Presse Kosovo : 2006 - 2007 - 2008 - 2009 - 2010
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Mercredi 17 février, 18h04 Les forces de sécurité du Kosovo sont
prêtes à prendre la relève de l'OTAN, selon le Premier ministre
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8 décembre 2009 Bras de fer américano-russe au sujet du
Kosovo devant la CIJ à La Haye |
Lundi 11 Mai 2009, 05h16 Le Kosovo est désormais membre du FMI,
une adhésion saluée par la France |
14 janvier 2009 Nouvelle force multiethnique au Kosovo
formée par l'Otan
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Économie : accord de libre-échange entre l’Albanie, le Kosovo et la Macédoine Traduit par Nerimane Kamberi Publié dans la presse : 10 janvier 2009
Par Arbana Xharra
De son côté, le président de la Chambre de commerce albanaise, Gjok Ulededaj, a affirmé que les succès économiques de l’Albanie seront forcément positifs pour le Kosovo.
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Lajm Justice au Kosovo : Eulex fera-t-elle mieux que la MINUK ? Traduit par Nerimane Kamberi Publié dans la presse : 18 décembre 2008
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Hier le Kosovo, aujourd’hui l’Abkhazie et l’Ossétie, demain Mitrovica-nord ? Traduit par Mandi Gueguen Publié dans la presse : 1er septembre 2008 Les médias albanais, au Kosovo comme en Albanie, suivent avec grande attention la crise du Caucase. Un point fait consensus, la situation du Kosovo n’aurait « rien à voir » avec celle de l’Abkhazie et de l’Ossétie du Sud. Tandis que le gouvernement de Tirana dénonce la politique russe et affiche une option clairement pro-occidentale, les spéculations vont bon train à Pristina. La Russie va peut-être lâcher la Serbie sur la question du Kosovo, mais Belgrade pourrait aussi suivre l’exemple russe pour récupérer le nord de Mitrovica... Par Marjola Rukaj Sali Berisha Les derniers événements en Géorgie et les analogies éventuelles entre l’indépendance du Kosovo et celles de l’Ossétie du Sud et de l’Abkhazie ont suscité un grand intérêt auprès des médias albanais et kosovars. Tout de suite après la reconnaissance de l’indépendance des républiques sécessionnistes caucasiennes par les autorités russes et les affirmations sur le parallélisme entre les deux cas, les dirigeants albanais et kosovars ont multiplié les réactions, les médias ont publié force éditoriaux et analyses, tous plus ou moins sur la même longueur d’onde, démentant tout type d’équivalence. La position officielle de Pristina a été publiquement exprimée par le vice-Premier ministre, Hajredin Kuqi. « Comme cela a été souligné au moment de la proclamation de son indépendance, le Kosovo constitue un cas sui generis qui ne peut servir de précédent à quiconque. La Russie agit selon une logique de guerre froide », a-t-il déclaré. La même position a été reprise dans différentes conférences de presse par le Premier ministre d’Albanie, Sali Berisha. En plus de souligner le fait que l’Ossétie du Sud et l’Abkhazie d’une part, et le Kosovo de l’autre, sont les résultats de deux histoires différentes et non comparables, le Premier ministre a utilisé des mots très durs en condamnant la position prise par Moscou et ses alliés. Sali Berisha a ensuite réagi avec autant d’amertume à la publication d’une longue liste de pays qui ont fourni des armes à la Géorgie, dans laquelle figure également l’Albanie. « La Russie attaque les petits pays et profite d’eux », a-t-il entre autres affirmé, provoquant une réaction de l’ambassadeur de Russie à Tirana, Aleksandr Priscepov. Ce dernier a qualifié la position du Premier ministre albanais de « sursaut émotif qu’il ne faut pas prendre en considération », alors que « la Russie veut en réalité améliorer ses rapports avec l’Albanie ». Les critiques emportées de Sali Berisha ont provoqué la stupeur et ont été comparées par un analyste à celles d’Enver Hoxha, dans une Albanie alors isolée, qui s’en prenait au monde entier. Les dirigeants kosovars, quant à eux, ont été plus prudents dans leurs affirmations. Le Premier ministre Hashim Thaçi s’est prononcé à plusieurs reprises avec fermeté contre toute possibilité de tirer un parallèle entre les deux cas de figure. « Kosovo sui generis » À la une des journaux kosovars et albanais, se sont multipliés des titres comme « Le Kosovo est différent », « On ne peut comparer le Kosovo à l’Ossétie », « Kosovo sui generis », « Non aux analogies »... Les éditoriaux, souvent repris des médias anglophones, visaient à démontrer que le Kosovo ne peut pas être considéré comme un précédent pour légitimer l’indépendance des régions séparatistes de Géorgie. Ces éditoriaux et ces commentaires soulignent les ressemblances purement formelles et partielles entre les deux cas, comme le séparatisme, l’attaque russe dans le cas russo-géorgien et l’attaque de l’Otan dans le cas kosovar, ou la reconnaissance des nouveaux États sans aval du Conseil de Sécurité de l’ONU. Des différences substantielles ont été mises en évidence, notamment les violations des droits de la personne au Kosovo qui, selon beaucoup d’observateurs et malgré les affirmations de Kremlin, ont été bien moindres en Ossétie du Sud. Autre différence, la situation juridique antérieure du Kosovo, celui-ci ayant disposé d’une autonomie qui fut abolie par Miloševic, ce qui le distingue de la région caucasienne. La presse a souligné l’importance géopolitique du Caucase, réduisant le dernier mouvement du Kremlin en une manœuvre géopolitique, qui ne peut être comparé à ce qui s’est passé au Kosovo. Les analystes et les hommes politiques, en Albanie comme au Kosovo, ont avancé des arguments fort similaires. Ainsi, « les principales démocraties occidentales soutiennent l’indépendance du Kosovo, alors que dans le cas du Caucase, la Russie se retrouve isolée, et on ne peut pas la définir comme un État totalement démocratique », soutenait Bashkim Muça dans les pages du quotidien kosovar Koha Ditore, tout en multipliant les critiques à l’égard de l’élite kosovare, qui n’a pas réagi de manière adéquate aux événements de ces dernières semaines. « Il n’y a aucun parallélisme possible entre la Géorgie de Saakashvili et la Serbie de Miloševic », poursuit-il. En ce qui concerne l’aspect géopolitique, l’analyste kosovar estime « qu’en Géorgie, deux super puissances s’affrontent », en laissant entendre que l’importance stratégique du Kosovo est bien loin de celle de la région caucasienne. Dans les colonnes du quotidien de Tirana Shqip, l’analyste Kastriot Islami soutient que la Russie a exploité le cas du Kosovo : il ne s’agit donc pas d’un précédent, mais d’une stratégie de rétorsion contre tous les États qui ont reconnu son indépendance. « Il existe probablement quelque parallélisme entre l’intervention de l’Otan et celle de la Russie, mais Saakashvili n’a pas sur sa conscience des crimes de génocide ou de graves violations des droits de la personne, comme Miloševic en 1999 », écrit Kastriot Islami. La Russie va-t-elle lâcher la Serbie ? Sur le pont de Mitrovica Dans diverses émissions télévisées, retransmises par les chaînes albanophones les plus suivies, beaucoup d’analystes se sont demandé si, avec la reconnaissance de l’Ossétie du Sud et de l’Abkhazie, la Russie n’avait pas indirectement reconnu aussi le droit du Kosovo à être indépendant. Certains ont commenté qu’avec les affaires du Caucase, la Russie a abandonné la Serbie, faisant preuve d’indifférence à l’égard des intérêts de son petit allié. « La Russie n’a plus d’alibi pour justifier ses positions sur le Kosovo », soutenait Mentor Nazarko dans les colonnes de Shqip. Le kosovar Lulzim Peci va dans le même sens : « Il est maintenant clair que le soutien de la Russie à la Serbie faisait partie d’un jeu politique. La Russie vient de perdre sa crédibilité ». En Albanie et au Kosovo on a beaucoup discuté sur les conséquences que l’irruption de la question géorgienne pourrait avoir sur la reconnaissance du Kosovo auprès de la communauté internationale dans la période à venir. En Albanie, certains craignent que le processus de reconnaissance n’en pâtisse et ne ralentisse, ou qu’il vienne à être remis en question. Au Kosovo, on se veut plutôt optimiste et confiant quant au soutien occidental. « Il faut voir si le Kosovo, l’Ossétie et l’Abkhazie auront le même poids sur la table du jeu entre les grandes puissances », commentait à ce propos Mentor Nazarko. Toutefois, au Kosovo, des analogies éventuelles ont fait réfléchir au-delà des schémas discutés jusqu’ici. Au cours d’une conférence organisée fin août à Pristina, sur le thème « le Kosovo et les États arabes », Veton Surroi, analyste kosovar de renom, a commenté : « En effet, il y a lieu d’établir des analogies, mais pas entre le Kosovo et l’Ossétie du Sud. Ce qui est à craindre, c’est que ce qui s’est passé en Géorgie avec l’Ossétie ne puisse se répéter au Kosovo avec le Nord de Mitrovica ».
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Vendredi 29 août, 12h14
Kosovo: un Italien aux commandes de la force de l'OTAN PRISTINA, Kosovo - AP - Un général italien devait prendre la tête des quelque 16.000 soldats du maintien de la paix de l'OTAN au Kosovo ce vendredi. Le général de division Xavier Bout de Marnhac devait passer le relais au général Giuseppe Emilio Gay lors d'une cérémonie à Pristina, capitale du Kosovo. Le général Marnhac, qui dirigeait la KFOR depuis juillet 2007, a notamment vécu période extrêmement tendue de la sécession du Kosovo, lorsque cette province du sud de la Serbie a proclamé son indépendance le 17 février dernier, malgré l'opposition de Belgrade et de son allié russe. La souveraineté du Kosovo a été reconnue par 46 Etats. La déclaration d'indépendance a provoqué des accrochages entre la minorité serbe et les forces internationales. Un policier ukrainien a été tué et des dizaines de soldats français ont été blessés. La KFOR a été déployée en application de la résolution 1244 adoptée le 10 juin 1999 par le Conseil de sécurité des Nations unies. Sa mission consiste à sécuriser le Kosovo et soutenir la mission intérimaire des Nations unies (MINUK). |
Jeudi 17 juillet, 22h34
Ban Ki-moon presse la Minuk de laisser la place à l'UE au Kosovo NATIONS UNIES (Reuters) - Le secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon a déclaré dans un rapport publié jeudi qu'il tentait d'obtenir le remplacement de la mission onusienne au Kosovo par une mission européenne, malgré l'opposition de la Russie. "J'ai ordonné à la Minuk de coopérer avec l'Union européenne, afin qu'elle assume un rôle opérationnel plus important au Kosovo dans une zone d'Etat de droit, sous la pleine autorité des Nations unies", a-t-il ainsi écrit. L'ex-province serbe, qui a déclaré son indépendance en février dernier, est placée sous administration de l'Onu depuis 1999, lorsque les forces sous commandement de l'Otan ont chassé les Serbes qui avaient entrepris d'éliminer la guérilla kosovare albanaise. La déclaration d'indépendance a conduit la mission des Nations unies au Kosovo (Minuk) dans une impasse, car la Russie, alliée de la Serbie qui dispose d'un droit de veto au Conseil de sécurité, n'a pas reconnu le nouvel Etat. L'"incapacité (de l'Onu) à suivre une direction" claire, a expliqué Ban dans son rapport, l'a amené à demander à son représentant à Pristina, Lamberto Zannier, de faire avancer le projet de remplacement par une mission européenne. Il précise en outre que les nouvelles réalités politiques - notamment l'entrée en vigueur d'une Constitution - interfèrent avec le mandat de la Minuk tel qu'il avait été défini. Une mission de police européenne de 2.200 hommes attend déjà d'être déployée au Kosovo. La Russie est fermement opposée à un remplacement de l'Onu par l'UE au Kosovo. Le président russe Dmitri Medvedev a estimé dernièrement que Ban avait outrepassé ses attributions en réduisant le rôle de la Minuk. Medvedev a aussi appelé à régler la question en concertation avec Belgrade. Le président serbe pro-européen Boris Tadic a déclaré le mois dernier devant le Conseil de sécurité que la Serbie ne pourrait pas accepter le projet soutenu par Ban. L'Union européenne a cependant salué la formation d'un gouvernement pro-européen en Serbie - conduit par le parti de Tadic - et entend demander à Belgrade de jouer un rôle constructif dans la stabilisation du Kosovo. Patrick Worsnip, version française Grégory Blachier
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Vendredi 11 juillet 2008
Kosovo: les donateurs promettent des millions mais demandent des garanties Par Amélie BOTTOLLIER-DEPOIS BRUXELLES (AFP) - Cinq mois après la proclamation de l'indépendance du Kosovo, la communauté internationale a promis vendredi des centaines de millions d'euros pour relancer son économie à bout de souffle, en insistant toutefois sur la nécessité de lutter contre la corruption. Ces promesses ont été faites lors d'une conférence des donateurs organisée à Bruxelles, qui vise à "améliorer les conditions de vie de toute la population du Kosovo, quelle que soit son origine ethnique ou sa religion", a déclaré le commissaire européen à l'Elargissement Olli Rehn. "Pour créer les conditions de la croissance économique, des investissements et de la création d'emplois pour toutes les communautés au Kosovo", une des régions les plus pauvres d'Europe, M. Rehn a annoncé une aide de 500 millions d'euros de la Commission jusqu'à 2011. Même si 400 millions d'euros étaient déjà prévus, le commissaire a estimé que ce don représentait "la moitié" du milliard d'euros qu'il espère récolter vendredi. Les Etats-Unis ont de leur côté promis 400 millions de dollars (250 millions d'euros) pour financer le programme de développement socio-économique sur trois ans (2009-2011) élaboré par le Kosovo lui-même. Ce programme sera couvert en partie par le budget du Kosovo, mais un apport de 1,4 milliard d'euros est nécessaire pour le mettre en oeuvre. "Nos quatre priorités politiques (dans ce programme) sont la croissance économique, le succès de la mise en oeuvre du statut, la bonne gouvernance et l'Etat de droit, ainsi que la stabilité sociale", a expliqué le Premier ministre kosovar Hashim Thaçi à l'ouverture de la conférence, soulignant que ce plan allait créer les conditions d'une intégration à l'Otan et à l'UE. Mais malgré les louanges adressées à ce programme de développement économique, les donateurs internationaux sont "inquiets" de la façon dont le Kosovo pourra gérer les sommes gigantesques, a souligné Olli Rehn, alors que la région des Balkans est connue pour ses problèmes de corruption. "J'ai confiance dans les autorités kosovares. C'est autant dans leur intérêt que le mien de s'assurer que (les autorités de contrôle budgétaires de l'UE) soient satisfaites de la façon dont est dépensé l'argent des contribuables européens", a ajouté le commissaire en forme d'avertissement. "Nous avons instauré des règles de bonne gouvernance, de tolérance zéro en matière de corruption et de crime organisé", a répondu le Premier ministre kosovar. "Nous vous assurons que les fonds ne seront pas gâchés et qu'ils ne finiront pas dans les mauvaises mains", a-t-il ajouté. Il a d'autre part annoncé que le Kosovo avait déposé jeudi une demande d'adhésion au Fonds monétaire international et à la Banque mondiale. Le Kosovo est une des régions les plus pauvres d'Europe, avec un revenu annuel par tête estimé à 1.774 euros et un taux de chômage de 40%. Selon un rapport de la Banque mondiale, environ 37% de la population, qui compte quelque 2 millions d'habitants, vit au-dessous du seuil de pauvreté, avec moins de 1,5 euros par jour. Depuis qu'une campagne de bombardements de l'Otan a mis fin à la guerre de 1998-1999 entre les forces serbes et les indépendantistes albanais du Kosovo, les dons ont déjà représenté 3,5 milliards d'euros, dont environ les deux tiers venaient de l'UE, selon M. Rehn. Malgré tout, "le développement économique du Kosovo est à la traîne de celui de ses voisins", a estimé Peter Feith, représentant spécial de l'UE pour le Kosovo. "Le Kosovo aura besoin de soutien financier pour les années et les générations à venir", a-t-il ajouté.
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Lajm
Impossible justice au Kosovo : témoin aujourd’hui, mort demain Traduit par Nerimane Kamberi Publié dans la presse : 27 juin 2008 Comment rendre la justice, quand les témoins qui acceptent de témoigner dans des procès pour crime organisé ou crimes de guerre sont presque assurés d’être physiquement éliminés ? Les violences, les pressions, l’ostracisme social s’étendent aussi à leurs familles, et jamais la MINUK n’a été capable de mettre en place un système efficace de protection. Un reportage accablant de Serbeze Haxhiaj, à la rencontre des anciens témoins et de leurs familles, qui ont tous le sentiment d’avoir été trahis par la justice. Par Serbeze Haxhiaj Qui oserait témoigner contre Ramush Haradinaj ? Le village les a lynché. Personne ne leur adresse plus la parole. On ne permet pas que la route qui mène jusqu’a chez eux soit dégagée. Pour arriver a leurs maisons, il faut marcher 600 mètres a travers les prés, la route étant impraticable à cause de la boue et des branches des arbres. Deux vieilles maisons se dressent, isolées, tout au bout du village. Ce sont les maisons de deux frères, dans un village du sud-est du Kosovo. L’un d’eux fut un témoin protégé lors d’un procès qui s’est achevé il y a cinq ans. Il y a quelques mois, il a quitté le Kosovo avec sa femme et ses trois enfants : un pays de l’UE a répondu positivement à la demande d’accueil déposée par la MINUK pour évacuer cette famille qui était en danger. Son frère est fatigué de vivre dans ce pays. « Je savais que cela nous arriverait. Que nous serions lynchés et laissés sans aucune aide. Jusqu’à présent, je devais m’occuper des enfants de mon frère car lui-même n’osait pas rester à la maison. J’ai même dû porter de la farine sur mon dos pour eux. Avec leur départ, j’ai un poids en moins. » Si c’était à refaire, il ferait tout pour empêcher son frère de témoigner. Le procès en question s’est soldé par des condamnation à 3 et 5 ans de prison pour crimes contre l’humanité, mais la plupart des condamnés ont déjà retrouvé la liberté. « On ira brûler vos tombes » Il y a sept ans, la MINUK a créé un programme de protection des témoins. Mais ce programme fut un échec, puisqu’il n’a pas pu offrir de conditions élémentaires de sécurité à ces personnes. Les procès pour crimes de guerre impliquant des témoins protégés, y compris ceux conduits à la Haye, sont pratiquement tous terminés. Il reste cependant les procès en cours pour crime organisé, qui impliquent aussi des témoins. Dans le village de X., commune d’Orahovac/Rahovec, l’assassinat d’un témoin n’a pas mis fin à son châtiment : sa tombe a été incendiée, la nuit qui suivit son enterrement. Il y a quatre ans, il avait témoigné dans un procès pour crime de guerre. Trois personnes ont été condamnées lors de ce procès. Mais, selon les habitants de village, le témoin était un collaborateur de l’ancien régime (serbe) et beaucoup de personnes auraient souffert à cause de lui. Sa femme et ses enfants ainsi que ses deux frères ont été conduits vers un autre pays, avec l’aide la MINUK. « La MINUK a emmené sa femme et ses enfants une semaine après l’assassinat du témoin. Peu après, quelqu’un a mis le feu à leur maison, détruisant tout ce qu’ils avaient laissé derrière eux », nous a raconté S.B., un habitant du village. Le programme de protection des témoins, dirigé par la MINUK a offert, jusqu’à présent, un refuge provisoire à quelque 200 personnes, y compris les familles des témoins. Toutefois, selon les organisations de défense des droits de la personne, ce soutien reste bien trop limité, tant pour les témoins que pour leur famille. Robert Dean, chargé de mission auprès du Département de la Justice de la MINUK, affirme que la question de la protection des témoins est un problème dans tous les pays. Après 27 années de carrière auprès des tribunaux américains et six ans auprès de ceux du Kosovo, Robert Dean conclut que les défis sont les mêmes. « La protection des témoins et des victimes est un problème partout, au Kosovo aussi. Ici, c’est un grand problème de reloger les témoins, car le Kosovo est très petit et tout le monde se connaît ». Robert Dean ne précise pas la durée de la protection qui est offerte aux témoins, ni si le nombre de personnes prêtes à témoigner a augmenté depuis la mise en place du programme. « Je ne peux pas dire que ce programme a été un succès. L’ancien adjoint du Représentant spécial du Secrétaire général (RSSG), Steven Schook, avait créé une « task force » chargée de recenser les principaux défauts de ce programme, qui ont été présentés au RSSG. Je pense que le programme va se renforcer avec le temps, avec l’aide du gouvernement du Kosovo, de l’EULEX et de ce qui restera de la MINUK », estime cependant Robert Dean. Des sources au sein de la MINUK évoquent des abus et des violations du secret de l’identité des témoins. « Il était impossible que ce programme aboutisse, quand de hauts responsables de la MINUK, de la police et du gouvernement ont dévoilé l’identité des témoins », déclare, sous réserve de l’anonymat, un responsable de la MINUK. Toutes les familles qui ont témoigné déclarent le regretter profondément. Elles expliquent avoir été ballotées entr ceux qui étaient en conflit avec l’accusé et le Parquet international. S’il pouvait revenir en arrière, six ans auparavant, I.S. ne permettrait jamais à son fils d’accepter de témoigner. « La façon dont les choses se sont déroulées par la suite a montré que mon fils avait été manipulé et qu’il témoignait sous la pression de ses commandants. Ensuite, le Parquet et le Tribunal nous ont trahis. Ils n’ont pas respecté l’accord de protection. Mon fils a été tué ». Son fils a témoigné à un procès pour crime de guerre, cinq personnes ont été condamnées pour assassinat et torture pendant et après la guerre. Aujourd’hui, I.S. vit dans la plus extrême pauvreté, dénigré par son entourage à cause de ce témoignage. Quelques kilomètres plus loin, dans un autre bourg, un vieil homme vit seul : ses fils se sont enfuis pour un pays occidental par crainte de représailles. « Une justice en miettes » Les témoins ne reçoivent guère que des miettes de pain. « Ils offrent un refuge provisoire à la personne qui témoigne. Dans certains cas, sa famille en bénéficie aussi. On offre de la nourriture, un lieu pour dormir et des vêtements, mais ils ont besoin d’autres choses. Avant tout que leurs enfants soient scolarisés, ce qui n’est souvent plus possible », dénonce Wanda Trosczynska, de l’organisation Human Rights Watch (HRW). ll y a quelques jours, elle a dirigé une équipe de HRW au Kosovo qui a rédigé un rapport sur la situation des témoins et de la justice. Alors qu’elle explique les conclusions de ce rapport, expliquant que « la justice est miettes au Kosovo », Wanda Trosczynska s’arrête sur un fait : 12 témoins tués. « Nous n’avons pas pu dresser un complet tableau des assassinats, mais la vérité est qu’ils ont été tués et que les responsables ne les ont pas protégé ». Comme elle l’explique, la protection des témoins représentent un problème dans les procès pour crime organisé, pour crimes de guerre ou d’attaques contre les minorités. Beaucoup de personnes refusent de témoigner à cause des menaces. Il manque au Kosovo une loi sur la protection des témoins et, très souvent, les juges et les procureurs n’utilisent pas les mesures qui sont à leur disposition. Selon les données de HRW et du Conseil pour la Défense des Droits et des Libertés de la Personne (KMLDNJ), seules cinq familles ont pu être évacués a l’étranger. « Si les pays de l’UE et les Etats-Unis n’offrent pas plus d’accueil pour les témoins en danger, la poursuite pénale des individus responsables de crimes graves demeure pratiquement impossible », déclare Wanda Trosczysnska. « J’ai dit à mon fils de renoncer, il n’y a pas d’autre solution. Douze personnes étaient présentes et les menaces ont commencé dès le tribunal », raconte V.V., originaire d’un village du nord-ouest du Kosovo, dont le fils a été témoin collaborateur dans un procès pour terrorisme pour lequel douze personnes étaient en détention préventive. Un seul des douze accusés est encore en prison, les autres ont été libérés pour manque de preuves. Lors des recherches de HRW, explique Wanda Troscynska, l’ONG a constaté que, malgré les grands investissements qui ont été faits, il existait des failles organisationnelles profondes entre la police, les procureurs locaux et internationaux. Le système électronique n’est pas non plus opérationnel. « Les émeutes à Mitrovica le 17 mars 2008 ont montré qu’il n’y avait pas de système de recherche capable de découvrir, d’instruire et de poursuivre pénalement de tels actes de violence. » KMLDNJ : La MINUK a tranformé des criminels en politiciens Le Conseil pour la Défense des Droits et des libertés de l’Homme (KMLDNJ) présente un nombre plus élevé que le HRW des témoins-victimes. Selon le directeur exécutif Behxhet Shala, 25 témoins ont été tués depuis l’an 2000 au Kosovo. « La MINUK n’a pas protégé les témoins, parce qu’elle transformé les criminels en politiciens. Il faut être fou pour accepter de témoigner au Kosovo, parce que c’est aller droit à la mort ». Selon Behxhet Shala, même de hautes structures politiques sont impliquées dans l’assassinat des témoins. « Ce n’est pas difficile de comprendre qui a tué les témoins. Nous avons deux catégories de témoins : ceux que la MINUK a créés pour ses propres besoins et les témoins victimes. C’était très pénible, lors des procès, de voir et d’identifier des témoins qui, tout le monde le sait très bien, allaient droit à la mort, et ne pas pouvoir empêcher cela ». On a pu voir ces deux catégories de témoins dans un procès pour crime de guerre qui s’est tenu il y a cinq ans. C’était un procès marathonique, et la Cour Suprême a finalement décidé de renvoyer en jugement le dossier dans lequel quatre personnes ont été reconnues non coupable. Un des témoins a quitté le Kosovo, tandis que l’autre a démenti publiquement le témoignage qu’il avait donné, sous prétexte que celui-ci lui avait été arraché par la MINUK. À ce jour, on ne sait toujours si ce témoin s’est rétracté volontairement ou sous l’effet de pressions. « Ce n’était pas facile de témoigner contre eux », a soupiré un proche du témoin. Cinq ans plus tard, certaines des personnes accusées occupent des postes importants dans les institutions nationales. Selon le KMLDNJ, que les témoignages aient été vrais, commandités ou donnés sous la pression, « il était très pénible de les donner ». Après le procès, il ne reste plus aux témoins que la peur, la déception, la pauvreté et l’étiquette infâmante qui les poursuivra longtemps. « Nous avons vu des cas ou la police, les médias, les ministres et les autres structures politiques ont été directement impliqué dans les pressions contre les témoins », affirme Behxhet Shala. En avril dernier, le Tribunal pénal international de la Haye a lancé une accusation contre l’ancien ministre de la Culture, de la Jeunesse et des Sports du Kosovo, Astrit Haraçija, et contre son conseiller Bajrush Morina, journaliste au quotidien Bota Sot, pour pression contre un témoin protégé dans le procès Haradinaj et ses coaccusés. Un mois plus tard, le 20 mai, Baton Haxhiu, ancien directeur d’un autre quotidien kosovar, Express, s’est aussi retrouvé sur les bancs des accusés au TPI, pour avoir révélé l’identité d’un témoin de la Haye. Manque de stratégie internationale La mission européenne Eulex devra diriger les efforts pour les réformes de la justice. Mais Eulex n’a pas encore une idée claire de la manière dont elle va traiter le problème le plus grave du système juridique qu’elle a hérité de la MINUK – la protection des témoins. « Pour le moment, les choses sont trop confuses pour pouvoir formuler le concept selon lequel il faudra agir quand on hérite d’une mauvaise situation », reconnaît une responsable de la mission Eulex qui préfére garder l’anonymat. Jusqu’à présent, seuls 200 000 euro ont été réservés sur le budget du Kosovo pour le « fond confidentiel », ce qui est bien insuffisant. D’autres donations ont cependant été apportées de l’étranger pour ce fonds. Les observateurs ont trouvé de grandes failles de sécurité dans les immeubles loués par la police pour y loger les témoins. Selon un rapport de l’OSCE et de l’ambassade américaine au Kosovo, ces immeubles doivent être construits dans des endroits neutres, loin des localités habitées et fréquentées ». Des enfants jouent non loin d’un bâtiment que la police appelle « le bâtiment d’observation » et beaucoup de gens savent que la police « garde là des gens ». C’est toute la confidentialité que prévoit le système. Actuellement, on ne sait pas quel est le nombre de témoins qui bénéficient de ce programme de protection, ni leur appartenance ethnique. Sadric Stefanis, officier de la police des Nations-Unies au Kosovo, dirige le programme de protection des témoins. Il refuse de donner plus de détails sur cette question. « Le problème des témoins commence avec l’absence de loi. Tout s’improvise. Les problèmes principaux sont le manque de budget et les difficultés d’évacuation à l’étranger. L’atmosphère actuelle n’est guère favorable pour cette catégorie de personnes, et les choses traînent dans les dossiers de crimes graves », affirme Rrahman Sulejmani, adjoint du commissaire de police dans le secteur des crimes. Une des mesures de protection prévues pour la protection des témoins est le port d’arme, mais au bout de six mois ou un an, ces armes leur sont retirées. Selon les données officielles, 21 accusations pour crimes de guerre ont été lancées, 14 personnes ont été condamnées pour ces crimes, et 7 témoins ont été évacués, avec 34 membres de leurs familles. Aujourd’hui, pourtant, seules quatre familles vivent à l’étranger avec le statut de témoins protégés. Cet article, dont une version courte a été publiée par Lajm a bénéficié d’un soutien de la fondation danoise pour le journalisme « SCOOP »
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Lundi 5 mai 2008
Kosovo/Albanie: nouvelles informations sur des allégations d'enlèvements et de trafic d'organes, selon HRW PRISTINA - De nouveaux éléments sont apparus pour venir appuyer des allégations selon lesquelles des albanophones auraient tué des Serbes -transférés vers l'Albanie- et vendu leurs organes à la fin de la guerre du Kosovo, selon Human Rights Watch, qui appelle les autorités de Pristina et Tirana à ouvrir des enquêtes afin de faire toute la lumière sur le sort des disparus. L'ONG a expliqué lundi qu'elle disposait d'informations allant dans le sens de ces allégations d'enlèvements et de transferts transfrontaliers entre le Kosovo et l'Albanie en juin 1999, à la fin de la guerre entre séparatistes kosovars et forces de Belgrade. Les premières allégations sur un trafic d'organes émanent de Carla Del Ponte, ancien procureur général du Tribunal pénal international de La Haye pour l'ex-Yougoslavie (TPIY), qui a écrit les tenir de "journalistes fiables". Selon Mme Del Ponte, qui cite ces sources, des Albanais du Kosovo auraient enlevé et transporté par camions entre 100 et 300 personnes -pour la plupart des civils serbes- du Kosovo vers une maison proche de la ville albanaise de Burrel (environ 90km au nord de Tirana, la capitale, après le 12 juin 1999, date à laquelle les forces de l'OTAN sont entrées au Kosovo. Dans cette maison, "des médecins ont prélevé des organes internes" des prisonniers, précise Carla Del Ponte dans le livre intitulé "La chasse: moi et les criminels de guerre". Human Rights Watch (HRW) dit avoir obtenu des documents et des renseignements indépendants rendant vraisemblables et corroborant une grande partie de ce qu'écrit Mme Del Ponte sur des exactions commises après la guerre au Kosovo. "Des allégations sérieuses et crédibles sont apparues à propos d'exactions horribles au Kosovo et en Albanie après la guerre", affirme Fred Abrahams, chercheur qui a enquêté pour l'ONG sur les violations des droits humains au Kosovo et en Albanie. A ses yeux, les gouvernements de Pristina et de Tirana doivent mener des enquêtes complètes afin de "démontrer leur engagement en faveur de la justice et de l'Etat de droit". HRW a écrit en avril aux Premiers ministres du Kosovo et de l'Albanie, les exhortant à ce faire, mais dit n'avoir reçu aucune réponse. L'organisation fait état d'un rapport d'enquêteurs de l'ONU ayant découvert à proximité de la maison en question une poche pour intraveineuse vide, des seringues, et des flacons de médicaments vides. Des traces de sang ont aussi été trouvées dans la maison, même si les enquêteurs ont conclu que ces éléments ne suffisaient pas pour confirmer les allégations. Fred Abrahams juge néanmoins que "les preuves trouvées près de Burrel donnent clairement du poids aux assertions". Ces allégations ont été qualifiées d'"inventions" tant par le ministre de la Justice du Kosovo Nekibe Kelmendi que par le chef de la diplomatie albanaise Lulzim Basha. Des centaines de Serbes et d'albanophones sont toujours portés disparus après la guerre du Kosovo, qui a proclamé unilatéralement son indépendance le 17 février dernier. AP
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Ekonomist
Kosovo : des ressources et un potentiel énergétique disputés Traduit par Ivana Telebak et Caroline Target Publié dans la presse : 3 mars 2008 Le Kosovo possède des réserves de lignite estimées à 15 milliards de tonnes, ce qui en fait le 5ème gisement mondial. Ce charbon longtemps inexploité devrait alimenter les centrales thermiques du Kosovo, à la production aujourd’hui défaillante. Mais à qui appartiennent les ressources naturelles du territoire ? Malgré la proclamation d’indépendance, la Serbie n’entend pas renoncer à ses droits. Une enquête de l’hebdomadaire serbe Ekonomist. Par Biljana Korica La position officielle du ministère des Mines et de l’Énergie de Serbie reste inchangée : selon la Résolution 1244, Kosovo et Metohija font partie de la Serbie. Selon ce principe, appartiennent aussi à la Serbie toutes les ressources et richesses existant sur ce territoire. À dire vrai, ces dernières années, durant la préparation du Bilan énergétique annuel et du Plan stratégique de développement énergétique de la Serbie [valable jusqu’en 2015], on ne tenait pas compte des ressources énergétiques du Kosovo, puisque la province était momentanément sous l’administration de la Minuk. Mais quel est le véritable potentiel énergétique pour le Kosovo ? Un potentiel stratégique Exploitation minière de lignite au Kosovo En réalité, le potentiel énergétique du Kosovo n’a été étudié de manière détaillée qu’au début des années 1980. Les études de l’Institut minier de Zemun et de la Faculté de minéralogie et de géologie de Belgrade ont démontré que la ressource la plus importante du Kosovo était le lignite. Les réserves atteindraient 15 milliards de tonnes, ce qui représentent 75% des ressources totales de cette sorte de charbon en Serbie. Il s’agit en quantité du 5ème gisement mondial. Environ 10,8 milliards de tonnes peuvent faire l’objet d’une exploitation en surface, dans des conditions très avantageuses. Ces réserves exploitables en surface ont une valeur d’environ 85 milliards d’euros. Jusqu’à la fin de l’année 1998, c’est-à-dire tant que la Serbie pouvait contrôler l’exploitation de ce charbon au Kosovo, plus de 226 millions de tonnes de ce minerai ont été extraites, soit seulement 2% de la totalité des ressources exploitables. On estime que, sans le lignite kosovar, le développement énergétique de la Serbie dépendra, d’ici à peine un demi-siècle, de l’importation de ressources primaires. Ce type de charbon, par ailleurs se retrouve dans deux zones d’exploitation à ciel ouvert : dans les mines de Belajevac, en Serbie, et de Dobro Selo, en Bosnie-Herzégovine, où il est possible d’extraire environ sept tonnes de charbon par an. Par contre, à cause de sa faible qualité, le lignite kosovar devra être exploité et traité à proximité du gisement, dans un rayon de cinquante kilomètres. L’exploitation du lignite suppose donc une consommation stable et géographiquement rapprochée. Il est possible de dépasser ce problème en enrichissant le lignite, par des procédés de séchage, ou bien par gazéification, afin d’augmenter son pouvoir énergétique. Jusqu’à maintenant, les centrales thermoélectriques Kosovo A et Kosovo B sont les plus grandes consommatrices de lignite. Elles produisent à elles seules 1.200 mégawatts (MW). Toutes les centrales thermoélectriques serbes fonctionnent au lignite et cumulent une puissance d’environ 4.000 MW. Au Kosovo, une centrale hydroélectrique d’une puissance de 35 MW contribue aussi modestement à la production d’électricité. La capacité hydro-énergétique de toute la Serbie dépasse les 2.800 MW. Les années de restriction Jusqu’à la fin des années 1990, environ 98% de l’énergie électrique du Kosovo était produite par des centrales thermoélectriques, et seulement 2% par des centrales hydroélectriques. La production des centrales thermoélectriques couvrait en général les besoins en électricité de l’économie kosovare et de sa population. Les surplus étaient exportés. Aujourd’hui, le Kosovo importe son énergie électrique, et les restrictions sont monnaies courantes, en particulier durant la période hivernale. On estime qu’aujourd’hui le Kosovo peut produire et satisfaire environ 50% de ses besoins journaliers en électricité, à savoir 18 millions de KW. Pour le reste, il doit importer sur le marché régional de l’énergie, principalement de Bulgarie et de Macédoine. L’une des causes principales de cette situation réside dans le fait que les centrales thermoélectriques existantes travaillent à capacité réduite et produisent moitié moins d’énergie électrique qu’en 1999, lorsque le Kosovo était administré par la Serbie. La situation est similaire pour l’exploitation du charbon. La première unité de la centrale thermoélectrique Kosovo A a débuté sa production en 1962. Dans les treize années qui ont suivi, quatre autres unités ont été activées, augmentant la capacité de cette centrale à plus de 600 MW. Les années comprises entre 1975 et 1982 ont été les plus productives. Le meilleur résultat a été obtenu en 1978 avec une production de 3.400 gigawatts (GW) d’énergie électrique. Sept ans plus tard, la production était réduite au tiers, pour descendre sous la barre des 1.000 GW en 1999. La première unité de la centrale Kosovo B a été mise en activité en 1983, et la deuxième en 1984. Au début de son fonctionnement, la production moyenne d’énergie électrique de la centrale Kosovo B était d’environ 3.200 GW par an, alors que dans les années 1990, elle est descendu à quelque 2000 GW par an. Les fonctionnaires serbes estiment que les actifs de la Compagnie nationale d’électricité (EPS) au Kosovo ont une valeur d’environ trois milliard d’euros, sans donner d’explication plus précises. Pourtant, depuis 1999, la Serbie et l’EPS n’utilisent plus aucune infrastructure ni aucune ressource du Kosovo, et il n’existe aucune donnée valide permettant de savoir dans quel état se trouvent ces infrastructures. Les économistes du gouvernement serbe affirment que les capacités énergétiques du Kosovo et du sud de la Serbie sont utilisées, mais de façon « non professionelle ». C’est la Corporation énergétique du Kosovo (KEK) qui gère les équipements électriques du Kosovo, sans pour autant être reconnue ni par le gouvernement serbe , ni par l’EPS. L’une des rares compagnies serbe du secteur énergétique travaillant de façon intensive sur le territoire du Kosovo est la Compagnie de distribution électrique de la Serbie (EMS). Un contrat avec l’Association européenne des gestionnaires de réseau de transport d’électricité (ETSO) donne le droit à l’EMS de rester l’unique opérateur du système de transport de l’énergie électrique au Kosovo, et ce jusqu’en novembre 2009. Ainsi, les seules lignes disponibles pour l’importation d’électricité au Kosovo passent obligatoirement par la Serbie. Il est arrivé, durant les période de crise ou les avaries techniques, que le KEK se « serve » sur le système énergétique serbe, emprunt ensuite remboursé, souvent en retard, par la Minuk. Les investissements Malgré les carences actuelles d’énergie électrique, certains analystes internationaux considèrent que le Kosovo, grâce à ses réserves de charbon, pourra, dès la moitié de la prochaine décennie, devenir de nouveau un exportateur net d’énergie électrique, à condition toutefois que les projets d’amélioration des capacités énergétiques de la région soient réalisés. En 2006, la Minuk et le gouvernement provisoire du Kosovo ont travaillé sur un projet de construction d’une nouvelle grande centrale thermo-électrique au lignite d’une capacité de 2.100 MW, avec la même capacité de transport. La nouvelle centrale serait alimentée par le charbon de la nouvelle mine de Šibovc. De plus, il est prévu de réhabiliter les unités existantes de la centrale thermoélectrique Kosovo A. On estime à trois milliards et demi d’euros les investissements nécessaires à ces travaux de réhabilitation. Après avoir analysé les offres reçues, plusieurs investisseurs potentiels ont été sélectionnés : le consortium tchéco-américain CEZ/AES, l’allemand RWE, le germano-américain EnBW/WGI et l’italo-grec Enel/SenCap. Catastrophe écologique en vue Une étude publiée en juin dernier par l’organisation Forum de Pristina 2015 remet en question ce projet. Les auteurs de cette étude croient qu’il suffirait d’une centrale thermoélectrique aux capacités bien inférieures pour satisfaire les besoin du Kosovo. De plus, selon eux, la construction de la centrale Kosovo C d’une capacité prévue de 2.100 MW, risquerait de fermer le secteur énergétique à de futurs investissements. La nouvelle centrale, affirment les auteurs, pourrait également provoquer de graves problèmes écologiques. En effet, un grand nombre d’habitations devraient être déplacées, sans compter que le rejet des eaux usées et des déchets produits par la centrale détruirait au moins 15% de la superficie cultivable du Kosovo. La rivière Sitnica, qui relie le nord et le sud du Kosovo, est déjà fortement pollué. Les auteurs de cette étude estiment que la construction d’une telle centrale risquerait d’entraîner la destruction des ressources hydriques du Kosovo d’ici 2050. Le ministère kosovar de l’Énergie a rejeté les résultats de l’étude, mais le projet entier a tout de même été ralenti. L’idée d’exploiter le lignite kosovar pour la production d’électricité en Serbie, est également venue à la compagnie allemande RWE. Cette dernière a en effet annoncé son intention de construire une centrale thermoélectrique au sud de la Serbie. Considérant le fait que l’EPS ne peut plus pénétrer, pour le moment, sur le territoire du Kosovo, cette solution pourrait être bénéfique pour la Serbie. Mais les problèmes politiques liés au statut du Kosovo ainsi que les problèmes environnementaux ont quelque peu ralenti ce projet. Les représentants de la Minuk et du gouvernement provisoire du Kosovo avaient déjà évalué la nécessité d’un investissement dans le secteur énergétique du Kosovo d’environ 1,9 milliard d’euros d’ici 2020. Sur cette somme, la majeure partie, soit environ 1,5 milliard, irait au secteur de l’énergie électrique. Pour l’instant, on ne sait qui pourrait administrer ces investissements éventuels. Les autres ressources naturelles En plus du lignite, il existe au Kosovo des réserves considérables de plomb et de zinc. La quantité de ces minerais présente dans la région est estimée à 50 millions de tonnes. Un peu plus d’un dixième de cette quantité, soit environ 6,5 millions de tonnes, se trouve dans le nord du Kosovo. Par rapport au prix de ces métaux sur le marché mondial, le plomb et le zinc du Kosovo ont une valeur d’environ 8 milliards d’euros. Il existe aussi des gisements d’autres minerais tels que fer, nickel, chrome, bauxite, magnésite, ... Mais à cause de l’inactivité et du manque de main d’oeuvre, toutes les mines kosovares ont subi d’énormes dommages et auraient besoin de lourds investissements pour redevenir fonctionnelles.
