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LE TRIBUNAL PÉNAL INTERNATIONAL POUR L’EX-YOUGOSLAVIE
AFFAIRE N° IT-95-05/18
LE PROCUREUR DU TRIBUNAL
CONTRE
RADOVAN KARADZIC
ACTE D’ACCUSATION MODIFIÉ
Le Procureur du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie, en
vertu des pouvoirs qui lui sont conférés par l’article 18 du Statut du
Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (le « Statut du
Tribunal ») accuse :
Radovan KARADZIC
de GÉNOCIDE, de CRIMES CONTRE L’HUMANITÉ, de VIOLATIONS
DES LOIS OU COUTUMES DE LA GUERRE et d’INFRACTIONS GRAVES AUX
CONVENTIONS DE GENÈVE DE 1949, comme exposé ci-après :
L’ACCUSÉ
- Radovan KARADZIC est né le 19 juin 1945 dans la municipalité de
Savnik, actuelle République du Monténégro, République fédérale de
Yougoslavie.
- Radovan KARADZIC est l’un des membres fondateurs du Parti démocratique
serbe (SDS) créé dans la République socialiste de Bosnie-Herzégovine (la
« Bosnie-Herzégovine ») le 12 juillet 1990. Radovan
KARADZIC a été Président du SDS du 12 juillet 1990 jusqu’à
sa démission, le 19 juillet 1996. À ce titre, il présidait
entre autres les réunions du Comité central du SDS.
- Radovan KARADZIC est un proche de longue date de Momcilo KRAJISNIK,
ancien Président de l’Assemblée du peuple serbe en Bosnie-Herzégovine
(l’« Assemblée du peuple serbe ») et membre du Conseil de sécurité
nationale et de la présidence élargie de ce qu’il est convenu
d’appeler la République serbe de Bosnie-Herzégovine (la « République
serbe »), et de Biljana PLAVSIC, ancien membre de la présidence collégiale
de Bosnie-Herzégovine, Président par intérim de la République serbe,
membre de la présidence de la République serbe et vice-président de la
Republika Srpska.
- Radovan KARADZIC est devenu Président du Conseil de sécurité
nationale de la République serbe le 27 mars 1992.
- Radovan KARADZIC est devenu membre de la présidence à trois de la
République serbe le 12 mai 1992. Le même jour, Radovan
KARADZIC a été élu Président de la présidence.
- Radovan KARADZIC a été, avec Momcilo KRAJISNIK, Biljana PLAVSIC
et d’autres membres du SDS, membre de la présidence élargie de la République
serbe de début juin 1992 au 17 décembre 1992.
- Radovan KARADZIC a été, avec Momcilo
KRAJISNIK, Biljana PLAVSIC et d’autres, membre du commandement supręme
des forces armées de la République serbe ŕ partir du 30 novembre 1992
ou vers cette date.
- Radovan KARADZIC a été le Président unique de la Republika
Srpska du 17 décembre 1992 jusqu’à sa démission, le 19 juillet 1996.
Dès le 20 décembre 1992, Radovan KARADZIC a, en sa qualité
de commandant suprême des forces armées, présidé les réunions du
commandement suprême.
CHEFS D’ACCUSATION
- Radovan KARADZIC, agissant seul ou de concert avec d’autres entre
le 1er juillet 1991 et le 30 novembre 1995,
agissant de concert notamment avec Momcilo KRAJISNIK et Biljana PLAVSIC
entre le 1er juillet 1991 et le 31 décembre 1992,
a participé aux crimes ci-après reprochés afin de prendre le contrôle
des régions de Bosnie-Herzégovine qui avaient été déclarées partie intégrante
de la République serbe. Ces régions incluent, sans s’y limiter, les
municipalités suivantes : Banja Luka, Bijeljina, Bileca, Bosanska
Krupa, Bosanski Novi, Bosanski Petrovac, Bosanski Samac, Bratunac, Brcko,
Cajnice, Celinac, Doboj, Donji Vakuf, Foca, Gacko, Hadzici, Ilidza, Ilijas,
Jajce, Kljuc, Kalinovik, Kotor Varos, Nevesinje, Novi Grad, Novo Sarajevo,
Pale, Prijedor, Prnjavor, Rogatica, Rudo, Sanski Most, Sekovici, Sipovo,
Sokolac, Teslic, Trnovo, Visegrad, Vlasenica, Vogosca, Zavidovici et Zvornik.
- En vue de réaliser cet objectif, les dirigeants serbes de Bosnie, parmi
lesquels Radovan KARADZIC ainsi
que, durant la période couverte par l’acte d’accusation, Momcilo
KRAJISNIK, Biljana PLAVSIC et d’autres, ont établi et mis en œuvre un
plan d’action qui prévoyait la création de conditions de vie
impossibles, se traduisant par des persécutions et des tactiques de terreur
destinées à pousser les non-Serbes à quitter ces régions, l’expulsion
des personnes peu disposées à partir et l’élimination des autres.
- Les forces serbes de Bosnie, parmi lesquelles des unités militaires,
paramilitaires, des unités de défense territoriale et de police (les
« forces serbes de Bosnie »), le SDS et les autorités civiles,
sous la direction et le commandement de Radovan KARADZIC et, durant
la période couverte par l’acte d’accusation, de Momcilo KRAJISNIK,
Biljana PLAVSIC et d’autres, se sont livrés à une série d’actions
pour réduire fortement le nombre de Musulmans de Bosnie, Croates de Bosnie
et autres non-Serbes de ces municipalités.
- De fin mars au 31 décembre 1992, les forces serbes de Bosnie
ont pris le contrôle des municipalités énumérées au paragraphe 9,
souvent au prix de violentes attaques. Ces attaques et prises de pouvoir se
sont déroulées de manière coordonnée et planifiée. L’organisation et
la direction des prises de pouvoir survenues entre fin mars et le 31 décembre 1992,
et les persécutions et les expulsions auxquelles il a été procédé sans
discontinuer jusqu’au 30 novembre 1995, en particulier hors des
municipalités de Bijeljina, Banja Luka et de ce qu’il est convenu
d’appeler la « zone de sécurité » de Srebrenica (« l’enclave
de Srebrenica ») et ses environs, sont l’œuvre du SDS, des
dirigeants politiques et militaires et des instances dirigeantes des
municipalités serbes, parmi lesquelles les cellules de crise, les présidences
de guerre et les commissions de guerre.
- Entre le 1er avril 1992 et le 30 novembre 1995,
les forces serbes de Bosnie ont aussi mené une attaque contre Sarajevo qui
a duré 44 mois, et qui a semé la terreur parmi les habitants de Sarajevo.
- Entre le 11 et le 18 juillet 1995, les forces serbes de Bosnie
ont tué des milliers d’hommes musulmans de Bosnie qui avaient été faits
prisonniers en différents endroits de l’enclave de Srebrenica et
alentour.
- Au 30 novembre 1995, ce plan d’action avait causé le décès
ou le départ forcé d’une fraction importante des Musulmans de Bosnie,
des Croates de Bosnie et des autres groupes non serbes des municipalités énumérées
au paragraphe 9 et de l’enclave de Srebrenica et alentour.
CHEFS D’ACCUSATION 1 À 6
(GÉNOCIDE, COMPLICITÉ DE GÉNOCIDE, EXTERMINATION, MEURTRE, HOMICIDE
INTENTIONNEL)
- Les allégations générales figurant aux paragraphes 1 à 15
ci-dessus et aux paragraphes 67 à 92 sont reprises et incorporées
dans les chefs d’accusation 1 à 6.
