était attardée, et au lieu de suivre un cursus scolaire classique, elle avait été envoyée dans une école spéciale. Elle y fut traitée comme une handicapée, et on la convainquit qu'elle ne pourrait apprendre davantage. De cette sinistre expérience, elle garde aujourd'hui encore de nombreux complexes.

Raluca parle très peu, surtout de cette période. Elle se rappelle qu'il y a six ans un de ses frères l'a conduite à Concordia. Elle passait toute la journée là-bas, et le soir elle rentrait chez elle. Cela jusqu'au jour où elle quitta définitivement la maison. « Je n'ai plus voulu vivre chez eux », nous dit-elle. « Je n'en pouvais plus. Il n'y avait personne dans cette maison avec lequel je pouvais m'entendre. » En faisant la manche, elle devait entretenir toute la famille, et de cela elle en avait assez. En quittant le ghetto où elle habitait, elle s'est installée dans un appartement social.

Elle vient de terminer ses études dans le cadre d'un programme spécial pour les enfants qui ont dépassé l'âge normal de scolarisation, mais qui ont la capacité de suivre un cursus normal.

Raluca est devenue l'intellectuelle de la famille !

Sept à dix enfants peuvent vivre dans un même appartement social. S'ils deviennent majeurs, ils ont la possibilité de rester tant qu'ils ne sont pas autonomes. Ce type de logis ressemble à beaucoup d'autres, sans luxe, mais propre. Les enfants embrassent le visiteur, puis lui donnent la main. Ils l'aiment d'un amour simple et pur, même s'ils ne le connaissent pas. Tu pars de là-bas avec le cœur serré et des dessins comme cadeaux.

Les plus aînés s'occupent des plus petits, c'est la règle. Toutefois, il faut quelqu'un pour les surveiller tous. Dans l'appartement, c'est le rôle de Raluca. Elle garde six personnes âgées de 5 à… 23 ans. Un de ces « enfants » a trois ans de plus que Raluca et grâce à son aide, il a pu se passer d'héroïne : « Je prenais soin de lui donner ses médicaments et j'essayais toutes sortes de choses pour lui ôter l'idée de se droguer. Lorsqu'il voulait sortir, j'allais avec lui, et nous nous promenions dans le parc. Je lui racontais des histoires afin de distraire son attention ».

Elle a su le soutenir, car elle le comprenait. Peu de temps auparavant, Raluca avait fait, elle aussi, connaissance avec l'Aurolac : « Une amie dans la rue nous a expliqué à ma sœur et moi qu'elle prenait de la drogue. Nous ne la croyions pas, alors elle nous a montré. Ma sœur souhaitait essayer, mais elle avait peur que je le répète à notre père. Je lui affirmais que tel ne serait pas le cas, mais elle ne me croyait pas. Elle voulait en être certaine, c'est la raison pour laquelle elle m'a convaincue d'y goûter ».

Raluca baisse le regard. Cette période misérable de sa vie est depuis longtemps passée. Elle souhaitait d'ailleurs l'oublier. Ce qu'elle veut aujourd'hui, c'est un emploi. « Je ferais vraiment n'importe quel travail », nous confie-t-elle.

Pour l'instant, Concordia ne peut que la récompenser pour tout le travail effectué auprès des autres enfants de l'appartement. Elle perçoit une somme équivalente à son allocation pour la nourriture. Claudiu State, assistant social, souligne : « C'est l'amie la plus dévouée, mais, même si maintenant elle travaille ici, c'est très important qu'elle trouve un vrai emploi, pour qu'elle puisse rencontrer d'autres gens. »

Le cas de Raluca n'est pas unique. À présent, les enfants des rues qui se sont réintégrés travaillent dans les fondations qui les ont pris en charge. Qui pourrait bien leur offrir un emploi, si, à un moment donné, ces fondations n'existaient plus ?

Un autrichien « fait la manche » pour les enfants roumains.

En 1990, un prêtre juif, l'Autrichien George Sporschill, a visité la Roumanie. Il est venu comme beaucoup de gens, en train, et il est descendu à Bucarest dans la Gare du Nord. Il a été accueilli par ceux qu'on nomme les « Aurolacs » à cause de la drogue qu'ils prennent. Un an après, le prêtre fondait en Roumanie l'Organisation Humanitaire Concordia qui a désormais en charge environ quatre cents enfants des rues.

Tout cela ne serait pas arrivé s'il n'était pas venu en Roumanie ou s'il était venu en avion… Ce qui est important, c'est que tout cela se soit produit. Sporschill a aujourd'hui la double citoyenneté. Cela paraît incroyable, mais nous sommes en présence d'un Autrichien qui veut devenir Roumain !

Statistiques.

En 2001, dans les institutions publiques et privées, il y avait 52 516 enfants abandonnés, et 33 127 était placés dans des familles adoptives. Plus de 85 000 enfants roumains sont dépourvus du droit fondamental de vivre dans leur propre famille.

(« Qui et quand dans le domaine de la protection de l’enfance »- FONPC, 2001).

