Croatie : presse

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Vendredi 8 mai, 13h43

Un parlementaire croate condamné à dix ans de prison pour crimes de guerre

Un parlementaire croate, membre de l'opposition, a été condamné vendredi à une peine de dix ans d'emprisonnement pour crimes de guerre lors du conflit de 1991. C'est la première fois qu'un homme politique du pays est tenu responsable d'atrocités commises contre des civils serbes au cours de la guerre.
Branimir Glavas était autrefois un membre important de l'Union démocratique croate au pouvoir. La justice l'accusait d'avoir formé une unité paramilitaire dans l'est de la Croatie au cours du conflit de 1991 entre Croates et Serbes.
Un juge a estimé que Glavas n'avait pas empêché ni sanctionné des membres de son unité qui ont détenu, torturé et tué huit civils serbes en 1991 alors qu'il avait connaissance de ces crimes. AP

 

 

Mardi 24 février 2009

Rencontre des dirigeants croate et slovène sur leur différend frontalier

Les Premier ministres croate, Ivo Sanader, et slovène Borut Pahor, sont arrivés mardi dans la petite ville slovène de Mokrice (est) pour parler de leur différend frontalier qui pourrait ralentir l'adhésion de la Croatie à l'Union européenne, a constaté une journaliste de l'AFP.
Le différend concerne deux petites bandes terrestre et côtière sur l'Adriatique, que les deux pays revendiquent depuis leur accession à l'indépendance lors du démantèlement de l'ex-Yougoslavie en 1991.
Les deux hommes n'ont fait aucune déclaration à leur arrivée. Cependant M. Sanader avait récemment souligné à Zagreb : "Nous sommes amis et demain nous serons ensemble dans l'UE et dans l'Otan mais notre adhésion à l'UE et l'Otan ne sera pas achetée au prix d'un abandon de notre territoire". Les entretiens devaient durer environ une heure trente suivis d'une conférence de presse prévues vers 13h30 (12h30 GMT) à Mokrice.
En décembre, la Slovénie, membre de l'UE depuis le 1er mai 2004, a bloqué l'ouverture de neuf chapitres de négociations entre Bruxelles et les Croates alors que Zagreb espère pouvoir boucler les discussions d'ici la fin 2009 pour devenir le 28e pays membre de l'UE.
Zagreb insiste régulièrement pour que le différend qui porte sur quelques dizaines de kilomètres de tracé de frontière soit réglé par la Cour Internationale de Justice de La Haye, tandis que la Commission européenne a proposé de servir de médiatrice.

 

 

Croatie : comment Franjo Tudjman a organisé le nettoyage ethnique de la Krajina 

Traduit par Ursula Burger Oesch Publié dans la presse : 26 avril 2007

 

La télévision croate a créé le scandale en diffusant des enregistrements d’une séance du Conseil de la défense, tenue juste avant l’opération « Tempête », à l’été 1995. Le Président croate Franjo Tudjman organise directement l’expulsion de toutes les populations serbes de Krajina. Et rit en parlant de ce sujet. Le rire de Tudjman glace le dos des Croates qui ont voulu croire que le départ des Serbes n’avait pas été organisé.

Par Sanja Modric

Nous avons enfin entendu dans le journal de la Télévision croate (HTV) un enregistrement sonore exclusif de la séance du Conseil militaire et politique qui s’est tenue sous la présidence de Franjo Tudjman à Brijuni, le 31 juillet 1995, c’est-à-dire quatre jours avant l’opération Oluja (« Tempête »). Beaucoup de gens, y compris les avocats des généraux croates inculpés par le Tribunal de la Haye, commentent la diffusion de cet enregistrement en prétendant qu’il ne s’agit absolument pas d’une chose sensationnelle ni exclusive. Selon eux, la Télévision croate n’aurait rien découvert de nouveau, et le fait que cet enregistrement ait été diffusé par cette chaîne de télévision ne présenterait donc aucun intérêt particulier.

Évidemment, ceci n’est absolument pas vrai.

On essaie de réduire le choc de ces révélations en prétendant que le contenu de la transcription de la séance de Brijuni était déjà connu auparavant, non seulement par les avocats chargés de la défense des généraux inculpés, qui disposent également d’autres enregistrements sonores, mais aussi par l’opinion publique en général. Ceci est effectivement vrai.

Ce qui est également connu, c’est que l’accusation du Tribunal de La Haye considère précisément ce document-là comme l’une des preuves-clé pour appuyer sa thèse, selon laquelle les généraux Gotovina, Cermak et Markac doivent être condamnés pour crime de guerre étant donné qu’ ils ont réalisé le projet de Tudjman qui était le nettoyage ethnique de la population autochtone serbe de la Krajina, parallèlement à la libération des zones occupées de Croatie. Il est également bien connu que le Tribunal pénal international de La Haye ne met absolument pas en question le droit qu’avait la Croatie, alors dirigée Franjo Tudjman, à la réintégration sous ls souveraineté étatique de toutes les parties de son territoire. Ceci étant, il a souvent été entendu que, dans ce type d’opération, un certain nombre de victimes serait inévitable, qu’il y aurait également forcément quelques destructions « contrôlées ». Cela n’aurait pas été perçu comme un problème si, dans le même temps, presque tous les Serbes de Krajina n’avaient pas quitté la région en longues colonnes de réfugiés et si, dans le cadre de l’action Oluja, presque tous les biens que ces gens avaient laissés derrière eux n’avaient pas été brulés et pillés.

Tous ces faits connus figurent aussi dans le fameux acte d’accusation commun contre les trois généraux croates, fondé sur l’hypothèse d’une entreprise criminelle planifiée d’avance par le pouvoir croate de l’époque, qui a eu comme résultat plus de 100 000 Serbes chassés et plus de 20 000 foyers détruits. On peut ajouter encore une dernière chose bien connue, c’est que les chiffres dont parle le Tribunal de La Haye sont nettement moins importants que les informations données par certaines autres sources internationales.

Il y a encore bien d’autres éléments connus. L’une des informations les plus importantes tient aussi au fait que la transcription de Brijuni a été sans cesse mise en question, et souvent qualifiée de « falsification ». Ceux qui ont particulièrement insisté sur cette thèse sont les avocats des généraux inculpés qui, aujourd’hui encore, après la diffusion de l’enregistrement, continueraient à préparer une réfutation qu’ils entendent dévoiler pendant le procès, à l’aide des experts. Or, le Tribunal d’arrondissement de Zagreb a confirmé il y a deux ans l’authenticité du procès-verbal de Brijuni, ce qui sera sans aucun doute un point important, que le Tribunal de La Haye ne manquera pas d’utiliser.

Et voilà, bien que nous venions d’énumérer beaucoup de choses déjà connues à propos de cette réunion organisée juste avant l’opération militaire Oluja, nous continuons à penser qu’en retrouvant et en diffusant le document de Brijuni, la Télévision croate a, sans doute aucun, entrepris une démarche très importante pour l’opinion publique croate.

Le rire de Tudjman

Tout d’abord, une fois qu’on entend de ses propres oreilles les discussions enregistrées lors de la réunion stratégique de Brijuni, on ne peut prétendre qu’il s’agit là d’un montage que si on est une personne souffrant d’un excès d’imagination ou d’un excès d’idéologie. Deuxièmement, les citoyens croates n’ont jusqu’à maintenant jamais su, ni pu savoir, que le président Tudjman riait et ricanait d’un rire moqueur au moment même où il donnait des instructions pour ouvrir à la population serbe de la Krajina autoproclamée tous les chemins pour son départ de Croatie, tout en les invitant officiellement, sous les yeux du monde, à rester en Croatie en leur disant qu’il n’y avait pour eux aucun danger, car leurs « droits civiques seraient respectés ».

De ce rire traître de Tudjman, de ce soi-disant « menu détail psychologique », que nous avons entendu résonner dans l’émission d’information la plus populaire en Croatie, on doit conclure que Tudjman était rempli d’enthousiasme à l’idée d’être parvenu, en plus de la libération de la Croatie, à « résoudre » d’un même coup la soi-disant question serbe. Cette obsession de Tudjman, nous avons d’ailleurs eu l’occasion de la constater dans certaines autres retranscriptions des paroles présidentielles qui, elles aussi, seront entendues au procès de la Haye. Dans ces transcriptions, Tudjman a ouvertement lancé qu’il ne fallait conserver que « quelques pourcents » de Serbes en Croatie. Les autres seraient de trop.

Pour la grande majorité de l’opinion publique croate, qui croyait que pendant l’action Oluja le défunt Président croate avait sincèrement invité les Serbes à rester dans leurs foyers, le passage de l’enregistrement de Brijuni où Franjo corrige son fils Miroslav Tudjman, qui lui demande s’ils allaient publier à la radio l’information sur le chemin par lequel les Serbes pourraient quitter la Croatie, est tout aussi dégrisant.

À cette question naïve, Tudjman, plein d’amour paternel, répond que l’information sur les chemins d’exil doit être évoquée d’une façon détournée. Il faut plutôt mentionner, expliquait Franjo Tudjman, « qu’il a été constaté que les civils se retiraient par tel ou tel chemin », afin de ne pas donner l’impression que le gouvernement stimulait leur départ. Tudjman lance également les propos suivants : « Il est important que ces civils partent, car cela incitera également l’armée à partir, ce qui aura un effet psychologique sur les uns et les autres ». Personne n’a besoin qu’on lui explique ce que cela veut dire, car il est évident que Tudjman souhaitait se débarrasser non seulement de l’armée, mais aussi de la population civile de nationalité serbe toute entière.

Pour les citoyens croates, dont une bonne partie luttait bravement pour la libération de leur pays en croyant dans les intentions très pures du gouvernement, l’enregistrement de la séance de Brijuni est très dramatique.

Elle révèle le mensonge et le cynisme déplacé du commandant en chef et oblige les gens honnêtes à faire face à leurs propres égarements. Ceci est cependant une bonne chose, car cela nous aidera tous à faire de l’ordre dans nos souvenirs trop idéalisés.

 

 

Comment peut-on être Serbe en Croatie ?

Traduit par Ursula Burger Oesch Publié dans la presse : 27 juillet 2006

Quelle est aujourd’hui la situation de la minorité serbe en Croatie ? Les Serbes ne représentent plus qu’environ 3% de la population : le « problème serbe » est-il donc résolu ? Comment concilier identité serbe et citoyenneté croate ? Entretien avec Cedomir Visnjic, vice-ministre de la culture de Croatie, et président de l’Association culturelle serbe « SKD Prosvjeta ».

Propos recueillis par Vlado Vurusic

Jutarnji List (JL) : Être Serbe dans la Croatie d’après-guerre, ce n’était pas vraiment la panacée. Est-ce que ces dernières années cette situation a changé ? Comment se positionne-t-on aujourd’hui vis-à-vis de « l’identité de la peur » ?

Cedomir Visnjic (CV) : À présent, nous constatons une tendance à la libération de la peur qu’inspirerait l’identification publique de quelqu’un en tant que Serbe. De plus, nous sommes également témoins d’une autre tendance très présente et puissante, que j’appellerais l’assimilation semi-volontaire. Celle-ci est particulièrement prononcée au sein des jeunes générations. Les parents ont gardé l’élément d’identité, mais ne font pas pression dans ce sens sur leurs enfants. Il s’agit ici d’une influence de l’entourage, des circonstances sociales ou de celles liées à l’éducation et non plus tellement de formes d’assimilation forcée. Mais nous nous y sommes habitués ce qui fait que, même au sein de la communauté serbe, on n’en discute plus aussi ardemment qu’avant. L’assimilation est un processus sociologique normal. Elle était présente même au temps de l’ex-Yougoslavie, bien qu’à l’époque, on n’en parlait pas beaucoup. À présent, il s’agit d’une assimilation semi-volontaire, qui trouve sa racine dans le discrédit du nom et de l’identité serbes.

Assimilation et changements d’identité JL : Est-ce que cela veut dire que cette assimilation se produit à cause de la pression du milieu majoritaire, ou s’agit-t-il plutôt d’une approche opportuniste du type : des parents qui céderaient à leurs enfants parce qu’ils réfléchissent d’une façon pragmatique et considèrent qu’ils auront moins d’ennuis en tant que Croates ?

CV : Comme toujours, on trouve les deux. Mais quand il s’agit de la pression du milieu, celle-ci n’est plus violente, en tout cas ce n’est pas l’approche qui domine. Il y a toute une atmosphère qui a été mise en place et qui favorise ce choix chez les Serbes. Je ne pense pas que cette atmosphère ait été créée à cause de l’assimilation des Serbes, elle est le produit du développement de la Croatie en tant que pays indépendant. Bien entendu, on trouve encore des exemples d’excès, comme celui de Biljani, dont on entend beaucoup parler, mais ils ne sont heureusement plus aussi fréquents et la réaction des politiciens et des médias est plus adéquate. Mais nous ne pouvons pas savoir ce qui se passe dans les relations directes entre les gens, dans les cages d’escalier, au travail, dans la rue, quand il suffit parfois d’un regard de travers avec « une note nationaliste » pour que, chez la personne qui hésite déjà à « passer de l’autre côté », ce regard déclenche l’impulsion finale pour la décision de se débarrasser d’un poids inutile.

JL : Les Serbes éprouvent-ils en quelque sorte de la gêne, souffrent-ils d’un sentiment collectif de défaite ?

CV : Non, il n’y a pas de sentiment de gêne, tel qu’on l’évoque si souvent ici, mais le sentiment de défaite est définitivement présent. En fin de compte, toute identité, dans un délai plus ou moins court ou long, doit se soumettre à un examen de « rentabilité ». Le destin de la communauté serbe en Croatie va aussi pour beaucoup dépendre du déroulement des choses en Serbie. Plus la Serbie s’ouvrira, et plus cette identité serbe sera rétablie en Croatie. Nous devons nous habituer à la situation actuelle, qui pourtant n’était pas dominante avant la dernière guerre : en Croatie, il n’y a pratiquement plus de Serbes dont une partie plus ou moins importante de la famille vivrait en Serbie.

JL : La méfiance de la société croate envers les Serbes et leur participation dans la vie sociale reste évidente. À quel point cette méfiance est-elle justifiée, si on l’observe par le prisme de la récente guerre ?

CV : Elle est partiellement justifiée. Si vous faisiez aujourd’hui une enquête auprès des employeurs croates en posant une question du type « qui engageriez-vous de préférence dans votre entreprise, un Serbe rentré dans son foyer ou un Croate local ? », je pense que plus de 99% des personnes sondées, et je les comprends tout à fait, répondraient : un Croate. Le problème c’est qu’aussi bien les Serbes que les Croates sont entré dans cette guerre avec une psychologie de minorité : les Serbes en Croatie parce qu’ils le sont, et les Croates, en tant que minorité menacée qui luttait pour la continuité de son identité. À cause de cette mentalité et de ce conditionnement psychologique, dominent toujours un fort narcissisme nationaliste, une fermeture et une envie de justifier ses propres objectifs. Dans la société croate, il existe des signaux clairs, notamment dans la majorité de l’espace médiatique et dans les milieux culturels et intellectuels, qui partent du fait suivant - voilà, nous avons notre État, nous ne sommes plus une minorité menacée mais une majorité consciente de sa responsabilité envers l’État, mais aussi pour les minorités qui y vivent. Je sens de plus en plus la présence de réflexions du type « l’État croate ne doit plus être uniquement croate, car les objectifs sont réalisés ; il doit également être un État civique ». Cependant, ce genre de réflexions, vous allez les rencontrer à Zagreb ou dans d’autres grandes villes mais dans les milieuxruraux, revenons à l’exemple de Biljani, ce processus n’est même pas en phase embryonaire.

La fin des Serbes « politiquement Croates » JL : Sur la scène publique croate, il y a un certain nombre d’acteurs, de chanteurs, de sportifs et d’écrivains qui sont Serbes ou d’origines serbes, mais qui n’en parlent pas avec aisance, qui n’aiment pas être identifiés comme tels.

CV : Ce problème, nous lui faisons face dans notre centre culturel Prosvjeta à un niveau tout à fait banal. Ainsi, quand nous organisons une fête, le problème n’est pas d’inviter comme participant un Croate déclaré, le problème advient justement au niveau que vous citez. Nous avons évité d’inviter des célébrités de la scène publique qui sont Serbes ou d’origines serbes, justement pour éviter de nous mettre, eux et nous, dans une situation désagréable, et qui finirait même par être carrément absurde, où ils se sentiraient invités à « démentir » le fait d’être Serbes. La déclaration publique de leur identité, quoi que celle-ci soit généralement connue à un niveau tacite, pour certains d’entre eux, signifierait une baisse sensible de revenus, et par conséquent, une existence ou uneposition sur la scène publique mise en danger. Je ne vois pas à quoi bon insister sur le fait que quelqu’un ne s’appelle pas Dado mais Miladin, ou que le nom du père de quelqu’un n’est pas Jole mais Jovan.

JL : Les gens que vous invitez sont-ils perçus comme des traîtres de la part des Serbes ?

CV : Je suis prêt à avouer tous les péchés serbes, mais celui-ci, je ne peux pas, car, même en contact le plus intime avec les Serbes de Croatie, je ne l’ai jamais remarqué. Bien au contraire, chez beaucoup de gens, on peut observer un sentiment de fierté quand « l’un de nous » a du succès. C’est une chose qui gêne peut-être plus les Serbes de Serbie. Chez les Serbes de Croatie, on remarque une certaine fierté aussi quand « l’un d’entre eux » a du succès en Serbie ; ainsi, ils sont par exemple très fiers des sportifs qui jouent pour la représentation serbe. Cependant, l’identification de la communauté serbe de Croatie avec la Croatie n’est plus du tout contestable.

JL : Qu’en a-t-il avec les Serbes qui sont définis comme « politiquement Croates » ?

CV : Cela aussi, c’est pour nous depuis longtemps une épine dans le pied. Ce terme ne nous convient pas vraiment. Il existe une résistance par rapport à ce terme, c’est-à-dire par rapport à ce qualificatif politique, car d’une certaine façon, il a comme objectif de faire la différence entre les Serbes sur la lignée nationale et politique de leur relation avec la Croatie. Cette qualification donne parfois l’impression de refléter des ambitions assimilatoires. Ce terme a tendance à qualifier l’appartenance serbe comme uniquement folklorique ou traditionnelle. Pourquoi un Serbe ne pourrait-il pas être un citoyen croate très loyal sans pourtant devoir être ni « Serbe croate », ni « politiquement Croate » ?

La « question serbe » est-elle « résolue » ? JL : La Croatie a-t-elle résolu la question serbe ou la situation actuelle des Serbes n’est-elle qu’une question technique, c’est-à-dire la recherche d’un modèle le meilleur possible d’incorporation dans la société croate ?

CV : Dans beaucoup de villages, dans lesquels les Serbes étaient la population majoritaire, il n’y en a pratiquement plus. Ils sont partis. Ils ont vendu leurs biens. Dans un sens démographique, les Serbes ne pourront plus retrouver, et de loin, leur nombre de l’époque. Pourquoi ceci est-il important aussi bien pour les Serbes que pour la Croatie ? Et bien, il y a une centaine d’années, la communauté serbe représentait quelques 20 à 25% de la population, alors que ce taux est tombé aujourd’hui à 3-5%, avec une tendance continue vers la baisse. En parlant d’une façon cynique et brutale, la question serbe en Croatie est résolue. Mais la Croatie est restée dépourvue d’un potentiel important humain et social qui était, qu’on veuille ou non l’avouer, une composante importante de cette société, une composante qui la complétait. De plus, les parties du pays qui, à l’époque, était peuplées par une population majoritaire serbe sont aujourd’hui pour la plupart déserts ou partiellement peuplées par des gens tout aussi tristes, des personnes rejetées de leurs foyers, c’est-à-dire de leurs pays autochtones par les événements de guerre - les Croates de Bosnie. Sur leurs besoins, sur leur adaptation aux coins dans lesquels ils sont venus habiter ainsi que sur leur apport au bien être général en Croatie, personne n’a encore vraiment réfléchi. Pour la Croatie, la question serbe, à un niveau superficiel, est résolue. On n’est pas nombreux, c’est-à-dire, on n’est pas nombreux au point où ce chiffre, notre organisation, notre pouvoir économique ou notre ascension inquiéterait les Croates ou leur feraient craindre une reprise des projets des années 90. Les Serbes ont complètement démissionné de ce type d’idées, et ils acceptent la réalité telle qu’elle est aujourd’hui. Cependant, les Serbes en Croatie n’ont malheureusement plus le potentiel ni la force qui enrichirait et donnerait de la chair à la société croate.

Les Serbes et les commémorations d’Oluja JL : Les Serbes ne peuvent pas fêter l’action Oluja [1], car à cette époque-là ils ont traversé un exode.

CV : Récemment, les médias croates nous ont informé que les représentant des Serbes allaient participer pour la première fois à la commémoration de l’action Oluja ; il y aurait même des représentants du Parti démocratique serbe indépendant (SDSS), des membres du conseil municipal de Knin participant à l’élaboration du programme de la fête. Qu’est-ce que ça signifie ? Je pense que la participation des Serbes à la commémoration de l’action Oluja n’a pas beaucoup d’importance ni pour la communauté serbe ni pour les Croates ; elle a éventuellement de l’importance pour la position de la Croatie à Bruxelles. Je donne mon soutien à toute action qui contribue à la normalisation de la situation mais je reste d’avis qu’il ne faut pas faire des choses qui irriteraient. Je ne dis pas que ça doit être une fête à l’occasion de laquelle les Serbes de Knin s’enfermeraient dans leurs maisons en voulant s’écarter, mais le Centre culturel Prosvjeta ne va pas participer à la commémoration d’Oluja, car il s’agit d’une date qui, pour les Serbes, est malheureuse, quelque soit la distance et la condamnation qu’on peut porter sur les gens qui ont poussé ce même peuple dans le malheur. Je pense que nous, les Serbes d’ici, nous ne pouvons pas commémorer cette date. Et ceci, non pas parce que cette date a mis fin à la Krajina. Mais parce qu’à cette occasion, ces gens ont vécu un exode.

JL : Consentir à participer à la commémoration d’Oluja, n’est ce peut-être simplement une réaction du type : Sanader a consenti à dire « Hristos se rodi » [2], du coup, c’est normal que nous faisions un geste de notre côté pour répondre aux Croates ?

CV : Je ne sais pas, mais il est évident que l’élite politique est consciente de la nécessité d’une sorte de compromis.

[1] « Tempête », la reconquête de la Krajina par les forces croates, en août 1995.

[2] Salutation orthodoxe de Noël, NdT

 

Croatie : un ancien baron du HDZ accusé de crimes de guerre 

Traduit par Caroline Target Publié dans la presse : 9 mai 2006

L’ancien général Branimir Glavas, baron régional de la droite croate à Osijek, est accusé de graves crimes de guerre perpétrés contre des civils serbes à Osijek entre 1991 et 1992. Le Parquet a demandé la levée de son immunité parlementaire et un procès est prévu sous peu. La Croatie va-t-elle fin faire la lumière sur les pages sombres de son passé récent ?

Par Drago Hedl

Le mercredi 10 mai, le parlement croate a levé l’immunité parlementaire de Branimir Glavas, général à la retraite de l’armée croate et l’une des personnes les plus influentes du pays depuis les 15 dernières années. Le procureur de la République a présenté une requête au Parlement croate demandant la levée de l’immunité de l’ancien général. Il souhaite également entreprendre une procédure pénale à l’encontre de Branimir Glavas pour présomption de crimes de guerre commis à Osijek en 1991 et 1992.