- Radovan KARADZIC, agissant seul ou de concert avec d’autres,
parmi lesquels Momcilo KRAJISNIK et Biljana PLAVSIC entre le 1er juillet 1991
et le 31 décembre 1992, et entre le début mars 1995 et le
30 novembre 1995, agissant seul ou de concert avec d’autres, a
planifié, incité à commettre, ordonné, commis, ou de toute autre manière
aidé et encouragé à planifier, préparer ou exécuter la destruction, en
tout ou en partie, des groupes nationaux, ethniques, raciaux ou religieux
musulmans et croates de Bosnie, comme tels, dans plusieurs municipalités,
notamment : Bijeljina, Bratunac, Bosanski Samac, Brcko, Doboj, Foca,
Ilijas, Kljuc, Kotor Varos, Novi Grad, Prijedor, Rogatica, Sanski Most,
Srebrenica, Visegrad, Vlasenica, Zavidovici et Zvornik. La destruction de
ces groupes dans ces municipalités a été obtenue par les moyens suivants :
- le meurtre de milliers de Musulmans de Bosnie et de Croates de Bosnie
pendant et après l’attaque des municipalités ; le meurtre de
Musulmans et de Croates de Bosnie dans des camps et des centres de détention
et après les en avoir sortis ; et le meurtre de Musulmans de
Bosnie après les avoir détenus en différents endroits dans
l’enclave de Srebrenica et alentour ;
- les atteintes graves à l’intégrité physique ou mentale de
Musulmans et de Croates de Bosnie pendant leur séjour dans des camps et
des centres de détention et durant les interrogatoires qu’ils ont
subis en ces lieux, dans des postes de police ou dans des casernes
militaires, où ces détenus ont été constamment victimes ou témoins
malgré eux d’actes inhumains, dont des meurtres, des violences
sexuelles, des tortures, des brutalités et des vols ; et
- la soumission de Musulmans de Bosnie et de Croates de Bosnie détenus
dans des camps et des centres de détention, à des conditions
d’existence calculées pour entraîner la destruction physique
partielle ou totale de ces groupes nationaux, ethniques, raciaux ou
religieux, comme tels, ainsi qu’il est indiqué plus en détail au
paragraphe 30.
MEURTRES
- Les meurtres commis par les forces serbes de Bosnie pendant et après
l’attaque des municipalités et à l’intérieur de celles-ci
comprennent, sans s’y limiter :
- entre le 1er et le 2 avril 1992 ou vers ces dates, le
meurtre d’au moins 48 hommes, femmes et enfants musulmans et/ou
croates de Bosnie, dans la ville de Bijeljina - municipalité de
Bijeljina ;
- les 7 et 8 mai 1992 ou vers ces dates, le meurtre de 17 Musulmans
et Croates de Bosnie dans l’entrepôt de Crkvina - municipalité de
Bosanski Samac ;
- le 4 mai 1992 ou vers cette date, le meurtre d’une dizaine de
Musulmans et Croates de Bosnie de sexe masculin, dans l’hôtel
Posavina - municipalité de Brcko ;
- le 10 mai 1992 ou vers cette date, le meurtre de 34 civils
musulmans et/ou croates de Bosnie habitant le village de Gornja Grapska
- municipalité de Doboj ;
- le 1er mai 1992 ou vers cette date, le meurtre de
plus de 60 habitants musulmans et/ou croates de Bosnie du village
de Jelec - municipalité de Foca ;
- le 5 juin 1992 ou vers cette date, l’exécution de 18 habitants
musulmans de Bosnie du village de Ljesevo - municipalité d’Ilijas ;
- le 30 mai 1992 ou vers cette date, l’exécution des habitants
musulmans et/ou croates de Bosnie du village de Prhovo, y compris des
femmes et des enfants et, le 1er juin 1992 ou vers cette
date, l’exécution en masse de plus de 100 Musulmans et/ou
Croates de Bosnie de sexe masculin habitant le village de Velagici -
municipalité de Kljuc ;
- le 13 août 1992 ou vers cette date, le meurtre de 17 habitants
musulmans de Bosnie de sexe masculin du village de Dabovci et, en
novembre 1992, le meurtre d’environ 190 habitants musulmans et
croates de Bosnie de sexe masculin du village de Grabovica - municipalité
de Kotor Varos ;
- le 23 juillet 1992 ou vers cette date, le meurtre d’une
dizaine d’habitants musulmans de Bosnie du village de Carakovo -
municipalité de Prijedor ;
- le 25 mai 1992 ou vers cette date, le meurtre de plus de 30
femmes et enfants musulmans et/ou croates de Bosnie dans le village de
Hrustovo - municipalité de Sanski Most ;
- tout au long du mois de juin 1992, l’exécution sur plusieurs
ponts sur la Drina de centaines d’hommes, femmes et enfants musulmans
de Bosnie de Visegrad et, le 14 juin 1992, le meurtre de plus de 60 habitants
musulmans et/ou croates de Bosnie du village de Koritnik - municipalité
de Visegrad ;
- le 2 mai 1992 ou vers cette date, le meurtre d’environ 12 Musulmans
et/ou Croates de Bosnie de sexe masculin, habitant le village de Drum
et, le 16 mai 1992 ou vers cette date, le meurtre de plus de 60 hommes,
femmes et enfants musulmans et/ou croates de Bosnie habitant le village
de Zaklopaca - municipalité de Vlasenica ;
- le 25 juin 1992 ou vers cette date, le meurtre de 21 civils
musulmans et/ou croates de Bosnie habitant le village de Vozuca -
municipalité de Zavidovic ;
- le 9 avril 1992 ou vers cette date, le meurtre de 15 Musulmans
et/ou Croates de Bosnie de sexe masculin habitant la ville de Zvornik -
municipalité de Zvornik.
- Le SDS et les autorités gouvernementales ont ouvert des camps et des
centres de détention dans ces municipalités. Après avoir attaqué ces
municipalités, les forces serbes de Bosnie ont pris dans des rafles des
dizaines de milliers de Musulmans et Croates de Bosnie et les ont forcés à
marcher jusqu’aux divers points de rassemblement, avant de les transférer
dans les camps et les centres de détention. Des Musulmans et des Croates de
Bosnie étaient séparés des colonnes en marche et exécutés sur place.
- Des milliers de Musulmans et Croates de Bosnie qui avaient survécu aux
attaques et aux marches forcées ont été emmenés dans ces camps et
centres de détention, qui comprennent, sans s’y limiter :
- Manjaca dans la municipalité de Banja Luka, entre le 21 avril et le
18 décembre 1992 ou vers ces dates ;
- Batkovic dans la municipalité de Bijeljina, du 1er juin
au 31 décembre 1992 ou vers ces dates ;
- l’école Vuk Karadzic dans la municipalité de Bratunac, du 1er mai
au 31 décembre 1992 ;
- Luka dans la municipalité de Brcko, du 7 mai à début juillet
1992 ;
- le magasin de munitions de Bare à partir du 1er mai
1992, la prison de Spreca à partir du 1er mai 1992, le
poste du SUP du 1er mai au 31 juillet 1992, la
discothèque de Percin à partir du 1er mai 1992, la
caserne de la JNA à Sevarlije du 1er mai au 30 juin
1992 et les hangars de la JNA près de la plantation Bosanska à partir
de mai 1992, tous situés dans la municipalité de Doboj ;
- le KP Dom dans la municipalité de Foca, du 18 avril au 31 décembre
1992 ;
- Omarska, du 15 mai au 15 août 1992, Keraterm, du 15 mai
au 6 août 1992 et Trnopolje, du 15 mai au 30 septembre
1992, dans la municipalité de Prijedor ;
- Rasadnik/Sladara, du 1er mai au 31 décembre 1992
et l’école Veljko Vlahovic, du 1er mai au 31 août
1992, dans la municipalité de Rogatica ;
- Betonirka, du 27 mai au 7 juillet 1992, dans la municipalité
de Sanski Most ;
- Susica du 2 juin à début septembre 1992, dans la municipalité
de Vlasenica ;
- Le Dom Kultur de Celopek, du 29 mai au 30 juin 1992, la
ferme Ekonomija, entre le 7 et le 22 mai 1992 ou aux
environs de ces dates, l’école technique de Karakaj, du 29 mai
à juin 1992, dans la municipalité de Zvornik.
- Ces camps et ces centres de détention étaient gardés par des membres de
l’armée et de la police qui en assuraient le fonctionnement, sous la
direction et le contrôle suprêmes des hauts dirigeants serbes de Bosnie, y
compris Radovan KARADZIC, Momcilo KRAJISNIK et Biljana PLAVSIC, ainsi
qu’il est indiqué plus en détail aux paragraphes 60 à 66.