(Mise en forme : Stéphan Pellet)

 

Romania Libera 5 avril 2002 (Traduit par Madalina Cirlanaru) 

Roumanie: intégration européenne et corruption

La dernière rencontre à Bucarest du «Groupe de Vilnius» (groupe des pays candidats à l’OTAN, NDT) a laissé entendre qu'un prochain élargissement de l'OTAN de la Baltique à la mer Noire -comme l'avait suggéré le Président Bush- était désormais possible. La conjoncture politique après le 11 septembre a déterminé l'adoption d'une nouvelle stratégie politico-militaire de l'OTAN mais aussi des autres grandes puissances. La guerre froide a pris fin et l'Alliance Nord-Atlantique a redéfini ses priorités, en orientant à présent ses forces vers la lutte contre le terrorisme et le crime organisé, autrement dit vers le renforcement de la démocratie et de l'Etat de droit. Priorités qui sont également celles des nouveaux candidats à l'OTAN, y compris de la Roumanie. Par Bogdan Ficeac La Roumanie a, à l'heure actuelle, de fortes raisons de croire qu'elle recevra une réponse positive au prochain sommet de l’OTAN, à condition bien sûr qu'elle ne commette pas de grosses erreurs et qu'elle continue ses réformes à un rythme accéléré. Nous devrions nous préoccuper tout particulièrement de combattre la corruption et de résoudre le problème des anciens collaborateurs de la Securitate. Les mois à venir ne seront pas faciles et le plus gros danger ne vient pas de l'extérieur, puisque les portes de l'OTAN nous sont largement ouvertes et que la Russie a nuancé sa position, ne s'opposant plus à un élargissement «à sept» de l'Alliance. Ce danger peut venir de l'intérieur, de la part des groupements extrémistes et nostalgiques ou bien de la part des grands réseaux mafieux qui ne pourront plus agir en liberté. Ces groupements essayeront par tous les moyens dont ils disposent de torpiller le processus d'intégration. Un de leurs thèmes favoris de diversion concerne «les coûts de l'intégration». Périodiquement, il y a des voix qui s’élèvent afin d'avertir les Roumains que l'intégration suppose de la part du gouvernement l'allocation de fonds énormes, pris sur le budget et qui augmenterait encore l’appauvrissement de la population. Mais on n’a jamais vu d'analyse exacte des coûts, jamais il n'a été dit combien la Roumanie devait supporter par ses propres moyens et combien elle allait recevoir de la part de l'Alliance... C'est pourquoi la question reste dans le flou et la population est de plus en plus désorientée. Il est vrai que le processus d'intégration supposera des coûts supplémentaires, mais les fonds seront dirigés là où il faudra, en échange de résultats rapides. Ces fonds ne devront plus disparaître dans la nature, sans effet visible, comme cela se passait jusque là. Au-delà de ces questions «comptables», nous devons garder à l'esprit le fait que cette intégration est un processus vital pour la Roumanie, surtout dans la situation de crise dans laquelle elle se trouve à présent. Ce processus suppose aussi l'adoption d'un certain nombre de nouvelles lois, la restructuration intégrale des institutions, ce qui fera diminuer considérablement le coût énorme de la corruption. Parce que la corruption et le crime organisé ont déjà coûté énormément. Des milliards de dollars ont été volés dans les banques ou via les fonds d'investissements; des milliards de dollars ne sont jamais arrivés jusqu’au budget national, du fait de grandes opérations de contrebande ou d'évasion fiscale, du trafic d'armes ou de drogue. Car on compte un nombre considérable de vols, auxquels personne n'a été capable de mettre. L'intégration dans l'OTAN (et dans l'Union européenne) signifiera pour nous l'entrée dans un espace où de telles actions ne seront plus possibles et où le budget sera alimenté normalement. Ainsi les coûts de l'intégration pourront être moins élevés que les coûts actuels de la corruption. Si l'argent soustrait jusque-là des fonds publics ou privés est venu exclusivement alimenter les comptes des grands escrocs, provoquant un appauvrissement continu de la population, les fonds alloués à l'intégration seront dépensés pour l'intérêt de la nation et ils se refléteront dans l'augmentation du niveau de vie. C'est pour cela, peut-être, que la majorité des Roumains, bien que peu conscients des détails de ce mécanisme d'intégration, soutient intuitivement le processus; les gens sentent que cette intégration représentera l'entrée dans la normalité tant attendue.

