Presse Bosnie Herzégovine - années 2002 - 2004
DNEVNI AVAZ Les habitants de Tuzla vont bientôt boire l’eau du lac de Modrac TRADUIT PAR URSULA BURGER OESCH Publié dans la presse : 5 décembre 2004 L’accord a été donné pour la construction d’une usine de traitement d’eau, financée par un crédit du gouvernement hongrois. Avec les méthodes les plus avancées au monde de filtrage, les 300 litres d’eau produits par seconde mettront fin aux réductions d’eau récurrentes que connaissait la ville. Suite aux accords signés entre les Gouvernements de Bosnie-Herzégovine et de Hongrie en matière de crédit pour le projet d’approvisionnement d’eau pour les villes de Tuzla et de Brcko, le gouvernement hongrois a signé un deuxième contrat qui concerne exclusivement la région de Tuzla. Par cet accord, le gouvernement de Budapest met à disposition un crédit d’un montant de 5.8 millions d’euros, destiné à la construction d’une usine d’eau potable d’une capacité de 300 litres/seconde. « Nous avons reçu la confirmation de la part des Hongrois, et le projet va être signé la semaine prochaine par le Conseil des Ministres de Bosnie-Herzégovine », confirme le Maire de la municipalité de Tuzla, Jasmin Imamovic. Par la signature de cet accord et grâce à l’engagement du Canton de Tuzla, de la Municipalité de Tuzla ainsi que du Conseil des Ministres de Bosnie-Herzégovine, un pas important a été fait en direction de la résolution d’un problème qui posait problème à la ville de Tuzla depuis des décennies. Avec les 300 litres d’eau par seconde supplémentaires, les problèmes de réduction d’eau dans la ville du sel seront entièrement résolus. L’usine va être construite à Cerik, près de Tuzla. L’eau qui sera filtrée dans cette usine selon les méthodes les plus avancées au monde, sera acheminée depuis le lac de Modrac. L’usine sera construite par l’entreprise hongro-canadienne Zenon, qui, selon Jasmin Imamovic, a déjà monté le même type d’usine à San Francisco et quelques autres villes américaines. |
Bosnie : la bibliothèque nationale en difficulté Publié dans la presse : 3 décembre 2004 La bibliothèque nationale de Bosnie créée en 1537 et détruite en 1993 connaît aujourd’hui un avenir incertain : les moyens financiers que nécessite sa refondation s’essoufflent et sans davantage d’implication des responsables locaux, la communauté universitaire risque d’en ressentir les conséquences. Selon son directeur, si aucune aide n’est allouée, la bibliothèque pourrait fermer ses portes. La bibliothèque nationale et
universitaire de Sarajevo connaît de grosses difficultés financières et
risque de fermer ses portes ! Cette institution, que les armées de
Karadzic et Mladic ont incendiée et détruite en 1993, n’a pas de
financement, son statut n’est pas établi et, selon son directeur, elle
risque de cesser ses activités. La Bibliothèque nationale et
universitaire de Bosnie-Herzégovine a une histoire longue et mouvementée.
Elle remonte à la création d’une première bibliothèque par le
gouverneur ottoman de la province de Bosnie, Gazi Husrev, en 1537, année
de la fondation, en France, de la Bibliothèque royale. Elle s’est
maintenue pendant toutes les vicissitudes de l’histoire du pays,
jusqu’à sa refondation, à la libération, en 1945. Détruite en 1993, avec ses cinq millions
de volumes, elle a trouvé refuge dans les bâtiments de l’ancienne
caserne Tito, destinée à devenir le campus universitaires de Sarajevo. L’action de reconstitution de la
bibliothèque a été entamée en 1993 avec le soutien de l’UNESCO et
l’aide d’un grand nombre de pays (l’Association Sarajevo a soutenu
en son temps la campagne menée en France). D’importants fonds ont pu
ainsi être réunis, qui ont permis à la Bibliothèque de Sarajevo
d’occuper son rang dans la chaîne de la coopération internationale des
grandes bibliothèques. Ces résultats se trouvent malheureusement compromis par l’insuffisance des crédits alloués à son fonctionnement et la précarité de son statut, dus, selon les responsables de l’établissement, au désintérêt total que lui portent les autorités gouvernementales. C’est l’ensemble de la communauté universitaire, et par voie de conséquence, l’ensemble de la société de Bosnie-Herzégovine, qui devront payer le prix de cette impéritie. |
CIJ : la plainte de la Bosnie-Herzégovine contre la Serbie-Monténégro bientôt examinée Publié dans la presse : 18 novembre 2004 La Cour internationale de justice devrait commencer en février 2006 l’examen de la plainte de la Bosnie-Herzégovine contre la Serbie et Monténégro. En attendant, les autorités de Republika Srpska viennent de faire un geste inédit, en arrêtant huit suspects de crimes de guerre, qui seront jugés devant des tribunaux locaux. Huit personnes accusées de crimes de guerre en Bosnie-Herzégovine ont été appréhendées la semaine dernière par la police de Republika Srpska, sur la base de mandats délivrés par le Tribunal cantonal de Sarajevo. Elles seront jugées, en accord avec le Tribunal de La Haye, par la justice bosnienne. La porte-parole du Haut Représentant Paddy Ashdown a tenu à faire la distinction entre les inculpations relevant des juridictions locales et celles prononcées par le TPI. Saluant le geste accompli par les autorités de la Republika Srpska, elle a déclaré que celles-ci seront finalement jugées sur leur capacité à arrêter les criminels recherchés par le Tribunal de La Haye. Le Président du TPI, Theodor Meron, a de nouveau relevé devant le Conseil de Sécurité de l’ONU la défaillance du gouvernement de l’entité serbe à se conformer à ses obligations dans ce domaine. Le commissaire aux relations extérieures de l’Union Européenne, Chris Patten, a émis les mêmes critiques, tandis que le Conseil de l’Union a étendu le gel des avoirs de Karadzic, Mladic et Gotovina à 18 autres personnes inculpées par le TPI. La plainte de la Bosnie contre la Serbie-Monténégro examinée en févrierParallèlement à ces affaires qui portent sur les responsabilités individuelles encourues pour les crimes commis pendant les guerres de 1991-1995, se déroule la procédure ouverte à la suite de la plainte déposée en 1993 devant la Cour Internationale de Justice par la Bosnie-Herzégovine contre la Serbie-Monténégro, pour génocide. La presse de Sarajevo annonce que cette autre juridiction internationale, qui siège également à La Haye, a décidé d’ouvrir le débat, les représentants des deux États en cause étant invités à une première audience, le 27 février 2006. La CIJ s’était déclarée compétente, malgré l’opposition du gouvernement de Belgrade qui a tenté, en vain, de trouver un arrangement avec celui de Sarajevo. On considère à Sarajevo que la condamnation du général Krstic pour génocide et le récent rapport de la commission officielle de la RS sur Srebrenica renforcent les chances de succès de la demande de la Bosnie-Herzégovine, qui pourrait passer assez rapidement en jugement. En cas de condamnation de la Serbie, celle-ci aurait de lourdes réparations de guerre à verser à la Bosnie-Herzégovine. De nombreux citoyens souhaiteraient que le gouvernement renforce son équipe d’avocats en y adjoignant l’éminent juriste américain Francis Boyle, qui avait été le premier représentant de la Bosnie-Herzégovine auprès de la CIJ. Certains ont même lancé une collecte en ce sens. |
Unifier les marchés en Bosnie-Herzégovine :
une urgence pour accéder à l’UE Publié dans la presse : 10 septembre 2004 Alors que l’économie bosniaque ne sort pas du marasme, le pays paie le prix de sa division en deux « entités », séparées par des régimes fiscaux et douaniers différents. L’émergence d’un marché bosniaque unifié est pourtant désormais une condition pour le rapprochement européen du pays. Par Renata Radic Ceux qui connaissent bien la capitale de la Fédération de Bosnie-Herzégovine savent qu’un de ses meilleurs produits est la Sarajevsko pivo, la bière de Sarajevo, mais vous serez déçus si vous essayez de la commander à Pale, la capitale du temps de guerre des Serbes de Bosnie, à quelques kilomètres de là, en Republika Srpska. Ce n’est pas que les Serbes de Bosnie ne veulent pas acheter des produits de leurs anciens ennemis, mais parce que les entités créées par les Accords de Dayton ont des lois et règlements commerciaux qui n’aident pas les hommes d’affaires de Republika Srpska à vendre et à acheter des produits dans la Fédération. Ce qui veut dire que la plupart des produits vendus en Republika Srpska viennent de Serbie et Monténégro et que ceux qui sont vendus dans le sud de la Fédération viennent de Croatie. Les hommes d’affaires des deux entités bosniaques disent que cela n’est pas intéressant économiquement de faire du commerce entre eux, parce qu’ils doivent payer des taxes exorbitantes et se soumettre à des procédures administratives longues et compliquées qui finalement augmentent le prix des marchandises. Il est plus profitable pour eux d’importer des produits des pays voisins avec lesquels la Bosnie a signé des accords de libre-échange. Mais il devient très clair pour les hommes politiques locaux qu’il faut que les choses changent, pour deux raisons. La première est que la Bosnie doit devenir un marché unique pour remplir une des conditions majeures pour adhérer à l’Union européenne. Ensuite, les accords de libre-échange ont jusqu’à présent profité aux pays voisins plus qu’à la Bosnie. Les entreprises bosniaques ont beaucoup de difficultés à exporter leurs marchandises parce qu’elles ne peuvent pas p obtenir de certificat justifiant que leurs produits répondent aux normes exigées. La Commission européenne reconnaît que ce marché fragmenté pose des problèmes et elle s’est mise au travail pour élaborer une législation et d’autres mesures d’assistance pratique pour donner un coup de pouce aux perspectives européennes du pays. La nouvelle législation aura pour but d’éliminer les barrières commerciales internes et la bureaucratie, et des mesures pratiques viseront à aider les entreprises à obtenir les documents nécessaires pour exporter les marchandises, établissant ainsi un cadre légal pour la concurrence à l’intérieur du pays et la protection du consommateur. Le Parlement de l’État a déjà adopté plusieurs