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Par EuroNews - Mardi 23 octobre 2007, 07h31

La reconstruction de la bibliothèque de Sarajevo en partie financée par l'Espagne

Ce joyau de l'architecture austro-hongrois du XIXe siècle a été détruit par les flammes en août 1992, pendant la guerre de Bosnie. Par la voix de son ministre de la Culture, l'Espagne s'est engagée hier à verser un million d'euros pour financer les travaux de reconstruction de la bibliothèque. Le ministre espagnol a signé un accord de financement à Sarajevo.

Le coût total des travaux s'élèvent à 7,5 millions d'euros. Le toit et l'atrium de l'édifice ont déjà été reconstruits grâce à des dons du gouvernement autrichien et de l'Union européenne. L'établissement abritait deux millions de manuscrits, livres et photographies. Seuls 10% ont pu être sauvés des ravages de la guerre.

 

Nouvelle exposition à Sarajevo : « Tout commence par des cris... » 

par Corinne Martin Mise en ligne : mercredi 3 octobre 2007 

En Europe, des milliers de femmes sont quotidiennement confrontées à des actes de violence conjugale. La Bosnie n’échappe pas à ce phénomène. Actuellement, la poste centrale de Sarajevo héberge une exposition de photos sur ce thème. Le photographe, Sandro Weltin, y met en lumière deux types de regards : le regard institutionnel des élus, et celui des agents de la société civile, et avant tout des victimes.

En entrant dans la poste, impossible d’éviter les tirages photographiques en grand format. Judicieusement agencés, ces immenses portraits accompagnés de citations et de témoignages en bosnien et en anglais interpellent la personne venue payer des factures ou acheter des timbres.

À l’entrée, des politiciens et représentants d’ONG sont cadrés frontalement dans des tirages en noir et blanc. Leur regard s’adresse directement aux visiteurs, en l’occurrence les usagers de la poste. À leur droite, un mot sur le problème de la violence contre les femmes explique leur engagement.

Plus loin se déploient les photographies en couleur des victimes où le photographe a su éviter tout voyeurisme, tout en gardant une grande force émotionnelle. Une femme de profil regarde au lointain, une main suspendue devant sa bouche suggérant la peur encore présente, la difficulté de parler. En regard de la photo, son témoignage débute ainsi : « Pendant six ans, jour après jour, il m’a frappée. Il m’a ouvert le crâne, cassé le nez, brûlé le bras avec une cigarette ».

Un peu plus loin, Sherine, 31 ans, regarde par la fenêtre du centre d’accueil d’urgence où elle a pu se réfugier, mais dont elle n’ose pas sortir : « Mon mari continue à me menacer et cherche à me récupérer. Il a escaladé la façade. Il attend dehors. Quand je sais qu’il est là, je tremble comme une feuille ». Aux côtés de ces témoignages bouleversants de victimes qui, par leur courage, font prendre conscience de la banalité de cette violence, se détache une photo : un corps dans un drap blanc dans une salle d’autopsie. Accompagnée de cette légende : « Christine, 43 ans, décédée le 23 février 2007 des suites des violences infligées par son mari ».

Cette exposition organisée par le Conseil de l’Europe, les postes de Bosnie-Herzégovine et l’Ambassade de Suisse a le grand mérite de présenter la réalité de cette violence dans un lieu central de toute agglomération et utilisé par la majorité des citoyens. Un des problèmes principaux face à ce type de violence est qu’elle est généralement cachée, qu’elle reste dans l’intimité des foyers. Ici, le client de la poste ne peut pas échapper aux regards des victimes, à la douleur intériorisée de ces femmes. Les photographies, ainsi que les témoignages qui les accompagnent ont su rendre visible l’invisible. Une manière de porter ce problème sur la place publique dans le but de briser le silence autour de la violence domestique, car ce silence est lui-même une autre forme de violence.

Informations : http://www.coe.int/stopviolence 

Cette exposition fera ensuite une tournée des postes des villes de la Fédération de Bosnie-Herzégovine et de la Republika Srpska.

 

 

 

Par EuroNews euronews - Samedi 18 août, 18h42

Festival de cinéma de Sarajevo 2007

175 films d'une quarantaine de pays vont être présentés durant cette 13e édition. Beaucoup sont réalisés par des metteurs en scène bosniaques, croates, turcs ou macédoniens, macédonien pour ce film notamment intitulé " Je suis de Titov Veles". L'histoire d'une petite ville où la pollution rend les habitants malades.

La Française Juliette Binoche est l'une des invités vedettes de ce festival de cinéma de Sarajevo. Après le "Patient Anglais", elle joue l'un des principaux rôles dans le dernier film d'Anthony Minghella, "Breaking and Entering". Le réalisateur américain Michael Moore présentera aussi son dernier long-métrage au festival de Sarajevo. "Sicko" dénonce les carences du système de santé aux Etats-Unis.

 

 

Goran Paskaljevic : le cinéma pour réconcilier les peuples des Balkans 

Traduit par Nerimane Kamberi 

Publié dans la presse : 8 décembre 2006

Le cinéaste serbe Goran Paskaljevic était l’invité d’honneur du festival du film de Tirana. Il parle de l’Europe, des Balkans, et des relations entre des peuples qui sont des voisins, obligés de collaborer entre eux et de comprendre que leurs points communs sont beaucoup plus importants que leurs différences. Le prochain film de Goran Paskaljevic devrait évoquer les relations serbo-albanaises.

Propos recueillis par Esmeralda Bardhyli

Le réalisateur serbe très connu Goran Paskaljevic séjourne à Tirana pour le Festival du film « Tirana International Film 2006 ». La quatrième édition de ce festival a été ouverte avec son film « L’Optimiste », dans lequel il parle de ce faux optimisme qui règne dans cette partie des Balkans dont il est lui-même originaire. Pourtant, malgré tout, le réalisateur de « l’Optimiste « , Goran Paskaljevic se dit optimiste, en déclarant que les voisins doivent toujours s’entendrent entre eux, sinon leurs disputes seront sans fin.

Les Balkans sont sa seule inspiration, ce monde qu’il connaît si bien. Il y a des années qu’il n’a pas été au Kosovo, mais il garde en tête les souvenirs de ses voyages au Kosovo avec son grand-père pharmacien. C’est de ce Kosovo-là qu’il se souvient. Les autres images qu’il a du Kosovo sont celles qu’il reçoit par les médias. Et Goran Paskaljevic perçoit ces images d’une manière qui n’est pas celle des autres Serbes. Pour lui, la position de Milosevic sur le Kosovo a été une erreur. Contrairement à son collègue Emir Kusturica, qui a ouvertement soutenu le régime de Milosevic, Goran Paskaljevic, alors, a préféré quitter la Serbie pour Paris. À ce moment, les médias serbes l’ont qualifié de « traître. » Les radicaux serbes le haissent à cause de ses idées critiques contre le régime de Milosevic . Pourtant, ses films ont dépassé les frontières de son pays. En Serbie, ce ne seront pas les films préférés du grand public. Pour la première fois à Tirana, Goran Paskaljevic n’aime cependant pas que l’on dise de lui qu’il est un « dissident ».

Koha Ditore (KD) : Votre film « L’optimiste », qui a ouvert la quatrième édition de ce festival parle d’un optimisme mensonger, un sentiment très présent dans les Balkans. Qu’y a-t-il de commun entre cet optimisme et la situation actuelle au Kosovo ?

Goran Paskaljevic (GP) : J’aimerais savoir comment on vit au Kosovo aujourd’hui pour pouvoir faire la comparaison avec la vie que je décris dans ce film. Malheureusement, je ne connais pas la vie au Kosovo. Je ne suis plus allé au Kosovo depuis ma jeunesse. Il y a deux jours, j’étais à Leposavic mais je pense que là-bas, c’est plus la Serbie que le Kosovo. Je garde cependant des souvenirs du Kosovo de l’époque où je le traversais en voiture avec mon grand-père. J’étais très jeune. Mon grand-père était pharmacien, et il visitait de nombreuses pharmacies de cette région pour vendre ses produits. Et moi, je regardais en même temps que lui. Je me souviens bien de cette époque-là. Maintenant, je ne sais plus comment se déroule la vie au Kosovo. En ce qui concerne le film, je voulais montrer que nous continuons à vivre dans un optimisme mensonger. Les cinq histoires racontées dans le film le montrent. Au moment où je concevais dans ma tête ce projet, j’ai relu Voltaire, et tout ce qu’il écrit me semble très actuel. Mon film est un thème classique avec cinq histoires qui sont reliées par la même idée. Je suis heureux que ces histoires aient attiré l’intérêt du public au moment de sa présentation au festival. Même si le film a connu des problèmes techniques, il montre que pour les hommes, la technologie n’est pas très importante : c’est le message que transmet cette technologie qui est important. C’est justement ce que je voulais montrer avec ce film, les illusions et les mensonges qui nous caractèrisent.

KD : Est-ce vous avez collaboré avec des réalisateurs kosovars au temps de l’ancienne Yougoslavie et qu’est-ce qu’il vous reste de cette collaboration ?

GP : J’ai collaboré seulement avec quelques acteurs kosovars, mais malheureusement je ne me souviens plus de leur nom.