 
Romania Libera 21 mars 2002 (Traduit par Madalina Cirlanaru) 

Quand Voronine joue au conciliateur… 

Le président moldave, Vladimir Voronine, rentre d'une réunion trilatérale qui s'est tenue à Odessa où Vladimir Poutine lui a conseillé de changer ses méthodes. Suite à cela, il a exposé, mercredi, dans le journal gouvernemental « La Moldavie souveraine », la façon dont il percevait les rapports entre le pouvoir et la société. Par Claudiu Ionescu Voronine a bâti sa réflexion à la manière d'un parfait bolchevique, ne faisant preuve d'aucune conciliation. Il a identifié les trois facteurs principaux qui, selon lui, déstabilisent l'État moldave : le problème de l'intégrité territoriale, la rupture entre le pouvoir et la société, et enfin l'attitude de certains politiques qui liquide l'État moldave en s'appuyant sur les principes d'unions des Occidentaux. Les observateurs de Chisinau considèrent que l'initiative présidentielle n'est que de la poudre aux yeux, destinée à repousser, dès à présent, les revendications des contestataires à l’approche de la grande assemblée nationale du 31 mars organisée à la demande de l’opposition chrétien-démocrate. Selon certaines sources parlementaires, le chef du Service d’Information et de Sécurité (SIS), le général Ion Ursu, a déclaré que ses employés avaient déjà pris toutes les mesures nécessaires pour rendre impossible la participation des habitants des autres départements à la manifestation. La présidente du parlement de Chisinau, Eugenia Ostapciuc a, à son tour, demandé aux représentants du gouvernement dans le territoire de soutenir les efforts des forces de l'ordre afin de contribuer à la « stabilisation de la situation socio-politique ». Le chef du Parti populaire chrétien démocrate, Iulie Rosca, a déclaré, selon « BASA-press », que par leurs actions, les autorités communistes « offrent encore une fois la preuve de leur incapacité à gouverner dans la démocratie ». En même temps, les organisations internationales de journalistes continuent à envoyer des messages de soutien à leurs collègues de « Téléradio-Moldova ». L'Institut International de la Presse (IPI) et l'Organisation des médias du Sud-Est de l'Europe (SEEMO) ont envoyé une lettre au président de la République de Moldavie, Vladimir Voronine. Ils expriment de la sorte leur inquiétude face aux récentes intimidations adressées à l'encontre de la Commission pour la solidarité des journalistes, qui réunit cinq cent journalistes de la compagnie d'État Téléradio-Moldavie. La République de Moldavie est, comme nous le rappelons dans le courrier destiné à Vorodine, signataire de la Convention européenne pour les Droits de l'Homme. Elle doit à cet égard respecter l'article n°10 qui inscrit le principe fondamental de la liberté d’expression.

(Mise en forme : Stéphan Pellet)

 
1er  février 2001 - (traduit par Madalina Cirlanaru)

LA ROUMANIE ET LE PACTE DE STABILITE DANS LES BALKANS


Un groupe de journalistes du sud-est européen a été invité à Bruxelles au début de cette semaine, grâce à la station de radio Deutche Welle. 21 journalistes des médias balkaniques étaient au rendez-vous, venant de Serbie, Roumanie, Albanie, Macédoine, Bosnie-Herzégovine, Bulgarie, Grèce et Turquie. Le point culminant de leur rencontre a été un entretien avec Bodo Hombach, le coordinateur européen du Pacte de stabilité pour l¹Europe de sud-est. Accompagné par son porte-parole Roland Bless, Bodo Hombach a tenu à saluer les relations détendues régnant à l¹intérieur de cette délégation multiculturelle.

Par Cristian Stefanescu

La veille de cette rencontre, le coordinateur du Pacte de stabilité s¹était entretenu avec le président de l¹Assemblée parlementaire de l¹Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe, le Roumain Adrian Severin. Le coordinateur du pacte a confié qu¹il voulait recruter dans son équipe l¹ancien Secrétaire d¹Etat du ministère roumain des Affaires étrangères, Mihai Razvan Ungureanu. Le jeune ancien numéro 2 de la diplomatie roumaine constituerait, pour Bodo Hombach, un collaborateur idéal.

Selon des sources non officielles, Mihai Ungureanu risque pourtant de ne pas obtenir cette fonction d¹émissaire spécial du coordinateur européen du Pacte de Stabilité, en raison de la forte réticence manifestée par les autorités actuelles de Bucarest (Š).

À propos des réticences des investisseurs potentiels envers la Roumanie, Bodo Hombach a évoqué l¹incertitude législative qui prévaut dans notre pays, ainsi que certains problèmes existant dans le système bancaire. " En Roumanie, il est encore difficile d¹obtenir un crédi tpour un homme d¹affaires ", a-t-il précisé, en ajoutant d¹un autre côté que " le problème de la Roumanie est différent, et je suis le meilleur exemple des  stéréotypes que quelqu¹un peut avoir et dont on peut très bien se débarrasser. Personnellement, j¹ai été très agréablement surpris de voir, lorsque je suis arrivé en Roumanie, un pays tout à fait différent de celui que j¹imaginais. Je pense que le meilleur moyen de vaincre les à priori, c¹est que les représentants des cercles économiques et financiers occidentaux aillent en Roumanie ". Hombach a pris ensuite l¹exemple d¹un de ses amis, homme d¹affaires allemand impliqué dans l¹industrie textile, qui produit en Roumanie, et qui en est très satisfait.

Le coordinateur européen s¹est déclaré très enchanté de la façon dont évolue le partenariat avec la Roumanie, évoquant une rencontre qu¹il avait eu à Bucarest après Noël, avec le président de la République, le Premier ministre et les chefs des trois partis parlementaires démocrates.