lois pour la régulation de la libre circulation des marchandises dans le pays et il existe des projets pour centraliser les services bancaires contrôlés par les entités et introduire un taux de TVA uniforme dans tout le pays ainsi qu’une harmonisation des diverses taxes sur les marchandises. En dépit de ces mesures, il est difficile de dire quand la Bosnie peut espérer voir un marché économique unique avec des produits locaux prendre la place des produits importés, d’autant plus que les principaux partenaires dans ce processus donnent tous des échéances différentes. Le représentant de la Banque mondiale, Tarik Sehovic affirme que les lois pourraient être harmonisées en cinq mois, mais que cela prendra plus de temps de les appliquer. Zlatko Hurtic, conseiller en stratégie du développement auprès du Conseil des ministres de Bosnie pense qu’il faudra plus de temps parce que le marché financier est lui aussi fragmenté, avec deux bourses et deux institutions de régulation et des secteurs d’assurances séparés. Donald Hays, adjoint au Haut Représentant, pense que l’union économique est une affaire de 12 à 14 mois, parce que, dit-il, les gens commencent à s ‘apercevoir qu’il est important que les entreprises locales soient prospères, quelle que soit l’entité où ces entreprises sont basées. Le fait que les autorités de Bosnie veulent voir leur pays admis au sein de l’Organisation Mondiale du Commerce et de l’Union Européenne font penser que les propositions pour créer un marché unique vont être mises en route. La seule question est de savoir quand. |
Bosnie : l’adhésion au
« Partenariat pour la Paix » devra attendre Publié dans la presse : 18 juin 2004 L’OTAN se prépare à refuser l’adhésion de la Bosnie-Herzégovine au programme du Partenariat pour la Paix (PfP), qui devrait être discutée au Sommet d’Istanbul, du 26 au 28 juin prochain. Des voix s’élèvent pour faire payer ce rejet aux Serbes de Bosnie. Par Sead Numanovic et Nema Jelacic Les diplomates occidentaux cachent bien leurs jeux, mais il est certain que des doigts accusateurs vont montrer la Republika Srpska (RS) pour son rôle dans les crimes de guerre. L’échec de la RS pour arrêter un seul des suspects recherchés par le Tribunal International pour les crimes de guerre est la raison principale, mais pas la seule, pour expliquer le refus de l’OTAN, expliquent les diplomates occidentaux. Selon diverses sources d’institutions internationales travaillant en Bosnie, la RS peut s’attendre à des pénalités qui iront du renvoi de représentants officiels à des sanctions financières et même à des changements constitutionnels. À l’intérieur du pays, le « non » de l’OTAN va infliger encore plus de blessures à l’Etat bosniaque instable et fragile alors que l’adhésion au PfP semblait pratiquement acquis en 2003. Les hommes politiques de l’Etat et des entités croyaient que les réformes militaires récentes établissant un système de commandement unifié (mais pas une seule armée) garantiraient à la Bosnie l’adhésion à l’alliance comme pour les autres Etats ex-communistes. Il est clair maintenant que la Bosnie et l’Union de Serbie et Monténégro seront les deux seuls Etats des Balkans à rester en dehors du PfP, résultat du mécontentement de l’OTAN devant l’échec à arrêter les suspects de crimes de guerre. Lors d’une visite en Bosnie à la fin du mois de mai, le secrétaire général de l’OTAN, Jaap de Hoop Scheffer a exprimé ce mécontentement en termes crus. Les chances de la Bosnie de rejoindre le PfP cette année étaient « proches de zéro ». Et d’ajouter que « l’ordre des choses pour l’OTAN, c’est d’abord l’arrestation des criminels de guerre, l’adhésion au PfP après et non pas l’inverse ». Les diplomates en Bosnie et à l’étranger ont essayé d’adoucir le choc que ces paroles ont provoqué en exprimant leur confiance dans la RS pour qu’elle livre, à temps pour le sommet, son ancien dirigeant, Radovan Karadzic, qui est le premier de la liste des hommes recherchés. Mais plus les dates des 26 au 28 juin du sommet s’approchent, plus l’espoir s’amenuise. Des déclarations officielles de la RS suggèrent qu’il y a peu de chances de voir Karadzic derrière les barreaux avant que les délégations partent pour Istanbul. Zoran Djeric, le ministre de l’Intérieur de la RS, a admis la semaine dernière qu’il serait impossible de résoudre la question de la coopération avec le tribunal pour le sommet et de suggérer « la fin de l’année » comme une date butoir plus réaliste. Pourtant, la communauté internationale a clairement fait savoir qu’elle tenait la RS pour responsable de l’échec de la Bosnie à l’adhésion au PfP. Paddy Ashdown, le Haut Représentant en Bosnie-Herzégovine a récemment dit que le refus de la RS de livrer les accusés de crimes de guerre mettait même en question son propre statut. « La RS affaiblit sa légitimité en ne répondant pas à ses obligations internationales car l’existence même de la RS repose sur ces conditions à remplir ». Ces paroles ont provoqué la colère en RS, où les hommes politiques les ont qualifiées de « contre productives », mais dans le même temps le Bureau du Haut Représentant (OHR) envisage toute une série de mesures allant du renvoi de représentants officiels aux sanctions financières. La première des cibles pour le renvoi serait, selon Julian Braithwaite, le directeur de la communication du OHR, le ministre de l’Intérieur, Zoran Djeric et le chef de la police, Radomir Njegus. Ces derniers sont en ligne de mire car ils sont tenus pour directement responsables de l’apparente liberté de circulation des criminels de guerre en RS. Mais, on sait que ces deux hommes ne seront pas les seuls à subir le renvoi ou l’interdiction d’activité politique On croit savoir que le OHR examine une liste de six ou sept membres du parti au pouvoir, le Parti démocratique de Serbie (SDS) qui pourraient aussi être renvoyés après le sommet de l’OTAN en juin. Ces noms sont ceux de dirigeants du SDS, tous dirigeants régionaux de l’est de la république où Karadzic et beaucoup d’autres criminels de guerre sont suspectés de se cacher. Si le OHR impose des sanctions financières, elles viseront plutôt des individus que le parti au pouvoir, qui subit des sanctions depuis deux mois. En avril, Paddy Ashdown a gelé tous les paiements d’Etat, des entités et des municipalités au SDS, au prétexte qu’il continue à maintenir des liens financiers illégaux avec son fondateur, Radovan Karadzic. Paddy Ashdown a montré sa volonté de poursuivre les individus qui continuent à financer ou à aider par d’autres moyens les criminels de guerre. Pendant les deux années de son mandat, il a gelé les comptes en banque et interdit les déplacements à l’étranger de plus d’une vingtaine de personnes. Une source internationale a mentionné la possibilité d’une troisième sorte de sanctions contre la RS, qui consisteraient en des changements constitutionnels qui renforceraient les institutions de l’état au détriment de celles des entités. Beaucoup de Bosniaques musulmans souhaitent la disparition pure et simple de la RS en tant qu’entité, mais ce désir est à ranger dans le royaume des rêves politiques. Quand Sulejman Tihic, membre bosniaque de la présidence tripartite du pays, a demandé récemment l’abolition des entités, Dragan Kalinic, président de l’assemblée de la RS, a prévenu que le petit Etat ne disparaîtrait pas sans se battre. De telles demandes, a-t-il dit à la télévision, « pourraient raviver un feu que l’on croyait éteint. Suljeman Tihic et ses semblables ne pourront pas abolir la Republika Srpska parce qu’elle appartient au peuple serbe et que le peuple serbe la défendra ». Alors que l’opinion publique des deux entités attend le verdict du sommet, des voix s’élèvent dans la communauté internationale pour faire remarquer que le moment n’est pas opportun pour pénaliser la RS pour des échecs connus depuis longtemps. Un membre d’une institution internationale fait remarquer qu’imposer une punition après, plutôt qu’avant le sommet de l’OTAN « n’est pas un signe de gouvernance efficace ». Un autre a exprimé la même préoccupation : « si nous connaissions déjà qui sont les individus et les institutions qui font obstacle au progrès de ce pays, et si nous avions su qu’ils continueraient à tisser un réseau de mensonges et de paroles vides sans agir pour mettre le pays sur le chemin de l’Europe, pourquoi attendre pour prendre des mesures ? » Une étude publiée la semaine dernière par un réseau d’experts basé en Slovénie, IFIMES, l’institut international pour les études sur le Moyen-Orient et les Balkans, ne se contente pas de faire porter la responsabilité de l’échec de la Bosnie à l’adhésion au PfP sur la seule RS. Ils en rendent responsables aussi les institutions d’Etat de la Bosnie et la communauté internationale. Cette étude souligne que le SDS et sa politique ont été les principaux obstacles à l’admission de la Bosnie au PfP mais que le SDS a reçu un soutien du Haut Représentant qui a présenté les partis nationalistes comme des partis réformateurs. Alors que le monde politique de la RS se demande ce qui va arriver, toute la Bosnie ressentira les conséquences de la liberté continuelle de Karadzic car la réponse négative de l’OTAN aura plus de conséquences qu’un simple délai pour le PfP. Le « non » de l’alliance va ralentir tout le processus de réforme et aura un effet négatif sur la réponse de la Commission européenne sur l’ouverture des négociations sur l’Accord de Stabilisation et d’Association (SAA) avec l’Union européenne. Comme Michael Humphreys, chef de la délégation de l’UE en Bosnie, l’a exprimé, « l’UE et l’OTAN, ce n’est pas la même chose, mais quand on parle de la coopération avec le tribunal, notre statut est plus ou moins le même. Comme l’OTAN va examiner la demande d’adhésion de la Bosnie-Herzégovine avant nous, si sa réponse est négative, nous ne serons pas en mesure de l’ignorer. » |
Bosnie : pour mettre fin à la