KD : Vous avez été attaqué par les médias serbes à cause de vos critiques contre le régime de Milosevic. Qu’avez-vous fait alors, et pourquoi pensez-vous qu’il serait exagéré de vous qualifier de « dissident » ?

GP : En fait, j’aime être clair dans ce que je dis et je n’aime pas être qualifié de dissident, même si j’entends très souvent cela. Mon départ pour la France est aussi relié à mon divorce, et à la rencontre avec ma femme actuelle, Christine, qui est française. C’est vrai qu’à ce moment-là, j’ai été l’objet d’attaques violentes des médias de Milosevic, surtout lorsque je me suis prononcé contre le conflit au Kosovo. À ce moment, la presse ne m’a épargné et m’a traité de « traître. ». Mais, malgré tout, je n’aime pas qu’on dise que j’ai été un dissident. J’ai mes opinions et j’aime les exprimer, puisque je pense qu’elles sont justes, indépendamment de ce qu’on peut en penser. C’est cette pression qui m’a poussé à partir avec Christine pour Paris. Je pense que l’on doit toujours trouver le courage de défendre ce que l’on pense.

KD : Vous avez choisi de quitter Belgrade et de faire des films ailleurs tandis que Kusturica est resté et a soutenu le régime...

GP : Je n’aime pas parler de lui. Il est responsable de son travail, moi, du mien. Notre style est très différent, je pense que nous avons aussi des différences dans nos opinions politiques.

Cinéma des Balkans, cinéma européen et cinéma américain KD : Comme l’un des réalisateurs les plus connus des Balkans aujourd’hui, et après votre nomination aux Oscars, pouvez-vous nous dire quelle différence il y a entre le cinéma européen et le cinéma balkanique, ou encore avec le cinéma américain ?

GP : Entre le cinéma américain et ce qui se fait dans les Balkans et jusqu’à un certain point en Europe, il y a des différences évidentes. Les Américains ont tout l’argent qu’il faut pour faire des films, ils ont même commencé à faire des films indépendants, comme ils les appellent. Leur force réside dans le marketing qui n’est pas au même niveau dans les Balkans. La pression entre les films indépendants et les films produits par les grandes compagnies est très grande. Par exemple, en France, il existe des petits films indépendants qui ne coûtent que quelques milliers d’euros. J’en ai fait deux comme cela en tant que réalisateur, et je préfére faire des films indépendants, Pour chaque chose, tout dépend de la perception du réalisateur. Pour le fim « When Harry became a tree », le budget était de 6 millions de dollars, mais j’ai fait des films avec des budgets beaucoup moins élevé que ça, et j’ai eu un grand plaisir à les faire.

KD : Vous connaissez bien les Balkans, est-ce que ce vous décrivez dans vos films sera le visage des Balkans de l’avenir, en tenant compte aussi de la question du Kosovo ?

GP : Les Balkans ont toujours été une poudrière mais, heureusement, les choses s’arrangent et ont pris une bonne voie. Les pays de la région aspirent, et c’est la seule solution, à entrer dans l’Europe. Je suis quelqu’un qui croit beaucoup en l’Europe et en ses valeurs. Je pense que d’une certaine façon nous sommes déjà en Europe, mais pour en faire réellement partie, il faut que nous nous nous intégrions, en changeant notre mentalité balkanique, et en changeant encore beaucoup d’autres choses. Selon moi, cette intégration en Europe ne prendra pas plus de dix ans, d’après ce que j’observe de la situation dans les Balkans aiujourd’hui. Dans dix ans, tous les probèmes devraient avoir été résolus, beaucoup de choses auront changé pour nos peuples, la qualité de la vie sera meilleure. Comme vous le savez, la pauvreté est très grande au Kosovo et en Serbie, parce qu’on vient de quitter la période communiste qui nous a forcé à faire la guerre pour avoir de meilleures conditions de vie. En résolvant ces problèmes, on va dépasser aussi les problèmes économiques qui subsistent dans les Balkans. Nous sommes des peuples voisins, c’est pourquoi il faut que nous trouvions une langue de communication, de collaboration. C’est une des raisons pour laquelle je me trouve ici. On ne peut déplacer un pays et l’emmener en Afrique du Sud. C’est la réalité et nous devons l’accepter en travaillant ensemble. Les films sont un bon moyen de rappeler aux hommes cette réalité, pour qu’ils mettent leur doigt sur leur tempe et se mettent à réfléchir. Je sais qu’après la projection de mon film à Tirana, un groupe d’intellectuels s’est réuni dans un café et a discuté des messages que transmettait mon film. C’est cela le message que doivent transmettre les films, faire discuter les gens.

« Serbes et Albanais, nous sommes les mêmes » K.D : Vous avez dit que vous étiez en Albanie pour discuter de la possibilité d’une collaboration avec un scénariste albanais pour un film sur le conflit serbo-albanais. Pouvez-vous nous donner plus de détails sur ce projet ?

GP : En fait, c’est un film qui fait partie du cycle que je réalise, sur une des questions les plus brûlantes dans les Balkans, un film sur les relations entre les Albanais et les Serbes. Je ne peux pas vous raconter l’histoire maintenant, ce ne serait pas juste. Avant de venir à Tirana, j’ai demandé aux organisateurs de ce festival de me donner des scénarios de plusieurs de vos auteurs. Et parmi eux, j’ai choisi un auteur avec lequel j’ai envie de travailler. J’aimais son travail et c’est pourquoi j’ai voulu le rencontrer pour mieux le connaître. Il s’agit de Yljet Aliçkaj. Nous avons dîné ensemble et nous avons discuté. Mais il est encore trop tôt pour en dire plus. Je l’ai invité à Belgrade pour voir la situation de plus près et pour discuter de la façon dont nous voyons ce film, peut-être en étant ensemble dant l’écriture du scénario.

K.D : C’est une grande responsabilité de faire un film sur les Serbes et les Albanais ?

GP : Ce sera un film très humain, qui montrera qu’au fond nous sommes les mêmes. Je pense que quelqu’un doit faire le premier pas pour une collaboration entre les Serbes et les Albanais, et je fais ce pas. Je pense que c’est positif !

K.D : Vous n’avez pas peur qu’on vous juge de nouveau négativement à Belgrade ?

GP : Je m’en fous. Je pense que c’est quelque chose de positif de collaborer pour un film comme celui-ci, et je me soucie peu de ce que l’on va dire à Belgrade. Les radicaux vont me critiquer, mais ça n’a aucune importance !

 

 

Cuvée de jeunes réalisateurs au Festival de Sarajevo 

Traduit par Thomas Claus Publié dans la presse : 18 août 2006

Le Festival du Film de Sarajevo vient de s’ouvrir. La sélection est marquée par la jeunesse des réalisateurs présents. Une atmosphère de renouveau, mais également un symptôme de la difficulté à produire des films dans les Balkans.

Par Nicola Falcinella

Le douzième Festival du Film de Sarajevo ne se conclura pas par un troisième succès d’affilée pour le cinéma bulgare. Après Mila de Mars (de Zornitsa Sofija) et Lady Zee (Georgi Djulgerov), vainqueurs respectifs en 2004 et 2005, aucun film bulgare ne sera proposé au festival le plus important des Balkans.

L’ouverture prévoit 12:08 à l’Est de Bucarest du Roumain Corneliu Porumboiu lors de la soirée de gala au Théâtre national. Cette comédie amère a emporté la « Caméra d’or » au Festival de Cannes 2006. De son côté, l’espace Open Air s’ouvrira sur le magnifique Mary d’Abel Ferrara, avec Forrest Whitaker et Juliette Binoche. L’actrice française figurera parmi les invités du festival. Abel Ferrara sera également présent. Plusieurs de ses films seront présentés lors d’un hommage.

Une autre rétrospective évoquera l’œuvre du Hongrois Bela Tarr, l’un des auteurs les plus originaux du cinéma européen. L’autre grand favori de la compétition est Das Fraulein d’Andrea Staka, un film helvético-serbe intense, vainqueur récent du « Léopard d’or » à Locarno. Les films seront jugés par un jury composé de Jasmila Zbanic, Jan Cvitkovic, Wouter Barendrecht (distributeur et producteur néerlandais), Kim Dong-ho (directeur du festival de Pusan en Corée du Sud) et Jérôme Paillard (directeur du Marché du film à Cannes).

Parmi les neuf œuvres en lice, originaires de Hongrie, Roumanie, Bosnie, Serbie et Croatie, sept sont des premiers films. Cela confirme le renouveau de ces cinémas et de leur capacité à proposer sans cesse de nouveaux auteurs. Mais il s’agit également d’un symptôme des difficultés à produire des films : à part la Hongrie (et depuis peu la Roumanie, qui vit une période de remarquable vivacité), les pays de la région sont contraints à une production irrégulière. A titre d’exemple, aucun film n’a été terminé cette année en Slovénie, alors que huit longs-métrages y avaient été réalisés en 2005 (dont de belles réussites, comme Odgrobadogroba de Jan Cvitkovic, qui sera rediffusé à Sarajevo).

Dans la compétition du Festival, le pays le plus représenté est la Bosnie : Sve dzaba - All for Free (Antonio Nuic), Mama i tata - Mum ‘N Dad (Faruk Loncarevic) et Nafaka (Jasmin Durakovic). La Hongrie est représentée par Kythera du talentueux Péter Mészáros. La Serbie présente Sedam i po - Sept et demi de Miroslav Momcilovic, avec de nombreuses stars du pays. De Roumanie sera proposé Paper Will Be Blue, un film compact et fort, le deuxième de Radu Munteanu. Le seul auteur expérimenté sera le Croate Branko Schmidt, déjà auteur de Vukovar - Poste restante (1994, le premier film sur la guerre) et d’autres films. Il présentera Put lubenica - La route des melons.