Mais il n¹est pas aussi satisfait de nos voisins de l¹autre côté du Danube, les Bulgares, et cela surtout après l¹adoption par les autorités de Sofia, il y a quelques mois, d¹une attitude relativement hostile au Pacte de stabilité dans les Balkans. " La Bulgarie, a précisé Hombach, doit comprendre que le Pacte de stabilité est aussi un examen sur la coopération régionale que chaque candidat à l¹Union Européenne doit avoir passé avec brio. "  Dans le contexte actuel des relations roumano-bulgares, l¹émissaire européen n¹a pas caché sa satisfaction par rapport au démarrage de la construction du pont sur le Danube de Calafat-Vidin, tout en commentant : " ce n¹est pourtant pas normal qu¹on réussisse à établir, en deux jours, quels sont les ponts qui doivent être détruits, mais qu¹on ait besoin de deux  ans pour choisir l¹emplacement d¹un nouveau pont ".

Selon Bodo Hombach, la promptitude avec laquelle le président yougoslave Vojislav Kostunica a répondu à la demande de débloquer le Danube est admirable. Mais à Novi Sad, avant d¹enlever le pont improvisé, les autorités locales désirent terminer la reconstruction du pont détruit durant les bombardements occidentaux.

La Yougoslavie a proposé la création d¹une Union Balkanique, demande avancée par le premier ministre serbe Zoran Djindjic. Selon Bodo Hombach, cette idée pourrait, d¹un côté, avoir des conséquences économiques positives. Mais, l¹argumentation de Zoran Djindjic - un front commun des pays balkaniques dans la campagne d¹intégration européenne - signifierait , en fait, une mise à niveau forcée. Ainsi, les candidats les plus méritants risqueraient de devoir attendre pour pouvoir profiter des résultats de leurs efforts  (Š).


Adevarul - 7 novembre 2000 - (traduit par Madalina Cirlanaru)

LA ROUMANIE DEVRA SUIVRE L'EXEMPLE DE LA BULGARIE SUR LE CHEMIN DE L'INTEGRATION


Emma Nicholson de Winterbourne, rapporteur pour la Roumanie et la Bulgarie au Parlement européen a déclaré vendredi dernier, lors d'une rencontre avec les représentants des médias roumains? que l'Union européenne attendait des réformes "rapides et efficaces" du gouvernement issu des élections du 26 novembre. "Nous appelons le nouveau gouvernement à faire des progrès significatifs, rapides et tangibles dès les cent premiers jours de son installation, et à mener les réformes essentielles", a-t-elle souligné.

Par Maria Manoliu

L'UE souhaite avoir la certitude que, indifféremment du vainqueur aux élections législatives, les réformes se poursuivront et surtout qu'elles seront menées à terme. "Nous demandons au nouveau gouvernement d'accélérer le processus de réforme et de suivre l'exemple de la Bulgarie qui a fait des progrès remarquables et positifs. Nous croyons qu'il aura quelques leçons à apprendre. La Bulgarie a connu une pauvreté aiguë mais elle a réussi à adopter des mesures de réforme qui lui ont permis d'avoir une croissance économique de 5% au cours de cette année. Le nouveau gouvernement doit faire lui aussi ces réformes qui pourraient conduire à une croissance identique dans votre pays", a affirmé le haut responsable européen.

Les principales directions du prochain gouvernement doivent donc être les suivantes: accélération du processus de restructuration et privatisation des grandes entreprises pour la réduction des arriérés, privatisation des banques à capital majoritaire d'État, en particulier de la Banque agricole, création d'un cadre législatif dans l'agriculture, à même de favoriser les investissements, achèvement des privatisations des anciennes fermes agricoles d'État, les IAS.

L'amélioration du climat d'affaires exige impérieusement l'élaboration d'une législation stable, transparente et simplifiée, pouvant conduire à l'accroissement des investissements étrangers et au développement des petites et moyennes entreprises - "la Roumanie bénéficie en un an des avantages que d'autres pays candidats reçoivent en un mois". Enfin, le rapporteur du Parlement européen a souligné la nécessité d'assurer une protection sociale réelle, en particulier pour les catégories sociales les plus défavorisées: personnes âgées, enfants et chômeurs.

"Le défi que nous lançons au prochain gouvernement est le suivant: occupez-vous de ces priorités, urgentes, pendant les cent premiers jours du mandat. L'électorat roumain en sera récompensé par une adhésion plus rapide à l'UE", a déclaré Emma Nicholson de Winterbourne. Selon elle, la première vague de l'extension pourrait avoir lieu le 1er janvier 2004 selon les élections au Parlement européen, qui se déroulent tous les cinq ans.

A leur tour, les hommes politiques de gauche ou de droite se sont déclarés d'accord à l'unanimité pour estimer que l'intégration à l'UE reste le projet majeur de la Roumanie pour les années à venir.