Cette requête est survenue à la suite d’une enquête minutieuse qui a durée plus de neuf mois, et au cours de laquelle ont été récolté de nombreuses preuves et déclarations de témoins accusant gravement Branimir Glavas. À l’époque où les crimes ont été commis, Glavas était secrétaire à la défense populaire d’Osijek, et également chef de la défense de la ville. Mais dans cette quatrième grande ville de Croatie, il était considéré par tous comme le seigneur absolu ayant pouvoir de vie et de mort.

Les soupçons sur la responsabilité de Glavas dans la mort de nombreux civils serbes à Osijek, ville où a été tué une centaine de personnes (le procureur de la République Mladen Bajic avance le nombre de 70 victimes), ne sont pas récents. Mais, à cause du pouvoir politique de Glavas, et parce qu’à Osijek la police et la magistrature contrôlaient tout, cette histoire n’était jamais allée plus loin que quelques articles de presse. Comment pouvait-on seulement penser à une enquête de police lorsque, pendant plusieurs années, le chef de la police d’Osijek n’était autre que le parrain de Glavas et le président du tribunal son compagnon d’armes, vice-commandant de la défense de la ville durant la guerre ?

Ce n’est qu’au printemps dernier, lorsque Glavas, après un différend avec son parti, l’Union démocratique croate (HDZ), a été expulsé des rangs de celui-ci par le Premier ministre Ivo Sanader, que se sont ouvertes les possibilités de commencer une véritable enquête. Alors qu’il apparaissait de plus en plus évident que Glavas n’était plus protégé par son parti, les peurs ont diminué et la comparution de témoins est devenue possible. L’un d’eux, un ancien membre de l’unité militaire de Glavas, a accusé son ancien commandant d’avoir ordonné l’exécution et la torture de civils.

Ce témoin, Krunoslav Fehir, avait 16 ans et demi durant la guerre et faisait partie de l’unité commandée par Glavas. Au mois de juin de l’année dernière, devant le Ministère public de Zagreb, Fehir a dévoilé certains des crimes de guerre commis à Osijek, inculpant Glavas. Une semaine plus tard, demandant à rester anonyme, il a fait le récit d’une histoire choquante à l’hebdomadaire Feral Tribune. Krunoslav Fehir a alors reçu le statut de témoin protégé : il a été éloigné d’Osijek, demeurant sous continuelle surveillance policière. Son père, qui durant la guerre était un assistant de Glavas, a tout de même découvert l’identité de son fils et a cherché à le présenter comme un enfant ne pouvant avoir joué aucun rôle lors de cette guerre.

Tortures, sévices et exécutions

Toutefois, les photographies que Krunoslav Fehir a montrées aux journalistes, sa carte officielle de militaire portant la signature de Glavas, les témoignages d’autres personnes ayant soutenu ses affirmations, sans compter les diverses preuves matérielles, ont confirmé la version de Fehir. Son récit est horrifiant. Dans sa déclaration, qu’il a également répétée devant le juge de l’enquête préliminaire du Tribunal de circonscription de Zagreb, il explique comment, sous les ordres de Glavas, des civils serbes étaient conduits dans des entrepôts situés tout près du bureau du commandant. Là, ils étaient interrogés, maltraités et torturés. Fehir a décrit en détail un épisode survenu le 31 août 1991, date à laquelle deux civils ont été arrêtés et amenés dans un de ces entrepôts. Chargé d’y monter la garde, Fehir a pu voir ce qui est arrivé aux deux hommes : battus et torturés, ils ont ensuite été contraints de boire l’acide d’un accumulateur qui se trouvait dans l’entrepôt.

Epuisé de douleur, l’un des deux prisonniers, Cedomir Vuckovic, a tout de même réussi à briser une porte pour s’échapper. Mais à peine l’avait-il ouverte, que, suivant les ordres de Glavas, Fehir a tiré. Vickovic est tombé. L’autopsie montrera pourtant que la mort n’a pas directement été causée par les blessures par balles, mais bien par un empoisonnement à l’acide. Ce détail est très important pour l’enquête, non seulement parce qu’il confirme l’histoire de Fehir, mais aussi parce qu’il révèle les fausses déclarations avancées par Glavas à la suite de l’événement.

Krunoslav Fehir continue son récit en racontant comment, après le coup de feu, Glavas est immédiatement sorti de son bureau et est venu lui demander où était l’autre homme enfermé dans l’entrepôt. Quand Fehir a répondu qu’il se trouvait toujours au même endroit, Glavas a ordonné : « Tuez-le aussi. » Cette personne s’appelait Djordje Petkovic. Après cet épisode, l’on a complètement perdu sa trace. Sa fille Svetlana, qui vit toujours a Osijek, n’a jamais su quelle fin a connu son père.

Quelques jours après cette arrestation, le Slobodni Tjednik de Zagreb (un journal connu pour donner à tous les Serbes le nom de tchetnik et pour inciter à la haine) a publié la version de Glavas. Ce dernier affirmait qu’un homme ayant cherché à réaliser un attentat avait été tué. Mais le journal a commis une erreur : tout en affirmant que l’auteur de l’attentat était Djordje Petkovic, c’est la photo de Vuckovic mort qui a été publiée. Mais Vuckovic, qui avait près de 70 ans, qui était corpulent et portait une chemise blanche à manches courtes, ne ressemblait pas à quelqu’un ayant pu commettre un attentat. De plus, pour s’approcher du bureau de Glavas, il aurait dû sauter une enceinte haute de deux mètres et demi et franchir le poste de garde.

Aujourd’hui, Glavas affirme pourtant que c’est bien Vuckovic qui a cherché à commettre un attentat. Quant à Petkovic (celui que le journal avait à l’époque désigné comme l’auteur présumé), il n’en a jamais entendu parler. Bientôt, il devra expliquer aux procureurs d’où provient l’acide retrouvé dans le corps de Vuckovic.

Il est désormais de plus en plus probable que le procès de Branimir Glavas débutera sous peu. L’ancien général cherche toutefois à déplacer toute l’affaire sur un autre terrain, affirmant qu’il s’agit ici d’un procès politique monté de toute pièce par son ancien parti, qui cherche à se venger. Mais ce n’est pas tout : Glavas cherche également à impliquer le président du Sabor, le parlement croate, Vladimir Seks. Ce dernier aurait été au courant de tout ce qui se tramait à Osijek, affirme Glavas, lui-même n’étant que son subordonné. Seks a effectivement séjourné à Osijek à la fin de l’été et au début de l’automne 1991, durant un peu plus d’un mois. Il a été le commandant de la cellule de crise, un organe qui s’occupait du fonctionnement du pouvoir civil et de la coordination avec les unités militaires sur les territoires en guerre. Mais aucuns des témoins de l’enquête ne l’ont associé aux crimes ayant eut lieu.

Le procès attendu de Glavas sera une étape importante pour la Croatie, permettant au pays de régler ses comptes avec le passé récent et de peut-être donner raison à ceux qui soutiennent que tout n’a pas encore été dit sur les crimes de guerre commis par les Croates pendant la « guerre patriotique ».

 

Vecernji List
Croatie : le blues des salariés
Traduit par Emmanuel Nekic
Publié dans la presse : 5 février 2006

Les Croates travaillent de plus en plus et gagnent de moins en moins. Aujourd’hui, plus de 40 000 travailleurs sont payés au salaire minimum. Dans les pays voisin, le coût de la main d’oeuvre est encore plus faible. La Croatie est-elle la première victime de la « balkanisation » du marché du travail ?

Les statistiques montrent que la production industrielle a augmenté l’an passé de 5% en Croatie, tandis que les salaires n’ont augmenté que d’un modeste 1,6%. Le coût de la nourriture et de la vie quotidienne sont sans conteste à un niveau européen. La pression sur les salaires, qui va déboucher sur un alignement vers le bas des salaires dans la région des Balkans, crée déjà des inégalités dans la société. Les dernières analyses des salaires par catégorie, publiées dans le bulletin de l’été 2005, montraient que le nombre de salariés qui perçoivent un salaire inférieur au salaire minimum à doublé en quelques années.

Ils seraient désormais 40 000. Mais le nombre de ceux qui perçoivent deux fois plus que le salaire moyen est également en augmentation. Les années précédentes, seulement 2 à 3% des salariés ont perçu un salaire mensuel supérieur à 8 000 kunas (environ 1100 euros). C’est désormais le cas 4,2% d’entre eux, soit 42 000 salariés.

L’industrie en situation de survie

La tendance à la fracture sociale est la résultante de deux processus parallèles. D’un coté, un grand nombre d’industries sont en situation de survie, tandis que certains secteurs puissants apparaissent, dans lesquels circulent beaucoup d’argent, explique Daniel Nestic, de l’Institut d’Economie.

Daniel Nestic explique que les analystes ont vérifié à plusieurs reprises les statistiques qu’ils ont reçu, car ils ont été également surpris par l’augmentation de la part des salariés qui perçoivent un salaire très bas. Outre les 40 000 salariés dont le salaire est inférieur à 1 600 kn (environ 210 euros), 46 000 salariés de l’industrie touchent 1 600 à 1 900 kn, tandis qu’environ 70 000 touchent 1 900 à 2 200 kn. Les bas salaires concernent avant tout l’industrie textile, l’industrie du bois et la pêche, qui ne survivent que grâce au faible coût du travail.

Les analystes ont également découvert que dans de nombreuses entreprises, le fait de déclarer le salaire minimum est purement comptable ; il permet simplement de se plier aux obligations de paiement des charges sociales. En réalité, les salariés sont payés encore moins que ce salaire minimum. Même au vu de cette misère ambiante, les employeurs estiment encore que les salariés croates sont très chers en comparaison des salariés serbes ou hongrois payés respectivement en moyenne 200 et 400 €. Le salaire moyen en Croatie est de 585 €. C’est la raison pour laquelle de nombreux emplois sont délocalisés dans toute la péninsule balkanique.

La tendance mondiale aux écarts de salaires

Plus de 60% des salariés en Croatie gagnent moins que le salaire moyen, tandis que les employés de l’industrie pétrolière et du tabac, de la banque, de la production de matériel de communication, de l’informatique et du transport aérien gagnent plus de 5 000 kn (environ 660 euros). La Croatie se rapproche donc de la tendance globale à l’accroissement des écarts de salaires. Si le projet de taux unique d’imposition sur le revenu devait aboutir, ces différences s’accroîtraient encore, conclut Daniel Nestic.

 

La guerre est finie : la Croatie après l’arrestation de Gotovina
Traduit par Ursula Burger Oesch

Publié dans la presse : 10 décembre 2005

Avec l’arrestation d’Ante Gotovina, la guerre en Croatie est enfin terminée : les partis politiques doivent maintenant développer des stratégies pour une Croatie d’après-guerre. Puisque les dirigeants de tous les partis parlementaires défendent l’adhésion la plus rapide possible de la Croatie à l’Union Européenne, ils auraient dû saluer chaleureusement et sans ambiguïté cette arrestation.

Par Davor Butkovic

Jeudi après-midi, ils ne voulaient pas discuter. Ni Ivica Racan, président du Parti social-démocrate (SDP) et chef de l’opposition parlementaire, ni Stjepan Mesic, Président de la République. Ivica Racan a refusé de donner une interview, en disant qu’il avait beaucoup d’obligations privées (chose qui était vraie et que nous respectons entièrement), mais en laissant quand même la forte impression qu’il n’était pas très enthousiaste pour discuter plus amplement du cas Gotovina. Néanmoins, son communiqué de presse sur l’arrestation de Gotovina a été tout à fait rationnelle.

Stjepan Mesic, de son côté, a refusé toute interview sans aucune explication et n’a fait qu’envoyer au public une déclaration plus ou moins insensée sur le cas Gotovina.

De la part d’un homme qui, ces derniers temps, faisait tout pour partager avec les citoyens croates ses positions sur tout un éventail de choses bien moins importantes, notamment sur le problème des folksdojceri [1], ou sur le pont de Peljesac, on s’attendait au moins à ce qu’il s’exprime un peu plus sur la résolution finale du problème le plus important de l’État croate, devoir qui entre d’ailleurs dans son cahier des charges de chef de l’État.

Le silence de Mesic

Sans doute à cause d’une leçon apprise il y a trois ans, quand il essayait, par le biais de la télévision et de ses conseillers, de persuader Gotovina de venir lui rendre visite dans son Bureau présidentiel, Mesic est resté sans commentaires, comme si l’arrestation du général fugitif concernait un autre pays, et non pas celui dans lequel, à deux reprises et avec une grande majorité, il a emporté le mandat présidentiel.

Sur cet événement politique crucial pour la Croatie, Stjepan Mesic s’est donc tu. Ivica Racan ne voulait pas en parler plus sérieusement. Les autres protagonistes politiques importants ont confirmé leurs limites intellectuelles et éthiques déprimantes : Anto Djapic a failli pleuré sur le destin de Gotovina (alors que dans toutes les interview récemment données il se prononçait pour l’arrestation), Damir Kajin, de plus en plus perdu, a fait le lien dans sa déclaration entre l’arrestation à Tenerife et les intérêts des États-Unis et de la Grande Bretagne (comme si Gotovina travaillait pour Ben Laden), tandis que la seule qui, au sein du Parti paysan croate (HSS), continue à soutenir Zlatko Tomcic, la députée Lalic, a déclaré qu’avec Gotovina, on inculpait en fait l’État croate, répétant ainsi l’une des idées reçues les plus bêtes de la basse politique, qui circule dans ces milieux depuis des années. Seule la présidente du Parti national croate (HNS), Vesna Pusic, dont je ne soutiens absolument pas le style politique, a donné une déclaration correcte et sensée sur Gotovina, en constatant qu’à présent, enfin, un problème politique crucial était résolu.

Objectif commun

Le fait que la scène politique croate entière n’était pas capable de réagir d’une façon productive à l’arrestation du général Ante Gotovina, pourtant préparée depuis des années et attendue depuis des mois, est définitivement un signe alarmant. Même les dirigeants de la Communauté démocratique croate (HDZ, au pouvoir), s’ils pouvaient dire ce qu’ils pensaient, ne donneraient pas de déclarations sensiblement différentes de celles prononcées par les dirigeants des partis de l’opposition.

Toute personne qui veut faire de la politique en Croatie et défendre les intérêts nationaux croates doit en effet dorénavant comprendre la chose suivante : l’arrestation d’Ante Gotovina écarte les derniers obstacles politiques importants pour l’intégration euro-atlantique de la Croatie. Puisque les dirigeants de tous les partis parlementaires, du HSP et du HSS au SDSS età l’IDS, défendent d’une façon affirmée l’adhésion la plus rapide possible de la Croatie à l’Union Européenne, ils auraient dû saluer chaleureusement et sans ambiguïté l’arrestation de Gotovina, car celle-ci mène vers un objectif consensuel commun. Et le Président Mesic aurait du être le premier à le faire, lui qui s’est ouvertement déclaré pour l’adhésion la plus rapide possible à l’UE.

Ils ont cependant évité de le faire et ne veulent même pas en parler en détails, alors qu’ils sont très vite prêts à se plaindre et dire que les médias ne leurs accordent pas suffisamment d’espace, ce qui représente une forme particulière de cynisme politique.

Bien que je ne croie pas que les chefs des partis de l’opposition (ni ceux du HDZ, à l’exception de Vladimir Seks et d’Ivo Sanader) soient véritablement conscients de tous les changements que représente pour la Croatie l’arrestation de Gotovina, il n’est pas exagéré de supposer qu’ils aient au moins pressenti l’arrivée de ces changements. Car, jusqu’au moment de l’arrestation de Gotovina, la Croatie vivait dans une sorte d’état de guerre prolongé. Les idéologues de la droite radicale, les dirigeants des associations des anciens combattants, la direction du Parti croate du droit (HSP, extrême-droite) - et même une partie du parti HDZ, quand la politique quotidienne le voulait - utilisaient le cas Gotovina comme indicateur de leur vision du partage de la Croatie.

Dans ce partage, d’un côté on avait les anciens combattants et les « bons » Croates, dont la fierté était blessée avec la « dé-Tudjmanisation » du pays, alors que de l’autre côté on retrouvait des méchants comme Sanader, Racan et Mesic, ainsi que les représentants de l’opinion publique libérale, qui se déclaraient pour l’ouverture de la Croatie, sa dé-Tudjmanisation ainsi que pour la coopération avec le Tribunal de la Haye. Le cas Gotovina fonctionnait comme indicateur dans le sens où, en se déclarant pour ou contre Gotovina, on se situait, du moins d’une façon provisoire, de l’un ou de l’autre côté de la réalité politique croate.

Les luttes politiques

Il y avait, bien entendu, beaucoup de situation intermédiaires, ce qui fait qu’il y a un an par exemple, les citoyens ont de nouveau voté d’une façon massive pour Stipe Mesic, bien que, malgré sa sympathie sporadique pour Gotovina, il se plaçât toujours du côté opposé. Mesic était bien conscient de l’importance de la question Gotovina et, durant sa campagne présidentielle, il n’a jamais osé dire qu’il arrêterait le général en fuite si l’occasion se présentait. Sanader, de son côté, l’a fait arrêter.

Avec l’arrestation d’Ante Gotovina dans les îles Canaries, ce dernier clivage hérité de guerre, toujours d’actualité dans la vie publique croate, a cessé d’exister. Ante Gotovina n’est plus le cas capable de réunir des manifestants contre quelconque pouvoir croate. En effet, tout parti au pouvoir est tout simplement obligé de coopérer avec La Haye. Il s’agit de règles de jeux de base que même Anto Djapic respecterait si par un hasard malheureux il devenait Premier ministre. Ante Gotovina n’est plus la question qui partagera la Croatie, ou du moins pas plus de quelques mois, quand son procès ne sera plus que l’un des nombreux procès du Tribunal de La Haye, qui n’influencera plus aussi fortement le corps électoral croate.

Les principales luttes politiques en Croatie ne seront donc plus jamais menées autour de la « Guerre patriotique », ni autour de ses principaux protagonistes. Avec l’arrestation d’Ante Gotovina, la Croatie est donc définitivement sortie du temps de la guerre, ce qui avait déjà commencé avec l’ouverture des négociations avec l’Union Européenne.

Un tel pas en avant demande cependant un changement de stratégie des partis politiques qui fondaient pour beaucoup leur orientation à gauche, au centre ou à droite à propos du rapport rhétorique (pas du tout réel) à la « Guerre patriotique ». Autrement dit : qu’est ce que va faire maintenant la droite croate quand elle ne pourra plus attaquer le gouvernement à cause du mauvais traitement réservé aux anciens combattants et de la « persécution honteuse des héros de Guerre patriotique » ?

D’un autre côté, quelle position prendra maintenant la gauche croate qui, malgré le lancement de négociations avec l’Union Européenne, prétendait que la politique du gouvernement n’avait pas de véritable contenu, alors que la politique de ce même gouvernement a rempli le devoir le plus difficile - l’arrestation du fugitif croate le plus recherché. La droite comme la gauche, mais bien sur aussi le HDZ, qui n’est pas tout à fait uni derrière la politique de Plan d’action pour l’arrestation du général Gotovina, doivent maintenant changer drastiquement leurs stratégies.

Les manifestations

Faire de la politique en Croatie après Gotovina veut dire traiter un tout autre dispositif de problèmes politiques et économiques que durant ces dernières quinze années.

La guerre est ainsi enfin terminée au niveau symbolique. Nous avons en place un consensus massif social et politique sur la question d’adhésion à l’UE, et la vraie question qui se pose pour la première fois depuis l’an 1990 est comment formuler les politiques spécifiques pour les objectifs et les groupes sociaux spécifiques.

Jusqu’à présent, toutes les discussions importantes en Croatie étaient menées autour de la formulation d’une stratégie politique nationale unique, à propos de la victoire dans la guerre, de la question bosniaque ou de l’adhésion à l’Union Européenne. Cette époque est maintenant définitivement derrière nous, mais les partis politiques n’en sont pas encore conscients, de même qu’ils ne sont pas encore capables d’articuler des politiques d’intérêts spécifiques qui concernent la définition de la nouvelle société.

Peut-être que le processus de mûrissement sera accéléré par les manifestations qui ont eu lieu jeudi passé devant le bâtiment du gouvernement, à l’occasion desquelles une centaine de manifestants ont réussi à casser quelques fenêtres au premier étage du palais gouvernemental sur la place Markov Trg. J’espère qu’aucun parti parlementaire n’a eu l’idée de donner son soutien aux manifestants sur un point quelconque.

Le gouvernement du HDZ est maintenant exposé à la fureur des gens dont l’unique envie, il y a deux ans, était que Racan perde le pouvoir. Ces manifestations de fureurs sont une chose normale, attendue et, heureusement, pas trop massive. Cependant, comme nous l’avons déjà écrit dans le premier commentaire publié par Jutarnji List, suite à l’arrestation du général Ante Gotovina, le devoir de chaque gouvernement est, entre autres, de prendre et de mettre en place des décisions qui ne sont pas toujours populaires.

Dans ce cas concret, une opinion publique responsable ainsi que tous les partis politiques sérieux doivent donner leur soutien au rôle du gouvernement dans l’arrestation d’Ante Gotovina. Les raisons qui tiennent à la politique ainsi qu’au règne du droit en sont plus que claires. Et une fois les passions autour du cas Gotovina calmées, les think tanks des principaux partis (à condition, bien sûr, qu’ils en aient quelques-uns), doivent se mettre à dessiner les stratégies politiques radicalement nouvelles pour une Croatie d’après-guerre et d’après La Haye.


[1] Allemands expulsés de Yougoslavie après la Seconde Guerre Mondiale

 


Croatie : Predrag Matvejevic condamné à cinq mois de prison
Traduit par Ursula Burger Oesch

Publié dans la presse : 5 novembre 2005

Le grand écrivain croate a été condamné à une peine de cinq mois de prison ferme pour diffamation, après dénoncé les propagateurs intellectuels de la haine nationaliste. Le président du P.E.N. club croate dénonce cette décision de justice inique et inquiétante pour l’état de la démocratie croate.

Par Zvonko Makovic [1]

Mercredi 2 novembre 2005, le juge Nenad Lukic du Tribunal municipal de Zagreb a conclu l’un des dossiers dont il s’occupait depuis quelques années. Par cette sentence, il a décidé d’infliger une peine unique de cinq mois de prison ferme à l’un des plus grands intellectuels croates et européens, avec une peine conditionnelle supplémentaire de deux ans, pour calomnie et offense.

Le condamné est Predrag Matvejevic. Il a été condamné suite à une plainte déposée par Mile Pesorda, basée sur le texte « Nos talibans », publié dans le journal Jutarnji List il y a exactement quatre ans. Dans son texte, Matvejevic explique que parmi les responsables de la guerre qui a eu lieu sur le territoire de l’ex-Yougoslavie figurent aussi certains écrivains et journalistes, incitaient par leurs écrits à la haine envers ceux que, souvent sans arguments, on qualifiait d’ennemis.

Et on sait comment, à cette époque-là, on traitait les ennemis. Comme initiateurs de la haine, cet intellectuel renommé n’a fait que citer des personnes mentionnées déjà maintes fois par tant d’autres. Parmi ces gens qui initiaient à la haine figurait entre autres Mile Pesorda, écrivain originaire de Bosnie et Herzégovine qui, au début de la guerre, a quitté Sarajevo, sa ville natale, pour s’installer à Zagreb. Depuis, tout à fait dans le style de l’UDBA, la police politique titiste, il accusait, médisait et offensait ses anciens collègues. Pour le dire simplement - il mentait. L’une des victimes de cette entreprise offensante de Pesorda était Abdulah Sidran, un grand écrivain de Sarajevo.

L’intellectuel extrêmement courageux et honnête qui a osé dévoiler ce mensonge et signaler les dangers que cache une telle pratique de médisances et de dénonciations, était Predrag Matvejevic. Et pourtant, le 2 novembre 2005, Matvejevic a été condamné à une peine de prison, parce qu’il disait la vérité. Cette vérité a été donc reconnue par le juge Nenad Lukic comme étant de la calomnie et une offense. Celui qui médisait, qui offensait, qui répandait la haine, sort à présent du Tribunal municipal de Zagreb en tant que victime.