A part dans les deux films roumains, les thèmes semblent tourner autour des histoires intimes et personnelles, sans négliger pour cela la situation politique et sociale des Balkans. L’affiche « Regional Off » comprend des succès récents tels que Grbavica (Jasmila Zbanic), L’enfer (Danis Tanovic), et le plus discret Volim te - I love You du croate Dalibor Matanic.

Un autre moment fort du festival sera la présentation des projets « Cinelink », c’est-à-dire des films qui seront soutenus par un fonds spécial. Tandis que du 23 au 26 août se tiendra le « marché de la co-production » visant à faire se rencontrer des auteurs et des producteurs de différents pays. [...]

Le prix du « Cœur de Sarajevo » sera remis cette année au réalisateur anglais Mike Leigh (Secrets et mensonges, Vera Drake), un vieil ami du festival. Une large vitrine d’avant-premières et de films encore inédits en Bosnie est prévue. On y verra entre autre le très dur The Road to Guantanamo (Michael Winterbottom), Flandres (Bruno Dumont), Tzameti (Gela Babluani), Volver (Pedro Almodovar), The Proposition (John Hillcoat), et les films d’animation Nos voisins, les hommes (Tim Johnson) et Cars (John Lasseter).

 

Douarnenez (France, 29172) Festival de cinéma de Douarnenez : peuples des Balkans, du 19 au 26 août 2006 

 29e Gouel ar Filmoù - Festival de cinéma Peuples des Balkans - Pobloù ar Balkanoù

Début du programme Les Balkans, droit dans les yeux ! 50 fictions et documentaires

  • Les années yougoslaves... et si Tito n’était pas mort ? L’homme n’est pas un oiseau de Dušan Makavejev, Te souviens-tu de Dolly Bell ? et Papa est en voyage d’affaires d’Emir Kusturica, Quand je serais mort et livide de Živojin Pavlovic, Qui chante là bas ? de Slobodan Šijan ... Tito et moi de Goran Markovic, Le retour de Tito parmi les Serbes de Želimir Žilnik...
  • Identités nationales et minorités Albanie et Kosovo. Tirana année zéro de Fatmir Koçi, Slogans de Gjergj Xhuvani, Nuit sans lune d’Artan Minarolli... Minorités de Macédoine, Bulgarie, Roumanie. Le regard d’Ulysse de Theo Angelopoulos, Before the rain de Milcho Manchevski, Whose is this song ? d’Adela Peeva...
  • Rroms des Balkans au cinéma J’ai même rencontré des Tziganes heureux d’Aleksandar Petrovic, La ballade du serpent de Marta Bergman & Frédéric Fichefet, Kenedi goes back home de Želimir Žilnik, Le temps des Gitans d’Emir Kusturica, Virtuosi de nulle part de Zlatina Rousseva, Dae de Stole Popov...
  • Bosniaques, Croates, Serbes dans la guerre Les hommes de l’ombre de Miloševic, Le cercle parfait d’Ademir Kenovic, No man’s land de Danis Tanovic, Casque bleu de Chris Marker, Les vivants et les morts de Sarajevo de Radovan Tadic, Pretty village, pretty flame de Srdjan Dragojevic, Serbie année zéro de Goran Markovic, I burnt legs de Srdjan Vuletic...
  • Lendemains... De guerre lasses de Laurent Bécue-Renard, Go West d’Ahmed Imamovic, Baril de poudre et Songe d’une nuit d’hiver de Goran Paskaljevic, Au feu ! de Pjer Žalica, La caravane pour la paix de Jean-Baptiste Delorme, Les femmes des douze frontières de Claudine Bories, Qu’avez-vous vu de Sarajevo ? de Patrice Barrat...

Des films, mais aussi des mots, des livres, des photos, des ateliers enfants ... Débats et rencontres, en partenariat avec le Courrier des Balkans

Histoire des Balkans, de l’héritage ottoman aux identités nationales Nationalismes, l’enseignement de l’histoire Kosovo, au centre de tous les enjeux Peuples oubliés des Balkans - l’exemple des Aroumains L’imaginaire des Balkans Cinémas des Balkans Intégration européenne des Balkans, balkanisation de l’Europe ?

Monténégro Bosnie, solidarités citoyennes Après la guerre : justice, TPI, réconciliation et reconstruction Utopie Albanie, et après ? Femmes et violences Serbie, les lendemains Šta ima ? Quoi de neuf ?

Avec entre autres la collaboration de :

Jean Arnault Derens Anne Madelain Miloš Lazin Mireille Robin Marie-Claude Vogric Dina Iordonova Ivan Colovic Francis Bueb Timka Grahic le Centre André Malraux de Sarajevo Želimir Žilnik Goran Markovic Ademir Kenovic Goran Paskaljevic Pierre de Trégomain les Comités Goražde-Bretagne les associations Courrier des Balkans Guernica ADPE Balkans Transit...

Côté Littérature

Stage le jeudi 24 août : « Nouvelles voix des Balkans » avec Anne Madelain, attachée culturelle, Mireille Robin, traductrice de serbo-croate, Dominique Dolmieu des Editions « L’espace d’un instant », et Velibor Colic, écrivain bosniaque. Inscriptions obligatoires : 02 98 92 09 21

Côté Musique

Une conférence-voyage musical dans les Balkans par Erik Marchand, vendredi 25 août. Stage Musique des Balkans, avec cinq ateliers (les 23, 24, 25, 26 août) encadré par des musiciens serbes, macédoniens et bretons Rens : 02 97 23 82 82 La Nuit des Balkans - le samedi 26 août - Concert de clôture avec le Quartet Erik Marchand, le Bahtalo Band de Macédoine ... et des surprises !

Et aussi des ateliers enfants, un village des associations, des expos photos - Klavdij Sluban, et encore « Albanie, regards d’enfants sur la vendetta »...

CINEMA DE BRETAGNE Compétition annuelle et vitrine de la production audiovisuelle bretonne

Remise des Prix le vendredi 25 août Palmarès de la Compétition en salle le samedi 26 août Stage professionnel Désir de film avec Želimir Žilnik Espace Films en Bretagne et visionnements à la carte Carte blanche à la Cinémathèque de Bretagne

LA GRANDE TRIBU ... Une sélection de films du monde entier qui nous ont particulièrement émus...

JEUNE PUBLIC ... Des films venus d’ailleurs, pour nos plus jeunes spectateurs !

Contact : Marie Jenkins Erell Beloni presse-fdz@wanadoo.fr 

Renseignements : Festival de cinéma BP206 29172 Douarnenez Cedex Tél. 02 98 92 09 21 ou 02 98 92 44 79 Fax. 02 98 92 28 10 et fdz@wanadoo.fr 

et sur le site http://www.kerys.com/festival 

 

 

Regards croisés sur le théâtre des Balkans : « le monde est peut-être foutu, mais la vie est intacte » 

Mise en ligne : dimanche 4 juin 2006 

Pour la 6e édition du festival Regards Croisées organisé par le collectif Troisième Bureau, la MC2 de Grenoble a accueilli du 16 au 21 mai 2006 de jeunes auteurs dramatiques des Balkans. Rencontres avec Gianina Carbunariu (Roumanie), Ivana Sajko (Croatie), et Zanina Mircevska (Macédoine).

Entretiens réalisés par Tamara Chatenay-Rivauday, Géraldine Doat, Leslie Humblot, Ingrid Mansier

Venus de Serbie, Croatie, Macédoine et Roumaine, âgés de 35 ans au plus, Milena Markovic, Maja Pelevic, Asja Srnec Todorovic, Ivana Sajko, Zanina Mircevska, Gianina Carbunariu et Stefan Peca semblent avoir en commun, comme l’écrit Enzo Cormann « de ne plus rien attendre des discours, des hommes et des espoirs du siècle passé. Leur désespoir n’est en effet pas tant mélancolique que réfractaire (...) ».

Porteurs d’une vitalité nouvelle, ils nous livrent des textes incisifs, poétiques et parfois brutaux qui obligent à regarder le monde bien en face. « Mal fichu, grotesque, infernal, esquinté, sans doute, mais tellement réel qu’il en devient in-visible, ir-regardable au quotidien, le monde a besoin d’un théâtre pour aller se faire voir ».

Entretien avec Gianina Carbunariu

Quelle est la situation du théâtre contemporain en Roumanie ? Comment te situes-tu comme auteur dramatique ?