A ce propos, le premier ministre Mugur Isarescu a affirmé: "Le message du rapporteur européen, selon lequel la Roumanie devrait s'inspirer des progrès faits par la Bulgarie, rappelle que le processus de réforme doit se poursuivre tant avant qu'après les élections de cet automne. Personnellement, je confirme que nous devons conserver une position flexible: on peut apprendre de l'expérience d'autres pays". Isarescu a affirmé que l'an 2000 était positif du point de vue économique, même s'il n'avait pas réussi, en dix mois de gouvernement, à "réparer" certaines difficultés apparues ces dix dernières années. "Nous avons toutes les données pour répondre aux spéculations électorales qui sont probablement spécifiques à cette période", a relevé le Premier ministre.

La baronne de Winterbourne s'entretiendra cette semaine avec l'actuel cabinet et avec les leaders des principaux partis parlementaires.

(mise en forme: Emmanuelle Rivière)


2 octobre 2000 - (traduit par Madalina Cirlanaru)

L’INTEGRATION EUROPEENNE SUPPOSE UN AMENDEMENT DE LA CONSTITUTION


A son retour de la conférence de la Haye, la semaine dernière, le négociateur principal pour l’adhésion, Aurel Ciobanu-Dordea, a déclaré que “la Constitution de la Roumanie devra être modifiée par référendum avant son adhésion à l'Union européenne”. Cette déclaration semble avoir pris de court nos politiques.

Par Dan Pavel

Bien que certains partis aient déjà réfléchi à des changements constitutionnels (comme le Parti national libéral, préoccupé par le problème de la propriété, par les attributions du Président de la République et du parlement), personne n’a encore pris en compte le problème plus sérieux du principe de la souveraineté partagée. On parlait déjà de conséquences constitutionnelles de l’élargissement de l’UE dans les publications de sciences politiques ou dans le cadre restreint de séminaires. Mais personne ne pensait qu’un jour on allait arriver à en discuter publiquement, à prendre des décisions politiques affectant le citoyen ordinaire.

Notons que la déclaration du négociateur principal pour l’adhésion est arrivée deux jours avant celle du ministre de Affaires étrangères, Petre Roman, dans laquelle il annonçait qu’à partir de l’été prochain les Roumains n’auraient plus besoin de visa pour aller dans les pays de l’UE - si certaines conditions étaient remplies. L’adhésion a donc un prix, mais aussi des bénéfices substantiels.

La libre circulation dans les pays de l’Europe Occidentale aura des conséquences importantes pour les Roumains. Il ne s’agit pas seulement des aspects touristiques, mais surtout du marché du travail, de l’accès plus facile à l’éducation dans le cadre des grandes universités européennes, du commerce, des affaires, des investissements, des communications, et, implicitement, d'une augmentation du niveau de vie.

Compte tenu, bien sûr, des conditions imposées à la Roumanie, mais également des résultats des élections de cet automne [élections présidentielles prévues pour novembre, NDLR], il se pourrait que la Roumanie attende de nombreuses années avant de bénéficier de ces facilités, droits ou privilèges. Et les réactions des politiques prouvent qu'ils ne sont pas très pressés de payer le prix de l’adhésion.

La modification de la Constitution n’est pas opportune, affirme le créateur de la Loi principale, Antonie Iorgovan. Paul Mitroi, l’Avocat du Peuple, est d'accord. A notre surprise, Zoe Petre, principal conseiller pour la politique interne et externe du président Constantinescu, a déclaré que l'amendement était nécessaire, même si le moment n'était pas opportun. Pour lui, l’augmentation des attributions présidentielles est toutefois aussi nécessaire qu'opportune.

Selon ces personnalités, un amendement à la Constitution entraînerait la modification d’autres actes normatifs concernant la sécurité nationale et le statut de la personne. De plus, selon Iorgovan, cette dernière idée ne serait qu’un prétexte pour la Commission européenne, afin de prolonger les négociations avec notre pays car la Roumanie ne remplit pas les critères économiques.

Quant à Mitroi, il estime qu'organiser un référendum serait mal à propos. Les articles concernant l’égalité des droits entre les citoyens roumains et ceux de l’UE sur le droit d’élire et d’être élu sont pour lui exagérés.

Pour Zoe Petre, l’amendement de la Loi fondamentale ne sera vraiment nécessaire et prioritaire qu’au moment de la ratification des documents d’adhésion de la Roumanie.

Mais tout cela ne représente que quelques points de vue personnels. Les positions des  partis politiques sont encore plus importantes, car certains d'entre eux représentent des forces qui devront prendre des décisions convenables au moment venu.

La probabilité que le Parti de la démocratie sociale de Roumanie (PDSR) revienne au pouvoir soulève maints doutes sur la capacité de ce parti à remplir les conditions de l’UE. Le PDSR a refusé pendant des années d’adopter certaines lois, alors qu'il était au pouvoir ou dans l’opposition.

L’un des points devant être modifié dans une future Constitution sera le droit de propriété des citoyens de l’UE sur les terrains. Dans un élan patriotique, cette idée a été repoussée (!) par le PDSR et ses alliés nationalistes. Ceux qui s’opposent fermement à cette idée oublient le fait que les Roumains pourraient, à leur tour, acheter des terres à l’étranger.  Si les modifications étaient acceptées, le parlement Roumain ne serait plus l’unique organe législatif, mais on se plierait à certains actes normatifs obligatoires, adoptés dans les forums législatifs européens.