Cette sentence comporte un côté profondément absurde. Elle est émise au moment même où la République de Croatie parle de sa compatibilité avec les standards européens et entame les négociations avec l’Union Européenne. En Europe, cependant, on sait tout de même faire la part des choses : on condamne les discours de haine et on comprend le sens de termes tels que calomnie et offense.

Au sein du Tribunal européen pour les droits de l’homme, le fait même de traiter quelqu’un d’idiot n’est pas automatiquement qualifié de calomnie ou de médisance, si les démarches ou les paroles de l’idiot en question justifient un tel jugement de valeur négatif. En Croatie, la vérité est qualifiée de calomnie et d’offense, alors qu’un discours de haine indubitable est caractérisé d’affaire honnête. Et c’est cela qui nous inquiète tous.

Predrag Matvejevic, longtemps président P.E.N. club croate, président actuel de la communauté P.E.N. internationale, écrivain et intellectuel, le seul dans notre petit milieu à avoir un poids reconnu dans le monde entier, qui a été reçu il y a deux ans de la plus grande décoration de l’État des mains du Président de la République Stjepan Mesic, est aujourd’hui condamné à la prison. Pourquoi ? Pour avoir dit la vérité.

Pour toutes ses raisons, la peine de cinq mois de prison qui menace Predrag Matvejevic est la preuve de l’absurdité et du chaos dans lequel nous vivons, mais elle est aussi un avertissement sérieux.


[1] Président du centre P.E.N. club croate

 

Le crucifix, le yoga et la Croatie
Traduit par S.B.

Publié dans la presse : 24 août 2005
Mise en ligne : vendredi 26 août 2005

Le pape Benoît XVI a demandé l’introduction du crucifix dans les salles d’école et les édifices publics. Cette proposition suscite l’enthousiaste de certains représentants de la droite croate, mais fait débat dans le pays. L’occasion de revenir sur les relations difficiles et dangereuses entre religion, société et politique en Croatie : récemment, l’Église catholique a ainsi voulu interdire la pratique du yoga dans les écoles...

Par Drago Hedl

La Croatie répondra-t-elle à la dernière suggestion du pape Benoît XVI, en plaçant un crucifix dans tous les bureaux publics et les institutions d’État ? Bien que le symbole chrétien du crucifix soit déjà présent en Croatie dans beaucoup de salles d’hôpital, dans des salles de classes, les hospices et les bureaux de certains hommes politiques, sa présence obligatoire signifierait quelque chose de nouveau.

Dans un pays où l’Église a une énorme influence sur la vie politique, le gouvernement a réagi de manière très prudente à la proposition du pape. Un porte-parole officiel a simplement déclaré que cette idée serait examinée avec attention, en prenant le temps nécessaire pour sonder l’opinion publique.

À la différence de la position prudente du gouvernement conduit par Ivo Sanader, l’opinion publique n’a pas accueilli l’idée avec un grand enthousiasme. Seuls quelques rares hommes politiques, comme Ante Djapic, le président du Parti croate du droit (HSP), ont accepté sans réserve l’initiative du pape. Ce représentant de la droite a déclaré qu’il avait déjà émis une circulaire, depuis son bureau de maire de la commune d’Osijek, pour que le crucifix soit présent dans les espaces publics, à côté du drapeau et du blason de la Croatie.

Principale force d’opposition, le Parti social-démocrate (SDP), dont la popularité a beaucoup augmenté ces derniers mois et qui - selon les derniers sondages - jouit actuellement d’une meilleure popularité que l’Alliance démocratique croate (HDZ) au pouvoir, considère que, si le crucifix était placé dans les édifices publics, comme symbole d’une seule foi, cela violerait sérieusement le droit constitutionnel à l’égalité entre les citoyens. Même dans les rangs du Parti paysan croate (HSS), traditionnellement proche de l’Église catholique, on considère que l’exposition du crucifix est un choix personnel de chaque individu, et que cette question ne devrait pas être régulée par des obligations ou des prescriptions.

Des réticences au sein même de l’Église

Il semble même qu’à l’intérieur de l’Église catholique croate, l’idée du pape ne reçoivent pas un soutien unanime. D’un côté, immédiatement après la déclaration de Benoît XVI sur l’importance « que Dieu soit présent dans la vie publique, par le symbole du crucifix, dans les maisons et les bureaux publics », certaines déclarations officieuses ont rappelé que déjà l’automne dernier, les évêques croates avaient envoyé une requête explicite sur l’exposition du crucifix dans les bureaux publics. D’autre part, cependant, le rédacteur en chef de l’influent hebdomadaire catholique Glas Koncila, Ivan Miklenic, a expliqué qu’il ne serait pas opportun d’interpréter littéralement la proposition du pape, formulée lors de son prêche à Castelgandolfo le jour de la fête de l’Assomption, le 15 août.

« La présence de Dieu dans la vie publique, dont le pape se préoccupe, est une question plus importante que celle de savoir où sera exposé le crucifix. Le pape souligne l’importance de la dignité de l’individu, de la liberté, de la paix, de la solidarité et des droits sociaux. Partout où de telles valeurs se manifestent, Dieu est présent dans la vie publique et cela, selon moi, est beaucoup plus difficile à réaliser que de fixer au mur un quelconque symbole. C’est pourquoi je considère que les paroles prononcées par le pape au cours d’une messe n’ont pas pour but que soit menée partout une action visant à faire apposer des crucifix dans les lieux publics », a déclaré Ivan Miklenic.

La célèbre théologienne libérale Ana Marija Grunfelder, qui a souvent critiqué certaines initiatives de l’Église, affirme qu’elle ne comprend ce qui a conduit Benoît XVI a présenter une telle idée. Elle affirme croire que la cause possible en serait l’influence exercée par le christianisme baroque de l’Allemagne méridionale, dans l’atmosphère de laquelle le pape a grandi, et la présence surabondante de symboles dans les églises bavaroises. Pourtant, ajoute Ana Marija Grunfelder, cet élément n’est pas présent dans la théologie de Benoît XVI.

« Peut-être Ratzinger a-t-il tiré la conclusion que croyants actuels ne sont plus dans les conditions leur permettant d’établir une communication avec un Dieu abstrait, ce qui rendrait nécessaire la présence d’un crucifix dans tous les endroits. Tout le reste repose sur des spéculations et des tentatives de pénétrer le sens profond de la proposition de Ratzinger, dont je n’arrive pas à comprendre la signification », a-t-elle déclaré.

Les observateurs de la politique de l’Église catholique en Croatie font remarquer que, très probablement, bien que l’Église ne veuille pas revendiquer la reprise à la lettre de la proposition du pape, elle est cependant très décidée à demander la présence obligatoire du crucifix dans tous les lieux publics. Nulle part en Europe, fait-on cependant remarquer, la question n’a été résolue de la sorte. C’est ainsi que l’on rappelle à l’attention publique l’affaire survenue il y a deux ans en Italie, à L’Aquila où, à la suite de la plainte déposée par le chef de la communauté musulmane locale, un tribunal a statué que les crucifix devaient être ôtés des hôpitaux et des écoles publiques, au nom du principe d’égalité des droits religieux.

L’Église catholique est considérée par une partie de l’opinion publique croate comme porteuse de positions intolérantes et exclusives. L’exemple toujours cité est celui de l’opposition de l’Église à l’introduction du yoga dans les écoles. L’Église craignait en effet que le yoga puisse susciter l’intérêt des élèves envers les religions orientales. De même, il y eut une grande discussion et de nombreuses polémiques en Croatie sur l’introduction du catéchisme obligatoire dans les écoles. L’Église a toutefois réussi à garder le cap avec succès sur ce dossier.

De la même manière, il y a deux ans, l’Église a exercé de fortes pressions pour obtenir la fermeture dominicale des commerces. Le gouvernement du Premier ministre de l’époque, le socialiste Ivica Racan, avait cédé aux pressions, faisant adopter par le Parlement une loi qui limitait rigoureusement le travail du dimanche dans les grands centres commerciaux. Par la suite, la Cour constitutionnelle a annulé cette loi, mais l’Église a continué à se battre pour obtenir cette interdiction.

« Méthodes inquisitoriales » contre un concert de Marilyn Manson

Ces derniers jours, en même temps que le pape demandait l’introduction du crucifix dans les bâtiments publics, l’Église lançait une grande campagne pour interdire un concert de Marilyn Manson. Le chanteur rock était attendu à Pula le 22 août, la capitale de la région traditionnellement libérale d’Istrie. Le concert était presque interdit, au motif que Manson « offense les sentiments religieux des citoyens », quand une série d’articles critiques est parue dans la presse sur « les méthodes inquisitoriales » utilisées par l’Église croate pour interdire un concert de rock. La police a finalement renoncé à interdire le concert.

Les pressions des associations catholiques n’ont pas diminué pour autant, et la police a dû promettre que, si Manson offensait les sentiments religieux des citoyens au cours de son concert, sa prestation serait interrompue et le chanteur conduit en prison. Finalement, le concert s’est déroulé sans aucun incident.

 

Croatie : du nouveau sur les massacres de Serbes à Osijek durant la guerre
Traduit par Persa Aligrudic

Publié dans la presse : 27 juillet 2005
Mise en ligne : vendredi 29 juillet 2005

Fin 1991 et début 1992, des civils serbes ont été assassinés à Osijek, la capitale de la Slavonie croate, alors assiégée par les milices serbes. Un témoin, Krunoslav Fehir, confirme que ces crimes ont bien été commis sous les ordres de Branimir Glavas, alors représentant du Président Tudjman dans la ville. Maintenant dissident du HDZ, Glavas est toujours l’homme fort de la vie politique locale.

Krunoslav Fehir précise que ces crimes ont été commis par les membres de la soi-disant « Unité de Branimir » à Osijek. On leur avait dit qu’il s’agissait de tchétniks et de terroristes, et non pas de civils. Dans sa déclaration à la télévision croate, Krunoslav Fehir accuse lourdement Branimir Glavas. « Bien sûr, il s’agit de Branimir Glavas, je n’avais que 16 ans lorsqu’il m’a mis dans la situation de tuer des civils exclusivement de nationalité serbe », dit-il.

Fehir a aussi décrit son rôle durant la séance de torture de Cedomir Vuckovic et de Djordje Petrovic : « Nous les avons tabassé jusqu’à 9 heures du soir, et entre 21 heures et 21 heures 30, l’un des membres de l’unité de Branimir et moi-même avons forcé Cedomir Vuckovic à boire le liquide de la batterie que nous avions versé dans un récipient ».

« C’est moi qui l’ai tué »

Fehir explique que Vuckovic, après avoir été torturé, avait essayé de s’enfuir du garage où avait eu lieu la séance de torture pour regagner le centre de Osijek : « C’est alors que nous avons tiré des coups de feu sur lui et que quatre ou cinq balles l’ont touché. C’est moi qui l’ai tué. Il est alors tombé entre les bâtiments du Tribunal pénal et le Secrétariat de la défense nationale, où Branimir Glavas était installé, à une distance de cinq à sept mètres. Le deuxième prisonnier a également été liquidé. Il a été emmené jusqu’à la rivière de la Drava où il a été tué d’une balle tirée dans la nuque », raconte Fehir.

Interrogé pour savoir s’il l’avait liquidé de sa propre initiative où s’il en avait reçu l’ordre, Fehir a répondu : « Après les coups de feu, Glavas est venu jusqu’à moi en me demandant où était le deuxième. Je lui ai dit qu’il était à l’intérieur, sur quoi il m’a rétorqué : qu’attends-tu, tu aurais pu le liquider aussi, tant qu’il n’y a encore personne ».

D’après les estimations de Fehir plusieurs dizaines de civils ont ainsi été tués et il affirme que ce n’est ni le premier ministre ni le président du Sabor qui l’ont incité à faire sa déclaration, mais que c’est sa conscience qui l’a poussé à le faire et il dit que ces crimes ne peuvent et ne doivent pas être oubliés.

Glavas : je veux que tout soit mis en lumière

Branimir Glavas a de nouveau rejeté toutes les accusations en disant que la place de Fehir devait être sur le banc des accusés, puisqu’il a reconnu avoir tué des civils serbes.

« Sur le banc des accusés doivent se trouver ceux qui ont commandité ces crimes. Je n’ai ni commis de crimes ni ordonné qu’ils soient commis, et mon intérêt est que l’on en fasse la lumière car depuis 14 ou 15 ans je porte le fardeau des crimes, je porte les péchés d’autrui sur mon dos et je le supporte stoïquement. À présent, je ne le veux plus, je veux qu’on élucide tout cela, que tous les cas fassent l’objet d’investigations. Tout crime porte un nom et prénom », a-t-il dit.

La police d’Osijek : nous irons jusqu’au bout

Le nouveau chef de la police de Osijek, Vladimir Faber, a confirmé que de nouveaux témoins sont apparus au cours de l’enquête. Si les accusations du témoin protégé sont confirmées, Branimir Glavas ne jouira pas de l’immunité parlementaire, tandis que l’opinion public se demande si le nouveau chef de la police de Osijek a les mains libres : « J’affirme sous ma pleine responsabilité que nous irons jusqu’au bout et que nous ferons tout ce qu’il est possible de faire objectivement pour élucider les événements survenus en 1991 ».

La police d’Osijek a communiqué qu’il y avait encore 27 cas de meurtres non élucidés datant de 1991 et 1992, tandis que le Parquet a confirmé l’existence de documents relatifs à 10 crimes de cette période perpétrés de la même manière. Les victimes ont été torturées, liées avec des rubans adhésifs et emmenées jusqu’à la Drava pour être fusillées et jetées dans la rivière.

Djapic : la politique en arrière-plan

Le président du Parti croate de droit (HSP, extrême droite), en même temps maire d’Osijek, Anto Djapic, a lancé un appel à l’opinion publique pour ne pas créer un climat de condamnation des hommes tant que les procédures judiciaires ne seront pas entamées. « Le Parquet public a fait une très grosse erreur, car il n’a pas été arrêté le témoin protégé qui a avoué publiquement qu’il avait tué », a déclaré Djapic.

« Il n’existe pas de protection telle que quelqu’un puisse parler à des médias publics en avouant avoir tué et qu’ensuite il ne soit pas arrêté. Si cela devait continuer, cela montre qu’il y a derrière un fond politique dans l’ouverture de ’l’affaire Osijek’. On a généralement reconnu le fait qu’il y a eu disparition de civils serbes et que quelqu’un doit en assumer la responsabilité, mais les lois ne s’appliquent pas de façon égale pour tous, car ceux qui ont commencé l’agression sur la Croatie et Osijek ont été libérés de toute responsabilité par amnistie pour le meurtre de près de 2000 civils d’Osijek et pratiquement personne n’en assume la responsabilité », a-t-il conclu.

 

Le lundi 25 avril 2005

La Croatie ouvre un grand procès de crimes de guerre

Agence France-Presse - Zagreb

Le plus grand procès de crimes de guerres contre 27 Serbes accusés d'avoir commis des atrocités contre des civils dans la région de Vukovar au début du conflit serbo-croate de 1991-1995 s'est ouvert lundi devant un tribunal croate, a-t-on indiqué de source judiciaire.

Seize des 27 accusés sont jugés par contumace.

Les inculpés, tous des anciens paramilitaires, ont plaidé non coupable. Ils sont accusés d'avoir tué et terrorisé des civils non-serbes entre octobre 1991 et mai 1992 dans le village de Mikusevic, à 30 km au sud-est de Vukovar.

L'acte d'accusation porte également sur le meurtre de trois membres d'une famille et l'expulsion d'une centaine de villageois après la chute de Mikusevic entre les mains de rebelles serbes.

La capture de la ville de Vukovar en novembre 1991 par les sécessionnistes serbes soutenus par l'armée yougoslave fut un tournant dans la guerre en Croatie. Plus de 1100 civils sont morts durant les trois mois de siège.

Les procès pour crimes de guerre sont observés par l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), qui a déclaré en 2004 que la justice croate pouvait avoir une attitude discriminatoire envers les Serbes de Croatie.

 

OSSERVATORIO SUI BALCANI
Chômage, endettement et pauvreté ne cessent de croître en Croatie
TRADUIT PAR VINCENT DOUMAYROU

Publié dans la presse : 29 mars 2005
Mise en ligne : dimanche 10 avril 2005

L’endettement et la pauvreté affectent de plus en plus les Croates. Les prix des produits alimentaires atteignent des sommets, alors que les effets du report des négociations en vue de l’adhésion à l’Union européenne commencent à se faire sentir. Le pays a désormais une dette extérieure supérieure à 30 milliards de dollars.

Par Drago Hedl

Un certain Kristijan, âgé de 35 ans, originaire d’Osijek, quatrième ville de Croatie, a fait paraître une annonce dans le journal local pour mettre en vente son rein au prix de 25 000 euros. Kristijan est divorcé, au chômage, et il ne peut pas payer de quoi se nourrir ni rembourser les dettes qu’il a contractées. Il considère la vente d’un rein comme un ultime recours pour sortir de la situation difficile dans laquelle il se trouve.

Son histoire souligne de façon dramatique la question de la pauvreté croissante en Croatie. D’après des données rendues publiques récemment, un citoyen sur six - soit en tout 730 000 personnes environ - gagne un salaire inférieur aux 1 604 kune (environ 216 euros) que les services statistiques de l’UE retiennent comme seuil de pauvreté. En outre, les enquêtes de Caritas Croatie montrent qu’une famille sur trois vit à la limite du seuil de pauvreté et a besoin d’une aide, sous des formes diverses, pour survivre. Ce sont les retraités qui connaissent la situation la plus difficile. Il y a environ 1 020 000 retraités en Croatie et 465 000 d’entre eux perçoivent une pension inférieure au seuil de pauvreté.

Endettement massif

Chaque Croate en situation d’activité doit aux banques en moyenne 61 000 kune (environ 8100 euros), soit l’équivalent de deux ans de revenu annuel moyen. Une part importante de ces dettes sont liées à l’achat d’automobiles, à des emprunts immobilier, etc..., mais une part considérable de la population s’endette aussi pour payer la facture de gaz et d’électricité, voire, dans certains cas, pour manger. Les citoyens sont donc dans la même situation que le pays tout entier - celle où on est obligé de s’endetter jusqu’au cou et où une grande partie des maigres revenus est utilisé à rembourser les dettes.

La dette extérieure de la Croatie a dépassé les 30 milliards de dollars et, pour rembourser les intérêts, le pays doit s’endetter encore plus. Le gouvernement du Premier ministre Ivo Sanader affirme avoir réussi à ralentir le rythme de l’endettement extérieur mais l’opposition prétend le contraire. Radimir Cacic, ancien ministre du Bâtiment sous le gouvernement du Premier ministre social-démocrate Ivica Racan (défait aux élections de 2003) estime que le gouvernement Sanader a contracté pour 2,5 milliards de dollars de dette extérieure supplémentaire - pour la seule année 2004.

20% de chômeurs

D’après l’opposition, rien n’en a été dépensé pour développer le pays mais tout est parti dans les dépenses courantes. L’opposition met en garde contre la nouvelle augmentation du chômage et souligne qu’au cours des deux premiers mois de l’année le nombre de demandeurs d’emploi a augmenté de 12 000 personnes, et que désormais les listes de chercheurs d’emploi comptent 330 000 inscrits. Le taux de chômage est ainsi passé à environ 20 % de la population active.

L’opposition dénonce aussi la hausse inquiétante de l’inflation qui, pour le seul mois dernier, s’élève à 3,3 %. Les Croates ressentent ce fardeau : les prix des fruits et légumes s’affolent, et salades, pommes de terre et concombres coûtent aujourd’hui le double de l’an dernier. Le gouvernement explique cela par un hiver long et exceptionnellement froid, et par l’augmentation des prix du gaz, facteurs qui combinés l’un à l’autre aurait provoqué un renchérissement dans la production de légumes. Néanmoins, cela ne console pas beaucoup les citoyens.

Zorica Jankovic, propriétaire d’un petit magasin à Slatina, en Slavonie, région à prédominance agricole, explique à quel point les gens y regardent à deux fois avant de faire leurs achats. Les clients de Zorica font littéralement attention à chaque kuna. Dans son magasin il y a deux types de saucisses similaires - l’une à 14, 90 kune et l’autre à 15, 50. Bien que la différence de prix de 60 lipe (8 centimes d’euros) soit négligeable, toutes les saucisses à prix inférieur sont vendues avant les autres, affirme la commerçante.

Le slogan qui, au moment des élections de l’an dernier, avait contribué à la victoire du Premier Ministre actuel Ivo Sanader et de son Union démocratique croate (HDZ), était « faisons bouger la Croatie ». Il promettait de renforcer l’économie et de permettre une croissance économique plus rapide, des emplois, des augmentations de salaires et des pensions de retraite, en arrêtant la dette extérieure du pays, qui était déjà énorme. Un an et demi plus tard, aucun de ces objectifs n’a été atteint par l’équipe au pouvoir.

Le gouvernement n’a plus rien à proposer

L’opposition accuse maintenant Ivo Sanader d’ignorer complètement les affaires intérieures et les problèmes du pays et d’avoir passé ces 18 mois à tout miser sur les efforts en vue de l’ouverture des négociations avec l’Union Européenne. En même temps, il est devenu patent, selon l’opposition, que le gouvernement Salader n’a aucun plan pour l’économie du pays pas plus qu’une stratégie de développement du pays. Dans un contexte où le début des négociations est repoussé sine die, et où le pays affronte des difficultés économiques, la situation est simple : le gouvernement n’a rien à proposer.

Les économistes estiment que le retard dans l’ouverture des négociations d’adhésion à l’Union européenne a d’ores et déjà commencé à faire sentir ses effets négatifs. À la Bourse des valeurs de Zagreb, on constate déjà une chute du cours de toutes les principales sociétés cotées, et d’aucuns estiment que cette chute est le résultat direct du retard dans l’ouverture des négociations avec l’UE. D’après les économistes, le pire se trouverait donc encore à venir. Si le retard se prolonge, et que les négociations ne s’ouvrent pas d’ici la fin de l’année, Zagreb pourrait faire face à des difficultés bien pires. La notation financière du pays pourrait se dégrader, ce qui voudrait dire non seulement des difficultés à obtenir de nouveaux crédits, mais aussi des crédits plus chers. Pour fonctionner et rémbourser les intérêts, il faudrait à la Croatie une injection d’argent frais d’environ un demi-milliard de dollars par mois.

« Les citoyens ont commencé à se comporter exactement comme le fait leur pays, déclare un économiste. Quand ils n’ont pas d’argent, ils vont à la banque pour obtenir des crédits. Cependant, le problème en Croatie est que de moins en moins de personnes arrivent à obtenir des crédits. Et quand la même chose arrivera au pays lui-même, la situation deviendra critique », note un économiste.

 

L’Académie croate adopte une nouvelle déclaration très politique sur la langue
TRADUIT PAR URSULA BURGER OESCH


Mise en ligne : jeudi 3 mars 2005

L’Académie croate des Sciences et des Arts (HAZU) vient d’adopter une nouvelle déclaration sur la langue croate. Pour Jutarnji List, cet acte anachronique s’inscrit dans le cadre de la campagne de l’extrême droite contre le Premier ministre Ivo Sanader et les perspectives d’intégration européenne du pays.

Par Davor Butkovic

Après la lecture d’une telle opinion indécemment exagérée, il est évident que les vraies intentions de cette déclaration, publiée par la présidence de l’Académie le 23 février sont d’un tout autre genre.