En Roumanie, on a plutôt des théâtres institutionnels et peu d’indépendants. Les théâtres institutionnels ne prennent pas le risque de faire jouer les textes de jeunes auteurs, ils préfèrent les classiques. Cependant, je pense que ce n’est pas une bonne stratégie : un nouveau public, plus jeune, veut entendre parler de son quotidien et de ses préoccupations. Quant aux théâtres indépendants, par manque de moyens, ils ne peuvent non plus prendre le risque d’inviter les jeunes auteurs. La nouvelle génération d’auteurs dramatiques est obligée de se débrouiller seule pour se faire connaître. J’ai débuté dans un théâtre institutionnel, puis j’ai écrit un scénario pour mes comédiens : Stop the tempo ! J’ai entièrement autoproduit ce spectacle, financé la mise en scène et la scénographie. Les premières représentations ont eu lieu dans un café alternatif qui ne rémunérait que les comédiens, payés à la représentation. Le spectacle a eu du succès par sa jeunesse. La pièce a été alors invitée à la « Biennale New Plays from Europe, Wiesbaden » puis elle a été jouée dans deux festivals en Pologne. L’engouement pour ce spectacle nous a motivés à continuer, il y a une réelle demande du public en Roumanie. Ce succès est aussi dû à une question de langage. En Roumanie subsiste la tradition de l’écriture parabolique, très éloignée de la réalité. Dans Stop the tempo !, le langage est brut. Au départ, c’est un texte d’urgence, une performance, ce n’est pas à proprement dit un texte dramatique. Cela a été une autre façon d’exercer la liberté d’expression. En Roumanie, nous avons bien sûr le droit de nous exprimer, mais on s’autocensure en parlant de tout sauf de la réalité.

Quel regard critique portes-tu sur la révolte, la jeunesse.... ?

Après la révolution, tout a changé très vite, les gens n’ont plus le temps de penser à leur identité, qui sommes-nous, en tant qu’individus ? Par ailleurs, la démocratie en Roumanie est une démocratie à la roumaine, vouée au capitalisme sauvage. Dans Mady-baby.edu, Bogdan qui vient de terminer ses études décide de partir en Irlande. Partir en Europe occidentale est une chose courante pour les jeunes roumains ? La moitié des gens que je connaissais au lycée est partie effectivement, les études terminées. Il n’y avait pour eux aucune opportunité d’emploi en Roumanie il leur était nécessaire de partir. Dans cette pièce, je fais à la fois la critique de la Roumanie qui n’offre aucune chance, et qui pousse à des choix terribles, tu dois avoir de l’argent et payer, tu dois abandonner tes rêves ou partir. En ce sens, mes deux pièces, Stop the tempo ! et Mady-baby.edu. se font écho.

Entretien avec Ivana Sajko

Dans Archétype Médée, La Femme-Bombe et Europe, le texte se présente sous forme de « monologue polyphonique », que dire que la genèse de cette écriture ?

Dans La Femme-Bombe, j’ai intégré des enquêtes que j’ai faites auprès de mes amis, des sortes de témoignages. Dans Europe, j’ai utilisé la Convention des Droits de l’Homme et différents statuts juridiques. On y retrouve aussi une chanson populaire de mon pays. La question du genre est simplement une question en trop. Aujourd’hui, à l’époque où la post modernité a touché à sa fin, la question du genre n’a plus lieu d’être. Ce qui m’intéresse, c’est de fuir un genre précis. Pour certains, j’écris des pièces de théâtre qui penchent vers la prose et pour d’autres, j’écris de la prose qui penche vers le théâtre. J’ai compris que pour moi, c’était extrêmement difficile de trouver ma place. C’est pour ça que je dis souvent que j’écris des discours. J’écris des monologues car c’est une forme d’écriture qui est proche de la prose. Le monologue est très intéressant car c’est la première forme dramatique à abolir le quatrième mur, une forme dramatique qui s’adresse directement au spectateur et non à un autre acteur. C’est un discours théâtral qui est conscient de l’illusion théâtrale et qui ne l’accepte pas. Mais j’essaie de ne pas rester prisonnière de cette forme et de l’ouvrir : il s’agit bien de monologues polyphoniques. L’ironie, c’est qu’une personne ne suffit pas pour lire ou jouer mes monologues.

Vous mettez vos textes « en corps » par le biais de performances.

Au cours de la performance, nous essayons de voir comment certaines interprétations, certains passages fonctionnent avec le public. On a envie de montrer le processus, la chose en train de se faire. Cette forme me plait car elle abolit la possibilité même de l’erreur au cours d’une représentation. On ne peut pas se tromper car au départ, la forme de la représentation n’est pas fixée. Si vous, en tant que spectateur, vous remarquez qu’il se passe quelque chose d’étrange entre nous, c’est parce que nous sommes en train de chercher comment exploiter cet événement, ce qu’on pourrait tirer de l’imprévu. L’erreur devient une pensée positive et permet de générer de nouvelles choses. Toutes ces expériences sont très importantes pour mon écriture.

Y a t-il une dimension autobiographique dans vos textes ?

Je pense que chaque expression artistique est une sorte d’écriture de soi. L’exemple le plus parlant est sans doute le texte de La Femme-Bombe. La plupart des gens ne voient pas que le personnage principal n’est pas une femme terroriste. En fait, c’est moi qui, en tant qu’écrivain, essaye d’écrire sur une femme terroriste. Dans mes textes on retrouve souvent mon nom ; je m’adresse à moi-même. Ce qui m’intéresse, c’est le processus de l’écriture. Dans cette mesure, on pourrait parler d’un texte autobiographique. Mais ce coté autobiographique ne concerne pas mon histoire personnelle, ce n’est pas une confession.

Vous avez mis une citation de Brecht en exergue de 4 pieds au sec. Quelle a été votre intention par rapport à cela ? Est ce que vous considérer que votre œuvre est politique, ou porteuse d’une idéologie ?

J’ai choisi la citation pour elle-même. Il est vrai qu’il y a du politique dans mon travail. La politique de mes pièces n’est pas une politique des partis ou d’une idéologie. Il s’agit d’une attitude politique qui consiste à mettre en doute les vérités et les structures, et par la même occasion se remettre soi-même en question. Ce n’est pas un appel à l’engagement, pour faire en sorte que le public s’engage, ce serait dogmatique. Si je fais appel à une idée ce serait que l’art se doit d’être courageux dans sa façon de prendre des décisions artistiques et non pas politiques.

Entretien avec Zanina Mircevska

Esperanza est une farce sur les criminels contre l’humanité. Pourquoi ce titre ?

Esperanza me rappelle des séries espagnoles qu’on voit très souvent dans nos pays ex-yougoslaves, et qui sont particulièrement kitch, de mauvais goût, comme les soap opéras. Mais, comme vous le savez, le mot « esperanza » signifie espérance. Cette espérance se fraye un chemin à travers des eaux noires, troubles, et nous sommes témoins de ce qui va arriver à cet espoir, à notre espoir. A la fin, le bateau coule, mais d’une certaine manière, il continue à vivre. Puisque le capitaine est au fond de la mer, c’est le début de ses vacances.

Avez-vous lu la préface du programme du festival par Enzo Corman : « S’il n’était le nom d’un paquebot porteur d’apocalypse (...) le mot esperanza pourrait sous-titrer le programme de Regards Croisés » ? Les auteurs des Balkans présents au festival « ont en commun de ne plus rien attendre des discours, des hommes et des espoirs du siècle passé. » Alors sont-ils tous dans le même bateau ?

Il est vrai que beaucoup d’espoirs ont été trahis. Toutes les révolutions du XXe siècle se sont terminées d’une façon dramatique, mais ça ne veut pas dire que nous sommes maintenant libres de créer notre avenir, au contraire. Justement à cause de ces échecs, nous avons devant nous une tâche qui nous attend, afin de trouver de nouveaux modèles. Bien sûr je ne parle pas comme une optimiste désespérée. Au contraire je suis plutôt pessimiste, mais je pense que le sens final que l’on peut donner à un travail, à l’écriture, à une action, c’est la lutte pour l’espérance. Alors comment le réaliser, comment mériter cet espoir ? Cela va dépendre de notre créativité (...)

Le texte mélange des genres inattendus. Pourquoi écrire une farce poétique ?

Lorsque j’écrivais ce texte, j’ai ressenti le monde comme un mélange, un « cirque ». A la télévision nous regardons en parallèle un monde de catastrophes, une action militaire, et juste après une publicité pour le savon. Donc ces deux informations, nous les acceptons comme faisant partie d’un show business. Cette situation est tellement tragique, qu’elle en devient une farce grotesque. Donc à travers une langue poétique et la répétition des mots, qui rappellent un peu les mouvements du bateau, je voulais arriver à créer une ambiance musicale et un contraste. On est en train de chanter une horreur. Bien sûr au moment où j’écrivais le texte je n’en étais pas tellement consciente et je me suis amusée, j’entendais cette musique qui se créait en moi et c’était la seule façon d’ingurgiter l’horreur à travers un chant.

Ces textes ont parus dans la Gazette du Festival, Mots Croisés.

Information et documentation sur le théâtre des Balkans sur www.troisiemebureau.org 

 

 

 

Vladimir Velickovic : « le devoir du peintre est de poser des questions » 

Traduit par Persa Aligrudic 

Publié dans la presse : 30 mai 2006

« J’essaie seulement, et je ne sais pas si j’y réussis, à montrer ce que l’homme est capable, dans sa folie nationaliste, fanatique et religieuse, de faire à l’homme. Mon devoir et mon but est de poser des questions. C’est à vous qu’il convient d’essayer d’y répondre », explique Vladimir Velickovic, peintre serbe vivant en France, nouveau membre de l’Académie française des Arts.