- Les meurtres de Musulmans et de Croates de Bosnie commis par les forces
serbes de Bosnie dans ces camps et centres de détention ou en-dehors de
ceux-ci, comprennent sans s’y limiter :
- en mai 1992, l’exécution sommaire de détenus musulmans de
Bosnie, dans le camp de Luka - municipalité de Brcko ;
- tout au long des mois de mai et juin 1992, le meurtre de prisonniers
musulmans et/ou croates de Bosnie en âge de porter les armes détenus
dans le camp de Susica - municipalité de Vlasenica ;
- en juin 1992, le meurtre de plus de 30 prisonniers musulmans
et/ou croates de Bosnie de sexe masculin détenus dans le Dom Kultur de
Celopek ; entre le 1er et le 5 juin 1992 ou
vers ces dates, le massacre d’environ 160 Musulmans de Bosnie de sexe
masculin dans l’école technique de Karakaj ; entre le 5 et le 8 juin
1992 ou vers ces dates, le meurtre d’environ 190 prisonniers
musulmans et/ou croates de Bosnie détenus à l’abattoir de Gero -
municipalité de Zvornik ;
- le 14 juin 1992 ou vers cette date, le massacre de 47 hommes
musulmans de Bosnie du camp de Rajlovac - municipalité de Novi Grad ;
- le 15 juin 1992 ou vers cette date, l’exécution d’au moins
10 Musulmans de Bosnie de sexe masculin de Visegrad - municipalité
de Rogatica ;
- le 20 juillet 1992 ou vers cette date, l’exécution au camp
d’Omarska de plus de 150 Musulmans et/ou Croates de Bosnie de
sexe masculin de la région de « Brdo » dans la municipalité
de Prijedor ; les 24 et 25 juillet 1992 ou vers ces dates,
l’exécution d’environ 150 Musulmans et/ou Croates de Bosnie de
sexe masculin dans la pièce 3 du camp de Keraterm ; le 21 août
1992 ou vers cette date, le massacre d’environ 150 Musulmans
et/ou Croates de Bosnie de sexe masculin du camp de Trnopolje, sur le
mont Vlasic à Skender Vakuf - municipalité de Prijedor ;
- pendant le mois de juillet 1992, le meurtre et les actes répétés de
sévices et de torture contre 36 détenus musulmans de Bosnie au KP
Dom de Foca ; le 5 août 1992 ou vers cette date, le
meurtre de plus de 20 détenus musulmans de Bosnie de sexe masculin
originaires de la municipalité de Kalinovik qui ont été conduits au
KP Dom de Foca avant d’être abattus près de Jelec - municipalité de
Foca.
- Les prises de pouvoir par les forces serbes de Bosnie en 1992, qui sont
mentionnées au paragraphe 12, leur ont permis de contrôler les
principales municipalités de la Bosnie orientale, et le « nettoyage
ethnique » qui s’en est ensuivi et qui s’est poursuivi de 1993 à
1995, plus particulièrement dans les municipalités de Bijeljina et de
Banja Luka, ont contraint la population musulmane et croate à l’exode.
Les Musulmans de Bosnie sont allés se réfugier principalement dans les régions
rurales peu peuplées de la Bosnie-Herzégovine orientale qui avaient
jusqu’alors échappé à l’attention des forces serbes de Bosnie. Dans
ces régions, et notamment à Srebrenica, la population musulmane de Bosnie
a considérablement augmenté.
- Le 16 avril 1993, le Conseil de sécurité de l’Organisation
des Nations Unies (« ONU »), agissant conformément au Chapitre VII
de la Charte de l’ONU, a adopté sa résolution 819, par laquelle il
exigeait que toutes les parties au conflit dans la République de
Bosnie-Herzégovine traitent Srebrenica, Zepa, Gorazde, Sarajevo et Tuzla
(et leurs environs) comme des « zones de sécurité » qui ne
devaient être la cible d’aucune attaque armée ni d’aucune autre action
hostile.
- Le 8 mars 1995, Radovan KARADZIC a, en sa qualité de
commandant suprême, donné pour instruction aux forces serbes de Bosnie de
créer une situation d’insécurité totale intolérable, sans laisser
aucun espoir de survie aux habitants, notamment à ceux de Srebrenica.
- Le 6 juillet 1995 ou vers cette date, les forces serbes de Bosnie ont
bombardé Srebrenica et attaqué les postes d’observation de l’ONU qui
étaient situés dans la « zone de sécurité ». Cette attaque
contre la « zone de sécurité » de Srebrenica s’est
poursuivie jusqu’au 11 juillet 1995, lorsque les forces serbes de
Bosnie regroupant plusieurs unités sont entrées dans la ville. Les
Musulmans de Bosnie qui se trouvaient à Srebrenica lorsque l’attaque a été
déclenchée ont réagi de deux manières :
- un groupe de plusieurs milliers d’hommes, de femmes et d’enfants
musulmans de Bosnie sont allés se réfugier dans le complexe des
Nations Unies à Potocari, qui était situé dans la « zone de sécurité »
de Srebrenica. Le 12 juillet 1995, les forces serbes de Bosnie ont
séparé les hommes et les garçons musulmans de Bosnie des femmes et
des enfants, et les ont placés en détention à Potocari et dans les
environs. Par la suite, les femmes et les enfants ont été transportés
en car et en camion dans des zones situées à l’extérieur de
l’enclave ;
- un deuxième groupe d’environ 15 000 hommes musulmans de Bosnie
accompagnés de quelques femmes et enfants s’est enfui en formant une
longue colonne pour rejoindre Tuzla à travers bois. Des milliers de ces
hommes ont été capturés par les forces serbes de Bosnie ou se sont
rendus.
- Entre le 11 et le 18 juillet 1995, les forces serbes de Bosnie ont exécuté
des milliers d’hommes musulmans de Bosnie de manière organisée, massive
et systématique. Ces forces ont en particulier exécuté sommairement, peu
après leur capture, des hommes musulmans de Bosnie sur les lieux mêmes où
ils étaient détenus, et en d’autres lieux où elles les transportaient
pour les exécuter.
- Ces meurtres, commis en différents endroits de l’enclave de Srebrenica
et alentour, comprennent, sans s’y limiter :
- entre le 12 et le 13 juillet 1995 ou vers ces dates, l’exécution
de nombreux hommes musulmans de Bosnie en divers endroits autour du
complexe des Nations Unies à Potocari ;
- entre le 12 et le 15 juillet 1995 ou vers ces dates, le
meurtre de nombreux hommes musulmans de Bosnie en divers endroits de
Bratunac et ses environs ;
- entre le 12 et le 14 juillet 1995 ou vers ces dates, l’exécution
de 25 hommes musulmans de Bosnie près de TisCa ;
- le 13 juillet 1995 ou vers cette date, l’exécution de
centaines d’hommes musulmans de Bosnie détenus dans un vaste entrepôt
dans le village de Kravica ;
- le 14 juillet 1995 ou vers cette date, l’exécution de
centaines d’hommes musulmans de Bosnie dans le complexe scolaire de
Grbavci et dans le village voisin d’Orahovac (près de La‘ete) ;
- entre le 14 et le 15 juillet 1995 ou vers ces dates, l’exécution
de centaines d’hommes musulmans de Bosnie au « barrage »
près de Petkovci et alentour ;
- entre le 14 et le 21 juillet 1995 ou vers ces dates, l’exécution
de plus d’une centaine d’hommes musulmans de Bosnie le long d’une
piste dans la vallée de la Cerska ;
- entre le 14 et le 16 juillet 1995 ou vers ces dates, l’exécution
de centaines d’hommes musulmans de Bosnie à l’école de Pilica ;
- le 16 juillet 1995 ou vers cette date, l’exécution de
centaines d’hommes musulmans de Bosnie à la ferme militaire de
Branjevo ;
- le 16 juillet 1995 ou vers cette date, l’exécution
d’environ 500 hommes musulmans de Bosnie dans le centre culturel de
Pilica ;
- le 17 juillet 1995 ou vers cette date, l’exécution de
centaines d’hommes musulmans de Bosnie près de Kozluk.