ségrégation scolaire Publié dans la presse : 3 juin 2004 Le Haut Représentant pour la Bosnie, Paddy Ashdown, impose une date limite pour trouver des solutions au problème des écoles divisées selon des lignes ethniques. Par Marija Amautovic À première vue, la cour de récréation, à l’heure du déjeuner, de l’école primaire Mushvin Rivzic à Fojnica, en Bosnie centrale, ne semble pas différente des autres écoles du pays. Mais ces enfants qui rient dans la cour de récréation cachent le fait que cette école est différente. Il n’y a qu’un seul bâtiment mais il abrite en fait deux écoles, l’autre école s’appelle Goran Kovacic avec des élèves qui suivent un enseignement en croate. Il y a peu de différences entre les deux langues et les enfants peuvent parfaitement se comprendre, mais ils vont dans des écoles séparées avec chacune son principal et son administration. Mushvin Rivzic fait partie de ces écoles de Bosnie-Herzégovine où les autorités locales résistent aux propositions d’unification du système éducatif. Cependant, cela pourrait devenir un vestige du passé très vite, car le Haut Représentant pour la Bosnie-Herzégovine, Lord Paddy Ashdown, après des mois de négociations qui n’ont pas abouti, a donné aux autorités locales jusqu’au 5 juin pour unifier les classes divisées. En 1995, les Accords de Dayton qui ont mis fin à trois ans de guerre ont divisé la Bosnie-Herzégovine en deux entités, la Republika Srpska (RS) et la Fédération, avec leurs systèmes solaires distincts. En RS, le système scolaire est unifié, alors qu’il ne l’est pas dans la Fédération. Selon la constitution de la Fédération, les 11 cantons disposent du droit de légiférer sur les sciences et la culture ainsi que sur les écoles. Le ministre des Affaires civiles de Bosnie, Safet Halilovic, décrit ces dispositions comme « une parfaite absurdité ». Non seulement cela justifie l’existence de 13 ministères de l’éducation, mais les autorités locales dirigées par les Croates ou les Bosniaques utilisent ce système pour promouvoir leurs propres programmes sectaires d’histoire et de langues. Les critiques disent que la Bosnie a besoin d’un système éducatif uni si elle veut progresser vers l’adhésion à l’UE. Les réformes de l’éducation ont commencé à la fin de l’année 2002 quand les autorités locales ont présenté une stratégie au Peace Implementation Council à Bruxelles pour moderniser et dépolitiser le système éducatif. En 2003, le ministre des Affaires civiles a commencé à coordonner les entités et les ministères cantonaux de l’Education. En juillet 2003, la Bosnie a adopté une loi cadre pour l’éducation primaire et secondaire, incluant un programme de base commun. Les ministères des entités et cantonaux avaient six mois pour harmoniser leur législation avec celle de l’Etat. Neuf mois plus tard, seul le district de Brcko en RS et cinq cantons de la Fédération, Una-Sana, Tuzla, Zenica-Doboj, Bosanske Poodrinje et Sarajevo, ont harmonisé leurs lois locales avec la Loi sur l’Education primaire et secondaire. Selon la porte-parole de l’OSCE, Elmira Bayrasli, il y a au moins 52 cas de « deux écoles sous le même toit » en Bosnie-Herzégovine. Parmi les cantons qui refusent d’accepter la loi, il y a celui de Bosnie centrale où se trouve l’école Mushvin Rivzic. Le ministre cantonal de l’Education, Nikola Lovrenovic, de la Communauté démocratique croate (HDZ), considère cette loi comme anticonstitutionnelle. « Les ministres cantonaux de l’Education, les seuls ayant un pouvoir législatif, n’ont jamais pris part à la rédaction de la loi, et non pas été consultés ». Cependant, le SDA, le Parti de l’action démocratique qui dirige le canton de la Bosnie centrale avec le HDZ, soutient la loi. Salko Selman, le Premier ministre du canton et chef du comité cantonal du SDA, affirme que son parti « ne soutiendra rien qui ne soit en accord avec la Loi cadre ». C’est pourquoi l’assemblée cantonale a refusé de soutenir des amendements à la loi, proposés par les représentants croates. Le Haut Représentant et le chef de la mission de l’OSCE en Bosnie-Herzégovine, Robert Beecroft, ont accusé les partis au pouvoir dans les cantons qui font de la résistance de miner les efforts pour harmoniser le système éducatif. En avril, Paddy Ashdown a réduit le budget du HDZ de Bosnie de 5 % pour le punir de son rôle dans la controverse scolaire. Mais les représentants de l’éducation pensent que les échecs locaux pour adopter la loi ne signifient pas qu’aucune avancée n’a été faite. « De grands progrès ont été accomplis dans la réforme scolaire l’an dernier en adoptant un programme de base commun », avance Zijad Pasic, le ministre fédéral de l’Education. Une des réformes fondamentales a été de mettre en place un corps d’experts au niveau fédéral pour l’application d’une école de neuf ans. Ce système devrait s’appliquer dans toute la Fédération au début de la prochaine année scolaire. En RS, où a adopté à l’unanimité la Loi sur l’éducation primaire et secondaire du 21 avril 2004, le porte-parole du ministre de l’Education Duska Golic a déclaré que la réforme pour l’enseignement primaire et secondaire avançait et que l’école de neuf ans serait bientôt mise en œuvre en RS aussi. En attendant, bien que formellement interdit par la loi, le système de « deux écoles sous le même toit » continue à Fojnica et ailleurs. Le principal de l’école Mushvin Rizvic, Mujo Zahirovic, insiste pour dire que son école n’a pas de problèmes à partager l’espace avec l’école Ivan Goran Kovacic. « Les classes pour Ivan Goran Kovacic sont séparées et nous travaillons chacun selon notre propre programme, et nous partageons la plupart du matériel pédagogique », dit-il, en ajoutant qu’il y a peu d’incidents de sectarisme. Mais le ministre Safet Halilovic n’est pas convaincu que ce système soit bénéfique. Avoir deux écoles, deux principaux, deux administrations et deux conseils d’administration n’est « rien d’autre qu’une ségrégation sur des bases ethniques », affirme-t-il. Les cantons doivent cesser ce blocage et appliquer la loi d’État, selon les obligations que la Bosnie a accepté de remplir pour rejoindre le Conseil de l’Europe. « Les intérêts de tous doivent être pris en considération quand on veut résoudre les problèmes », affirme la porte parole de l’OSCE, Bayrasli, ajoutant que la communauté internationale a été encouragée par le fait que la Loi cadre a été adoptée par tous. Zijad Pasic, est persuadé que le ministre fédéral de l’Education est bien au courant de l’étendue du problème, et admet qu’il faudra de l’aide pour trouver des solutions. « J’ai bien peur que les organisations internationales qui se préoccupent de la politique scolaire devront agir en médiateur et jouer un rôle très actif dans le processus. » |
Bosnie : à quand une unité spéciale
chargée d’arrêter les criminels de guerre ? Publié dans la presse : 2 juin 2004 Lundi dernier, lors de leur rencontre avec la Procureure en chef du Tribunal de la Haye, Carla del Ponte, les représentantes de l’Association Bosniaque des Femmes Battues ont exigé la création d’une unité spéciale au niveau national de la Bosnie-Herzégovine, qui se chargerait d’arrêter les personnes accusées de crimes de guerre. Par Antonio Prlenda L’idée n’est pas nouvelle. Autrefois, le Commandant de l’état-Major de l’Armée de la Fédération, le général Atif Dudakovic, affirmait qu’il créerait volontiers une telle troupe et prendrait son commandement. Il n’attendait que de recevoir un ordre allant dans ce sens. Cette idée resurgit publiquement à présent que l’OTAN envoie un message clair, selon lequel des mesures concrètes sont nécessaires quant à l’arrestation de Radovan Karadjic d’ici au sommet de l’OTAN, qui se tiendra à Istambul à la fin du mois de juin. Dans le cas contraire, pas question pour la Bosnie-Herzégovine de devenir cette année membre du Partenariat pour la Paix. Le membre serbe de la Présidence de Bosnie-Herzégovine, Borislav Paravac, a récemment reconnu à demi-mot que « le climat en Republika Srpska évolue par rapport à cette question ». Cependant, si on lui demande de préciser son opinion, il est d’avis qu’il faut attendre la création de l’Agence Nationale pour l’Information et la Protection (SIPA) qui, « dans sa structure aura également des forces chargées d’arrêter les accusés pour crimes de guerre ». Or pour créer cette agence, il faut du temps, un temps que, si l’on veut discuter d’une éventuelle adhésion au Partenariat pour la Paix en cours d’année, la Bosnie-Herzégovine n’a probablement pas. Cela montre à quel point il est dommage que l’on n’ait pas insisté sur la création bien auparavant d’une telle structure au niveau national. Mais vaut-il la peine d’en parler maintenant ? Il semble que oui, car Karadzic est toujours en liberté, et qui dit que ce ne sera pas le cas pendant les deux prochaines années !? Politiquement et éthiquement, cela serait vraiment effroyable (ça l’est d’ailleurs déjà depuis longtemps). C’est pourquoi, si on a déjà laissé s’écouler autant de temps, il faut réagir tout de suite. Le vice-président de la Fédération de Bosnie-Herzégovine, Sahbaz Dzihanovic, a dit l’autre jour qu’on ne pouvait rien obtenir avec des « méthodes ghandiennes », c’est-à-dire en refusant de dialoguer avec des collègues de RS aussi longtemps que Karadzic est en liberté. Et alors voilà une autre méthode - demander la création d’une telle structure de renseignement au niveau national. Qu’une telle troupe soit formée au sein de la SIPA ou non, la nécessité d’inclure dans ses lignes le meilleur de ce que la Bosnie possède est un impératif. Des deux entités. Toutefois, les forces spéciales de Bosnie sont depuis longtemps dans une situation ambiguë. En introduisant de nouveaux procédés opérationnels, elles tremblent devant les « contrôleurs » étrangers et des politiciens locaux peu crédibles. Les forces spéciales du Canton de Sarajevo, ainsi que Dragan Lukac, le commandant de l’unité spéciale de la police de la RS, en ont subi les conséquences directes. Dudakovic également. Les Commandos et les forces anti-térroristes qui tremblent ! Comment dans ce cas garder la concentration et la rigueur, impératives à chaque soldat spécialisé ? Enfin bon, c’est comme ça. Il faut bien travailler avec ce qu’on a sous la main. À l’occasion de la création d’une telle troupe, il est clair que le principal travail consiste à identifier et à tester ceux qui seront vraiment fidèles aux principes démocratiques et à l’Etat de Bosnie-Herzégovine. Leur appartenance à une telle troupe devrait être strictement confidentielle. En plus de tout cela, la tâche d‘d’arrêter des criminels de guerre n’est pas depuis longtemps déjà une question de forme psycho-physique et d’entrainement tactique de gaillards aux torses musclés. C’est avant tout un travail sensible des services secrets. Quand les organes politiques de Bosnie-Herzégovine sont en question, on est toujours sur un terrain glissant. Tout se résumera à nouveau à une question de volonté politique. C’est pourquoi ceux qui tiennent vraiment à ce que ce pays soit libéré de son héritage de la guerre et du génocide que, par le fait même d’être en liberté Karadzic continue à alourdir, doivent prendre cela comme un message clair et comprendre qu’il est définitivement temps de faire pression sur leurs collègues peu efficaces et pas intéressés de RS. Les pressions de la part de la Fédération de Bosnie-Herzégovine seraient importante car, vu de l’extérieur, il n’est pas évident que la rhétorique de la Communauté internationale pourra vraiment faire peur aux politiciens de la RS. Beaucoup d’entre eux ne font toujours rien car ils continuent d’avoir peur de Karadjic et de ses collaborateurs. C’est pour cela que la question suivante se pose : qui a le plus peur et de qui ? Il est dorénavant nécessaire d’agir sur deux fronts. |