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Explosion de violence dans le nord du Kosovo Par nos envoyés spéciaux Mise en ligne : mardi 19 février 2008 Aujourd’hui peu avant midi, des foules en colère venant de municipalités serbes du nord du Kosovo, ont attaqué les deux postes frontières de Jarinje et Gazi Voda, entre le Kosovo et la Serbie proprement dite. Par nos envoyés spéciaux sur place, et le reportage du Balkan Insight auprès des autorités locales et de la KFOR. Le Courrier des Balkans Par Jean-Arnault Dérens et Laurent Geslin Les deux postes de Jarinje et de Brnjak, entre le Kosovo et la Serbie centrale ont été détruits vers midi. Venant de Jarinje, plusieurs checkpoints de la KFOR et de l’ONU ont été dépassés, vers 14 heures, en direction de Mitrovica, par 130 voitures et 7 autocars, ainsi que plusieurs véhicules qui semblaient appartenir à la Police de Serbie, mais dont les passagers étaient en civil. Ces voitures se sont dispersées dans Mitrovica. Un checkpoint de la KFOR grecque aurait procédé à des tirs de semonce. Tous les personnels internationaux des villes de Leposavi ?, Zubin Potok et Zve ?an ont été évacués. Des manifestants sont restés groupés jusqu’en milieu d’apres-midi dans les centres villes de Leposavi ?, Zve ?an et Zubin Potok, près des bâtiments de l’ONU. En fin d’apres midi, le calme est progressivement revenu. BIRN/Balkan Insight Traduit par Gabrielle Naudé et Mehdi Chebana Mardi, une foule en colère de quelque 3.000 personnes, des municipalités serbes de Mitrovica, Zve ?an et Leposavi ?, au nord du Kosovo, ont attaqué et rasé deux postes frontières entre le Kosovo et la Serbie, forçant la KFOR à fermer la frontière. Les Serbes du Kosovo ont d’abord attaqué le poste frontière de Jarinje, où les bâtiments abritant les douanes et la police aux frontières du Kosovo ont été incendiés puis complètement détruits par l’explosion à l’intérieur de munitions et de bouteilles de propane. L’incident a forcé les troupes de l’OTAN et la Police du Kosovo à se retirer vers la ville de Zve ?an, plus au Sud. Pendant ce temps, près d’un millier de manifestants ont ciblé un second poste frontière à Brnjak, près de la ville de Zubin Potok, forçant la police qui tenait le poste à se réfugier dans un tunnel souterrain. Veton Elshani, le porte-parole du Service de la Police du Kosovo (KPS), a dit au Balkan Insight qu’il n’y avait pas de blessés ou de morts, et que les agents de la KFOR « menaient maintenant la danse ». Il a dit que « les deux passages ont été fermés pour le moment ». La violence a commencé après qu’il a été rapporté que des fonctionnaires albanais du Kosovo allaient arriver mardi matin pour prendre le contrôle des checkpoints de la zone,a déclaré au Balkan Insight Slavisa Ristic, le maire du village voisin de Zubin Potok. « Les citoyens ici ne tolèreront pas des institutions factices », a-t-il dit, se référant à la croyance répandue chez les Serbes du Kosovo que la déclaration unilatérale d’indépendance du Kosovo est vide, et son régime illégal. Commentant les incidents de Jarinje et Brnjak, Milan Ivanovi ?, chef du Conseil national serbe pour le Kosovo du Nord, a dit que « les gens ont été effrayés par un canular ». Il a expliqué que la rumeur avait circulé que la Police du Kosovo, le Corps de protection du Kosovo (le TMK, une organisation qui a remplacé l’ex-Armée de libération du Kosovo - UCK) et des agents albanais des douanes du Kosovo « avaient prévu de s’emparer des deux postes frontières et de couper les communications avec la Serbie ». « Les gens ont réagi spontanément ; ils ont été provoqués par ce canular et l’instable situation actuelle », a-t-il dit au Balkan Insight. Ivanovi ? a dit que « les gens du nord du Kosovo ne permettront pas qu’on mette à mal les liens avec la Serbie, et que les Albanais se déploient aux postes frontières ». Pendant ce temps, dans le nord de Mitrovica, plusieurs milliers de manifestants se sont rassemblés vers 12h45 heure locale pour tenir un nouveau meeting de protestation. 1244 est une référence directe à la résolution du Conseil de sécurité de l’ONU autorisant en 1999 un déploiement militaire et civil des Nations Unies dans la province du Kosovo. Un peu plus tôt dans la journée, trois énormes explosions ont secoué la ville de Mitrovica, où vivent d’importantes communautés serbes et albanaises. Ces attaques seraient l’œuvre d’individus protestant contre la reconnaissance de l’indépendance du Kosovo par les États-Unis et d’autres grandes puissances européennes. Plusieurs voitures ont par ailleurs été endommagées lors d’une explosion visant un bataillon onusien à Mitrovica Nord, tandis que deux grenades ont été lâchées près de la Bosnjacka Mahala, visant des maisons inoccupées appartenant à des Albanais. Un véhicule appartenant à l’ONU a également explosé dans un village près de Mitrovica. Selon une radio appartenant à l’État serbe et citée par la chaîne de télévision kosovare RTK, un groupe serbe appelé « Mlada Bosna » est à l’origine de ces incidents qui secouent le nord du Kosovo. Dimanche soir, plusieurs grenades avaient été lancées contre le bureau de l’Union européenne à Mitrovica. Alors que la Slovénie assure la présidence tournante de l’Union européenne, « Mlada Bosna » a revendiqué l’attaque en Serbie d’un dépôt appartenant au groupe slovène Merkator. Ces incidents surviennent alors que le parlement serbe a dénoncé et annulé la proclamation d’indépendance du Kosovo et que les autorités de Belgrade ont prévu d’organiser un grand rassemblement jeudi susceptible d’attirer des dizaines de milliers de manifestants dans les rues de la capitale serbe.
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La Serbie après le jour « J » : partira-t-on en guerre pour le Kosovo ? Traduit par Persa Aligrudic Mise en ligne : lundi 10 décembre 2007 La Serbie se dit prête à réagir « par tous les moyens politiques et diplomatiques » à une éventuelle proclamation d’indépendance du Kosovo. L’armée est également en état d’alerte, et l’évêque Artemije appelle à la mobilisation générale. Milices serbes et albanaises sont aussi sur le pied de guerre. Tandis que les « patriotes » pratiquent la surenchère, les courants démocratiques serbes semblent en panne d’initiatives et de réponses politiques. Au fait, où est donc passé le Président Tadic ? Par Stipe Sikavica Les volontaires du Prince Lazare Depuis l’annonce du plan Ahtisaari, le champ politique de la Serbie est sursaturé de messages débutant par des phrases du type : « Nous ne donnerons pas le Kosovo et Metohija », « Nous ne permettrons pas qu’ils nous prennent 15% de notre territoire » et autres slogans de la même eau. Ces paroles ont été diffusées depuis divers niveaux de la stratification politique, mais le plus souvent elles émanent du haut de la pyramide du pouvoir. En s’efforçant de maintenir la tension sociale au point d’ébullition, les autorités dirigeantes ont introduit la Serbie dans une phase particulière d’un état d’urgence où les citoyens de ce pays, pas particulièrement heureux, sont en permanence étouffés depuis des années. Dans ce contexte, le 10 décembre - jour où la troïka de médiation du Groupe de contact de négociations doit remettre son rapport final au Secrétaire général des Nations Unies - est, en Serbie, depuis longtemps désigné comme le jour « J », que les Albanais kosovars proclament ou non l’indépendance unilatérale ou qu’ils prolongent la décision pour un certain temps. De ce mélange verbal enflammé, une incertitude d’ordre général s’impose : la corde serbo-albanaise (kosovare) étant sur le point de craquer, cette rupture engendrera-t-elle une nouvelle catastrophe guerrière ? Quand l’évêque Artemije s’en va-t-en guerre L’évêque Artemije La veille de l’apparition d’Aleksandar Simic à la télévision, une déclaration écrite de Mgr Artemije, évêque de Raška et de Prizren, a été distribuée aux médias. A dire vrai, il a émis quelques réserves sur l’option de la guerre : « ...On entend les autorités dire souvent : “la Serbie ne veut pas la guerre, la Serbie ne fera pas la guerre”. Je suis d’accord : la Serbie ne veut pas la guerre, mais elle doit penser à sa légitime défense, quel que soit le conquérant. D’ailleurs quoi que nous entreprenions, “le lendemain” restera infructueux... ». Mais comment comprendre cette partie de la déclaration : « ...Appeler à la mobilisation tous les soldats de Serbie pour trois jours, afin de vérifier leur aptitude et leur formation. Organiser des manœuvres militaires dans les régions proches de la province du Kosovo et Metohija, avec la participation de certains observateurs de l’Organisation de Shanghai en tant que collaborateurs... » ? Même si ce n’est pas directement un plaidoyer pour la guerre, il s’agit néanmoins d’un appel à la démonstration de la force d’où l’étincelle de la guerre pourrait facilement jaillir. Finalement, cette déclaration de l’évêque ne ressemble-t-elle pas à un ordre d’un commandant de guerre plutôt qu’à la parole de l’envoyé de Dieu de l’Eglise orthodoxe serbe ? Et n’est-ce pas aussi un exemple éclatant d’ingérence de l’Eglise dans la politique de l’Etat ? La Serbie répondra « par tous les moyens juridiques et politiques disponibles »n En fonction des intérêts et de l’angle d’observation, de nombreuses réponses circulent dans la sphère médiatique, locale et étrangère. Mais elles ne sont pour la plupart, malheureusement, ni très sages ni même étayées par les faits. Ici, nous allons attirer l’attention sur un dénominateur commun dans les réponses officielles d’une partie seulement des autorités dirigeantes. En fait, la substance essentielle de ces réponses pourrait être formulée ainsi : après la proclamation unilatérale d’indépendance du Kosovo, la Serbie répondra « par tous les moyens juridiques et politiques disponibles », desquels les « mesures et les actions légitimes » excluent l’utilisation des forces armées, en premier lieu de l’Armée. (Sauf, bien sûr, si des éléments belligérants du Kosovo venaient à franchir la ligne administrative). On peut aisément remarquer que l’exclusion de l’option de la guerre pour empêcher l’indépendance du Kosovo ne figure expressément que dans les déclarations des autorités menées par le Président de la République Boris Tadic (outre ses déclarations, il s’agit aussi de celles de Božidar Djelic et de Dragan Šutanovac). Or, jusqu’au 4 décembre dernier, dans les déclarations de l’autre partie des autorités conduites par le Premier ministre Vojislav Koštunica, cette particularité était simplement contournée. Et c’est précisément au moment où l’on croyait que le Premier ministre de Serbie s’était montré un joueur habile dans cet équilibre très délicat de la question kosovare, en ayant, cette fois encore, assuré un tant soit peu de concession, que son conseiller Aleksandar Simic est apparu sur la scène publique. Dans un duel verbal avec Azem Vllasi au cours l’émission télévisée de la RTS Upitnik (Questionnaire), il a constaté avec un parfait sang-froid que « la guerre aussi est un moyen juridique » avec lequel la Serbie peut défendre le Kosovo ! Dragan Sormaz et Miloš Aligrudic, membres de l’équipe dirigeante du Parti démocratique de Serbie (DSS), se sont rangés à sa thèse. C’est ainsi qu’une autre couche du maquillage démocratique a été ôtée « du personnage et de l’oeuvre » de Vojislav Koštunica et du parti qu’il dirige ! Le raisonnement d’Aleksandar Simic La réflexion d’Aleksandar Simic a creusé une imprécision de plus quant à l’éventuel engagement de l’Armée dans le démêlement de l’embrouillamini kosovar. Etant donné que chaque ministère du gouvernement de Serbie devait élaborer son propre plan d’action après le jour « J », sur la base duquel a été conçu le « Plan d’action du gouvernement », le ministre Dragan Šutanovac (en exposant à l’opinion publique une partie du plan du ministère de la Défense) a affirmé que les forces armées de Serbie « réagiront conformément aux décisions du gouvernement et du Président de la République » à toutes les provocations au Kosovo après le 10 décembre. Mais comment se comportera l’armée si les décisions du Premier ministre et du Président ne sont pas du tout similaires, voire pire, opposées ? Jusqu’à présent, il existait un bon niveau de cohabitation entre les partenaires de la coalition - Parti démocratique (DS) et Parti démocratique de Serbie (DSS). Boris Tadic, tel un boxeur groggy, se retirait constamment devant un Vojislav Koštunica agressif, mais le Président n’a plus le droit, au moins au nom des citoyens désireux d’une vie décente, de définitivement reculer face à la dangereuse politique de la guerre. L’affirmation d’Aleksandar Simic, et plus encore son appui aux thèses du DSS, montre aux acteurs politiques qui décident de nos vies que, malheureusement, ils ne comprennent pas que la Serbie n’a pas pu « défendre » le Kosovo par les forces armées, même quand elle « en avait les moyens ». Il semble que ce simple fait ne rentre pas dans l’esprit des membres de la majorité des partis parlementaires, car certains députés appartenant aux soi-disant partis patriotiques transforment le parlement en arène meurtrière. Ils veulent de nouveau la guerre, quel qu’en soit le prix ! Dans cette perception du règlement de la crise kosovare, le chef d’état-major Zravko Ponos pourrait facilement passer à la trappe. En effet, appartenant au bloc des forces patriotiques, dont les premiers violons sont les généraux et les amiraux de l’Armée de Serbie, il a été identifié comme l’un des principaux coupables du fait que « notre armée a été détruite par la présumée réforme selon les standards de l’OTAN » et, qu’ainsi « détruite », elle n’est pas en mesure de défendre les intérêts serbes comme elle les a « défendus en 1999 ». Dans certains quartiers de Belgrade on peut lire ce graffiti : « Ponos olos, finansira Soros » (« Ponos vaurien, financé par Soros »). Il n’a certainement pas été griffonné de la main d’un garnement, mais bien conçu par les états-majors propagandistes de « la Serbie céleste ». Peu importe que les Albanais proclament l’indépendance demain, ou dans un mois ou deux. Attendre qu’une paix stable et que la tranquillité soit instaurée pour longtemps, ce qui pourrait se prolonger pendant des décennies, n’est pas réaliste. Cependant, il est très peu probable qu’après le jour « J », la guerre éclate au Kosovo, comme s’il n’y a pas d’autres hypothèses que les idées insensées des politiciens irresponsables, des malades nationalistes et des aventuriers de tous genres. Les prévisions selon lesquelles l’indépendance du Kosovo provoquerait un effet domino dans la région sont également infondées, de même celles qui annoncent que ce « tremblement » sera ressenti dans d’autres territoires du Vieux continent. Ce ne sont que des messages propagandistes bon marché, émanant en premier lieu du pouvoir exécutif qui veut, semble-t-il à tout prix, capitaliser le dernier acte du drame kosovar. Et c’est justement ce qui peut être fatal pour la Serbie. L’affaire Pešcanik (le Sablier) Les « patriotes » attaquent l’émission « Pešcanik » La politique désastreuse de l’élite serbe (intellectuelle, politique, militaire) qui a mené le Kosovo à ce résultat, veut par tous les moyens rejeter la faute sur le dos « des traîtres locaux », c’est à dire tous ceux qui ont interpellé les autorités en raison de leurs échecs incroyables. Cette stratégie, que nous avons nommée « l’agression de l’intérieur », a été imaginée depuis longtemps, et elle est pratiquée sous différentes formes d’intimidation, de menaces, d’arrestations, de meurtres non élucidés, etc. Le 3 décembre à Arandjelovac, la promotion du neuvième tome de « Pešcanik », publié par RTV B92, a été empêchée de façon brutale, pour la deuxième fois en quinze jours. Cela montre de manière impressionnante l’efficacité de la tactique et de la stratégie d’agression de l’intérieur. Svetlana Lukic, l’une des auteures de l’émission culte de radio B92 Pešcanik, a qualifié la violence à Arandjelovac de « patriotique ». De nouveau, ce sont les membres du parti Nova Srbija qui ont ravi la parole en exerçant une démonstration de force ! Cela peut-il aussi être camouflé par le danger de l’extérieur ? Parades paramilitaires Depuis longtemps divers groupements paramilitaires en Serbie sont « en état de préparation avancée au combat ». Le commandant de la Garde du tsar Lazar a adressé un message clair à l’opinion publique : après le jour « J », sa formation marchera sur le Kosovo où il exterminera tout ce qui vit, afin qu’il « ne reste aucune pierre sur la pierre », ajoutant que « ni les femmes ni les enfants ne seront épargnés ». L’auteur de ces lignes est enclin à partager l’avis de certaines organisations non gouvernementales qui pensent que ce groupe fascioïde ne sèmerait pas ainsi la haine et la peur en Serbie s’il n’avait le soutien tacite « des hautes instances des autorités ». Et pour ce qui est de l’entrée au Kosovo, les assaillants de la Garde ne pourraient même pas traverser la brèche de notre Armée et de la police de la zone de sécurité sans un laissez-passer du poste compétent. Il serait absurde d’affirmer que les groupements paramilitaires d’ici n’ont pas leur pendant côté albanais au Kosovo. D’ailleurs, il y a quelque temps, les groupes armés de l’Armée nationale albanaise (AKSH) se sont à nouveau signalés. Ils ont menacé la population serbe, tout comme la Garde du tsar Lazar menace la population albanaise. C’est pourquoi on ne peut absolument pas exclure les incidents, les provocations, voire certains crimes contre le petit nombre de Serbes restés au Kosovo. Mais quoique ces organisations fassent, ce sera au grand dam des Albanais. Si l’efficacité de la KFOR n’était que de moitié proportionnelle à ses promesses, la formation paramilitaire albanaise n’aurait aucune chance de se livrer à des sauvageries. Toutefois, il ne faut pas perdre de vue que les coups bas seront possibles des deux côtés de la ligne administrative.
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KFOR serait prête à « sécuriser » le nord du Kosovo
Traduit par Stéphane Surprenant Publié dans la presse : 19 novembre 2007 La KFOR pourrait lancer dans les prochains jours des opérations de « sécurisation » au nord du Kosovo. L’objectif pour les hommes de l’OTAN est de prendre le contrôle de la frontière avec la Serbie, d’arrêter les agitateurs potentiels, de découvrir des caches d’armes et d’adresser un signal fort à Belgrade. Si elle se confirme, cette opération pourrait être le signe que la communauté internationale se prépare à une déclaration d’indépendance unilatérale de Pristina. Par Aleksandar Vasovic et Krenar Gashi L’OTAN et la police de l’ONU au Kosovo seraient, selon certaines sources, en train de planifier un renforcement de la sécurité dans le nord du Kosovo majoritairement serbe, en vue d’une proclamation d’indépendance du Kosovo après la fin des pourparlers le mois prochain. Cette initiative viserait à empêcher les zones contrôlées par les Serbes de se rattacher à la Serbie au cas où le Parlement du Kosovo, dominé par les Albanais, proclamerait l’indépendance, après la présente phase de négociations à propos du statut définitif du territoire administré par les Nations Unies, a confié lundi dernier un diplomate étranger au Balkan Insight. La conclusion de ces pourparlers est prévue pour le 10 décembre prochain. La police de l’ONU et les forces de maintien de la paix de la KFOR menées par l’OTAN « se préparent à s’emparer des commissariats de police contrôlés par les Serbes du Kosovo » dans la ville de Mitrovica, divisée par une frontière ethnique, dans la municipalité voisine de Zvecan, ainsi que dans les petites villes de Zubin Potok et de Leposavic, a révélé le diplomate basé à Belgrade sous couvert de l’anonymat. « La KFOR va graduellement fermer la frontière entre le nord du Kosovo et la Serbie. Après avoir sécurisé la zone frontalière, la KFOR va mener une série de raids dans le but de trouver les caches d’armes dissimulées par des membres de la communauté serbe et arrêter les agitateurs potentiels », explique la source. Mitrovica - appelée par les Serbes « Kosovska Mitrovica » - a déjà été le théâtre de féroces affrontements ethniques début 2000 et 2004. Le diplomate poursuit : « En agissant ainsi, la KFOR va également envoyer un message à la Serbie et lui signifier de rester à l’écart et de ne pas se mêler des affaires du Kosovo ». Le diplomate ajoute que « les militaires serbes et la police recevront un message sans équivoque : ne pas masser de troupes près des frontières du Kosovo ». Le Balkan Insight a demandé à Alexander Ivanko, porte-parole de l’administration onusienne au Kosovo (MINUK), de confirmer ces allégations. Celui-ci a répondu que son organisation « travaillait effectivement à des plans de repositionnement de la MINUK dans le nord ». « Cependant, nous ne pouvons parler publiquement de ces plans », a précisé Ivanko. Néanmoins, un officier de la KFOR a confirmé au Balkan Insight que les forces de maintien de la paix planifiaient des opérations destinées à découvrir des armes dont la possession est illégale au sein de la population, et qu’elles comptaient identifier les personnes considérées comme des « agitateurs » dans le nord. Il n’a toutefois pas voulu commenter les plans présumés de prise de contrôle des commissariats de police serbes ou encore de renforcement de la sécurité frontalière. Les Serbes du Kosovo ont bien sûr réagi aux mesures de sécurité que la KFOR et l’ONU seraient en train de préparer. « Je crains que les Serbes ne se sentent pris au piège et ne réagissent avec leur cœur plutôt qu’avec leur raison : et ça, ça veut dire la violence », prévient Oliver Ivanovic, un politicien serbe modéré du nord de Mitrovica. « J’ai aussi peur que si la KFOR et la MINUK tentent de faire une chose pareille, nous ne voyions des violences similaires à celles de 2000 et 2004 », a-t-il dit au Balkan Insight. « Je vois cela comme une tentative de la MINUK et de la KFOR de sécuriser le territoire du Kosovo dans sa totalité. » Milan Ivanovic, un responsable serbe basé à Mitrovica, affirme qu’un « geste semblable constituerait un acte de violence clair contre les Serbes et transformerait la KFOR et la MINUK en forces d’occupation ». Toujours selon Milan Ivanovic, cette tournure des événements n’est pas entièrement nouvelle. « Nous avons récemment constaté des déploiements inhabituels, un détachement entier de la KFOR le long de la frontière » entre la Serbie et le Kosovo, raconte Ivanovic. Il ajoute que les « Serbes vont s’opposer aux actions de ce genre par tous les moyens pacifiques à leur disposition ». « Ce qui inclut la désobéissance civile, des marches de protestation, le blocage de routes et des membres de la KFOR et de la MINUK qui sont au Kosovo pour prévenir la violence au lieu de la provoquer. » Les quatre mois de pourparlers sous médiation internationale entre la Serbie et les chefs albanais du Kosovo sur la question du statut définitif de la province récalcitrante - qui devaient théoriquement aboutir à un compromis accepté par les deux parties le 10 décembre prochain - semblent dans une impasse. Les Albanais du Kosovo exigent l’indépendance totale et immédiate, tandis que la Serbie campe sur une offre d’autonomie du territoire qui est depuis la fin de la guerre de 1998-1999 sous administration de l’ONU. Les États-Unis et la plupart de leurs alliés européens soutiennent l’idée d’une indépendance supervisée par la communauté internationale, une proposition mise en avant cette année par l’envoyé spécial de l’ONU Martti Ahtisaari. Mais le plan d’Ahtisaari a été rejeté d’emblée par la Serbie, puis a ensuite été bloqué au Conseil de sécurité de l’ONU par la Russie. Tout cela a eu pour résultat l’actuel cycle de négociations ouvert en août dernier. Plusieurs chefs albanais du Kosovo ont par conséquent déclaré que leur pays devrait déclarer unilatéralement l’indépendance après le 10 décembre, quand une troïka d’émissaires des États-Unis, de l’Union européenne et de la Russie présentera son rapport au Secrétaire général des Nation Unies Ban Ki-moon. Selon une source diplomatique, la MINUK et la KFOR croient que la « pacification du nord du Kosovo servira d’avertissement à la Serbie : il ne faudra pas faire de démonstration musclée » dans les municipalités du sud du pays à prédominance albanaise, le long des frontières avec la Macédoine et le Kosovo. Car cette région explosive, qui comprend les municipalités de Preševo, Bujanovac et Medvedja, se remet encore d’une insurrection ethnique longue d’une année et qui s’est terminée en 2001 avec un accord de paix sous l’égide de l’OTAN. Cet accord a permis de s’assurer du désarmement des rebelles et de leur intégration dans la société. La situation dans le sud de la Serbie demeure toujours tendue et marquée par des explosions de violence occasionnelles. Dragan Šutanovac, ministre de la Défense de la Serbie, a récemment promis une réaction rapide en cas de débordement de violence éventuelle à partir du Kosovo ou de la Macédoine, où la police et des Albanais armés se sont affrontés plus tôt ce mois-ci.
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L’UE
doit-elle prendre une décision politique et économique immédiate sur le
Kosovo ?
Mise en ligne : lundi 12 novembre 2007 Par Arta Seiti [1] pour Fenêtre sur l’Europe La compétition actuelle de la stratégie diplomatique au regard d’une définition du statut du Kosovo ne semble pas obéir aux deux conjonctures serbes et kosovares albanaises. Dans ce climat, la définition « de la diplomatie idéaliste », selon Raymond Aron n’a pas suffi à créer la paix définitive. L’intervention de l’OTAN en 1999 a conduit à une paix par la dissuasion, une paix dont l’enjeu a puni les premiers et a fait triompher les autres. Aussi fanatique que cette diplomatie puisse-t-elle paraître, elle ne met pas en jeu le dessein de la guerre et son objectif en vue « d’écarter une catastrophe humanitaire » dans la région. En outre, cette politique de puissance a-t-elle divisée les communautés dans l’ordre d’intérêts étroitement nationaux et a-t-elle permis de faire glisser les deux ethnies, dans une paralysie juridique, dont les objectifs concrets nationaux demeurent dépourvus de signification pour les deux parties respectives, serbe et kosovare albanaise. De la dissuasion au consensus L’idée directrice de la communauté internationale s’impose comme une doctrine de la paix et du consensus et s’attache premièrement à l’enjeu de stabilité dans la région, ainsi qu’à une tactique géostratégique eu égard au regroupement des minorités. Or, le fondement du consensus des acteurs internationaux ne fait nullement référence aux droits historiques des peuples, car la confusion d’une histoire intemporelle surcroît la pesanteur des revendications des deux ethnies. Cela étant, le consensus au regard d’une définition unanime des acteurs de l’Occident quant au statut du Kosovo n’est réalisable qu’en étant conforme à l’équité de principes universels des droits internationaux, exigée par les Russes. Ainsi, engagés dans une compétition incessante de concepts s’agissant de la posture stratégique de la Russie, les acteurs européens et américains se sont imposés des limitations et se sont soumis à une logique de « temporalisation » de négociations. Ces dernières ne constituent pas in fine, un « consensus », tout au contraire, s’agirait-il d’une prudence ou d’une obéissance passive à l’acception dite absolue de la définition du statut de l’indépendance du Kosovo, conduite par la Russie. L’Antinomie géopolitique-géostratégie Est-ce à dire que le Kosovo (comme d’autres dossiers aussi) serait devenu l’outil de guerre froide contre l’Occident ? En effet, la mise au point de la stabilité dans cette zone, depuis l’année 1999, est nourrie d’actions antinomiques diplomatico-stratégiques. Il a été question, au départ, de la stratégie dissymétrique et, par la suite, de l’asymétrie en tant que posture idéologique de tous les acteurs internationaux et locaux. Cette « stratégie-diplomatie » persuadait qu’en souhaitant réduire le rôle de la dissuasion par la mise en avance du consensus, mènerait à une « stratégie de sortie » en fonction d’une règle plus ou moins définie par les deux parties serbes et kosovares albanaises. Dans leur ensemble, les acteurs européens ont fait preuve d’une imperfection essentielle stratégique, incompatible avec le ressentiment national et l’angle géopolitique des deux communautés. Ainsi, une conduite de raisonnements opposés de Belgrade et du Kosovo au regard d’un territoire, s’enchevêtre à une autre conduite géostratégique des acteurs internationaux : chacune des parties se dit obéir, se soumettre à des normes et à des principes. Il n’est pas trop tôt pour confirmer que ces négociations touchent les deux ethnies au point névralgique de leurs émotions nationales et politiques les plus violentes. Cette illusion idéaliste quant à un consensus qui nécessiterait une conjoncture entre une « large autonomie », prônée par Belgrade et « une indépendance à part entière » ou « une indépendance sous surveillance internationale » (le Plan Ahtisaari) est menée à l’échec. Quelle solution ? Si le texte de 14 points d’accord présenté par la Troïka devant les groupes de négociateurs serbes et kosovars albanais est « neutre en terme de statut » pour le représentant européen Wolfgang Ischinger, cette neutralité ne pose pas les bases d’un statut décisif du Kosovo et ne rejoint pas l’ensemble des requêtes serbes et kosovars albanaises. Comme le soulignait de nouveau Raymond Aron, « l’Etat est une personnalité d’abord au sens juridique, ensuite au sens moral et historique », le Kosovo contient inversement, cette volonté morale et historique. Cependant, pour qu’il devienne une personnalité juridique dans la durée, il serait opportun pour l’Union européenne de créer une pluralité de circonstances socio-économiques et de convenir à des tâches de missions de défense. Grâce à la transmission d’un appui légal par le secrétaire général de l’ONU, une coexistence de projets de défense et de socle socio-économique effectifs européens pourrait se mettre en œuvre. C’est pourquoi, il faut proposer un contour européen économique commun pour les Balkans occidentaux, pouvant établir des garanties durables à terme pour toute cette zone. Bien entendu, ces garanties seront valides si la communauté internationale est convaincue qu’un projet construit politique européen mérite d’être également soulevé. [1] Chercheur associé au Centre de Géostratégie de l’ENS-Ulm, membre du groupe de travail du CEREMS sur l’asymétrie et coprésidente du Groupe « Balkans », del’IPSE.