Atteintes graves à l’intégrité physique ou mentale
- Dans les camps et les centres de détention mentionnés aux paragraphes 20
à 22, les forces serbes de Bosnie et d’autres individus autorisés
à entrer librement dans les camps ont soumis les détenus musulmans et
croates de Bosnie venant des municipalités à des violences physiques et
morales, attentant gravement à leur intégrité physique ou mentale.
Pendant la période allant de fin mars 1992 au 31 décembre 1992,
des milliers de Musulmans et de Croates de Bosnie sont morts dans ces
centres de détention, du fait de ces actes inhumains.
CONDITIONS DE VIE AYANT POUR BUT D'ENTRAINER LA DESTRUCTION PHYSIQUE
- Pour ce qui est des conditions d’existence dans les camps et dans les
centres de détention, la nourriture était très insuffisante, l’eau
polluée, les soins médicaux insuffisants ou inexistants, les conditions
d’hygiène déplorables et l’espace manquait.
- Entre le 1er juillet 1991 et le 30 novembre 1995,
Radovan KARADZIC savait ou avait des raisons de savoir que des forces
serbes de Bosnie placées sous sa direction et son commandement commettaient
ou avaient commis les actes décrits aux paragraphes 17 à 30
ci-dessus. Radovan KARADZIC n’a pas pris les mesures nécessaires
et raisonnables pour les en empêcher ou les en punir.
- En outre, entre le 1er décembre 1995 et le 19 juillet 1996,
Radovan KARADZIC savait ou avait des raisons de savoir que des forces
serbes de Bosnie placées sous sa direction et son commandement avaient
commis les actes décrits aux paragraphes 17 à 30 ci-dessus. Radovan
KARADZIC n’a pas pris les mesures nécessaires et raisonnables pour
les en empêcher ou les en punir.
Par sa participation à ces actes et omissions, Radovan KARADZIC
s’est rendu coupable de :
Chef 1 : GÉNOCIDE, sanctionné par les articles 4 3) a), 7 1)
et 7 3) du Statut du Tribunal ;
Chef 2 : COMPLICITÉ DANS LE GÉNOCIDE,
sanctionnée par les articles 4 3) e), 7 1) et 7 3)
du Statut du Tribunal ;
Chef 3 : Extermination, un CRIME CONTRE L’HUMANITÉ,
sanctionné par les articles 5 b), 7 1) et 7 3) du
Statut du Tribunal ;
Chef 4 : Assassinat, un CRIME CONTRE L’HUMANITÉ,
sanctionné par les articles 5 a), 7 1) et 7 3) du
Statut du Tribunal ;
Chef 5 : Meurtre, une VIOLATION DES LOIS OU
COUTUMES DE LA GUERRE, reconnue par l’article 3 1) a)
commun aux Conventions de Genève de 1949 et sanctionnée par les articles 3, 7 1)
et 7 3) du Statut du Tribunal ;
Chef 6 : Homicide intentionnel, une INFRACTION
GRAVE AUX CONVENTIONS DE GENÈVE DE 1949, sanctionnée par les articles 2 a), 7 1)
et 7 3) du Statut du Tribunal.
CHEF D’ACCUSATION 7
(PERSÉCUTIONS)
- Les allégations générales figurant aux paragraphes 16 à 32, 38 à 41
et 67 à 92 sont reprises et incorporées dans le chef d’accusation 7.
- Entre le 1er juillet 1991 et le 30 novembre 1995,
RADOVAN KARADZIC, agissant seul ou de concert avec d'autres, parmi
lesquels Momcilo KRAJISNIK et Biljana PLAVSIC du 1er juillet 1991
au 31 décembre 1992, a planifié, incité à commettre, ordonné
ou de toute autre manière aidé et encouragé à planifier, préparer ou exécuter
la persécution des populations musulmane et croate de Bosnie ainsi que
d’autres populations non serbes des municipalités énumérées au
paragraphe 9 et de l’enclave de Srebrenica. Ces persécutions
comprenaient sans s’y limiter :
a) le meurtre par les forces serbes de Bosnie de milliers de Musulmans
et de Croates de Bosnie, pendant et après l’attaque des secteurs et des
municipalités énumérés aux paragraphes 17 et 18, dans les camps
et les centres de détention décrits aux paragraphes 20 et 22, et
après leur capture en différents endroits de l’enclave de Srebrenica
et alentour, ainsi qu’il est indiqué au paragraphe 28 ;
b) le transfert forcé ou l’expulsion par les forces serbes de Bosnie
de dizaines de milliers de Musulmans de Bosnie, Croates de Bosnie et
autres non-Serbes des municipalités énumérées au paragraphe 9, et
de Musulmans de Bosnie de l’enclave de Srebrenica ;
c) les traitements inhumains et/ou les tortures infligés à des
Musulmans de Bosnie, Croates de Bosnie et autres non-Serbes des
municipalités énumérées au paragraphe 9. Pendant et après
l’attaque de ces municipalités, qu’ils aient été emmenés dans des
centres de détention, des postes de police, des casernes, des maisons
privées ou d’autres lieux, des Musulmans et des Croates de Bosnie et
d’autres civils non serbes ont été soumis par les forces serbes de
Bosnie à des traitements atroces et inhumains, associant jour après jour
coups, violences sexuelles et menaces de mort. Nombreux sont ceux qui ont
été contraints d’assister à des exécutions et des agressions sur la
personne d’autres détenus ;
d) les humiliations et les traitements dégradants constants, infligés
par les forces serbes de Bosnie aux Musulmans de Bosnie, Croates de Bosnie
et autres non-Serbes des municipalités énumérées au paragraphe 9.
Dans les centres de détention, les hommes et les femmes musulmans et
croates de Bosnie et d’autres non-Serbes ont vécu jour après jour dans
des conditions horribles et inhumaines. Les détenus souffraient d’un
manque de nourriture, de soins et de sanitaires et leurs conditions d’hébergement
étaient inhumaines. Les détenus vivaient dans un climat de terreur
constant, créé par des violences aveugles. Les violences physiques, les
souffrances morales, les violences sexuelles et d’autres circonstances dégradantes
et humiliantes, qui constituaient des atteintes fondamentales à leur
dignité humaine, étaient constantes ;
e) le refus des forces serbes de Bosnie de reconnaître aux Musulmans
de Bosnie, Croates de Bosnie et autres non-Serbes des municipalités énumérées
au paragraphe 9 des droits fondamentaux comme le droit au travail, la
liberté de circulation, le droit à être entendu par un juge et un accès
égal aux services publics, y compris à des soins médicaux appropriés ;
f) la destruction sans motif par les forces serbes de Bosnie d’agglomérations,
de villes et de villages peuplés de Musulmans de Bosnie, Croates de
Bosnie et autres non-Serbes dans les municipalités énumérées au
paragraphe 9. Pendant et après l’attaque des municipalités, les
forces serbes de Bosnie ont systématiquement détruit les agglomérations,
les villes, les villages et les biens, y compris les habitations, les
commerces et les lieux de culte musulmans et catholiques des Musulmans de
Bosnie, Croates de Bosnie et autres non-Serbes. Des bâtiments ont été
bombardés, incendiés ou dynamités. Les destructions étaient si
importantes que, dans nombre de ces municipalités, il n’est resté que
des bâtiments en ruines et des gravats. Les édifices orthodoxes serbes
sont demeurés intacts.
- Entre le 1er juillet 1991 et le 30 novembre 1995,
RADOVAN KARADZIC savait ou avait des raisons de savoir que les forces
serbes de Bosnie placées sous sa direction et son commandement commettaient
les actes décrits au paragraphe 34 ci-dessus ou qu’elles les avaient
commis. RADOVAN KARADZIC n’a pas pris les mesures nécessaires et
raisonnables pour les en empêcher ou les en punir.
- 36) En outre, entre le 1er décembre 1995 et le 19 juillet 1996,
RADOVAN KARADZIC savait ou avait des raisons de savoir que les forces
serbes de Bosnie placées sous sa direction et son commandement avaient
commis les actes décrits au paragraphe 34 ci-dessus. RADOVAN
KARADZIC n’a pas pris les mesures nécessaires et raisonnables pour
les en punir.