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Bosnie-Herzégovine : la réforme
des Universités est bloquée Publié dans la presse : 20 mai 2004 La loi tant attendue sur les Universités qui n’a pas été votée par le Parlement fédéral bosniaque est révélatrice du fossé qui sépare les discours proeuropéen et la marche hésitante des réformes. Au début du mois, les députés croates ont empêché l’adoption de la loi cadre sur les universités, en invoquant « une clause d’intérêt national vital ». Par Elmira Bayrasli Les élus croates considèrent que cette loi est une menace pour les intérêts de leur communauté parce qu’elle ne fait pas une place adéquate à l’Université de Mostar, à prédominance croate. L’adoption de cette loi aurait répondu aux engagements de la Bosnie pour devenir membre du Processus de Bologne sur la coopération universitairee européenne et à ses engagements comme membre du Conseil de l’Europe. Elle aurait aussi assuré le versement de 12 millions de dollars par la Banque Mondiale pour la réforme de l’enseignement secondaire et universitaire. Après son échec au Parlement, la loi va maintenant aller devant la Cour constitutionnelle, qui devra trancher. Mais au-delà des décisions de la Cour, la conséquence immédiate et dommageable est la perte sèche de l’aide de la Banque mondiale pour l’éducation, fonds dont la Bosnie ne dispose pas aujourd’hui et qu’elle a peu de chances de se voir offrir à nouveau, car l’aide internationale est de plus en plus dirigée vers les zones les plus troublées de la planète. Pire encore, le fait de n’avoir pas voté cette loi importante ne va pas aider le système universitaire mal en point et anachronique de la Bosnie, qui coûte cher sans que l’on sache comment sont alloués les crédits, et qui prive les étudiants d’un enseignement aux normes européennes. Ces dernières années, les dirigeants bosniaques ont fait de gros efforts pour l’intégration européenne. À Strasbourg, la semaine dernière, le ministre des Affaires étrangères, Mladen Ivanic, a déclaré que son pays répondait à ses obligations en tant que membre du Conseil de l’Europe et que ses institutions progressaient vers les normes européennes. Cependant de telles déclarations sont en flagrante contradiction avec l’impasse politique qui bloque la voie des réformes des institutions, mettant à mal ces ambitions européennes. L’échec de la loi sur l’enseignement supérieur en est un exemple. L’échec des réformesPendant plus d’un an, des experts du ministère de l’Éducation et des universitaires représentant les communautés musulmane, croate et serbe ont travaillé avec des experts internationaux et des représentants du Conseil de l’Europe pour mettre au point la Loi cadre sur les Universités. La rédaction minutieuse prenait en compte les réalités politiques de la Bosnie tout en incluant les principes du Processus de Bologne qui encourage les États à partager les bénéfices de la Zone Européenne de l’enseignement supérieur. Le résultat fut une loi qui aurait assuré aux étudiants des cours de grande qualité à parité avec les autres institutions européennes, aurait assuré la reconnaissance des diplômes bosniaques par le reste de l’Europe, aurait facilité les études à l’étranger et aurait donné aux étudiants et au personnel un plus grand rôle dans les décisions concernant les universités. Au niveau de l’État, la loi aurait établi une agence centrale pour fixer des normes et reconnaître les qualifications. Des décisions sur la direction et le financement des Universités auraient été prises par consensus dans les deux entités. Mais la disposition en faveur d’une prise de décisions par consensus n’a pas été suffisante pour apaiser les craintes de certains, en particulier de la communauté croate qui a maintenu que le financement au niveau de l’entité menaçait la viabilité de l’Université de Mostar. Le 7 mai, dans une déclaration antérieure au blocage de la loi, les députés ont exigé des dispositions légales pour assurer la protection de l’Université de Mostar au niveau de l’État. À qui revient le financement des Universités ?Le financement des Universités au niveau étatique n’est pas réaliste aujourd’hui. Le gouvernement n’a pas les ressources fiscales, humaines et organisationnelles pour prendre cette responsabilité. Ce qui ne veut pas dire qu’il n’y a pas de protection. Le 27 avril, le Haut Représentant a assuré que l’université de Mostar « ne sera pas menacée par la réforme en cours », et qu ’il prendrait des mesures à l’égard de quiconque « essayerait de saper » cette institution. La loi proposée au Parlement était un compromis réaliste pour un pays qui se bat avec les réformes et n’a pas de temps à perdre. Pour que la Bosnie remplisse ses obligations envers le Conseil de l’Europe et le Processus de Bologne, elle a besoin d’aller de l’avant avec les ressources dont elle dispose. Le financement des Universités n’est possible actuellement qu’au niveau des entités. Restructurer le financement au niveau de l’état ne ferait que retarder le processus. Cela mettrait en danger la capacité du pays d’être prêt en 2010 pour rejoindre la Zone Européenne de l’enseignement supérieur, et par conséquent ruinerait sa crédibilité à remplir ses engagements internationaux. En résumé, cette loi veut assurer la place de la Bosnie au niveau européen et non pas priver de droits un groupe particulier. En tant que signataire en 1999 de la Déclaration de Bologne qui a mis en place le processus d’intégration de l’enseignement supérieur au niveau européen, la Bosnie doit entreprendre les réformes dont elle a besoin pour rationaliser son enseignement supérieur fragmenté et répondre aux normes européennes. Pour cela, elle a besoin d’un cadre législatif qui permette aux réformes de progresser, et qui n’est en aucun cas un carcan législatif. La Constitution de l’État garantit la loi sur l’enseignement supérieur, mais celle-ci sera assez flexible pour permettre des changements. C’est là que réside sa force. La loi pourra être modifiée selon l’évolution de l’enseignement supérieur. Mais la constitution est garante des droits de chaque peuple constitutif et aucune loi ne pourra saper cette disposition. Il est politiquement opportun pour les dirigeants bosniaques de faire miroiter avec enthousiasme un avenir au sein de l’Europe. Mais ils ont besoin de reconnaître que l’Europe est fondée sur la confiance et que des normes sont établies pour mettre en place l’égalité des chances plutôt que les intérêts particuliers ou ethniques. La méfiance montrée par les législateurs affaiblit la marche vers l’intégration européenne. En bloquant la loi sur l’éducation supérieure, sans anticiper sur l’avenir, ils ont jeté le doute sur la capacité du pays à dépasser le passé et à offrir de meilleures chances à leurs concitoyens. Ce n’est plus le temps de regarder derrière soi et de rejeter peureusement les opportunités. Il est temps de s’unir et de prendre des décisions pour le bénéfice de la Bosnie-Herzégovine. La Loi cadre sur l’enseignement supérieur reste bloquée au Parlement. C’est aux dirigeants bosniaques de débloquer la situation. Les citoyens de Bosnie-Herzégovine n’en attendent pas moins. |
Déminage : Le Canada offre 3,3 millions $ à la Bosnie 14 mai 2004 - Agence France-Presse - Sarajevo Le Canada a offert 3,3 millions de dollars à la Bosnie afin de l'aider à éliminer le million de mines qui infestent toujours le pays huit ans après la fin de la guerre (1992-1995), a-t-on appris auprès du Programme de Nations-Unies pour le développement (PNUD). Cette donation vise à financer des programmes de déminage
dans des zones qui jouent un rôle important dans le développement économique
du pays, a déclaré à la presse une porte-parole du PNUD, Nela Kacmarcik. |
Bosnie : l’Eglise orthodoxe quitte le Conseil inter-religieux Publié dans la presse : 14 avril 2004 Le Conseil inter-religieux de Bosnie commence à se disloquer avec le retrait de l’Eglise orthodoxe puis celui annoncé de l’Eglise catholique. Constitué en 1998, il devait aider à promouvoir la compréhension entre les communautés... Le Conseil épiscopal de l’Eglise orthodoxe de Bosnie-Herzégovine a décidé, le 9 mars dernier, de se retirer du Conseil inter-religieux de Bosnie-Herzégovine. Le communiqué publié à cette occasion est en fait une sorte de réquisitoire contre les autres membres du Conseil (Catholiques, Musulmans et Juifs), accusés de « n’avoir jamais pris en compte les crimes commis contre les nôtres ». Le Métropolite Nikolaï de Bosnie dément par ailleurs les accusations selon lesquelles l’Eglise orthodoxe aurait soutenu et aidé les criminels de guerre. Ces accusations sont notamment portées par des organisations internationales et, semble-t-il la SFOR. L’Eglise catholique a également annoncé récemment sa décision de se retirer du Conseil inter-religieux de Bosnie-Herzégovine, lequel ne comprend plus donc que de hauts dignitaires juifs et musulmans. Ce Conseil avait été constitué en 1998 dans un effort pour promouvoir la compréhension et la coopération entre les communautés juive, catholique, orthodoxe et musulmane de Bosnie-Herzégovine. |