Propos recueillis par Aleksandar Manic

« Depuis dix ans, on essaie de me persuader d’adhérer à l’Académie française des Arts. Une institution vieille de près de quatre siècles et moi qui devrait en faire partie. Toutes ces têtes blanches..., mais puisque la mienne aussi a blanchi je n’ai pas résisté au dernier « assaut » dont l’intensité assurait que je serais élu. Je dois reconnaître que je n’aime pas perdre. Et puis, la réputation de notre pays était concernée. Jusqu’ici, nous n’avions pas été présents sous la coupole, et voilà que c’est arrivé », raconte Vladimir Velickovic, peintre et académicien serbe, élu membre de l’Académie française des Arts le 7 décembre 2005, dans le fauteuil qui appartenait autrefois à Bernard Buffet, le peintre existentialiste. Par un décret de Jacques Chirac, son élection a été confirmée le 31 janvier dernier, de sorte que Velickovic est devenu le premier Serbe porteur du titre d’académicien français.

De Belgrade à l’Académie

Après ses études d’architecture, Velickovic se consacre à la peinture et, dès 1966, il quitte son Belgrade natal et s’installe à Paris. Sa créativité, importante pour le mouvement de la narration figurative, n’a laissé personne indifférent. Sa tentative de percer le secret du drame humain a emmené la peinture de Velickovic, expressive et précise, vers le traitement d’un grand sujet : la fugacité du monde matériel.

Le corps humain, faible et condamné à la disparition, est torturé, écartelé, sacrifié et condamné à la mort physique. En plus d’une carrière de peintre réussie, Vlada Velickovic fut professeur de 1983 à 2000 à l’Ecole supérieure des Beaux-Arts de Paris, guidant de nombreuses générations de jeunes artistes. « Mon séjour à l’Académie des Arts de Paris a été pour moi un enrichissement constant. J’ai travaillé avec toute mon énergie, je ne me suis pas épargné, j’ai été engagé jusqu’au bout, j’y ai laissé une partie de ma personne et de mon expérience. Je suis sûr que mon message est resté profondément gravé dans chaque individu avec qui j’ai été en contact. Au cours de mes 18 années de professorat, je n’ai eu aucun échec lors des soutenances de diplômes. Ils me manquent infiniment ». Ainsi parle Velickovic de ses étudiants...

« Le compromis est un ver rongeur »

« Refuser tout compromis est une obligation morale, intellectuelle et créatrice, un serment que l’on fait devant soi et devant les autres. Le compromis est un ver rongeur, une maladie maligne qui nuit sérieusement à toute créativité, en dépit de certains privilèges, et de facilités dans les pièges desquels il ne faut pas tomber. La sortie est pratiquement impossible. Peut-être que le prix à payer est trop élevé pour défendre sa propre intégrité, mais c’est la seule chose qui signe la réussite de la vie et du travail. Il le faut, et cela vaut la peine d’essayer », dit-il.

DANAS (D) : Vos toiles, semblables aux peintures chrétiennes, indiquent simultanément la force et la faiblesse humaine, physique et morale. Pourquoi représentent-elles surtout le côté terrien, obscur, des aspirations de l’homme ?

Vladimir Velickovic (VV) : Il s’agit d’un choix fondé sur ma sensibilité. Mon intérêt pour une certaine thématique, que vous dites obscure, terrienne, a été tracé dès le tout début, dans les lointaines années 1950. J’ai été nourri par les événements, les informations et illustrations, rangés et bien gardés en mémoire, à tel point qu’ ils représentent, aujourd’hui encore, une sorte de base sur laquelle je construis à l’aide de symboles extrêmement précis.

D : Les scènes de vos toiles semblent parfois être prises dans les manuels de médecine légale : sans événements, rien que des conséquences. Vous n’êtes que le témoin, mais qui est le juge ?

VV : Au début, je me servais de documents de cette sorte, mais beaucoup plus de ceux qui concernaient des événements aux conséquences tragiques. Notre champ visuel est surchargé d’une horreur toujours présente, et l’esprit et la conscience sont soumis à une lourde épreuve, quasiment insurmontable. Témoin, je le suis, et je vous invite, avec moi, à être juge. Il ne faut pas nous reposer sur le temps qui fait que l’on oublie tant de choses, non plus que sur l’histoire qui souvent brouille les faits. Comme exemple, je peux mentionner tout ce qui nous est arrivé ces dernières années.

D : Dans vos œuvres il n’y a ni devinette ni mystère, mais on éprouve le désir dans l’esprit de l’observateur de laisser une cicatrice. Est-ce à dire qu’ainsi vous posez les questions ou que vous donnez les réponses ?

VV : Le dialogue est indispensable entre le spectateur et l’observé. Accepter ou refuser ce dialogue est également important. L’indifférence est désastreuse. La profondeur de la cicatrice laissée est la mesure d’efficacité de ce qui vous est offert au regard. Indépendamment du fait que vous refusiez ou acceptiez la question, la cicatrice est présente, plus ou moins douloureuse. Je ne fais qu’essayer, et je ne sais pas si j’y réussis, à montrer ce que l’homme est capable, dans sa folie, nationaliste, fanatique et religieuse, de faire à l’homme. Donc, mon devoir et mon but est de poser des questions. A vous d’y répondre ou tout au moins d’essayer d’y répondre.

D : Voici quatre décennies que vous vivez et créez dans un pays où vous n’êtes pas né, où vous n’avez pas grandi. Comment avez-vous gardé votre propre identité, et êtes resté ce que vous étiez ?

VV : Un milieu, avec tout ce qu’il possède : l’histoire, la tradition et la mythologie, ne vous accepte pas facilement ni sans douleur. S’il ne reconnaît pas en vous une certaine différence, quelque chose de nouveau, de différent, il essaie de vous engloutir et exige que vous engloutissiez dans ce qui vous est offert et que vous fassiez, tôt ou tard, complètement partie de lui, de son comportement, de sa manière de vivre, de ses habitudes, de sa culture. Lorsque vous devenez conscient de ce « danger », vous devez vous munir d’un bouclier qui laissera passer ce que vous acceptez et qui refusera le reste. Vous devez vous redresser dans une attitude incorruptible en défendant votre identité et votre intégrité, à condition de les avoir. Vous devez sans crainte croire en votre différence. C’est la plus grande richesse. Parfois c’est lié à des difficultés, mais une personnalité ne se construit-elle pas précisément sur des difficultés ? Les épreuves sont nombreuses, le doute vous assaille, mais quand vous constatez que vous êtes resté debout, la satisfaction n’en est que plus grande.

D : Vous avez été professeur à l’Académie des Beaux-Arts pendant deux décennies. En éduquant les jeunes, leur avez-vous conseillé de se conformer à leur temps ou bien de créer indépendamment des législations socio-économiques ?

VV : Je leur ai conseillé avant tout d’être aux-même, de s’écouter, d’avoir confiance dans leur travail, mais aussi d’en douter, de se confronter à ceux qui pensent différemment, de construire leur intégrité, qui est au début une construction fragile à travers laquelle soufflent toutes sortes de vents, de tendances et de tentations. Il faut donc séparer tout ce qui peut servir à la formation de la personnalité et ne jamais abandonner ce qui est le propre à chacun, les sources. Si l’art et la créativité devaient fonctionner selon les lois socio-économiques, elles n’existeraient tout simplement pas. L’art, tel que je le conçois et que j’essaie de le vivre, est une liberté divine infinie. Il faut s’en servir entièrement, se donner à lui et partir avec la foi, même très modeste, que vous avez laissé une petite trace à ceux qui le reconnaîtront.

D : Est-ce que les générations actuelles d’étudiants des Beaux-Arts portent en eux une colère créatrice pour prouver quelque chose ?

VV : Sans colère, ambition et désir, cela ne vaut pas la peine de faire ce travail. C’est en fait une aventure, indispensable. C’est un labyrinthe où vous vous élancez « la tête la première » et c’est de vous seul que dépend si vous allez en trouver l’issue. Le travail est un maillon essentiel qui peut amorcer cette machine créatrice infernale. En même temps, vous comptez sur la solitude, car vous êtes terriblement et divinement seul, avec le regard fixé sur le monde, le temps et sur vous.

D : Est-ce que les jeunes ne sont pas engagés parce qu’ils n’ont pas la foi en l’avenir, ou bien parce qu’ils se soucient trop de leur propre sécurité ?

VV : La foi en l’avenir est avant tout la foi en soi-même. Rien ne tombera du ciel. Vous devez tout faire avec vos dix doigts. Il ne faut pas croire au miracle, au hasard ou aux bonnes étoiles. Parfois, il peut arriver que quelque chose se produise, mais ...

D : Une fois vous avez dit qu’il ne suffisait pas d’être un peintre, mais qu’il était nécessaire d’être un bon peintre. Que diriez vous aux jeunes pour qu’ils réussissent, qu’ils restent debout et deviennent « immortels » ?

VV : Oui, il est important d’être un bon peintre, mais plus le temps, passe plus je crois fermement qu’il faut aussi être un homme bon. Et s’il en est ainsi, il est probable que « l’immortalité » ne vous évitera pas non plus.

 

Oslobodjenije

Le film bosniaque " Grbavica " triomphe au festival du film de Berlin

Traduit par Ursula Burger Oesch

Publié dans la presse : 20 février 2006

Une histoire humaine et pleine d’émotions, un drame poignant sur les traumatismes d’après-guerre et les conséquences des viols de femmes commis par des soldats serbes durant la guerre en Bosnie et Herzégovine a remporté l’Ours d’Or de la 56 édition du festival du film de Berlin.