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Union européenne : qui reconnaîtra l’indépendance du Kosovo ? Traduit par Jacqueline Dérens Publié dans la presse : 8 novembre 2007 En cas d’indépendance unilatérale du Kosovo, l’Union européenne sera incapable d’adopter une position unie. En coulisse les tractations vont bon train dans les chancelleries européennes. Selon un diplomate britannique, 22 états sur 27 seraient prêts à reconnaître le Kosovo comme un pays indépendant, certainement durant la présidence française de l’Union qui débute en juillet 2008. L’état des lieux du Balkan Insight. Par Gjeraqinz Tithina et Krenar Gashi Alors qu’une déclaration unilatérale d’indépendance devient de plus en plus certaine, certains pays de l‘UE pourraient reconnaître le Kosovo indépendant sans attendre d’avoir le consentement de tous les états. Sabine Freizer, une spécialiste des Balkans pour International Crisis Group qui a noté le fait qu’un consensus se dessine parmi les pays de l’UE pour la reconnaissance de l’indépendance du Kosovo, pense que cette reconnaissance se fera unilatéralement, chaque pays reconnaissant le Kosovo s’il le souhaite, car il y a peu de chance que cette reconnaissance se fasse au niveau de l’UE. Un représentant britannique estime que 22 pays sur 27 sont prêts à reconnaître le Kosovo comme un pays indépendant. « Cette reconnaissance peut se faire sans l’accord de tous les membres de l’UE ». Une majorité de pays en sont venus à accepter qu’une déclaration d’indépendance unilatérale était inévitable, mais ils discutent encore du calendrier pour que l’UE traite de la question de la reconnaissance. Il est toutefois certain que les pays de l’UE ne reconnaîtront pas immédiatement le Kosovo, contrairement à ce que feront les USA. Selon une source de Balkan Insight, le scénario le plus vraisemblable est que la pleine reconnaissance par une majorité de pays de l’UE n’interviendra pas avant la seconde moitié de l’année 2008. Selon une source de Balkan Insight à Bruxelles cette reconnaissance aura lieu pendant la présidence française qui débutera en juillet 2008. « Les Français insistent pour que cette reconnaissance ait lieu pendant leur présidence. Pour avoir deux points phares...la résolution de la question du Kosovo et l’avancée de l’intégration européenne de la Serbie. Les Français veulent être ceux qui résolvent les gros problèmes » a ajouté la source. Un diplomate français à Bruxelles a confirmé que la France et la Grande-Bretagne auraient environ besoin de trois mois après la déclaration d’indépendance pour se préparer à la reconnaissance. Le calendrier pour la reconnaissance devra bien évidemment attendre que la déclaration d’indépendance soit effectivement prononcée. Beaucoup d’observateurs, y compris International Crisis Group, pensent que le Parlement du Kosovo pourrait attendre le début de l’année 2008 avant de déclarer l’indépendance. En attendant, au Kosovo, les frustrations se font plus vives, comme le soutien à une déclaration unilatérale parmi les hommes politiques. Beaucoup disent que la patience des Kosovars est à bout. Le Président du Kosovo Fatmir Sejdiu a déclaré le mois dernier que pour les Kosovars la date du 10 décembre marque la fin définitive des négociations « Nous n’accepterons pas plus de discussions à ce sujet. Nous insistons pour que ce processus arrive à son terme le plus vite possible. Le Kosovo ne peut pas être tenu en otage » avait-il déclaré à des journalistes. Veton Surroi, chef du parti d’opposition ORA et membre de l’équipe de négociation du Kosovo a été encore plus précis » Le Kosovo aura son indépendance avant Noël ». Deux années de discussions n’ont abouti à aucun accord sur le statut final. Le Kosovo fait toujours officiellement partie de la Serbie tant que son statut reste un sujet de négociations bilatérales. Quatorze mois de négociations conduites par l’ancien président finlandais Martti Ahtisaari se sont terminés sans que se dégage un accord de compromis et à la demande des Nations unies Martti Ahtisaari a fait ses propres propositions. Il recommandait une indépendance sous supervision de la communauté internationale, mais cette proposition n’a pas été avalisée par le Conseil de sécurité à cause de l’opposition de la Russie, allié traditionnel de la Serbie. Faute de tout consensus clair de la part de l’UE et avec un fort soutien de la part de la Russie, un nouveau cycle de négociations de 120 jours a démarré pendant l’été 2007 dirigé par la Troïka formée des USA, de l’UE et de la Russie. Pendant ce temps, l’UE a entrepris de créer un consensus qui lui permettrait de traiter la question du Kosovo comme une seule institution. Le Secrétaire général de l’Union européenne et Haut représentant de l’Union européenne pour la politique étrangère et de sécurité commune, Xavier Solana, déclarait que l’UE ne ferait aucune déclaration qui pourrait influencer le travail de la Troïka. L’UE continue à soutenir la Troïka, mais veut que la question du statut soit résolue aussi vite que possible. Le dernier document stratégique sur l’élargissement de l’union récemment publié insiste sur une résolution rapide de la question du Kosovo, qualifiant la situation actuelle d’ « insoutenable ». Le Président de la Commission, José Manuel Durao Barosso, a déclaré le 6 novembre : « nous devons faire tous les efforts possibles pour trouver une solution négociée, c’est pour cela que nous avons accepté l’idée de continuer les négociations ». Il a demandé à tous d’attendre le rapport de la Troïka et de ne pas anticiper « sur ce que pourra être la prochaine étape ». En parallèle avec les négociations entre Belgrade et Pristina sous la médiation de la Troïka, des efforts sont faits, en coulisse, pour arriver à savoir combien de pays sont prêts à accepter ce que les Européens considèrent comme le pire des scénarios, c’est-à-dire l’indépendance sans une résolution du Conseil de sécurité des Nations unies. « Cette période supplémentaire de discussions entre Belgrade et Pristina est en fait une période de négociations entre les autres pays » a fait remarquer une source américaine. Les discussions entre les Européens et les Etats-Unis ont pour but essentiel de rallier les grands pays de l’UE, afin qu’ils entraînent les petits pays. La Slovaquie, la Roumanie, Chypre, la Grèce et l’Espagne pour l’instant sont peu favorables à la reconnaissance de l’indépendance du Kosovo. Mais des sources au sein de l’UE ont confirmé que ces pays avaient promis de ne pas bloquer le déploiement d’une nouvelle mission au Kosovo et qu’ils autoriseraient l’utilisation des moyens de l’UE pour cette mission. Cela signifie le déploiement de personnel européen et le financement de la mission. La Slovénie qui va assurer la présidence de l’UE pour la première fois en janvier 2008 devra gérer les premières réactions de l’UE à une reconnaissance unilatérale de l’indépendance, à supposer qu’elle est lieu comme prévu au début de l’année 2008. On croit savoir que la Slovénie fait partie des 22 pays qui reconnaîtront l’indépendance. Dès le retour à Ljubljana, après une visite à Belgrade, du Ministre des affaires étrangères de Slovénie, Dimitrij Rupel, l’agence de presse nationale slovène a fait état d’après une source diplomatique que « la Slovénie soutiendrait une possible indépendance du Kosovo, si cela était aussi fait par ‘un groupe adéquat‘ ». Le Premier ministre slovène, Janez Jansa pense que la question du Kosovo sera bientôt résolue et que le rapport de la Troïka le 10 décembre prochain sera le dernier. » Il n’y aura plus de délais. Nous voulons tous une solution » vient-il de déclarer à Bruxelles. Tout en faisant partie du bloc pro indépendance, l’Allemagne a quelques réserves sur la reconnaissance de l’indépendance sans l’aval du Conseil de sécurité. « L’Allemagne fait partie du groupe des 22, mais c’est difficile parce que Berlin sait bien que cela sera difficile à accepter pour son opinion publique » fait remarquer un représentant allemand. Un autre assure que les pays qui soutiendront l’indépendance préparent des stratégies pour persuader l’opinion publique allemande qu’il n’y a pas d’autres alternatives à la reconnaissance de l’indépendance. Pour certains analystes, le premier élément de cet exercice stratégique a été la nomination de Wolfgang Ischinger, un représentant du Ministère des affaires étrangères comme représentant de l’UE dans la Troïka. Pour Naim Rashiti du bureau de International Crisis Group à Pristina « la France et la Grande-Bretagne ne se sont pas opposées à la nomination de Wolfgang Ischinger parce que ces pays étaient clairs sur l’avenir du Kosovo. Pas l’Allemagne. Cette nomination a aussi été faite pour faire pression sur les Allemands et les autres pays de l’UE »
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Nevipe Kosov
Rroms au Kosovo : la communauté la plus pauvre et la plus menacée Traduit par Saimir Mile Publié dans la presse : 23 octobre 2007 Taux élevé de chômage, faiblesse de l’assistance sociale, impossibilité de la scolarisation en langue rromani, faible participation dans la vie économique, culturelle et publique et dans les institutions, tant au niveau central que local, ainsi que très peu de retours des réfugiés et déplacés... Autant de traits qui caractérisent encore la vie de la minorité rrom au Kosovo. Entretien avec Bashkim Hisari, directeur exécutif du « Mouvement pour les Citoyens ». Diplômé de science politique, Bashkim Hisari est un militant actif dans le domaine des droits de l’Homme et des libertés depuis plusieurs années. Il est entre autres le directeur exécutif du « Mouvement pour les Citoyens » au Kosovo. Depuis 1999, quand les forces de paix sont entrées au Kosovo et jusqu’aujourd’hui, il a centré ses recherches sur la situation des droits des communautés ethniques, parmi lesquelles les Rroms. Kujtim Paçaku : Quels sont les résultats de votre recherche sur la communauté rrom au Kosovo depuis 1999 ? Bashkim Hisari : Bien qu’il y ait eu quelques avancées récemment - comme l’amélioration de la liberté de circulation -, les Rroms restent toujours les plus pauvres et les moins en sécurité parmi la population kosovare. Ils vivent aussi bien dans des villes que dans des villages, dans des camps et centres collectifs, souvent en familles nombreuses, jusqu’à 10 membres ; la plupart vivent dans des conditions d’hygiène déplorables et dans une pauvreté extrême. La majorité d’entre eux dépend des prestations sociales, qui ne suffisent pas même à couvrir les besoins les plus élémentaires. Beaucoup d’enfants rroms abandonnent la scolarité prématurément, dès l’école primaire, pour travailler et contribuer à entretenir la famille. Ils font des travaux pénibles, comme la collecte de métaux, du papier, du verre et d’autres matières recyclables, ou bien portent du matériel de construction, ou encore nettoient les rues, les maisons ou les immeubles, pour survivre. Les Rroms de Kosovo sont de vraies victimes du conflit entre les Albanais et les Serbes, ainsi que des questions politiques non résolues. Ils sont les premières victimes de la paupérisation et de l’absence d’une assistance sociale adéquate, qui objectivement touche la majorité de leur communauté. La situation des Rroms de Kosovo est rendue encore plus compliquée par les tensions entre les partis politiques et entre les communautés ethniques, principalement entre les Albanais et les Serbes, qui ont été renforcées ces derniers temps. Les débats politiques à chaque phase des discussions sur le statut futur du Kosovo et les prochaines élections, auxquelles ces débats sont liés, ne laissent pas beaucoup d’espace pour d’autres questions. Dans une telle situation, la consistance et la protection des droits humains, lorsqu’il est question de la communauté rrom, sont réalisées à la marge, c’est-à-dire concernant essentiellement ce qui peut être traité dans le cadre de la mise en œuvre des standards définis par la communauté internationale. Il est à noter que dans plusieurs parties du Kosovo il existe encore un distancement social des Rroms. Cette mise à l’écart, ainsi que l’auto-isolement, poussent les Rroms à la passivité. Malheureusement, tout cela montre la dure réalité kosovare, qui doit être surmontée. Kujtim Paçaku : Donc selon vous, la majorité des Rroms au Kosovo ne jouissent toujours pas de leurs droits garantis, comment expliquez-vous cela ? Bashkim Hisari : Oui. Le cadre constitutionnel du Kosovo garantit à toutes les communautés le droit d’utiliser leur langue et leur écriture en justice, dans les institutions publiques, dans l’éducation et dans les médias. Il leur garantit aussi l’égalité des chances dans l’emploi public à tous les niveaux, le droit d’utiliser leurs symboles en conformité avec la loi, de créer des structures d’enseignement de leur langue, d’avoir des cours sur leur culture, leur histoire et d’utiliser les administrations publiques, les services sociaux et de santé sans discrimination, d’avoir un accès garanti et une représentation dans les médias, d’avoir des programmations en leur langue, etc. Donc, bien que les règles adoptées par la MINUK et le cadre constitutionnel garantissent ces droits aux communautés ethniques, nous pouvons dire que dans la pratique du Kosovo ils ne sont pas respectés comme ils devraient l’être. Le problème le plus sérieux qui se pose dans ce domaine est la discrimination sociale et les mauvais traitements dont les petites communautés font l’objet, particulièrement les Rroms, lorsqu’il s’agit de droits aussi fondamentaux que le droit au travail, au service public, à l’usage de la langue, au retour, etc. La violence et les abus sur la propriété, qui arrivent parfois aux Rroms de Kosovo, sont un autre problème. Notre étude montre aussi que les Rroms ne bénéficient pas de toute une série d’autres droits. Par exemple, ils ne peuvent pas utiliser leur langue en justice, où il n’y a pas de traduction ; ils doivent donc parler en albanais ou en serbe. La même situation s’observe dans toutes les autres administrations, à tous les niveaux. Les Rroms ne sont pas représentés dans le système judiciaire, ou dans les pouvoirs locaux. À Prizren par exemple, où il y a une concentration considérable de Rroms, seul un Rrom travaille à la mairie. Ils sont souvent discriminés à l’emploi. Une autre cause de leur chômage est aussi l’absence de qualification ou encore la privatisation. Cette dernière touche aussi la population majoritaire, mais les Rroms sont plus particulièrement touchés, et dans certaines zones le taux de chômage parmi eux atteint 98%. Concernant l’éducation, les enfants rroms ne peuvent pas être scolarisés en leur langue ; une telle possibilité n’existe pas à l’école publique. Ils n’ont pas non plus d’institutions scolaires propres pour une scolarisation en rromani. Il y a eu quelques tentatives à l’initiative d’ONG pour enseigner en rromani, mais jusqu’à présent elles n’ont pas réussi. Les enfants rroms sont scolarisés principalement en albanais, puis dans une moindre mesure en turc ou bien dans les écoles parallèles serbes, en serbe. L’extrême pauvreté influe négativement sur l’éducation, puisque certaines familles ne peuvent même pas acheter les livres pour leurs enfants. Lors de l’enquête que nous avons menée à Prizren l’année dernière, nous avons identifié 1.950 enfants en âge scolaire. Sur ceux-là, 24% des enfants rroms allaient à l’école : 21,6% à l’école primaire, 1,6% au lycée et seulement 3% dans l’enseignement supérieur. En ce qui concerne les médias aussi, les Rroms n’ont pas suffisamment de programmes en leur langue et ils sont symboliquement représentés dans les médias privés au Kosovo. Sur 112 stations de radio, 72 émettent uniquement en albanais, 35 uniquement en serbe et 11 sont multiethniques et/ou multilingues. Jusqu’à très récemment, aucune station de radio n’avait de programme en rromani. Depuis le 13 avril 2006, la chaîne turque de télévision « Yeni Donem » a commencé à émettre, et elle avait aussi un programme en rromani. Elle a dû cependant interrompre ce programme, très probablement pour des raisons financières. Heureusement, une nouvelle radio commencera à émettre à Prizren, qui intégrera aussi un programme en rromani. Les Rroms utilisent très peu leurs symboles. En ce qui concerne la protection sociale et de santé, la situation est en train de s’améliorer. Ces derniers temps nous observons aussi une amélioration de la liberté de circulation, mais la situation est variable selon la région considérée. Ainsi, par exemple, dans la région de Mitrovica, les Rroms craignent toujours des incidents éventuels, et cela vaut aussi pour Gjilan/Gnjilane et Ferizaj/Uroševac. Kujtim Paçaku : Selon vous, quelles sont les causes de la persistance de cette situation et de la non-résolution des problèmes des Rroms au Kosovo ? Bashkim Hisari : En tant que militant pour les droits humains qui observe depuis plusieurs années la situation des minorités, je me suis souvent posé ce type de questions. Pourquoi est-ce que le temps passe et que les problèmes dont souffrent les Rroms ne sont pas résolus ? Pourquoi y a-t-il parmi eux tant de pauvres, de sans emploi, et même d’analphabètes ? Pourquoi sont-ils si souvent discriminés ? Qu’est-ce qui leur fait défaut pour atteindre l’égalité avec les autres et afin que leurs problèmes soient résolus efficacement ? Est-ce parce qu’ils n’ont pas de leaders responsables, ou bien pas assez d’intellectuels ? Ou bien parce qu’ils sont trop pragmatiques ? Je n’ai pas trouvé de vraies réponses à ces questions. Quoi qu’il en soit, je pense qu’il faut encore du temps pour arriver à un niveau acceptable de réalisation des droits des Rroms au Kosovo, parce qu’on ne peut pas parler de protection réelle des droits humains tant qu’une bonne partie de la communauté rrom n’aura pas les conditions minimales pour mener une vie normale, tant que ces personnes n’auront pas un toit, un emploi, tant qu’ils n’auront pas la sécurité économique nécessaire et qu’ils subiront différentes formes de violence, aussi faible soit-elle en intensité. Malheureusement, un grand nombre de Rroms ne sont pas rentrés dans leurs maisons, parce qu’elles ont été détruites ou abandonnées après 1999 et n’ont pas été reconstruites, ou alors ne l’ont été que partiellement et pas d’une manière correcte. Beaucoup de Rroms n’ont donc pas de toit. Ils vivent dans des centres collectifs et dans des camps un peu partout : à Plemetina, près de Kastriot/Obilic, au quartier « Kolonia » à Gjakovë/Djakovica, dans trois camps distincts à Mitrovica-Nord, - « Çesmin Llug », « Zhitkovac » et « Kabllar ». La majorité des quelques 1.000 Rroms de ces trois derniers camps ont déménagé depuis peu dans un autre camp, appelé « Osterode », toujours au nord de Mitrovica. Leur sécurité est assurée par la KFOR, la police de la MINUK et le Service de police du Kosovo. Ils peuvent circuler librement et faire les marchés, mais ils sont toujours effrayés par les extrémistes albanais et serbes. D’autres Rroms du Kosovo vivent dans un camp à Albaniku/Leposavic, d’autres encore se sont réfugiés en Serbie, au Monténégro, en Macédoine et dans des pays d’Europe occidentale. Il est difficile d’être optimiste en ce moment et d’attendre des changements rapides de la situation des Rroms du Kosovo, parce que les problèmes qu’ils rencontrent sont présents aussi chez la majorité albanaise. Kujtim Paçaku : Dans quelle mesure les Rroms sont-ils intégrés dans la société kosovare ? Bashkim Hisari : Les Rroms sont en train de s’intégrer dans la société kosovare ; il y a quelques progrès, mais l’intégration n’est pas encore satisfaisante. Ils ne sont pas aussi intégrés que les Bosniaques, les Turcs ou les Ashkalis/Égyptiens. Les Rroms ont leurs propres partis politiques mais ceux-ci ne participent pas au pouvoir, ni au niveau local ni au niveau central. En application des règlements de la MINUK, il y a des places réservées pour les minorités dans les pouvoirs locaux et aussi au Parlement du Kosovo, en proportion avec la population. De cette manière, 20 sièges sont réservés au Parlement pour les minorités. Les Rroms y ont aussi leur représentant, mais ils ne sont pas satisfaits de son travail. Ils estiment en effet qu’il n’a pas fait le nécessaire pour l’amélioration de leur situation générale et pour leur intégration dans la société kosovare. D’un autre côté, il n’existe pas de mécanisme légal pour renforcer la position du représentant d’une minorité lorsque des questions particulièrement pertinentes pour cette minorité sont discutées. Notre étude a montré clairement que parmi toutes les minorités, les Rroms sont ceux qui participent le moins au pouvoir local, également. Même dans des zones où il y a une forte concentration de Rroms, ils n’ont pas de représentants. Kujtim Paçaku : D’après votre analyse, que faudrait-il faire pour améliorer la situation de la communauté rrom au Kosovo ? Bashkim Hisari : D’abord, les institutions provisoires du Kosovo et la MINUK devraient œuvrer plus en ce sens, en améliorant la situation économique, l’éducation, l’emploi, l’accès aux prestations sociales et en mettant en place les dispositifs nécessaires pour l’utilisation de la langue rromani. Il faudrait aussi créer les conditions pour le retour des Rroms déplacés dans leurs foyers. La mise en place des standards, qui vise la réalisation de ces droits, doit continuer. Dans ce processus, la participation active des Rroms est la seule manière d’assurer la protection de leurs droits. Les institutions du Kosovo devraient assurer la participation de la communauté rrom dans le processus de la prise de décisions, tant au niveau local qu’au niveau central. Étant donné que les enfants rroms au Kosovo n’ont pas la possibilité d’être scolarisés en leur langue, le ministère de l’Éducation, de la Science et de la Technologie devrait créer cette possibilité en adoptant le curriculum et en développant le matériel pédagogique en rromani, afin d’assurer à tous les Rroms le droit d’être scolarisés en leur langue. Enfin, les médias kosovars doivent s’ouvrir un peu plus aux Rroms, et ceci de plusieurs manières à la fois : par des programmes consacrés à la culture, à l’histoire et aux traditions des Rroms, qui reflèteraient leurs activités, en intégrant des journalistes rroms et en diffusant en langue rromani, donnant ainsi aux Rroms l’accès à l’information en leur langue.
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AP - Mardi 2 octobre 2007
Un Suisse à la tête de la Mission de l'OSCE au Kosovo BERNE - Tim Guldimann sera le nouveau chef de la Mission de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) au Kosovo. Le diplomate suisse a été nommé par le président en exercice de l'OSCE, le ministre espagnol des Affaires étrangères Miguel Angel Moratinos Cuyaubé, a indiqué mardi le Département fédéral des Affaires étrangères (DFAE). Le DFAE avait soumis la candidature de M. Guldimann à l'OSCE dans le souci de voir plus de Suisses occuper des postes de haut rang dans cette organisation. Ce Zurichois est entré au DFAE en 1982. Au fil de sa carrière diplomatique, il a été en poste au Caire, à Genève et à Berne. De 1996 à 1997, il a dirigé le Groupe de soutien de l'OSCE en Tchétchénie, puis, de 1997 à 1999, il a exercé les fonctions de chef de la Mission de l'OSCE en Croatie. En 1999, le Conseil fédéral l'a nommé ambassadeur de Suisse en Iran et en Afghanistan, avec résidence à Téhéran. En congé depuis la mi-2004, Tim Guldimann a enseigné les sciences politiques à l'Université de Francfort. Créée par décision du Conseil permanent le 1er juillet 1999, la Mission au Kosovo est la plus grande des 19 missions de l'OSCE. Forte d'un effectif d'un millier de personnes, elle s'intègre dans le cadre général de la Mission d'administration intérimaire des Nations Unies au Kosovo (MINUK) et est en charge des questions concernant les droits humains et les droits des minorités, l'Etat de droit, la création d'institutions démocratiques et l'organisation d'élections. AP
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Kosovo : inévitable partition ? Traduit par Mariama Cottrant Publié dans la presse : 20 septembre 2007 Personne n’en parle, tout le monde prétend l’écarter, mais tout le monde y pense de plus en plus : la partition du Kosovo est-elle devenue inéluctable, dans le cas probable d’une accession du territoire à l’indépendance ? Le Nord du Kosovo serait directement rattaché à la Serbie, et les Serbes des enclaves du Sud abandonnés à leur sort. En cas d’accord entre Belgrade et Pristina, la communauté internationale ne pourrait pas s’opposer à ce scénario, pourtant porteur de sérieux risques régionaux. Sur le terrain, les ventes de biens immobiliers se multiplient, comme pour préparer cette hypothèse. Par Branka Trivic Le pont de Mitrovica, symbole de la division (© Jean-Michel Cann) L’Union Européenne (UE) et les États-Unis déclarent que partager le Kosovo en deux serait une mauvaise solution parce qu’elle pourrait avoir des conséquences dangereuses sur toute la région. Cela dit, ils disent aussi constamment qu’ils accepteraient n’importe quelle solution, tant que Belgrade et Pristina sont d’accord, en poussant les deux côtés à sortir des blocages actuels et à proposer de nouvelles idées. Le 11 septembre, l’ambassade américaine à Belgrade à souligné l’engagement de Washington dans les négociations actuelles sur l’avenir du Kosovo, qui doivent prendre fin le 10 décembre prochain. « Pendant cette période d’engagement, les États-Unis sont prêts à accepter n’importe quelle solution sur laquelle les parties seront d’accord », a dit l’ambassade, en ajoutant cependant qu’après la fin des discussions, le statut du Kosovo devra être clarifié promptement. Le premier à briser le « tabou de la partition », le 12 août dernier, a été le représentant de l’UE à la « troïka » des médiateurs, Wolfgang Ischinger. Au moins trois autres hauts dirigeants l’ont suivi, suggérant la possibilité de la partition du Kosovo si une telle solution était acceptée par les deux parties. Officiellement, et le Kosovo et la Serbie ont rejeté l’idée d’une partition, mais cette position est perçue par beaucoup comme intenable à ce niveau du processus. Beaucoup d’observateurs suggèrent que le nord dominé par les Serbes se séparera du reste de l’entité et sera rattaché à la Serbie, si la majorité albanaise du Kosovo déclare l’indépendance. Certains affirment que même le plan Ahtisaari, rejeté par la Serbie, institutionnaliserait la division qui existe déjà, facilitant ainsi le glissement progressif du nord du Kosovo vers la Serbie. Autre vue du pont (© Jean-Michel Cann) La situation sur le terrain semble conforter cette impression. Des échanges de territoire discrets ont déjà eu lieu entre les Serbes et les Albanais au nord et au sud du fleuve Ibar qui coule au milieu de la ville divisée de Mitrovica. Les acteurs internationaux principaux ont rejeté l’option de la partition depuis longtemps, arguant que si les forces étrangères permettent au nord de faire sécession, elles encourageront des tentatives séparatistes de la part des Albanais de la vallée de Presevo en Serbie et de Macédoine, ou de la part des Serbes de Bosnie-Herzégovine, ouvrant ainsi une nouvelle boîte de Pandore de conflits balkaniques. Quels que soient les risques potentiels de la « théorie domino » dans les Balkans, l’Occident n’a pas les cartes en main pour bloquer la partition si les deux parties réussissent à s’entendre sur le sujet. Selon Janusz Bugajski, du Centre Americain d’Études Stratégiques et Internationales, « les États-Unis ont été clairs jusqu’à maintenant sur le fait que la partition n’était pas une possibilité. Néanmoins, on peut présumer que si un accord était conclu sur des échange de territoires ou autres arrangements, ce qui amènerait à un accord entre les deux parties permettant la reconaissance mutuelle des deux États, alors, je suppose que cela deviendrait acceptable pour les États-Unis. » Malgré le fait que Washington et Bruxelles affirment ne pas soutenir ou proposer une partition, Janusz Bugajski commente : « si la situation devenait critique et que les deux côtés se mettaient d’accord là-dessus, il serait difficile d’imaginer comment les internationaux s’y opposeraient ». Daniel Serwer, de l’Institut Américain pour la Paix, ne favorise pas la partition du Kosovo parce que cela déclencherait des réactions en chaîne dans la région, mais il n’exclut pas complètement une telle solution. Il note, cependant, qu’alors que la Serbie serait prête à prendre le nord du Kosovo, elle n’accepterait pas de faire des concessions territoriales dans la vallée de Presevo (à majorité albanaise) en retour. Selon beaucoup d’analystes occidentaux, le gouvernement serbe serait prêt à accepter la partition, malgré la rhétorique « patriotique » quotidienne qui s’y oppose. Face à la possibilité d’un nouveau report sur le statut du Kosovo, qui pourrait provoquer une grave crise russo-americaine, les Albanais aussi pourraient finalement accepter une partition qui, au moins, institutionnaliserait un Kosovo indépendant. « À part quelques rares exceptions, ils veulent tous un Kosovo ethniquement pur », remarque Ian Traynor du journaliste britannique The Guardian. Amitai Etzioni, professeur à l’Université George Washington, rappelle que les efforts de l’ONU dépensés pour créer un État multiethnique ont été « un échec total (...) Les deux peuples sont aussi loin l’un de l’autre qu’avant la guerre, a-t-il dit à Reuteurs. Nous avons besoin de séparation. » Son collègue Steven Mayer, de l’Université de Défense Nationale à Washington, partage la même opinion : « l’évidence que personne ne veut reconnaître, c’est que les Serbes et les Albanais du Kosovo ne veulent pas vraiment vivre ensemble dans un même État... Que cela nous plaise ou non, cela doit être respecté. » Il y a quelques mois, Dimitri Simes écrivait dans le Los Angeles Times qu’« une solution raisonnable serait de trouver un compromis qui serait soutenu par la Serbie, soit en accordant une quasi-complète indépendance, soit en permettant à quelques zones du Kosovo de rester en Serbie, créant ainsi un précédent pour les régions de Géorgie ». Vu que l’indépendance du Kosovo devient de plus en plus probable, certains experts argumentent en faveur d’une « rectification des frontières » entre le Kosovo et la Serbie. Ted Galen Carpenter du Cato Institute, basé à Washington, pense que de laisser la partie nord du Kosovo rejoindre la Serbie serait une stratégie de limitation des dégâts, permettant aussi potentiellement d’empêcher des éléments nationalistes radicaux serbes de déstabiliser la région. Même les experts fondamentalement opposés à la partition prévoient des scénarios potentiels pour le Kosovo qui laissent ouverte la possibilité d’une telle solution dans un avenir pas trop lointain. Selon James Lyon de l’International Crisis Group, la Serbie a déjà planifié la partition. Belgrade voudrait que son alliée, la Russie, bloque le processus du Kosovo pour une durée indéfinie, de façon à ce que les Albanais, de plus en plus frustrés, perdent patience et déclarent l’indépendance. Il est probable que celle-ci serait reconnue par quelques États, dont sûrement les États-Unis, la Grande-Bretagne et quelques autres États qui on déjà indiqué leur soutien à l’indépendance du Kosovo. Les États-membres de l’UE seront sans doute divisés entre eux, incapables d’agir ensemble, comme c’est arrivé souvent dans le passé. A ce moment-là, selon James Lyon, la Serbie fera appel à la Résolution 1244, qui stipule que le Kosovo fait partie de la Yougoslavie, dont le successeur légal est la Serbie. Soutenue par Moscou, Belgrade rappellera son droit de protéger la population serbe, dans le nord du Kosovo, par rapport au régime « illégal » du sud. La partition sera décidée à ce moment-là. Stratégies serbes dans le Nord du Kosovo Quartier rrom de Mitrovica (© Jean-Michel Cann) Le Nord prendra sûrement aussi une position active. Si le Kosovo fait sécession de la Serbie, le nord, dominé par les Serbes, fera sécession du Kosovo, a averti Oliver Ivanovic, le dirigeant serbe du Kosovo, considéré comme relativement modéré. Le Kosovo est déjà divisé de facto entre 1,8 million d’Albanais, qui occupent la plus grande partie du territoire, et à peu près 50 000 Serbes résidant dans un triangle septentrional, soutenus par la Serbie, et qui forment une société parallèle auto-suffisante. Ce sont des soldats français des forces de maintien de la paix de l’OTAN qui surveillent la ligne tendue qui divise la ville de Mitrovica. La mission des Nations Unies n’a qu’une présence minimale dans cettre région, et l’OTAN n’a que 600 soldats allemands et américains dans cette zone. On compte aussi environ 60 000 Serbes résidant dans des enclaves isolées parmi les Albanais, protégés par les troupes de l’OTAN. La Serbie ne manquera pas de tirer partie d’un potentiel exode de masse de dizaines de milliers de Serbes de ces enclaves isolées au sud de l’Ibar, l’utilisant comme un autre argument en faveur de la partition. Les États-Unis et les principaux pays de l’UE devraient soutenir la sécession du Kosovo. Des analyses montrent, tout de même, qu’il reste à voir si l’Occident, risquant un affrontement diplomatique avec la Russie, celle-ci ayant placé le Kosovo sur sa « ligne rouge » de sécurité, va rester sur sa position de reconnaissance de l’indépendance du Kosovo ou choisir de présenter la partition comme « un moindre mal ». Pendant ce temps, le troc des terres continue au ralenti : les Albanais vont au sud et les Serbes au nord. Pour le dire de manière crue, la province est en train de devenir le lieu de « retournements de vestes dissimulés ». Le gouvernement serbe serait en train d’acheter des maisons appartenant à des Albanais au nord du Kosovo avec l’aide d’intermédiaires. Alex Anderson de l’International Crisis Group affirme : « Je n’ai pas vu les papiers, et il y a une réticence du gouvernement serbe à admettre directement ce qu’il fait, mais tout le monde comprend à Mitrovica que c’est bien cela qui se passe ». Pendant ce temps, selon Alex Anderson, la riche diaspora albanaise achète toutes les propriétés serbes dans le centre du kosovo, en payant souvent un prix très élevé. Des analystes soulignent que de telles réalités sur le terrain sont en train de donner des arguments à ceux qui pensent que la partition pourrait procurer une porte de sortie face au bloquage des discussions sur le statut du Kosovo.
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S’il y a partage du Kosovo, il y aura partage de tous les Balkans Traduit par Nerimane Kamberi Publié dans la presse : 28 août 2007 Les Albanais du Kosovo font bloc contre l’hypothèse d’une partition, de plus en plus souvent évoquée dans les milieux diplomatiques... Les responsables de l’équipe de négociations de Pristina souligne qu’un telle option serait l’abandon d’un des trois principes fixés par le Groupe de contact : l’inviolabilité des frontières du Kosovo. Dans ce cas, les autres principes n’auraient plus de raison d’être, le Kosovo pourrait envisager son rattachement à l’Albanie, et un redécoupage général des frontières des Balkans serait à l’ordre du jour. Le commentaire de Koha Ditore. Par Fatmir Aliu Les Kosovars ont une nouvelle fois attiré l’attention de la communauté internationale en déclarant que si les menaces de partage du Kosovo se répètent trop souvent, Prishtina allait aussi adopter une position plus ferme, avec des revendications sur les territoires voisins. Même si personne ne nomme encore ces « territoires voisins » qui seraient affectés par un tel échange, les menaces sont explicites. Certains pays des Balkans ne seraient pas épargnés si de nouvelles frontières du Kosovo étaient tracées à la suite d’un « compromis imposé ». Jeudi, à Vienne, ou elle devra rencontrer la « troïka » diplomatique internationale (USA, UE, Russie), la délégation kosovare va porter le message de la non violation de son intégrité territoriale. Les négociateurs kosovars déclaraient ces derniers jours qu’ils allaient rappeler aux ambassadeurs Frank Wisner (EU), Wolfgang Ischinger (UE) et Alexandre Botsan-Kharchenko (Russie) qu’il ne pouvait y avoir de partage du Kosovo sans partage des autres pays de la région. « Il n’y a pas et il ne peut y avoir de partage du Kosovo. Si de telles tentatives étaient faites, ce serait une aventure très dangereuse, parce que de nombreuses cartes des Balkans devraient être redessinées », a déclaré lundi le porte-parole du groupe unitaire de négociations, Skender Hyseni. Le délégué de l’UE Wolfgang Ishinger avait déclaré lors de la visite de la troïka à Prishtina, le 12 août dernier, que si Prishtina et Belgrade étaient d’accord sur un partage du Kosovo, la communauté internationale donnerait son approbation. Mais Prishtina, dans sa réplique à la déclaration de l’ambassadeur européen, avait été ferme en déclarant qu’elle quitterait les négociations si, d’ici le 10 décembre, les internationaux amenaient une telle idée sur la table. Le groupe de négociation a confirmé qu’il se rendrait au grand complet à Vienne pour la reprise des négociations, et qu’il ne parlerait qu’avec la troïka diplomatique et non pas avec la délégation serbe. Selon le porte-parole du Groupe unitaire, les Kosovars n’espèrent pas beaucoup de ces rencontres, même si les négociateurs ont l’intention de faire comprendre aux négociateurs internationaux qu’il ne pouvait plus y avoir de négociations autour de la question de l’indépendance du Kosovo. Même si la perspective du partage du Kosovo, seulement mentionnée publiquement jusqu’à présent par le diplomate allemand, reste encore une question hypothétique, Prishtina a déclaré que si le Groupe de Contact violait un des principes qui avait guidé tout le processus diplomatique pendant les derniers mois, sous la direction de Maarti Ahtisaari, alors les autres principes ne tiendraient pas non plus. Les trois principes fixés par le Groupe de contact étaient que les frontières du Kosovo ne pouvaient pas être modifiées, que le Kosovo ne pouvait pas se rattacher à l’Albanie et qu’il ne pouvait pas revenir à la situation prévalant avant 1999. « C’est très hypothétique mais si cela se produit, si ce processus est enclenché, il ne se limitera pas au Kosovo. Si le Kosovo perd une partie de son territoire, on ne pourra plus l’empêcher de se rattache à un autre pays (l’Albanie) », a déclaré le porte-parole du groupe de négociations, Skender Hyseni.
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Statut du Kosovo : après l’échec diplomatique, l’option de la partition refait surface Traduit par Jacqueline Dérens Mise en ligne : mardi 14 août 2007 La partition du Kosovo entre zones ethniques albanaise et serbe est une solution possible pour le statut final de la province, a déclaré un représentant de la « troïka » diplomatique dimanche dernier, après une visite à Belgrade et à Pristina. C’est la première fois que l’idée de partition est admise publiquement et retenue comme une hypothèse sérieuse par la communauté internationale. La « troïka » est composée des envoyés spéciaux du Groupe de contact Alexander Botsan-Kharchenko pour la Russie, du diplomate Frank Visner pour les USA et de Wolfgang Ischinger pour l’UE. Les discussions ont commencé le vendredi 10 août à Belgrade et se sont poursuivies à Pristina pendant le week-end. Le représentant de l’Union européenne Wolfang Ischlinger a déclaré dimanche 12 août à des journalistes que le Kosovo pourrait être divisé entre zones albanaise et serbe, si toutes les parties en étaient d’accord. La troïka, a-t-il ajouté, est ouverte à toutes les possibilités. « S’ils le veulent, nous sommes ouverts à toutes les options. Si les deux parties sont prêtes à s’en tenir à une option, celle-ci sera la bonne pour nous. Mais s’ils persistent à maintenir leurs positions initiales, il y a peu de chance d’arriver à un compromis entre les parties qui ont négocié avec le médiateur des Nations unies Martti Ahtisaari, durant toute une année ». Il a ajouté que pendant les quatre mois à venir, la troïka internationale essaierait d’arriver à un consensus entre Pristina et Belgrade sur le statut futur du Kosovo. Selon lui, toute solution de consensus serait aceptée par la communauté internationale. Cette remarque a été accueillie avec scepticisme par certains, des analystes politiques faisant remarquer que la troïka cherchait à masquer sa propre incapacité à trouver un consensus et à prendre des décisions sur la base des propositions de Martti Ahtisaari. La troïka a été mise en place par le Groupe de contact après le rejet par la Russie, alliée traditionnelle de la Serbie, de la résolution du Conseil de sécurité qui proposait une indépendance du Kosovo sous contrôle international. Cette troïka doit essayer de rapprocher les deux parties, et d’avancer vers une solution acceptable pour le statut de la province, après une période de nouvelles négociations de 120 jours entre Belgrade et Pristina. À la fin de cette période, la Troïka présentera un rapport au Conseil de sécurité le 10 décembre. Mais, selon l’analyste Ilir Dugolli, la position de la Serbie a peu de chance d’évoluer et la grande question est de savoir ce que feront les Kosovars et la communauté internationale après le 10 décembre, et quelles seront les réactions des autres parties au cours du processus. De leur côté, les dirigeants albanais ont dit qu’ils ne céderaient rien de leurs positions initiales pendant ces nouvelles négociations. Skender Hyseni, le porte-parole de l’équipe unitaire de négociations de Pristina, qui est composée de hauts responsables politiques de différents bords, a déclaré que « l’équipe unitaire considère cette visite comme très importante car elle marque le début des 120 jours de nouvelles négociations pour trouver une solution à la question du statut du Kosovo ». Cependant, a-t-il ajouté, « l’équipe unitaire s’en tiendra à ses principes fondamentaux au cours des prochaines discussions ». Ces principes qui ne sont pas négociables avec Belgrade sont les suivants : indépendance du Kosovo, intangibilité des frontières et solution basée sur les propositions de l’envoyé spécial des nations unies. Selon le plan de Martti Ahtisaari, une indépendance sous supervision internationale devrait être accordé au Kosovo. Ce plan a reçu le soutien des USA et de l’UE, mais il a été rejeté par la Serbie et la Russie.