La déclaration de l’Académie est un acte purement politique, dans lequel la question de la langue est utilisée comme un instrument politique, c’est-à-dire comme un moyen de mobilisation massive pour la réalisation de certains buts politiques qui, dans les circonstances actuelles en Croatie, ont peu de rapport avec la langue.

Il faut d’abord souligner qu’une telle utilisation de la langue à des fins politiques en 1967, à l’époque de l’ex-Yougoslavie, était justifiée par deux fortes raisons : d’abord, à l’époque, la langue était véritablement un élément d’homogénéisation politique en Croatie et, deuxièmement, le fait est que l’identité de la langue croate était véritablement en danger, d’un côté à cause de l’imposition de certains standards provenant de Serbie, de l’autre, par le simple fait que le nom même de la langue était composé de deux langues, c’est-à-dire que la langue officielle s’appelait serbo-croate, ou croate ou serbe.

La droite radicale sur la défensive

Dans cette optique, la Déclaration sur la langue de 1967 était véritablement un événement politique de grande importance, dont le but était de conserver l’identité de la langue (but qui a été d’ailleurs entièrement réalisé), mais il a également canalisé l’émancipation de l’idée sur une plus grande indépendance de la Croatie au sein de la fédération yougoslave.

Cette Déclaration représentait donc un acte politique éminent de résistance contre Belgrade ainsi qu’un appel pour un regroupement politique en Croatie, dans le but d’une réalisation d’indépendance maximale.

Cependant, la question qu’on se pose à présent est celle est du lien, tant souligné par les militants de la récente de Déclaration sur la langue de l’Académie, entre la déclaration de 1967 et celle écrite 38 ans plus tard dans une Croatie indépendante.

La Déclaration de 1967 s’inscrit dans un moment caractérisé par une forte menace des intérêts nationaux croates, une époque où l’on avait l’impression que la Yougoslavie de Tito ne pouvait pas se décomposer et que personne au monde ne soutiendrait jamais la création de nouveaux États indépendants en Europe.

La nouvelle déclaration de la HAZU est au contraire publiée alors que la Croatie est indépendante depuis une quinzaine d’années, qu’elle est un pays dans lequelle on parle naturellement la langue croate, où les intérêts nationaux croates ne sont pas et ne peuvent aucunement être en danger de la même manière que c’était le cas en Yougoslavie. La Déclaration de la HAZU est également rendue publique au moment où doit se décider l’adhésion croate à l’Union Européenne.

Si les Déclarations de 1967 et celle de 2005 ont la même signification, comme le prétendent les inspirateurs et les pionniers de la déclaration et si la Déclaration de 1967 était une réaction contre la mise en danger des intérêts nationaux croates et une invitation à la défense de ceux-ci, il est nécessaire de se poser la question suivante : qu’est-ce qui, du point de vue des auteurs de la nouvelle Déclaration, mais aussi de celui de l’Académie, met en péril aujourd’hui les intérêts nationaux croates ?

La Croatie est-elle, pour résumer les choses en quelques mots, dans une situation aussi difficile qu’à l’époque de la Yougoslavie, en 1967 ? Nous avons peur de devoir constater que l’ultime et véritable dessein des auteurs et des idéologues de cette Déclaration s’oriente précisément vers cette thèse-là.

Ils veulent, en signalant un soi-disant péril dans lequel se trouverait la langue, montrer que dans l’actuelle Croatie indépendante et souveraine, qui se prépare à franchir bientôt le pas de l’UE, les intérêts nationaux sont mis en danger presque de la même façon que dans la Yougoslavie de Tito.

Cette thèse latente des auteurs et des idéologues de la Déclaration concerne uniquement la Croatie post-tudjmanienne. Car si Franjo Tudjman était toujours vivant, ou si nous avions au pouvoir une équipe politique défendant l’idéologie tudjmanienne et ses méthodes de gestion du pouvoir, cette Déclaration de l’Académie, nous en sommes persuadés, n’aurait jamais existé.

Et si le Premier ministre Ivo Sanader, après avoir pris le pouvoir, avait rempli les attentes des protagonistes de la révolution conservatrice (de Thompson jusqu’aux évêques de la Dalmatie de Sud) qui régnaient en Croatie il y a quelques années encore, la Déclaration sur la langue n’aurait également pas été publiée.

Mais Ivo Sanader a poursuivi la politique de l’ancien Premier ministre social-démocrate Ivica Racan, la seule possible (parce que toute autre politique ramènerait la Croatie au niveau de la Serbie et la Bosnie & Herzégovine), et les idéologues de l’extrême droite croate se sont sentis rahis, puis mis en dange. Finalement, alors qu’Ivo Sanader semble avoir de moins en moins de soutien au sein de son propre parti, ces militants sont prêts à agir.

Comme le montre très clairement une longue interview de Dubravko Jelcic, donnée au magasine Hrvatsko slovo, ainsi que certains textes publiés dans d’autres journaux de la droite radicale croate, auxquels, malheureusement, vient de se joindre le journal officiel de l’Église catholique Glas Koncila, l’extrême droite croate considère que le gouvernement d’Ivo Sanader met en danger les intérêts nationaux de même façon que le faisait, selon eux, le gouvernement d’Ivica Racan.

La droite radicale considère qu’Ivo Sanader met en danger les intérêts nationaux par sa collaboration avec le Tribunal de la Haye et par son apparent manque de respect pour la guerre patriotique. Elle reproche également à Ivo Sanader son ouverture envers la minorité serbe en Croatie ainsi que sa disposition à collaborer avec la Serbie et Monténégro.

La cible principale des attaques nationalistes contre le Premier ministre concerne avant tout les questions liées à l’Union Européenne.

La différence imposée

La droite radicale juge qu’en adhérant à l’UE, la Croatie va perdre son identité et sa souveraineté nationale, ainsi que sa fierté nationale.

Pour toutes ces raisons, aux yeux de la droite radicale croate, Ivo Sanader est un traître national, l’homme qui met sérieusement en danger les intérêts nationaux et le politicien auquel il faut s’opposer.

Les intellectuels favorables à l’extrême droite ont choisi comme stratégie d’opposition et d’attaque sur Sanader une soi-disant mise en danger de la langue croate, en comptant sur la traditionnelle sensibilité, presque automatique, de la plupart des Croates, aux questions linguistiques.

En ce sens-là, la Déclaration de la HAZU est une attaque contre Ivo Sanader, et cela au moment même auquel les opposants de l’extrême droite considèrent le Premier ministre comme étant dans une position de faiblesse. Elle représente également une attaque contre l’orientation pro-européenne de la République de Croatie.

La Déclaration de la HAZU a un deuxième but supplémentaire. Elle a été publiée quelques jours après la publication d’un avis par lequel le ministère de l’Éducation nationale a recommandé un Manuel sur l’orthographe écrit par Milan Mogus et Stjepan Babic qui, dans certains cas, ne correspond pas entièrement avec la pratique actuelle d’orthographe, et qui rend la langue croate plus « différente » que le serbe ou le bosniaque.

Les auteurs et les idéologues de la Déclaration considèrent apparemment qu’il est maintenant opportun d’essayer d’imposer une différentiation violente et claustrophobe de la langue croate, ce qui pouvait éventuellement avoir du sens dans l’ex-Yougoslavie, en tant que réaction aux nombreuses actions d’uniformisation de la langue, mais qui s’avère aujourd’hui fortement provincial et inutile.

La politique pure

À travers l’affirmation des « différenciations » dans la langue, on essaie d’imposer d’autres valeurs choyées par la politique de la droite radicale en Croatie, qui est essentiellement eurosceptique, encline à l’isolation, drastiquement conservatrice et totalement en opposition avec les intérêts nationaux actuels contemporains.

L’Académie croate des Science et des Arts peut, bien entendu, essayer de défendre sa Déclaration sur la langue en prétendant que celle-ci se réfère uniquement à la langue croate, et non pas à d’autres aspects de l’intérêt national, ni de la haute politique de l’État.

Cependant, une telle défense de la Déclaration n’a pas de fondement, parce qu’une grande partie de la Déclaration reprend des thèses bien connues, qui vont de soi et que personne ne remet en question.

Répétons une fois encore l’évidence : il va de soi qu’en Croatie on parle la langue croate. Quelle autre langue parlerait-on ? Est-ce que l’Académie était vraiment obligée de publier une déclaration supplémentaire pour souligner ce fait banal et évident ?

Il va également de soi que les Croates de Bosnie et Herzégovine parlent le croate. Pour cela non plus, il n’y avait pas besoin de déclaration spéciale.

Il est également inutile de prétendre que la Déclaration est écrite par peur de la multiplication des anglicismes dans la langue croate. Cette peur peut être argumentée. Elle est même caractéristique depuis les décennies de tout un groupe de pays européens, mais elle n’a sûrement pas motivé les auteurs et les idéologues de la Déclaration.

Nous voilà dans la zone de la politique pure.

L’Académie croate des Sciences et des Arts a essayé d’utiliser le soi-disant danger dans lequel se trouverait la langue croate pour porter un coup extrêmement conservateur, par lequel elle essaie de s’attaquer à l’orientation politique centrale de l’État, soutenue par tous les principaux partis politiques et par leurs électeurs, qui prône une orientation de la Croatie vers l’Union européenne. Cette logique vise à établir une isolation politique et linguistique.

Cette manoeuvre entièrement désorientée et anachronique de l’Académie, qui se révélera de toute manière dans l’avenir bien peu significative, délégitime malheureusement de façon cette institution, que nous avons de plus en plus de peine, au moins dans la sphère des sciences sociales, à considérer comme sérieuse.

 

Croatie : l’extrême droite multiplie les provocations
TRADUIT PAR STÉPHANE SURPRENANT

Publié dans la presse : 14 janvier 2005
Mise en ligne : samedi 22 janvier 2005

La Croatie contemporaine essaie de prendre ses distances avec son passé oustachi, mais ses efforts pour intégrer l’UE semblent provoquer un regain d’activités des éléments d’extrême droite au pays. Une série d’incidents viennent de défrayer la chronique : la statue de Jospi Broz Tito a été détruite dans sa ville natale de Kumorovec, et les initiatives en faveur des inculpés de La Haye se multiplient.

Par Drago Hedl

Le 9 janvier, un groupe non identifié a érigé un mémorial à Jure Francetic et Mile Budak - célèbres pour leur implication dans le mouvement fasciste autochtone croate qui avait pris le pouvoir sous l’occupation nazie en 1941 et qui fut responsable de la mort de dizaines de milliers de Serbes, de Juifs et de Roms - dans le village de Solin, en périphérie de Split.

Deux jours plus tôt, une grande affiche en faveur d’un individu suspecté de crimes de guerre, Ante Gotovina, était apparue à Kastel Stari, tout juste à l’extérieur du port dalmate. Cette action avait été précédée par la destruction d’une statue du dirigeant communiste de la Yougoslavie Josip Broz Tito, dans sa ville natale du nord de la Croatie, Kumrovec. Le geste a été condamné par les autorités qui l’ont qualifié de « vandalisme politique et culturel ».

Les analystes croient que l’extrême droite est responsable de ces manifestations haineuses et qu’elles sont destinées à « punir » le Premier Ministre Ivo Sanader. Ces extrémistes considèreraient en effet comme une trahison sa décision d’enlever des statues de Francetic et Budak dans une ville du centre de la Croatie.

Le gouvernement de centre-droit d’Ivo Sanader doit entamer bientôt des négociations sur la candidature du pays à l’UE le 17 mars prochain. Les analystes pensent que la décision de retirer pareilles statues sert à contrer l’idée que Zagreb tolère l’expression de sympathies pour le fascisme et ses symboles.

Juste avant Noël, les autorités avaient ôté un grand portrait de Gotovina qui avait été suspendu dans le centre de Zadar depuis que des poursuites avaient été ouvertes contre lui en 2001.

Des sources policières ont reconnu que les officiers avaient retiré le portrait en pleine nuit afin d’éviter toute altercation avec des supporters du général fugitif.

La question de la coopération avec le Tribunal Pénal de La Haye - un dossier-clé pour la candidature à l’UE - a longtemps été difficile pour les gouvernements croates, lesquels ont subi des pressions de la part d’éléments nationalistes et du public qui voient les inculpés comme des « héros de guerre » qui ne devraient aucunement être jugés pour leurs actes passés.

Un message pour Bruxelles

L’analyste politique Davor Gjenero soutient que ces actions menées par l’extrême droite, qui cherche manifestement à attirer l’attention, démontrent leur colère contre Sanader, auxquel ils reprochent son hostilité aux Oustachis et sa coopération avec le La Haye. « Indirectement, leur message est également destiné », ajoute-t-il.

Pour Ivo Sanader, l’objectif d’une adhésion à l’UE et ses bénéfices financiers sont contrebalancés par les risques d’une offensive des factions d’extrême droite au sein même de son parti, l’Union démocratique croate (HDZ), où plusieurs se rallient aux ultra-nationalistes qui s’opposent au Tribunal.

Un responsable du HDZ, s’exprimant sous le couvert de l’anonymat, a confié : « Ses adversaires dans le Parti, ceux qui sympathisent avec la droite radicale, le critiquent parce qu’il est trop indulgent avec Bruxelles et ne défend pas assez les intérêts nationaux ».

Nostalgies oustachies

La nécessité d’appaiser les éléments droitiers dans son propre parti explique probablement que les autorités aient permis une manifestation pro-Oustachi à Zadar le mois dernier. Des vétérans de la Seconde Guerre mondiale avaient défilé dans la ville avec des portraits du chef fasciste Ante Pavelic.

Cet épisode marque un contraste frappant avec la réaction des mêmes autorités lorsque des étudiants serbes avaient dévoilé en plein centre de Zagreb un portrait datant des années quarante du commandant Tchetnik Draza Mihajlovic. Deux des étudiants avaient été emprisonnés durant 15 et 5 jours respectivement.

Les analystes constatent que, en dépit de ses actions spectaculaires récentes, l’extrême droite est toujours loin d’avoir une consistance politique réelle. Lors de la dernière élection présidentielle croate, les candidats anti-européens et anti-La Haye, Ivic Pasalic, Ljubo Cesic Rojs et Tomislav Petrak, ont chacun récolté moins de 2 % des suffrages.

Ivic Pasalic, un ancien conseiller de la fin de la présidence de Franjo Tudjman qui dirige maintenant le modeste parti du Bloc croate, a affirmé que son organisation et les mouvements de droite en général n’avaient rien à voir avec le vandalisme.

« Tout cela a été fomenté par des provocateurs, des restes des anciens services secrets militaires ou de la sécurité d’État de la vieille Yougoslavie, ils essaient aujourd’hui de faire passer les partis de droite croates pour anti-européens », a-t-il déclaré.

Mais Andjelko Milardovic, Directeur du Centre de Recherche politique de Zagreb, affirme qu’il « s’agit d’un conflit entre deux perceptions, les pro-européens menés par le gouvernement de Sanader et la droite populiste qui s’y oppose ».

« La même chose s’est produite dans d’autres pays en transition, comme la Slovaquie, mais en Croatie la chose prend une forme plus radicale. » Milardovic continue en disant que pour le moment, la droite radicale peine à faire progresser ses idées.

« Le fait que plus de la moitié de la population soutienne la candidature de la Croatie à l’UE suggère que les ultra-nationalistes seront incapables d’y faire obstacle », conclut-il.

 

Croatie : le Premier ministre Sanader tenté par une alliance avec l’extrême droite ?
TRADUIT PAR JEAN-ARNAULT DÉRENS

Publié dans la presse : 10 janvier 2005
Mise en ligne : mardi 11 janvier 2005

Le Premier ministre vient d’essuyer deux coups durs : la ccontre-performance de sa candidate au premier tour des présidentielles, et la démission de deux poids lourds de son cabinet. Maintenant que l’adhésion européenne de la Croatie est assurée, Ivo Sanader va-t-il former une coalition avec l’extrême droite ?

Par Drago Hedl

Le ministre des Affaires étrangères, Miomir Zuzul, soumis à de sévères critiques ces derniers mois pour son implication dans divers scandales, a présenté sa démission, devenant ainsi la première grande pointure du gouvernement Sanader à quitter le navire. Sa démission, comme l’a confirmé le Premier ministre, est seulement le prélude à un sérieux remaniement ministériel, qui pourrait intervenir en février.

Mimor Zuzul qui, dans le passé, a été un allié précieux d’Ivo Sanader, a dû céder la place pour laisser le Premier ministre conclure un accord avec l’opposition et choisir le chef de l’équipe croate des négociations avec l’Union européenne qui débuteront le 17 mars. L’opposition avait refusé le mois dernier d’accorder sa confiance à Miomir Zuzul pour mener ces négociations, et Ivo Sanader a donc été contraint de sacrifier son ministre.

En très peu de temps, Miomir Zuzul a été impliqué dans trois grands scandales. Tout d’abord, il est apparu qu’il ne payait pas les impôts pour sa grande maison de Zagreb. Ensuite, en tant que ministre des Affaires étrangères, il a réclamé que soit confié à la firme de travaux public Bechtel, sans aucun appel d’offres, la construction d’une portion des autoroutes croates, alors qu’il était consultant pour cette entreprise avant de devenir ministre. Enfin, il a défendu la prescription d’une dette fiscale d’un million d’euros, dus par la firme d’un de ses cousins, partenaire d’affaires de son épouse.

Le lendemain même de la démission de Miomir Zuzul, il est apparu que le gouvernement allait aussi devoir se passer des services du vice-Premier ministre et ministre de la Santé, Andrija Hebrang. Les raisons de cette démission, toutefois, sont différentes. À la fin de l’année, le ministre a dû subir une opération pour un cancer de la prostate, et il doit encore poursuivre un traitement. Il a lui-même déclaré qu’il présentait sa démission pour des raisons de santé, certain qu’Ivo Sanader allait l’accepter.

Remaniement ministériel en février ?

La disparition de ces deux figures centrales du gouvernement donne l’occasion à Ivo Sanader de procéder à un large remaniement. Depuis plus d’un an, le Premier ministre n’est pas satisfait des résultats obtenus par son équipe et, à l’exception des succès enregistrés en politique étrangère, couronnés par l’annonce d’une date pour l’ouverture des négociations avec l’Union européenne, il y a peu de choses dont il puisse se vanter. Ivo Sanader est également préoccupé par deux signaux forts qui ont été envoyés par les citoyens croates : les sondages révèlent que 60% d’entre eux estiment que le pays va dans une mauvaise direction et, lors du premier tour des élections présidentielles du 2 janvier, Jadranka Kosor, la candidate de la Communauté démocratique croate (HDZ), le parti du Premier ministre, a obtenu seulement 20% des voix. Ces signaux ont convaincu Ivo Sanader qu’il devait faire quelque chose avant les élections locales de mai, pour convaincre les citoyens qu’il sera en mesure de tenir les promesses qu’il avait faite avant sa victoire aux élections de novembre 2003.

La déclaration d’Ivo Sanader indiquant que le remaniement pourrait avoir lieu dès février a suscité les rumeurs sur d’autres éventuelles démissions. Dans les milieux et les cercles politiques, circulent ainsi les noms du ministre du Commerce et des affaires maritimes, Bozidar Kalmeta, et celui du ministre de l’Économie, Branko Vucelic. Le premier est évoqué, avec Miomir Zuzul, dans l’affaire Bechtel, et le second a bien peu de succès à son actif. Branko Vucelic est un des plus mauvais ministres et il s’occupe d’un secteur crucial pour respecter la promesse électorale d’Ivo Sanader : faisons bouger la Croatie !

L’annonce d’un remaniement a nourri des spéculations sur le fait que le Premier ministre pourrait en profiter pour se débarrasser de ses actuels partenaires de coalition - le Parti social-libéral croate (HSLS) et le Parti croate des retraités (HUS). Ivo Sanader supporte mal revendications toujours plus audacieuses de ces petits partis, avancées en échange de leur nécessaire soutien parlementaire au gouvernement. Ivo Sanader a exprimé publiquement son mécontentement envers ses partenaires de coalition : après le premier tour de la présidentielle, il leur a demandé de soutenir pour le second tour la candidate du HDZ, Jadranka Kosor, ce que les partis alliés ont refusé de faire.

Vers une coalition avec le HSP ?

Ivo Sanader pourrait ainsi offrir plusieurs portefeuilles ministériels au Parti croate du droit (HSP), qui a huit mandats parlementaires. Cela lui permettrait d’avoir une majorité plus stable : au lieu de trois partenaires, il n’en aurait plus qu’un. Une éventuelle coalition avec le HSP poserait cependant d’autres problèmes.

Après les élections parlementaires de novembre 2003, le HSP apparaissait déjà comme un partenaire de coalition possible pour le HDZ, mais Ivo Sanader avait dû renoncer à cette idée sous la pression de la communauté internationale, qui ne voulait pas voir siéger au gouvernement les représentants d’un parti qui exprimait encore il y a peu de temps ses sympathies pour le mouvement fasciste des Oustachis de la Seconde guerre mondiale. À l’époque, Ivo Sanader avait renoncé à cette possibilité, puisque l’entrée du HSP au gouvernement auraut compromis son principal objectif de politique étrangère : l’entrée de la Croatie dans l’Union européenne.

Maintenant, cependant, une date a été fixée pour l’ouverture des négociations entre la Croatie et l’Union européenne, tandis que le HSP a officiellement renoncé à l’idéologie oustachi, en se redéfinissant comme un parti moderne de la droite européenne. Ivo Sanader considère donc qu’il ne devrait plus y avoir d’obstacles à une éventuelle coalition avec ce parti. Avant de prendre une telle décision, cependant, le Premier ministre devra étudier sérieusement les possibles conséquences de ce choix sur la politique étrangère et intérieure. C’est pour cela qu’Ivo Sanader a une oreille tournée vers Bruxelles et l’autre à l’écoute des minorités de Croatie, particulièrement de la minorité serbe, qui lui a non seulement donné un soutien parlementaire, mais lui a aussi apporté une légitimité aux yeux de l’Europe, en le faisant apparaître comme le Premier ministre d’un pays qui tient à coeur la situation de ses minorités nationales.

 

Le sort du Général Gotovina freine toujours la marche de la Croatie vers l’Europe
TRADUIT PAR PIERRE DÉRENS

Publié dans la presse : 30 octobre 2004
Mise en ligne : dimanche 31 octobre 2004

Les pressions sur le gouvernement croate d’Ivo Sanader pour livrer Ante Gotovina, le fugitif croate le plus recherché par le TPI, se renforcent avant le 23 novembre, date butoir fixée par la procureure en chef du tribunal de La Haye, Carla Del Ponte. Le dossier Gotovina pourrait retarder les discussions sur l’intégration européenne de la Croatie.

Par Sanja Romic

Savoir où se trouve Ante Gotovina est le sujet fiévreusement débattu par la Procureure en chef et les autorités croates, depuis que le tribunal international l’a accusé en 2001 de crimes de guerre contre les Serbes de Croatie.

Ante Gotovina a été accusé pour son rôle dans l’offensive croate, appelée Opération Tempête, qui s’est terminée par la reprise de la Krajina, alors aux mains des Serbes, en 1995.

Le général, responsable de l’attaque, est accusé de crimes contre l’humanité et de violations des lois et coutumes de guerre. On dit qu’il est responsable de l’assassinat illégal d’au moins 150 Serbes de Krajina, de la disparition de plusieurs autres centaines, de nombreuses rapines, de la destruction de maisons ainsi que de la déportation illégale d’environ 200 000 membres de la minorité serbe. Il est en fuite depuis que l’accusation contre lui a été formulée.

Menace sur les discussions européennes

Ce cas jette une ombre de plus en plus embarrassante sur les discussions tant attendues sur l’entrée de la Croatie dans l’Union européenne, qui doivent démarrer au printemps prochain.

Le gouvernement affirme avec insistance que le général n’est pas en Croatie. C’est ce que pensent beaucoup d’analystes locaux. Mais si ce n’était pas le cas, les responsables officiels auraient un sérieux problème.