Par Maja Radevic

" Grbavica " [nom d’un quartier de Sarajevo, NdT]est l’histoire d’une mère de famille célibataire, Esma (Mirjana Karanovic), qui vit à Sarajevo avec sa fille Sara (Luna Mijovic) et essaie de lui assurer une enfance sereine. L’harmonie apparente entre la mère et la fille est rompue quand Sara annonce vouloir partir en excursion avec sa classe. La jeune fille apprend alors qu’elle ne doit pas payer les frais de voyage si elle apporte une attestation qui prouve que son père était un ancien combattant décédé pendant la guerre ou figure sur une liste de personnes disparues. Humiliée et sous l’influence du traumatisme qu’elle est en train de revivre, Esma avoue à sa fille la vérité amère : Sara est l’enfant d’un viol de guerre...

" Grbavica ", premier long métrage de la jeune réalisatrice bosniaque Jasmila Zbanic (1974), résultat d’une co-production austro-germano-bosniaco-croate, qui a emporté samedi dernier l’Ours d’or de la 56e édition du festival international de Berlin, représente une nouvelle preuve que la Bosnie et Herzégovine a des cinéastes dont elle peut être fière.

Un point de vue différent

Le cinéma reste l’un des rares domaines qui présente notre pays sous une lumière favorable dans le monde. En remportant le meilleur prix de ce prestigieux festival avec son premier long-métrage, Jasmila Zbanic nous l’a prouvé de la meilleure façon possible. Bien qu’il s’agisse, comme l’a souligné la réalisatrice à l’occasion de la cérémonie finale de la remise des prix, " d’un petit film, à petit budget, venant d’un petit pays ", il a su attirer à Berlin les sympathies du publique, du jury ainsi que celles de la critique, qui dès le début du festival l’a compté parmi ses favoris.(...)

Par la même occasion, la réalisatrice a prononcé un discours touchant, dont des extraits ont été rapportés par la presse du monde entier. Elle a entre autres déclaré : " Je veux profiter de cette opportunité pour rappeler qu’alors que la guerre est finie depuis 13 ans, les criminels de guerre Mladic et Karadzic courent toujours "... Pour expliquer le choix du thème du film, elle a rappelé : " Ils ont organisé le viol de 20 000 femmes en Bosnie, tué 100 000 personnes et chassé de leurs foyers un million de personnes "... " Nous sommes en Europe et j’espère que cela changera ", a conclu la jeune femme, sous les applaudissements de la salle.

Plus que tout le monde, les premiers à être fiers doivent être les membres de l’équipe du film. Déjà samedi, réunie pour donner ainsi leur soutien à Jasmila Zbanic lors de la transmission en direct de la cérémonie finale du festival à Berlin, l’équipe s’est donné rendez-vous dans le fameux café Meeting Point de Sarajevo et est resté célébrer ce grand succès jusqu’au petit matin. Avec le même élan, le triomphe a été célébré dans les pays voisins, par les membres de l’équipe du film de Serbie et de Croatie.

" La reconnaissance qu’a reçu le film, je l’observe d’un point de vue un peu différent, tout d’abord dans l’optique de l’avenir de la carrière de Jasmila, celui de la cinématographie bosniaque, mais aussi celui de toutes les petites cinématographies issues de cette région, dont la production n’est pas très vaste, dont les budgets ne sont pas susceptibles de financer des projets complexes. La seule chose dans laquelle nous sommes " fort ", c’est ce savoir qui consiste à raconter des histoires de vie émouvantes, capables de communiquer avec le public du monde entier de façon humaine. Et c’est exactement ce qui s’est passé avec " Grbavica ". Pour moi, ceci est très important, car on rencontre beaucoup de films couronnés par différents prix et qui pourtant, par la suite, simplement disparaissent, dont on n’entend plus parler. L’importance de ce prix est également dans le fait qu’il va attirer l’attention sur le thème dont parle le film, ainsi que sur la Bosnie et Herzégovine en général et les gens qui là-bas réfléchissent d’une autre façon. Voilà pourquoi je suis heureuse, parce qu’une histoire humaine, magnifique, positive et noble a reçu ce prix ", a déclaré Mirjana Karanovic, qui joue dans le film le rôle principal de Esma.

Diffusé dans 20 pays différents

L’Ours d’or pour le film " Grbavica " a été reçu avec le même enchantement par Leon Lucev et Dejan Acimovic, acteurs croates qui font partie de l’équipe du film. " Nous nous attendions à ce que le film emporte le prix, nous savions que ce film est excellent et que l’histoire est suffisamment puissante pour que tout le monde le reconnaisse ", raconte Leon Lucev.

" Pour moi, cela signifie beaucoup, c’est la confirmation d’un grand investissement, d’un énorme travail et avant tout, du talent exceptionnelle de Jasmila. Quand j’ai lu le scénario de " Grbavica " pour la première fois, je me disais que ce film ne pouvait laisser indifférent personne. Et au moment où Charlotte Rampling, la présidente du jury de la Berlinale, a affirmé que le jury allait couronner de prix les films qui savent susciter des émotions, j’étais sûr que le film allait recevoir au minimum un ours. Mais recevoir un Ours d’or face une concurrence pareille, avec des noms tel que deux de Robert Altman et Michael Winterbottom, c’est vraiment incroyable. C’est une chose d’une importance énorme, et je ne suis pas sûr que les gens sachent l’apprécier ", a affirmé Dejan Acimovic.

Grâce à sa première mondiale au festival de Berlin ainsi qu’à ce prix, Jasmila Zbanic a franchi le seuil de la cinématographie mondiale, ce dont témoigne le mieux le fait que lors de leur passage à Berlin, les producteurs du film ont signé des contrats pour la distribution du film dans vingt pays du monde entier. En ce qui concerne le public en Bosnie et Herzégovine, dont la réalisatrice attend avec beaucoup d’impatience les réactions, il pourra regarder le film dès le 1er mars à Sarajevo et par la suite dans les autres villes du pays.

 

Devons-nous avoir honte ou être fiers des Balkans ?
Traduit par Jasna Andjelic

Publié dans la presse : 1er octobre 2005

Depuis les guerres des années 1990, les termes « Balkans » et « balkanique » sont devenus synonymes de sauvagerie et d’éclatement. Par contre, aujourd’hui les Balkans de la musique de Goran Bregovic ou des Voix bulgares sont à la mode. Comment faire entrer les cultures populaires balkaniques dans la sphère de la haute culture mondiale ? Et quel regard porter sur l’identité balkanique ?

Par Ivan Colovic

À mémoire de Dunja Rihtman-Augustin (1926-2002)

L’éclatement de la Yougoslavie a été suivi par une vague de mépris envers les Balkans, communément ressenti dans tous les pays apparus sur ce territoire. Ce mépris a été exprimé par les élites politiques, qui présentaient leurs programmes d’émancipation nationale et de démocratisation comme une fuite hors des Balkans. La devise éléctorale du HDZ croate en 1995 était : « Tudjman et pas les Balkans ». Elle est citée par Dunja Rihtman-Augustin dans son excellent essai intitulé Pourquoi et depuis quand avons-nous horreur des Balkans ?, publié en 1997.

Dans la Serbie post-communiste, le rapport de l’élite politique envers les Balkans a été plus complexe. Elle a parfois exploité le mythe de la révolte et de l’héroisme balkaniques, présentés comme des valeurs oubliées à l’Ouest. Cependant, comme l’affirme Stef Jansen qui a mené des recherches sur les représentations des Balkans dans les discours post-communistes en Serbie et en Croatie , « le terme « Balkans » a contenu des connotations négatives liées à une économie sous-développée, à la paresse, au manque d’efficacité, au primitivisme et à l’arriération, même pour ceux qui n’éprouvaient pas d’animosité spécifique envers cette région ».

Il existe un nombre important de textes scientifiques sur le contenu et les sources des représentations stéréotypées sur les Balkans. On y utilise souvent le terme « balkanisme », crée par Marija Todorova, sur la base du terme « orientalisme » d’Edward Said.

Le balkanisme est interprété de façon différentes, comme une variante de l’orientalisme, ou indépendamment, comme un ensemble de réprésentations stéréotypées et imaginaires. Dans les deux cas, il s’agit surtout de recherche sur les stéréotypes négatives concernant les Balkans, prédominants dans le discours sur la région et très accentués dans les interprétations du caractère des guerres de 1991-1995 sur le territoire ex-yougoslave, souvent expliquées comme des explosions des atavismes balkaniques. Jansen dit que le terme « les Balkans » désignerait « un ensemble de pratiques sociales réelles ou imaginaires, tournant autour du primitivisme, de la diversité, des passions, et surtout de la violence ».

Les chercheurs qui se consacrent au discours balkanique ont quand même trouvé des stéréotypes positifs. Jansen parle de tentatives « d’utilisation du sujet balkanique dans l’objectif plus ou moins subversif de déstabilisation du discours qui voit l’Europe comme un idéal ». Il traite ces tentatives de « contre-discours » balkanique. En Serbie, il a trouvé des exemples de tentatives visant à transformer le discours balkanique en opposition au discours européen. De tels exemples ont été moins nombreux en Croatie, où la resistance au rejet de tout ce qui est balkanique a été plus discrète. Les gens buvaient de l’espresso en ville et continuaient à faire le café turc chez eux.