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Le suicide, un nouveau fléau pour le Kosovo Traduit par Benoît Frogerais Publié dans la presse : 4 juin 2007 Traditionnellement très rares au Kosovo, les suicides sont en constante augmentation depuis la fin de la guerre. Pour beaucoup, les traumatismes du conflit ne se sont pas refermés. Et dans une société minée par la pauvreté et le chômage, les jeunes ont perdu tous leurs repères. Par Nora Hasani et Zana Limani Lorsque Fjolla, 20 ans, parle de son amie qui s’est suicidée il y a 4 ans, son regard se trouble. « J’étais choquée, je n’arrivais pas à y croire », dit-elle. « Je n’aurais jamais pensé qu’elle aurait pu faire une chose pareille ; elle était si pleine de vie » ! L’amie de Fjolla, âgée de 15 ans, est l’une des 356 suicidés, pour une population de 2 millions, enregistrés entre 2000 et 2006. Beaucoup d’autres ont essayé d’attenter à leur vie et ont échoué, d’après les dossiers des services de police. Fjolla se remémore les dernières fois où elle a parlé avec son amie. « Elle était enthousiaste comme à son habitude et semblait être heureuse... Elle avait l’air tout à fait normale. », déclare-t-elle en se reprochant de ne pas s’être rendu compte que quelque chose clochait. D’après les experts, les traumatismes dus à la guerre sont une des raisons principales de la forte augmentation du nombre de suicides au Kosovo, où le phénomène était à peine connu avant 1999. « Les véritables signes du traumatisme ne sont pas forcément visibles et ils peuvent ne se manifester qu’après une longue période », déclare Aliriza Arenliu, psychologue, en s’appuyant sur le fait que, bien que la guerre soit finie depuis plus de sept ans, la population en ressent toujours les effets. Certains experts considèrent que l’augmentation du nombre de suicides est liée à l’isolation croissante des personnes et à la décomposition familiale. Ils soulignent que dans le passé, les liens familiaux étaient plus resserrés et que les relations étaient plus clairement structurées. A l’époque, le Kosovo avait le taux de suicide le plus faible de la région et les rares cas faisaient date, les Kosovars considérant traditionnellement le suicide comme un déshonneur et un péché. Mais au Kosovo, depuis 1999, le rôle de la famille a radicalement changé lorsque la vie villageoise fut totalement désorganisée par l’exode forcé des Albanais vers les pays voisins. Linda Gusia, sociologue, considère que les migrations de populations à l’intérieur et à l’extérieur du Kosovo sont responsables de cette décomposition familiale. « Les gens ont commencé à se renfermer sur eux-mêmes et cette atomisation de la société a mené les gens à se sentir seuls, isolés et abandonnés », déclare-t-elle. Même avant 1999, la société avait été érodée par les influences extérieures. La répression politique pratiquée pendant 10 ans (1988-1999) par le régime serbe a soumis de nombreux Kosovars à une pression sans précédent. Puis le régime se durcit encore lorsque le conflit avec les militants albanais éclata. Les combats ont mené au déplacement d’environ un million de personnes durant les bombardements de l’OTAN et l’armée serbe est responsable de la mort d’une dizaine de milliers de personnes. La société de l’après-guerre ne s’en est toujours pas remise. D’après Linda Gusia, « au Kosovo, la vie quotidienne est liée d’une manière ou d’une autre à la guerre ». « La plupart des suicides ont lieu dans les régions qui ont connu les pires combats de la guerre, comme la Drenica », déclare Fidaie Krasniqi de l’organisation Degjo Rinine (A l’écoute des Jeunes). Elle ajoute que « les gens de la Drenica ne se souviennent que d’un cas de suicide avant 1999, alors qu’il y en a eu 54 depuis la guerre ». D’après Krasniqi, la plupart étaient d’anciens combattants de l’Armée de Libération du Kosovo (UCK), qui se sont trouvés désoeuvrés et sans perspectives d’avenir une fois la guerre terminée. D’après Ferid Agani, psychiatre, les traumatismes provoqués par la guerre ne sont pas les seules causes de suicides. D’autre facteurs psychologiques et sociaux, comme la pauvreté et le chômage, peuvent également mener au suicide. Huit ans après la guerre, le Kosovo est plongé dans le marasme économique. Les estimations de la Banque mondiale classent 37% de la population comme « pauvre », c’est-à-dire vivant avec moins d’1,42 euro par jour. 15% de la population vit en-dessous du seuil de pauvreté extrême avec 0,93 euro par jour. Beaucoup pensent que ces statistiques alarmantes, considérant que le Kosovo a la population la plus jeune d’Europe (50% de la population a moins de 30 ans) et que peu d’entres eux trouveront du travail, créent un nouveau cadre pour d’autres traumatismes. « Nous avons perdu l’illusion que la liberté allait régler tous nos problèmes peu après la guerre », déclare Linda Gusia. Elle ajoute que « le Kosovo est un petit pays qui a peu à offrir et c’est pour cela que je comprends que le gens ne puissent se projeter dans l’avenir et se sentent perdus ». Les statistiques montrant la hausse du taux de suicide soulignent clairement le besoin d’une stratégie de prévention officielle. « Ce projet est dans notre agenda et nous y travaillons », déclare Ismet Abdullahu, du ministère de la Santé du Kosovo, qui a expliqué que la prévention des suicides faisait partie d’un projet général sur la santé mentale. Mais le gouvernement sans budget du Kosovo n’a aucunement la possibilité d’offrir des services aux personnes traumatisées. De plus, la plupart des Kosovars voit toujours le recours à l’aide psychologique comme quelque chose de très embarrassant et non comme un service. Fjolla est désolée que son amie n’ait pas parlé de ses problèmes, à elle ou à quelqu’un d’autre. « C’est terrible que le fait de demander de l’aide soit mal perçu au Kosovo. Les gens qui ont besoin d’aide devraient en chercher », dit-elle. « Prévenir le suicide est possible », déclare Gusia. « La façon la plus efficace d’éviter un suicide est de reconnaître les signes annonciateurs, de les prendre au sérieux et de chercher une aide professionelle. » Certaines ONG tentent de remplir le vide laissé par le ministère de la Santé. Dans le Balkan Insight, Krasniqi déclare que son organisation a ouvert une hotline pour les jeunes en décembre dernier. Depuis lors, ils ont conseillé et informé plus de 350 jeunes désespérés. Elle ajoute que « la plupart d’entre eux avaient des pensées suicidaires ». Fjolla espère qu’elle n’entendra plus jamais parler de cas comparables à celui de son amie. « Cela lui est arrivé mais je souhaite que cela n’arrive à personne d’autre », nous confie-t-elle.
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Albanaise, serbe ou kosovare, quelle est l’identité du Kosovo ? Traduit par Benoît Frogerais Publié dans la presse : 24 mai 2007 Existe-t-il vraiment une identité kosovare ? Est-on d’abord albanais, serbe ou citoyen du Kosovo ? En cas d’indépendance de la province, sera-t-il possible de créer une nation kosovare autour de symboles identitaires communs ? Un pari ambitieux qui divise déjà les communautés, même du côté albanais... Par Krenar Gashi Kujtim Salihu, un étudiant albanais du Kosovo, participe à une compétition internationale à Vienne, mais il n’a aucune idée de la nation qu’il représentera. « Sur ma carte d’identité, il est écrit Kosovo UNMIK », nous dit Kutjim. Mais cette désignation n’est pas faite pour lui plaire. Kutjim, par exemple, dit qu’il est albanais et que le Kosovo n’est qu’une région géographique où vivent les Albanais. Mais nombreux sont ses compatriotes à être en désaccord avec ce point de vue. Ils considèrent être les membres d’une nation kosovare. Bien que la décision de l’ONU concernant l’indépendance du Kosovo soit proche, un consensus sur ce sujet épineux paraît plus que jamais improbable. Les tentatives internationales pour faire dialoguer le Kosovo et la Serbie sur le statut de la région ayant échoué, un diplomate de l’ONU a proposé que le Kosovo devienne indépendant, mais sous supervision internationale. Bien que la Russie y soit opposée, le Conseil de sécurité semble être près à suivre cette voie et à créer un Kosovo indépendant, sans savoir à quelle nation sa population veut appartenir. En 1999, durant les combats opposant la Serbie aux forces de l’OTAN, Fadil a émigré aux États-Unis. Il ne se considère pas du tout comme un Albanais. « Je suis un Kosovar », dit-il fièrement. Il approuve les éléments du plan de l’ONU disant que le Kosovo doit avoir son propre hymne et son propre drapeau. D’après Nexhmedin Spahiu, analyste politique et défenseur de l’identité kosovare, ces symboles clés doivent être créés aussi vite que possible. « Il se pourrait que très bientôt, les Présidents du Kosovo et de la Serbie aient à se rencontrer et que le Kosovo n’ait pas de drapeau », a-t-il récemment écrit dans une de ses chroniques. Le débat populaire portant sur l’aspect du drapeau et le choix de l’hymne a pris une ampleur considérable. De nombreux artistes ont conçu des drapeaux. Mais de nombreux habitants ont déjà leur drapeau, à savoir le drapeau de l’Albanie avec son fond rouge et son aigle bicéphale. « Je ne ressentirai rien de spécial pour le drapeau d’un futur État kosovar », déclare Kutjim. « J’apprendrai à mes enfants que notre drapeau est le drapeau albanais. » Les Albanais du Kosovo ont une tendresse particulière pour leur drapeau car durant l’époque communiste, il leur était interdit d’utiliser des symboles nationaux. Le drapeau est alors devenu un symbole de la lutte pour la liberté, dans tous les sens du terme. Cependant, ils n’ont pas de véritables liens avec l’Albanie, qui a d’ailleurs eu une politique étrangère très isolationniste de la Seconde Guerre mondiale à la fin des années 1990. Certains habitants du Kosovo considèrent qu’ayant été élevés en-dehors de leur communauté ethnique, ils ne peuvent faire partie de la même nation. « Nous sommes tout simplement très différents des Albanais d’Albanie », nous dit Fadil. Les hommes politiques ont promis que le Kosovo serait un pays pour tous les citoyens, peu importe leur groupe ethnique. Et c’est cela, d’après Spahiu, ainsi que les nouveaux symboles, qui créeront spontanément une nouvelle nation. Il a d’ailleurs cité les cas de la Suisse et des États-Unis, des nations dans lesquelles vivent différents groupes ethniques. Dans une interview accordée au Balkan Insight, Spahiu déclare que « la proposition de l’ONU pose la première pierre de la nation kosovare en affirmant qu’elle doit avoir ses propres symboles. Cela signifie que le Kosovo deviendra à la fois un État et une nation ». « Lorsque la majorité de la population vivant sur un territoire décide de prendre part à une structure politique, de faire partie d’un État, alors cet État peut être considéré comme une nation. Certains ne se sentiront peut-être pas membres de cette nation, mais elle sera créée si elle réunit la majorité de la population. » Mais il s’avérera sans doute difficile de convaincre les deux groupes ethniques qu’ils sont d’abord Kosovars et ensuite autre chose. « Je ne me définirai jamais comme étant un Kosovar », nous dit un jeune Serbe du Kosovo. « Cela voudrait dire que je trahis ma nation et que je deviens un Albanais ». Et certains Albanais du Kosovo voient le problème de la même façon. Sur le forum Pristhina-TEAM, Bardhi, un étudiant, déclare : « si les Albanais du Kosovo deviennent des Kosovars, je me ferai recenser en tant que membre de la minorité albanaise vivant au Kosovo. »
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Quel programme pour la délégation du Conseil de sécurité au Kosovo ? Traduit par Persa Aligrudic Publié dans la presse : 24 avril 2007 La mission du Conseil de sécurité des Nations Unies arrive jeudi à Belgrade. Elle se rendra ensuite à Pristina. La délégation rencontrera les plus hauts responsables politiques serbes et albanais, ainsi que l’administration internationale, mais son programme exact n’est pas encore connu. Point le plus débattu : la délégation se rendra-t-elle dans les enclaves serbes ? Par R.D. La mission du Conseil de sécurité des Nations Unies, qui doit évaluer la situation sur le terrain avant le débat sur le futur statut du Kosovo, se rendra à Belgrade et à Pristina à partir de jeudi 27 avril. La mission sera menée par l’ambassadeur de Belgique aux Nations Unies, Johan Werbeke, et la délégation comprendra les ambassadeurs des 15 pays membres du Conseil de sécurité. La délégation devrait arriver à Belgrade le jeudi 26 avril et être à Pristina le vendredi 27, mais le programme précis de la visite n’est pas encore communiqué. Le journal de Pristina Zeri a annoncé lundi 23, en se basant sur des sources diplomatiques, que la délégation du Conseil de sécurité séjournera deux jours au Kosovo et s’entretiendra avec les plus hauts dirigeants de Pristina et les représentants des missions internationales. Elle se rendra aussi dans quelques agglomérations du Kosovo. À Belgrade, la mission qui arrive de Bruxelles, rencontrera les plus hauts dirigeants serbes puis, après Pristina, elle se rendra à Vienne pour y rencontrer l’émissaire spécial des Nations Unies, Martti Ahtisaari, annonce Zeri. Le bureau belge à Pristina annonce que la mission aura trois priorités : tout d’abord s’informer sur le terrain de l’application de la Résolution 1244 et du respect des standards, de tenir des réunions avec les représentants des institutions et des partis politiques ainsi qu’avec les membres des communautés minoritaires et, enfin, de discuter avec les institutions internationales au Kosovo et les représentants de Bruxelles. La mission vient à Belgrade et à Pristina à l’initiative de la Russie, qui s’oppose à une solution imposée pour le Kosovo qui serait pas acceptable pour les deux parties, et qui insiste, avant toute décision sur le statut du Kosovo, pour que soit vérifiée la mise en application de la résolution 1244, y compris le retour des réfugiés. Les hauts dirigeants serbes insistent pour que la mission du Conseil de sécurité se rende aussi dans les enclaves serbes du Kosovo, et l’ambassadeur de Serbie auprès des Nations Unies, Pavle Jevremovic, a officiellement transmis cette demande. Le vice-président de l’équipe de négociations de Belgrade, Slobodan Samardzic, a déclaré ce lundi que, bien que le programme de la visite de la mission du Conseil de sécurité au Kosovo ne soit pas encore fixé, il espérait néanmoins que les représentants de la mission feraient le tour des enclaves serbes dans la province. Le Président de Serbie Boris Tadic a lancé un appel aux diplomates des Nations Unies pour qu’ils visitent les enclaves serbes les plus menacées, afin de se rendre compte de la situation réelle qui prévaut au Kosovo. Kostunica : menaces inacceptables des « terroristes » Le Premier ministre de Serbie Vojislav Kostunica pense que la visite de la mission du Conseil de sécurité au Kosovo est le premier pas important accompli pour engager un nouveau processus de négociation, mené par un nouveau médiateur international : « Nous laissons derrière nous l’échec de la proposition d’Ahtisaari, et l’initiative russe axée sur une estimation générale du respect des standards devient une base réaliste pour un nouveau processus de négociations », a déclaré Vojislav Kostunica à l’agence Beta. Par ailleurs, Vojislav Kostunica a estimé que les menaces de violence des « terroristes », si la province n’obtenait pas l’indépendance, étaient inacceptables : « Aux menaces de violence prononcées par les terroristes au cas où la province ne serait pas indépendante, il n’y a qu’une seule réponse, qui devrait être la position commune et de la Serbie et de la Russie et de tous les États membres du Conseil de sécurité, en particulier de ses membres permanents : il faut que la communauté internationale soit plus forte que le chantage et les menaces des terroristes, et qu’elle soit capable et résolue à garantir la paix dans la province et à sanctionner tous ceux qui osent recourir à la violence ». Cependant, l’Occident et les Albanais du Kosovo rejettent toute idée de nouvelles négociations sur le Kosovo, et espèrent que le règlement final du statut sera décidé d’ici la fin de l’été. Au Kosovo, on estime que l’arrivée de la mission du Conseil de sécurité contribuera à l’accélération du processus de règlement du statut, car les membres de la délégation seront informés de la véritable situation sur le terrain, bien que le rôle de la MINUK soit d’en informer régulièrement le Conseil de sécurité des Nations Unies. Agim Ceku, le Premier ministre du Kosovo, a exprimé l’espoir que la visite de la mission serait l’occasion pour les États membres du Conseil de Sécurité d’être informés des progrès réalisés par le Kosovo, et de dissiper les doutes éventuels sur la proposition de Martti Ahtisaari, qui prévoit l’indépendance du Kosovo sous contrôle. L’Association des Serbes déplacés et exilés du Kosovo a annoncé qu’à l’arrivée de la mission des Nations Unies, elle allait organiser un rassemblement de protestation sur la frontière administrative avec le Kosovo, en exigeant le droit au retour dans la province.
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Statut du Kosovo : un dangereux casse-tête pour l’Union européenne Traduit par Jean-Arnault Dérens Publié dans la presse : 12 mars 2007 Les négociations d’un an sur le statut du Kosovo se sont soldées par un échec complet. La question relève désormais du Conseil de Sécurité. Les diplomates occidentaux n’espèrent plus qu’une chose : amadouer la Russie. Si Moscou oppose son veto et bloque le processus, l’Union européenne, divisée, encore une fois incapable de prendre une décision, se retrouvera dans une situation très inconfortable. Par Augustin Palokaj Puisque Belgrade et Pristina, en un an de discussions n’ont réussi à s’entendre sur rien à propos du statut final du Kosovo, il reviendra au Ghana, au Pérou, au Qatar, au Congo, au Panama et à l’Indonésie de décider de ce statut. Ce n’est pas une plaisanterie, c’est la plus stricte vérité. Ces pays - en plus des cinq membres permanents, les USA, la Russie, la Chine, la France et la Grande-Bretagne - composent le Conseil de sécurité des Nations Unies qui devra adopter la résolution sur le statut du Kosovo. Pour que la résolution soit adoptée, il faut que vote en sa faveur la majorité des États représentés au Conseil (9 sur 15), et qu’aucun membre permanent n’oppose son veto. En supposant avec optimisme que, dans le meilleur des cas, la Russie et la Chine ne s’opposeront pas à une résolution ouvrant la voie à une indépendance reconnue du Kosovo, soutenue par les États occidentaux, la décision dépendra encore du vote des pays africains, asiatiques et latino-américains. La responsabilité de la communauté internationale est grande, et l’Union européenne, indécise comme toujours dans son histoire, attend l’issue du processus devant le Conseil de Sécurité, afin de pouvoir commencer sa future mission de supervision de la mise en œuvre d’une indépendance limitée du Kosovo. Les discussions sur le futur statut du Kosovo se sont achevées à Vienne samedi dernier et Martti Ahtisaari, l’ancien Président finlandais, un des négociateurs les plus expérimentés du monde, a dû lui-même constater qu’il n’existait « aucune possibilité de rapprocher les positions des deux parties sur le statut du Kosovo », et que « toutes les possibilités avaient été explorées jusqu’au bout ». Martti Ahtisaari avait pourtant réussi à régler un grand nombre de problèmes mondiaux, depuis la Namibie jusqu’à Aceh, en Indonésie. Récemment, il a déclaré devant le Parlement européen qu’il espérait régler le statut du Kosovo, et qu’il n’allait pas s’avérer plus facile de régler des problèmes en Asie ou en Afrique qu’un problème européen. De fait, la résolution du statut du Kosovo est un des problèmes les plus difficiles de l’Europe. Après que Martti Ahtisaari a déclaré, au terme d’un an de travail, que toutes les possibilités avaient été explorées pour une solution négociée, et alors que l’OTAN, l’UE et beaucoup d’États occidentaux soutiennent le plan de l’ancien Président finlandais, il est clair qu’il ne reste plus qu’une seule façon de résoudre le problème. Martti Ahtisaari présentera sa dernière proposition au Secrétaire général de l’ONU Ban Ki-Moon dès le 15 mars. Selon les diplomates engagés dans le processus de résolution du statut, cette proposition sera aussitôt traduite dans toutes les langues des États membres du Conseil de Sécurité et remise au Conseil avant la fin du mois. C’est alors que commencera la vraie bataille pour une nouvelle résolution. Les Etats-Unis et la Grande-Bretagne insisteront pour l’adoption la plus rapide possible d’une nouvelle résolution, car ils considèrent que tout report du processus serait dangereux pour la stabilité du Kosovo et de la région. Cette position est largement partagée par l’Italie et la Belgique, qui sont également membres du Conseil de Sécurité, et par la majorité des États membres de l’UE et de l’OTAN. Les Américains veulent une solution rapide, car ils considèrent que les habitants du Kosovo ont déjà trop attendu, et qu’il est temps qu’ils sachent quel sera leur avenir. Vivront-ils, comme le résumait le sous-secrétaire d’État Nicholas Burns, « dans un État indépendant ou seront-ils une partie de la Serbie » ? Depuis longtemps, la Grande-Bretagne soutient l’indépendance du Kosovo. Tous les responsables de ce pays ont déclaré que c’était la meilleure et la seule solution, depuis le Premier ministre Tony Blair, l’ancien ministre Jack Straw, jusqu’aux fonctionnaires de moindre niveau du Foreign Office. Les Américains ont expliqué de manière officieuse qu’ils étaient pour une forme d’indépendance limitée et, récemment, les Italiens, jusqu’alors sceptiques, ont déclaré par la voix de leur ministre des Affaires étrangères, Massimo d’Alema, que le statut final devait être ce que souhaitait la majorité des habitants du Kosovo, c’est-à-dire l’indépendance. Cette position est également celle de la France et de l’Allemagne, membres du Groupe de Contact. Ainsi, il est désormais clair que le facteur central sera la position de la Russie. Si elle décidait de ne pas bloquer le processus, tout le monde serait content, sauf Belgrade. Mais si Moscou utilise son veto et bloque l’adoption d’une nouvelle résolution, on ne peut pas exclure un « scénario cauchemar », qui terrorise l’Union européenne. Vraisemblablement, les institutions du Kosovo parviendront à attendre jusqu’à la fin juin une décision du Conseil de Sécurité. S’il n’y a pas de décision prise à ce moment, elles proclameront l’indépendance et demanderont des reconnaissances bilatérales. Très vraisemblablement, cette indépendance sera reconnue par la Grande-Bretagne, les USA, Israël, la Suisse, l’Albanie et quelques autres pays... Dans cette hypothèse, l’UE serait divisée et ne serait pas en mesure de commencer sa mission. L’Union montrerait une nouvelle fois son incapacité à prendre une décision difficile, alors que la question du Kosovo est perçue comme « la dernière question non résolue dans le processus d’éclatement de l’ancienne Yougoslavie ». Dans ce scénario, les institutions du Kosovo ne suivraient pas les recommandations de Martti Ahtisaari. Ainsi, la majorité des Kosovars pense que le projet de l’émissaire des Nations Unies donne trop d’avantages à la minorité serbe au Kosovo. L’Europe est terrorisée par la perspective d’un échec devant le Conseil de Sécurité, ce que révèle encore la récente déclaration du commissaire à l’Élargissement Ollie Rehn, qui estime que si la question du Kosovo n’est pas résolue, « les Balkans retourneront dans le chaos et l’instabilité ». Les diplomates européens expliquent qu’ils essayent par tous les moyens d’obtenir le soutien russe à une nouvelle résolution, ou au moins que Moscou ne bloque pas l’adoption de cette résolution. Toute la question est de savoir si Poutine tiendra compte du casse-tête qu’il crée à l’Europe s’il empêche une solution pour le Kosovo, ou bien s’il se félicitera de révéler ainsi l’impuissance de l’Occident. Alors que certains diplomates pensent « qu’il va agir de manière responsable et éviter le chaos au Kosovo », d’autres estiment que « l’Occident ne peut pas dépendre de la décision de Poutine ». Pour ce qui est des délégations de Belgrade et de Pristina, personne n’a jamais cru qu’elles pouvaient se mettre d’accord sur quoi que ce soit. Au bout d’un an de discussions, la seule chose sur laquelle elles ont pu se mettre d’accord est le partage des frais de la salle où étaient organisées les conférences de presse. C’est le seul accord « historique » conclu entre Belgrade et Pristina. La forte animosité qui régnait entre les deux délégations a été encore révélée par l’incident de samedi dernier. Le Premier ministre serbe Vojislav Kostunica a refusé de déjeuner dans la même salle que la délégation du Kosovo. Certains diplomates se demandaient cependant si Kostunica avait refusé l’invitation de Martti Ahtisaari à cause de la présence des Albanais, ou bien à cause de la présence de Boris Tadic, ou de celle de Martti Ahtisaari, ou bien encore pour toutes ces raisons à la fois.
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Violences au Kosovo : qui est responsable ? Traduit par Nerimane Kamberi Publié dans la presse : 13 février 2007 Le chef de la MINUK, Joachim Rücker, n’a fait aucun commentaire sur les violences qui ont ensanglanté Pristina samedi dernier. Si l’administrateur international n’est pas au courant, il faut lui signaler que les manifestations ont eu lieu à Pristina, pas sur la Lune. Si la mort de deux Kosovars ne mérite même pas une déclaration de sa part, alors qu’il aille sur la Lune. L’éditorial de Flaka Surroi pointe les responsabilités des uns et des autres dans le drame : celles de Vetëvendosja, et celles de la MINUK. Par Flaka Surroi Mardi, nous avons été témoins d’un geste moral effectué par l’un des membres du gouvernement : Fatmir Rexhepi, le ministre de l’Intérieur a donné sa démission. Cette démission s’est accompagnée d’une déclaration mesurée, mais aussi d’un message : « les responsabilités ne sont pas dans les mains des Kosovars ». Alors que le ministre offrait sa démission, les organisateurs de la manifestation tragique ont annoncé de nouvelles manifestations, et ont expliqué la véritable cible de celle du 10 février : « les voitures luxeuses des institutions et du Groupe de négociation ». Alors qu’ils accusaient encore une fois la police des violences de samedi, délibérées ou non, ils ont démenti leurs déclarations précédentes, qui assuraient que la manifestation avait un but pacifique. À moins que l’intention d’endommager ou de saccager la propriété publique ne soit considérée comme un moyen pacifique de manifester. Si le but de la manifestation était bien ce que l’on vient d’apprendre, les manifestants connaissaient-ils l’intention des organisateurs ? Dans l’affirmative, c‘est consciemment qu’ils ont essayé de forcer le cordon de sécurité. Si non, il est évident qu’ils se sont jetés la tête la première dans un piège très dangereux, dont est responsable le groupe qui a organisé la manifestation. D’un autre côté, le déploiement de forces que l’on a vu samedi, police des Nations Unies et police du Kosovo, avec des automobiles blindées, des gilets pare-balle, des boucliers, différentes sortes d’engins pour catapulter les gaz lacrymogènes, était-il vraiment nécessaire ? La question est de savoir si la réaction de la police avait vraiment besoin d’être aussi violente. La police des Nations Unies est-elle irresponsable ? Pour poser la question d’une autre façon, a-t-on bien réfléchi avant de donner l ’ordre aux membres de la police spéciale, originaires d’Ukraine ou de Roumanie, de s’aligner au premier rang et de repousser les manifestants comme ils l’ont fait ? Et si cette décision a été prise délibérément, quelqu’un va-t-il rendre des comptes pour la mort des deux manifestants et les dizaines d’autres blessés ? Ce sont queques unes des questions auxquelles nous n’avons pas de réponses, et pour lesquelles nous avons le droit d’entendre la vérité. On sait que la Direction de la police a engagé une enquête contre les policiers du Service de police du Kosovo (SHPK / KPS), mais rien n’indique qu’une enquête semblable soit ouverte contre les policiers internationaux. Personne n’a déclaré officiellement qu’une telle enquête allait être menée au sein des institutions internationales. Seul le Premier ministre du Kosovo a demandé une enquête. Et, bien sûr, il n’a aucune autorité ni sur la MINUK, ni sur la police internationale. Ces trois derniers jours, nous avons entendu les déclarations des porte-paroles et des dirigeants des institutions et des partis. Nous avons entendu la déclaration du commissaire de police de la MINUK, mais pas celle de son adjoint kosovar, nous avons entendu la déclaration du représentant des Cinq, mais pas de déclaration de l’Administrateur Ruecker ou de son adjoint. Où est Joachim Rücker ? Il est plus qu’insultant que celui qui administre le Kosovo, auquel le Cadre constitutionnel accorde des pouvoirs absolus, ne se soit pas exprimé officiellement, soit personnellement soit au moins par le truchement de son porte-parole. Il est proprement désespérant que cet adjoint américain qui, lorsqu’il doit aller tirer l’oreille aux représentants des institutions kosovares, sache très bien se servir des médias pour faire passer son message, ne soit pas apparu publiquement pour exprimer ses regrets sur ce qui s’est passé. Rücker et son adjoint croyaient peut-être que l’histoire se souviendrait d’eux comme les derniers administrateurs internationaux du Kosovo, qui ont réussi une transition paisible vers le statut final, sans problème et en apparaissant dans les médias juste pour montrer que le Kosovo avait un Représentant Spécial. Les événements tragiques de samedi ont détruit ces belles illusions. Si l’administrateur international n’est pas au courant, il faut lui signaler que les manifestations ont bien eu lieu à Pristina, pas sur la Lune. Et si la violence et la mort de deux Kosovars ne méritent même pas une déclaration de sa part, alors qu’il aille sur la Lune. Leur insultant manque d’égards confirme la déclaration du ministre, qui disait que « les compétences de sécurité ne sont pas dans nos mains ». Elles sont dans les mains de ceux qui devraient trouver le temps d’écrire des messages, au moins par courrier électronique, s’il ne sont pas au Kosovo. Elles sont dans les mains de ceux qui doivent ajouter quelques noms de fonctionnaires internationaux sur la liste commencée par le ministre de l’Intérieur. D’ailleurs, ils devraient commencer par s’inscrire eux-même sur cette liste.
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Statut du Kosovo : la Macédoine fait ses comptes Traduit par Ana Acevska Publié dans la presse : 12 février 2007 Quel sera l’impact économique du futur statut du Kosovo ? C’est la question que se posent les hommes d’affaires de Macédoine. Certains craignent une augmentation des frais de douanes et une concurrence plus dure. D’autres s’attendent au contraire à une plus grande liberté de circulation des biens. Par Aleksandra Filipovska La résolution prochaine du statut de Kosovo ne suscite pas l’optimisme du côté des entreprises macédoniennes en ce qui concerne les possibilités d’accroître et de renforcer les relations commerciales avec leurs partenaires kosovars. Même si plusieurs signaux suggèrent que le Kosovo ouvre beaucoup d’opportunités, peu d’entrepreneurs macédoniens savent comment en tirer profit. Ceux qui connaissent la situation économique du Kosovo le considèrent comme un terrain favorable pour les entreprises macédoniennes. « Nous avons besoin d’une ‘offensive’ économique grâce à la Chambre de Commerce macédonienne. La possible indépendance du Kosovo ne limitera pas l’exportation des produits macédoniens. Tout dépend de ce que nous proposons », dit l’un d’entre eux. L’Etat macédonien ne dispose pas de statistiques sur les échanges commerciaux avec le Kosovo. D’après les données kosovares, le montant des biens exportés de la Macédoine vers Kosovo l’an dernier a été d’environ 220 millions d’euros alors que les exportations du Kosovo vers la Macédoine se sont élevées à 10 millions d’euros. La Macédoine est le premier partenaire commercial du Kosovo. Mais les hommes d’affaires macédoniens craignent que l’indépendance du Kosovo diminue les échanges commerciaux avec la Macédoine. Ils s’inquiètent d’une potentielle augmentation des droits de douanes et de la concurrence des entreprises d’autres pays qui n’ont pour l’instant qu’un accès limité au Kosovo. Des membres de l’Union des chambres économiques confirment que la détermination du statut de Kosovo aura une influence sur le développement économique de toute la région. « Certains de nos membres pensent que les échanges resteront à leur niveau actuel. D’autres prévoient une diminution car le Kosovo ouvrira ses portes à d’autres sociétés qui jusqu’ici doivent passer par les entreprises macédoniens », explique Nikola Eftimov, le directeur de l’Union des chambres économiques. Les membres de la Chambre économique de Macédoine préfèrent attendre. Ils affirment que, pour le moment, les échanges restent à leur niveau normal, mais ils ignorent ce qui se produira à l’avenir. Se protéger par des accords Rade Trajkovski, le propriétaire de Globus, une société de boucherie en gros, qui a exporté ses produits au Kosovo jusque tout récemment, explique que les échanges dépendront du statut. « L’indépendance du Kosovo pourrait mener à une augmentation des droits de douane. C’est ce que semble montrer des tentatives récentes d’augmentations. Si cela ne se produit pas, les échanges devraient rester les mêmes, ou augmenter un peu », avance-t-il. Selon lui, le problème majeur de la coopération avec les entreprises kosovares est le règlement des factures. « Nous avons arrêté l’export vers le Kosovo car nous avions des problèmes de paiement », affirme-t-il. Dans la communauté albanaise de Macédoine, les hommes d’affaires sont optimistes. Pour Xhemail Dauti, le président de la Chambre économique pour le Nord-ouest de la Macédoine, la détermination du statut du Kosovo renforcera les relations entre les entreprises macédoniennes et kosovares. « Le fonctionnement indépendant des organes au Kosovo augmentera le commerce car il facilitera la circulation des biens et des idées », juge-t-il Les observateurs avisés de la situation du Kosovo ne partagent pas l’opinion des propriétaires macédoniens. Pour eux, les accords passés entre la Macédoine et le Kosovo, négociés avec la MINUK, sont avantageux pour Pristina. « Nous avons besoin d’accords sur la protection des investissements et sur la double imposition. Les entreprises macédoniennes doivent se protéger et garantir le paiement de leurs exportations. On ne devrait pas conclure d’accords sur une base amicale », explique l’un d’entre eux. Au Ministère de l’Economie, on s’attend à ce que les échanges commerciaux avec le Kosovo continuent dans le cadre de l’actuel accord bilatéral de commerce temporaire, qui prévoit une libéralisation totale à partir du premier janvier prochain. D’après les données de la Direction des douanes, les produits les plus exportés au Kosovo sont les dérives de l’huile, le ciment, les produits à base de sucre, les détergents, la bière, les boissons non alcoolisées, les fruits et les légumes. Sur les 724 millions de dollars d’échanges avec le territoire de l’ex-Serbie-et-Monténégro, 30% sont réalisés au Kosovo. La Macédoine ne dispose pas de données statistiques ventilées sur les échanges commerciaux avec la Serbie, le Monténégro et le Kosovo. « Les échanges commerciaux avec la Serbie-et-Monténégro arrivent à 756.292.000 dollars pour les onze premiers mois de 2006. Sur cette somme, 509.332.000 dollars concernent les exportations et 246.960.000 dollars concernent les importations », explique-t-on à l’Office national de statistique.
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Le
statut, une défaite pour le Kosovo ?