Ivo Sanader est très attaché à l’intégration européenne, et il perçoit bien que cela dépend du transfert d’Ante Gotovina au tribunal. Il n’en est pas moins conscient que cela pourrait lui coûter cher, en termes politiques, car beaucoup de membres de son propre parti, le HDZ, seraient furieux si le général Gotovina était arrêté et transféré vers La Haye.

Le 11 octobre, devant les ministres de l’UE réunis au Luxembourg, Carla Del Ponte a sonné l’alarme en déclarant que l’arrestation d’Ante Gotovina se faisait beaucoup attendre. Elle a déclaré que la pression monterait pour que « la Croatie livre ou dise où se trouve Ante Gotovina, avant le 23 novembre », date à laquelle elle remettra un rapport final sur ce cas au Conseil de Sécurité de l’ONU.

Ce rapport de novembre sera de la plus grande importance sur les négociations d’adhésion de la Croatie à l’UE, prévue en février ou mars 2005, comme l’a annoncé le Commissaire européen pour l’élargissement, Olli Rehn.

« J’ai été très déçue de nos discussions de ce printemps, j’espérais l’arrestation d’Ante Gotovina cet été », expliquait Carla Del Ponte le 11 octobre. « Le principe selon lequel les gens en fuite continuent de se déplacer en toute liberté doit cesser d’exister », ajoutait-elle, en faisant référence à des rapports selon lesquels on aurait remarqué la présence d’Ante Gotovina en août dans la ville côtière croate de Brela. Quelques jours plus tard, une enquête révélait qu’il ne s’agissait pas en fait de lui.

Regain d’activité des autorités croates

Le dernier avertissement de La Haye , associé à une déclaration du Conseil des Ministres de l’UE, selon laquelle les négociations avec la Croatie pourraient être suspendues à n’importe quel moment si les critères européens de démocratie, de liberté de droits de l’homme n’étaient pas respectés, ont entraîné un regain d’activité des autorités croates, dont des perquisitions dans les maisons des amis d’Ante Gotovina.

Les médias croates ont aussi rendu publiques deux transcriptions confidentielles importantes, datant de 1995, qui constituent la base de l’accusation initiale d’Ante Gotovina.

Ces transcriptions révèleraient les projets de l’ancien Président Franjo Tudjman et des généraux d’ouvrir des « corridors d’évacuation » aux Serbes de Krajina en 1995, quand les forces du gouvernement ont repris la région, dans le cadre de l’Opération Tempête. En d’autres termes, elles semblent suggérer que Franjo Tudjman avait l’intention de nettoyer la région de sa population serbe. Les avocats d’Ante Gotovina affirment d’ailleurs que ces transcriptions sont des faux, alors que le bureau du Président Stipe Mesic prétend le contraire.

Carla del Ponte veut du concret

« Les vacances sont derrière nous et nous voulons maintenant du concret sur le cas Ante Gotovina. La Procureure en chef pense que les mises au point et les raids du ministère de l’Intérieur en Croatie et des services secrets n’ont eu lieu que pour l’impressionner. Cela ne la trompe pas », affirme-t-on à La Haye. « À la mi-2005 de nouvelles accusations sont encore possibles. La période à venir est capitale pour Carla Del Ponte et pour la Croatie ».

À Zagreb, le ministre croate des Affaires étrangères, Miomir Zuzul, s’est plaint récemment dans une discussion au club de l’OTAN à Bruxelles que la Croatie était devenue « l’otage d’une situation qu’elle ne peut pas résoudre », faisant ainsi référence à ce que croit le gouvernement : Ante Gotovina n’est pas en Croatie.

Miomir Zuzul a ajouté que si la coopération avec le tribunal était difficile pour tous les gouvernements de la région, la Croatie avait déjà montré son sérieux en soumettant au TPI des documents qu’il avait demandé.

La ministre de la justice, Vesna Skare-Osbolt, a elle aussi confirmé s’attendre à des difficultés avec l’UE. Elle a déclaré dans une interview à la radio croate « s’attendre à ce que les pressions s’intensifient en provenance de La Haye, à la fois sur le rapport du Conseil de Sécurité et sur l’annonce de la date du début des négociations avec l’UE en décembre ».

Ivica Racan, l’ancien Premier ministre social-démocrate croate, confiait au journal Nacional le 19 octobre : « Carla Del Ponte est une personne énergique, très concentrée sur ses fonctions...Elle sait très bien ce qu’elle veut et n’oublie pas ce qu’on lui a promis. Le problème c’est que Ivo Sanader n’obéit à l’UE que parce que c’est un ordre, pas nécessairement parce qu’il en a discuté avec son parti ».

Dans l’opinion publique, le soutien à l’UE est en baisse, selon les derniers sondages, et la stratégie pro européenne du gouvernement pèse très lourd sur le cabinet d’Ivo Sanader.

On estime que c’est pour rassurer Bruxelles sur sa bonne volonté qu’Ivo Sanader a désigné Jadranka Kosor comme candidate du HDZ à l’élection présidentielle du 21 décembre prochain, parce qu’elle est favorable à l’Occident. Dans l’hebdomadaire Nacional du 19 octobre, un responsable anonyme du HDZ va jusqu’à dire : « Jadranka Kosor n’a pas un grand soutien dans le parti. Mais, à l’étranger on l’aime bien ».

 

Le pétrole russe va-t-il arriver jusqu’au port croate d’Omisalj ?
TRADUIT PAR URSULA BURGER OESCH

Publié dans la presse : 18 octobre 2004
Mise en ligne : dimanche 24 octobre 2004

Les écologistes de l’association Eko-Kvarner ne désarment pas contre le projet de pipe-line traversant toute l’Europe centrale, depuis la Russie jusqu’à la côte dalmate. Le principal danger pointé serait celui du rejet des eaux de ballast par les pétroliers, qui pourrait mettre en péril les équilibres de la mer Adriatique. L’enjeu économique est cependant majeur pour la Croatie.

Par Ljiljana Mamic Pandza

Tandis que les économistes et les spécialistes essaient de prouver que le projet « Groupe Adria » est d’un intérêt stratégique pour la Croatie parce qu’une ressource énergétique puissante est le meilleur garant pour une stabilité économique et une stabilité tout court, le groupe Eko-Kvarner continue de signaler le danger que représentent les eaux de ballast.

En exigeant la publication de l’étude des effets sur l’environnement sur le site web du Ministère de l’Environnement et de la Construction, l’association écologique Eko-Kvarner a de nouveau attiré l’attention sur le projet intitulé « Groupe Adria », notamment en mentionnant qu’une partie de l’étude est classée sous le secret militaire.

Rappelons que le Projet « Groupe Adria » prévoit l’exportation du pétrole depuis la Fédération de Russie à travers la Biélorussie, l’Ukraine, la Slovaquie, la Hongrie et la Croatie, jusqu’au port d’Omisalj. L’accord de coopération sur la réalisation du pipe-line a été signé par les gouvernements des pays concernés le 16 décembre 2002.À cette occasion, il a été souligné que ce projet allait offrir à la Croatie une participation plus intense dans le réseau pétrolier européen ainsi qu’une meilleure liaison avec des sources du pétrole de la région Caspienne et de la Fédération de Russie.

Depuis, les écologistes signalent que l’utilité économique de ce projet est exagérée et démentent que le transport du pétrole soit stratégiquement nécessaire pour la Croatie. C’est pourquoi,ils persistent dans leurs revendications.

Les écologistes réclament une discussion publique

Vjeran Pirsic, président de l’organisation Eko-Kvarner, demande une discussion publique sur l’étude des effets sur l’environnement qui a été réalisée par plus de cent spécialistes croates reconnus, et qui est parvenue au ministère de l’Environnement et de la Construction en août de cette année. Sur la liste de leurs revendications, ils ont inclus l’exigence d’un compte-rendu international de cette étude, ainsi qu’une discussion au parlement. Les militants d’Eko-Kvarner annoncent qu’à l’occasion de prochaines élections présidentielles, ils vont exiger un référendum au niveau régional sur ce projet, et une discussion publique dans tous les districts maritimes de la Croatie. Au cours des deux dernières années, Vjeran Pirsic et ses partisans ont surtout souligné le problème des eaux de ballast et, à l’occasion d’une rencontre avec le Président Stjepan Mesic, ils lui ont donné une affiche de l’Organisation maritime mondiale, sur laquelle figurent 70 parmi les 7000 microorganismes les plus dangereux trouvés dans les eaux de ballast que rejettent les pétroliers.

Tandis que les économistes essaient de prouver que le groupe Adria est d’un intérêt stratégique pour la Croatie parce qu’une ressource énergétique puissante est le meilleur garant pour la stabilité économique et la stabilité tout court, Eko-Kvarner continue de signaler le danger que représentent les eaux de ballast.

Les eaux de ballast sont-elles vraiment un danger ?

Le capitaine au long cours Branko Pirjak affirme pourtant que les eaux de ballast ne peuvent mettre en danger aucune partie de la mer Adriatique, parce que tous les navires qui sccostent dans nos ports doivent respecter les règlements de l’Organisation maritime mondiale et disposer de l’International Safety Management System (ISMS), une attestation qui assure la possession de tous les instruments nécessaires à la protection de l’environnement. Branko Pirjak prévient que si la Croatie n’accepte pas ce projet, il sera réalisé par des ports slovènes ou italiens, avec des risques de pollution qui resteront les mêmes, sans que la Croatie ne soit en mesure de les contrôler.

Il n’est pas possible de relâcher des eaux de ballast dans la mer Adriatique parce que, selon les règlements de l’Organisation maritime mondiale, ne peuvent naviguer dans ses eaux que les bateaux comportant un ballast propre, pris au large, à une profondeur supérieurs à deux mille mètres et à une distance du continent supérieure à deux cent milles. Les spécialistes ayant participé à cette étude ont également jugé le risque de pollution comme étant minime.

Le Parti croate du droit (HSP, extrême-droite) apporte un soutien résolu à l’association Eko-Kvarner. Un des membres du parti, Tonci Tadic, a demandé au printemps de cette année une discussion au niveau parlementaire, qui a été refusée pour des raisons de procédure. Le président de l’Assemblée nationale, Vladimir Seks, a renvoyé le rapport des écologistes au Comité pour la Protection de l’Environnement présidé par Slavko Linic qui, à son tour, a refusé la possibilité d’une discussion politique avant que l’opinion publique ne soit informée des résultats de l’Etude.

Conflit d’intérêt avec les milieux pétroliers ?

Cela a suscité la vive réaction des écologistes, qui ont dénoncé Slavko Linic à la Commission pour la prévention de conflits d’intérêts, en faisant allusion à ses relations contestables avec les groupes pétroliers. Les spécialistes pensent qu’il faut saisir l’avantage que représentent la position géopolitique et géostratégique de la Croatie et son infrastructure bien développée, non seulement dans le domaine énergétique mais aussi dans celui du transport, car cela pourrait apporter de gros revenus.

En même temps, ils préviennent que nous devons faire de plus en plus face à la concurrence, aux problèmes liés aux marchés ouverts ainsi qu’à l’espionnage industriel, et que les gazoducs et les pipe-lines du projet Adria ne sont pas guère souhaitables pour nos concurrents en Italie et en Slovénie, parce que cela signifierait un augmentation du trafic dans le port de Rijeka. Quelle que soit l’issue finale, le projet du Groupe Adria sera bientôt discuté à l’Assemblé nationale. La plupart de gens souhaitent simplement que le dernier mot revienne aux experts, et pas aux politiciens.

 

Vukovar : les anciens salariés serbes de Borovo réclament le respect de leurs droits
TRADUIT PAR URSULA BURGER OESCH

Publié dans la presse : 2 juin 2004
Mise en ligne : lundi 7 juin 2004

L’Association des travailleurs de l’usine Borovo de Vukovar, réunissant quelques 3500 anciens employés de cette entreprise, pour la plupart de nationalité serbe, a annoncé des manifestations massives qui consisteront en un blocage de l’ancien géant vukovarien ainsi que de la ville entière... Ils ont été rayés des cadres durant la guerre de 1991.

Par Maja Sajler

« Nous allons bloquer tous les accès de Vukovar. Les barrages et les manifestations ne prendront fin que lorsque nos revendications seront satisfaites, quelques soient les réactions de la police. Car nous exigeons que nos droits de l’homme et de travailleurs soient respectés », a affirmé mardi durant une conférence de presse Mirko Grahorac, le président de l’Association des travailleurs de l’usine Borovo.

Ces derniers exigent l’annulation des licenciements qui ont mis terme au décompte de leurs années de stage le 3 décembre 1991, étant donné qu’à ce moment-là ils n’étaient pas en mesure de répondre aux appels de l’entreprise installée temporairement à Zagreb. Comme deuxième point, ils revendiquent leur droit de participation au partage des actions et le droit au rachat des appartements dépendant de l’usine.

Il s’agit des employés de Borovo d’avant la guerre qui sont restés à Vukovar après l’intégration de la ville dans la « Région autonome serbe », et dont le contrat de travail a été conclu à partir du moment où ils n’ont pas répondu aux appels du Conseil de gestion temporairement installé à Zagreb. Selon Mirko Grahorac, ils ont plusieurs fois écrit aux représentants du gouvernement actuel et précédent, à l’Assemblée nationale et aux autres institutions. En mars 2002, ils ont même posé une plainte contre la direction de Borovo pour que leurs droits au travail et au contrat de travail soient reconnus.

Des employés rayés des listes

Cependant, jusqu’à présent, seulement quelques audiences ont eu lieu ce qui laisse l’impression, selon Mirko Grahovac, que le procès est traîne à dessein « afin que les employés renoncent à leurs exigences ou bien qu’ils décèdent ». « Nous ne demandons rien de plus de ce qu’ont obtenu l’année passée les employés, pour la plupart de nationalité croate, qui se sont adressés à la Direction installée à Zagreb, après avoir passé quelques années en étant réfugiés. Dans leur cas, contrairement au nôtre, les primes de départ ont été accordées et les années de travail reconnues bien qu’ils eussent le statut de personnes non employées », explique le dirigeant syndical.

La Direction à Zagreb a été contactée par quelque huit mille travailleurs. Parmis ces gens, 1746 d’entre eux ont été inclus dans un programme national dans le cadre duquel, en mai 2003, ils ont reçu les primes de départ pour lequelles l’État a accordé 62 million de kuna. « Tout cela montre clairement qu’on a à faire à un cas de discrimination des citoyens sur la base de leur appartenance éthnique et de violation du principe constitutionnel de l’égalité des citoyen », conclut le vice-président de l’association, Dragoljub Savanovic.

Discrimination ethnique ?

L’avocat Petar Miletic, représentant d’environ mille anciens employés de Borovo, affirme qu’il existe une base légale pour la réalisation des droits de ses clients étant donné « qu’à cause des circonstances de la guerre en 1991, ils ne pouvaient tout simplement pas contacter la Direction à Zagreb ». « Si la traversée de Vukovar jusqu’à Zagreb était si simple que ça à cette époque, pourqoui alors la Direction n’est pas venue de Zagreb à Vukovar le 3 décembre 1991 pour enregistrer ses propres employés ? », demande Petar Miletic. Il a fini par conclure que dans le cas en question, il s’agit d’un dysfonctionnement de l’État de droit et d’une forte influence de la politique.

En commentant la manifestation annoncée de 3500 anciens employés dans sa déclaration pour Vjesnik, le président de la Direction de Borovo, Ninoslav Bajza, estime que suivant les règlements et les lois de cette époque, le Conseil d’administration a décrété en toute légalité la fin du contrat de travail de ces employés.

« Ils n’ont pas été licenciés pour n’avoir pas contacté la Direction de l’entreprise à Zagreb, mais tout simplement à cause des règlements et des lois en vigueurs de l’époque, selon lesquels la Direction de l’époque ne pouvait pas les compter sur la liste des salariés », explique-t-il. Il souligne que le blocage de l’entrée de l’entreprise correspond à une « mauvaise adresse » et que les anciens salariés doivent régler leurs problèmes devant les organes compétent de ce pays. Pour information, le géant vukovarien Borovo, qui employait quelques 20 000 employés avant la guerre, compte aujourd’hui 1200 employés, qui touchent un salaire mensuel moyen de 2650 kuna (environ 350 euros).

 

Salaires en Croatie : le grand écart
TRADUIT PAR EMMANUEL NEKIC

Publié dans la presse : 25 mars 2004
Mise en ligne : mercredi 31 mars 2004

Salaires en Croatie : les employés des banques et des fonds d’investissements obtiennent les salaires les plus élevés. Ceux du textile les plus bas. 37 000 travailleurs gagnent moins de 1 500 kunas (200 euros) par mois. Seulement 2,5% soit 23 000 personnes ont un revenu supérieur à 9 000 kunas, soit 1200 euros.

Par Ljubica Gataric

Le salaire moyen en Croatie s’élève à environ 4 000 kunas (530 euros). Comme toute moyenne, celle-ci cache de grandes différences. L’institut national des statistiques a publié mercredi 24 mars des statistiques de salaires qui montrent que nombreux sont ceux qui gagnent moins de 200 euros. Sont intégrés à l’analyse, l’ensemble des employés auprès des personnes morales qui ont perçus un salaire l’an dernier au mois de février, à l’exclusion des artisans, professions libérales et agriculteurs. L’an dernier, le salaire moyen était de 3 846 kunas (512 euros), soit 200 kunas de moins que maintenant.

La distribution des salaires montrent que les employeurs croates mènent une politique très restrictive en matière de salaire : ainsi 4 % des employés rémunérés gagneraient plus en percevant l’aide sociale. Derrière ces salaires très bas, ne se cachent pas de fausses déclarations à la baisse pour éviter de payer des impôts et charge sociales : ainsi les salaires les plus bas sont-ils pratiqués dans l’industrie textile et du cuir, la pêche, l’industrie du bois, ainsi qu’une partie de l’industrie du bâtiment et du tourisme.

15,5 % possède un diplôme de l’enseignement supérieur technique ou général

Environ 150 000 personnes, soit 15% de la population active, possède une formation technique supérieure, et 8 % une éducation universitaire tandis que 41% ont terminé des études secondaires. Les secteurs qui comprennent le plus de diplômés de l’enseignement supérieur sont : l’éducation (42,8 %), le secteur public (32,6 %) et la santé et le social (20,5 %). Lorsqu’ils emploient quelqu’un les employeurs investissent peu dans la formation continue des employés. Seulement 3 % de la population active est impliquée dans un programme de formation, ce qui est très faible. Le niveau global d’éducation de la Croatie n’est pas mauvais. Par exemple, il y a plus de diplômés en Croatie qu’en Slovénie ou en Autriche. Mais le niveau de réussite professionnelle de ces diplômés est plus faible.

Le but de toute société étant qu’il y ait le plus d’emplois bien rémunérés, les activités intensives en travail se raréfient. Pour êtres concurrentiels, ils doivent avoir des coûts du travail faibles. Et ce faisant, ils ne peuvent attirer des candidats à l’emploi selon Danijel Nestic, analyste à l’institut d’économie.

Toutes les comparaisons montrent que les inégalités en Croatie sont les mêmes que celles dans les pays en transition. Une meilleure distribution des revenus est observable en Slovénie et en République tchèque tandis que la stratification et les écarts sont supérieurs dans les autres pays en transition.

Un quart des employés de l’industrie de confection, soit 58 000 gagne en moyenne 1500 à 2100 kunas, soit 200 à 300 euros.

Stimulation par le salaire

Les élites sont souvent montrées du doigt en Croatie. Mais pour un Etat qui possède plus de 60 000 entreprises et plus de 10 000 scientifiques, il est complètement désastreux que seulement 2.5 % gagne plus de 9 000 kunas. Dans l’industrie de la confection, seulement 4 400 personnes atteignent ce niveau de salaires, dans le secteur de la santé 3 700, dans l’enseignement 1 105, dans la fonction publique 2 258. Tout en haut de la pyramide, l’activité la mieux rémunérée est celle du transport aérien. Mais pas plus de 1 000 personnes y sont employées.

Les employés des banques et des fonds d’assurance et de retraite appartiennent également à la branche de l’élite en fonction des salaires Un quart des employés de ce secteur qui emploie 290 000 personnes gagne de 5 à 7 000 kunas tandis que un douzième gagne plus de 9 000 kunas. La grande attention que porte le salaire moyen montre que nous vivons encore dans une société qui témoigne une préférence pour l’égalité.

Mais, il faut aussi prendre en compte le fait que certains groupes obtiennent un revenu en marge de leur salaire mensuel. Attribuer des salaires supérieurs serait coûteux en charges sociales. Le système de rétribution se base donc sur des stimulants annexes, tels que la répartition du profits ou l’acquisition d’une partie de la propriété des entreprises.

 

Dialogue régional et culture de la tolérance : l’exemple d’Osijek
TRADUIT PAR JASNA TATAR-ANDJELIC

Publié dans la presse : 7 février 2004
Mise en ligne : mercredi 11 février 2004

Zlatko Kramaric, grande figure des courants démocratiques de Croatie, est maire d’Osijek, la capitale de la région de Slavonie, depuis quatorze ans. Il s’est rendu à Novi Sad, à l’occasion de la Fête de la ville. Il a profité de cette visite pour promouvoir son dernier livre, intitulé « Les politiques sont-ils coupables de tout ? ».

Propos recueillis par Radovan Balac

Danas (D) : Vous avez écrit que la fin de l’unanimité n’avait pas été facile. Quels problèmes la société croate a-t-elle affronté dans le processus de transition ?

Zlatko Kramaric (ZK) : Les Croates sont fascinés par l’État et c’est un phénomène que nous connaîtrons encore longtemps. Quand on attend quelque chose très longtemps, et que cela nous arrive, on ne sait plus comment faire. Il est impossible de traiter l’État et la société de la même façon. Si vous critiquez certaines phénomènes sociaux, ce n’est pas forcement une critique de l’État. En 1990, très peu de gens se sont dits « la Croatie, oui, mais quelle Croatie ? ». Notre société n’est pas capable de résister à des critiques qui sont pourtant normales dans une démocratie. Si ces phénomènes sont présents, il faut les décrire, les détecter et les résoudre sans que cela soit vécu comme une critique. En Croatie, toute critique a été longtemps interpétée comme une insulte.

« La Croatie, oui, mais quelle Croatie ? »

D : Votre dernier livre est intitulé « Les politiques sont-ils coupables de tout ? ». Sont-ils vraiment coupables ?

ZK : Après le 3 janvier 2000, avec le chute du gouvernement HDZ et la venue au pouvoirde la coalition de centre gauche, j’ai décidé de noter les événements chaque semaine et d’y réagir. C’est le deuxième livre de cette période, après « L’éloge de la stupidité humaine ». J’ai essayé d’écrire ce que je ressentais sur le moment pour éviter les commentaires a posteriori. C’est une manière de vérifer si vous serez démentis par les faits, ou trop critiques, ou si vous avez alerté sur les problèmes de la société au bon moment. Si nos partenaires de coalition m’écoutaient et lisaient un peu plus, peut-être n’auraient -ils pas perdu le pouvoir en novembre dernier. En ce qui concerne la culpabilité, il s’agit d’une symbiose : nos peuples ne sont pas encore guéris du virus de la mythomanie. Ils sont toujours enclins a passer d’un extrême à l’autre.

D : Aviez-vous prévu le retour du HDZ au pouvoir ?

ZK : Oui. J’essaye de lire les signes de la rue, ce sont des messages importants. Il me semble qu’une partie des responsables politiques prennent leur distances et deviennent des voyeurs au lieu d’être des participants dans la vie. Je suis maire d’Osijek et je suis tout le temps en contact avec des gens ordinaires. Il me semble que j’aie bien interprété leurs messages.