Le processus d'amendements a commencé il y a plusieurs années, au moment où la Roumanie avait fait quelques efforts en vue d’harmoniser sa législation à la législation européenne - il continue maintenant par la négociation des chapitres d’adhésion.

Une fois l'amendement voté, la Roumanie sera membre de l’UE, ce qui représentera en premier lieu de nombreux bénéfices pour notre pays.

Mais si on pense que la Roumanie doit accepter de partager avec les autres pays de l’UE les attributs de la souveraineté, il faudra alors réfléchir à l’impact de l’intégration de la Roumanie dans l’Otan sur le contrôle des forces armées.

La presse écrite n’a pas tardé à publier des craintes d'hommes politiques ou de leaders sociaux. Nombre d’entre elles furent avouées de manière non officielle. Deux points à modifier sont en effet sensibles: l’Etat national et la République comme forme de gouvernement.

Ces réserves mentionnées sont la preuve de la prudence exagérée de nos politiques, autant que de la peur des conséquences concrètes de l’intégration. Les discussions, jusqu’à présent, montrent un certain rapprochement vers les deux organismes (UE et Otan) - ce qui devrait nous réjouir. Mais la classe politique est effrayée par la véritable signification des processus d’adhésion: elle a peur de perdre le pouvoir. Elle craint qu'une adhésion aux principes européens n'entraîne une baisse massive de sympathie dans les couches nationalistes. Elle n'est en effet pas encore préparée à reconnaître que la Roumanie est un Etat multinational et multiconfessionnel, et que l’entrée dans une Europe multinationale peut avoir des avantages - qu'elle pense trop visibles - pour les minorités.

Pas un parti n'est prêt à parler de tout cela en ce moment - car la campagne électorale approche. Personne ne souhaite assumer le fait que certaines des conditions imposées par l’UE pourraient avoir des conséquences imprévues, pourraient même leur faire perdre des voix. Alors, après les élections, “on verra bien”!

Les réformes sont pourtant nécessaires, elles apporteront de nombreux bénéfices, mais les partis ont peur de payer le prix social de ces réformes. En conséquence, ils n'ont jamais trouvé le temps de les mettre en pratique: ni après 1989, ni après 1996. Mais le prix social (et électoral) que nous sommes en train de payer est beaucoup plus élevé, et les réformes attendent toujours de bons politiciens qui diraient:“c'est le bon moment!

Quand les leaders de l’Occident verront quelle est l’attitude à Bucarest, sans tenir compte de la couleur politique de ceux qui sont au pouvoir, alors ils diront: il est nécessaire que la Roumanie intègre les structures de l’UE et de l’Otan  mais pas avant.

Nos hommes politiques préfèrent repousser ces problèmes plutôt que discuter de manière lucide et pragmatique des coûts et des bénéfices de certains gestes finalement inévitables. Mais reporter à plus tard est aussi une action politique qui, si jamais elle se transformait en stratégie de réformes et d’intégration, pourrait avoir des conséquences par trop évidentes: marginalisation du pays et appauvrissement de la population.

(mise en forme: Emmanuelle Rivière)
 


Evenimentul Zilei - 28 juin 2000 - (traduit par Madalina Cirlanaru)

QUI SE SOUCIE D’UNE PETITE TZIGANE?


Qui ne se souvient pas des examens d’entrée au lycée ou du baccalauréat? En un éclair, les images de tous ces examens, récents ou lointains, reviennent très clairement aux yeux de chacun. Ces moments forts sont imprimés dans nos cœurs, plus durablement encore que les images des petites plaquettes des frères Lumière. Ils nous suivent toute notre vie. Chaque année, une nouvelle promotion d’élèves passe des examens, et c’est une nouvelle série de souvenirs qui voient le jour. Et au-delà des émotions, des peurs qui accompagnent le baccalauréat ou l’examen du brevet de collège, ces examens visent à couronner les succès du parcours scolaire de chaque élève. Pour tout le monde, parents, élèves, professeurs, ces journées revêtent une importance toute particulière.

Par Cornel Nistorescu

Pour la plupart, en cette période, les examens du brevet ou du baccalauréat sont beaucoup plus importants que les élections locales ou générales, que l’intégration dans l’Otan ou dans l’Union européenne. Je dirais même que les examens scolaires sont encore plus difficiles à vivre qu’un licenciement ou qu’une hausse spectaculaire des prix. En Roumanie, l’échec scolaire est presque interdit, en tout cas très mal vu - une vieille réminiscence communiste.

Marinela Stingaciu, élève à l’École générale (collège) n° 148 de Bucarest, n’oubliera jamais les examens de cette année, pour une raison simple: elle n’a pas pu les passer.