Traduit par Nerimane Kamberi - Publié dans la presse : 27 janvier 2007 A la veille de la remise par Ahtisaari de son ensemble de propositions sur le statut futur du Kosovo, Koha Ditore fustige les négociateurs du Kosovo qui n’ont pas su faire valoir les intérêts de leur pays, lequel se retrouve à la merci des décisions de la communauté internationale. Vue sur les enjeux de la question au sein de la communauté internationale, en Serbie et au Kosovo. Par Besnik Pula Le bureau du négociateur des Nations-Unies entre le Kosovo et la Serbie a indiqué ces derniers jours que le document sur le statut futur du Kosovo allait être présenté aux négociateurs kosovars et serbes le 2 février. Les agences de presse internationales et certains journaux étrangers ont publié l’information selon laquelle la proposition ne conprendra pas le terme « indépendance », mais qu’em même temps elle reconnaitra au Kosovo le droit de demander l’adhésion aux institutions internationales et lui ouvrira la voie de la reconnaissance internationale par les autres Etats. On sait aussi que si le document d’Ahtisaari devrait pour rendre possible la séparation formelle du Kosovo de la Serbie, il comprendra aussi les surprises désagréables qui sont liées à l’autonomie large des communes serbes qui vont être créées au Kosovo et au statut spécial de l’église orthodoxe serbe, y compris la création de « zones particulières » autour des églises. En plus, la publication du document tant attendu d’Ahtisaari ne va pas signifier la fin de ce processus diplomatique et politique compliqué de la résolution du statut du Kosovo, mais sera plutôt un virage sur une route qui devrait être encore semée d’embûches et de choses peu claires. Il est clair à présent que la résolution du statut ne se fera pas immédiatement après la publication du document d’Ahtisaari mais qu’il devra encore attendre au moins jusqu’en mars ou avril, sinon plus. Il est clair qu’aucun gouvernement en Serbie n’acceptera un accord qui permettra la séparation finale du Kosovo. On sait que la pression russe sur les autres membres du Groupe de Contact va continuer. Donc, le processus ne prendra pas fin avec la publication du projet d’Ahtisaari. En avril, la Grande-Bretagne va prendre la présidence du Conseil de Sécurité des Nations-Unies, Etat qui s’est montré favorable à l’option de l’indépendance. La présidence du Conseil de Sécurité lui donne la possibilité de proposer un vote pour une nouvelle résolution pour le Kosovo, afin de donner un poids international à la proposition d’Ahtisaari, qui demeure pour le moment une simple proposition , donc juridiquement lettre morte. Dans une telle situation, la proposition d’Ahtisaari doit être imposée à la Serbie (puisque la partie kosovare devrait l’accepter sans remarque et sans protestation). Tandis que pour les Etats du Groupe de Contact qui sont favorables à l’indépendance, la voie préférée pour l’imposer est le Conseil de Sécurité. Le Kosovo pourrait devenir un no man’s land Mais au sein du Conseil de Sécurité demeure le risque permanent du véto russe. La Russie, membre permanent de cette organisation, a plusieurs fois menacé que tout document inacceptable pour la Serbie serait inacceptable pour elle aussi. C’est pourquoi cette menace pourra être éliminée seulement si d’autres tractations diplomatiques ont lieu entre les grandes puissances, comme le soutien américain et européen pour l’adhésion de la Russie à l’Organisation mondiale du Commerce (OMC), une des organisations économiques mondiales les plus fortes, ce que Moscou espère depuis de nombreuses années, et d’autres concessions que la Russie pourrait demander à l’Occident dans différents domaines pour ses intérêts politiques et économiques. Mais si la Russie ne lâche pas de lest et si elle utilise son droit de veto, le Kosovo se retrouvera devant une situation très paradoxale : l’échec d’une nouvelle résolution pour le Kosovo au sein du Conseil de Sécurité au printemps signifierait que sur le papier l’accord d’Ahtisaari existerait mais qu’il n’aurait aucune valeur juridique. La Résolution 1244 de 1999, qui a mis le Kosovo sous le protectorat de la MINUK resterait en vigueur. La solution devra alors attendre l’ééchéance de juin qui mettra fin automatiquement à la Résolution 1244. Dans cette situation, le Kosovo se transformerait vraiment en un « no man’s land’, avec la seule possibilité d’être reconnu individuellement par les autres Etats comme un Etat indépendant - ou, si la pression continue et que d’autres Etats se rallient à l’oppposition russe, surtout des Etats de l’Union européenne, une nouvelle série de négociations entre Pristina et Belgrade pourrait être demandée. Il est clair que la continuation des négociations ne servira qu’à gagner du temps pour la diplomatie internationale, puisque en aucune façon on ne peut arriver à un accord entre les parties pour le statut. Entre-temps, de nouvelles discussions pourraient être menées à l’encontre des intérêts de la partie kosovare, où la diplomatie internationale pourrait imposer une nouvelle stratégie en excluant complètement une séparation entre le Kosovo et la Serbie et en imposant une autre solution qui maintiendrait d’une manière ou d’une autre un lien juridique entre le Kosovo et la Serbie. Néanmoins, tout cela est peu clair et toute cette insécurité autour de l’avenir politique du Kosovo est symptomatique de la façon dont a été mené tout ce processus diplomatique et politique complexe. Certainement, l’entrée de nouveaux Etats dans la communauté internationale n’est pas un événement quotidien et fréquent. La communauté internationale reste un club exclusif où l’adhésion se fait à un prix élevé et peut être refusée à de nouveaux groupes qui y aspirent, indépendemment de la légitimité de leurs demandes (pensons au cas des Kurdes et à celui des Palestiniens). Les désaccords suscités par le cas du Kosovco dans les milieux diplomatiques internationaux n’ont rien d’ extraordinaires et étaient prévisibles. Le vassal zélé Ce qu’on remarque certainement le plus dans ce processus est le rôle si insignifiant et pourtant fondamental de la partie kosovare. Même après avoirt accepté d’entrer dans les négociations dans des conditions complètement défavorables pour le Kosovo, dès la première minute, elle n’a pas été pro-active dans ce processus et n’a pas mené la danse, en se contentant d’attendre passivement des décisions et des mouvements venus d’ailleurs. Elle a accepté de ne pas être un élément du processus, alors que c’était là une des conditions préalables fondamentales, en laissant le champ libre à l’argumentation des Etats-Unis,de la Grande-Bretagne et des autres Etats qui ont favorisé cette option de manière non publique. Sans rappeler le fait que, pendant tout le processus, le Groupe de négociations a fait des concessions qui étaient même inutiles dans ces circonstances. On dit que les représentants du Département d’Etat américain ont été étonnés devant l’empressement des négociateurs kosovars à faire des concessions devant les demandes de Belgrade sur les questions « techniques » de décentralisation. Mais ce comportementr irrationnel politique a une explication dans ce qu’on peut appeler « la théorie du vassal zélé ». Le vassal zélé est celui qui sert son seigneur, non pas par obligation et par besoin, mais par son propre désir. (...) Ce zèle exagéré du vassal devient insupportable pour le seigneur même. Il en est de même pour l’équipe des négociateurs du Kosovo, un groupe de vassaux zélés qui ont fait plus de concessions qu’on ne leur en demandait, en anticipant les volontés des seigneurs internationaux, en essayant par leur servilité de prouver absolument qu’ils sont obéissants. Je rappelle une des visites d’Ahtissaari à Pristina où les négociateurs ne se demandaient pas comment défendre leurs positions et les intérêts du Kosovo, mais comment harmoniser leurs positions aux demandes d’Ahtisaari, en d’autres mots comment le satisfaire. A présent, on dit que le document d’Ahtisaari aura des éléments visiblement déplaisants en ce qui concerne les questions techniques négociées, sur lequelles le public kosovar n’a pas été informé à temps, comme par exemple en garantissant une autonomie territoriale importante pour les nouvelles communes serbes du Kosovo et en permettant à ces communes de garder leurs liens institutionnels avec les autorités serbes. La Mini-Bosnie Le Groupe de négociations n’a pas essayé du tout - mais a plutôt cherché à s’y soustraire - à faire une mobilisation générale populaire sur la question du statut du Kosovo, en se privant du moyen peut-être le plus puissant qu’il avait entre les mains. Au lieu de pratiquer cette politique de mobilisation, le groupe de négociateurs s’est contenté de faire des promesses généreuses et de faire des demandes du style rugoviste des années 1990 : « Soyez sages et gardez votre calme, cette affaire va se régler. » ! Il est certain que cette indolence et cette apathie du peuple inspirées par leurs dirigeants - à part les fois où ce calme artificiel a été brisé par le mouvement Vetëvendojsa - ont eu des effets sur la diplmatie internationale, en ouvrant la voie au retard et au report. Que peut-on encore attendre, puisque le message politique principal qui a été émis par le Kosovo l’année dernière était celui d’un empressement incroyable de l’élite politique kosovare pour une obéissance jusqu’à la servilité envers Ahtisaari et des diplomates chargés des négociations, et d’une aptitude à tout accepter,à la seule condition que cela porte une sorte d’étiquette avec le mot "indépendance ", même mutilé, limité, contrôlé. Cette « certaine indépendance » qui n’est pas du tout une indépendance au sens exact du mot est la raison pour laquelle le futur statut va être une défaite politique pour le Kosovo. En acceptant la réorganisation territoriale profonde sur des bases ethniques, le Kosovo formellement indépendant va être politiquement et administrativement un pays différent de celui qu’il est aujourd’hui. Ne parlons pas du fait que le Kosovo va encore être sous contrôle politique extérieur, celui de la mission future de l’UE, qui sera la continuité institutionnelle et politique de la MINUK au Kosovo. Sous tous ces aspects possibles, le Kosovo formellement indépendant va être une mini-Bosnie, fragmenté ethniquement, politiquement sous contrôle et toujours traité comme une entité politique artificielle. Il sera plus que clair, même pour ceux qui ont la mémoire historique courte, que lorsqu’au début des années 1990, le peuple du Kosovo a commencé sa guerre politique pour l’indépendance, cette guerre n’avait pas pour but de transformer le Kosovo pour qu’il soit conforme au document d’Ahtisaari. Les aspirations du Kosovo ont échoué. Ici se trouve l’essence de la défaite, même si cette défaite porte le masque de la victoire d’« une certaine indépendance ».
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La participation aux élections serbes du 21 janvier divise les Albanais de la Vallée de Presevo Traduit par Nerimane Kamberi Publié dans la presse : 6 janvier 2007 Les Albanais de la Vallée de Presevo sont divisés sur la participation aux élections parlementaires serbes du 21 janvier. Les partis albanais locaux se partagent entre partisans et adversaires de la participation. Au Kosovo, la position officielle est en faveur de cette participation. Depuis 15 ans, les Albanais de Presevo n’ont jamais pris part aux législatives serbes, mais la nouvelle loi électorale leur promet des élus. Par Arben Atashi C’est de certains partis politiques albanais locaux que vient l’opposition. Le Premier ministre d’Albanie, Sali Berisha, a appelé les partis politiques albanais de la Vallée à prendre part à ces élections. Sali Berisha avait rencontré les représentants de ces partis de la Vallée en décembre dernier, et avait montré à cette occasion qu’il était en faveur d’une participation aux élections serbes. La discorde entre les partis albanais de la Vallée intervient au moment où se pose en Albanie le problème des élections munipales, et alors que les élections en Serbie sont étroitement liées à la situation au Kosovo, étant donné que l’annonce des propositions de Martti Ahtisaari sur le statut du Kosovo a précisément été reportée à cause de ces élections. La « Coalition des Albanais de la Vallée de Presevo » joue la participation Deux partis politiques des Albanais de la Vallée vont participer, en tant que « Coalition des Albanais de la Vallée de Presevo » aux élections en Serbie, le Parti pour l’Action démocratique de Riza Halimi (PVD) et l’ Union Démocratique de la Vallée (UDL) de Skender Destani. La liste électorale de cette coalition portera le numéro 17 sur les bulletins de vote, et participera aux élections en tant que coalition de partis politiques des minorités nationales. 3 145 électeurs ont soutenu par leur signature la participation de ces deux partis. Le leader du Parti pour l’Action Démocratique, Riza Halimi, a justifié la participation de son parti par le soutien « des forces politiques importantes au Kosovo et en Albanie. » L’Association des Véterans de l’UÇPMB s’est exprimée de façon catégorique contre la participation, et elle a appelé les partis politiques à ne pas prendre part à ces élections. Cette association a qualifié de « trafiquants qui marchandent au nom de la population albanaise » les responsables politiques qui veulent participer aux élections. Le Mouvement démocratique du progrès de Jonuz Musliu et le Parti démocratique de Ragmi Mustafa sont également hostile à la participation. Le gouvernement du Kosovo pour la participation La porte-parole du gouvernement du Kosovo, Ulpiana Lama, a déclaré à Koha Ditore que le gouvernement estimait que les Albanais de la Vallée devaient participer aux élections. « Nous avons demandé publiquement qu’ils participent aux élections et nous continuons à répéter notre demande. » Elle a souligné que le meilleur moyen pour résoudre les problèmes des Albanais de la Vallée était la voie institutionnelle. À propos de la division entre les partis, Ulpiana Lama a estimé que « les divisions étaient la marque d’un processus démocratique », tout en rappelant qu’il ne s’agissait pas de discordes mais de « différences sur les perspectives politiques ». Les partis politiques du Kosovo ont des positions assez différentes sur la participation aux élections. Mais la majorité d’entre eux ne semblent pas avoir discuté de cette question. Alors que le vice-président pour de la Commission pour la coopération internationale et l’intégration du Parti démocratique du Kosovo (PDK), Bajram Rexhepi, soutient que cette question n’a pas été discutée, Jakup Krasniqi affirme que le PDK reconnaît la décision des partis politiques de la Vallée de Presevo sur leur participation ou non aux élections. Jakup Krasniqi a déclaré que le PDK soutenait la décisison des représentants légitimes qui ont le soutien du peuple mais, à propos de la décision de Riza Halimi de participer aux élections, Krasniqi a ajouté que, selon lui, Riza Halimi ne représentait personne. Ernest Luma, conseiller du Président de l’Alliance pour l’avenir du Kosovo (AAK), affirme que ce parti a une position claire sur cette question. L’AAK insiste sur le respect de la volonté politique des Albanais de la Vallée. Sur la question de la participation ou non aux élections, Ernest Luma répond que « l’AAK demande une coordination et une voie institutionnelle pour la résolution des problèmes », tout en refusant d’exprimer une position du parti pour ou contre cette participation. Les partis radicaux contre Jusqu’à présent, le seul parti politique du Kosovo qui se soit publiquement exprimé contre la participation est le LKÇK. Le chef de ce parti, Smajl Latifi, a déclaré que cette participation revenait à légitimer « l’occupation serbe », et qu’il n’y aucune raison pour que les Albanais de la Vallée participent à ces élections. Actuellement, selon lui, la solution pour les Albanais de la Vallée serait la création d’institutions parallèles, à peu près semblables à celles du Kosovo dans les annéees 1990. Smajl Latifi pense que la position du gouvernement est irresponsable et l’appel de Sali Berisha marque un pas en arrière. Le LPK, dirigé par Emrush Xhemajli, est aussi contre la participation aux élections serbes. Emrush Xhemajli a déclaré que les Albanais de la Vallée ne doivent pas participer aux élections et qu’ils doivent unifier leurs positions. Selon Emrush Xhemajli, le processus électoral révèle de nombreux paradoxes, puisque la communauté internationale demande aux Albanais de la Vallée de participer aux élections alors que les Serbes du Kosovo ne s’intégrent pas aux institutions kosovares.
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Express
Kosovo : pugilat général au congrès des « non-violents » de la LDK Traduit par Nerimane Kamberi Publié dans la presse : 10 décembre 2006 Fatmir Sejdiu, le Président du Kosovo, a été élu samedi à la tête de la LDK, succédant ainsi à Ibrahim Rugova. Mais il ne l’a emporté que d’une courte tête sur son adversaire Nexhat Daci, et une véritable bataille rangée a éclatée à la fin du congrès entre les partisans des deux hommes. La LDK, qui demeure le premier parti du Kosovo, ressort plus divisée que jamais de ce congrès. Par Berat Buzhala et Leonard Kerquki Les échanges verbaux entre les délégués au congrès de la Ligue démocratique du Kosovo (LDK) se sont achevés vers 21 heures 30. Ensuite, a commencé un autre genre de débat. À coups de chaises. La Salle au Palais de la jeunesse et des sports de Prishtina s’est brusquement transformé en une arène ensanglantée. Les adversaires, pourtant membres du même parti, n’ont pas réussi à résoudre par les mots leurs différends et ont donc choisi d’employer les méthodes fortes. Cet épisode est désespérant pour le plus grand parti du Kosovo. Un peu plus tôt dans la soirée, seule la présidence de travail de l’assemblée électorale de la LDK pouvait faire semblant de croire que l’atmosphère dans la Salle Rouge était normale et que l’assemblée se terminerait sans incident. Le président du Kosovo Fatmir Sejdiu, qui venait d’être élu président du parti, a qualifié de « débat » une situation qui échappait pourtant à tout contrôle et ne cessait de se dégrader. Cette situation a progressivement dégénéré jusqu’à ce que le ministre Agim Veliu et le délégué Gani Geci [1], partisan de Nexhat Daci, n’engagent un « débat » entre eux. Gani Geci a juré que personne ne voterait pour les représentants du parti au comité directeur. Le ministre Veliu lui a répondu : « Vas-y, essaie de nous empêcher ». Geci a répondu « Ferme-là, toi l’espion de Ramë Mara [2] ». Un autre membre de la famille Geci qui se trouvait dans la salle a traité le ministre Veliu de « voleur ». À partir de ce moment-là, la salle a sombré dans le chaos, les délégués se lançant les chaises sur la tête. Les nombreux gardes du corps armés des importantes personnalités présentes dans la salle ont contribué à envenimer la situation. On entendait les cris et les râles de délégués après les coups que les uns et les autres se rendaient. La police a eu recours aux gaz lacrymogènes pour essayer de calmer ce chaos, empêchant les délégués de respirer. Plusieurs personnes se sont écroulées, laissant des traces de sang sur le sol. Cette issue tragique de l’assemblée de ce parti est la conséquence des protestations de la fraction de Nexhat Daci contre la liste proposée pour le Comité directeur par le nouveau président du parti, Fatmir Sejdiu. Les partisans de Daci étaient absolument opposés à la liste proposée par Sejdiu, qui ne leur accordait que très peu de représentants. Le comité directeur de la LDK aurait du être composé de 81 personnes pour lesquelles l’Assemblée électorale devait voter. Le président du parti avait le droit de proposer 70 noms, tandis que les 30 autres noms étaient proposés par les présidents des branches locales de la LDK. La fraction de Nexhat Daci était doublement handicapée, puisque la majorité des présidents de branche du parti étaient partisans de Fatmir Sejdiu. En signe de protestation, certains des partisans de Daci ont quitté la salle. C’est ainsi qu’ont agi une partie des délégués de Ferizaj, de Gjilan et de Peja. Les représentants de la diaspora étaient aussi mécontents de la composition du Comité directeur, principalement ceux des États-Unis et de Suisse. Gani Geci était le seul à insister pour que les travaux de l’assemblée soient interrompus ou reportés à une semaine. Cette proposition a été rejetée, mais les représentants de la présidence de travail se sont montrés généreux en acceptant les noms de trois représentants de la diapora pour le Comité : un des États-Unis, un de Suisse et un du Benelux. Mais cette offre n’a pas encore satisfait les demandes de la fraction Daci. Les représentants de cette fraction ont protesté contre le manque de représentation des branches locales de la LDK dans lesquelles ils sont majoritaires. En signe de complet désaccord, les quelques représentants de la fraction Daci ont refusé de figurer dans le nouveau Comité directeur. Nexhat Daci a agi de la sorte. Lulzim Zeneli, qui a parlé en son nom, a expliqué que Nexhat Daci se retirait de la liste, et que les autres représentants de la fraction allaient agir de même. Cette atmosphère pleine de tension a débouché dans la violence et le sang, situation que seule l’intervention de la police a calmé. La police a procédé à des arrestations. Les journalistes qui suivaient l’assemblée ont dû quitter la salle, et la séance a continué avec les délégués qui restaient dans la salle. Ces derniers, avec une procédure rapide, en violant les statuts du parti, ont élu les représentants de la LDK au comité directeur. Les statuts de ce parti disent en effet que le comité directeur doit être élu par un vote à bulletins secrets. Sejdiu l’emporte avec 29 voix d’avance Fatmir Sejdiu a été élu président de la LDK, avec seulement 29 voix d’avance sur Nexhat Daci. Après sa victoire, Fatmir Sejdiu a promis qu’il allait conserver l’unité de la LDK. Nexhat Daci a reconnu sa défaite, et a déclaré qu’il allait continuer à donner sa contribution pour la LDK et pour le Kosovo. Ses partisans ont commencé à embrasser Fatmir Sejdiu avant même que les résultats définitifs des votes ne soit proclamés. Ses hommes comptaient les voix, tandis qu’un délégué annonçait les résultats, vote après vote. Quoiqu’avec une bien faible différence, Fatmir Sejdiu est arrivé à battre son adversaire, l’ancien président du parlement Nexhat Daci, devenant ainsi le deuxième président de la LDK, depuis la fondation de ce parti en 1989. Pendant trois mois, les deux candidats mené fait une campagne sans merci - en public et dans les coulisses - pour emporter le poste du président du principal parti au Kosovo. La sixième assemblée électorale de la LDK, samedi 9 décembre, a mis fin à cette campagne en ouvrant un nouveau chapitre : celui de la division du parti. Parmi les 353 délégués présents, 189 ont voté pour Fatmir Sejdiu, 160 pour Nexhat Daci, tandis que deux votes n’étaient pas valides. Les deux autres candidats pour le poste de président de la LDK, Alush Gashi et Ali Lajçi n’ont pu se lancer dans la course parce qu’au début de la séance, l’assemblée électorale a décidé de reconnaître comme une règle statutaire l’obligation de réunir 100 signatures de soutien aux candidats pour poste du chef du parti. Cette décision a tout de suite éliminé Alush Gasi et Ali Lajçi, qui n’ont pas voulu présenter ces signatures, en prétendant que ce n’était pas une règle prévue par les statuts. Après son élection, Fatmir Sejdiu a déclaré que le parti avait fait un grand travail et avait prouvé que la campagne avait été démocratique. Il a assuré de son engagement pour diriger la LDK en se basant sur le programme du parti et la vision de feu Ibrahim Rugova. Nexhat Daci a reconnu sa défaite et a félicité Fatmir Sejdiu, lui souhaitant du succès dans son travail. Discours ennuyeux L’assemblée a débuté au son de l’hymne national albanais et de l’hymne de la Dardanie. Ensuite ont commencé les discours ennuyeux des deux candidats au poste de président du parti. Les deux candidats avaient concentré leurs discours sur la reconstruction des chemins de fer et la résolution des problèmes d’eau. Ils n’ont eu que quelques mots pour expliquer pourquoi les délégués devaient voter pour eux. Fatmir Sejdiu a remercié les délégués qui lui ont donné la possibilité d’être candidat pour le poste de président de la LDK, du parti qui, selon lui, était l’espoir et la « besa » [3] du peuple du Kosovo. Durant plus d’une décennnie et demi, la LDK a initié et a réussi à être à la tête des grands processus démocratiques, des grands processus de libération, du grand processus de l’indépendance. « C’est pour cela que je dois dire, en tant que candidat, que si je gagne votre soutien pour diriger ce puissant parti, je suivrais la vision et la philosophie tracée par le grand président Ibrahim Rugova, qui ne sera jamais oublié par les générations futures », a déclamé Fatmir Sejdiu. Dans son discours, Nexhat Daci s’est aussi présenté comme le continuateur de l’œuvre de l’ancien président Ibrahim Rugova. « J’œuvre pour une LDK rugovienne et européenne du Kosovo, pour un parti de l’unification démocratique. Pour un parti digne, qui développe cette fierté nationale » a-t-il déclaré. Ensuite, les 353 délégués ont voté. Le vote était secret, conformément aux statuts de la LDK. Tous les bulletins ont été dépouillés en plein milieu de la salle par un délégué qui annonçait chaque vote. Le résultat final a été destructeur pour Nexhat Daci qui, pendant toute la campagne, a été suyivi par l’Auditeur Général, à cause des accusations de corruption pendant son mandat de président de l’assemblée du Kosovo. Le président Fatmir Sejdiu a eu pendant cette période une position plus favorable, en menant les négociations sur le statut du Kosovo, et ne s’exprimant pas publiquement sur la campagne pour la présidence de la LDK. Au moment de l’annonce des résultats, les délégués se sont mis debout et ont applaudi le président Sejdiu. Un des premiers à le féliciter a été Nexhat Daci. Pour l’ancien président de l’Assemblée, tout s’est déroulé dans les règles et il n’y a eu aucune irrégularité. Mais il n’a pas voulu commenter les raisons de sa défaite ni ses discours où il se présentait comme le futur président de la LDK. Fatmir Sejdiu a déclaré qu’il allait travailler avec tous pour une LDK unifiée et pour l’édification d’un Kosovo indépendant. Le cadre constitutionnel ne permet pas d’occuper les deux postes de président du parti et de président du Kosovo. Interrogé pour savoir lequel des deux lequel il va choisir, Fatmir Sejdiu a répondu : « On verra ». Normalement, il devrait renoncer à l’une des deux charge, mais il est possible qu’il « gèle » celle de président de la LDK durant la durée de son mandat de Président du Kosovo. [1] ancien combattant originaire du village de Llaushë, en Drenica. [2] Chef de l’IHPSO, les « services de renseignement » occultes de la LDK. [3] la parole donnée.
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Kosovo
: après la MINUK, voici l’Union européenne (ICO)
Traduit par Thomas Claus Publié dans la presse : 21 novembre 2006 Quand la MINUK quittera le Kosovo... elle sera remplacée par l’ICO (International Civilian Office - Bureau civil international). Ses membres seront chargés par la communauté internationale de mettre en œuvre le statut à venir. Dotée d’un mandat plus restreint, elle laissera la plus grande partie du pouvoir aux autorités kosovares. Interview avec le diplomate norvégien Torbjorn Sohlstrom, qui dirige l’« Equipe de planification de l’ICO ». Propos recueillis par Alma Lama Pourquoi la présence internationale sera-t-elle nommée « bureau » et non plus « mission » après la définition du statut du Kosovo ? Quelle est la différence dans l’usage des termes ? Nous avons posé ce choix afin de souligner le changement. A l’avenir, la présence internationale sera beaucoup plus limitée que la MINUK à l’heure actuelle. Elle sera limitée en nombre, limitée dans ses objectifs, limitée dans les pouvoirs qui lui seront attribués. On peut utiliser une métaphore footballistique. La MINUK était propriétaire d’une équipe de football nommée Kosovo. Bientôt, la communauté internationale n’aura plus que le rôle d’entraîneur. La MINUK n’a pas bonne réputation au Kosovo. S’agit-il d’une des raisons pour lesquelles vous avez décidé de changer la dénomination de la présence internationale ? Je souligne que la MINUK a été le résultat d’un moment historique particulier. La future présence internationale sera différente. Il y aura un Kosovo différent, et l’engagement international parviendra à créer un lien fort avec les autorités kosovares. Votre mandat sera de mettre en œuvre l’accord sur le statut que proposera Martti Ahtisaari ? Nous aurons évidemment notre « mission ». Le Kosovo aura également sa « mission ». La nôtre sera de mettre en œuvre la résolution sur le statut et de se diriger vers l’intégration européenne. Nous avons utilisé le mot « bureau » parce qu’il parvient selon nous à susciter clairement l’idée d’une présence limitée en nombre et en pouvoir. Parce que nous croyons qu’à l’avenir ce ne sera pas à la communauté internationale d’administrer le Kosovo, mais aux représentants librement élus par les citoyens kosovars. Quel type de relations y aura-t-il entre l’ICO et les institutions locales ? Une grande proximité. C’est déjà ce qui se passe au cours de l’actuelle phase préliminaire. Nous avons déjà réalisé des centaines de rencontres avec des représentants des institutions kosovares et avec l’équipe des négociateurs kosovars à Vienne afin de discuter de ces questions. Il s’agit de partenaires très proches, et ce sera encore le cas après la définition du statut. C’est notre approche. Je souligne que la communauté internationale, aussi bien que les autorités kosovares, désire que l’accord sur le statut soit mis en œuvre le plus rapidement possible, afin que le Kosovo puisse avancer vers l’intégration européenne. Nous partageons les mêmes objectifs, nous partageons les mêmes efforts. Le Kosovo aura un autre « administrateur », similaire à l’actuel ? Ce ne sera pas un international. La personne qui aura les principales responsabilités dans l’administration du Kosovo sera le Premier ministre. La communauté internationale aura un mandat différent, beaucoup plus limité que son mandat actuel. Donc non, il n’y aura aucun administrateur international. Prenons un exemple. L’Assemblée du Kosovo approuve une loi. L’office de l’ICO pourra-t-il l’abroger ? La MINUK l’a fait plusieurs fois au cours des dernières années... La définition exacte des pouvoirs de l’autorité de la communauté internationale au Kosovo dépendra des négociations sur le statut. Je ne peux donc donner aucune réponse claire. Il faut attendre jusqu’à ce que la résolution sur le statut soit adoptée par le Conseil de Sécurité. Mais je peux déjà dire deux choses : dans 90% des cas, la réponse sera non, la communauté internationale ne pourra pas intervenir de cette manière, elle n’aura qu’une autorité limitée dans les secteurs clés relatifs à la mise en œuvre du statut. Et nous savons tous quels sont ces secteurs : ce sont ceux qui ont été discutés à Vienne. Sur ces thèmes, il est possible que la communauté internationale ait le mandat nécessaire pour intervenir si les autorités locales agissent de manière contraire à ce qui a été prévu dans les accords sur le statut. L’une des questions principales discutées à Vienne a été celle de la décentralisation administrative. On sait que plusieurs zones deviendront des municipalités bien qu’elles ne correspondent pas aux critères généraux fixés pour la décentralisation. Mais les conditions peuvent changer dans quelques années, et avec elles les frontières des municipalités. Vous interviendrez pour abroger d’éventuelles interventions dirigées en ce sens par les autorités kosovares ? Nous croyons que les nouvelles municipalités qui seront créées ont de bonnes chances de fonctionner avec succès. Nous soulignons que l’Assemblée du Kosovo doit adopter une législation qui rendra cela possible, et nous nous attendons à ce que les leaders locaux du Kosovo s’impliquent dans la création de ces municipalités. Par exemple, en Macédoine, il y a beaucoup de municipalités bien plus petites que celles qui seront probablement proposées par Ahtisaari dans son document de résolution de la question du statut. Cela n’exclut pas que, au cours des prochaines années, une fois que le processus sera lancé, on puisse en venir à la décision de revoir certaines délimitations municipales et que de nouvelles idées puissent être proposées. Mais en ce qui concerne la période suivant la définition du statut, nous nous attendons à ce que les autorités kosovares, tant au niveau central que local, mettent rapidement en œuvre les accords. Les leaders kosovars désirent tous que la communauté internationale se voie attribuer un rôle consultatif, mais non décisionnel. La mission de l’Union européenne (UE) aura-t-elle un rôle décisionnel ? La communauté internationale n’administrera pas le Kosovo, et je le répète donc : nous encadrerons, nous observerons, nous adapterons et, si nécessaire, dans quelques régions clés, nous interviendrons si d’autres ne font pas leur travail. Au cours des discussions de Vienne, le secteur judiciaire n’a pas été abordé. Ce secteur est un problème sérieux pour lequel, me semble-t-il, ce seront encore les internationaux et non les juristes locaux qui traiteront les cas les plus sensibles... Il y a deux secteurs clés dans l’engagement international au Kosovo. L’un de ces secteurs est crucial : il s’agit de la définition du statut. Ce secteur a été discuté à Vienne. Le second est l’Etat de droit. Ce thème n’a pas été beaucoup abordé dans les discussions sur le statut, mais toute personne vivant au Kosovo sait que c’est un problème majeur, et que la communauté internationale lui portera une attention particulière pour un certain nombre d’années. Combien ? Nous ne le savons pas. Cela dépendra de la capacité des représentants locaux à s’occuper d’autres questions plus délicates. L’ICO ne comptera probablement pas plus de cent internationaux. Mais nous pensons que ce nombre pourra être réduit avec le temps. L’ICO sera une structure bien plus petite que la MINUK, entre autre parce que les objectifs de la mission seront différents et plus limités. Par ailleurs, il y aura dans la région une mission dépendant de l’UE, qui travaillera dans le secteur de l’ordre public et qui conseillera également les institutions locales afin de les aider à affronter les questions les plus délicates sur la justice et la police. Ce sera une mission de l’UE ou de l’ONU ? On passe d’une présence de l’ONU et de New-York à une présence plus proche de Bruxelles, de Washington et des capitales du Groupe de Contact. Je pense qu’il s’agit d’un développement tout à fait normal. Des liens avec l’ONU seront maintenus parce que la résolution qui sera adoptée par le Conseil de Sécurité établira probablement que, dans tous les cas, la présence internationale restera fondée sur un mandat de l’ONU. Quel type de liens ? Le mandat de la future présence internationale dépendra de ce qui aura été défini par le Conseil de Sécurité. Mais les dates, les contacts et le guidage politique du processus entier dépendront de Washington et Bruxelles et non des Nations Unies. Quelles relations y aura-t-il entre l’ICO et l’UE ? Des relations très fortes. Une grande partie du staff de l’ICO viendra directement des Etats membres de l’UE. Cette structure sera probablement bicéphale - c’est ainsi qu’on la définit en jargon diplomatique. Cela signifie qu’elle aura deux mandats : l’un émis par la communauté internationale dans toute son extension, et l’autre émis par l’UE. Et c’est Bruxelles qui décidera qui sera le représentant spécial de l’UE au Kosovo. Y aura-t-il encore au Kosovo des policiers provenant d’autres parties du monde, comme par exemple de pays en voie de développement ? La structure exacte de la présence internationale n’a pas encore été définie. Je crois qu’il y aura des changements à ce sujet. Le futur staff international sera surtout européen. Mais il y aura une implication importante de la part des Etats-Unis. Il est difficile pour moi de dire quels pays seront impliqués et quels pays ne le seront pas. Il est trop tôt. Qui nommera le dirigeant de l’ICO ? Les principaux représentants des intérêts internationaux. En d’autres mots, les membres du Groupe de Contact. Comment sera désigné ce dirigeant ? Nous ne sommes pas encore sûrs, son statut n’a pas encore été défini... mais selon nos projets, il devrait s’appeler le Représentant civil international. Cette présence internationale aura donc un rôle avant tout consultatif... Oui. La communauté internationale voit son rôle à venir comme celui de consultant. Cependant, il est vrai que, sur certains points, elle aura le pouvoir d’intervenir directement. Mais laissez-moi révéler un secret : ce sont les membres du groupe de négociation kosovar qui ont demandé à de nombreuses reprises à Vienne qu’il en soit ainsi.
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Kosovo : pour qui sonne
le glas ?