Par sa participation à ces actes et omissions, RADOVAN KARADZIC
s’est rendu coupable de :
Chef 7 : Persécutions pour des raisons politiques,
raciales et religieuses, un CRIME CONTRE L’HUMANITÉ, sanctionné par
les articles 5 h), 7 1) et 7 3) du Statut du Tribunal.
CHEFS D’ACCUSATION 8 ET 9
(EXPULSION, AUTRES ACTES INHUMAINS)
- Les allégations générales figurant aux paragraphes 33 à 36 et 67 à 92
sont reprises et incorporées dans les chefs d’accusation 8 et 9.
- Entre le 1er juillet 1991 et le 30 novembre 1995,
RADOVAN KARADZIC, agissant seul ou de concert avec d'autres,
parmi lesquels Momcilo KRAJISNIK et Biljana PLAVSIC du 1er juillet 1991
au 31 décembre 1992, a planifié, incité à commettre, ordonné
ou de toute autre manière aidé et encouragé à planifier, préparer ou exécuter
le transfert forcé ou l’expulsion de dizaines de milliers de Musulmans de
Bosnie, Croates de Bosnie et autres non-Serbes des municipalités énumérées
au paragraphe 9 et de l’enclave de Srebrenica.
- C’est à partir du début d’avril 1992 qu’a commencé le
transfert forcé organisé des populations musulmanes et croates de Bosnie
ainsi que d’autres non-Serbes des municipalités énumérées au
paragraphe 9. Les transferts forcés se sont poursuivis entre le 1er janvier 1993
et le 30 novembre 1995, notamment des municipalités de Bijeljina
et de Banja Luka.
- Entre le 11 et le 18 juillet 1995, des milliers de Musulmans de
Bosnie ont été transférés de force de l’enclave de Srebrenica. Les
forces serbes de Bosnie ont de la sorte quasiment éliminé toute présence
de Musulmans de Bosnie de l’enclave de Srebrenica, poursuivant ainsi une
campagne de « nettoyage ethnique » lancée début avril 1992.
- Les Musulmans de Bosnie, Croates de Bosnie et autres non-Serbes ont pour
la plupart été expulsés vers d’autres régions de Bosnie-Herzégovine
qui étaient sous le contrôle du gouvernement internationalement reconnu,
ainsi que vers la Croatie et la Serbie. Les transferts forcés et les
expulsions étaient organisés par les forces de police des Serbes de Bosnie
et par d’autres organes municipaux serbes de Bosnie opérant sous la
direction des cellules de crise. Très souvent, pour que les autorités
serbes de Bosnie les autorisent à partir ou les libèrent des centres de détentions
où ils étaient retenus, les Musulmans de Bosnie, Croates de Bosnie et
autres non-Serbes ont été obligés de signer des documents portant
renonciation à tous leurs biens au profit de la République serbe de
Bosnie.
- Entre le 1er juillet 1991 et le 30 novembre 1995,
RADOVAN KARADZIC savait ou avait des raisons de savoir que les forces
serbes de Bosnie placées sous sa direction et son commandement commettaient
les actes décrits aux paragraphes 38 à 41 ci-dessus ou qu’elles les
avaient commis. RADOVAN KARADZIC n’a pas pris les mesures nécessaires
et raisonnables pour les en empêcher ou les en punir.
- En outre, entre le 1er décembre 1995 et le 19 juillet 1996,
RADOVAN KARADZIC savait ou avait des raisons de savoir que les forces
serbes de Bosnie placées sous sa direction et son commandement avaient
commis les actes décrits aux paragraphes 38 à 41 ci-dessus. RADOVAN
KARADZIC n’a pas pris les mesures nécessaires et raisonnables pour
les en punir.
Par sa participation à ces actes et omissions, RADOVAN KARADZIC
s’est rendu coupable de :
Chef 8 : Expulsion, un CRIME CONTRE L’HUMANITÉ,
sanctionné par les articles 5 d), 7 1) et 7 3) du Statut du
Tribunal.
Chef 9 : Autres actes inhumains, un CRIME CONTRE L’HUMANITÉ,
sanctionné par les articles 5 i), 7 1) et 7 3) du Statut du
Tribunal.
CHEF D’ACCUSATION 10
(RÉPANDRE ILLÉGALEMENT LA TERREUR PARMI LA POPULATION CIVILE)
- Les allégations générales figurant aux paragraphes 1 à 15 et 67 à 92
sont reprises et incorporées dans le chef d’accusation 10.
- Entre le 1er juillet 1991 et le 30 novembre 1995,
RADOVAN KARADZIC, agissant seul ou de concert avec d'autres, a
planifié, incité à commettre, ordonné ou de toute autre manière aidé
et encouragé à planifier, préparer ou exécuter une campagne prolongée
de bombardements et de tirs isolés contre des zones civiles de Sarajevo et
contre la population civile, répandant la terreur en son sein.
- Peu après la reconnaissance internationale de la Bosnie-Herzégovine
comme État indépendant le 6 avril 1992, des affrontements armés se sont
produits à Sarajevo. Avant même le début du conflit, des forces armées
soutenant le SDS et des éléments de l’Armée populaire yougoslave (la
JNA) ont occupé des positions stratégiques dans Sarajevo et alentour. À
partir de ces positions, elles ont soumis la ville à un blocus, à des
bombardements et à des tirs isolés. Une grande partie des bombardements et
des tirs isolés provenaient des collines entourant et surplombant Sarajevo,
d’où les attaquants avaient une vue dégagée, précise et panoramique de
la ville et de sa population.
- Le 20 mai 1992 ou vers cette date, après un retrait partiel des forces de
la JNA de Bosnie-Herzégovine, celles qui encerclaient Sarajevo sont
devenues le corps Romanija de Sarajevo de l’Armée de la République
serbe.
- Durant 44 mois, le corps Romanija de Sarajevo a appliqué une stratégie
militaire combinant tireurs embusqués et bombardements pour tuer, mutiler,
blesser et terroriser la population civile de Sarajevo. Les bombardements et
les tirs isolés ont fait des milliers de victimes civiles des deux sexes et
de tout âge, y compris des enfants et des personnes âgées.
- Le corps Romanija de Sarajevo prenait pour cibles des civils qui
jardinaient dans leurs potagers, faisaient la queue pour acheter du pain,
allaient chercher de l’eau, assistaient à des funérailles, jouaient au
football ou assistaient à un match, faisaient leur marché, prenaient le
tramway, ramassaient du bois ou, tout simplement, se promenaient avec leurs
enfants ou leurs amis. Il arrivait même que les gens soient blessés ou tués
chez eux par des balles traversant leurs fenêtres. Les attaques contre les
civils de Sarajevo étaient souvent menées indépendamment de toute opération
militaire et étaient destinées à maintenir les habitants dans un état de
terreur constant.
- En raison des bombardements et des tirs isolés contre les civils, la vie
des habitants de Sarajevo est devenue une lutte quotidienne pour la survie.
Sans gaz, sans électricité ni eau courante, ils étaient contraints de
s’aventurer à l’extérieur pour trouver les produits de première nécessité.
Chaque fois qu’ils le faisaient, qu’ils aillent chercher du bois, de
l’eau ou acheter du pain, ils risquaient leur vie. Outre le carnage causé
par les bombes et les tirs isolés, le fait d’être constamment menacés
de mort ou de blessures a traumatisé les habitants de Sarajevo et a induit
chez eux des troubles psychologiques graves.
- Entre le 1er juillet 1991 et le 30 novembre 1995,
RADOVAN KARADZIC savait ou avait des raisons de savoir que les forces
serbes de Bosnie placées sous sa direction et son commandement commettaient
les actes décrits aux paragraphes 45 à 50 ci-dessus ou qu’elles les
avaient commis. RADOVAN KARADZIC n’a pas pris les mesures nécessaires
et raisonnables pour les en empêcher ou les en punir.
- En outre, entre le 1er décembre 1995 et le 19 juillet 1996,
RADOVAN KARADZIC savait ou avait des raisons de savoir que les forces
serbes de Bosnie placées sous sa direction et son commandement avaient
commis les actes décrits aux paragraphes 45 à 50 ci-dessus. RADOVAN
KARADZIC n’a pas pris les mesures nécessaires et raisonnables pour
les en punir.