Une nouvelle constitution pour la Bosnie-Herzégovine ? Publié dans la presse : 17 janvier 2004 L’European Stability Initiative (ESI), une agence d’analyse indépendante, a fait des propositions révolutionnaires, en proposant de supprimer les deux « entités » qui constitue la Bosnie-Herzégovine depuis les accords de Dayton, et de les remplacer par douze cantons. Le scepticisme prévaut à Sarajevo, tandis que ces propositions sont violemment rejetées en Republika Srpska. L’ensemble de l’opinion publique s’accorde sur le fait que l’actuelle structure gouvernementale et administrative du pays est insoutenable. D’un autre côté, des voix s’élèvent de plus en plus nombreuses, au niveau international, pour s’alarmer d’une situation grosse de nouveaux conflits, dans le cadre d’une aggravation générale des problèmes des Balkans, dont les récentes élections en Serbie sont le plus inquiétant symptôme. En résumé, l’ESI préconise une révision fondamentale de la Constitution de Dayton dont le trait marquant serait l’instauration une véritable fédération pour toute la Bosnie-Herzégovine, comprenant 12 cantons, dont l’un recouvrirait le territoire de l’actuelle entité de la Republika Srpska, plus le district autonome de Brcko. L’autre entité, la Fédération, cesserait parallèlement d’exister. Cet avant-projet a été envoyé aux autorités locales et internationales, ainsi qu’aux partis politiques. Les réactions ne se sont pas faites attendre. Le porte-parole du Haut représentant a soutenu l’ idée. Selon lui, « l’OHR considère ces propositions comme intéressantes et stimulantes. La Bosnie se trouve dans une impasse depuis la fin de la guerre et ne peut progresser. La Fédération de Bosnie-Herzégovine devrait en effet être abolie et le gouvernement central renforcé. Cette nouvelle Fédération comprendrait aussi la RS et le district de Brcko et les divers cantons constitueraient les unités fédérées du futur pays, un pays moderne, fonctionnel et européen ». Seada Palavric, vice-présidente du parti Parti de l’action démocratique (SDA, fondé par feu Alija Izetbegovic et actuellement au pouvoir) estime ce projet « intéressant, mais utopique ». Selon elle, il serait irréel de s’attendre à ce que la Repubmika Srpska « accepte de se voir réduite au statut de canton ». Pour elle, il faut continuer de considérer la Bosnie-Herzégovine comme un pays unifié, mais composé de plusieurs régions et cantons. Velimir Jukic, vice-président de la Communauté démocratique croate (HDZ, parti nationaliste également au pouvoir) pense pour sa part que la situation « n’est pas suffisamment mûre pour envisager un tel projet ». Il ne croit pas que « les représentants des peuples de Bosnie-Herzégovine » puissent se mettre d’accord à ce sujet. Selim Beslagic, vice-président du Parti social-démocrate (SDP, dirigé par Zlatko Lagumdzija) déclare que le projet de l’ESI serait le bienvenu « si cela devait mener vers une révision des accords de Dayton ». Haris Silajdzic, fondateur du Parti pour la Bosnie-Herzégovine, est opposé au projet de l’ESI. « Liquider une entité (la Fédération) tout en préservant l’autre reviendrait à accorder une prime à ceux qui, en recourrant au génocide, ont divisé la Bosnie. Je soutiens l’abolition des entités et l’organisation de la Bosnie-Herzégovine sur des principe régionaux, économiques, mais surtout pas ethniques", a-t-il expliqué. D’une manière générale, l’opinion publique à Sarajevo semble penser que c’est une bonne chose d’envisager certains changements, mais que l’idée de préserver la division ethnique en maintenant la Republika Srpska n’est pas acceptable. Opposition unanime en Republika SrpskaSelon l’agence de presse ONASA, les représentants de la Republika Srpska - autorités et partis politiques - considèrent les propositions de l’ESI comme tout à fait inacceptables. C’est ainsi que Dragan Kalinic, président du Parlement de la RS et du Parti démocratique serbe (SDS, le parti de Karadzic) a déclaré que la RS n’accepterait pas de se voir « rabaissée au niveau d’un canton ». Il serait plus logique de réorganiser la Bonie-Herzégovine en trois entités ethniques et non en douze cantons, a-t-il précisé. Il a par ailleurs proposé la constitution d’entités bosniaque et croate à la place de l’actuelle Fédération de Bosnie-Herzégovine, « sans que pour autant l’intégrité de la RS ne soit menacée ». Dragan Cavic, président de la RS, a déclaré qu’on pourrait peut-être arriver à un compromis, mais dans le cadre des accords de Dayton, sans remettre en question l’actuel statut de la RS. Dragan Mikerevic, premier ministre de la RS, affirme pour sa part que « la Republika Srpska est sacrée et intouchable. Nous devons la préserver de façon à ce qu’elle soit reconnue et acceptée par la communauté internationale ». Milorad Dodik, ancien Premier ministre de la RS et président des Socio-démocrates indépendants (SNSD) est tout aussi décidé : « La Bosnie-Herzégovine ne peut exister que telle qu’elle existe aujourd’hui, fidèle aux principes de Dayton, composée de deux entités et de trois peuples constitutifs ». Mirko Sarovic, ancien membre serbe de la Présidence tricéphale de Bosnie, a rejeté les propositions de l’ESI, en ajoutant que « la Bosnie n’a nul besoin d’experts pour se réorganiser ». Petar Krunic, représentant le Parti du progrès démocratique (PDP), actuellement au pouvoir en RS, et présidé par Mladen Ivanic, actuel ministre des Affaires étrangères de Bosnie, a déclaré que la constitution de la Bosnie-Herzégovine « ne pourrait être changée qu’après accord entre les trois peuples ». Il a par ailleurs accusé « certains milieux » de chercher à abolir la RS sous le prétexte d’abolir la Fédération de Bosnie-Herzégovine. Selon Petar Krunic, « le projet de l’ESI est une totale aberration ». Enfin, le Parti radical serbe de Vojislav Seselja rejeté les propositions de l’ESI, les considérant comme « grotesques et contraires aux accords de Dayton ». |
Bosnie-Herzégovine : difficiles débuts de la Commission Vérité et réconciliation Publié dans la presse : 13 janvier 2004
Le président de cette Association, Jakob Finci et ses collaborateurs ont tout d’abord rendu visite au TPI à La Haye, où ils ont clarifié un point important, à savoir que la Commission ne comptait pas rivaliser avec le Tribunal, mais qu’elle s’attaquerait à la recherche de la vérité sur ce qui s’est passé en Bosnie-Herzégovine au cours de la guerre de 1992-95. Il y a eu un accord avec le TPI, tant et si bien que Carla del Ponte, Procureure de ce tribunal, a récemment plaidé en faveur de la formation d’autres commissions similaires sur l’ensemble du territoire de l’ex-Yougoslavie. Sa proposition n’a pas encore eu de suite. M. Kostunica, quand il était président de la Fédération yougoslave (Serbie-Monténégro), avait bien créé une commission au niveau de l’État, mais sa tentative a vite avorté devant l’ opposition de l’opinion publique, en raison précisément de son caractère gouvernemental. Plusieurs personnalités, juristes et historiens (tels Vojin Dimitrijevic et Latinka Perovic) avaient alors décliné l’invitation de Kostunica, qui aurait voulu qu’elles siègent dans cette commission. En Bosnie-Herzégovine, l’Association Vérité et Réconciliation avait proposé, au début de 2002, l’élaboration d’un projet de loi sur la constitution de cette commission. Le texte repose dans les tiroirs du ministère des Droits de l’homme Mirsad Kebo, qui devrait saisir le Parlement. Il ne se passe rien pour le moment, les partis nationalistes actuellement au pouvoir étant opposés à ce projet. On a toutes les raisons d’être sceptique sur son avenir. |
La
ville de Belgrade apporte son soutien à la reconstruction de Sarajevo TRADUIT PAR PERSA ALIGRUDIC Publié dans la presse : 4 janvier 2004 L’annonce que Belgrade allait apporter son aide à la reconstruction de la ville de Sarajevo détruite au cours de la guerre en Bosnie-Herzégovine a été timidement annoncée dans les médias belgradois, alors que ceux de Sarajevo en ont beaucoup parlé. D’autres projets de collaboration culturelle vont se développer entre les deux capitales. Par Ivana Vuskovic Au cours d’une récente visite dans la capitale de Serbie, le ministre de la Culture et des sports du canton de Sarajevo, Ivica Saric, a confirmé que Belgrade était prêt à prendre à sa charge la reconstruction d’un bâtiment à Sarajevo où seront installés le Musée de la ville et l’Institut pour la protection du patrimoine culturel et historique, qui n’avaient plus de toit depuis la guerre. L’initiative pour cette forme de collaboration entre les deux capitales, qui appartenaient autrefois au même pays, a vu le jour au cours de la visite officielle d’une délégation de la ville de Belgrade, l’été dernier, à Sarajevo. Ayant en vue que l’infrastructure de Sarajevo a été grandement endommagée lors des bombardements de 1992 et 1993, la reconstruction de la capitale de la Bosnie a été l’un des sujets de conversation entre la mairesse de Belgrade, Radmila Hrustanovic, et Muhidin Hamamdzic, maire de Sarajevo. « Lors de mon séjour à Sarajevo, nous avons pensé qu’un bon geste envers cette ville et ses habitants serait que nous participions concrêtement à la reconstruction de certains espaces verts de la ville, qui avaient été détruits lors de la guerre, ou d’un édifice revêtant une grande importance pour Sarajevo », explique Radmila Hrustanovic. Cette proposition de Belgrade est arrivée au bon moment, c’est-à-dire qu’elle a coïncidé avec la décision de la Commune de Stari Grad, à Sarajevo, d’attribuer un autre bâtiment pour les besoins du Musée et de l’Institut. Ce bâtiment est connu sous le nom de Villa Herman, il est situé dans la rue Josip Stadler. Ce bâtiment, grandement endommagé au cours de la guerre, abritait autrefois un jardin d’enfants, et il jouit actuellement