Mise en ligne : mardi 29 août 2006 Alors que les discussions concernant le statut du Kosovo entrent dans une phase cruciale, une décision devrait être prise à ce sujet cet hiver, le nouveau chef de la MINUK aura la lourde tâche de préparer la fin de la mission onusienne et d’aménager une présence internationale future, très probablement placée sous la responsabilité de l’Union européenne. Dans ce contexte, une brève mise en perspective s’impose. Par Christophe Solioz [Directeur exécutif du « Center for European Integration Strategies », Genève - Vienne - Sarajevo) Le diplomate allemand Joachim Rücker deviendra le 1er septembre 2006 le septième envoyé spécial du Secrétaire général de l’ONU au Kosovo et chef de la Mission d’administration intérimaire des Nations Unies au Kosovo (MINUK), c’est le deuxième Allemand à occuper cette charge, après Michael Steiner. Après l’échec des pourparlers de Rambouillet et une ultime tentative de négociation entre l’émissaire américain Richard Holbrooke et Slobodan Milosevic, les frappes aériennes de l’OTAN commencent le 24 mars 1999 pour prendre fin le 10 juin 1999. N’ayant pas reçu le blanc sein de l’ONU, les bases juridiques de cette intervention sont encore aujourd’hui l’objet d’âpres controverses. Une guerre à peine larvée, la catastrophe humanitaire et la menace d’un génocide imminent de la population albanaise du Kosovo nécessitaient cependant une action de la communauté internationale - légitime, à défaut d’être légale - à fin de faire entendre raison à Slobodan Milosevic, alors président de la République fédérale de Yougoslavie. La démonstration de force et la puissance de feu de l’OTAN - dont l’objectif n’était pas la souveraineté du Kosovo - amènent finalement les militaires serbes à signer à l’Accord de Kumanovo le 9 juin 1999 et à procéder au retrait du Kosovo de toutes leurs forces militaires, paramilitaires et de police. Le 10 juin 1999, le Conseil de sécurité de l’ONU mandate la MINUK d’établir et « assurer une administration intérimaire dans le cadre de laquelle la population du Kosovo pourra jouir d’une autonomie substantielle au sein de la République fédérale de Yougoslavie » (résolution 1244). Le texte précise aussi que « la présence internationale civile et la présence internationale de sécurité sont établies pour une période initiale de 12 mois, et se poursuivront ensuite tant que le Conseil n’en aura pas décidé autrement ». Depuis sept années, et autant d’envoyés spéciaux du Secrétaire général de l’ONU, la MINUK œuvre certes au développement de « la démocratie, la prospérité économique, la stabilité et la coopération régionale », mais avec quels résultats ? Mission d’autant plus ardue qu’il est aussi de sa responsabilité, « à un stade final, de superviser le transfert des pouvoirs des institutions provisoires du Kosovo aux institutions qui auront été établies dans le cadre d’un règlement politique ». La formule est d’autant plus vague que la résolution affirme certes l’intégrité territoriale de la République fédérale de Yougoslavie, mais réintroduit aussi, par la référence faite aux Accords de Rambouillet, une possible indépendance du Kosovo. Choisissant non sans raison de parer au plus pressé, la communauté internationale a privilégié l’établissement d’institutions démocratiques ainsi qu’une approche qualitative - préfigurant le principe « des standards avant le statut » formulé par l’envoyé spécial Michael Steiner en avril 2002. L’ouverture de négociations sur la question du statut était ainsi renvoyée à plus tard et conditionnée par l’application de standards concernent huit domaines d’actions prioritaires. Soit respectivement : le fonctionnement des institutions démocratiques, l’état de droit, la liberté de mouvement, les retours et droits des communautés, l’économie, les droits de propriété, le dialogue direct avec Belgrade et le corps de protection du Kosovo chargé de la sécurité civile (KPC). En l’absence de résultats probants dans l’application des standards, il fallut opter pour un repositionnement plus réaliste : « des standards et le statut » ; espérant régler ainsi à la fois la question de l’application des standards et celle du statut. Las, les rapports de l’émissaire spécial de l’ONU pour le Kosovo, le diplomate norvégien Kai Eide, sont sans concession. Le rapport publié le 14 février 2005 souligne qu’« aucune des huit normes n’a été entièrement appliquée ». Celui du 7 octobre 2005 ne se prive pas de reconnaître l’existence d’une mafia puissante et d’une corruption généralisée appuyée sur les réseaux claniques ; il précise en outre qu’il serait à ce stade prématuré d’envisager le transfert de compétences de la MUNIK aux autorités locales. Malgré un état des lieux globalement négatif, le rapport conclut néanmoins à l’ouverture de négociations sur le statut final de la province. Les mots de Kofi Annan seront choisis : « même si l’application des normes pour le Kosovo a été inégale, il est temps de passer à la prochaine phase du processus politique ». C’est donc à reculons que les négociations sont décidées, tant est qu’« il n’y aura pas de moment privilégié pour aborder la question du statut futur du Kosovo » (Kai Eide). Le Secrétaire général de l’ONU, soutenu par le Groupe de Contact (USA, Grande-Bretagne, France, Allemagne, Italie et Russie), confie ainsi fin 2005 le mandat d’aborder cette question enfin de front au Finlandais Martti Ahtisaari. Sous son autorité, des délégations albanaises et serbes se rencontrent régulièrement à Vienne depuis les 20 et 21 février 2006, sans pour autant parvenir à un accord. Les positions semblent en effet irrémédiablement inconciliables : les Albanais du Kosovo veulent l’indépendance et rien d’autre ; les Serbes sont disposés à envisager presque tout, mais en aucun cas l’indépendance. C’était donc couru d’avance : les négociations directes, engagées le lundi 24 juillet à Vienne en présence des plus hauts responsables serbes et albanais, n’ont pas abouti. Il ne reste désormais plus que quelques mois à Martti Ahtisaari pour sortir de l’impasse avant que le Conseil de sécurité statue, fin 2006, d’une solution. Selon plusieurs sources gouvernementales, il semble que la question ne soit plus celle de l’indépendance du Kosovo, mais de sa modalité : on parle ainsi de « souveraineté progressive » et d’« indépendance conditionnelle ». On peut cependant douter que les Albanais du Kosovo se satisfassent d’une indépendance limitée. Peu intéressés par une conception post-moderne de la souveraineté, ils veulent - après sept années de protectorat onusien - un Etat bien à eux : soit un drapeau, un hymne, un siège à l’ONU etc. Peu leur importe que le droit à l’autodétermination n’implique en rien le droit à la sécession et qu’un génocide ne soit pas un motif suffisant pour définitivement quitter une fédération yougoslave qui, aujourd’hui, n’est plus. Quant aux Serbes, on peut douter qu’ils envisagent sérieusement de réintégrer la province du Kosovo avec un statut d’autonomie substantielle. En effet, comment imaginer des ministres albanais siégeant à Belgrade ? Comment la Serbie, elle-même en proie à d’énormes difficultés financières, pourrait-elle assumer le coût colossal de la reconstruction et démocratisation du Kosovo, frais assumés aujourd’hui par la communauté internationale ? Plus que par le passé, il semble difficile de trancher le nœud gordien du Kosovo. Le Conseil de sécurité pourrait être tenté par la « solution d’Alexandre » et imposer une souveraineté contrôlée et, dans un premier temps, limitée. À charge de l’Union européenne d’alléger les conditionnalités liées à l’intégration européenne de la Serbie afin de tempérer les humeurs belgradoises. Ce scénario présuppose également la présence d’une autorité internationale contrôlant l’application des mesures décidées ainsi que la poursuite de la présence civile et militaire au Kosovo. Ceci à un moment où les chancelleries occidentales souhaitent soit rapatrier, soit réaffecter leurs diplomates, experts ainsi que militaires dans d’autres zones en crise - à commencer par le Liban. Cette option créerait également un fâcheux précédent pour d’autres territoires tentés par la souveraineté et qui bénéficient de l’appui de Moscou (l’Abkhazie, l’Ossétie du Sud, la Transnistrie et le Nargono-Karakakh). Si le statut quo est impensable, l’indépendance un pari risqué, le moment est alors venu de chercher une solution originale et innovante. Il conviendrait par exemple d’étudier la possibilité de décréter le Kosovo comme région bénéficiant d’un statut de partenaire du Conseil de l’Europe et de l’Union européenne. L’UE envisage déjà, dans le cadre de sa politique européenne de voisinage (ENP) un statut autre que celui de membre à part entière pour les pays d’Europe de l’Est. Par ailleurs, ces deux instances ont chacune une chambre régionale : respectivement le Congrès des Pouvoirs Locaux et Régionaux (CPLRE) et le Comité des régions. À l’heure où les régions montent en puissance au sein même de l’UE, cette solution aurait le mérite d’être cohérente et de s’inscrire dans la ligne du Sommet de Thessalonique (juin 2003) - lors duquel l’UE promettait un avenir européen aux Balkans. Un Albanais du Kosovo confiait l’an dernier à Kai Eide que la communauté internationale avait « apporté au Kosovo la paix, mais pas d’avenir ». L’approche régionale pourrait constituer une solution d’avenir.
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Kosovo : la faillite de la justice
Traduit par Nerimane Kamberi
Publié dans la presse : 11 juin 2006
L’OSCE vient de publier un rapport accablant sur la justice civile au Kosovo. Souvent, les juges sont corrompus, ils sont soumis à de multiples pressions, ou bien ils ont peur. Des dizaines de milliers de dossiers sont en souffrance, les documents présentés sont souvent des faux, et les autorités locales continuent à pratiquer de multiples ingérences dans le fonctionnement de la justice. Par Jeton Musliu Pour la première fois, l’OSCE a rendu un rapport de 50 pages qui analyse le système de droit civil dans la région administrée par l’OSCE. Ce rapport montre tous les défauts de ce système, qui traite des problèmes non pas d’ordre pénal mais des problèmes liés au droit civil. Les représentants de l’OSCE ont expliqué que ce rapport analysait les cas juridiques de propriété, l’indépendance du système judiciaire et les procédures d’exécution. « La diversité des questions traitées est dûe au fait que c’est le premier examen de ce genre qui a pour but de présenter un rapport général sur les problèmes qui influencent le système de droit civil », a déclaré l’ambassadeur de l’OSCE, Werner Wnend. Le directeur du Département pour les droits de l’homme au sein de l’OSCE, Henri MacGouen a déclaré que le rapport publié montre ce qui a été fait pendant un an et demi dans le système judiciaire. Divisé en quatre chapitres, ce rapport présente la situation réelle et actuelle du système de droit civil au Kosovo qui, selon les représentants de cette organisation, est à un niveau très bas. Le premier chapitre est consacré à la mauvaise gestion des dossiers. L’OSCE a constaté une mauvaise gestion des dossiers par les juges, des problème liés aux convocations en justice, ainsi que la non-existence d’une loi applicable sur les procédures de litige. Pour l’OSCE, un des problèmes principaux tient au grand nombre de dossiers non résolus dans les tribunaux civils : près de 43 760 dossiers sont en souffrance, et cette lenteur tient aux capacités professionnelles des juges mais aussi à la mauvaise gestion des dossiers. Selon ce même document, la situation n’est pas meilleure pour les transactions immobilières, domaine problématique que l’OSCE a placé en deuxième position sur sa liste. Dans de nombreux tribunaux des différentes villes du Kosovo, on note l’utilisation de faux documents ou de documents non réguliers. À travers de nombreux exemples concrets, l’OSCE constate qu’un problème important demeure, celui des demandes civiles basées sur des contrats non formels ou simplement oraux. Sur cette question, l’OSCE, dans l’une de ses recommandations, demande que tout document délivré en Serbie et au Monténégro et remis aux tribunaux du Kosovo comme preuve sur les conflits de propriété soit remis au Département de la justice pour vérifier sa validité. Le chapitre trois traite de l’ingérence dans les procédures judiciaires et dans la justice en général. Un autre des problèmes identifiées par cette organisation est l’ingérence des autorités locales dans les procédures judiciares. L’OSCE recommande que les autorités municipales et leurs organes n’interfèrent plus dans le travail des tribunaux. Le dernier chapitre analyse l’exécution des décisions qui, selon l’OSCE, est un véritable échec de la justice. Mais cela pourrait s’expliquer, toujours selon l’organisation, par la corruption et par la peur. « La corruption est un autre problème qui empêche l’exécution des décisions, ainsi que dans certains cas, l’usage de la force », note le rapport. |
Kosovo : l’argent des
privatisations ne sert pas aux investissements
Traduit par Jacqueline Dérens Publié dans la presse : 18 mai 2006 Les deux filiales du fonds de pension mis en place par la MINUK, le KPST, placent leur argent à l’étranger. Le gouvernement du Kosovo regrette que cet argent ne puisse pas être prêté à des entreprises locales désireuses d’investir au Kosovo. Par Arbana Xharra Des critiques sévères, venant de plusieurs voix, dont aussi celles des ministres, ont été émises à l’encontre des directeurs du fonds de pension le plus important du Kosovo pour leur refus d’investir cet argent sur place au prétexte que le pays est encore faible. Elles ont exprimé leurs préoccupations devant le fait que pas un euro des 161 millions collectés pour le fonds de pension, ni des 210 millions provenant des privatisations, n’a été investi au Kosovo, ce qui pourrait aider l’économie locale sous-développée. Non seulement cette attitude prive l’économie d’investissements dont elle a grand besoin, mais placer l’argent à l’étranger envoie un signal négatif aux investisseurs potentiels, renforçant l’image d’un pays dangereux. Les 161 millions d’euros qui sont l’enjeu du débat actuel ont été collectés par une taxe de un pour cent prélevée sur les salaires de 200 000 salariés qui cotisent pour leurs pensions. Le Fonds de pension du Kosovo, KPST, que la mission de l’ONU au Kosovo, la Minuk, a mis sur pied en 2001, a placé l’argent dans deux compagnies financières, ABN AMRO, dont le siège est à Amsterdam et Vanguard Investments, basée à Bruxelles. Le KPST a placé la plupart de ses capitaux dans des fonds d’investissement à bas risque qui garantissent un rendement minimum. De son côté, l’Autorité bancaire de paiement du Kosovo, BPK, garde dans un fonds gelé les 210 millions d’euros provenant des privatisations. Le KPST maintient qu’il a raison d’investir l’argent des pensions à l’étranger car les banques du Kosovo ne sont pas encore assez sûres pour s’occuper de ces fonds. Arjeta Kushtova, directrice du KPST prétend que garder ces fonds à l’étranger est la meilleure option. « Les marchés de capitaux doivent encore se développer. En tant qu’institution nous devons gérer les capitaux selon des procédures légales et être prudents dans nos investissements. Pour que le KPST investisse les capitaux, il faut que le fonds d’investissement soit transparent, dispose de liquidité, et fournisse un bon rendement. Jusqu’à présent le KPST n’a pas réussi à identifier des fonds au Kosovo qui remplissent ces critères ». Le KPST précise que 50% des fonds de pension sont placés auprès de ABN AMRO, un pool bancaire d’investissement, conservateur et à faible risque. Les fonds gérés par Vanguard, sont investis globalement dans un pool indexé sur Morgan Stanley Capital International. L’année 2005, selon sa directrice, a été une bonne année pour le KPST, avec un rendement de plus de huit pour cent. Mais pour Haki Shatri, le Ministre des finances et de l’économie du Kosovo ces fonds seraient mieux utilisés s’ils étaient investis localement. « Le risque de garder cet argent sur des comptes d’épargne dans les banques locales, qui pourraient prêter à long terme aux entreprises locales, ce qui fait cruellement défaut aujourd’hui, n’est pas aussi grand que le dit le KPST . Si les fonds étaient mis sur des comptes dans les banques commerciales du Kosovo, qui aujourd’hui offre des taux d’intérêts à dix pour cent, l’intérêt serait plus haut que lorsque l’argent est placé dans des banques étrangères ». Mimoza Kusari-Lila, directeur de la Chambre américaine de commerce au Kosovo est du même avis, car si le KPST avait certainement raison de déposer des fonds à l’étranger pendant la période troublée de l’immédiat après guerre, cela n’est plus recevable aujourd’hui. « Je ne suis pas convaincu que le KPST a suffisamment de bonnes raisons de garder tous ces fonds à l’étranger quand une bonne partie pourrait être investie dans des projets économiques au Kosovo ». Mimoza Kusari-Lila demande instamment au KPST de montrer « un petit peu de créativité » en prenant exemple sur d’autres pays en voie de développement, où les fonds de pension ont été en partie au moins « investis dans des projets de lutte contre le chômage ». Il est vrai que la plupart des économistes admettent que les gouvernements doivent fournir un minimum de garantie pour la sécurité de ces fonds de pension, s’ils doivent les investir dans leurs pays pour ce genre de projets. Le Kosovo avec un budget annuel de seulement 650 millions d’euros, un des plus petits d’Europe, et un statut politique encore en discussion, n’est pas en mesure d’offrir les assurances exigées. Mais Mimoza Kusari-Lila est convaincu que les fonds de pension devraient être investis, au moins en partie, dans le pays pour gagner la confiance des investisseurs internationaux. « Les institutions du Kosovo, comme le KPST, alimentent ce sentiment d’insécurité générale, ce qui est dommageable pour l’économie. Les investisseurs étrangers en déduisent que si les institutions du Kosovo n’investissent pas dans leurs propres banques et leur économie, ce n’est pas bon pour eux ». Muhamet Sadiku, conseiller économique du gouvernement chargé de la stratégie pour le développement économique estime qu’il est absurde que pas une fraction de l’argent épargné au Kosovo ne soit dépensé dans le pays. « Ce n’est pas rationnel de dire que le Kosovo est un marché dangereux. Nous avons le taux le plus bas de mauvaises banques dans la région », dit-il, en faisant référence à une revue récente des banques locales par le BPK qui a estimé qu’une seule banque au Kosovo n’était pas fiable. À la suite de ce rapport, le BPK a ordonné à la Credit Bank de Pristina de fermer le 13 mars de cette année et 95 % de l’argent déposé par ses clients ont été remboursés. Si certains voient dans cette fermeture, une bonne raison pour ne pas faire confiance au Kosovo pour de plus gros dépôts, d’autres y voient un bon indicateur qui montre que les banques opèrent dans un environnement contrôlé et que des mesures peuvent être prises contre les banques peu fiables. Pour l’instant le KPST refuse de bouger. Même si Arjeta Koshutova admet que maintenant le Kosovo peut offrir des opportunités d’investissements avec de bons rendements, elle maintient que les critères pour investir des fonds de pension ne sont pas encore remplis. « Tant que les conditions d’un marché développé, des capitaux et des garanties de la part du gouvernement ne seront pas là ; la direction du KPST se voit contrainte d’appliquer la même politique de prudence ». Ce qui en d’autres termes veut dire que les fonds de pension collectés au Kosovo seront pour le moment gardés à l’étranger. |
Avenir du Kosovo : diktat international ou pas de statut du tout ? Traduit par Belgzim Kamberi Publié dans la presse : 15 mai 2006 À la fin du processus de discussions sur le statut final, les négociateurs kosovars pourraient être confrontés à une situation difficile. Ils risquent de devoir choisir entre le statut qui sera proposé par le médiateur Martti Ahtisaari ou bien se retrouver sans aucun statut. Par Agron Bajrami La fin du processus de négociations est prévue pour novembre. Elle devrait passer par un compromis, sous la forme d’un « paquet » que l’émissaire de l’ONU Martti Ahtisaari offrira aux parties impliquées. Selon des sources internationales très proches du processus de négociations, le Conseil de Sécurité de l’ONU pourrait considérer qu’un refus du paquet d’Ahtisaari par les deux parties signifie que le Kosovo n’est pas prêt pour la résolution du statut. Si Belgrade seule refuse le paquet et que Pristina l’accepte, on s’attend à ce que le Conseil de Sécurité décide d’appliquer le statut sans l’accord de la partie serbe. Personne dans la communauté internationale ne considère comme probable la première option - selon laquelle Belgrade et Pristina refuseraient le paquet d’Ahtisaari. Mais la plupart sont convaincus qu’un refus serbe est probable, et que la planification devrait se faire en considérant ce scénario et ses implications. De même, le contenu probable de l’offre finale d’Ahtisaari pour le statut final du Kosovo semble clair. Le rapport de l’ambassadeur Kai Eide, présenté l’automne dernier, a servi de base pour ouvrir les négociations et a proposé une ligne de conduite pour la manière dont elles doivent se dérouler. Mais ce sont les principes du Groupe de Contact qui ont donné le cadre nécessaire au médiateur finlandais pour prendre le temps d’élaborer son offre jusqu’en novembre de cette année. Ces principes sont la décentralisation ; les garanties sur les droits des minorités ; les garanties sur la défense de l’héritage culturel et religieux ; la création d’un milieu favorable pour le retour des personnes déplacées ; et le maintien d’une présence internationale. Ces points seront à coup sûr présents dans la proposition de Martti Ahtisaari. Selon des sources internationales, cette proposition devrait ressembler plus à un schéma compliqué de fonctionnement du Kosovo qu’à une lettre de recommandation sur le type de statut que le Kosovo doit acquérir. On y trouvera notamment des propositions pour la résolution de questions spécifiques, comme Mitrovica et le droit du Kosovo à adhérer à l’ONU. En novembre, quand Ahtisaari finalisera son offre sous forme d’un paquet, il se pourrait que Pristina doive accepter des formules qu’elle déclare à l’heure actuelle inacceptables. Mais refuser la solution placerait le Kosovo dans une situation pénible, imprévisible, sans aucune perspective économique et européenne, et avec la charge des conflits non résolus, à l’intérieur et à l’extérieur du pays. Malgré cela beaucoup d’internationaux sont convaincus qu’une solution de compromis qui comporterait le mot « indépendance » dans sa dénomination devrait être acceptée par la partie kosovare, malgré un désaccord sur certaines parties du paquet. C’est pour cette raison que les calculs se font pour l’instant sur les modalités d’applications d’une solution acceptée par de Pristina mais refusée par Belgrade. Ce travail concerne le Groupe de Contact et le Conseil de Sécurité à New York, mais pas Martti Ahtisaari à Vienne. |
Kosovo : nouvelle vague
de violences contre les Serbes
Traduit par Jean-Arnault Dérens Publié dans la presse : 30 mars 2006 La semaine dernière, alors que le vice-émissaire de l’ONU pour les négociations sur le statut se trouvait au Kosovo pour pousser à un accord entre Belgrade et Pristina, la question de la sécurité est revenue au premier plan. Un adolescent serbe a été poignardé à Mitrovica, près du pont qui divise la ville. Les violences contre les minorités ne cessent pas. Par Sasa Stefanovic Le 28 mars au soir, un garçon serbe de 19 ans a été poignardé aux abords du pont qui relie - ou plutôt qui divise - la partie sud de la ville, principalement habitée par les Albanais, et la partie nord, majoritairement serbe. Selon des témoins oculaires, les agresseurs auraient été deux, et se seraient enfuis vers la partie sud de la ville. Le garçon a été immédiatement conduit à l’hôpital de Mitrovica Nord, et opéré d’urgence. Sa vie n’est plus en danger. Cet incident grave va sans doute rendre encore plus difficiles les tentatives de la communauté internationale d’améliorer les relations entre les deux communautés principales de cette ville divisée. Avant même cet incident, les personnes venues du sud n’étaient pas les bienvenues au nord de la rivière Ibar, et les esprits sont maintenant encore plus agités. En réponse immédiate à cet acte de violence, plusieurs centaines de personnes sont descendues dans la rue à Mitrovica nord. Le lendemain de l’agression, le pont principal de Mitrovica a été fermé. La décision a été prise par la police des Nations Unies, qui a également tenu compte de la visite en ville de l’envoyé de l’ONU Albert Rohan, qui devait rencontrer les politiciens serbes de Mitrovica nord. Ce qui semble le plus choquer la communauté serbe est l’apparente impunité dont jouissent les auteurs de tels actes. Bien peu, en effet, sont ceux qui ont été traduits devant la justice et condamnés pour leurs responsabilités dans les attaques et les violences contre les minorités. L’incident survenu à Mitrovica n’est malheureusement que le plus grave d’une série de violences enregistrées ces derniers jours contre la minorité serbe. Dans la nuit du 25 au 26 mars, deux engins explosifs auraient été lancés contre la maison de Milan Dobrovic, un Serbe revenu vivre à Klina. Selon le rapport fourni par la MINUK, il ne s’agirait cependant que de quelques grosses pierres jetées à travers les vitres de la maison. La MINUK rapporte également que une ou plusieurs personnes seraient restées devant la porte d’entrée de la maison de Milan Dorovic jusqu’à l’arrivée, quelques minutes plus tard, de la police du Kosovo (KPS), rapidement intervenue après avoir été appelée par ce dernier. Ce dernier mois, de nombreuses intimidations ont été constatées à Klina à l’encontre des Serbes revenant dans la ville. Aucune personne n’a été blessée dans ces incidents et les propriétés des Serbes n’ont été que légèrement endommagées. Le message que les auteurs de ces actes ont voulu faire passer est pourtant clair : la minorité serbe n’est pas la bienvenue. Mais celle-ci ne semble pas décider à abandonner ses propres maisons. Klina est l’unique zone urbaine du Kosovo où des retours de la minorité serbe soit en train de se produire. Si les Serbes qui reviennent dans cette zone semblent décidés à s’intégrer et à vivre dans le Kosovo d’aujourd’hui, les autres Serbes, en particulier ceux qui résident à Mitrovica Nord, Zvecan, Leposavic et Zubin Potok semblent vouloir continuer à vivre mur contre mur et à s’opposer à toute intégration. Ces deux attitudes sont tellement différentes que beaucoup pensent à Mitrovica Nord que l’attitude de ceux qui veulent s’intégrer est dommageable pour la communauté serbe et risque de légitimer l’idée que Mitrovica et le secteur nord du Kosovo doivent rester, après les négociations, partie intégrante du Kosovo et ne soient pas, comme ils l’espèrent, rattachés à la Serbie. Il est certain qu’il sera difficile de trouver une solution durable dans la ville contestée de Mitrovica sans impliquer les deux communautés qui y vivent. Pour le moment, le sentiment dominant est que beaucoup d’eau devra encore couler sous le pont qui enjambe l’Ibar avant que celui-ci, qui divise la ville, ne devienne un symbole d’union. |
Kosovo
pro memoria
Traduit par Jacqueline Dérens Mise en ligne : lundi 27 mars 2006 Droits des minorités, droit au retour, établissement et respect de la loi, corruption et crime organisé, le Kosovo va toujours mal. Des générations entières ont grandi dans un contexte de guerre ou d’après-guerre. Marek Antoni Nowicki, l’ancien médiateur international du Kosovo, livre son bilan et sa vision de l’avenir alors que les négociations sur le « statut final » sont engagées. Par Marek Antoni Nowicki A la suite de la décision politique d’accélérer le processus de remise de l’institution du médiateur à un représentant local, j’ai été obligé de quitter le Kosovo à la veille d’une phase décisive de l’intervention internationale dans cette province, à savoir les discussions visant à trouver une solution pour le statut politique et international du Kosovo. Pendant les cinq années passées au Kosovo comme médiateur international, j’ai eu amplement l’occasion d’observer et d’analyser les aspects les plus importants de la situation et de montrer les erreurs le manque d’action du gouvernement, de mettre au grand jour les questions concernant les droits de la personne et la manière de les traiter par l’administration locale et internationale. Des positions inconciliables La communauté internationale, les dirigeants locaux albanais, les dirigeants serbes de Belgrade et les autres acteurs du Kosovo sont pleinement engagés dans la navette des efforts diplomatiques qui détermineront le statut final de la province. À la tête de ce processus se trouve l’envoyé spécial pour le Kosovo, nommé par les Nations unies, l’ancien Président finlandais, Marti Ahtisaari, connu pour le rôle qu’il a joué comme envoyé spécial de l’Union européenne pour le Kosovo dans les accords de cessez-le-feu de juin 1999. D’un côté, il y a les Albanais qui constituent approximativement 90 % de la population du Kosovo. Pour eux, rien sauf l’indépendance n’est acceptable, et aucun de ceux qui ont observé l’évolution politique de ces sept dernières années objecteraient que cela n’est pas une possibilité réelle. De fait, à la suite de la réunion du Conseil de Sécurité des Nations unies en février 2006 sur la question du Kosovo, le vent souffle clairement en faveur, à tout le moins, d’une indépendance conditionnelle. De l’autre côté, les Serbes du Kosovo rejettent catégoriquement toute idée d’indépendance. Pour eux, le mouvement pour l’indépendance n’est rien d’autre qu’un autre nettoyage ethnique de la province, faisant partie d’un plan pour réunir les Albanais dans un seul État. Si l’on accorde au Kosovo une forme d’indépendance, alors de nombreux Serbes du Kosovo devront faire le deuil d’un endroit que l’histoire et la mythologie considèrent comme le berceau de l’identité culturelle et spirituelle serbe. L’indépendance, dans ce cas, reléguera les Serbes au statut de « minorité », alors que cette population s’est longtemps considérée comme faisant partie d’une entité plus grande, la mère patrie, la Serbie. La communauté internationale les a déjà affublé du terme de « minorité », un terme qu’au-delà de la désignation politique expéditive, les Serbes du Kosovo refusent d’accepter ouvertement. Ce refus d’accepter ce qui aux yeux des Serbes est inacceptable les met en opposition à ceux qui détiennent vraiment le pouvoir dans le processus de construction de la nation, à savoir le réseau très serré des grandes familles des Albanais du Kosovo qui dirigent la région d’une manière quasi clanique, un fait auquel se heurteront les Serbes du Kosovo quelle que soit l’issue finale des négociations sur le statut Qu’est-ce que le Kosovo aujourd’hui ? la pauvreté y est largement répandue et un nombre considérable de gens mènent une vie difficile. Il y a un fossé entre ceux qui reçoivent une parcimonieuse assistance sociale et ceux qui ne reçoivent rien. Pour ne rien dire du taux de chômage, qui atteint des sommets et de la jeunesse (la moitié de la population a moins de 25 ans et 40 % a moins de 18 ans), à qui l’on offre bien peu de perspectives d’avoir du travail. Les personnes disparues et le pardon La question des personnes disparues pèse encore lourdement dans la conscience collective. C’est une question d’une charge émotionnelle intense dans les deux communautés, albanaise et serbe. Les familles des disparues vivent dans un État perpétuel d’ignorance sur le sort de leurs proches. Ces familles recherchent désespérément tout signe prouvant que leurs parents sont encore en vie. Un nombre considérable de non-Albanais font partie des personnes disparues au Kosovo, mais les Albanais, principales victimes des opérations menées par les unités paramilitaires serbes ou autres, forment la grande majorité de ces personnes disparues. Au bout de presque sept années, il y a certainement des progrès pour découvrir les détails de l’horrible vérité, et il y des avancées de la part des représentants de Pristina et de Belgrade pour mettre un terme a ce traumatisme . Quand on parle des Albanais disparus, la question des efforts faits par la Serbie et le Monténégro surgit inévitablement. La société serbe et ses dirigeants devraient montrer que tout est fait pour que ces familles albanaises sachent quel est le sort exact de leurs parents disparus. C’est dans l’intérêt de la Serbie et de l’avenir de veiller à savoir ce qui est advenu de ces personnes disparues, même si la vérité doit se révéler atroce. Les Serbes de Serbie doivent être préparés à accepter et à gérer ces questions douloureuses. Plus important encore, ce travail et ces efforts doivent être faits dans une perspective d’avenir plutôt que dans un retour sur le passé. Il semble qu’il y a peu de réflexion sérieuse ou de débat public en Serbie et Monténégro sur les opérations qui ont eu lieu au Kosovo, qui ont été menées au nom du pays avant et après les frappes aériennes de l’OTAN en 1999. Relativement peu de criminels ont comparu devant les tribunaux serbes, et il n’y a guère de soutien public visible pour ces comparutions. Une large frange de la société serbe ne semble pas considérer que ces procès lui permettrait de se réconcilier avec elle-même sur le passé récent du Kosovo. Ces rares procès isolés ne font pas vraiment partie d’un processus plus large de reconnaissance, qui serait une rupture avec l’attitude civile générale envers un héritage inimaginable. Historiquement, l’attitude qui prévaut est d’éviter le face-à-face avec la vérité insoutenable, soit par le déni, une attitude défensive, soit par un rejet clair et net des actions passées. Tous les responsables devront un jour ou l’autre aller devant les tribunaux et faire face à la justice, non seulement ceux qui ont pris part à ces crimes mais aussi à des actes similaires, quelle que soit leur nationalité, leur position, ou leur position actuelle dans les structures politiques. La culpabilité doit être reconnue et acceptée avec sincérité. Il n’y a aucune chance pour amorcer même le processus du pardon, sans parler de la future réconciliation, sans que justice soit faite, ou qu’au moins de sérieux efforts ne soient engagés dans cette direction. De plus, sans réconciliation, est-il vraiment possible pour la communauté internationale de parler de stabilité régionale même quand le statut sera défini ? Jusqu’à présent, la société, en Serbie et au Kosovo, n ’a pas eu la force de faire face à son passé, ni même à sa partie la plus sombre. Et pourtant, ce n’est qu’après cette expérience thérapeutique en profondeur que la société sera suffisamment guérie pour échapper à son héritage de violence et d’agression mutuelle, qui a depuis si longtemps caractérisé les luttes dans les Balkans. Pardonner et être pardonné est un aspect qui manque dans le processus du Kosovo. Un effort collectif est nécessaire pour reconnaître les énormes souffrances que les gens ont enduré. Alors que le temps passe, le pardon est une issue inévitable pour que la société aille de l’avant et que se renforcent les relations euroatlantiques. Il faut aussi se rappeler que pardonner n’est pas blanchir une mauvaise action ou échapper à la justice. Ceux qui ont commis des crimes doivent en rendre compte. Le pardon est un acte important pour les victimes. C’est un long processus qui doit commencer en dépit de conceptions erronées voulant que le pardon soit un signe de faiblesse ou un acte « antipatriotique ». Ce n’est pas non plus un effort pour enterrer le passé et oublier. Les vérités les plus difficiles doivent être mises au grand jour. Pour que ces vérités aident la justice, il faut que ceux qui ont participé à ces moments difficiles le reconnaissent. Alors que la communauté internationale discute de la solution ultime pour le Kosovo, les acteurs locaux doivent être prêts à écouter jusqu’au bout les vérités les plus dérangeantes. Le terrain doit être dégagé entre les communautés pour forger de nouvelles relations, qu’elles soient pratiques ou politiques. Un tel processus ne doit pas être précipité, bien qu’il semble que la communauté internationale n’ait pas envie de parier sur le temps. Si, dans ce processus, ceux qui vivent au Kosovo ne font pas un effort significatif pour affronter le passé, alors le travail de la communauté internationale sera incomplet. Les gens ne seront pas prêts à mettre en pratique les valeurs généralement admises comme étant au cœur des principes démocratiques que la communauté internationale brandit souvent comme but politique et social de l’évolution du Kosovo. Il faut redire que si la question des personnes disparues n’est pas résolue, si le processus de réconciliation n’est pas mis en route, l’avancée vers le statut final ressemblera fort à la construction d’une maison sur une dune de sable. Les autres communautés non-albanaises Aujourd’hui, de très nombreux habitants du Kosovo mènent une vie difficile. Cela dit, les gens qui souffrent le plus se trouvent parmi les populations les plus vulnérables, c’est-à-dire, mais pas seulement, les communautés non-albanaises. Selon des déclarations récentes faites en février 2006 lors d’une réunion du Conseil de Sécurité de l’ONU consacrée au Kosovo, il y a encore beaucoup de travail à faire pour améliorer la situation des minorités dans la province. Le cadre des aspirations bipolaires, Albanais et Serbes, fausse le concept de la « multi-ethnicité » au Kosovo. En fait, ce concept d’un Kosovo « multiethnique » repose sur des modèles forgés par ceux qui déterminent la politique internationale. Dans l’avenir immédiat, il y a peu de chance de succès sur ce plan. Les communautés au Kosovo, en particulier les Serbes et les Albanais, n’ont jamais vécu ensemble, mais ont plutôt connu une juxtaposition tout au long de leur cohabitation. La société multiethnique au Kosovo fait partie de la rhétorique politique internationale. Ai-je besoin de mentionner qu’il ne s’agit pas ici seulement de la question du cadre serbo-albanais, mais aussi, dans une certaine mesure, des autres non-Albanais, dont les droits et les besoins sont trop négligés ou simplement ignorés ? Que veut dire « protéger les minorités » ? De bonnes lois peuvent bien être promulguées et des programmes établis, mais s’il n’y a pas un environnement social sincère pour adopter ces changements dans la vie courante, il y a peu d’espoirs que change ce statu quo désespérant. La société dans son ensemble est-elle capable de créer un espace significatif pour ces communautés, dans une situation où presque tout le monde se bat pour sa survie ? Dans des temps difficiles, il est naturel de privilégier une attitude d’auto-préservation, de veiller d’abord à la survie de sa famille et de sa communauté. Il y a tant de gens au Kosovo qui ont faim, qui sont fatigués, qui sont pauvres, mais cela ne peut pas être une excuse pour une situation où les communautés non-albanaises vivent une expérience de grande souffrance. Il est certain qu’au Kosovo, les relations sont marquées par des plaies encore ouvertes qui n’aident pas à changer les attitudes. Beaucoup de colère, de frustrations, de souffrances du passé alourdissent l’atmosphère au Kosovo. Les racines de ses émotions remontent à des générations passées, et elles sont accentuées par les années récentes d’oppression et de conflit armé. Le sentiment collectif d’avoir été victime de ce qu’on nomme facilement « l’autre », en général un autre groupe ethnique, donne une couleur particulière à tous les aspects de la vie quotidienne. Aussi, toutes ces émotions prennent un caractère de colère justifiée qui vise « l’autre ». Ce sentiment tend à se manifester dans un effort passionné pour corriger les injustices faites contre eux, leurs souvent familles et leur communauté. Une telle attitude réussit à donner un sentiment de soulagement et à justifier leur indignation. Au bout du compte, cette réaction émotionnelle mène à une pensée confuse et à une animosité persistante. Les responsables des Nations unies ont aussi reconnu une disparité entre la politique écrite et ce qui fait partie de la mise en pratique des standards . Cela est doublement vrai quand il s’agit des minorités et en particulier des minorités non-serbes. Qu’est-ce que le Kosovo va offrir à l’Europe si ses habitants ne voient dans les gens qu’ils croisent dans la rue que des classifications ethniques, serbe, rrom, ashkali, ou albanaise ? Où est l’identité partagée ? si on écarte l’aspect tribal spécifique aux sociétés pré- modernes, cette attitude est la marque d’une société sur la défensive qui voit « l’autre » comme un risque ou une menace. La majorité des gens ne veulent pas accepter les minorités, en disant cela ils ne veulent pas les accepter comme des êtres humains dignes des mêmes droits et privilèges dont ils sont censés jouir eux-mêmes. Penser en termes de divisions ethniques a produit des résultats désastreux ici, et il semble naturel de dépasser cette réalité en reconnaissant que quelque chose doit être fait pour s’engager à ouvrir le dialogue de manière à répondre au concept d’une société globale. Pour que des mesures politiques correctes envers les minorités soient prises et pour leur assurer de meilleures conditions, le gouvernement et les dirigeants politiques du Kosovo doivent aussi montrer leur