Marinela est une petite Tzigane, aux yeux noirs comme le charbon. C’est une enfant pleine de rêves. A l’école, Marinela était la quatorzième de sa classe. Elle n’était pas brillante mais ne se trouvait pas non plus en dernière position. Elle avait difficilement gagné cette place dans la classe. Ses parents, eux, cumulent les problèmes. Sa mère ne travaille pas. Son père, ancien employé dans une grande entreprise bucarestoise, est actuellement au chômage. Marinela sait que ses parents n’ont pas d’argent, qu’ils ont vendu du mobilier de la maison pour satisfaire leurs besoins, et surtout pour qu’elle puisse poursuivre ses études. Elle voulait continuer, suivre les cours du lycée. Elle aime bien travailler, étudier. Ses parents aussi rêvent de l’aider, mais ne savent plus quoi faire, aujourd’hui.

Il semblerait qu’une négligence administrative ait empêché Marinela Stingaciu de passer l’examen du Brevet. Ses parents ont frappé à toutes les portes: du professeur principal à la directrice de l’école, à l’inspection scolaire et jusqu’au ministère de l’Education nationale. Tout le monde cherche des excuses et des justifications pour le fait qu’une élève de condition modeste n’ait pas été inscrite à l’examen. Tantôt on dit que je ne sais quelle formalité n’a pas été respectée, tantôt que la demande d’inscription n’a pas été déposée à temps, etc.

Et son père souffre comme un chien. Il est sûr que tout n’est qu’un problème de statut social. Il pense que tout cela vient du fait que sa fille est pauvre et, encore plus grave, qu’elle soit tzigane. Il nous assure que partout où il est allé, il a été regardé de haut et avec beaucoup de mépris. Personne ne lui a tendu la main pour lui accorder de l’aide, pour essayer de résoudre la situation d’une façon ou d’une autre. On lui a dit que ce n’était pas possible avant l’année prochaine.

Que va faire Marinela en attendant? Faire la manche dans la rue? Faire la plonge dans un restaurant? Travailler dans une fabrique d’alcool improvisée dans un garage? Et à quoi bon prendre le chemin de ces bêtes occupations, quand elle ne rêve que de continuer ses études, de terminer le lycée et choisir un chemin plus intéressant? Qu’est-ce que son professeur principal et la directrice de son école peuvent lui répondre? Ou l’inspecteur en chef? Qu’auraient-ils dit si une chose pareille était arrivée à leurs enfants? Ils auraient peut-être mis le feu au ministère et au gouvernement et auraient dénoncé haut et fort l’injustice, pour que tout le monde les entende bien.

Il est clair que la Roumanie a d’autres priorités. Le gouvernement, le parlement et le ministère de l’Education aussi. Comment pourraient-ils être remis en cause pour une petite Tzigane? Et les fonctionnaires de l’inspection ou les professeurs de l’école n° 148! Eux aussi ont des enfants qui passent des examens, ou des congés à préparer, parce que l’été est arrivé et que les vacances frappent à la porte.

Tout le problème est là. Qui va se soucier, en Roumanie,d’une petite Tzigane?

(Mis en forme par Christophe Cirone/ER)


Roumanie/Otan: Ballet diplomatique

Adevarul, 26 mai 2000 - traduit par Madalina Cirlanaru


Pour se rendre à la réunion du Conseil du partenariat Nord-Atlantique de Florence, le ministre des Affaires étrangères roumain, Petre Roman, a dû vivre quelques péripéties aériennes. Dans son discours d’ouverture de la réunion, le
secrétaire général de l’Otan, Lord Robertson, a tenu à exprimer sa joie de savoir que, malgré cet incident inattendu, notre Premier ministre avait pu arriver sain et sauf en Italie. La réunion passée, subsiste la question: cela en a-t-il valu la peine?

Par Bogdan Chirieac


A l’ordre du jour de la réunion, le Kosovo a été à l’honneur. Une crise qui n’en finit plus, une situation beaucoup plus compliquée qu’il y a un an et demi. Derrière le Kosovo, le problème Milosevic, évidemment. Ces derniers temps, ces deux problèmes ont paralysé toutes les réunions internationales.

Mais la focalisation de l’attention sur la personne du dictateur serbe a pour effet d’esquiver le vrai problème qui grève l’Europe du Sud-Est: le sous-développement économique. Les conditions de vie dans les Balkans sont à l’origine des nombreux conflits qui ont généré des problèmes en Europe ces dernières années: l’intolérance ethnique et religieuse, dégénérée en conflits ouverts.

Madeleine Albright, la secrétaire d’Etat américaine, a déclaré aux participants que le processus de reconstruction de la région devrait être relancé. Evidemment, tous ceux qui étaient présents, voisins de l’ex-Yougoslavie, se

sont dit d’accord. Malheureusement, le Pacte de stabilité dans les Balkans, initiative européenne qui aurait dû représenter une bouffée d’oxygène pour les économies dévitalisées de cette partie de l’Europe, est toujours au point mort.

On parle beaucoup, on agit peu. Mme Albright a affirmé que Washington souhaitait voir des résultats rapides. Nous aussi...

On avait alloué à la Roumaine 380 millions d’euro pour des projets d’infrastructure, dont on n’a pas vu l’ombre à l’heure actuelle. En revanche, le blocus du Danube dû au bombardement des ponts par les troupes de l’Otan

coûte à la Roumanie plus de 100 millions de dollars de dégâts par an.