du statut de bien culturel et historique. « Ils ont proposé ce bâtiment et nous avons été d’accord avec eux. Nous avons l’intention d’allouer des fonds à cette fin par le biais de notre Institut pour la protection des monuments culturels. Nous avons reçu de Sarajevo le devis de restauration de la Villa Herman, qui s’élève à environ 100 000 euros. Comme nous en avons convenu, Belgrade participera au financement du bâtiment jusqu’à hauteur de 20 à 30% de cette somme. Les Belgradois en seront de toute façon informés en temps voulu », souligne Radmila Hrustanovic. Le directeur de l’Institut pour la protection du patrimoine culturel et historique du canton de Sarajevo, Munib Buljina, estime que la reconstruction de la villa durera six mois. Depuis six ans, cette institution ne faisait que changer d’adresse. En s’installant donc dans ce nouvel espace, l’Institut et le Musée de la ville de Sarajevo résoudront ainsi durablement leur problème. L’initiative de Belgrade a été interprété comme un geste de bonne volonté et une démarche d’hommes courageux par l’opinion publique de Sarajevo. Le maire adjoint de Sarajevo chargé des activité sociales, Ramiz Kadic, a salué l’action des autorités belgradoises comme une marque d’attention, et il a souligné que le montant de l’aide financière était beaucoup moins important que le geste de bonne volonté accompli par Belgrade. « Sarajevo salue très sincèrement ce geste. Je pense qu’est venu le temps des décisions et des hommes courageux et j’espère que cette démarche de Belgrade ne restera pas unilatérale. Il est important que les citoyens des deux villes reconnaissent les rapports positifs qui se développent au niveau de nos pays », a-t-il récemment déclaré. « J’espère que ceci représente une action positive qui rapprochera les hommes et les villes, et je pense que Belgrade n’a pas de raison de ne pas reconstruire des ponts d’amitié avec Sarajevo », a souligné Radmila Hrustanovic, en ajoutant que c’était bien là un geste d’amitié et de collaboration qui est vu de manière positive à Sarajevo. Bien entendu, l’annonce de la restauration de la Villa Herman a particulièrement réjoui les travailleurs culturels de la capitale bosniaque. Après une collaboration entamée il y a deux ans entre les deux villes, dans le cadre des Ateliers internationaux du textile et de la faïence organisés à Sarajevo, les travailleurs des services de la culture sarajevois ont exprimé une joie sincère du fait que Belgrade et Sarajevo se soient finalement ouvertes l’une à l’autre, et ils ont qualifié le geste de Belgrade comme un voie à suivre pour tous. Les dirigeants du Théâtre dramatique yougoslave et de l’Atelier 212 ont eu récemment des entretiens avec leurs collègues des théâtres de Sarajevo au sujet d’ une collaboration culturelle entre les deux capitales et, à cette occasion, il a été convenu qu’une « Semaine de la culture de Sarajevo » aurait lieu à Belgrade au début de l’année 2004. Une centaine d’artistes de Bosnie devraient participer à cette manifestation, tandis que les artistes belgradois auront aussi l’occasion de présenter leurs réalisations aux Sarajevois. Dans le cadre de ces accords, des projets impliquant les Archives et les Instituts pour la protection des monuments de Belgrade et de Sarajevo seront entrepris en commun. |
Le projet d'une Bosnie-Herzégovine multiethnique a-t-il échoué ? TRADUIT PAR PERSA ALIGRUDIC Publié dans la presse : 5 juillet 2003 Hidajet Repovac, professeur à l'Université de Sarajevo, et Miodrag Zivanovic, chef du département de philosophie de l'Université de Banja Luka, s'expriment sur l'avenir de la Bosnie, près de huit années après la fin de la guerre. Retranscription du « pont » radiophonique de Free Europe. Propos recueillis par Omer Karabeg Omer Karabeg (O.K.) : nos interlocuteurs sont Hidajet Repovac, sociologue et professeur à la faculté des Sciences politiques de Sarajevo, et Miodrag Zivanovic, responsable de la chaire de philosophie à l'Université de Banja Luka. Certains pensent que les divisions ethniques observées actuellement en Bosnie-Herzégovine [BH] rappellent celles d'avant la guerre. Partagez-vous cet avis, monsieur Zivanovic ? Miodrag Zivanovic (M.Z.) : Il y a en effet des similitudes. Il est clair que nous avons ici trois territoires « ethniquement purs », et qu'il y a de profondes divisions entre les différentes communautés du pays. Toute possibilité de bâtir une société moderne semble bloquée. En BH, nous vivons comme des Serbes, des Croates, des Bosniaques, mais non comme des hommes ou des citoyens qui appartiennent à un même pays. Cet aspect des choses est d'ailleurs rendu possible par la constitution, si bien qu'en BH rien n'existe en dehors de l'appartenance ethnique. Le plus grave, c'est que nos peuples désormais se haïssent, alors que nos représentants politiques, qui jadis se détestaient, collaborent parfaitement. Hidajet Repovac (H.R.) : Je pense que la haine a atteint un niveau dangereux, voire terrible. En effet, notre pays est devenu étranger aux gens qui y vivent. Autrefois, on trouvait partout des amis avec qui discuter ou de bons voisins, et cela de Trebinje à Pocitelj jusqu'à Bihac et Prijedor. Ce n'est plus possible désormais. Maintenant, les gens ont peur d'être surpris par la nuit sur les routes de BH. C'est une situation qui a été engendrée par la dernière guerre, mais aussi par les partis politiques nationalistes. Ces derniers ont transmis leur haine au peuple, manipulant ainsi les gens pour mieux régner, alors qu'eux ont ensuite trouvé le moyen de s'entendre. M.Z. : Le système scolaire renforce ce sentiment de haine. Les uns et les autres s'y sentent en danger. Les programmes d'enseignement, déformés, produisent des générations complètement handicapées sur le plan humain. Ce n'est pas seulement un sentiment de menace physique ou d'intolérance envers l'autre, mais le fait que la haine s'installe dans l'âme des gens. H.R. : C'est exact. La vie spirituelle et intellectuelle a été sérieusement ébranlée par les agissements des partis nationalistes. Les divisions dans l'enseignement, que l'on tend à surmonter artificiellement par des présumées réformes, confirment combien l'intolérance a sérieusement touché tous les pores sociaux, et combien il sera difficile de s'en débarrasser. O.K. : Le rêve d'une Bosnie civile a été enterré lorsqu'en novembre dernier les partis nationalistes ont gagné les élections. D'une certaine manière, c'était un référendum pour rejeter le projet d'une société multiethnique en Bosnie-Herzégovine. M.Z. : Vous avez raison, mais la véritable question concerne les prochaines élections. Ce que nous appelons « ethnonationalisme » prend de telles dimensions que nous n'aurons plus d'autres idéologies à lui opposer : nous n'aurons pas de libéraux, de socio-démocrates, de communistes, de socialistes (…), mais uniquement des partis politiques représentant des groupes ethniques, de sorte que nos parlements auront des groupes de députés serbes, croates, et bosniaques. C'est déjà le cas à l'assemblée nationale de la RS où un groupe de députés s'est constitué sur des bases ethniques. O.K. : Il n'y a pas non plus de cohabitation dans les régions du pays qui sont directement placées sous protectorat international, comme à Brcko. L'idée de créer des districts avait été proposée, mais nous sommes témoins que la gestion commune et partagée des affaires ne fonctionne pas. Cette idée de district n'est-elle pas une défaite lorsque après la victoire de l'équipe serbe de water-polo sur la Croatie, les jeunes sont sortis dans la rue pour entonner des chants tcheniks ? M.Z : La plupart des jeunes sont contaminés par le virus nationaliste. C'est la conséquence d'un système d'éducation. Ils ont un rapport particulier envers la religion, et regardent l'Église comme une institution politique et non pas comme un lieu de culte et de confession. D'après les sondages, les valeurs universelles, telles que l'amour, la paix, l'humanisme, arrivent, pour eux, à la dernière place. Une partie des jeunes est résignée, et souhaite fuir la BH. D'autres ne savent que faire de leur vie. Il y a aussi ceux qui rejoignent les structures politiques, et qui, en peu de temps, deviennent les clones de leurs dirigeants. H.R. : J'ajouterai à cela les jeunes gens en exil : ceux qu'on appelle ici les « déplacés ». Ils n'ont pratiquement aucune chance de revenir travailler au pays. C'est même la tendance inverse qui est observée : un grand nombre de jeunes s'apprête à quitter le pays. M.Z. : À ce compte-là, nous pourrions avoir un pays sans homme ! Je demeure dans le domaine métaphorique, mais cela pourrait bien arriver. Qui alors mettra en application les décisions de la communauté internationale ? En fait, je me demande qui le fait actuellement. Voyez cette absurdité : l'actuel « dirigeant » de la Bosnie, Paddy Ashdown, est un libéral. Sa tâche est d'installer ici le modèle capitaliste occidental. Qui doit mettre en place ses décisions ? Les formations nationalistes, le parti de l'Action démocratique, l'Union démocratique croate, le Parti démocrate Serbe ? Ce sont eux qui tiennent le pouvoir en BH. Comment des partis authentiquement nationalistes peuvent-ils mettre en œuvre un modèle capitaliste de type occidental ? Leur intérêt n'est pas, comme dans les sociétés libérales, l'individu, mais la nation. O.K. : Croyez-vous que le principal obstacle à la création d'une société multiethnique en BH est dû au fait que les Serbes et les Croates disposent déjà d'une mère patrie ? Le sport est révélateur du malaise ambiant : les supporters applaudissent les succès des équipes serbes et croates, alors que ceux des équipes bosniaques sont superbement ignorés. M.Z. : Huit ans après la guerre, le problème de la nation Bosnie-Herzégovine n'est toujours pas résolu. Le territoire est bien délimité, mais en tant qu'État, la BH ne fonctionne pas. Je reprends votre exemple concernant le sport : dans notre ville, les Bosniaques ont fait la fête quand la Croatie a perdu un match de rugby. Le sport est toujours un excellent baromètre de l'état d'esprit des gens. H.R. : Nous devons établir des passerelles, nous devons sortir des ghettos dans lesquels nous vivons. Moi-même, en tant que musulman bosniaque, je me sens comme dans un ghetto, forcé de franchir plusieurs frontières pour sortir du pays. Un climat de ghettoïsation a ainsi été généré en même temps qu'une parfaite division ethnique. O.K. : Pensez-vous que la BH puisse un jour être divisée en trois entités distinctes (serbe, croate, et bosniaque), construites sur des bases ethniques ? H.R. : Ce serait la conséquence la plus dramatique de tout ce que nous venons de dire. J'espère que nous n'en arriverons pas là. Je pense que certains politiques y verront un danger, car la dislocation du pays engendrerait de nouvelles souffrances. M.Z. : Mais si cela devait continuer ainsi, il y a de forte chance que nous devenions le trou noir de l'Europe du Sud-Est. J'ai eu l'occasion à plusieurs reprises de citer les paroles prononcées par un diplomate américain, lors du fameux sommet de Zagreb en 2000. Il s'est exprimé en ces termes : « Aux États-Unis, nous sommes intéressés uniquement par un train express sur la ligne Belgrade-Zagreb. Les passagers du train ne nous intéressent pas outre mesure. Cependant, si l'un d'entre eux ne se comportait pas bien, nous le ferions sortir à la gare de Vrpolje ». À cette station, la ligne de chemin de fer se sépare, et une partie de la voie conduit en BH. Par conséquent, le risque existe que notre pays devienne un trou noir. S'il nous reste encore un peu de sagesse, nous devons éviter cela. (mise en forme par Stéphan Pellet) |