volonté à répondre aux difficultés dont souffrent une grande majorité de la population albanaise. C’est pour cette raison qu’il est de la plus grande importance de maintenir un équilibre dans les messages transmis à l’opinion publique, que ce soit dans les discours des hommes politiques ou la manière dont les institutions publiques font l’interface avec la population. Ceci étant dit, ils doivent soutenir tous les efforts pour essayer de convaincre les minorités qu’il y a une juste place pour eux dans la société et pas seulement comme personnes de seconde classe. Les Rroms Comme à tous les peuples du Kosovo, on devrait accorder des droits fondamentaux aux Rroms. Leurs intérêts doivent être considérés à égalité avec ceux des membres plus intégrées de la société. Alors que les Albanais et les Serbes mettent en avant leurs racines ancestrales dans leurs tentatives de légitimer leur culture au Kosovo, la même chose s’applique aux Rroms qui font tout autant partie du tissu social et de l’héritage de cette terre. Quand on considère le sort des communautés non-albanaises, on en vient immanquablement à se poser la question de l’avenir des Rroms, des Ashkali et des Egyptiens du Kosovo. L’avenir des Rroms dépend en grande partie de la survie des Serbes du Kosovo. Pendant des siècles, les Rroms ont vécu dans l’entourage des Serbes. En 1999, ils ont payé cela au prix fort, en particulier, mais pas seulement, à Mitrovica où plus de 6000 Rroms ont été brutalement chassés de leurs maisons de leur quartier, la romska mahala, par des groupes d’Albanais du Kosovo qui considéraient les Rroms comme des collaborateurs des Serbes. Beaucoup de ces Rroms de Mitrovica vivent aujourd’hui dans des conditions inhumaines dans des camps au nord de Mitrovica, installés sur des terrains contaminés par les métaux lourds. Ils faudrait sans tarder les évacuer vers des lieux plus sûr pour leur santé. Il est indéniable que des progrès ont été accomplis pour la reconstruction de la Mahalla des Rroms de Mitrovica, mais des questions politiques et économiques ples urgentes ont la précédence sur les besoins immédiats de la population Rrom, au Kosovo, comme ailleurs. La Minuk et l’Organisation mondiale de la santé se sont mis d’accord pour reconnaître la crise sanitaire et pour reloger les Rroms déplacés du Kosovo dans un ancien camp de la KFOR au nord du Kosovo, Osterode. Mais ils n’ont pas voulu garantir formellement que ce camp ne sera pas une solution permanente. pour les Rroms de Mitrovica. Les représentants de la Minuk se sont engagés verbalement à ce que le camp Osterode ne dissuadent pas les acteurs internationaux et locaux à tout faire pour que les Rroms retrouvent leurs maisons de la Mahalla . Toutefois, les Rroms sont sceptiques sur ce retour car les baraques, où ils vivent toujours aujourd’hui, étaient des abris dont la durée ne devaient pas dépasser 45 à 90 jours. Les communautés rroms dans d’autres endroits du Kosovo connaissent la même situation de déplacements « provisoires » qui deviennent des situations permanentes. Des milliers de familles Rroms de Serbie, du Monténégro et d’ailleurs attendent leur retour au Kosovo. Comme toutes les autres personnes déplacées, les Rroms ont aussi le droit de retrouver leurs maisons et on doit leur permettre de reconstruire leur vie sans crainte d’agressions ciblées et répétées,. La KFOR s’est jointe aux structures de l’administration des Nations unies et de l’administration locale pour assurer l’opinion publique que la sécurité été à son niveau le plus élevé depuis la fin des combats de 1999. Mais qu’en est-il de la majorité de la population dont l’attitude est déterminante pour la sécurité de ces Rroms déplacés ? . L’extrême vulnérabilité de la communauté Rrom tout entière est évidente. Combien de leurs maisons ont été reconstruites ces dernières années ? La violence qui a visé les quartiers non-albanais en mars 2004 illustre à quel pont ces individus qui ont commis des crimes envers les Rroms en 1999 sont prêts à refaire la même chose. La peur grandit chez les Rroms que la définition du statut, dans le cadre de l’affrontement des forces politiques, Albanais contre Serbes, les laissent au bord de la route d’une intégration plus grande. La communauté internationale a pourtant insisté pour que la mention des Rroms dans le contexte de la sécurité et de l’intégration, soit expressément mentionnée pour mettre dans la tête de la population albanaise que les Rroms font partie intégrante du tissu social du Kosovo. Cela prendra, il est vrai, des générations d’efforts, mais néanmoins ce processus doit commencer au plus tôt... La sécurité Le sentiment d’insécurité parmi les Serbes du Kosovo et les autres communautés non-albanaises est alimenté par les expériences négatives vécues ces sept dernières années : meurtres gratuits, agressions, attaques à la bombe, vols, incendies, jets de pierre .Les agresseurs ont rarement été identifiés ou amenés devant la justice ce qui ajoute à la perception que ces actes peuvent être commis impunément Bien sûr, cela s’inscrit dans le contexte d’une évidente répercussion de l’insécurité ressentie par la population albanaise immédiatement avant et pendant le conflit du Kosovo quand le système de sécurité serbe a mis au point son travail d’intimidation, d’agression et tueries dans son désir de tarir les aspirations séparatistes d’une partie de la population albanaise. Tout changement dans ce sentiment partagé d’insécurité et toute construction de sentiments de tolérance sera un long processus. Les violences de mars 2004 ont détérioré la situation d’une manière significative, si ce n’est irréversible. Cette vague de violence a laissé un traumatisme émotionnel fort et a cruellement rappelé l’année1999 quand les représailles contre les Serbes et les communautés non-albanaises étaient à un niveau très élevées. Les événements de mars 2004 ont montré que la violence au Kosovo peut renaître à tout moment. Ils ont montré combien il était facile de détruire le « calme » apparent qui prévaut en surface dans la société du Kosovo. Il n’est pas étonnant, qu’aujourd’hui cela soit devenu presque une seconde nature, au moins pour les communautés non-albanaises, d’avoir le sentiment de vivre dans l’insécurité au Kosovo. Les retours Cela fait bientôt sept ans que l’administration des Nations unies est arrivée au Kosovo avec les forces de sécurité de l’’OTAN, alors quedes flots de Serbes et d’autres non-Albanis fuyaient un autre nettoyage ethnique. Beaucoup de ces gens vivent encore en Serbie ou au Monténégro dans des circonstances précaires et sans statut légal. Il n’est pas difficile alors de comprendre le malaise de la communauté internationale face à la fuite continue de ces familles en dépit des appels répétés au retour. Personne ne connaît le chiffre exact de ces Serbes et autres non-Albanais qui ont quitté la province. Un dispositif existe pourtant et a été renforcé après les violences de mars 2004. Ignorer ce que ces communautés endurent depuis plus de sept ans ne peut que mettre les responsables sous pression. En dépit de sommes d’argent et de travail non négligeables accordés aux retours, les résultats sont absolument lamentables. Pourquoi ce processus des retours n’a-t-il pas progressé de manière significative ? Beaucoup de ces personnes déplacées parlent ouvertement de leur sentiment d’absence de sécurité pour leur communauté. Des attaques, certes moins fréquentes qu’auparavant, se produisent toujours, tout comme des tensions ethniques entre les communautés du Kosovo. La stagnation économique générale est un des facteurs principaux de l’échec de ces retours et les communautés non-albanaises sont les plus touchées. La plupart des familles qui ont décidé de retourner vivre au Kosovo comptent sur l’aide humanitaire. La plupart de leurs biens, appartement, maisons, terres sont occupés, volés ou bien perdus dans une sorte de vide juridique. Pendant ce temps, étant donné la situation générale et le manque de clarté sur le statut de la province, nombre de ces biens ont été vendus à bas prix, en particulier dans les zones urbaines. Ces ventes au rabais continuent. De plus, des habitations reconstruites après les combats de 1999 ont été à nouveau détruites dans les émeutes de mars 2004. Beaucoup de Serbes ne restent au Kosovo qu’à cause de l’existence de structures parallèles serbes et le soutien apporté par Belgrade et l’aide des organisations non-gouvernementales. Les efforts pour faciliter les retours semblent se concentrer sur la simple construction d’abri. Cela est important, mais cela n’est qu’un morceau du puzzle compliqué de la reconstruction d’une vie. Les perspectives de pouvoir cultiver leurs terres, fournir les marchés ave leurs produits, envoyer leurs enfants à l’école et réintégrer le marché du travail du Kosovo semblent éloignées pour longtemps. Ce qui veut dire que ces gens qui reviennent auront besoin d’être soutenus artificiellement par des dons afin qu’ils reçoivent au moins une aide sociale et de quoi survivre jusque ce que l’économie du Kosovo commence réellement à fonctionner. La question du retour demande aussi que l’on s’attache à la question de savoir comment encourager les jeunes à revenir ou à rester au Kosovo. La jeunesse représente le fondement de toute croissance potentielle de la société et cela ne suffit pas de voir revenir des gens qui veulent mourir dans leur pays. Il faut avoir suffisamment de jeunes, éduqués, formés pour renforcer la communauté. C’est pour cette raison que le retour dans les villes est si important, mais cela semble un rêve, étant donné la réalité plutôt décourageante qui jette de sérieux doutes sur des programmes de retours durables. Il est difficile de penser qu’un Kosovo indépendant encouragera le retour des habitants non-albanais. D’un autre côté, ceux qui décident de rester, quelles que soient leurs raisons, doivent bénéficier de bonnes conditions pour leur intégration. Le miracle des retours à des fins politiques ne peut pas servir de justification à l’extension du statut indéterminé et des conditions de vie déplorables de ceux qui reviennent, et qui sont les personnes les plus vulnérables. Bien sûr, la responsabilité repose d’abord sur les autorités de Serbie et Monténégro, mais en même temps il y a obligation pour la communauté internationale de fournir une aide appropriée. Il est de son devoir de veiller au bien être des personnes déplacées étant donné que la situation dans la province n’est pas et ne sera pas préparée à leur retour. Il faut aussi être réaliste et assurer des fonds extra gouvernementaux pour faciliter les choses. Les rapatriements forcés Plusieurs pays européens ont passé des accords avec l’administration de la MINUK pour le retour forcé dans la province aux demandeurs qui n’ont pas réussi à obtenir le droit d’asile. Cette pratique dure depuis quelque temps et devrait s’accélérer étant donné que l’on dit que la situation sur le terrain s’améliore, du moins selon les acteurs internationaux et les autorités municipales. Aux personnes qui ont fui le Kosovo et ont passé près de dix ans dans des pays « d’adoption », on dit maintenant qu’ils ne sont plus les bienvenus et qu’il doivent « retourner chez eux ». Ce « chez eux » qu’ils connaissent non seulement rappelle des souvenirs négatifs à ces réfugiés, mais pour beaucoup d’entre eux, y compris les enfants, ils ignorent où ils doivent revenir. Sans compter que les communautés dans lesquelles ils sont censés revenir peuvent avoir disparu. Au Kosovo où le chômage est si fort et le budget de l’État en déficit, il n’est pas réaliste de penser que ces gens vont pouvoir gagner leur vie, un problème qui l’on retrouve en écho dans l’énigme des programmes des retours durables. Cela est surtout vrai pour ceux qui appartiennent à des minorités comme les Askhali et les Rroms. Non seulement ces gens sont renvoyés au Kosovo contre leur volonté, mais le retour, dans certains pays, est sélectif et vise d’abord ceux qui ont un dossier criminel. Comme beaucoup de ces gens qui ont quitté le Kosovo appartiennent aux minorités, ces rapatriements sélectifs accentuent l’image négative et les stéréotypes qu’une partie de la population albanaise porte sur eux, ce sont des voleurs, des mendiants, des tricheurs, des collaborateurs, etc. Pour le moment ces rapatriements forcés fait par l’Europe occidentale sont une réalité et doivent être traités correctement. La Minuk, le gouvernement du Kosovo, les municipalités doivent créer des infrastructures pour prendre en compte le flux de ces nouveaux habitants Comme dans les projets de retour moins controversés, ces personnes contraintes au retour doivent recevoir abri, emploi et cours de langue pour les enfants. Le gouvernement doit mettre en place un programme spécial d’aide sociale et de logements sociaux pour les intégrer dans la société du Kosovo . En plus de l’obligation pour la Minuk et le gouvernement du Kosovo de prendre l’initiative de tels programmes, les citoyens et les municipalités doivent prendre les devants et comprendre qu’il est de leur devoir de créer les conditions pour que ces gens de retour puissent s’installer vraiment et se sentir chez eux, faute de quoi cette situation pèsera lourd sur le climat social des générations futures. Le crime organisé Des rapports dignes de foi montrent que le Kosovo est bien connu pour être toujours un centre important des activités multiples et à grande échelle du crime organisé et un lieu de transit. Si l’on prend en compte ces 20 dernières années, marquées par les guerres, les sanctions, l’agitation généralisée au Kosovo, il est facile de voir comment les éléments du crime organisé ont pris position et ont étendues leurs activités existantes dans la région et à l’étranger. La présence des forces internationales de maintien de la paix dans la région a aussi indirectement aidé à l’ancrage du crime organisé dans la région en détournant l’attention par des initiatives locales d’un caractère plus pratique en faisant confiance aux codes ancestraux de l’interaction entre les structures familiales albanaises pour recueillir des renseignements. Ces organisations internationales se sont installées dans un pays sans loi et dans une société qui depuis des années se battait pour survivre avec ses ressources limitées, acceptant l’absence de lois et la corruption comme moyen de survie. Grâce à leurs efforts couronnés de succès pour forger des liens avec les acteurs politiques, les groupes criminels ont pu opérer dans une apparente impunité. Ces réseaux n’ont pas de souci à se faire par rapport à l’application vigilante de la loi car ils peuvent compter sur la faiblesse des institutions publiques pour punir leurs activités. Des efforts bien intentionnés de la part de la communauté internationale pour mettre sur pied ce qui est devenue une force de police contrôlée localement, le Service de Police du Kosovo (KPS), n’a en fait pas pu dissuader la croissance de la corruption dans le la province en grande partie parce le KPS existe en parallèle et en tandem avec le crime organisé. Selon certains analystes, des éléments du crime organisé ont pénétré et influencent les structures du KPS, ce qui aboutit à un manque de volonté d’enquêter dans des secteurs où le crime organisé est opérationnel. Sans aucun doute cela est dû au fait que la communauté internationale n’a effectivement pas été capable de comprendre les interconnections familiales et culturelles qui ont toujours existé dans la communauté albanaise du Kosovo et l’on ne peut pas écarter ces facteurs quand on essaie d’organiser une force de police où les gens que l’on forme et que l’on emploie font aussi partie de ce milieu culturel. La corruption Les affaires de corruption ne se limitent pas aux hautes sphères politiques et du monde des affaires ou des réseaux mafieux, mais elles existent dans toutes les institutions du Kosovo, dans les secteurs de la justice, de l’éducation, de la santé etc... En dépit de l’étendue de ces pratiques abusives, il est difficile de prouver qu’il y a corruption quand il y a peu de preuve de délit, quand une atmosphère de corruption règne sur tous les actes de la vie quotidienne, au point que les gens deviennent esclaves de ces relations. Les règles du silence et de la vengeance viennent renforcer cette allégeance. La corruption est en fait un phénomène qui rend possible à quelques-uns de décider du sort des gens et des différents aspect de leur vie d’une façon complètement arbitraire. Les règles de fonctionnement d’une société sont complètement altérées quand la loi devient si peu pertinente et le rôle des institutions dépassé ou violé. Il va sans dire que ces pratiques semblent profondément enracinées dans le Kosovo d’aujourd’hui. Chaos légal En ce qui concerne les questions légales, dans beaucoup de cas, ce sont ceux qui essaient de respecter la loi qui souffrent le plus au Kosovo. Je n’exclus pas les autres qui rejettent la loi ou ceux qui ne pensent même pas à la loi. Il semble que cela fasse partie d’une pratique courante d’application arbitraire ou sélective de la loi qui transforme l’application de la loi en une application à la convenance de chacun. Sept ans se sont écoulés et des lois écrites ont été mises en place, ainsi que des agences et du personnel formés localement ou internationalement pour l’application de la loi, il y a aussi des dirigeants politiques élus. Le problème cependant est que trop souvent ils ne sont pas capables ou ne sont pas désireux d’utiliser leur pouvoir pour défendre la loi pour le bien de tous. Si l’autorité publique n’a pas le pouvoir ou la volonté de faire respecter la loi, alors elle devrait renoncer à toute discussion sérieuse sur « le respect de la loi ». La loi existe seulement si elle est appliquée par des autorités compétentes, y compris en infligeant des sanctions quand cela est nécessaire et en s’opposant à toute violation de la loi, pas seulement d’une manière sélective et principalement contre les membres les plus pauvres de la société. Les communautés étroitement soudées, les réseaux des familles puissantes et autres cercles jouent un rôle significatif ici, en créant des obstacles sérieux à quiconque pense appliquer la loi ou simplement l’égalité devant la loi. Le respect de la loi ne peut pas se réduire à celui des personnes qui utilisent la loi dans leur propre intérêt. Les mécanismes déjà en place comme les tribunaux, les bureaux des procureurs, du médiateur doivent être sérieusement renforcés et utilisés si le respect de la loi devient véritablement une réalité. Même si de tels mécanismes locaux existent, ils doivent être surveillés par des structures internationales et leur réaction face à des violations flagrantes de la loi doit être plus forte, plus déterminée et s’appuyer sur des principes plutôt que sur des convenances politiques. La justice Le système judiciaire a encore plutôt mauvaise réputation au Kosovo, en dépit des efforts internationaux pour construire un système résolument indépendant dans un contexte d’après guerre. La société au Kosovo, comme je l’ai dit, est dominée par un réseau très serré de grandes familles qui dirigent la région d’une manière clanique ce qui crée des obstacles à celui qui sincèrement pense à l’application de la loi ou même à l’égalité devant la loi. Ces relations sociales profondément ancrées dans la société du Kosovo s’étendent jusqu’au système judiciaire. Les allégeances sociales des familles et des cercles politiques sont si profondément inscrites dans le non-dit qu’elle peuvent remplacer les codes légaux officiels et même l’éthique. Le résultat , c’est qu’il y a un sentiment palpable de manque de confiance dans le « système », très souvent perçu par la population comme étant dans les mains de certains intérêts. La présence, même limitée, de la justice internationale est très souvent préférée par les simples gens pour répondre à la façon dont la justice est rendue par les juges et procureurs locaux. On préfère souvent mettre la justice dans les mains des étrangers plutôt qu’à ceux qui ici sont mêlés à différents cercles d’intérêts. Un système judiciaire international est une solution temporaire et ne peut pas demeurer pour toujours au Kosovo. Un jour les juges du Kosovo devront accomplir les taches difficile qui sont aujourd’hui faites par leur collègues internationaux et ne devront pas succomber aux pressions et menaces, à la corruption et à la puissance du crime organisé. Au Kosovo, en particulier chez certains éléments de la société, perdure une atmosphère où la justice « officielle » n’est pas forcément choisie surtout là où existe une longue tradition d’utiliser les remèdes alternatifs de la loi coutumière du pays. La justice cependant ne doit pas être dans les mains des autres. Mais pour que la loi des juges soit acceptée, il faut que la société ait suffisamment confiance dans le système judiciaire . Le Kosovo ne doit pas se laisser noyer dans les eaux de la justice opportuniste ou autoproclamée, le crime et la corruption. Sans un soutien populaire, il n’y a guère d’avenir pour la justice. La communauté internationale a consenti des efforts considérables pour mettre en place cette infrastructure, mais dans la délicate période de transition du protectorat à une forme définitive de statut, la pression ne doit pas se relâcher dans ce domaine. Les enfants du Kosovo Il y a bientôt sept ans que le conflit armé a défiguré le paysage, mais même avant, la répression était évidente et la guerre était dans l’air dans les Balkans avec les échos du conflit en Croatie et en Bosnie. Quand on pense à cette époque, on s’aperçoit que tous les enfants du Kosovo d’âge scolaire sont des produits de la guerre ou d’un environnement d’après-guerre. Les expériences vécues par ces enfants de la guerre ont influencé leur développement mental. Bien sûr beaucoup d’entre eux étaient trop jeunes pour avoir des souvenirs précis et d’autres sont nés après le conflit. Il y a beaucoup de problèmes concernant ces enfants : beaucoup souffrent sans le savoir de troubles post-traumatiques, ils n’ont pas de modèles de référence et beaucoup n’ont plus de parents ou de tuteurs. Ces enfants grandissement dans un milieu d’après guerre où le chômage et des perspectives sombres viennent alourdir l’avenir. Ces enfants sont obligés de trouver leur propre voie dans une atmosphère de divisions artificielles, apprenant la haine et la peur de « l’autre ». Les conséquences d’une telle éducation sont multiples et jettent la confusion dans les jeunes esprits. Il est facile aussi de se rappeler que les parents de ces enfants sont aussi des produits de la guerre et des conflits. Le problème est que ces pères et ces familles ont malheureusement été influencés par ces expériences négatives. Il est du devoir des familles d’apprendre à leurs enfants un système de valeurs sans haine. Dans le Kosovo d’aujourd’hui les enfants, de différentes origines ethniques sont rarement en contact avec les enfants de leur âge, comme ceux qui vivent dans les enclaves ou dans des villes qui psychologiquement semblent lointaines. La séparation et l’isolement font que ces enfants apprennent dans leurs familles comment agir avec ces « voisins ». Cette distance entre les communautés aggrave la situation en donnant une image négative à toute une population. Le gouvernement du Kosovo serait bien avisé de mettre en place avec fermeté des programmes où les enfants d’âge scolaire de ces communautés divisées auraient la chance de pouvoir aller à l’école en dehors de leur environnement cloisonné ou au moins d’avoir plus qu’aujourd’hui la chance de rencontrer et de découvrir les jeunes des autres communautés. Ce n’est que de cette façon que les enfants du Kosovo seront capables de développer des idées stimulantes sur le monde et les gens sans être influencés par les idées de leurs parents assombries par leurs douloureuses épreuves passées et qui leur font voir « les autres » comme des personnes « antagonistes ». Bientôt, ces enfants devront mener le Kosovo vers un avenir plus démocratique, plus tolérant et plus moderne. Personne ne peut oublier ce fait décisif quand on parle de l’avenir du Kosovo. La protection des droits de la personne Les habitants du Kosovo sont parmi les rares personnes en Europe qui sont privées de la protection de leurs droits fondamentaux auprès de la juridiction de la Cour de Strasbourg. La grande majorité des Européens ont la possibilité de porter plainte contre leurs propres autorités pour la défense de leurs droits fondamentaux devant une cour de justice internationale, mais les habitants du Kosovo sont privés de cette possibilité d’action, bien que l’administration internationale ait annoncé qu’elle défendrait ces droits. La protection des droits de la personne est clairement écrite dans le cadre constitutionnel du Kosovo et dans les textes internationaux qui sont considérés comme faisant partie de la loi de ce pays. Pourtant, au bout de sept ans, il y a encore trop peu de mécanismes mis en place pour assurer en pratique la protection de ces droits. La présence de l’ONU au Kosovo a été mise en place sur des bases humanitaires et pour le respect des droits de la personne ; Cependant, en fait le Kosovo , avec quelques autres exceptions, est privé d’avoir recours à des systèmes internationaux pour la protection des droits de la personne et le respect de la loi L’ONU et autres institutions présentes au Kosovo pour aider au respect de ces droits, dans le même temps, n’ont pas à répondre à ces personnes qu’elles sont dans l’obligation de protéger. Ce qui fait qu’il existe au Kosovo un « autre système légal » qui permet à la communauté internationale d’imposer ses vues aux habitants et aux structures du Kosovo, tout en opérant elles-mêmes en toute impunit, en fait « au-dessus de la loi ». Quand des habitants du Kosovo ont été victimes de violations de leurs droits fondamentaux commises par des membres de la MINUK ou de son personnel, il n’y a pas de structure légale indépendante qui peut intervenir ou permettre à ces personnes d’obtenir des dommages en réparation des torts qu’elles ont subis. Au Kosovo, le Médiateur international a été le seul et unique instrument légal pour la protection de ces droits. Malheureusement, quand cette institution a été remise dans les mains des acteurs locaux , dans l’environnement institutionnel et légal encore chaotique du Kosovo et pour la raison même de l’existence objective de circonstances qui portent encore la marque d’un conflit ethnique persistant, l’institution du Médiateur n’est pas en mesure d’assure cette protection. Beaucoup reste encore à faire. Il faut améliorer les institutions existantes et leur fonctionnement, tout en mettant en place de nouveaux corps judiciaires indépendants dont certains resteront longtemps après le départ de la Minuk. La chambre constitutionnelle de la Cour Suprême dont on discute depuis des années doit faire partie maintenant du système légal du Kosovo, et elle avait été envisagé à l’origine dans le cadre constitutionnel du Kosovo. Une autre option serait d’avoir un tribunal constitutionnel séparé. Tous les aspects de l’action ou de l’inaction des autorités publiques locales et internationales, y compris celle des juges du Kosovo devraient pouvoir être examinés d’une manière indépendante en ce qui concerne les droits de la personne comme pour le reste de l’Europe par le mécanisme de la Convention Européenne des Droits de l’Homme. Au sommet de cette institution se trouve la Cour Européenne pour les Droits de l’Homme de Strasbourg qui pourrait être remplacée, dans le contexte du Kosovo et temporairement jusqu’au statut final, par une cour similaire ou un corps judiciaire de caractère similaire. En dépit des rapports de la MINUK au Conseil de l’Europe, des institutions de l’ONU et des développements positifs récents, la protection des droits fondamentaux et des libertés sont loin d’être à un niveau acceptable. Le respect des droits de la personne et l’application de la loi sont un devoir pour tout gouvernement. On voudrait espérer que les institutions internationales, qui ont pris la responsabilité générale du Kosovo , les pays qui contribuent à la KFOR et aussi les autorités du Kosovo et ses dirigeants politiques comprennent mieux les concepts des droits de la personne et prêtent à leur défense toute l’attention indispensable requise. Une année cruciale Il est clair pour tout le monde au Kosovo et à l’étranger que cette année sera de la plus haute importance pour le Kosovo. Il reste cependant beaucoup de problèmes et de questions sans réponses La route vers la résolution du statut est très complexe. Une des questions centrales est de savoir s’il est réaliste de penser que les habitants du Kosovo peuvent vivre ensemble et s’ils ont la capacité de mener de front le processus menant au statut final et la création de conditions où chacun quelle que soit son appartenance ethnique pourra mener ici une vie paisible et sans incidents. .S’il existe une volonté sincère de changement, de réintégration de ceux qui reviennent, de préparation d’un environnement solide pour que les Serbes, les Rroms et les autres se sentent chez eux au Kosovo, il faudrait des efforts plus visibles sur le terrain de la part du gouvernement, des dirigeants politiques et des structures municipales. Quelles que soient les solutions politiques adoptées, l’avenir du Kosovo se trouve en Europe, et celui -ci doit adopter les normes européennes de la démocratie, du respect de la loi, du respect des droits de la personne, et dans le contexte particulier du Kosovo, la protection des droits des minorités. Aujourd’hui, bien que la situation des droits de la personne se soit améliorée dans certains secteurs, le niveau général de la protection de ces droits est bien au-dessous des normes internationales. Beaucoup d’efforts doivent être faits pour renforcer les mécanismes de cette protection. En plus de combler beaucoup d’autres manques, le Kosovo a désespérément besoin de mettre sa justice en ordre et de construire un système judiciaire indispensable au respect de la loi et de la justice. Toute solution doit en plus prendre en compte la loi internationale et les intérêts des pays voisins pour assurer la stabilité et la sécurité régionale dans les Balkans. Cette province terriblement éprouvée doit avancer d’un pas assuré, avec les autres peuples de la région, sur le chemin menant à l’intégration dans l’Union européenne. Il est indéniable qu’un statut international concret légal et politique doit être accordé au Kosovo sans délai. Cela ne veut pas dire cependant, de mon point de vue, que ce statut doit être le statut « final ». Pour arriver à la fin de la partie avec un statut final, le Kosovo doit être soumis à des processus soigneusement contrôlés politiquement et ne doit pas être seulement l’otage des aspirations à l’indépendance de la majorité de la population. |
Économie
: quels produits et quelles richesses le Kosovo pourrait-il exporter
?
Traduit par Stéphane Surprenant Publié dans la presse : 9 mars 2006 De quoi vivra le Kosovo, quand le statut futur du territoire aura été fixé ? Aujourd’hui, les exportations sont tombés à un niveau dérisoire, et aucune perspective certaine ne se dégage. Autrefois, le Kosovo exportait certains produits dans le cadre du marché yougoslave, aujourd’hui diparu. Le désastre qui se profile à l’horizon donne des maux de tête aux experts de la MINUK. Par Arbana Xharra Alors que les pourparlers sur le statut final du Kosovo ont commencé à Vienne - pourparlers qui, du moins l’espèrent les Albanophones, mèneront à l’indépendance du petit territoire enclavé -, une question se pose avec de plus en plus d’acuité : de quoi vivront ses deux millions d’habitants (ou à peu près) dans l’avenir ? Bien que des fonctionnaires locaux assurent que le Kosovo dispose d’un potentiel certain pour exporter toute une gamme de produits - du charbon et du vin par exemple -, dans les faits, le Kosovo n’exporte pratiquement rien. Cela suscite plusieurs interrogations sur la viabilité économique à long terme du protectorat international. En effet, la chute brutale des exportations n’a pas ralenti depuis que l’OTAN a chassé les troupes du régime serbe en 1999. Aujourd’hui, ces exportations ne représentent plus qu’un dérisoire 4 % des échanges commerciaux du territoire. Ce constat déprimant est expliqué en détails par des fonctionnaires du ministère du Commerce et de l’Industrie du Kosovo. « Les échanges commerciaux avec les autres pays se sont élevés à 1,2 milliard d’euros en 2005 », précise Remzi Ahmeti, fonctionnaire au Ministère. « Sur 1,2 milliard d’euros, les importations ont compté pour 1,1 milliard d’euros, tandis que la valeur des exportations n’a atteint que 43 millions d’euros », a-t-il poursuivi. Pire, le déclin des exportations n’est pas terminé. D’après les statistiques du ministère du Commerce, l’année 2005 a connu un nouveau recul d’environ 3 % des exportations comparé à l’année 2004, avec des augmentations visibles seulement dans quelques domaines modestes et très spécialisés comme les champignons et les produits en cuir. Safet Gerxhaliu, chef du Bureau pour les Relations économiques internationales du Kosovo, décrit platement la situation : « Le Kosovo exporte de l’argent comptant et importe des produits de la région ». Le désastre qui se profile à l’horizon donne des maux de tête aux experts de la MINUK. Joachim Ruecker, chef du quatrième « pillier » de la MINUK responsable de la gestion de l’économie, voit des perspectives intéressantes pour le futur : « Vu ses ressources naturelles, le Kosovo pourrait exporter des minéraux à coût concurrentiel, par exemple du charbon, du plomb, du zinc, du nickel et du magnésium. Il existe aussi un excellent potentiel pour la production et l’exportation d’électricité à grande échelle ». Du vin, des chaussures et du textile ? Il poursuit en estimant qu’avec « sa main d’œuvre abondante et jeune, le Kosovo pourrait éventuellement produire aussi du textile et des chaussures ». « Le Kosovo devrait adopter des politiques qui encouragent les investissements dans de nouveaux secteurs d’activité », suggère Ruecker. Mais pour le moment, tout cela relève davantage du rêve que de la réalité. Même les plus optimistes parmi les économistes kosovars savent qu’un renouveau des exportations du protectorat est un projet à long terme. « Le Kosovo pourrait produire dans l’avenir [...] du vin, de l’électricité et d’autres produits à prix compétitif, mais pas tout de suite à grande échelle », reconnait Mohammed Sadiku, économiste travaillant dans l’équipe de négociations sur le statut final. « Que le Kosovo puisse exporter du charbon ou non dépendra également du niveau d’investissements privés dans cette industrie », ajoute-t-il. « La remise sur pied de ce secteur prendra du temps ». Néanmoins, Muhamet Mustafa, directeur du Riinvest, un institut de recherche et de politiques de développement sans but lucratif, a admis que l’avenir des exportations au Kosovo n’était pas une cause perdue. « Les biens que nous exportions dans le passé, comme le vin et l’électricité, sont des secteurs où une reprise est envisageable après des privatisations et des remises à niveau du point de vue technologique », a-t-il dit. Les petites et moyennes entreprises pourraient ouvrir la voie en démarrant des activités d’exportation, toujours selon lui. Ces entreprises ont déjà démontré leur expertise dans des secteurs comme les jus de fruits et les produits agro-alimentaires. Mais d’autres experts préviennent qu’un renouveau des exportations ne sera pas facile pour les anciennes industries du territoire, en particulier la viticulture. Tout d’abord, bon nombre de vignobles ont été gravement endommagés par les combats qui ont embrasé le Kosovo à la fin des années 1990. Même ceux qui n’ont pas souffert physiquement du conflit ont connu de longues années de négligence après 1999, tandis que Belgrade, Pristina et l’ONU tergiversent encore pour savoir qui en sont les propriétaires légitimes. Yougoslavie, un ancien marché captif Autre problème de taille, les industrie kosovares d’avant-guerre n’avaient pas à surmonter la concurrence du marché européen mais vivaient de leurs ventes à la Yougoslavie, un marché captif dont le Kosovo faisait partie à l’époque. Kujtim Dobruna, directeur de l’Initiative économique pour le Kosovo basée à Vienne (ECIKS), fait remarquer que le protectorat international n’a même pas atteint la première étape dans les certifications d’affaires, une exigence essentielle pour n’importe quel aspirant exportateur vers l’Union Européenne. Sans institution habilitée à délivrer des certifications, à établir des standards et à imposer des critères de qualité, il est à peu près inutile que les produits kosovars « reçoivent un traitement préférentiel dans l’UE », a-t-il expliqué. Kujtim Dobruna presse les producteurs du Kosovo de se concentrer sur des activités de production à petite échelle afin de combler les manques du marché intérieur avant de songer à s’aventurer sur les marchés étrangers. Ainsi, pense-t-il, les milieux d’affaire pourront commencer à réduire le dangereux déséquilibre entre les importations et les exportations et assainir la balance commerciale. « Du point de vue des marchés occidentaux, le principal obstacle est le manque de connaissances chez les entrepreneurs locaux - et le gouvernement ne leur offre qu’un soutien limité », assure Kujtim Dobruna. |
Kosovo : une politique coupée du
réel
Traduit par Belgzim Kamberi
Publié dans la presse : 5 mars 2006