D : Quels sentiments avez-vous envers la « vox populi », la voix du peuple ?

ZK : J’ai récemment lu que Vesna Pesic avait écrit une excellente oraison funèbre pour Zoran Djindjic. Elle y parle de son côté communicatif, parfois un peu distrait et même à la limite du goût citoyen. Je me suis un peu reconnu dans ses paroles : ce besoin constant de communication, un sentiment antique pour la politique qui est de parler sans arrêt, de mener des dialogues et pas des monologues. Si notre passé était constitué de monologues, l’avenir devra être différent.

ZK : Dans le préface de votre livre, vous écrivez que vous écoutiez la voix du peuple, mais sans vous y soumettre et sans changer vos positions, à la différence des autres.

ZK : Dans certaines occasions, je ne voulais pas aller au-dessous d’un niveau déterminé. J’ai consciemment choisi d’appartenir au Parti libéral, qui est relativement faible sur la scène politique croate, mais c’est un sacrifice qui doit être fait. L’appartenance à l’un des grands partis aurait été sans doute la solution plus simple. Il n’est pas étonnant qu’Ivo Sanader et le HDZ tentent d’adopter la réthorique libérale et d’occuper notre espace politique. À mon avis, cet espace est encore inconnu et demande des politiques visionnaires, qui offrent des alternatives. J’ai peur que cette oscillation entre la gauche et la droite ne soit pas une bonne solution ni pour la Croatie, ni pour les autres pays. Nous n’avons pas de traditions anglo-saxones, on n’est pas aux USA ni en Grande Bretagne et leur critères sont difficilement applicables ici. Il faut chercher les autres solutions, aller vers la classe moyenne qui a commencé a se former dans les années 1980. Cette classe moyenne a malheureusement été vite écrasée par tout les changement que nous avons subis. Elle est la plus grande victime de tout ce qui s’est passé. Elle doit renaître. Je ne cherche pas à plaire au goûts les plus bas, je ne suis pas populiste.

D : Vos rubriques parlent souvent des hommes politiques qui changent d’idéologie. Vous les classez dans « l’orbite du parking »...

ZK : Ce sont des gens qui savent toujours attendre et se montrer tout le temps indispensables. Ils se vendent d’abord comme des politiques réalistes, puis comme des experts, et enfin comme des personnes indispensables à la transition, des modérés et des rationnalistes. Ils ne foncent jamais, ne sont jamais des avant-gardistes qui ont des remords. En tout cas, leur services se présentent toujours comme incontournables.

D : Le HDZ est revenu au pouvoir, beaucoup de choses ont changé en Croatie. Où va le pays ?

ZK : Si Sanader réussit à persuader les membres de son parti et ses plus proches collaborateurs de la nécessité des changements, on pourrait être optimistes. Il est intéressant de noter qu’il a réussi a établir le dialogue avec les minorités, de manière plus élégante que le SDP. Pour moi, le SDP et le HSS sont les plus grands responsables de l’échec de notre dialogue avec les minorités. Sanader a réussi à faire plusieurs pas importants vers un État citoyen. Il a simplement tiré la leçon des erreurs commises par le HDZ avant 2000. Les plus grands problèmes sont la compréhension de ce tournant radical par ses collaborateurs, et la volonté de l’Europe de soutenir les changements positifs. Il faut tenir compte du fait que l’Europe a parfois ses propres calculs et sa logique qui n’est ni pro-serbe ni pro-croate.

« Osijek est toujours une ville multiethnique ett multiconfessionnelle »

D : Vous êtes maire d’Osijek, une ville qui a beaucoup souffert de la guerre, mais vous avez commencé à ouvrir les frontières et à coopérer avec Novi Sad, en Serbie, Tuzla, en Bosnie-Herzégovine, et d’autres villes.

ZK : Nous avons coopéré depuis le début avec la ville de Subotica, et nous avons ouvert une coopération régionale avec Novi Sad et Tuzla, ce qui démontre que les autorités locales peuvent être plus mûres que les responsables de la politique nationale. Je sais que nous ne pouvons pas oublier le passé, mais nous devons savoir tourner des pages. Les gens intelligents en Croatie ne parlent plus de Zemun comme d’une ville croate. Nous avons un peu peur des frustrations de la jeunesse serbe, qui rêve encore de la « ligne Virovitica, Karlobag et Ogulin »(1), même si les jeunes sauraient pas retrouver ces villes sur la carte. Je sais que cela ne présente pas un danger réel, mais si le mécontentement perdure, on ne sait jamais en quoi il peut dégénérer. Je suis maire de tous les citoyens d’Osijek et nous avons essayé d’enlever la culpabilité collective, de préserver une ville multiethnique et multiconfessionelle, comme une richesse. Cela n’a pas toujours été facile, mais je le suis maire ayant la plus grande ancienneté en Croatie, ce qui prouve que j’ai un soutien réel des citoyens.

D : Y a-t-il des exemples de retour des réfugiés Serbes à Osijek ?

ZK : La ville d’Osijek n’est pas problématique. C’est beaucoup plus difficile en Baranja et à Vukovar. Ce processus est encore loin d’être satisfaisant, mais il est en cours. La plupart des réfugiés ne souhaite pas revenir, mais retrouver leur propriété et la vendre. Tout cela est plus difficile dans les petits villages et là où du sang a été versé.

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1. frontières revendiquée par les partisans de la « Grande Serbie »

 


Vu de Croatie : la situation politique serbe menace la stabilité de la région
TRADUIT PAR YVES TOMIC

Publié dans la presse : 30 décembre 2003
Mise en ligne : lundi 5 janvier 2004

Le voisin croate regarde avec inquiétude se qui se passe de l’autre côté du Danube. La montée des ultranationalistes en Serbie annonce-t-elle un retour de l’instabilité dans la région ?

Par Jelena Lovric

Les élections en Serbie n’intéressent pas beaucoup l’opinion publique croate, mais leurs résultats ont éveillé des craintes. Le fait que le vainqueur, avec environ un million de voix, soit le Parti radical ultra-nationaliste dirigé par Vojislav Seselj, détenu à La Haye, pose des questions troublantes : est-ce que le temps dans les Balkans ne fait pas marche arrière vers 1990 ? Est-ce que les ambitions grand-serbes, qui au cours de cette campagne électorale également, ont dessiné les frontières de la Serbie au milieu de la Croatie, ne vont pas conduire à nouveau, comme il y a treize ans, au découpage des frontières par la guerre. Certains analystes étrangers (The Guardian) estiment que les effets en chaîne de ces élections pourraient se faire sentir dans toute la région : les dispositions antiserbes des Albanais se renforceront, l’instabilité ira croissante en Bosnie-Herzégovine, les « nationalistes antiserbes qui viennent de retrouver le pouvoir en Croatie se renforceront ».

La Serbie a certainement fait un pas en arrière. Comme dans d’autres cas, là où il n’y a pas de mouvement fort vers l’avant, on finit par glisser vers le passé. Les réformateurs mous, désorientés et inefficaces lancent des processus rétrogrades. A l’est, les représentants éminents des projets tchetniks et grand-serbes ont été livrés à La Haye, mais la Serbie n’a pas renoncé à Milosevic et à Seselj. Elle est plus proche d’eux qu’il y a trois ans. Des analystes pensent que les voix des radicaux sont dues à la misère sociale et au désespoir, et non pas tant au chauvinisme agressif.

Le nouveau gouvernement sera probablement formé par des partis d’orientation modérée, quand bien même leur modération est discutable. On peut s’interroger également de la stabilité de la nouvelle coalition constituée d’acteurs très variés : des démocrates proeuropéens (Labus) aux monarchistes nationalistes (Draskovic) en passant par les nationalistes incontestables de type légaliste (Kostunica). Aujourd’hui, ce dont la Serbie a besoin le plus, c’est d’un gouvernement fort. Car sans cela, elle ne pourra régler aucun de ses énormes problèmes. La Serbie ne possède pas un territoire défini : les plaies du Kosovo et du Monténégro sont ouvertes. C’est une situation dans laquelle aucun Etat ne peut fonctionner.

Indépendamment de la rhétorique guerrière qui a raisonné de Belgrade au cours de la campagne électorale et indépendamment des légions qui ont renforcé son écho, la Serbie ne lancera pas de nouvelles guerres dans les Balkans. L’envolée des partisans de Seselj ne conduira pas l’espace de l’ancienne Yougoslavie à la guerre, mais l’issue des élections nous indique que la Serbie pourrait être la source de gros problèmes et d’instabilité pour toute la région. Car on peut s’interroger si elle pourra ou souhaitera être un partenaire de sa normalisation et de sa stabilisation démocratique. On n’enverra plus de chars à travers le Danube, mais la confusion pourrait en provenir. [Ivo] Sanader [1], qui a déclaré à plusieurs reprises vouloir régler rapidement les questions ouvertes avec Belgrade, n’aura peut-être pas d’interlocuteur de l’autre côté.

Les résultats des élections en Serbie pourraient favoriser les dispositions antiserbes en Croatie. Le nouveau gouvernement se tient bien à cet égard (Le Guardian n’a pas raison lorsqu’il voit des nationalistes antiserbes dans le gouvernement de Sanader) : il n’enflamme pas les haines, ni les peurs, au contraire il ne cesse d’envoyer des messages attentionnés de collaboration et de bon voisinage. Le Premier ministre croate s’est retenu de commenter hier l’issue des élections serbes. Il a juste souligné le souhait de la Croatie de normaliser davantage ses relations avec Belgrade. Au ministère des Affaires étrangères, on espère que le nouveau gouvernement serbe sera démocratique et on se déclare « prêts à régler toutes les questions ouvertes ». Zagreb aide ainsi le plus les forces démocratiques en Serbie.

[1] Nouveau Premier ministre croate, Ivo Sanader est le chef de la Communauté démocratique croate - HDZ

 

FERAL TRIBUNE
Croatie : après les élections, nouvelles inculpations ?
TRADUIT PAR JEAN-ARNAULT DÉRENS

Publié dans la presse : 22 novembre 2003
Mise en ligne : mardi 25 novembre 2003

Le TPI préparerait trois nouvelles inculpations contre des responsables croates de haut rang. Le Premier ministre sortant, Ivica Racan, en était probablement informé. Ces inculpations vont représenter le baptême du feu pour Ivo Sanader, le dirigeant du HDZ, qui a déclaré durant la campagne électorale qu’il était prêt à coopérer avec la juridiction internationale.

Par Ivica Djikic

Ivo Sanader, président du HDZ et futur Premier ministre, va très vite avoir l’occasion de démontrer s’il était sincère quand il se prononçait, ces derniers jours, en faveur de la coopération avec le Tribunal pénal international de La Haye (TPI) : Carla del Ponte tient sous le coude trois nouvelles accusations contre des citoyens croates, qui devraient être envoyées à Ivo Sanader dès qu’il aura pris ses fonctions. Une sorte de cadeau de félicitation pour son succès électoral. Si Ivica Racan restait Premier ministre, d’ailleurs, les choses se passeraient de la même manière. Il semble bien que Racan était au courant de ce scénario, et il a profité de l’inculpation de Milan Babic, le chef de l’insurrection serbe en Krajina, pour déclarer que « le Tribunal de La Haye est impartial ». Il s’agissait de préparer l’opinion publique à ces inévitables nouvelles inculpations de « chevaliers » croates.

La Chambre d’accusation du TPI a achevé la rédaction d’inculpations contre le général de police Mladen Markac, ancien chef des unités spéciales de la police croate, contre Tomislav Mercep, actuel président du marginal Parti populaire croate (Hrvatska Pucka Stranka, HPS) et qui avait en 1991 de larges compétences sur une grande part de la Croatie. Le dernier inculpé est le général Damir Krsticevic, ancien commandant de la IVe brigade de la Garde de l’armée croate.

Selon les sources de Feral à La Haye, Mladen Markac serait inculpé des crimes de guerre commis par les forces croates lors de l’opération de la « poche de Medak », en Slavonie occidentale, au printemps 1993. Dans cette opération, le général a mobilisé les forces spéciales de la police, aux côtés de la IXe brigade de la Garde, commandée par le général Mirko Novac. L’opération s’est soldée par la mort de dizaines de civils serbes. Le livre du général Janko Bobetko, « Toutes mes batailles », témoigne du rôle de Mladen Markac dans la poche de Medak. Bobetko cite élogieusement le général Markac qui, lors de courts entretiens avec les enquêteurs du TPI, a essayé, mais sans succès, de rejeter sa responsabilité dans ces événements.

Mais le procès du général Markac n’épuiserait pas le dossier de la poche de Medak. L’accusation pourrait également impliquer le général Mirko Norac (le procès de celui-ci, dans ce cas, se poursuivrait hors de Croatie), et pourrait finalement arriver jusqu’à Ivan Jarnjak, ancien ministre de la Police.

L’accusation contre Tomislav Mercep ferait état de meurtres et de mauvais traitements contre les civils serbes de Vukovar à l’été 1991. Alors chef du HDZ dans la ville de Vukovar, Tomislav Mercep a ensuite été rappelé à Zagreb où il est devenu ministre-adjoint de la police. Il est considéré comme le principal responsable des dizaines de corps qui ont été retrouvés dans le Danube, et des dizaines de maisons et de commerces serbes incendiés ou détruits à Vukovar. Le TPI a entendu beaucoup de témoins serbes, mais aussi croates, de Vukovar à propos des activités de Mercep dans cette ville : particulièrement importante est la déposition de Ferdinand Jukic, principal chef de la police de Vukovar en 1991, qui accuse Mercep de la majorité des crimes commis durant cet été dans la ville.

Le massacre de Mrkonjic Grad

Le général Damir Krsticevic serait accusé de crimes contre les civils serbes durant l’opération « Coup au sud » à Mrkonjic Grad, en Bosnie-Herzégovine. En raison de cette implication des troupes croates en Bosnie en octobre 1995, l’accusation contre le général Ante Gotovina pourrait rapidement être élargie. Le général Krsticevic commandait la IVe brigade de la Garde, qui est entrée le 10 octobre 1995 dans la ville de Mrkonjic Grad, et dont l’ancien commandant Andrija Matas Pauk est mort ce jour même dans les violents combats qui ont eu lieu dans les faubourgs de la ville. Les soldats de Krsticevic se sont vengés par un bain de sang : ils ont tué 181 personnes, dont les corps ont été exhumés au début de l’année 1996 du cimetière orthodoxe de Mrkonjic Grad. Les examens ont démontré que les Serbes de Mrkonjic Grad, parmi lesquels se trouvait un homme âgé de 90 ans, ont été tués par des armes à feu, des couteaux, et des balles tirées à bout portant dans la tête.

Damir Krsticevic a participé à ce massacre, et il ne lui était jamais passé par la tête de remettre à la justice les soldats responsables de cette tuerie placés sous ses ordres. Ante Gotovina, qui commandait l’opération « Coup au sud » depuis les positions de Sipovo, où étaient assiégés les généraux Zeljko Glasnovic et Ljobo Cesic Rojs, n’a jamais témoigné contre Damir Krsticevic, alors qu’il savait - ou qu’il devait savoir - ce qui s’était passé à Mrkonjic Grad.

Ante Gotovina pourrait donc être également inculpé pour ne pas avoir empêché la sanglante vengeance de la IVe brigade de la Garde, pour ne pas avoir diligenté d’enquête et pour ne pas avoir puni les coupables. Il n’existe aucune trace suggérant qu’Ante Gotovina aurait pu s’inquiéter à ce sujet, et ses avocats devraient très prochainement recevoir des informations sur cet élargissement de l’acte d’accusation. Les seules traces écrites de ces opérations sont le livre « Les attaques et les opérations de l’armée croate et du HVO », publié en 1996 qui, comme d’ailleurs tous les livres écrits par les généraux croates, offre une excellente base pour rédiger une inculpation contre son auteur.

 

lundi 24 novembre 2003, 15h01

Les nationalistes reviennent au pouvoir en Croatie

Par Zoran Radosavljevic

ZAGREB (Reuters) - Le dirigeant de l'Union démocratique croate (HDZ), Ivo Sanader, a revendiqué la victoire aux législatives du week-end, qui marquent un virage à droite au profit de la formation nationaliste du défunt président Franjo Tudjman.

"Je m'attends à ce que le président Stjepan Mesic nous octroie le mandat une fois publiés les résultats définitifs", a dit Sanader lors d'une conférence de presse. Le nouveau Parlement se réunira probablement fin décembre.

Sanader assure que la HDZ, qui gouverna la Croatie post-communiste de 1990 à 200 en inspirant de vives réticences aux pays occidentaux, s'est transformée en parti modéré et que les tensions avec l'Ouest sur les normes démocratiques ou les droits de l'Homme ne sont plus qu'un souvenir.

Après dépouillement de plus de 90% des suffrages, la HDZ obtenait 62 sièges parlementaires, contre 34 pour le Parti social-démocrate (SPD) du Premier ministre sortant Ivica Racan. L'alliance tripartite dirigée par la HDZ pourrait occuper 75 sièges, contre 63 pour la coalition de sept partis menée par le SPD. Le camp de Sanader sera renforcé par trois ou quatre députés HDZ représentant la "diaspora".

Sanader a dit qu'il tenterait aussi de se concilier le Parti paysan, allié conservateur de Racan qui a envisagé de changer de camp après le scrutin. Le Parti des retraités a obtenu ses trois premiers sièges mais n'a fait allégeance à aucun des deux bords.

La Chambre des représentants compte 140 sièges permanents. Huit autres sont réservés aux minorités et jusqu'à 14 sièges peuvent être attribués à la "diaspora" suivant la participation.

Ce scrutin est le plus serré et son taux de participation le plus faible enregistré à ce jour - environ 66%, contre 85% aux premières législatives de la Croatie indépendante.

OBJECTIFS UE ET OTAN

Le futur gouvernement de centre-droit aura pour tâche difficile de coopérer avec les procureurs du Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (TPIY) de La Haye, qui traite des crimes de guerre commis dans les années 1990. Il devra aussi oeuvrer au retour des réfugiés serbes et favoriser la coopération régionale. Tout cela étant crucial pour son adhésion à l'Union européenne.

Soucieux de dissiper les appréhensions occidentales, Sanader a dit avoir pour priorités de réduire les impôts, de combattre la corruption, d'améliorer le système judiciaire, de faire entrer la Croatie dans l'Otan en 2006 et dans l'UE en 2007 en remplissant toutes les obligations internationales et en réglant tous ses problèmes avec les pays voisins.

Les analystes estiment que la victoire des nationalistes est due à une réaction contre des réformes économiques qui n'ont pas suffi à relever le niveau de vie, plus qu'à un véritable regain de nationalisme. Mais ils en attendent aussi un coup de fouet pour les courants nationalistes à travers les Balkans.

"Il semble (...) qu'aucun gouvernement de transition ne soit en mesure d'obtenir un deuxième mandat à la suite de réformes douloureuses. En conséquence, on observe un climat populiste fondé sur des contes de fée", estime le politologue serbe Zoran Lutovac. "Le nationalisme est contagieux. Les droitiers d'un côté entraînent leurs homologue de l'autre."

La monnaie croate (kuna) et les marchés financiers sont restés stables dans l'attente de la confirmation définitive de la défaite de la coalition de Racan, en place depuis quatre ans.

La Commission européenne, appelée à décider de l'ouverture de pourparlers avec la Croatie l'an prochain, a dit se préparer à coopérer avec les nouvelles autorités sur la voie des réformes et de l'intégration européenne.

"L'important, pour nous, est que la Croatie ait un gouvernement résolu à remplir les obligations internationales du pays et à promouvoir les réformes économiques et politiques", a dit un porte-parole de Javier Solana, Haut représentant de l'UE pour la politique étrangère.

Dès lundi matin, les journaux de Zagreb ont barré leur une de gros titres tels que "HDZ a gagné" ou "HDZ fait la fête".

La HDZ, fondée par Franco Tudjman, était considérée comme une formation dure qui a joué un rôle non négligeable dans les sanglantes guerre d'indépendance de l'ex-Yougoslavie. Elle a depuis écarté ses éléments les plus radicaux et adopté une ligne résolument pro-européenne.

 

Croatie : le HDZ, « réformé », veut reprendre du service
TRADUIT PAR ALEXANDRE BILLETTE

Publié dans la presse : 20 novembre 2003
Mise en ligne : samedi 22 novembre 2003

La Communauté démocratique croate, le parti de l’ancien président Franjo Tudjman, prétend avoir rompu avec la ligne dure nationaliste ; une affirmation qui reste encore à prouver, alors que le HDZ semble assuré de la victoire, quelques heures après la fermeture des bureaux de vote, ce dimanche, en Croatie.

Par Anna McTaggart

La Communauté démocratique croate (HDZ) voudrait bien reprendre à la gauche le pouvoir qu’elle a perdu en 2000, à la faveur des élections législatives de ce dimanche.

Les derniers sondages indiquent que la coalition de droite – dont le HDZ est le seul parti d’importance – jouit d’un léger avantage, un retour en force surprenant après une défaite assourdissante, il y a trois ans, contre la gauche.

Mais si la Croatie a toujours comme objectif de rejoindre l’Union européenne en 2007 – une adhésion soutenue par 80% des Croates –, une victoire du HDZ pourrait retarder le processus d’intégration européenne du pays.

Durant le règne du HDZ, dans les années ‘90, la Croatie a souffert d’un isolement international dû aux mauvais traitements infligés à la minorité serbe du pays, au manque de coopération avec le Tribunal pénal international de La Haye (TPI), et au mauvais dossier général en matière de droits humains.

Depuis l’arrivée au pouvoir de la coalition de gauche en 2000, la Croatie a fait de rapides progrès, à un point tel que l’adhésion à l’Europe semble aujourd’hui envisageable dans la décennie à venir, avec la Roumanie et la Bulgarie.

Le HDZ s’est engagé, s’il était porté au pouvoir, à maintenir les engagements pris par la Croatie envers le TPI, et a fait la promesse, la semaine dernière, d’accélérer le processus de retours des réfugiés serbes de Croatie.

La Communauté démocratique croate a déployé beaucoup d’efforts pour ne pas laisser croire qu’un retour au pouvoir du HDZ marquerait un retour au nationalisme de droite des années quatre-vingt-dix, affirmant que le parti est le mieux placé pour amener la Croatie aux portes de l’UE.

Le dirigeant du parti, Ivo Sanader, a mis en branle une campagne publicitaire agile dans les journaux et à la télévision, mettant en valeur les appuis qu’il a pu obtenir lors d’une tournée des capitales européennes au cours de laquelle il a rencontré plusieurs politiciens de centre-droit, notamment le Premier ministre italien Silvio Berlusconi.

Mais au niveau local, le HDZ a mené une campagne électorale d’un esprit différent, Accordant plus d‘importance aux sentiments nationalistes et traditionalistes de l’électorat.

Dans un débat radiodiffusé en octobre, avec le Premier ministre social-démocrate Ivica Racan, le dirigeant du HDZ s’est prononcé sur son soutien au TPI, affirmant qu’il serait prêt à coopérer, mais que les procès « politiques » du Tribunal pénal international devraient être reconsidérés.

Le HDZ a notamment demandé la révision de l’accusation de l’ancien général et toujours populaire Ante Gotovina, le parti estimant que cette action stigmatise la lutte armée croate contre l’Armée fédérale yougoslave et ses alliés serbes de Croatie, qui ont occupé ensemble plus du tiers du territoire croate au début des années ’90.

Le dirigeant local de la région de Split du HDZ, Zvonimir Puljic, a récemment reproché au gouvernement Racan son attitude « servile » face au TPI, estimant que les accusations contre des généraux croates – et notamment Gotovina – devraient « être contestées devant les instances de l’ONU ».