A Florence, l’Occident a affirmé qu’il allait poursuivre sa politique, à savoir vanter aux serbes les avantages de la démocratie. Quant à la Croatie, où le dictateur Franjo Tudjman est récemment décédé, elle est devenue le 26e membre du partenariat pour la paix et le 46e membre du Conseil pour le partenariat de l’Atlantique nord.

Toujours à propos du Kosovo, de la Bosnie et de l’ex-Yougoslavie, les ministres des pays hors-Otan ont soulevé le problème de l’élargissement de l’Alliance. La semaine dernière, à Vilnius, neuf Etats candidats - Roumanie, Bulgarie, Lettonie, Lituanie, Estonie, Slovaquie, Slovénie, Albanie et Macédoine - ont signé une déclaration demandant à l’Alliance de l’Atlantique nord d’opter en ce sens dès 2002.


Les ministres des Affaires étrangères des neuf pays l’ont évoquée lors de la réunion de Florence. Cette déclaration se veut un moyen de pression diplomatique, dont le but est de provoquer - surtout aux Etats-Unis  un débat concernant la prochaine extension de l’Otan. Commentaire de Madeleine Albright: “J’applaudis la déclaration de Vilnius”.

Il est évident que les portes de l’Otan ne peuvent pas s’ouvrir simultanément à neuf candidats. Et pourtant, en regardant de plus près la liste de ces pays, on constate qu’à elle seule, la Roumanie représente un territoire et un nombre d’habitants presque aussi important que celui des huit autres Etats réunis. Petre Roman déclarait à Florence: “Je suis tranquille. Si un pays doit être reçu dans l’Organisation du traité de l’Atlantique nord en 2002, ce sera la Roumanie”. Un nouvel élargissement de l’Otan sans la Roumanie n’aurait pas de sens, de tous les points de vue - politique, militaire, stratégique. Le flanc nord sera de toutes façons renforcé, pas de problème de ce côté-là. En revanche, le flanc sud, qui a été le théâtre de tous les conflits européens de ces dix dernières années, jouit d’une stabilité précaire. Il serait donc absurde de croire par exemple qu’à elle toute seule, la Roumanie, une fois admise dans l’Otan, apporterait un gage de sécurité à cette partie de l’Europe.

La présence de la Roumanie parmi le prochain lot d’invités de l’Otan n’a rien d’acquis. La nouvelle extension de l’Alliance, malgré le degré de préparation des candidats, sera toujours une décision politique où les Etats-Unis auront toujours le rôle principal. Mais il est bon de faire connaître le point de vue de la Roumanie, selon lequel tout nouvel élargissement de l’Organisation sans elle serait impensable. La décision appartiendra exclusivement à la future administration américaine.

Le Conseil du partenariat de l’Atlantique nord se réunit deux fois par an. Que les ministres des Affaires étrangères de tant de pays se rencontrent et se parlent, c’est d’ores et déjà une chose très positive. Et ce n’est pas tout: à Florence, la Russie et l’Otan ont décidé de normaliser leurs relations, et la Pologne a promis de réclamer Ilie Ilascu (combattant moldave pour la liberté et l’indépendance de la Transnistrie) aux terroristes de Transnistrie pour qu’il
puisse être jugé sur un territoire neutre.

En général, on y a échangé des idées, des opinions, on a serré des mains... Et pourtant, reste en suspens la question suivante : une telle réunion a-t-elle mérité les efforts et les risques assumés par la délégation roumaine? Si on dresse un bref bilan, voici les résultats: on a constaté, comme on le fait depuis presque dix mois, que le Pacte de stabilité était bloqué, que la situation dans l’ex-Yougoslavie est de plus en plus floue, et que l’extension de l’Otan, prévue de toute manière pour Dieu sait quand, comprendra Dieu sait qui.

En général, les réunions des ministres des Affaires étrangères n’ont pas de suites spectaculaires. On oublie en revanche que la guerre en Yougoslavie a traumatisé tout le sud-est de l’Europe, non seulement du point de vue économique, mais aussi politique, social et culturel. Il y a un an, on y voyait l’Otan et les Etats-Unis décidés à mettre de l’ordre dans l’espace euro-atlantique. On a vu des bombardiers voler vers la Yougoslavie, des bombes tomber, on a entendu parler des milliards de dollars alloués à la campagne militaire, et on a reçu les fax de Bruxelles, où l’on demandait l’appui de la Roumanie. Mais à présent, cette détermination face au sort de la région paraît s’être sensiblement tarie. Pour les Balkans, la rencontre de Florence n’a été rien de plus qu’un ballet diplomatique. C’est peu, au regard des attentes des habitants du sud-est de l’Europe. Dans de telles conditions, il serait plus judicieux de concentrer son attention sur les pourparlers avec l’Union européenne.

Parce qu’on refuse de fixer à l’année 2002 le prochain élargissement de l’Alliance, pour la simple raison que la Roumanie n’est pas reconnue comme leader de la seconde vague d’adhésions, l’Otan commence à ressembler de plus en plus à un club fermé, doté de règles strictes qui échappent à ses laissés-pour-compte.

(mis en forme par Christophe Cirone)