Contrairement à ce comportement, l’attachement croate aux Balkans a été beaucoup plus ouvert avant l’éclatement de la Yougoslavie. Marko Zivkovic cite la chanson de Dzoni Strulic, « Les Balkans », qui exprimait « la solidarité yougoslave, une identification sincère avec le destin balkanique de la Yougoslavie, et cette émotion a été à l’époque partagée par beaucoup, dans toute la Yougoslavie ».  ?Aleksandar Kjosev a traité ces exemples de rejet des stéréotypes négatifs sur les Balkans de « stratégies contre-culturelles ». Il les retrouve dans la culture populaire des Balkans. Il dit que dans les années 1990, « la (contre)culture populaire balkanique est apparue dans tous les pays des Balkans : les masses ont développé un nouveau goût de l’ancienne danse du ventre, de nouvelles auberges ont été ouvertes et l’ambiance a été dominée par une nouvelle culture de l’intimité arrogante ».

Turbofolk, calga et manale

Parmi les manifestations de la culture populaire faisant partie de la stratégie contre-culturelle, Kjosev cite en premier lieu la nouvelle musique folklorique, appelé « turbo folk » en Serbie, « calga » en Bulgarie, et « manale » en Roumanie.

« Contrairement à l’image traditionnelle qui est négative », dit Kjosev, « cette culture célèbre d’une manière arrogante l’état réel des Balkans : arriérés et orientaux, concentrés sur le côté charnel et à moitié ruraux, bruts, ridicules, mais intimes... Il s’agit d’une sorte de régression volontaire vers un « voisinage » balkanique élargi, scandaleux et lointain de l’Europe et des sombres « patries » officielles ». Kjocev fait une distinction entre les genres musicaux « contre-culturels » et l’évocation du personnel, de l’idyllique, du pittoresque et du passionant, ou de la dimension « sauvage » présente dans la musique de Goran Bregovic et celle de groupes comme Mystères des voix bulgares. Ce sont des variantes de l’image positive des Balkans, « emballées pour la haute culture mondiale », explique-t-il.

Comment faire rentrer les Balkans dans la sphère haute culture ? Comment les transformer en qualité appréciée, en objet de fierté pour ses habitants au niveau mondial, tout en évitant l’arrogance ? On trouve la réponse dans la musique ethno-balkanique comme celle de Goran Bregovic et des Mystères des voix bulgares. La musique des Balkans y est présentée comme authentique, c’est-à-dire très ancienne, enracinée dans la tradition et proche de la nature, née dans l’écoute des sons de la nature.

L’autenticité de la musique ethno des Balkans consite en sa spontanéïté,sa liberté émotionnelle, le témpérament qui pousse la joie et la douleur à l’extrême. L’auteur de l’article sur l’album « Srbija Sounds Global » dit qu’il s’agit de « musiciens très doués à la recherche d’une musique authentique des Balkans qui ont réussi à atteindre le très haut niveau et à présenter une vision spécifique contentant les émotions diverses de la région : la révolte, les cris, le tempérement déchainé et la joie de vivre ». Les expressions utilisées découvrent le procédé que Kjosev appelle « l’emballage », qui consiste en la recherche des émotions balkaniques contenues dans la calga, le folk des auberges, mais qui peuvent servir de matière à un traitement musical de haut niveau, pour les faire survivre dans la culture officiellement reconnue.

Cette musique souhaite témoigner que les Balkans ne sont pas une scène de discorde, de conflits, d’intolérance et de haine, mais que c’est un espace dont la tradition culturelle, surtout musicale, est toute marquée par le croisement et la coopération des divers peuples qui l’habitent.

Cependant, l’image des Balkans offerte par la musique ethno serbe n’a pas encore réussi à dépasser la barrière entre la soi-disante culture et la musique authentique des Balkans, d’un côté, et de la culture et la musique orientale de l’autre. La sonorité orientale du turbo-folk serbe ne fait par partie de la musique ethno. De nombreux musiciens ethno acceptent les pires préjugés orientalistes et affirment que la sonorité orientale n’est pas propre au Balkans, qu’elle est imposée. Cette sonorité qu’on entend souvent dans le turbo-folk provoque de fortes réactions : « Ce n’est pas à nous, c’est turque, arabe, oriental ».

En conclusion de cette courte intervention sur les stéréotype spositifs des Balkans, je dirais qu’il ne faut pas les suivre à tout prix et être fier des Balkans, de même qu’il ne faut pas accepter les stéréotypes négatifs tout faits et avoir horreur des Balkans. Dunja Rihtman-Augustin a refusé d’avoir honte des Balkans. Je suis convaincu qu’elle refuserait de les admirer aujourd’hui, ce qu’on nous le demande de plus en plus souvent.

Texte lu au Premier colloque des lauréats du prix Herder, le 4 septembre 2005 à Kardzali (Bulgarie).

 

Bosnie : la bibliothèque nationale en difficulté

Publié dans la presse : 3 décembre 2004
Mise en ligne : vendredi 3 décembre 2004

La bibliothèque nationale de Bosnie créée en 1537 et détruite en 1993 connaît aujourd’hui un avenir incertain : les moyens financiers que nécessite sa refondation s’essouflent et sans davantage d’implication des responsables locaux, la communauté universitaire risque d’en ressentir les conséquences. Selon son directeur, si aucune aide n’est allouée, la bibliothèque pourrait fermer ses portes.

La bibliothèque nationale et universitaire de Sarajevo connaît de grosses difficultés financières et risque de fermer ses portes ! Cette institution, que les armées de Karadzic et Mladic ont incendiée et détruite en 1993, n’a pas de financement, son statut n’est pas établi et, selon son directeur, elle risque de cesser ses activités.

La Bibliothèque nationale et universitaire de Bosnie-Herzégovine a une histoire longue et mouvementée. Elle remonte à la création d’une première bibliothèque par le gouverneur ottoman de la province de Bosnie, Gazi Husrev, en 1537, année de la fondation, en France, de la Bibliothèque royale. Elle s’est maintenue pendant toutes les vicissitudes de l’histoire du pays, jusqu’à sa refondation, à la libération, en 1945.

Détruite en 1993, avec ses cinq millions de volumes, elle a trouvé refuge dans les bâtiments de l’ancienne caserne Tito, destinée à devenir le campus universitaires de Sarajevo.

L’action de reconstitution de la bibliothèque a été entamée en 1993 avec le soutien de l’UNESCO et l’aide d’un grand nombre de pays (l’Association Sarajevo a soutenu en son temps la campagne menée en France). D’importants fonds ont pu ainsi être réunis, qui ont permis à la Bibliothèque de Sarajevo d’occuper son rang dans la chaîne de la coopération internationale des grandes bibliothèques.

Ces résultats se trouvent malheureusement compromis par l’insuffisance des crédits alloués à son fonctionnement et la précarité de son statut, dus, selon les responsables de l’établissement, au désintérêt total que lui portent les autorités gouvernementales. C’est l’ensemble de la communauté universitaire, et par voie de conséquence, l’ensemble de la société de Bosnie-Herzégovine, qui devront payer le prix de cette impéritie.

Patrick Simon, devant la Bibliothèque de Sarajevo

 

La guerre sur grand écran : filmographie de l’éclatement yougoslave
TRADUIT PAR JASNA ANDJELIC

Publié dans la presse : 31 mars 2004
Mise en ligne : samedi 10 avril 2004

Au total, plus d’une trentaine de films consacrés à l’éclatement de l’ancien État commun ont été réalisés dans les différentes républiques issues de la Yougoslavie. Un nouveau genre a été créé, que l’on pourrait appeler le nouveau film de guerre post-yougoslave. Analyse et cinématographie.

Par Nevena Dakovic

Les guerres sur le territoire ex-yougoslave sont devenues sujet obsessionnel non seulement des cinématographies régionales, mais aussi, dans une forme réarticulée, de la cinématographie mondiale. Plus de trois cents films documentaires et de fiction traitent de l’éclatement de l’ex-Yougoslavie, que ce soit à travers des métaphores complexes et ambitieuses (Before the Rain du Macédonien Mancevski, Underground d’Emir Kusturica), un naturalisme vif et enrichi de métaphysique (Les beaux villages brûlent bien, Les témoins), un humour aigre-doux (Le commencement de la guerre sur mon île, ou Au feu ! du Bosniaque Pjer Zalica) ou, plus rarement, une propagande unilatérale du type « les bons contre les mauvais » (Cetvertored, L’environnement). Le nouveau film de guerre est basé sur l’expérience spectaculaire du combat, mais cette fois sans l’idélologie, des films sur les partisans de Tito adaptée au chaos balkanique, avec des motifs repris des films sur le Vietnâm et les traumatismes contemporains de l’urbicide, de la pauvreté, de l’isolement et de la destruction sociale.