Par sa participation à ces actes et omissions, RADOVAN KARADZIC
s’est rendu coupable de :
Chef 10 : Avoir répandu illégalement la terreur parmi la
population civile, une VIOLATION DES LOIS OU COUTUMES DE LA GUERRE, reconnue
par l’article 51 du Protocole additionnel I et l’article 13 du Protocole
additionnel II aux Conventions de Genève de 1949 et sanctionnée par les
articles 3, 7 1) et 7 3) du Statut du Tribunal.
CHEF D’ACCUSATION 11
(PRISE D’OTAGES)
- Les allégations générales figurant aux paragraphes 1 à 15 et 67 à 92
sont reprises et incorporées dans le chef d’accusation 11.
- Entre le 25 et le 26 mai 1995, les forces de l’Organisation du
Traité de l’Atlantique Nord (l’OTAN) ont entrepris des frappes aériennes
contre les forces serbes de Bosnie-Herzégovine.
- Entre le 26 mai 1995 et le 2 juin 1995, suite aux
frappes aériennes de l’OTAN des 25 et 26 mai 1995, RADOVAN
KARADZIC, agissant seul ou de concert avec d'autres, a planifié,
incité à commettre, ordonné ou de toute autre manière aidé et encouragé
à planifier, préparer ou exécuter une prise d’otages d’observateurs
militaires et de membres des forces de maintien de la paix des Nations
Unies.
- Les forces serbes de Bosnie ont détenu plus de 200 observateurs
militaires et membres des forces de maintien de la paix des Nations Unies à
Pale, à Sarajevo et en d’autres endroits. Ils ont été gardés en otage
contre leur volonté dans des sites présentant un intérêt militaire ou
stratégique dans toute la Bosnie-Herzégovine, afin de protéger ces sites
contre de nouvelles frappes aériennes de l’OTAN et d’empêcher la
poursuite desdites frappes. Certains de ces otages ont subi des sévices et
ont été de toute autre manière maltraités pendant leur captivité.
Certains d’entre eux ont été contraints d’avertir leurs commandants
des Nations Unies qu’ils seraient tués si l’OTAN poursuivait ses
bombardements.
- Durant et après les négociations prolongées avec les dirigeants serbes
de Bosnie, dont RADOVAN KARADZIC, les otages onusiens ont été relâchés
par étapes entre le 3 et le 19 juin 1995.
- Entre le 26 mai 1995 et le 2 juin 1995, RADOVAN KARADZIC savait ou
avait des raisons de savoir que les forces serbes de Bosnie placées sous sa
direction et son commandement commettaient les actes décrits aux
paragraphes 55 à 56 ci-dessus ou qu’elles les avaient commis. RADOVAN
KARADZIC n’a pas pris les mesures nécessaires et raisonnables pour
les en empêcher ou les en punir.
- En outre, entre le 3 juin 1995 et le 19 juillet 1996, RADOVAN
KARADZIC savait ou avait des raisons de savoir que les forces serbes de
Bosnie placées sous sa direction et son commandement avaient commis les
actes décrits aux paragraphes 55 à 56 ci-dessus. RADOVAN KARADZIC
n’a pas pris les mesures nécessaires et raisonnables pour les en punir.
Par sa participation à ces actes et omissions, RADOVAN KARADZIC
s’est rendu coupable de :
Chef 11 : Prise d’otages, une VIOLATION DES LOIS OU
COUTUMES DE LA GUERRE, reconnue par l’article 3 1) b)
commun aux Conventions de Genève de 1949 et sanctionnée par les articles 3,
7 1) et 7 3) du Statut du Tribunal.
RESPONSABILITÉ PÉNALE INDIVIDUELLE
- Radovan KARADZIC, agissant seul entre le 1er juillet 1991
et le 19 juillet 1996 ou de concert avec d’autres, notamment Momcilo
KRAJISNIK et Biljana PLAVSIC entre le 1er juillet 1991 et le 31 décembre
1992, dirigeait et contrôlait de jure et/ou de facto les
forces serbes de Bosnie et tous les organes du SDS et de l’administration
qui ont participé aux crimes allégués dans le présent acte
d’accusation.
- Entre le 1er juillet 1991 et le 31 décembre 1992, c’est
principalement à travers ses fonctions de Président du SDS, y compris de
son Comité central, de Président du Conseil de sécurité nationale de la
République serbe et de Président de la présidence de la République
serbe, que Radovan KARADZIC, seul ou de concert avec Momcilo
KRAJISNIK, Biljana PLAVSIC et d’autres, dirigeait et contrôlait les
forces serbes de Bosnie et tous les organes du SDS et de l’administration
qui ont participé aux crimes allégués dans le présent acte
d’accusation :
a) Radovan KARADZIC était le Président du SDS et à ce titre,
il était également entre autres Président du Comité central du SDS.
Dans les faits, le Comité central était la plus haute autorité au sein
du parti. Il formulait la politique du parti et veillait à sa mise en œuvre.
Le Comité central, dont Momcilo KRAJISNIK est aussi devenu membre le 12 juillet 1991,
et les dirigeants du SDS exerçaient un contrôle direct sur les activités
et les politiques de tous les organes du SDS à tous les échelons, y
compris ses comités municipaux. Le Comité central a ordonné la création
des cellules de crise du SDS dans les municipalités où vivaient des
Serbes de Bosnie. Très souvent, les présidents des comités municipaux
du SDS présidaient les cellules de crise ou en étaient membres. Parmi
les membres des cellules de crise, on trouvait des responsables de la
police et de l’armée. Dans leurs zones de responsabilité respectives,
les cellules de crise exerçaient la totalité du pouvoir exécutif, législatif
et réglementaire, et contrôlaient les forces serbes de Bosnie ;
b) Du 28 février 1992 au 12 mai 1992, Radovan
KARADZIC était, conjointement avec Momcilo KRAJISNIK, Biljana PLAVSIC
et d’autres, responsable du déploiement de la Défense territoriale des
Serbes de Bosnie, que ce soit en temps de paix ou en temps de guerre, et
de l’utilisation de la police en cas de guerre et autre état
d’urgence. C’est devenu particulièrement évident lorsque l’Assemblée
des Serbes de Bosnie a créé le Conseil de sécurité nationale de la République
serbe le 27 mars 1992. Radovan KARADZIC est devenu Président de ce
Conseil, dont Momcilo KRAJISNIK était également membre. Le Conseil de sécurité
nationale avait officiellement pour fonction d’examiner les questions
politiques, juridiques, constitutionnelles et autres ayant trait à la sécurité
du peuple serbe en Bosnie-Herzégovine. Radovan KARADZIC était
d’avis que les décisions du Conseil de sécurité devaient s’imposer
à tous les organes de l’exécutif, à la police et à
l’administration, en particulier dans les situations d’urgence,
lorsque des décisions relatives à la guerre, à la paix et autres
questions de sécurité nationale devaient être prises. Jusqu’à
l’institution de la présidence le 12 mai 1992, le Conseil de
sécurité nationale était la plus haute autorité dans la République
serbe ;
c) Le 15 avril 1992, le Conseil de sécurité nationale a
exercé ses pouvoirs en recommandant la proclamation de l’état de
menace de guerre immédiate. Le même jour, Biljana PLAVSIC et Nikola
KOLJEVIC, signant au nom de la présidence, ont déclaré l’état de
menace de guerre immédiate et ordonné la mobilisation de la Défense
territoriale des Serbes de Bosnie ;
d) Le 12 mai 1992, Radovan KARADZIC est devenu membre
de la présidence à trois et en a été élu Président le même jour. Le 2 juin 1992
ou vers cette date, la présidence a été officiellement élargie pour
inclure Momcilo KRAJISNIK et le chef du Gouvernement. Du 12 mai au 17décembre 1992,
la présidence assumait le commandement suprême de l’armée des Serbes
de Bosnie en temps de guerre comme en temps de paix, et des forces de
police serbes de Bosnie en cas de guerre et autre état d’urgence. La présidence
décidait du déploiement des troupes en cas de guerre. Elle nommait,
promouvait et démettait de leurs fonctions les officiers de l’Armée de
la République serbe de Bosnie (« VRS »). En outre, elle
recevait des rapports sur les activités des unités placées sous son
commandement ;
e) Entre le 1er juillet 1991 et le 31 décembre 1992,
les forces serbes de Bosnie, les instances du SDS et l’appareil d’État
ont été utilisés par les dirigeants des Serbes de Bosnie, notamment Radovan
KARADZIC, Momcilo KRAJISNIK et Biljana PLAVSIC, pour exécuter les
crimes allégués dans le présent acte d’accusation. Dans certains cas,
les forces serbes de Bosnie, les instances du SDS et l’appareil d’État
ont, avec le soutien et les encouragements de Radovan KARADZIC et
d’autres, agi de concert avec des forces des Républiques de Serbie et
du Monténégro ;
f) Le 17 décembre 1992, la présidence a été dissoute et Radovan
KARADZIC élu unique Président de la République serbe (Republika
Srpska).