Les Rroms oubliés de Bosnie TRADUIT PAR JACQUELINE DÉRENS Publié dans la presse : 13 février 2003 Par Srdjan Papic Qu'il pleuve ou qu'il vente, qu'il fasse soleil ou qu'il neige, le petit Edin, âgé de 8 ans et son grand frère de 11 ans, Bukurib exercent leur métier au x carrefours des grandes rues de Sarajevo. Sans éducation, les frères gagnent un peu d'argent en lavant les pare-brise des voitures qui s'arrêtent aux feux de signalisation. Quand les affaires vont mal, ils mendient. Leurs parents n'ont pas de travail fixe. Leur mère reste à la maison et leur père gagne, parfois, quelque argent en revendant des bricoles. "Il y a des gens qui nous donnent un demi-mark convertible, la monnaie bosniaque, d'autres un ou deux marks, mais parfois les gens nous chassent en disant que nous salissons leurs voitures", raconte Bukurib. Il travaille dans les rues depuis trois ans. Des milliers de Rroms dans les Balkans gagnent leur vie de cette façon. Les gens leur donnent parfois une pièce ou deux mais la plupart les ignorent. Il est difficile d'estimer l'importance de la minorité rrom en Bosnie-Herzégovine. Au recensement de 1991, 8864 personnes se sont officiellement déclarées Rroms. Cela ne correspond qu'à une partie du chiffre réel, car beaucoup de Rroms se sont déclarés Musulmans, Serbes ou Croates, afin d'éviter la discrimination. Les estimations les plus réalistes situe le nombre des Rroms de Bosnie entre 30 et 80000 personnes. La plus large concentration se trouve dans le canton de Tuzla qui en abrite environ 15000. De loin la minorité la plus importante en Bosnie, la constitution de Dayton ne leur reconnaît aucune spécificité, les classant sous le terme vague de "autres nationalités". Les Rroms de Bosnie souffrent de multiples problèmes sociaux qui vont d'un taux de chômage élevé, des mauvaises conditions de logement jusqu'à l'exclusion du système scolaire. Très peu bénéficient de l'assurance maladie. En janvier dernier, à Sarajevo, une table ronde de deux jours a abordé ces problèmes dans le contexte d'un débat élargi aux réfugiés et aux personnes déplacées dans le sud-est de l'Europe. Des représentants de tous les pays de la région, des associations rroms et des organisations internationales avaient fait le déplacement. Le chef de la mission en Bosnie de l'Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe (OSCE), Robert Beecroft, a attiré l'attention sur la situation consternante de la minorité rrom qu'il n'a pas hésité à qualifier de "pire situation qui soit dans tous les Balkans". Robert Beecroft a affirmé que les préjugés et l'intolérance avaient confiné la population Rrom dans "un isolement infernal et le chômage, le manque d'éducation et la pauvreté". Alexandra Raykova, une militante rrom de Bulgarie qui a visité la région de Tuzla pour le compte de l'OSCE, du Conseil de l'Europe et du Bureau pour les Institutions démocratiques et les droits de la personne a fait un rapport estimant que 60 % des Rroms de Bosnie étaient illettrés, 80 % n'avaient aucune qualification professionnelle et 90 % ne bénéficiaient pas de l'assurance maladie. La plupart des enfants de la communauté ne fréquentent pas l'école pour une simple et bonne raison : les parents des autres enfants de l'école refusent que leurs rejetons s'assoient à côté des élèves rroms. Le canton de Sarajevo compte entre 7 et 8000 Rroms. Beaucoup ont été déplacés. Les habitants de cinq des campements d'avant-guerre ont été relogés dans des centres d'hébergement collectifs et des logements abandonnés par les Serbes. Un seul de ces campements du canton de Sarajevo a été bien pris en charge. Les autorités ont construit 15 maisons pour 30 familles. Mais partout ailleurs, la communauté vit dans des conditions misérables. Dans la banlieue de Sarajevo, à Vrace, sept familles Rroms qui ont fui l'entité serbe de Bosnie, la Republika Srpska, ont été relogées dans des logements abandonnés par les Serbes. Sabahudin Arapovic de la ville de Doboj vit dans une pièce d'une maison habitée autrefois par des Serbes à Vrace, qu'il partage avec sa femme et ses deux enfants. Une autre pièce de la maison abrite son frère et sa famille. Sabahudin souffre de tuberculose depuis neuf ans, ainsi que son fils aîné. "Il faudrait de l'argent pour l'opérer", marmonne Sabahudin, en toussant. "Mais je n'ai pas un sou en poche. Je suis malade et je ne peux pas gagner d'argent". Le centre d'hébergement collectif d'Ilijas, près de la capitale, est un autre exemple des conditions lamentables dans lesquelles doivent vivre les familles rroms, confinées dans des pièces minuscules sans eau potable ni sanitaire. Les vieux tuyaux de raccordement aux égouts situés au sous-sol ont éclaté et contaminé l'eau potable. Fadila Emeri vit avec sa famille dans une pièce depuis au moins cinq ans, après avoir été déplacée du centre de Sarajevo. "Ce que je demande, c'est une autre pièce et une salle de bains, je ne peux plus vivre dans cette crasse. Cela me donne envie de pleurer". Le Comité d'Helsinki pour les droits de la personne en Bosnie a condamné l'attitude du gouvernement envers cette communauté. Il se plaint que les autorités locales aient déplacé un grand nombre de foyers rroms de leurs quartiers traditionnels de Sarajevo, Zavidovici, Kakanj et d'autres endroits sans les consulter. Les Rroms sont gênés par leur faiblesse politique. Ils n'ont pratiquement pas d'activité politique et pas de présence organisée dans aucun des partis politiques, bien que les autorités se vantent de l'enregistrement de vingt-deux ONG rroms. L'assistant du ministre pour les Droits de la personne et les réfugiés, Slobodan Nagardic, estime que la raison la plus importante pour laquelle les problèmes des Rroms ne trouvaient pas de solutions était qu'aucune des entités de Bosnie n'avaient gardé de registres de naissance et que, de ce fait, beaucoup de Rroms étaient privés de citoyenneté. "Cela cause des problèmes pour la protection sociale et la santé, l'emploi, l'éducation, le droit des réfugiés de retrouver leur logement et leurs biens". L'exclusion sociale des Rroms est liée aux préjugés largement partagés contre eux en tant que race. Les gens ordinaires les appellent "Tziganes" et ce mot est pour eux associé à la mendicité, aux vols, à la crasse et plus généralement à un mode de vie nomade. Bien peu accordent crédit à la culture rrom, à la musique et aux danses traditionnelles. En Bosnie, une loi sur les minorités nationales est en préparation depuis 2001. Elle devrait régulariser les droits des minorités nationales et assurer la préservation de leur identité ethnique, de leur langue et de leur religion. Elle devrait aussi tracer la voie vers de nouveaux programmes scolaires adaptés aux besoins spécifiques des communautés nationales. Le Parlement bosniaque a toujours dans le passé renâclé avant d'adopter une telle législation, aussi son adoption n'est en rien garantie. Les Rroms de Bosnie semblent donc destinés à rester en marge de la société pour longtemps encore. |
Bosnie : la fuite des cerveaux, à toute vitesse TRADUIT PAR PIERRE DÉRENS Publié dans la presse : 25 novembre 2002 L'exode des jeunes qualifiés met sérieusement à mal le développement du pays. Par Nidzara Ahmetasevic et Julie Poucher Harbin, journalistes à Sarajevo Comme Gérard Depardieu dans le film hollywoodien « Green Card », un jeune Bosniaque de trente ans a fait un mariage de convenance avec l'amie de son cousin, une Américaine, pour obtenir l'entrée aux États-Unis. Au début du mois il a obtenu son visa et a quitté la Bosnie-Herzégovine, probablement pour de bon. « Je ne sais plus quoi faire en Bosnie. J'ai tout essayé », nous a-t-il dit avant de partir, sous condition de l'anonymat. Il était diplômé en économie de l'université de Sarajevo et ne pouvait trouver qu'un travail d'agent de sécurité. Des milliers de jeunes, après l'école secondaire et de jeunes diplômés de l'université ne peuvent trouver d'emploi décent et sont vite sans illusion sur l'échec de leurs dirigeants politiques à améliorer leur sort. D'après une étude menée il y a deux ans par le Programme de développement de l'ONU, l'UNDP, 62 % des jeunes Bosniaques, soit un quart de la population, quitteraient leur pays s'ils le pouvaient. Le rapport sur le développement humain de l'UNDP pour 2002 estime qu'au moins 92.000 jeunes sont partis entre janvier 1996 et la fin mars 2001, alors que des dizaines de milliers attendent leurs visas pour émigrer. « Cette hémorragie des jeunes qualifiés est peut-être la menace à long terme la plus grande pour ce pays », prévenait il y a peu le Haut Représentant Paddy Ashdown, médiateur international pour la Bosnie. « Je