Cette position tranche avec celle du Tribunal, pour qui aucune révision des actes d’accusation n’est possible avant que les suspects soient présentés devant la Cour du Tribunal. Le coordinateur du TPI pour la Croatie, Denis Besedic, le confirme : « le seul endroit où un acte d’accusation peut être contesté, c’est devant le TPI ».

Mais le HDZ est dans une situation délicate, puisqu’il était au pouvoir en 1995 lorsque « l’Opération Tempête » a été lancée, une opération pour laquelle le général Gotovina a notamment été accusé. Le HDZ étant nettement lié à la « Guerre d’indépendance », une coopération pleine et entière avec le tribunal dans le cadre de dossiers d’accusation portés contre des gestes commis durant l’Opération Tempête mettrait à mal la cohérence et l’image du parti.

L’accusation contre Gotovina est largement utilisée dans les meetings électoraux du HDZ, un geste perçue comme une attaque contre le droit de la Croatie à assurer la défense de son territoire. En octobre, lors d’un rassemblement qui s’est tenu à Knin – une ville qui est retournée sous autorité croate grâce à l’Opération Tempête –, la foule a massivement signé une pétition de soutien à Gotovina.

Alors que le dirigeant local du HDZ, Branko Milinovic, affirme que « personne ne jugera notre armée », son collègue Luka Rebic ajoute que plutôt que de remettre « nos généraux » à La Haye, un gouvernement HDZ ferait tout pour rétablir leur dignité.

Même si le gouvernement actuel de centre-gauche collabore de façon inégale avec le Tribunal, le HDZ insiste : la gauche a trahie la mémoire le lutte pour l’indépendance et met en danger la sécurité du pays.

Lors d’un meeting à Vukovar, le 14 octobre dernier, des orateurs du HDZ affirmaient que si la coalition de centre-gauche avait été au pouvoir lors du déclenchement de la guerre de Croatie, le pays serait désormais amputé du tiers de son territoire.

A Imotski, en Dalmatie du Sud, Ivo Sanader a martelé que le gouvernement de Racan devait être battu, « pour les victimes qui sont tombées durant la Guerre Patriotique, pour les 35 000 invalides de guerre, pour les 130 martyrs d’Imotski, pour les mères veuves, pour tous ceux qui ont été humiliés et pour toutes les privations, pour tous les défenseurs [de la patrie] dont les droits ont été bafoués ». Quelques jours plus tard, les candidats du SDP, de passage à Imotski, se faisaient lancer des œufs à la figure.

Le discours de Sanader à Imotski contraste avec l’image qu’il veut bien donner de lui-même à l’étranger : celle d’un politique réformiste, modéré et pro-Européen. Ce contraste laisse songeur quant aux promesses de permettre aux réfugiés serbes de retourner chez eux.

Depuis la victoire des forces croates dans les collines de la Krajina, durant l’Opération Tempête, le Haut-commissariat aux réfugiés des Nations unies (UNHCR) estime que seuls 100 000 des 280 000 Serbes qui avaient quitté le pays sont revenus dans leurs villes et villages. Un rapport de Human Rights Watch, publié récemment, affirme que la situation s’améliore mais que plusieurs obstacles demeurent. Selon le porte-parole de l’OSCE en Croatie, Alessandro Fracassetti, « les possibilités des réfugiés resteront limitées, tant que l’atmosphère ne se sera pas améliorée ».

Milorad Pupovac, le président du Conseil national serbe, qui milite pour le respect des droits de la minorité serbe en Croatie, doute de la sincérité de Sanader quant à la question du retour des réfugiés. Si l’appel au retour des Serbes peut faire « chic » en pleine campagne électorale, ce ne sont des mots dont les réfugiés ont besoin, mais d’actions politiques, « pour éliminer les obstacles au retour, voter une loi d’amnistie, renforcer le droit à la propriété, et revitaliser économiquement les régions qui ont été touchées par la guerre ».

Pupovac ajoute cependant que les signes de conversion du HDZ à la cause du retour des réfugiés sont néanmoins importants, vu le nationalisme confirmé de ce parti. « Il est significatif que ce parti, qui a une responsabilité dans la situation actuelle des Serbes, ait fait une telle déclaration » en faveur des réfugiés.

Mais l’appel de Sanader pour le retour des réfugiés cohabite difficilement avec les discours des orateurs du HDZ lors des meetings électoraux en Krajina.

Plusieurs rassemblements se déroulent en effet avec forces chansons nationalistes, les orateurs s’adressant à leurs « Chers Croates ». Au rassemblement de Knin, Sanader lui-même a voulu saluer et remercier les participants, « fiers Croates et fiers croyants ».

Lors de cette même réunion, le député HDZ Andrija Hebrang a salué tous ceux qui étaient de retour après avoir été expulsés, mais son discours semblait s’adresser directement aux Croates expulsés par les Serbes en 1990, plutôt qu’aux Serbes qui ont subi le même sort cinq ans plus tard.

Sanader affirme qu’il soutient le droit des citoyens à récupérer leur propriété perdue, mais a ajouté que ces entreprises de réappropriation devaient être prudemment considérés si elles remettaient en cause les droits des Croates de Bosnie réfugiés en Croatie ; plusieurs d’entre eux, ayant quitté le pays voisin dans les premières années de la guerre, habitent maintenant dans des résidences ayant auparavant appartenues à des Serbes de Croatie.

Luka Rebic a également attaqué le gouvernement Racan sur ses positions sur la question des Croates de Bosnie, dont il a fait l’éloge pour leurs actions durant la défense de Dubrovnik assiégé par l’Armée yougoslave. L’enthousiasme avec lequel la foule accueille ce genre de discours montre le niveau de soutien du HDZ auprès des réfugiés croates originaires de Bosnie.

Néanmoins, le HDZ ne parviendra certainement pas à séduire l’ensemble des réfugiés de Bosnie : certains dirigeants politiques croates d’Herzégovine ont appelé la communauté à voter pour le Parti de la droite croate (HSP, extrême droite), qui faisait jusqu’à tout récemment l’apologie de l’État indépendant croate, état fasciste créé durant la Deuxième guerre mondiale.

Les divisions au sein du HDZ entre les tendances de droite et de gauche sur la question bosniaque apparaissent au grand jour. Lorsqu’il était au pouvoir, le HDZ maintenait des positions nettement colonialistes à l’égard de la communauté croate de Bosnie, mais cette attitude s’est aujourd’hui transformée.

Le HDZ a ainsi mis de côté les candidats les plus radicaux qui avaient été nommé par le « parti-frère » de Bosnie, le HDZ-BiH, sur la liste électorale conjointe du 11e district électoral. Cette disposition électorale, fort critiquée, permet effectivement à la diaspora (essentiellement bosniaque) d’avoir son mot à dire lors des scrutins croates.

Sanader n’a toutefois pas renié à la diaspora le droit de voter lors des élections en Croatie. En déplacement à Vukovar, il ne s’est pas empêché de reprocher au gouvernement son manque d’enthousiasme pour permettre aux Croates de l’étranger de pouvoir voter lors des élections de dimanche, affirmant même qu’il ferait lui-même en sorte de ramener les Croates vivant en Allemagne, par autocar, pour venir voter. Il n’a cependant allusion aux difficultés rencontrées par les réfugiés Serbes de Croatie habitant en Serbie-et-Monténégro pour pouvoir voter.

A Imotski, Sanader a reproché au gouvernement Racan de négliger la diaspora croate et d’abandonner les Croates de Bosnie, « alors que nous formons ensemble une seule nation ». « Aux difficultés des Herzégoviniens, je réponds : je suis aussi un Herzégovinien ! », s’est-il exclamé.

Sanader a ménagé une mince marge de manœuvre entre ses discours à l’étranger et l’appui de l’électorat naturel du HDZ au pays.

Son accession au pouvoir remonte à la mort de l’ancien président et fondateur du HDZ, Franjo Tudjman, en 1999. Une lutte pour la succession s’en est suivi, au cours de laquelle Sanader, jusque-là peu connu, a su conquérir le poste convoité alors que le parti s’affaiblissait suite aux guerres entre les factions rivales au sein du HDZ.

En juillet 2000, l’appui au HDZ n’était plus que de 7%. Sous l’autorité de Sanader, le parti a retrouvé ses couleurs et flotte désormais aux alentours de 35% de soutien populaire.

Le « nouveau » HDZ est cependant fragile, auquel certains reprochent notamment une trahison de l’héritage de l’ère Tudjman, et l’abandon de la ligne dure sur certaines questions nationales, une situation qui devrait bénéficier au HSP d’extrême droite, selon certains analystes.

Lorsque Sanader a affirmé, à Vukovar, qu’il était prêt à collaborer avec tous les États voisins, incluant la Serbie, la foule présente s’est enfermée dans un silence révélateur.

La parti a aussi exclu de ses rangs l’ancien général Ljubo Cesic Rojs, originaire de Bosnie, qui est notamment interdit de séjour aux USA et dans les pays de l’UE. Rappelant ses propos anti-serbes extrémistes, le HDZ a dénoncé ses « discours de haine » : « nous rejetons et nous dissocions totalement des faits et gestes de Cesic », affirme aujourd’hui le parti de Sanader.

Les discours enflammés des meetings du HDZ à Knin, Imotski et Vukovar pourraient bien être une réponse à cette menace extrémiste qui risque de doubler le parti par sa droite. Il s’agit de rassurer l’électorat traditionnel du HDZ.

Les positions conciliantes de Sanader restent toutefois impopulaires chez les inconditionnels du HDZ : lors d’un congrès du parti, en juillet dernier, les délégués ont hué le discours du député européen Doris Pack, qui réitérait la nécessité pour la Croatie de collaborer avec le TPI ; et le député Andrija Hebrang contredisait le discours officiel du parti en qualifiant Cesic Rojs de « héros de la Guerre Patriotique », et affirmant au quotidien Novi List, ce mois-ci, que Cesic « peut encore faire beaucoup pour nous », malgré son expulsion du parti.

Les craintes du retour d’un gouvernement « à la Tudjman » sont certainement déplacées aujourd’hui : l’atmosphère politique croate a changé depuis 2000, et le HDZ a peu de chances de parvenir à renverser totalement la direction que le pays a pris depuis quelques années.

Le HDZ ne sera sûrement pas non plus capable de former un gouvernement sans coalition, ce qui exclu un retour à la domination totale de la scène politique par le HDZ comme durant la dernière décennie.

A compter de dimanche, le HDZ pourrait bien se retrouver dans une position où il devrait prouver son attachement à un programme démocratique et pro-Européen, et tenter de faire disparaître les craintes sur les éléments les lus « suspects » de son programme politique.

De passage à Zagreb le 13 novembre dernier, le commissaire européen à l’élargissement, Günter Verheugen, a rappelé que s’il accueillerait favorablement une demande de la Croatie pour s’ajouter à la seconde vague d’intégration, en 2007, les Croates ne devaient pas oublier pourquoi ils ne font pas partie des dix États-membres qui rejoindront l’Union dès l’an prochain.

 

GLOBUS
Le TPI et la Croatie : Stipe Mesic s’explique sur l’affaire Gotovina
TRADUIT PAR AMAËL CATTARUZZA

Publié dans la presse : 24 octobre 2003
Mise en ligne : mardi 28 octobre 2003

Le Président de la République croate Stjepan Mesic répond aux questions sur son éventuelle implication dans la défense d’Ante Gotovina. Le général croate recherché par le TPI, en fuite depuis deux ans, a donné cet automne une retentissante interview à l’hebdomadaire Nacional. Conserve-t-il un lien secret avec les plus hautes autorités de l’État croate ?

 

Propos recueillis par Darko Hudelist

G : La communauté internationale croit que le gouvernement croate et vous-même avez un contact presque quotidien avec Gotovina, mais que vous ne voulez pas le révéler. Qu’en est-il ?

SM : Les faits sont totalement différents. Je pense qu’il est bon que cette interview ait été publiée, car jusqu’à aujourd’hui, ni le Tribunal de la Haye, ni l’opinion croate n’ont pu écouter ne serait-ce qu’un seul mot du Général Gotovina. Personne - ni l’opinion croate, ni l’Accusation, ni la Cours de la Haye - n’ont eu la moindre information concernant les positions du Général Gotovina vis-à-vis du Tribunal de la Haye. Ante Gotovina a dit dans cette interview quatre choses importantes. Premièrement, qu’il reconnaissait l’institution du Tribunal de La Haye. Deuxièmement, qu’il reconnaissait l’État croate. Troisièmement, que le dernier gouvernement ne l’avait pas laissé répondre aux enquêtes menées par le Tribunal de la Haye. Et finalement, qu’il était prêt à répondre à leurs questions et que, dans la mesure où l’on trouverait quoique ce soit de compromettant dans ces discussions, qu’il serait prêt à se rendre à La Haye. Donc, je pense, avec toutes ces informations, que cette interview avait des raisons d’être. En revanche, il n’est pas bon qu’elle n’ait été suivie d’aucune action, qu’aucun travail n’ait été entrepris et, avant tout, que Gotovina n’ait pas pu répondre aux questions des enquêteurs. Et qu’éventuellement, n’ayant été appréhendé par aucune police, qu’il s’accorde ce privilège de pouvoir se défendre en liberté, car il a lui-même fait la démarche de se signaler aux enquêteurs de La Haye.

G : Les effets de cette interview sont pourtant plutôt négatifs…

SM : Oui, mais Gotovina a toujours d’autres possibilités… Les dés ne sont pas encore jetés. Il a toujours la possibilité d’exploiter la position favorable pour laquelle il s’est battu, de réapparaître de lui-même, et de pouvoir dire : « Personne ne m’a arrêté. Je me suis moi-même manifesté, et de ce fait, je dois avoir le privilège de mener ma défense en liberté ».

G : Peut-on attendre réapparaisse de lui-même ?

SM : Je ne sais pas ce qui est réaliste de son point de vue, mais ce serait objectivement la meilleure solution pour lui et pour la Croatie.

G : Une partie de l’opinion croate pense que que le Bureau du président, et plus particulièrement quelques individus en son sein (par exemple votre conseiller Zeljko Bagic), est impliqué dans la défense du Général Gotovina.

SM : C’est faux. Le Bureau n’a pris aucune position dans cette affaire. Le Bureau n’accuse ni ne défend personne. Le Bureau ne fait que délivrer les documents qu’il possède. Et la demande doit être faite par l’institution qui, selon nos lois, est responsable de la collaboration avec le Tribunal de la Haye. L’office gouvernemental pour la collaboration avec le Tribunal de la Haye reçoit tous les document qu’il demande.

G : N’êtes-vous pas cependant dans une position inconfortable, en tentant d’un côté de préserver Gotovina de la Haye, quand votre devoir de chef de l’État est de le livrer au Tribunal pénal international, si celui-ci le recherche ?

SM : Non, aucune de ces actions ne sont dans sous mon contrôle. Pour cela, nous avons des institutions compétentes dans l’État croate. Mon seul intérêt est que les lois croates soient respectées, et que les principes de la Constitution soient préservés. Et, si nous pouvons aider à résoudre ce problème, cela conviendra à la Croatie. Nous ne disons de personne qu’il est coupable ou innocent. Mais nous voulons que cette affaire soit résolue, c’est sûr.

G : Tous ces accrocs concernant Gotovina n’ont-ils pas assombri la réputation internationale de la Croatie, en particulier avec ces nouvelles complications intervenues entre la Croatie et le tribunal de la Haye ?

SM : Je pense que les plus grands dommages ont été causés par les conseillers de Gotovina qui ne l’ont pas laissé franchir une nouvelle étape après son interview.

G : Sur quoi fondez-vous de telles affirmations ?

SM : Il était probablement déterminé à poursuivre ses démarches après son interview. Il est clair que ses conseillers l’en ont dissuadé.

G : Vous croyez qu’il était déterminé à le faire ?

SM : Du message qu’il donnait dans son interview, je déduis qu’il voulait répondre aux questions du Tribunal de la Haye. En particulier le fait qu’il expliquait que le précédent gouvernement ne l’avait pas laissé le faire. Il était entièrement déterminé. Il disait dans cette interview : « ils ne m’ont pas laissé répondre aux questions de La Haye ». C’est là le principal.

 

MONITOR
Stipe Mesic sur la politique étrangère de la Croatie : « priorité à la coopération régionale »
TRADUIT PAR JASNA TATAR

Publié dans la presse : 4 septembre 2003
Mise en ligne : vendredi 5 septembre 2003

En visite au Monténégro, le Président croate revient sur la coopération entre son pays et le Monténégro, ainsi que les autres États de la région, en affirmant la priorité du dialogue pour résoudre les questions litigieuses en suspens. Questions réponses sur le problème de Prevlaka, les droits des Croates du Monténégro, et ceux des Serbes de Croatie.

 

Propos recueillis par Veseljko Koprivica

Monitor (M) : Monsieur Mesic, quelle était la raison de votre récente visite au Monténégro ?

Stjepan Mesic (SM) : Lors de notre réunion de la fin mai à Zagreb, le Président du Monténégro, Filip Vujanovic, et moi-même, nous sommes mis d'accord sur une prochaine rencontre sur la Prevlaka. C'est pourquoi nous nous sommes retrouvés à Konfin, le poste frontière entre la Croatie et le Monténégro, et je suis parti en visite informelle au Monténégro, plus précisément, dans les Bouches de Kotor. La Croatie et le Monténégro résolvent aujourd'hui les questions politiques et de sécurité dans le dialogue et prennent en compte les intérêts des deux parties. La question de la Prevlaka est un bon exemple de ces relations détendues. Après avoir représenté un des problèmes majeurs pendant de longues années, sa solution est en bonne voie depuis la signature du Protocole sur la Prevlaka.

M : Vos motivations pour une prochaine visite à Belgrade sont-elles similaires ?

SM : Zagreb et Belgrade doivent résoudre plusieurs questions litigieuses dans les plus brefs délais, et j'espère que ma visite représentera un pas en avant vers des solutions définitives et une normalisation des rapports entre nos deux pays. Ces questions ouvertes sont le retour des réfugiés et leur droit à la propriété, ainsi que le retour de la propriété aux personnes de droit. Il est dans l'intérêt de la Croatie de résoudre toutes les questions ouvertes avec les pays voisins, que ce soit pour elle-même ou pour notre objectif stratégique essentiel, qui est l'intégration euro-atlantique.

M : Vous avez dit qu'il n'y avait plus de questions litigieuses entre la Croatie et le Monténégro. Pourriez-vous nous donner quelques éclaircissement à ce sujet ?

SM : Lorsque j'ai dit qu'il n'y avait pas de question litigieuse entre la Croatie et le Monténégro, je pensais surtout au fait qu'il n'y avait plus de barrières qui empêchent la communication normale. Je ne pensais pas, évidemment, que tout était résolu, mais que chaque problème qui apparaît dans nos rapports peut être résolu par un dialogue respectant les deux parties. Cela signifie qu'il existe la bonne volonté nécessaire pour coopérer et pour dépasser les obstacles sans intention de nuire à l'autre.

M : Pour la Croatie, quel est l'intérêt de la coopération avec le Monténégro et dans quels domaines ?

SM : La Croatie est évidemment intéressée à la coopération avec le Monténégro, surtout sur le plan économique. Non seulement nous sommes voisins, mais nos économies sont compatibles. Vous savez sans doute que la Croatie est aujourd'hui l'un des plus grands chantiers de l'Europe et que nous aurons une infrastructure routière complètement reconstruite d'ici 2010. Je crois que notre expérience directe dans la construction des autoroutes pourrait être un des domaines de la coopération. Nous sommes également liés par le projet de la route adriatique et ionienne. En ce qui concerne la coopération dans d'autres branches, je crois que les entrepreneurs monténégrins et croates ont déjà convenu de futures formes de coopération lors du Forum économique tenu à Zagreb.

M : Miodrag Jokic, amiral de la marine de guerre yougoslave, a récemment reconnu devant le TPI sa culpabilité pour le bombardement de Dubrovnik. Que pensent aujourd'hui les citoyens croates du Monténégro, et notamment la participation des réservistes monténégrins sur le front de Dubrovnik ?

SM : J'ai toujours insisté sur l'individualisation de la responsabilité pour les crimes, pour ôter l'hypothèque de la responsabilité collective des peuples. Malheureusement, nous devons être conscients que la dernière guerre ne sera pas si vite oubliée, mais l'individualisation de la responsabilité et la résolution des problèmes mènent à la normalisation des rapports. C'est plus difficile pour ceux qui ont perdu leurs maisons et leurs proches. D'autre part, il faut savoir que la vie continue et qu'il vaut mieux soigner les blessures du passée plutôt que de les laisser en héritage aux futures générations. Cela sera possible seulement si nous nous confrontons à la vérité de cette guerre, et si punissons les criminels.

M : Vous avez rencontré les représentants de l'Initiative citoyenne croate de Tivat. Ils ont demandé votre intervention à propos de l'obtention de la double nationalité pour les Croates qui habitent au Monténégro. Quand cette question sera-t-elle résolue ?

SM : Je dois reconnaître que je n'en ai pas parlé avec le président Vujanovic durant ma visite au Monténégro, mais c'est une des questions qui demande une proche coopération. Dans tous les cas, les Croates du Monténégro sont pour nous un pont de coopération avec votre pays.

M : Depuis le début de votre mandat, vous vous engagez à ce que toutes les sortes de criminalité soient sanctionnées. Etes-vous satisfait de vos efforts, notamment la révélation de différents scandales entourant les privatisations ?

SM : Je reconnais que nous avons ouvert de nombreuses enquêtes sur les affaires, mais il semble qu'elles soient plus lentes que ne l'escomptait l'opinion publique croate. Le gouvernement qui est en place depuis 2000 a eu une tâche importante de régulation dans tous les domaines de la société, et même dans les institutions étatiques. Il a d'abord fallu analyser la situation, pour ensuite entreprendre les réformes, ce qui demande beaucoup de travail. Je pense que certaines attentes étaient irréalistes, parce que personne ne possède de baguette magique pour résoudre d'un coup tous les problèmes.

M : Quel est, d'après vous, le succès le plus important de votre mandat présidentiel ?

SM : La nouvelle image de la Croatie sur la scène internationale représente mon plus grand succès. Avant les élections de 2000, la Croatie à vécu dans un isolement voulu, elle est aujourd'hui candidate à l'adhésion à l'UE, elle travaille à l'amélioration de ses relations avec les pays voisins et je pourrais même dire qu'elle représente un modèle pour la région. Selon notre Constitution, je suis l'un des responsables de la politique extérieure de note pays, et je peux dire que la Croatie fait aujourd'hui de la coopération régionale l'une des priorités de sa politique internationale, sans craindre que cela ne ralentisse son rapprochement avec l'Europe.

M : Les grands projets séparatistes et nationalistes des Balkans sont-ils enterrés à jamais ?

SM : Je suis convaincu qu'une grande partie de ces problèmes sera résolue quand nous aurons rejoint la grande famille européenne. Les frontières ne seront plus des points de séparation mais des attaches. Les guerres ont toujours été menées pour élargir les frontières. L'Europe unie fera disparaître cette motivation, et par conséquent les grands projets nationalistes de la région.

M : Quelles sont les chances pour le Monténégro de décider de son destin par un référendum ?

SM : Le Monténégro doit résoudre ses problèmes dans le cadre des institutions légales de la communauté des États de Serbie et du Monténégro, en tenant compte de ses intérêts et de ses possibilités.

M : L'indépendance du Monténégro serait-elle illégitime ?

SM : Je ne souhaite pas spéculer sur le statut du Monténégro, et il ne revient pas au Président d'un État voisin de prendre parti sur ce sujet. Je crois que le Monténégro peut résoudre ses problèmes dans les procédures légales et dans les institutions de la communauté des deux États dont il fait partie, mais aussi à travers l'expression de la volonté du peuple.