- En outre, du 1er janvier 1993 jusqu’à sa démission
le 19 juillet 1996, Radovan KARADZIC, principalement à travers
ses fonctions de Président du SDS, y compris de son Comité central, de Président
du Conseil de sécurité nationale de la République serbe, de Président de
la Republika Srpska et de commandant suprême des forces armées, et seul ou
de concert avec Momcilo KRAJISNIK, Biljana PLAVSIC et d’autres, dirigeait
et contrôlait les forces serbes de Bosnie et tous les organes du SDS et de
l’administration qui ont participé aux crimes allégués dans le présent
acte d’accusation :
a) À partir du 17 décembre 1992, Radovan KARADZIC était
l’unique Président de la Republika Srpska et il a assumé tous les
pouvoirs de la présidence, y compris ceux de commandant suprême des
forces armées, ainsi qu’il est indiqué plus en détail au paragraphe 61 d).
En sa qualité de commandant suprême des forces armées, Radovan
KARADZIC commandait les forces armées de concert avec d’autres
membres du commandement suprême ;
b) Entre le 1er janvier 1993 et le 30 novembre 1995,
les dirigeants des Serbes de Bosnie, notamment Radovan KARADZIC,
ont utilisé les forces serbes de Bosnie, les instances du SDS et
l’appareil d’État pour exécuter les crimes allégués dans le présent
acte d’accusation ;
- En octobre et novembre 1991, l’Assemblée des Serbes de Bosnie a également
autorisé Radovan KARADZIC, Biljana
PLAVSIC et d’autres membres éminents du SDS à « représenter et
protéger les intérêts du peuple serbe en Bosnie-Herzégovine vis-à-vis
des instances fédérales et internationales », et à négocier avec
les représentants des Musulmans et des Croates l’organisation de la
future cohabitation en Bosnie-Herzégovine.
- Radovan KARADZIC, tant en raison des fonctions officielles évoquées
plus haut que du pouvoir qu’il exerçait de facto, avait le pouvoir
d’ouvrir des informations, d’engager des poursuites et de punir tous les
individus ou membres des forces armées placées sous ses ordres qui étaient
soupçonnés d’avoir commis des crimes sur le territoire de la République
serbe.
- Par conséquent, entre le 1er juillet 1991 et le 30 novembre 1995,
tant en raison des fonctions officielles susvisées que du pouvoir qu’il
exerçait de facto, Radovan KARADZIC savait ou avait des
raisons de savoir que des forces serbes de Bosnie placées sous le
commandement des dirigeants des Serbes de Bosnie commettaient ou avaient
commis les crimes allégués dans le présent acte d’accusation et il
n’a pas pris les mesures nécessaires et raisonnables pour les en empêcher
ou les en punir.
- En outre, entre le 1er décembre 1995 et le 19 juillet
1996, tant en raison des fonctions officielles susvisées que du pouvoir
qu’il exerçait de facto, Radovan KARADZIC savait ou avait
des raisons de savoir que des forces serbes de Bosnie placées sous le
commandement des dirigeants des Serbes de Bosnie avaient commis les crimes
allégués dans le présent acte d’accusation et il n’a pas pris les
mesures nécessaires et raisonnables pour les en punir.
ALLÉGATIONS GÉNÉRALES
- Tous les actes ou omissions que le présent acte d’accusation qualifie
de génocide ou de complicité de génocide ont été commis avec
l’intention de détruire, en tout ou en partie, les Musulmans de Bosnie et
les Croates de Bosnie, en tant que groupes nationaux, ethniques, raciaux ou
religieux.
- Tous les actes ou omissions que le présent acte d’accusation qualifie
de crimes contre l’humanité ont été commis dans le cadre d’une
attaque généralisée ou systématique dirigée contre les populations
civiles musulmane et croate de Bosnie ainsi que contre d’autres civils non
serbes de Bosnie-Herzégovine.
- partir du 6 avril 1992, la Bosnie-Herzégovine était la proie
d’un conflit armé international et était partiellement occupée.
- Tous les actes et omissions que le présent acte d’accusation qualifie
d’infractions graves aux Conventions de Genève de 1949 (« infractions
graves ») ont été commis pendant le conflit armé international et
l’occupation partielle de la Bosnie-Herzégovine.
- Radovan KARADZIC était tenu de respecter les lois et coutumes régissant
la conduite des conflits armés, y compris les Conventions de Genève de
1949 et leurs Protocoles additionnels.
- Aux termes de l’article 7 1) du Statut du Tribunal, Radovan
KARADZIC est individuellement responsable des crimes que le présent
acte d’accusation met à sa charge, et ce pour avoir planifié, incité à
commettre, ordonné, commis ou de toute autre manière aidé et encouragé
à planifier, préparer ou exécuter des crimes tombant sous le coup des
articles 2 à 5 du Statut du Tribunal.
- Investi d’un pouvoir hiérarchique ainsi qu’il est indiqué dans les
paragraphes qui précèdent, Radovan KARADZIC est, aux termes de
l’article 7 3) du Statut du Tribunal, également pénalement
responsable des actes de ses subordonnés. Un supérieur est responsable du
fait de ses subordonnés s’il savait ou avait des raisons de savoir que
ceux-ci s’apprêtaient à commettre ces actes ou l’avaient fait, et
qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires et raisonnables pour les empêcher
ou les en punir.
FAITS ADDITIONNELS
- Le SDS était l’un des trois partis qui se sont constitués sur une base
ethnique en Bosnie-Herzégovine dans la perspective des élections
pluripartites de novembre 1990. Dès sa création, le SDS a été présidé
par Radovan KARADZIC alors que Biljana PLAVSIC et Momcilo KRAJISNIK
en étaient des membres éminents. Chacun des trois partis s’identifiait
à l’un des principaux groupes ethniques de Bosnie : le SDS était le
principal parti serbe, le Parti de l’action démocratique (« SDA »)
était le plus important parti des Musulmans de Bosnie et la Communauté démocratique
croate (« HDZ ») était le parti croate dominant. Le résultat
des élections a reflété la domination de ces trois grands partis
nationaux. Au niveau de la République, c’est le SDA qui a remporté le
plus de sièges à l’Assemblée, suivi du SDS puis du HDZ. Les autres
partis, dont l’ex-Parti communiste, se sont répartis le reste des sièges.
- L’idée maîtresse du programme politique du SDS, comme l’ont exposée
ses dirigeants, dont Radovan KARADZIC, Momcilo KRAJISNIK et Biljana
PLAVSIC, était l’union de tous les Serbes au sein de la Yougoslavie,
comme unique moyen de défendre les intérêts nationaux serbes. Elle était
liée au concept de « Grande Serbie », qui commençait à être
ouvertement évoqué dans la République socialiste fédérative de
Yougoslavie (« RSFY ») à la fin des années 1980. Le SDS voyait
dans la sécession de la Bosnie-Herzégovine une menace pour les intérêts
des Serbes qui y vivaient.
- Le résultat des élections de novembre 1990 signifiait qu’à terme, le
SDS ne serait plus suffisamment puissant pour maintenir la Bosnie-Herzégovine
au sein de la Yougoslavie par le biais du processus politique démocratique.
Au printemps 1991, le SDS a commencé à organiser certaines régions de
Bosnie-Herzégovine en structures régionales formelles à travers le
concept d’« associations de municipalités », autorisées par
la Constitution yougoslave de 1974.