La narration cinématographique offre des explications complexes et différentes des conflits, et elle reflète les attitudes chaotiques et opposés des participants volontaires et involontaires à la guerre. Certains de ces films recourent à l’hypothèse de dettes historiques et nationales non apurées (Underground, Cetvertored), d’autres expliquent tout par l’impassibilité du destin Balkanique (Barril de poudre de Goran Paskaljevic, Before the Rain) ou présentent les événements à travers un comique basée sur la folie du tempérament balkanique (Quand chantent les morts, Au feu !). Ces films osent critiquer, quoique indirectement, les incitateurs à la guerre et partagent la culpabilité entre toutes les parties (Les beaux villages brûlent bien, Les témoins). Ils offrent parfois une consolation humanisante, en présentant la guerre comme un mal universel et non comme un phénomène endémique de la région (No man’s land) .

Un miroir déformant

Les films de fiction sont apparus relativement vite après les événements réels. Les incendies de Vukovar n’étaient pas encore éteintes que cette ville baroque sur le Danube est devenue le symbole cinématographique d’une destruction sans fin. Le film Déserteur de Zivojin Pavlovic, tourné en 1992, établit déjà le modèle de transposition de l’histoire en arrière et de transfert du poids émotif. En utilisant la chronologie des véritables carnages, les nouveaux films de guerre traitent des questions universelles de l’amour, de la haine, de la trahison, de l’honneur parmi les personnages représentatifs de point de vue national et social, avec lesquels le public s’identifie facilement. Le drame du retour au foyer d’Oleg Novkovic intitulé Dis-moi pourquoi tu m’as quitté rejoint ce concept et parle de la mort spirituelle des victimes retournées en ville qui ne retrouvent plus le sens de la vie.

Le film Vukovar, une histoire de Bora Draskovic se sert de manière calculée d’un Romeo et d’une Juliette appartenant aux entités en guerre. Dans une ville détruite sans merci, la violence des groupements nationaux est dépassée par les figures mythiques des « chiens de guerre », les soldats qui pillent, violent et tuent de façon animale. En réponse aux films serbes, le metteur en scène croate, Branko Shmidt tourne Le mémento de Vukovar et Vukovar rentre chez lui, le drame d’un combattant qui retourne dans sa ville. Il y compare le passé et le présent de la ville, en écrivant son propre mémento rempli de haine et d’amertume envers les seuls coupables de la destruction. Le prix de la vie de Bogdan Zizic décrit les personnages serbes comme la partie problématique des mariages et liaisons mixtes rompues dans la guerre.

Les films qui transforment les qualifications ethniques en principes éthiques reprennent les chemins myopes de la propagande politique. Dans La madonne de Neven Hitrec, un jeune réalisateur croate, les Serbes sont décrits comme un collectif enclin à l’alcoolisme et aux instincts les plus bas de pillage, de violations et de meurtre des innocents.

Le tournant de Dayton

Les nuances explicatives de notre cinématographie coïncident de manière évidente avec le tournant historique qu’ont représenté les accords de Dayton. Emir Kusturica tourne Underground, un riche galimatias narratif et visuel, politiquement et idéologiquement indéterminable, primé à Cannes l’année même du dénouement de Dayton. Ce film codifie deux caractéristiques importantes du nouveau genre cinématographique : utilisation d’une palette de déterminantes mythologiques, fatalistes, anthropologiques et nationales sur la nature et les causes du conflit et structuration narrative à travers un dialogue permanent entre le passé et le présent.

Parmi ces argumentations différentes, il est possible de distinguer deux larges catégories d’explications cinématographiques de la guerre : la catégorie historico-critique et la catégorie mythique et fataliste. Dans le film Remake de Dino Mustafic, le jeune metteur en scène, réfugié, tourne en France un film qui évoque l’histoire yougoslave comme un « remake » incessant des conflits et de la haine nationale. Dans le film Le tunnel de Faruk Sokolovic, l’entrée physique dans le tunnel d’un vieillard réfugié de Bosnie marque symboliquement ses souvenirs des années 1950, et de son amour de jeunesse détruit par la jalousie et la vengeance d’un policier serbe, avec les images des poursuites « staliniennes » contre le mouvement des « Jeunes musulmans ». Comme dans une tragédie antique, les descendants sont punis pour les péchés de leurs ancêtres. Des films comme Les beaux villages brûlent bien ou Barril de poudre ont adopté la vision mythique-fataliste : le barril de poudre balkanique explose tous les cinquante ans, sans égard à nos actes. Dans le film Before the Rain, le docteur dit que la guerre est comme un virus, une maladie qu’on ne peut pas déraciner, menaçant toujours de se transformer en épidémie.

Le véritable héros du film L’État des morts de Zivojin Pavlovic est la famille multinationale d’un ancien offficier de l’armée yougoslave : le père est Slovène, la mère est Macédonienne, le gendre est de Sarajevo, la petite amie du fils est Croate. Ils finissent à Belgrade, dans un camp collectif, confrontés à la pauvreté, aux suicides, à la criminalité, dans le malheur général d’un pays et d’une époque.

Le film No man’s land de Danis Tanovic, primé par l’Oscar, réalise une cohésion des stéréoptypes internationaux sur le sujet et des idées locales poltiquement correctes. No man’s land est une partie du territoire de combat, une prison pour les combattants serbes comme musulmans qui tentent de sauver leur collègue allongé sur une mine. Les forces internationales participent au sauvetage, suivant leur devise « observe et prend note, mais sans t’en mêler ». Incapables de comprendre l’absurdité de la situation et privés de volonté d’analyse, ils réussissent, tous ensemble, à improviser un dénouement, avec une assistance inerte des médias. En réalité, rien ne change. Nos fronts restent des « no man’s land », des images universelles de la guerre dans un temps insaisissable.

Le film La terre de la vérité, de l’amour et de la liberté, tourné au moment des changements politiques en Serbie, offre une version alternative de la narration sur la guerre. Le jeune monteur, qui a survécu au bombardement du bâtiment de la télévision d’État par l’OTAN, arrive dans un hôpital psychiatrique. Le metteur en scène Milutin Petrovic et le scénariste Sasa Radojevic racontent la folie comme un état d’esprit de la nation et même du monde entier qui passe d’une guerre à l’autre.

Filmographie de l’éclatement de la Yougoslavie

Dezerter (Le déserteur), 1992, Zivojin Pavlovic, Serbie

Kazi zasto me ostavi (Dis-moi pourquoi tu m’as quittée), 1993, Oleg Novkovic, Serbie

Vukovar, jedna prica (Vukovar, une histoire), 1994, Boro Draskovic, Serbie

Vukovarski memento (Le méménto de Vukovar), 1993, Branko Schmidt, Croatie

Vukovar se vraca kuci (Vukovar rentre à la maison),1994, Branko Schmidt, Croatie

Pre kise (Before the Rain)1994, Milco Mancevski, Macédoine

Cijena zivota (Le prix de la vie) 1994, Bogdan Zizic, Croatie

Vidimo se u citulji (A bientôt dans un avis de décès), 1994, Janko Baljak, Serbie

Tamna je noc (La nuit sombre), 1995, Dragan Kresoja, Serbie

Podzemlje (Underground), 1995, Emir Kusturica, Serbie

Ubistvo s predumisljajem ( Le meurtre avec préméditation), 1995,Gorcin Stojanovic, Serbie

Lepa sela lepo gore (Les beaux villages brûlent bien), 1996,Srdjan Dragojevic, Serbie/ Republika Srpska

Kako je poceo rat na mom otoku (Le commencement de la guerre sur mon île), 1996,Vinko Brezan, Croatie

Autsajder (Outsider) 1997, Andrej Kosak, Slovénie

Treca zena (La troisième femme), 1997, Zoran Tadic, Croatie

Savrseni krug (Le cercle parfait) 1997, Ademir Kenovic, Bosnie-Herzégovine

Balkanska pravila (Les règles balkanique), 1997, Darko Bajic, Serbie

U okruzenju (Dans les environs),1998, Stjepan Sabljak, Croatie

Marsal (Le maréchal), 1999,Vinko Bresan, Croatie

Noz (Le couteau), 1999, Miroslav Lekic, Serbie

Bogorodica (La Madone), 1999, Neven Hitrec, Croatie

Crvena prasina (La poussière rouge) 1999, Zrinko Ogresta, Croatie

Cetvorored 1999, Jakov Sedlar, Croatie

Kad mrtvi zapjevaju (Quand chantent les morts),1999, Krsto Papic, Croatie

Drzava mrtvih (L’État des morts) 1999/2002, Zivojin Pavlovic, Serbie

Zemlja istine, ljubavi i slobode (La terre de la vérite, de l’amour et de la liberté), 2000, Milutin Petrovic, Serbie

Tunel (Le tunnel), 2000, Faruk Sokolovic, Bosnie-Herzégovine

Nicija zemlja (No man’s land), 2001,Danis Tanovic, Bosnie-Herzégovine

Mljecni put (La voie lactée), 2001,Faruk Sokolovic, Bosnie-Herzégovine

Prasina (La poussière) 2001, Milco Mancevski, Macédoine

Fine mrtve djevojke (Les chouettes jeunes filles mortes), 2002, Dalibor Matanic, Croatie

Remake, 2002,Dino Mustafic, Bosnie-Herzégovine

Ledina (La friche), 2003, Ljubisa Samardzic,Serbie

Gori vatra (Au feu), 2003, Pjer Zalica, Bosnie-Herzégovine

Ljeto u zlatnoj dolini (L’été dans la vallée dorée), 2003,Srdjan Vuletic, Bosnie-Herzégovine

Svjedoci (Les témoins) 2003, Vinko Bresan, Croatie