 


Croatie : la dette extérieure atteint 19 milliards de dollars
TRADUIT PAR JEAN-ARNAULT DÉRENS

Publié dans la presse : 27 août 2003
Mise en ligne : jeudi 28 août 2003

Les importations du pays continuent de croître, tandis que les exportations stagnent, tout comme la consommation intérieure des produits nationaux. Les critiques s’accumulent contre le gouvernement et la politique des instituts de crédits, majoritairement détenus par des groupes étrangers.

Par Drago Hedl

La dette extérieure de la Croatie a atteint 19 milliards de dollars, une somme équivalente à celle de l’endettement de toute l’ancienne Yougoslavie au moment de son effondrement. Ce chiffre préoccupant, qui fait courir des doutes sérieux sur la capacité du pays à honorer ses engagements, ne préoccupe pas seulement la Banque nationale croate, mais aussi le gouvernement, dont les ministres sont en train de reprendre le travail.

La semaine dernière, le Premier ministre Ivica Racan a rencontré le gouverneur de la Banque nationale croate, Zeljko Rohatinski et des représentants du ministère des Finances. Le Premier ministre essaie de rassurer l’opinion publique, en affirmant que rien ne permet de dire que l’endettement ait augmenté au point de remettre en question la possibilité de le rembourser.

Ivica Racan rejette les critiques de l’opposition, qui impute au gouvernement actuel la responsabilité du montant de la dette. L’opposition considère que le gouvernement s’est imprudemment endetté à l’étranger en raison du manque de fonds publics. Le Premier ministre réplique cependant que les banques sont responsables de cette énorme dette, la part du gouvernement correspondant seulement à 38% du montant total de la dette, soit 7,3 milliards de dollars.

Certains économistes indépendants, comme Drazen Kalodjera, considèrent aussi que les banques sont les principales responsables de l’accroissement de la dette extérieure de la Croatie. La plupart des principales banques croates appartiennent à des groupes étrangers, et ces institutions auraient emprunté d’importants capitaux à l’étranger pour offrir des crédits à la consommation à la population croate, favorisant l’achat de voitures d’importation et d’autres biens. Les banques auraient ainsi réalisé des profits appréciables, étant donné que les taux de crédit demeurent encore sensiblement plus élevés en Croatie que dans les pays qui ont fourni ces capitaux.

D’autres économistes considèrent au contraire que la principale raison de l’endettement du pays réside dans les importations, qui échappent à tout contrôle. Le niveau actuel de ces importations étouffe la production nationale et les possibilités d’exportations de la Croatie. Pour les économistes, le problème a deux aspects. D’une part, le cours incroyablement élevé de la monnaie nationale, la kuna, favorise les importations et pénalise les exportations. D’autre part, la Croatie importe des biens de très faible valeur, dont le prix est nettement plus bas que celui des productions similaires de l’industrie nationale. Dans la mesure où la population croate n’a pas un pouvoir d’achat élevé, elle se rabat sur les produits les moins coûteux.

Le gouvernement a annoncé une série de lois qui devraient définir le niveau de la qualité la plus basse acceptée pour les produits importés et stimuler les exportations. Les experts considèrent que de telles mesures ne pourraient résoudre qu’une part du problème, sans produire de résultats significatifs. Selon eux, la kuna devrait être dévaluée de 30 ou de 40%, ce qui réduirait d’autant le coût des produits exportés, tout en augmentant parallèlement celui des importations. Ces deux mesures combinées pourraient faire la différence. Les économistes citent la Slovénie et la Hongrie comme exemples des deux pays ayant connu la transition la plus réussie, et où les monnaies nationales sont toujours sous-évaluées par rapport à l’euro.

Cependant, la dévaluation de la kuna aurait de lourdes conséquences pour des centaines de milliers de Croates. La dette extérieure du pays croîtrait en effet, passant de 68% du PIB à 105%, et beaucoup de personnes seraient dans l’impossibilité de payer leurs dettes. Le pays n’est pas seul à être endetté, les citoyens le sont aussi, et ils auraient de très grandes difficultés à payer en euros leurs dettes.

L’énorme dette extérieure deviendra sans aucun doute l’une des questions centrales dans les polémiques de la période préélectorale qui commence. L’endettement croate pourrait même devenir le thème principal de la campagne électorale, et influencer le résultat des élections.

 


Les Slovènes jugent les résistances croates aux projets européens de coopération balkanique
TRADUIT PAR ELENA MALINOVSKA VISNAR

Publié dans la presse : 4 juillet 2003
Mise en ligne : vendredi 25 juillet 2003

L'agenda pour les Balkans de l'ouest, adopté au Sommet de l'UE de Thessalonique, constitue un document international mal compris par la Croatie. Ce pays peut-il espérer rejoindre seul l'Union européenne ou fera-t-il partie d'un « paquet » balkanique ?

Par Davor Gjenero

Même si plusieurs en parlent comme d'un succès politique - puisque l'Union a augmenté les fonds disponibles du programme CARDS, à l'aide duquel elle compte « stabiliser » les pays du Pacte de stabilisation et d'association - il n'en demeure pas moins que la Présidence de la Grèce n'aura réalisé qu'une partie de ses objectifs au cours de son mandat de six mois. À la réunion de Zagreb en 2000, les Balkans se sont retrouvés en position de faiblesse devant l'UE. Car le programme CARDS, qui doit en principe financer la « stabilisation », sert surtout à protéger les pays déjà membres de l'Union des plaies qui accablent les Balkans : immigration illégale, trafics d'êtres humains et de drogue, blanchiment d'argent et corruption systématique.

Contrairement aux pays de « associés », où l'UE a supporté grâce à ses fonds structurels la réorganisation juridique et la mise à niveau du système économique afin de les rendre compatibles avec ceux de l'UE, les pays de la « stabilisation » se sont essentiellement occupés de réduire la menace qu'ils représentent pour la stabilité des pays de l'Union. Valéry Giscard D'Estaing, Président de la Convention sur l'avenir de l'Europe, avait déclaré l'année dernière qu'avec l'entrée de la Bulgarie et de la Roumanie le processus de l'élargissement de l'Union s'achèverait. Seul le Commissaire responsable à l'élargissement, Gunter Verheugen, a émis à la fin de l'année dernière l'opinion selon laquelle la Croatie pourrait comme la Bulgarie et la Roumanie devenir candidate à l'entrée en 2007.

La Présidence grecque a abordé de front la question des Balkans de l'ouest : le nouvel agenda devrait offrir le statut de membre de plein droit à tous les pays de la région. L'idée de la Présidence grecque, formulée par le Premier ministre Simitis et promue par le chef de la diplomatie Papandreou, était de profiter de « l'euphorie » de la grande vague de l'élargissement ainsi que des moyens disponibles dans les fonds structurels non employés par les dix nouveaux membres, question de les réorienter vers les Balkans de l'ouest. Comparé aux ambitions de Papandreou, le programme CARDS représente une bagatelle, mais le ministre grec n'est pas parvenu à se faire comprendre de ses partenaires dans la région. L'initiative de mai des quatre Présidents - le Croate Mesic, le Macédonien Trajkovski, le Serbe Zivkovic et l'Albanais Nana - a été le premier geste en faveur de l'initiative de Papandreou. Les politiciens des Balkans se sont pour la première fois montré intéressés par la représentation collective et se sont efforcé d'attirer l'attention des eurocrates. Mais bien que le Président croate soutienne la coopération régionale, la politique qui prévaut en Croatie rejette toute idée de conditions d'adhésion régionales. En fait, l'UE exige un accord multilatéral sur le libre échange dans les Balkans, afin de créer une « CEFTA balkanique » et, dans une certaine mesure, préparer plus rapidement les économies locales au choc du marché européen, dont la concurrence pulvériserait autrement toutes les économies des pays balkaniques.

La création d'une telle zone de libre échange est l'objectif prioritaire de l'économie slovène. En effet, grâce à l'expérience acquise sur ce marché, les entrepreneurs slovènes renforceraient leur position et le choc qu'ils subiraient lors de l'entrée à l'UE serait moins important. Profiter de ce marché impliquerait le transfert d'une partie de la production slovène ailleurs, avec des investissements et des acquisitions d'entreprises. Finalement, les entreprises slovènes finiraient par investir en Serbie en raison des salaires moins élevés. Toutefois, à la différence des autres pays de la région, la Croatie offre une certaine stabilité politique (donc celle des investissements), une main d'œuvre   plus qualifiée quoique plus chère et de meilleures conditions de travail. La Croatie pourrait ainsi, si elle le voulait, devenir le partenaire idéal de la Slovénie dans un marché commun balkanique. Mais le pouvoir croate refuse de voir ces opportunités de développement à portée de la main. Pays le plus développé de la région, la Croatie pourrait bénéficier d'un marché élargi, mais ses politiciens, évoquant des motifs historiques et idéologiques, rejettent toute réflexion sur le marché commun balkanique. Les nationalistes radicaux qui y voient une « reconstitution de la Yougoslavie » jouissent d'une large couverture médiatique.

Les diplomates ont trouvé la « formule » et soutiennent que la Croatie ne peut adhérer à un traité multilatéral aussi longtemps que tous les pays concernés ne feront pas partie de l'OMC. Les politiciens du gouvernement ont bien entendu sauté sur ce prétexte de « professionnels », hérité de l'époque Tudjman où la Croatie rejeta l'invitation du groupe de Visegrad de se joindre à la CEFTA en affirmant que la Croatie était plus développée que ces pays et qu'elle ferait cavalier seul pour entrer à l'Union, sans coopération ni regroupement. Or la répétition de cette stratégie des années 90 serait aujourd'hui bien néfaste pour la Croatie, car le « paquet des Balkans de l'ouest » sera la dernière occasion de s'associer à l'Union - et la Croatie y jouit objectivement de la meilleure position. Normalement, la Slovénie ne devrait réagir aux choix de développement du pays voisin que si ces choix affectent directement ses intérêts économiques. Bien que la Slovénie - seule avec l'Autriche et l'Italie - tolérait jusqu'à maintenant l'idée d'une « entrée individuelle » de la Croatie à l'UE, la proposition grecque sur les Balkans de l'Ouest va tout à fait dans le sens des intérêts slovènes. En créant de la résistance, la Croatie désavoue le concept européen de région et nuit aux intérêts économiques slovènes. Parlant des relations avec la Slovénie, le gouvernement de Racan affirmait jusqu'à maintenant que malgré la persistance de problèmes passés, on n'allait pas en ajouter. Cependant, la position croate sur la question de la Ljubljanska banka combinée aux réticences de Zagreb à l'intégration balkanique laisse présager des différends plus sérieux que celui de la délimitation territoriale dans le golfe de Piran. La conclusion de l'accord sur la délimitation avec le Premier ministre Drnovsek a prouvé que Racan et la Croatie peuvent coopérer en vue d'un « résultat positif ». Dans ce dossier, Racan ne pouvait pas rompre avec le mythe politique national. La conviction que la Croatie est supérieure à ses voisins balkaniques et qu'elle ne doit pas s'y lier politiquement fait partie de ce mythe.

L'irritation croate suscitée par le discours du Premier ministre slovène Rop à Berlin, qui conditionnait le support slovène à la candidature croate à l'acceptation de l'accord sur la succession met en lumière les nouvelles tensions entre les deux pays. La Slovénie a le droit de faire valoir ses intérêts. Or, dans les Balkans de l'ouest, son intérêt est dans la création d'une zone de libre échange. La Croatie peut bien se comporter de façon irrationnelle sur la scène internationale et, pour des mythes nationaux, rejeter un projet susceptible de développer son économie. Cependant, cela n'ira pas sans conséquence : la Slovénie n'insistera plus pour inclure la Croatie dans le « paquet balkanique ».

(Mise en forme : Stéphane Surprenant)

 

OSSERVATORIO SUI BALCANI
Croatie : les jeunes Serbes étudieront l'histoire croate
TRADUIT PAR JEAN-ARNAULT DÉRENS

Publié dans la presse : 18 avril 2003
Mise en ligne : samedi 19 avril 2003

En Podunavlje (Croatie orientale), le moratoire sur les manuels d'histoire arrive à échéance. Il avait été prévu par l'administration provisoire des Nations Unies dans cette région, placée au centre du conflit de 1991.

Par Drago Hedl

À partir de l'automne prochain, le cursus des élèves de nationalité serbe de Podunavlje (Croatie occidentale) inclura également l'histoire croate récente. En 1996, les forces des Nations Unies avaient supervisé le processus de réintégration pacifique des derniers lambeaux du territoire de la soi-disant République serbe de Krajina, créée par les rebelles serbes durant la guerre de 1991. À cette occasion, un moratoire sur l'enseignement de l'histoire croate récente à l'école avait été adopté. Le processus de réintégration pacifique de la Podunavlje s'est achevé le 15 janvier 1998, et le moratoire de cinq ans s'achève cette année.

Durant les deux années de gouvernement de transition des Nations Unies en Podunavlje, il avait été décidé que les autorités croates, une fois qu'elles auraient rétabli leur contrôle sur ce territoire, ne devaient pas insister sur l'enseignement de l'histoire croate récente dans les écoles élémentaires, moyennes et supérieures de la région, où la minorité serbe représente une part importante de la population. On estimait en effet que l'étude d'une guerre à peine achevée aurait pu contrarier les efforts pour rétablir un climat de confiance entre les deux groupes nationaux et faire diminuer les tensions nationales, très fortes à l'époque. Le gouvernement croate avait ainsi accepté l'idée d'exempter les élèves de nationalité serbe de l'étude de l'histoire croate récente. Maintenant, toutefois, ce moratoire tombe à échéance.

« Nous ne devrions pas être otages du moratoire. Même les jeunes Serbes doivent affronter les événements de la guerre de 1991. Ces faits représentent une leçon et une mise en garde », affirme Jovan Ajdukovic, Président du Conseil général du département (zupanija) qui regroupe les régions de Podunavlje ayant une population majoritairement serbe. Jovan Ajdukovic ajoute qu'il est important d'étudier objectivement la guerre, ses causes et ses conséquences. Ce qui est contradictoire avec l'usage d'une formule comme « l'armée serbo-tchétnik », qui est fréquemment utilisée par les médias croates et dans les discours des hommes politiques pour désigner les formations militaires des rebelles serbes. « De telles formules pourraient rallumer la haine entre les deux nations », prévient Jovan Ajdukovic.

Le ministère de l'Éducation a décidé d'adopter un nouveau texte de cours pour les quelque 4150 élèves des écoles élémentaires, moyennes et supérieures qui devront étudier cette matière durant les huit années d'école obligatoire, et les quatre année de cours supérieur.

Zoran Velagic, le responsable du département d'histoire auprès des éditions de manuels scolaires Skolska Knjiga, chargé de publier les manuels sur l'histoire croate récente, explique qu'il s'agira de couvrir une période de quinze années, depuis les événements qui ont précédé la fin de la Yougoslavie, à la fin des années 1980, jusqu'à la demande d'adhésion de la Croatie à l'Union européenne, en février 2003. « Nous aborderons aussi la question des crimes commis durant la guerre », ajoute-t-il.

On pense que les élèves serbes ne devraient pas avoir de problèmes à étudier l'histoire croate récente, et que cela ne devrait pas créer de tensions dans les relations interethniques en Podunavlje. Il y a trois ans, les jeunes Serbes de cette région ont commencé à faire leur service militaire dans l'armée croate, car le moratoire de deux ans qui les en exemptait est tombé à échéance en janvier 2000. À l'époque, on craignait que les jeunes Serbes auraient subi des traumatismes et des frustrations dans l'armée croate, étant donné que parfois leurs propres parents avaient combattu contre cette armée. Finalement, ces craintes se sont révélées sans fondement. Les Serbes qui partent faire leur service organisent de grandes fêtes d'adieu avec leurs familles, exactement comme celles qui étaient célébrées autrefois quand les jeunes partaient faire leur service dans l'Armée populaire yougoslave (JNA).

 

CONFÉDÉRATION INTERNATIONALE DES SYNDICATS LIBRES (CISL)
Modifications à la législation du travail en Croatie : quelles conséquences pour les travailleurs ?
TRADUIT PAR MARIANNICK LE BRIS

Publié dans la presse : 4 février 2003
Mise en ligne : lundi 17 février 2003

Les syndicats croates sont particulièrement préoccupés par les projets du gouvernement de modification de la législation du travail et menacent d'un appel à la grève générale. Le Président de l'Union des syndicats autonomes de Croatie (UATUC), Davor Juric, explique la position de son mouvement.

Question : Quelles sont les modifications auxquelles le gouvernement croate veut procéder ?

Avec la nouvelle législation du travail, le gouvernement veut flexibiliser complètement le marché du travail croate. Les objectifs annoncés : une compétitivité accrue de l'économie et favoriser la création d'emplois. Parmi les amendements possibles, certains proposent : raccourcir le préavis de licenciement de 6 à 3 mois maximum ; réduire le droit à l'indemnisation en cas de licenciement et développement de programme de licenciements.

Les organisations syndicales sont particulièrement préoccupées par les projets du gouvernement de mettre à niveau égal les contrats à durée déterminée et les contrats à durée illimitée. Selon les propositions gouvernementales, l'employeur n'est plus obligé de fournir des justifications pour avoir recours aux CDD. Ainsi, les CDD ne seraient plus l'exception mais dépendraient du bon vouloir des employeurs.

La nouvelle définition proposée pour les PME est : un employeur qui emploie 20 salariés maximum. Le problème se pose quand il y a surplus de salariés car l'employeur n'a pas l'obligation de proposer un autre emploi (même si la possibilité existe). Il n'est pas non plus obligé de tenir compte de l'âge du salarié, de son ancienneté ou de son niveau social. Selon cette définition 241.000 salariés se verront exposé à une situation d'insécurité sociale aggravée.

Les indemnités de licenciement vont être réduites considérablement. La première condition pour avoir droit à une indemnité, être en CDI est supprimée. Aujourd'hui, un salarié qui a travaillé sans arrêt pour le même employeur a le droit à une indemnité de licenciement équivalente à 10 mois de salaire net. Le même salarié aurait maintenant le droit à 3 mois de salaire brut. Selon nos calculs, les différences en fonction de l'ancienneté peuvent aller jusqu'à 69,34%. C'est inacceptable. La diminution du préavis de licenciement et de l'indemnité de licenciement pour un salariés ayant travaillé pour le même employeur de 15 à 20 ans diminue le montant que l'employeur lui doit de 66,67%.

Le gouvernement souhaite modifier d'autres termes de la loi. Il veut notamment déterminer le montant du salaire minimum pour flexibiliser la procédure liée aux programmes de licenciements collectifs - une procédure qui serait évidemment plus favorable aux employeurs.

Question : Quelles seront les conséquences pour les salariés croates ?

Les syndicats considèrent que ces propositions gouvernementales - qui ont l'accord de l'association des employeurs - ne permettront d'atteindre aucun des objectifs annoncés. La compétitivité de l'économie dépend de nombreux éléments et un marché du travail flexible n'est pas en tête de la liste. De nombreux arguments montrent que nous avons raison. Après tout, les indicateurs macro-économiques en Croatie montrent des tendances positives pour les trois dernières années et que la législation du travail soi-disant rigide n'a opposé aucun obstacle majeur au développement économique. Ce que de nombreux hommes d'affaire déclarent souvent.

Par conséquent, ces amendements auront pour résultat majeur des dégradations de la sécurité sociale. Les inégalités sociales n'en deviendront que plus évidentes. Les salariés les plus âgés perdront très facilement leurs emplois et ils auront de plus en plus de difficulté à en trouver de nouveaux.

Question : Que font les syndicats contre la loi ?

La forme actuelle des amendements à la législation du travail a fait l'unité des 5 confédérations syndicales croates représentatives et de plusieurs fédérations de branches autonomes. Nous avons réalisé un accord sur plusieurs actions dans toutes la Croatie. Nous allons également organisé une « Assemblée de tous les syndicats » le 13 février et adopter une déclaration pour faire de l'année 2003, l'année de la lutte pour la dignité des salariés.

Dans le même temps, nos adhérents décideront lors d'un référendum de l'organisation d'une grève générale en Croatie et d'un référendum interrogeant tous les citoyens croates dans le cadre de la Loi sur le référendum. Evidemment, nous prévoyons toute une série d'actions allant de la poursuite du dialogue social et des négociations à des rencontres avec des parlementaires et des réunions avec les représentants de la Banque mondiale.

Question : Que pensez-vous des besoins d'harmonisation de la législation du travail avec celles d'autres pays candidats comme le dit le gouvernement croate ? Y a t'il une autre raison à cela ?

Les syndicats ne sont pas opposés à une harmonisation de la législation du travail avec les normes européennes mais ils refusent une harmonisation avec les législations de certains pays candidats. La raison de ces projets restrictives de réduction des droits des salariés et des syndicats peut être liée aux négociations récentes avec les institutions financières internationales.

En 2001, dans le cadre du « Crédit SAL » de la Banque mondiale pour l'ajustement structurel, des changements de la législation du travail ont été prévus en d'autres mots, la flexibilisation du marché du travail. Les syndicats n'ont pas été informés et le gouvernement ne s'est pas senti obligé de nous informer sur les accords signés. Selon les dernières informations que nous avons reçues, en plus des amendements à la législation du travail, la Banque mondiale demanderait que soit réglée la question de la protection sociale des salariés. En Croatie, la question n'était pas encore à l'ordre du jour.

L'accord de stand-by avec le FMI n'a pas encore été signé. Le gouvernement déclare que nous en avons besoin pour contenir le taux de change et que c'est le dernier accord de stand-by qui doit être signé. Il déclare aussi qu'ils ne retireront aucune des ressources résultant de l'accord (environ 140 millions de dollars). Le FMI met comme condition à son accord la mise à l'ordre du jour du parlement des amendements à la législation du travail. Ce que le gouvernement a décidé de faire malgré le désaccord des syndicats.

 

 


OSCE : Zagreb doit réaffirmer son engagement pour les droits des minorités
TRADUIT PAR JACQUELINE DÉRENS

Publié dans la presse : 29 novembre 2002
Mise en ligne : vendredi 6 décembre 2002

Le chef de la mission de l'OSCE en Croatie, l'Ambassadeur Peter Semneby, a déclaré aujourd'hui que le Parlement croate devrait adopter une loi sur les minorités, acceptable pour les minorités croates, réaffirmant ainsi l'engagement du pays pour les droits des minorités.

 

" Il est important d'adopter non pas n'importe quelle loi mais une bonne loi que les minorités considèrent comme utile et légitime " a-t-il dit, faisant référence à la loi constitutionnelle sur les minorités en préparation.

L'Ambassadeur Semneby précise que la nouvelle loi doit préserver les droits déjà acquis par les minorités y compris l'élection des représentants des minorités au Parlement croate par des élections ;

En conséquence, tous les droits fondamentaux devraient être inscrits dans la loi constitutionnelle et les simples problèmes techniques devraient pouvoir être traités par une régulation annexe.

Vendredi, l'Ambassadeur Semneby s'est adressé à une session du Comité parlementaire pour la constituion, les lois et le système politique du Parlement croate qui discute de la proposition finale du gouvernement pour la loi constitutionnelle. Il avait été invité à participer aux travaux du comité par son président, Mato Arlovic.

" Je vous remercie de m'avoir invité à m'adresser à ce comité. Cette invitation est un signe positif qui montre l'amélioration de la qualité de l'interactivité entre la mission de l'OSCE et le Parlement" a déclaré l 'Ambassadeur Semneby.

Il a aussi accueilli favorablement les discussions tenues entre le gouvernement et les représentants de la minorité au Parlement et encouragé les discussions prochaines ;

La loi devrait aussi permettre de mettre sur pied des institutions avec des compétences adéquates pour représenter les intérêts des minorités et une représentation proportionnelle à leur importance dans les instances administratives et judiciaires, points fondamentaux de la loi.