sens que les jeunes sont épuisés et déçus », rapporte Valida Repovac, militante du Parti libéral, travaillant au ministère de l'Intégration européenne. Mais, au contraire de beaucoup d'autres jeunes Bosniaques, elle gagne assez d'argent pour subvenir à ses besoins et n'a aucun désir de partir. Quoi que la fuite des cerveaux date d'avant la guerre, leur nombre a gonflé comme conséquence du conflit. Beaucoup de facteurs ont contribué à cette tendance. Au niveau du second degré, il n'y a pas assez d'éducation commerciale et technique pour ceux qui n'ont pas le profil universitaire. Dans aucune des sept universités bosniaques, il n'y a encore de système pré-professionnel. Pour aggraver encore la situation, aucune n'offre de diplômes reconnus internationalement. Une fois sortis du système éducatif, même les étudiants bien diplômés se battent pour trouver un emploi. Dragan Vujanic, étudiant en droit de l'Université de Banja Luka, 23 ans, dirige un nouveau centre d'aide à l'information sur le campus, centre fondé par la ville avec des donateurs internationaux. Il y a peu le centre a lancé une banque d'emplois pour connecter les étudiants aux emplois dans les domaines du droit, de l'économie, et des technologies. Dragan Vujanic nous disait que le projet veut se centrer sur le maintien sur place plutôt que la fuite des cerveaux. Pour certains qui ne peuvent pas trouver d'emploi correct, ils choisissent de ne pas travailler. On les retrouve désœuvrés dans les cafés partout présents dans le pays. « Le problème de ma génération est qu'il vaut mieux ne rien faire que de nettoyer le sol de quelqu'un », nous confie Sasa Madacki, 30 ans à la tête du service information de la bibliothèque de l'Université de Sarajevo. Déçus par l'éducation reçue et par le marché de l'emploi, les jeunes ont une amère opinion des hommes politiques et certains jeunes les trouvent incongrus à cause du rôle prépondérant de la communauté internationale en Bosnie. D'après l'ONG locale de la jeunesse, l'agence d'information de la jeunesse, l'AIJ, la plupart des jeunes en âge de voter ne votent pas. Alexandra Strbac, 28 ans, étudiante en psychologie, travaillant avec l'ONG Zdravo Daste, pour la jeunesse de Banja Luka et la maison des jeunes de Kastel, encourage la jeunesse bosniaque à participer aux élections, tout en admettant ne pas voter elle-même puisqu'il n'y a pas de choix bien définis. Elle ajoute qu'avec les partis politiques locaux « on ne sait toujours pas ce qu'ils proposent », et elle préfère mettre toute son énergie dans l'action communautaire. Pour Dragan Vujanic, « l'avenir n'est pas souriant, c'est vrai. Mais j'espère qu'il va s'améliorer. C'est aux jeunes maintenant de construire un nouveau système avec leurs propres idées ». Il y a un élément nouveau plein d'espoir. De jeunes bosniaques qui étaient partis ces dix dernières années reviennent peu à peu. Dans certains cas avec de meilleures perspectives d'emploi, surtout avec des organisations internationales, puisqu'ils parlent souvent des langues étrangères et qu'ils ont été formés à l'étranger. Pour essayer de s'en prendre à la fuite des cerveaux, l'AIJ a soumis un plan en six points aux autorités qui viennent d'être élues, dont l'exigence de la mise en place de conseils gouvernementaux pour la jeunesse. Ils ont fixé à six mois la date butoir, après laquelle ils projettent d'organiser des manifestations de rues, si rien n'a été fait. Merima Zuko, porte-parole de l'AIJ l'affirme : « parfois les jeunes ne savent pas ou ne veulent pas savoir qu'il y a des organisations comme la nôtre qui s'efforcent d'améliorer leur vie. Le plus facile est d'aller devant une ambassade quelconque et de demander un visa pour aller ailleurs ». |
Bosnie : les divisions ethniques vont-elles se pétrifier ? Publié dans la presse : 29 avril 2002 À la mi-février, l’Institut National Démocratique Américain a effectué un sondage d’opinion publique sur le territoire de Bosnie-Herzégovine afin d’évaluer l’attitude des citoyens pour les prochaines élections qui doivent avoir lieu en octobre. Par Branko Peric Le sondage portait sur 3700 citoyens, 200 de chacune des douze circonscriptions électorales de la fédération de Bosnie-Herzégovine (BiH) et six de la République de Serbie (RS) et 100 personnes du district de Brcko. Le projet de cette enquête ne prévoyait pas d’inclure les citoyens qui ont le droit de vote mais qui vivent à l’étranger (principalement des réfugiés et des personnes déplacées) dont le nombre s’élèvent selon des estimations officielles à 240 000 personnes. La plus grosse surprise de cette enquête, à en juger aux résultats, c’est que 90% des personnes interrogées ont affirmé leur détermination à se rendre aux urnes. Si ce résultat reflète les intentions de la totalité du corps électoral de Bosnie, un nombre record de citoyens ira voter en octobre, ce qui peut avoir une double signification. La première serait de refléter la volonté des communautés ethniques de pétrifier leurs divisions selon des lignes ethniques ; et la seconde qui serait le reflet de la volonté de punir la classe dirigeante pour sa politique économique catastrophique, le chômage et le chancre de la corruption. À la vue des résultats généraux du sondage, la première possibilité est la plus probable. Les trois principaux groupes ethniques (les Bosniaques, les Serbes et les Croates) ont exprimé leur attachement aux divisions ethniques dans leurs réponses à la question sur l’importance du niveau de ces élections. Pour les Bosniaques, les élections pour la présidence de la BiH et le parlement d’État sont les plus importantes, alors que pour les Serbes, les élections pour l’Assemblée du Peuple de la RS et pour le président et le vice-président sont de toute première importance. Les Croates considèrent aussi que les élections pour le parlement de la Fédération de BiH sont les plus importantes, mais pas celles pour le parlement d’État. En faisant ce choix parmi les quatre réponses possibles à la question suivante : qu’est-ce qui est le plus important pour vous quand vous envisagez de voter pour tel parti politique ou tel homme politique ? 63% des sondés, sans tenir compte de leur affiliation ethnique, ont choisi le parti ou l’homme politique capable d’améliorer leur qualité de vie. Cependant, la réponse qui arrive en second révèle les différences qui sont une constante de l’après-guerre. Pour 31% des Bosniaques, il est d’une importance cruciale que le parti ou l’homme politique choisi protége et renforce la BiH en tant qu’Etat. Pour 19% des Serbes, la chose la plus importante est que le parti ou l’homme politique choisi renforce et protége l’entité dans laquelle ils vivent. Et pour 24% des Croates de Bosnie la question de la protection et de la promotion de leurs intérêts ethniques est la priorité. Le penchant pour les partis ethniques s’est aussi manifesté dans les réponses à la question suivante : si les élections ont lieu demain, pour quel parti voteriez-vous ? Pour les élections à la présidence de BiH, 45% des électeurs d’origine serbe accorderaient leurs voix à un candidat du Parti Démocratique Serbe (SDS), 16% à un candidat du Parti Du Progrès Démocratique (PDP) et 15 % à un candidat du Parti des Sociaux Démocrates Indépendants(SNSD). Pour cette élection,37% des électeurs bosniaques voteraient pour le Parti de l’Action démocratique (SDA) et 21% pour le Pari pour la Bosnie-Herzégovine. Si l’on a en mémoire, la proximité idéologique de ces deux partis, il est clair que la majorité de l’électorat bosniaque penche pour les partis de droite. L’électorat croate est toujours fidèle à ses partis ethniques : 67% d’entre eux voteraient pour le HDZ, la Nouvelle Initiative Croate et le Parti Croate de la Droite recueilleraient chacun 7% des voix. La préférence pour les partis ethniques est aussi très claire pour les prévisions pour les autres élections. Dans la partie serbe de l’électorat, le SDS a le soutien de 43% des électeurs pour les élections au parlement de BiH et 40% pour les élections des députés à l’Assemblée du peuple de la RS et à la présidence et la vice présidence de la RS. Parmi les Croates de Bosnie, le HDZ a le soutien de 60% de l’électorat pour les élections au Parlement de BiH alors que 36% des Bosniaques choisiraient le SDP. Parmi les Bosniaques, le SDA et le Pari pour la BiH viennent en second avec 31 et 19% des voix. Si l’on compare avec les élections de 2000, il est évident que les électeurs se tournent vers les grands partis et que les petits partis sont les perdants. Le SDS, le PDP et le SNSD ont une plus grande audience qu’aux élections précédentes. Dans la Fédération de BiH, l’audience pour le SDA, le Parti de la Bosnie-Herzégovine et du HDZ a légèrement diminué. Le sondage réalisé par le NDI a eu lieu avant que le débat sur les amendements constitutionnels soit en pleine effervescence, provoquant une accentuation des passions nationalistes et une homogénéisation ethnique catégorique, selon des observateurs. Cela est illustré par le fait que le SDA et le HDZ ont abandonné les négociations politiques sur les amendements constitutionnels alors que les partis politiques de la RS, ceux au pouvoir, comme ceux qui sont dans l’opposition se sont unis dans la défense de la législation de l’entité et du statut constitutionnel existant. Le choix actuel des électeurs et la mesure de l’audience accordée par les électeurs aux partis politiques apparaîtront dans le sondage du NDI annoncé pour le mois de juin. La campagne électorale qui prend de l’ampleur va accentuer le choix des électeurs. Il est possible de s’attendre à ce que la campagne en BiH soit concentrée vers la promotion des nouveaux amendements constitutionnels qui annoncent une limitation de la juridiction des entités au profit du renforcement de l’État central ce qui renforcerait les partis ethniques. Il est difficile de croire que les partis politiques vont se soucier des frustrations des autres composants de l’électorat et seront assez avisés pour fonder leur promotion sur des principes différents. Si elle prend cette direction, la BiH pourrait devenir le modèle de la pétrification des divisions ethniques. |