Que va-t-il se produire avec la formation du nouveau gouvernement du Kosovo ? Rien ! Au Kosovo, on peut changer de gouvernement, mais le résultat est toujours le même. L’élite politique a perdu tout lien avec la société réelle et ses aspirations. De quoi le Kosovo aurait-il besoin ? D’un gouvernement qui donne l’impression d’exercer une autorité et d’aller quelque part ! Par Besnik Pula En fait, la seule véritable mauvaise nouvelle dans cette histoire est bien que le TMK perd un chef d’envergure. Ce chef plonge maintenant dans les flots tumultueux de la politique où sa carrière risque d’être mouvementée et courte - car ceux qui accèdent aussi rapidement au pouvoir le perdent souvent à la même vitesse. Néanmoins, il est à souhaiter que la carrière politique d’Agim Çeku soit plus longue que celle de Nexhat Daci. Nombre de commentateurs expriment l’espoir que l’avènement d’un nouveau gouvernement mène à des réformes en profondeur dans la vie politique du pays. Cependant, il ne faut pas oublier qu’au Kosovo il y a longtemps que l’on réclame du changement pour le changement. Or, des changements, il y en aura certainement - dans le sens d’une politique spectacle qui alimente le cirque médiatique. Mais en ce qui concerne les réformes dont le pays a immensément besoin, rien n’est moins sûr. La déclaration de Marti Ahtisaari, selon laquelle un nouveau gouvernement n’aura aucune influence sur les négociations avec Belgrade, est plutôt instructive. Ne sait-on pas déjà assez à quel point la politique kosovare est aujourd’hui hiérarchisée et contrôlée par une nomenklatura qui, au fond, pense à peu près de la même façon et en fonction des mêmes paramètres ? Ici, un paradigme est établi depuis longtemps, qui signifie que rien d’important ne peut se décider seul... Ahtisaari n’a pas besoin d’entendre le point de vue du nouveau gouvernement : il le connaît déjà, avant même qu’il ne soit énoncé. Au Kosovo, on peut changer de gouvernement des dizaines de fois, mais au bout du compte, le résultat sera identique, qu’il s’agisse de la participation inconditionnelle aux négociations ou de la « nécessité » de la décentralisation. En réalité, les gouvernements - étape professionnelle et temporaire pour carriéristes - se consacrent à terminer le travail des autres, à se faire opérateurs des divers « processus » en échange de faveurs et d’avantages personnels. C’est précisément ce pourquoi a échoué le gouvernement Kosumi. Cet échec n’est pas dû à l’absence de programme (aucun gouvernement kosovar n’a jamais eu de programme), mais aux déclarations vides de sens sur la mise sur pied d’un État qui ne suffisaient pas à gérer les « processus » dans la réalité. Ce n’est pas parce que ce gouvernement était incapable de diriger ces « processus » (ce n’est pas son rôle au Kosovo), mais bien parce que l’équipe de Kosumi n’est pas parvenue à donner l’impression qu’il contrôlait quelque chose. Et c’est exactement de cela dont le Kosovo a besoin : un gouvernement qui donne l’impression d’exercer une autorité, d’organiser la vie des gens et d’aller quelque part. La question du changement Revenons à la question des réformes. En dépit des attentes et des intentions qui vont se manifester bientôt, rien ne bougera dans les différentes sphères de la société. Avec Agim Çeku à la tête du gouvernement, la population va espérer des miracles. Mais ces miracles n’auront pas lieu, car Agim Çeku est un général, pas un magicien. D’ailleurs, la magie est avant tout une illusion d’optique et le Kosovo n’a eu qu’un seul maître en la matière : feu Ibrahim Rugova. C’est là que surgit le véritable danger. Lorsque Bajram Kosumi était au pouvoir, les faux pas pouvaient s’expliquer par la faiblesse du gouvernement ou l’incompétence des ministres. Cette fois, cela ne suffira plus. Il deviendra clair que les réformes en profondeur ne viendront pas d’un simple remplacement de l’exécutif. Ce ne sera plus la légitimité du gouvernement qui sera remise en cause, mais celle de tout le système politique actuel. Voilà le problème fondamental. Accablées par une crise économique et la misère, les « masses » - comme on les appelaient autrefois dans la littérature - exigent aujourd’hui des réformes concrètes et rapides. Rien de tel ne se produira pourtant. C’est simple : il n’existe pas de mécanismes structurels pour opérer pareils réformes. La structure du pouvoir qui s’est mise en place au Kosovo ces sept dernières années ne permet pas de faire avancer les choses, mais seulement de les conserver en l’état. La structure politique et institutionnelle du Kosovo a eu pour unique objectif la cooptation des élites politiques kosovares sous la tutelle de l’administration internationale. Un rôle de gérance et une fonction politique nébuleuse ont été concédés à cette élite. Cependant, au sein de ces structures et de ce cadre institutionnel, il n’y a pas de politique réelle. La véritable politique consiste justement à faire bouger les choses, pas à faire bouger les personnes. Alors qu’aujourd’hui, c’est précisément de cette manière que l’on voit la politique au Kosovo : un remplacement des personnes, une rotation... Juste pour créer l’illusion qu’il se passe quelque chose et que quelqu’un prend des décisions qui ont des conséquences. Ainsi, les discussions politiques au Kosovo ne sont que bavardages et cancans à propos des noms, des gens, des personnes, des personnages. C’est l’alpha et l’oméga politiques communs. De leur côté, les médias sensationnalistes jubilent chaque fois que des fauteuils changent d’occupants. Car, éreintés par leur travail épuisant, les journalistes peuvent enfin se mettre quelque chose sous la dent qui brise la monotonie - la monotonie de rapporter toujours les déclarations des mêmes figures, des déclarations qu’ils pourraient écrire sans même les avoir écoutées. Toutefois, certains commencent à croire qu’avec le nouveau gouvernement et la nouvelle configuration de l’Assemblée, les racines de la démocratie sont en train de prendre au Kosovo. Dans les faits, c’est le contraire. C’est justement la rapidité - pratiquement en une nuit - du remplacemnent du gouvernement et du Président de l’Assemblée qui prouve combien la politique kosovare est dépendante des intrigues et des manœuvres en coulisses qui se multiplient. Or, ces coulisses, surtout au LDK, sont maintenant visibles après la mort du « grand rideau » qu’était Ibrahim Rugova. Car Rugova était un « grand rideau ». Ses sourires caractéristiques et forcés accompagnant ses déclarations sur l’indépendance du Kosovo couvraient bien le chaos politique et organisationnel qu’on nomme LDK. Ce monstre politique veut bien entendu expurger ses rangs, puisqu’il n’y a plus de garantie sur la taille du gâteau à partager comme au temps de Rugova. Certains hauts dirigeants du LDK ont eu raison de pleurer chaudement la mort du Président. Ces larmes étaient sincères. Ce qui est le plus intéressant L’événement politiquement le plus intéressant n’est pas le changement de gouvernement, mais le fait que des citoyens de Hani Elezit, grâce à des gestes de protestation, aient réussi, difficilement certes, à ouvrir la route Pristina-Skopje. Tout comme une action solidaire des camionneurs a bloqué la principale route entre Pristina et Mitrovica. C’est là que se trouve la politique réelle : l’union presque spontanée de personnes qui s’organisent pour défendre leurs intérêts réels et collectifs. Ces mouvements existent. Doit-on rappeler les manifestations provoquées par la crise énergétique du KEK qui ont eu lieu il y a quelques semaines pratiquement dans tout le Kosovo ? Ou la manifestation des chauffeurs de minibus qui ont bloqué la route vers Gjilan ? Ou encore le mécontentement que démontrent ouvertement les employés du transport public de Pristina en réaction au non paiement de leur salaire ? Celui des employés de l’administration qui, eux aussi, n’ont pas été payés ? Et le mouvement des artistes pour le retour de « l’Union », qui exprime toute la révolte suscitée par la situation misérable des institutions culturelles du Kosovo ? Mais, naturellement, pareils mouvements ne touchent pas la politique kosovare, puisque celle-ci s’est détachée et isolée hermétiquement depuis longtemps de la réalité sociale. La politique kosovare évolue dans un univers parallèle peuplé de diplomates, d’administrateurs, d’analystes et d’autres protagonistes discrets. Ils se confortent réciproquement jour après jour et renforcent une illusion collective qui n’est destinée qu’à eux-mêmes. Pourtant, cette indifférence incroyable du monde politique envers le développement de la société, ce véritable autisme de la politique devant la vie des gens ordinaires (mais certainement pas face à l’économie !) concentre toute la contradiction entre réalité politique et réalité sociale. Cette contradiction peut finir par exploser si la comédie continue. Paradoxalement, l’arrivée d’un nouveau gouvernement autoritaire mais dépourvu d’autorité risque seulement de hâter le moment de la rupture politique. Alors on pourra vraiment parler d’événements. Dans une situation réelle et historique. (Correction : Stéphane Surprenant) |
Kosovo : « les Albanais
ne doivent pas avoir le monopole sur le futur État »
Traduit par Persa Aligrudic Publié dans la presse : 11 février 2006 Alors que la définition du statut final du Kosovo se rapproche, quel type de société veut-on construire ? Pour Veton Suroi, dirigeant du Parti réformateur ORA et membre de l’équipe de négociation du Kosovo, cet État doit impliquer tous les citoyens du Kosovo, pas seulement les Albanais. Propos recueillis par Jelena Bjelica Veton Surroi, rédacteur en chef et éditeur du quotidien albanais Koha Ditore et depuis peu politicien, est bien connu de l’opinion serbe. Son livre Le seul et unique vol de Azem Berisha jusqu’au château, mélange de littérature et d’analyse politique, a révélé un homme possédant un grand art littéraire. En témoignent les extraits d’un dialogue imaginaire entre un défenseur serbe du Kosovo et un représentant de la communauté internationale. Dans un autre dialogue, le protecteur international explique aux Albanais leurs erreurs des six dernières années. Veton Surroi parle de la situation au Kosovo ces dernières semaines et de l’éventuelle évolution des événements dans le proche avenir. Tout d’abord de l’élection du nouveau président du Kosovo. « Notre parti, ORA, a initialement insisté sur deux points : le premier, respecter la procédure du cadre constitutionnel selon lequel le parti le plus important a le droit de proposer un candidat à la présidence ; le deuxième, que la Ligue démocratique du Kosovo (LDK) doit réfléchir à un candidat acceptable pour tous, car c’est un homme qui devra représenter tout le pays et non pas un seul parti. Enfin, nous avons dit que nous, qui sommes dans l’opposition, pourrions accepter un homme qui a cette crédibilité. Sejdiju est-il cet homme ? Nous avons dit également que nous n’accepterions pas Nexhat Daci, car il représente tout le contraire de ce que nous pensons. Il n’était pas question de dicter un candidat, mais de définir son profil. Monsieur Sejdiju possède cette crédibilité démocratique dans notre société, il a travaillé avec nous et, ces dernières 15-16 années, il a été un membre actif avec certains d’entre nous de tous les événements, de sorte que c’est quelqu’un qui représente le bloc pro-démocrate au sein de la LDK ». Jelena Bjelica (J.B.) : Fatmir Sejdiju correspond probablement aux principaux critères politiques et sociaux pour être Président du Kosovo. Mais comment voyez-vous son rôle dans l’équipe de négociation, peut-il être un homme d’initiative ? Veton Surroi (V.S.)- Ce n’est pas le plus important. En fait, il faut que nous parvenions à une situation où ne se pose pas la question du culte de la personnalité, ni d’une grande personnalité, mais d’une personnalité fonctionnelle. Je crois que nous arriverons à une situation où nous respecterons plus les institutions et leur fonctionnalité, que le nom de celui qui se trouve derrière ces institutions. Les conséquences sur l’équipe de négociation J.B. : Comment ce changement va-t-il influencer le travail de l’équipe de négociation ? V.S. : Je ne vois pas de grand obstacle. J.B. : Rugova n’est plus là, lui qui avait toujours le dernier mot. V.S. : Je pense que le rôle de Rugova n’était pas de donner le dernier mot, mais d’équilibrer dans une grande mesure les défauts à l’intérieur de l’équipe, les défauts de réflexion, ou d’expérience. Certains hommes n’étaient pas dans ce processus et Rugova, avec son autorité, a grandement aidé à équilibrer ces évidents défauts. J.B. : Est-ce que Fatmir Sejdiju sera en mesure de le faire ? V.S. : Probablement pas, et il faudra certainement que certains rapports au sein de l’équipe soient redéfinis. Mais là non plus je ne vois pas un grand problème. J.B. : Cela signifie-t-il que l’équipe fonctionnera selon un autre modèle, par exemple que les décisions seront prises par consensus ? V.S. : Les décisions étaient prises par consensus aussi avec Rugova. Un grand nombre de décisions ont été prises de cette manière sans aucun problème. Il y aura certainement différentes positions, mais ce sera un problème qui se résoudra en cours de route. J.B. : Est-ce qu’un nouveau chef de l’équipe de négociation sera désigné ? V.S. : Par la nature des choses, il faudrait qu’il soit élu. J.B. : Je pense que vous êtes conscient du fait d’être le joueur favori de l’officiel Belgrade. V.S. : Je n’en suis pas préoccupé, car je ne suis pas dans le football et je ne joue pas non plus pour le public. Cependant, la question est de devoir respecter la procédure. Jusqu’à présent c’était le président du Kosovo qui était à la tête de l’équipe. C’était du temps de Rugova. Mais il se peut qu’une autre option soit ouverte. J.B. : D’après une lettre de la MINUK dont le contenu a été récemment publié par Koha Ditore, le chef de l’équipe de négociation doit être élu par l’assemblée. V.S. : L’interprétation est très claire. Rugova en tant que président du Kosovo a convoqué et formé cette équipe. Plus tard les personnes désignées passaient par la procédure parlementaire. Le nouveau président a donc le droit de succéder à ce poste. A savoir si cela est fonctionnel ou non. En ce qui me concerne, je n’ai absolument aucune préférence idéologique. Pour moi, le chef de l’équipe n’est même pas un facteur essentiel car tout le système de négociation comporte de nombreuses personnes. J.B. : Pourtant, une personne est nécessaire en raison de certaines questions techniques, de signatures.. V.S. : Pour les questions techniques, il nous faut un secrétaire. Pour les signatures ce n’est pas nécessaire. De toute façon, la procédure sera telle que de nombreuses décisions devront passer par le parlement. Bien sûr, je comprends que la visibilité du chef de l’équipe de négociation sera telle qu’il bénéficiera d’une publicité gratuite. JB. : Et il compte gagner les prochaines élections... V.S. : Je comprends cet aspect. Cependant, mon raisonnement n’est pas orienté vers cela, mais vers la fonctionnalité du corps politique. J.B. : Que se passera-t-il si Hashim Thaçi accédait au poste de chef de l’équipe de négociation ? Est-ce que le processus du statut du Kosovo en serait accéléré ? V.S. : Il ne s’agit pas dans ces négociations de savoir qui voudrait discuter avec qui et sur quoi. Ce sont des négociations dans lesquelles la partie de Pristina, en particulier, a des positions si fortement établies qu’il est superflu de savoir qui mènera les discussions. Il n’est absolument pas essentiel que l’homme soit fort, mou, rigoureux, intelligent ou non, avec ou sans barbe. J.B. : Toutefois les négociations vont reprendre fin février. Comment voyez-vous cela ? V.S. : En effet, elles reprendont le 20 février. Les documents pour la décentralisation sont prêts depuis la semaine dernière après qu’ils soient passés à travers ce filtre politique. Une décision politique aurait dû être prise au niveau de la délégation, mais le président Rugova n’était plus en mesure de le fairedepuis le début janvier. De sorte que cela devra passer par cette procédure ultérieurement. L’enjeu de la décentralisation J.B. : Que pensez-vous des négociations sur la décentralisation ? V.S. La question de la décentralisation est très simple. Une décision doit être prise au niveau de la communauté internationale. Belgrade est sur les positions des Accords de Dayton, alors que nous nous voyons la décentralisation à travers les Accords de Ohrid. La question est de savoir quelle sera l’approche de la communauté internationale. Dayton s’est montré non fonctionnel, alors que Ohrid s’est montré intégratif. Je pense qu’il ne faut pas se concentrer sur Dayton car c’est du passé. Quelle que soit l’issue des négociations, la présence internationale civile et militaire restera au Kosovo. Cela a été une condition dès le début. J.B. : Comment les choses vont-elles se dérouler dans les prochains mois au Kosovo ? V.S. Plusieurs transitions arriveront très vite. L’une est la transition envers un Etat indépendant, dans le sens d’acceptation et de la conscience. Cependant, j’espère que dans cette transition en surviendra une autre, c’est-à-dire que l’ensemble monoethnique sera décomposé, pour arriver à la multiethnicité et la tolérance. Cela signifie que ce que nous avons depuis des années, le monopole des Albanais sur le Kosovo et sur l’idée d’un Etat doit être tout simplement défait et se développer au sein d’une tout autre conception : qu’il n’y ait pas de monopole sur l’Etat. La troisième transition est celle dirigée vers une société démocratique fonctionnelle, car le fait que nous nous dirigeons vers l’indépendance n’est pas un prétexte pour défendre une société corrompue et non démocratique. Jusqu’à présent on s’est toujours caché derrière ce fait en disant que tout serait résolu lorsque le statut serait réglé. Eh bien, à présent nous sommes quasiment à portée du statut. La question n’est plus maintenant de savoir si le Kosovo sera indépendant ou non, mais s’il sera indépendant, fonctionnel et démocratique ou non. J.B. : Lorsque vous parlez de démonter le bloc monoethnique, pensez-vous à la décentralisation ou à autre chose ? V.S. Cela veut tout dire. Partons des symboles. Le monastère de Decani est un brillant exemple d’union de deux concepts architecturaux : c’est une forme romane pour une église orthodoxe qui unifie deux cultures. Comme tel le monastère de Decani est un événement culturel à lui seul. Mais d’un seul coup il devient l’étendard et la consolidation du serbisme. Pour une très petite couche d’Albanais sans imagination, cela a de nouveau été la preuve qu’une église albanaise est devenue un lieu sacré serbe. C’est ainsi que cela a été interprété dans certains médias. Commence alors la lutte autour de ce que ce monastère représente en vérité. Quel est cet étendard ? Quel est cet étendard guerrier ou étendard national ? Finalement, nous arrivons à la constatation que le monastère est en soi la continuité d’une reconstruction culturelle et de la civilisation. La nation, les frontières, les drapeaux nationaux, ne sont plus des problèmes essentiels. Le monastère fait certainement partie de l’être national serbe, mais aussi de l’identité kosovare. Nous en venons maintenant à une approche normale où le monastère Decani fait partie du Kosovo dans la mesure où il représente aussi les symboles albanais. C’est pourquoi je dis qu’il n’est plus question du monopole albanais sur le Kosovo, mais de l’acceptation de plusieurs identités différentes. J.B. : Donc, si nous posons des bases pragmatiques, par exemple dans une future offre publicitaire touristique du Kosovo sur un réseau international, les curiosités à voir seront le monastère de Decani, les gorges de la Rugova... V.S. : Absolument. Mais la manière dont nous traiterons ce patrimoine culturel est également importante. J.B. Et comment gagner la faveur des Serbes kosovars pour l’accepter ? V.S. : C’est une histoire de 50 millions d’euros, ce que Belgrade débourse annuellement pour entretenir d’une société parallèle au Kosovo. Ce n’est pas une grosse somme pour un budget public. Avec ces 50 millions d’euros, les autorités en Serbie ont tenu le pied sur la porte de la communauté internationale. Nous sommes maintenant dans une situation où cette somme représente l’aiguille de la balance (élément déterminant) de toutes les coalitions en Serbie. Les citoyens de Krusevac, Smederevo ou Sid, paient de leur poche ces 50 millions non pas pour protéger les Serbes kosovars ou pour leur assurer une meilleure vie, mais pour protéger l’illusion que la Serbie gouverne cet espace. Par conséquent, la situation est telle que plus personne ne peut dire qu’il ne paiera plus, car ils sont tous dépendants de cette illusion. Sa disparition signifierait la dissolution de la coalition, la chute du gouvernement. |
Poutine : quand je dis « Kosovo »,
je pense « Caucase »
Traduit par Jean-Arnault Dérens
Publié dans la presse : 2 février 2006
Par une déclaration inattendue, le Président russe Vladimir Poutine a relié la résolution du statut du Kosovo avec les conflits de la région caucasienne, laissant abasourdis les membres du Groupe de contact qui étaient réunis en même temps à Londres pour parler du Kosovo. Selon le Kremlin, si le Kosovo devient indépendant, pourquoi pas l’Abkhazie, l’Ossétie du Sud ou même la Transnitrie ? « La communauté internationale doit avoir des principes uniques et universels pour la résolution des problèmes interethniques... Si par exemple, le Kosovo pouvait devenir indépendant, pourquoi pas l’Abkhazie ou encore l’Ossétie du Sud ? » Tel est le message que le Président Poutine a envoyé depuis le Kremlin aux chancelleries occidentales le 31 janvier dernier, le jour même où le groupe de contact (qui réunit les USA, la Russie, l’Allemagne, la France et la Grande-Bretagne) se réunissait à Londres pour discuter de la conférence des donateurs pour l’Afghanistan mais aussi de la situation au Kosovo, quelques jours après la mort de son Président. La déclaration inattendue de Poutine semble claire, la solution de la situation au Kosovo ne peut pas fournir un « précédent », comme seraient disposés à l’envisager certains cercles occidentaux, mais elle doit reposer sur des principes « universels ». En substance, Poutine aurait fait savoir, notamment à Washington, que la Russie n’a pas l’intention d’accepter passivement l’indépendance du Kosovo et qu’elle exercera une pression discrète sur les diplomaties occidentales, de manière à suggérer que, quand le sort du Kosovo sera tranché, cela pourrait avoir des conséquences au Haut Karabagh, voire même en Transnistrie, qui souhaite se détacher de la Moldavie. À la grande surprise des chefs de la diplomatie des pays du Groupe de contact, Poutine a lié d’un seul coup la solution du statut du Kosovo aux problèmes du Caucase. Aussitôt, le journalPolitika de Belgrade, plus vieux quotidien des Balkans, titrait : « quand je dis Kosovo, je pense au Caucase ». De surcroît, Vladimir Poutine est allé encore plus loin, en demandant pourquoi le modèle appliqué en Macédoine, grâce auquel la population albanaise a l’accès aux institutions publiques en fonction de son pourcentage relatif dans la population globale, ne pourrait pas être également appliqué à Riga, en Lettonie où vivent - selon le Président russe - 60% des Russes. Le Premier ministre géorgien, Zurab Nogaideli, a rapidement réagi aux positions de Poutine, en estimant, selon l’agence Caucas-Press, inacceptable que le modèle du Kosovo soit appliqué au Caucase. « Le modèle du Kosovo est bon pour le Kosovo, mais pour la solution des problèmes géorgiens, il faudra unmodèle spécifique pour l’Abkhazie et pour l’Ossétie du Sud », a-t-il affirmé. De son côté, le gouvernement a accueilli favorablement la sortie du Kremlin. Selon la responsable du Centre de coordination pour le Kosovo et Metohija, Sanda Raskovic-Ivic, « le Kosovo ne peut pas être totalement séparé des autres événements, du fameux effet domino, qui pourrait se, vérifier non seulement dans la région, mais même au-delà. Avec sa déclaration, Poutine, de toute manière, défend non seulement les intérêts de la Serbie et Monténégro, mais aussi les principes du droit internationaux, qui doivent être respectés ». Selon le directeur du bureau de Belgrade de l’International Crisis Group, James Lyon, qui a été interrogé par B92, la Russie soutiendrait en réalité la position des USA sur le Kosovo, mais « a communiqué une déclaration différente pour sa propre opinion publique ». Cependant, d’après les analystes russes, la position du Kremlin est claire. En insistant sur le caractère universel de la solution pour le Kosovo, la Russie défend ses propres intérêts dans l’espace post-soviétique, même si elle n’est probablement pas prête à entrer en conflit avec l’Occident à propos du Kosovo. Ainsi, la Russie resterait hostile à l’indépendance du Kosovo, sauf si ce principe prenait une valeur universelle, devenant donc applicable dans le Caucase. Le but de la Russie serait de ralentir la résolution définitive du dossier du Kosovo. Ainsi, le chef de la diplomatie russe, Sergej Lavrov, présent à la rencontre du Groupe de contact, a déclaré que son pays « était hostile à l’introduction d’échéances artificielles pour la fin des négociations sur le Kosovo ». Selon lui, la Russie ne partage pas la position des autres membres du Groupe de contact qui veulent que le processus de négociation soit terminé dans le courant de l’année 2006. Goran Svilanovic, ancien ministre des Affaires étrangères de Serbie et Monténégro et maintenant fonctionnaire du Pacte de stabilité pour l’Europe du Sud-Est, s’est également exprimé sur les déclarations de Poutine. Selon lui, la rencontre du Groupe de contact a montré que le processus en cours dépendait de deux types de problèmes. « Les premiers concernent les discussions à l’intérieur du Groupe de contact, l’autre les discussions à venir entre Belgrade et Pristina, et il est désormais évidents que les positions de la Russie et celles des autres membres du Groupe de contact sont différentes. De toute façon, la position russe est plus claire qu’il y a quelques semaines, mais c’est toujours une position qui tient compte de plusieurs variables, qui sont de la plus haute importance pour la Russie. Sans que le Kosovo n’y pèse beaucoup ». |
La politique européenne a-t-elle failli au Kosovo ? Traduit par Nerimane Kamberi Publié dans la presse : janvier 2006 A la veille de l’ouverture des négociations sur le futur statut du Kosovo, l’heure est venue de tirer un premier bilan de la politique menée dans cette région par l’Union européenne. Les réformes économiques et la restructuration administrative ont-elles porté leurs fruits ? Enquêtes, sondages et analyses. Par Lundrim Aliu Dans un sondage réalisé en 2005 au Kosovo, 71 % des enquêtés se sont déclarés pro-européens, tandis que dans un autre 53,7 % ont déclaré être mécontents du travail de l’Union européenne (UE) au Kosovo. L’UE n’a pas encore atteint son objectif, et les résultats de sa mission ne sont pas suffisamment encourageants pour qu’elle ait un plus grand rôle ou qu’elle remplace la MINUK. Néanmoins, avec des améliorations de stratégie, des buts plus clairs et plus de leadership, l’UE peut apporter des améliorations durables au Kosovo et dans la région. Depuis juin, l’Union européenne analyse la nature et la structure de son engagement à venir au nom de la communauté internationale au Kosovo, un engagement qui va très probablement être long et apporter des transformations. Selon des sources internationales, il y a déjà eu des propositions pour un nouveau rôle de l’UE, incluant les propositions d’une tutelle de l’UE sur le Kosovo. Un rôle futur de l’UE au Kosovo trouve également un soutien dans les études universitaires sur l’UE, où beaucoup concluent que l’UE, en tant qu’acteur international et alors même qu’elle n’est pas encore en mesure d’assurer la paix par manque de capacités militaires, est appropriée pour gérer des crises à long terme, comme la reconstruction de la paix après un conflit par la reconstruction économique et politique, particulièrement là où elle peut agiter la carotte de l’adhésion. Mais quels sont les résultats de l’UE au Kosovo jusqu’ici, et pourquoi de tels résultats, au juste ? Les résultats de l’UE au Kosovo représentent aussi les résultats de sa politique étrangère dans les Balkans occidentaux, car l’instabilité d’une partie de la région signifie l’instabilité de toute la région. L’UE continue à être le plus grand donateur au Kosovo. Son aide globale de 1999 à 2005 représente presque 1,6 milliards d’euros. Et selon un document de la Commission européenne, si l’on inclut les coûts de l’opération de maintien de la paix au Kosovo, l’investissement de l’UE pour la paix et la stabilité au Kosovo atteint 8 milliards d’euros. On peut distinguer trois volets dans le rôle de l’UE au Kosovo : la participation financière et politique à la MINUK, l’aide financière pour la reconstruction matérielle et le rétablissement des institutions, et le travail de rapprochement du Kosovo de l’UE. Reconstruction et développement économique Tandis que la stabilité, la paix et la prospérité sont l’objectif de la politique étrangère de l’UE au Kosovo, l’UE au Kosovo a été désignée selon le partage international des tâches pour mener le développement économique. Son objectif à court terme était de créer un secteur privé capable de créer des emplois et de stimuler la croissance, alors que son objectif à long terme était la création d’une économie de marché solide. Dans quelle mesure les dispositions prises par l’UE ont-elles contribué à atteindre ces objectifs ? Deux domaines considérés comme essentiels pour la prospérité économique - la privatisation et l’énergie - doivent être analysés plus en détail. Pour atteindre une croissance économique et un marché économique solide, l’UE a utilisé l’aide macro-financière, les mesures commerciales préférentielles et les fonds pour des réformes structurelles de l’AER (Agence européenne pour la reconstruction), et a financé sinon dirigé directement les activités du Pilier IV de la MINUK dans la gestion économique. Le FMI a évalué en 2005 que le travail de réadaptation est presque complet et que les bases d’une stabilité macro-économique sont mises en place, mais qu’il n’y a aucune croissance économique forte. Elle a calculé un taux de chômage de 33 %, bien que certains l’estiment jusqu’à 60 %. Dans des sondages réguliers menés par le PNUD, le chômage est la deuxième préoccupation majeure des enquêtés après celle de la question du statut non défini du Kosovo, et dans un exemple en avril 2004, il est apparu comme la première préoccupation. Dans un autre sondage, conduit en novembre 2004, 30 % des sondés albanais du Kosovo ont déclaré une intention d’émigrer du Kosovo, et 84,9 % d’entre eux ont cité la situation économique familiale comme principale raison de vouloir émigrer. Au Kosovo en 2004, l’espérance de vie et l’instruction se sont améliorées comparé à la période qui a suivi le conflit, mais le pourcentage de personnes vivant dans l’extrême pauvreté a augmenté. Avec un PIB de 800 euros par habitant, le Kosovo est le pays le plus pauvre des Balkans occidentaux. Le Kosovo n’a pas été en état d’utiliser les mesures commerciales préférentielles accordées par l’UE, en raison de la faible qualité de ses produits et de l’incapacité à répondre aux impératifs techniques. L’UE a confirmé que l’économie du Kosovo se développe très lentement, et que l’investissement et la croissance « sont entravés par la question de la sécurité et les incertitudes liées à la résolution finale du statut du Kosovo ». Privatisation Le Pilier de l’UE était initialement arrivé à la conclusion que l’économie au Kosovo devrait être conduite par le secteur privé, mais celui-ci est demeuré très faible. Le secteur privé qui allait créer des emplois aurait dû être édifié par la privatisation. La privatisation a été très lente. Le FMI a aussi critiqué le processus de privatisation : « La longue pause a nui aux perspectives d’attirer des investissements tandis que les désaccords fortement politisés entre le PISG et la MINUK ont miné la confiance des investisseurs ». L’énergie électrique Les entreprises publiques comme la Compagnie Energétique du Kosovo (KEK), la PTK et l’Aéroport international de Pristina, très importantes pour l’économie, ont été gérées par le Pilier de l’UE. L’une des principales entreprises publiques en termes d’emploi et de finances est le KEK. Il est intéressant d’étudier cette compagnie non seulement parce qu’elle est gérée par le Pilier de l’UE, mais également parce qu’elle a reçu le tiers de l’aide financière de l’UE au Kosovo - environ 400 millions d’euros - comme soutien de l’AER pour l’infrastructure. Néanmoins, en dépit des fonds importants de l’UE et d’autres donateurs, la crise de l’énergie demeure grave. Six ans après la fin de la guerre, les coupures de courant sont fréquentes, causant le mécontentement de la population, des tensions entre les hommes politiques du Kosovo et les administrateurs internationaux, et une atteinte à la crédibilité de l’UE en raison de son rôle dans le Pilier de l’UE et de ses investissements stériles par l’AER. Une alternative souvent mentionnée, pour laquelle l’UE aurait dû se décider tout au début afin de résoudre le problème énergétique au Kosovo, était de construire une nouvelle centrale, mais les fonctionnaires de l’UE rappellent qu’ils ne savaient pas combien de temps ils allaient rester au Kosovo et qu’ils étaient sous la pression de devoir fournir de l’électricité. L’UE a réussi dans certaines entreprises comme l’établissement et le fonctionnement du service des douanes. Ce service rassemble des revenus pour le Kosovo depuis septembre 1999, qui représentent la plus grande partie du budget du Kosovo, budget qui finance le travail des institutions du Kosovo. Le FMI a hautement évalué le système fiscal établi au Kosovo par le Pilier de l’UE, en concluant que le « Kosovo a remarquablement réussi la reconstruction de son système fiscal ». Il a également applaudi à la décision d’utiliser l’euro comme devise qui a imposé une discipline financière. Comment est perçu le travail de l’UE ? Dans un sondage publié par la Commission indépendante pour les Balkans, 71 % des enquêtés se sont déclarés pro-européens, 10 % pragmatiques, 5 % anti-UE et 14 % sans opinion. Mais tandis qu’il existe une volonté d’intégration européenne, il existe également un mécontentement quant au travail de l’UE au Kosovo. Le Pilier de l’UE, par exemple, n’a pas inclus dans ses activités l’agriculture, alors que 60 % de la population vivent dans des zones rurales où la pauvreté est la plus profonde, et que le Kosovo importe des produits agricoles. L’autre partie de la contribution de l’UE, l’AER, ne s’est pas engagée dans le développement économique, si important. L’AER a accompli avec succès la reconstruction matérielle si nécessaire du Kosovo et est passée à l’aide à la reconstruction des institutions. Tandis que les infrastructures détruites étaient reconstruites, aucune nouvelle infrastructure importante n’a été construite. Le Kosovo se trouve dans l’état où il se trouvait au début en termes d’infrastructures, bien que six ans aient passé. Le manque d’efforts de développement est particulièrement important du fait que l’UE a diminué ses fonds pour le Kosovo, alors que le pays n’est pas encore capable de faire des investissements publics dans l’infrastructure et la restructuration économique nécessaires pour rattraper les autres dans l’intégration européenne. L’Organisation La présence de l’UE a rencontré un autre problème : à qui rendre des comptes ? Il n’est pas clair à qui revient la « propriété » de l’UE au Kosovo. Elle emploie le drapeau de l’UE partout, sur les plaques de ses voitures est écrit « EU », alors que dans ses offres d’emploi, elle se présente comme le Pilier IV de la MINUK. Les documents et les sites internet publics de l’UE se rapportent à elle comme Pilier de l’UE, mais les fonctionnaires de l’UE depuis 2004 s’y réfèrent comme le « Pilier financé par la MINUK ». L’UE a contribué à ce pilier depuis le début à travers la Commission européenne, mais le niveau de son administration par le Conseil n’est pas clair. Le chef du bureau légal du Pilier de l’UE l’a appelé le « Pilier hybride », expliquant que « la responsabilité financière est vis-à-vis de Bruxelles et la responsabilité de travail est vis-à-vis du SRSG ici et de New York ». La confusion autour de cette question a pu nuire à la crédibilité de la privatisation. À quand des Balkans « stables et prospères » ? L’objectif de l’UE pour un Kosovo et des Balkans occidentaux stables, paisibles et prospères n’a pas encore été atteint. Le progrès réalisé jusqu’ici dans le développement économique et démocratique est fragile. Le statut politique non défini du Kosovo et le manque de moyens économiques sont toujours les plus grands problèmes, qui présentent un défi à la stabilité. Il est difficile de dire que tel acteur a réussi au Kosovo et il est pareillement difficile d’accuser un seul acteur pour le manque de stabilité. Le cas du Kosovo a démontré que l’UE est bonne dans la reconstruction. Mais le développement économique et l’établissement de la paix exigent plus d’engagement que la reconstruction physique ou des institutions. Dans le cas du Kosovo, une politique à long terme et des investissements dans les secteurs tels que l’infrastructure et l’agriculture auraient été d’une grande aide. L’UE est venue au Kosovo sans avoir de stratégie claire sur la question du statut et a échoué en ne développant pas une telle politique par la suite, alors que le Kosovo est une bonne occasion pour l’UE de montrer sa capacité à gérer et prendre la responsabilité de problèmes difficiles. Le travail de l’UE au Kosovo jusqu’à aujourd’hui n’est pas une preuve encourageante pour elle qu’elle pourra tenir un plus grand rôle au Kosovo ou qu’elle pourra remplacer la MINUK. Néanmoins, avec des améliorations de stratégie, des buts plus clairs et plus de leadership, l’UE peut apporter des améliorations durables au Kosovo et dans la région. Il faut répéter ici que l’UE est intervenue au Kosovo après le conflit dans un contexte difficile, qui a prédéterminé le succès de sa mission jusqu’à un certain degré. On peut dire que les résultats positifs de la mission de l’UE au Kosovo sont limités, alors que les échecs peuvent être partagés avec le reste de la communauté internationale, particulièrement dans le manque d’une stratégie pour traiter la question du statut. |
Express
Les investisseurs désertent le Kosovo Traduit par Belgzim Kamberi Publié dans la presse : 4 janvier 2006 Les investisseurs, locaux ou étrangers, se font de plus en plus rares au Kosovo, alors que le bilan des privatisations en 2005 n’est pas mauvais. Désormais, le capital local est immobilisé dans des affaires qui ne rapportent pas encore de bénéfices, et l’absence de garanties dissuadent les investisseurs. D’autant plus que les incertitudes du « statut final » ne renforcent pas la confiance. Par Kushtrim Ahmeti Chaque jour, le Kosovo perd des investisseurs disposés à injecter leurs capitaux. Plusieurs spécialistes de l’économie du Kosovo croient que le départ de ces investisseurs est dû aux désaccords sur les mesures adéquates que devraient prendre les institutions locales et internationales responsables du développement économique du protectorat. « Bien que le processus de privatisation se soit bien déroulé en 2005, les choses deviennent de plus en plus incertaines parce que nous avons de moins en moins d’investisseurs étrangers, alors que nous devrions en avoir plus », constate Safet Gërxhaliu, Directeur du Département pour les Relations avec le monde à la Chambre Économique du Kosovo. Safet Gërxhaliu ajoute que le capital local, actuellement bloqué, constitue un autre problème. « Le capital local est immobilisé, puisque les liquidités disponibles dans les banques commerciales locales ont été investies directement ou indirectement dans le processus de privatisation. Pour le moment, ce système est bloqué parce que beaucoup d’entreprises privatisées n’ont pas encore donné leurs premiers fruits ou ne génèrent pas de gains pour les investisseurs », lance-t-il. Investissements sans garantie Le gouvernement du Kosovo n’a toujours pas créé d’agence qui garantirait les investissements. Le président de l’Institut Rrinvest, Muhamet Mustafa, soutient que les investissements au Kosovo doivent surmonter deux dangers, l’un commercial et l’autre non commercial : « Le danger commercial dépend de la qualité des activités économiques de l’investisseur. Le danger commercial ne peut être couvert, mais le danger non commercial, ou danger politique, peut être réduit par différentes structures ». Muhamet Mustafa fait remarquer qu’il existe de par le monde diverses institutions garantissant les investissements, par exemple le MIGA. « Pour investir leurs capitaux, les investisseurs demandent un cadre légal solide. Quand un contrat est signé dans un pays, les règles légales doivent s’appliquer et la procédure des tribunaux doit être juste », déclare-t-il. Cela représente la principale garantie pour un investisseur. À ce dernier ensuite de faire fructifier son capital dans un contexte plus ou moins sécuritaire, celui des dangers non commerciaux. « Les garanties sont l’état de droit et l’égalité à l’intérieur du marché », poursuit Mustafa. Malheureusement, l’application de beaucoup de lois économiques a été insatisfaisante en 2005. D’après les experts, le manque d’investisseurs étrangers n’est pas seulement dû à l’absence de statut politique définitif au Kosovo et au manque de garanties des investissements. Safet Gërxhaliu pense qu’il n’y a pas assez d’investisseurs attirés par le Kosovo parce que les conférences de promotion, qui ont débuté en 2002, se concentraient sur la Suisse et les États-Unis : « Les conférences ne doivent pas seulement porter sur la Suisse et les États-Unis. Il faut diversifier nos activités en nous tournant vers l’est et en premier lieu vers la Turquie ». Le Kosovo doit se tourner vers la Turquie Selon lui, ce pays est un catalyseur qui relie le Moyen Orient à l’Europe. Son importance est grande non seulement du point de vue économique, mais aussi politique. « Un autre facteur important dans ce pays est le grand nombre d’émigrants, qui représentent un potentiel inutilisé ». Safet Gërxhaliu admet que l’arrivée de Joachim Ruecker à la tête du quatrième département de la MINUK a entraîné des développements positifs dans le processus de privatisation. « Avec la venue de Joachim Ruecker, le processus a pris une tournure positive. Avec ses collaborateurs locaux et internationaux, il a rendu la privatisation plus attirante et normalisé la situation », affirme Safet Gërxhaliu avec conviction. Bien que plusieurs pas positifs aient été faits du point de vue économique au Kosovo - dont le cadre légal devance celui des autres pays balkaniques -, Gërxhaliu croit qu’un autre obstacle est le manque de sécurité et de garanties pour y investir. « Les Américains ont obtenu semblables garanties, de même que les Slovènes pour leurs banques. Il y a eu des discussions avec l’Autriche et la Turquie, et il est prévu qu’un accord garantissant les investissements sera signé. Mais pour la Turquie, à part une lettre officielle, il n’y a rien de concret pour le moment », explique Safet Gërxhaliu. Il ajoute que le gouvernement du Kosovo ne peut rien faire pour améliorer la sécurité des investissements dans le domaine financier. Safet Gërxhaliu pense que, cette année, toutes les institutions du protectorat devront contribuer aux négociations avec les 25 pays de l’Union Européenne. « C’est un travail important qu’il faudra faire. Le Kosovo n’est pas en position de se complaire dans son manque de compétences. Il faut prendre des mesures concrètes et je ne pense pas que quelqu’un souhaite empêcher un accord avec un partenaire étranger sur la question des investissements au Kosovo », dit-il. Le statut final Mais malgré des lois récemment approuvées et quelques règlements par des institutions locales et internationales en faveur des investisseurs, ceux-ci ont souvent pointé du doigt le problème du statut final du Kosovo. « Au Kosovo, il est impossible de discuter d’économie sans aborder la question politique. L’investissement au Kosovo est d’une façon ou d’une autre lié au statut final. Mais si quelqu’un a une stratégie précise de développement, il n’hésitera pas en raison du statut : son intérêt économique et son plan primeront ». Safet Gërxhaliu est certain que si l’on parvient à éviter les problèmes politiques, le Kosovo deviendra un pays favorable aux investissements. Toutefois, certains investisseurs ayant acquis diverses entreprises lors de la privatisation sont aujourd’hui confrontés à divers problèmes d’affaires au Kosovo. Par exemple, un Turc qui a acheté une entreprise de produits chimiques à Suhareka : ses représentants ont déclaré il y a quelque temps à notre journal qu’ils étudiaient la possibilité de vendre leur marchandise sur le marché international en tant que produits turcs. Safet Gërxhaliu pense que les affaires au Kosovo font surtout face à des problèmes de nature bureaucratique. « Cependant ces problèmes ne sont pas sans solution. Il faut rappeler que nous sommes un pays en transition et que nous sommes en train d’adopter de nouvelles lois favorisant le développement économique. Ces problèmes seront rapidement résolus ». Safet Gërxhaliu conclut en précisant que c’est aux institutions internationales et locales d’établir des conditions propices aux investisseurs. (Correction : Stéphane Surprenant) |