- Parallèlement à la structure organisationnelle du SDS qui se déclinait
aux plans de la République, des régions, des municipalités et des
communautés locales, ses dirigeants ont commencé, en 1991, à mettre secrètement
en place un système fermé de commandement, de contrôle et de
communication. Dans ce système, le pouvoir principal revenait aux organes
centraux du parti et, notamment, à son Président et à son Comité
central, ce qui garantissait un contrôle total aux dirigeants du parti.
- À la fin de juin 1991, la RSFY a commencé à se désintégrer suite à
une succession de guerres en Slovénie et en Croatie, après que ces deux Républiques
se furent déclarées indépendantes le 25 juin. La JNA s’est très
vite retirée de la Slovénie, permettant à celle-ci de sortir de la RSFY.
En revanche, en Croatie, les combats ont fait rage tout l’été et
jusqu’à l’automne 1991.
- Pour la guerre en Croatie, la JNA a appelé à la mobilisation de la
population masculine de Bosnie-Herzégovine. Le Gouvernement bosniaque s’y
est opposé et a informé la population qu’elle n’avait pas à y répondre.
De ce fait, très peu de Musulmans et de Croates de Bosnie y ont répondu à
la différence des Serbes de Bosnie, poussés en cela par le SDS.
- À mesure que la guerre en Croatie se prolongeait, il devenait de plus en
plus probable que la Bosnie-Herzégovine proclamerait aussi son indépendance.
Le SDS souhaitait cependant le maintien de la Bosnie-Herzégovine au sein de
la Yougoslavie. Comme il devenait évident qu’il ne serait pas en mesure
de la maintenir dans le giron de la fédération yougoslave, le SDS s’est
attelé à la création d’un territoire serbe distinct en Bosnie-Herzégovine.
En septembre 1991, le SDS a proclamé une Région autonome serbe et quatre
Districts autonomes serbes (« SAO »). Les SAO devenaient les
premières circonscriptions de base sur lesquelles la République serbe
devait s’édifier.
- De l’avis des dirigeants du SDS, l’un des problèmes majeurs posé par
la création et le contrôle du territoire serbe était la présence dans
les zones revendiquées d’importantes populations musulmane et croate de
Bosnie ainsi que d’autres populations non serbes. En conséquence, l’un
des points importants du projet de création d’un nouvel État serbe était
l’élimination définitive de ces zones ou « nettoyage ethnique »
de la quasi-totalité des populations musulmane et croate de Bosnie et
autres non-Serbes. Il était prévu qu’un petit nombre de non Serbes
pourrait rester, à condition qu’ils acceptent de vivre dans un État
dominé par les Serbes.
- À l’automne 1991, la JNA a entamé le retrait de ses troupes de Croatie
et leur redéploiement en Bosnie-Herzégovine. Travaillant en collaboration
avec certains éléments de la JNA, le SDS a commencé à armer en secret la
population civile serbe de Bosnie.
- Une Assemblée des Serbes de Bosnie, distincte et dominée par le SDS, a
été créée le 24 octobre 1991, en tant qu’organe représentatif et
législatif suprême des Serbes de Bosnie.
- À la fin de décembre 1991, les dirigeants du SDS ont commencé à se préparer
à prendre physiquement le pouvoir dans les municipalités de Bosnie-Herzégovine
dont les Serbes n’avaient pas vraiment le contrôle, et à mettre ultérieurement
en œuvre le plan général de nettoyage ethnique des régions qu’ils
considéraient comme serbes. Les prises de contrôle ont été exécutées
conformément aux instructions données par les dirigeants du SDS, souvent
par l’entremise des cellules de crises, qui avaient été créées à
cette fin.
- La cellule de crise était calquée sur une entité prévue dans le cadre
du système de défense de la RSFY et était destinée à assurer le
fonctionnement des municipalités ou de la République en cas de guerre ou
d’état d’urgence, lorsque l’Assemblée, qui est normalement
l’instance suprême de l’État, ne serait pas en mesure de se réunir.
- À la fin de décembre 1991, les cellules de crise ont commencé à
fonctionner dans les municipalités revendiquées par le SDS. Elles étaient
au niveau des régions et des municipalités chargées de la coordination de
l’exécution de la plus grande partie de la phase opérationnelle du plan
de nettoyage ethnique.
- Le 31 mai et le 10 juin 1992, la présidence a décidé que les cellules
de crises seraient rebaptisées présidences de guerre puis commissions de
guerre dans les municipalités. Les présidences de guerre/commissions de
guerre avaient la même structure et quasiment le même pouvoir que les
cellules de crise, appellation que la population a d’ailleurs continué à
utiliser couramment.
- Les cellules de crise étaient censées cesser leurs activités dès que
les assemblées pourraient se réunir et reprendre leurs travaux. Les
organes municipaux normaux recommenceraient à fonctionner, généralement
sous la direction des mêmes dirigeants du SDS. Ces organes municipaux
approuveraient ou valideraient alors les actions des cellules de crise.
- Le 9 janvier 1992, l’Assemblée des Serbes de Bosnie a proclamé la
« République serbe de Bosnie-Herzégovine ». Il était précisé
que cette République comprenait « les territoires des Régions et
Districts autonomes serbes et d’autres entités ethniquement serbes de
Bosnie-Herzégovine, y compris les régions où la population serbe restait
minoritaire suite au génocide dont elle avait été victime pendant la
Deuxième Guerre mondiale », et qu’elle faisait partie intégrante
de l’État fédéral yougoslave.
- À partir de la fin de mars 1992, les forces serbes de Bosnie ont commencé
à prendre physiquement le contrôle des municipalités ethniquement hétérogènes
qui avaient été déclarées partie intégrante de l’État serbe, y
compris, mais sans s’y limiter, les municipalités énumérées au
paragraphe 9. Ces attaques et prises de contrôle se sont opérées de
la même façon, coordonnée et planifiée. Les cellules de crise, les présidences
de guerre et les commissions de guerre et autres organes du SDS et de
l’administration, agissant sous la direction et le contrôle des
dirigeants du SDS, dont Radovan KARADZIC, Momcilo KRAJISNIK et
Biljana PLAVSIC, ont planifié, incité à commettre, ordonné, commis ou de
toute autre manière aidé et encouragé les attaques, les prises de contrôle
et les événements subséquents.
- Le 12 mai 1992, l’Assemblée des Serbes de Bosnie a voté la
création de la VRS, transformant dans les faits les unités de la JNA qui
étaient restées en Bosnie-Herzégovine et d’autres forces armées qui
travaillaient de concert sur ce territoire en unités de commandement de la
nouvelle armée. L’Assemblée des Serbes de Bosnie a nommé Ratko MLADIC
chef de l’état-major principal de la VRS. En cette qualité, Ratko MLADIC
recevait directement ses ordres de la présidence.
- La JNA s’est « officiellement » retirée de Bosnie-Herzégovine
le 19 mai 1992, mais la VRS et la police des Serbes de Bosnie ont
continué les opérations militaires contre la population non serbe. La JNA,
rebaptisée Armée yougoslave (« VJ ») à l’occasion de la
transformation de la RSFY en RFY en avril 1992, a maintenu des liens étroits
avec la VRS. Elle a apporté à l’effort de guerre des Serbes de Bosnie un
soutien crucial pour les combats, le financement, et la logistique. De
nombreux officiers, commandants et soldats de l’ex-JNA sont restés en
Bosnie-Herzégovine et la VRS a pu profiter des centres logistiques et des
nombreux équipements et fournitures laissés là par l’ex-JNA.
D’anciens officiers de la JNA ont été mutés dans les unités de la VRS
qui avaient succédé à celles de la JNA et la plupart d’entre eux sont
restés aux commandes de ces unités tout au long du conflit en Bosnie-Herzégovine.
Les soldes des officiers de la VRS ont continué d’être versées par
Belgrade. De plus, après le 19 mai 1992, des éléments de la VJ
sont à l’occasion directement intervenus dans le conflit en Bosnie-Herzégovine
et ont fourni à la VRS un soutien crucial dans les combats.
[cachet du Bureau du Procureur]
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Carla Del Ponte
Procureur
Fait le 28 avril 2000,
La Haye (Pays-Bas)