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14 avril 2010 La Croatie présente ses excuses à la
Bosnie
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Le Courrier de la Bosnie-Herzégovine « La Bosnie-Herzégovine actuelle repose sur une fiction » Par Mariama Cottrant Mise en ligne : jeudi 18 septembre 2008 Caroline Ravaud, représentante du Conseil de l’Europe en Bosnie-Herzégovine, révèle au Courrier de la Bosnie ses impressions sur la situation actuelle du pays : selon elle, toute la structure politique repose sur une fiction, le recensement de 1991. Pourquoi n’organise-t-on pas un autre recensement ? Pourquoi l’Union européenne refuse-t-elle de libéraliser le régime des visas ? Des réponses dans cette interview. Propos recueillis par Mariama Cottrant CdBiH : Pensez-vous que l’homogénéisation ethnique du pays continue aujourd’hui ? Caroline Ravaud Caroline Ravaud : Elle continue, même si pendant toutes ces années, le retour des réfugiés et des déplacés a été la priorité absolue. Malheureusement ce qu’on a obtenu, c’est que la plupart des réfugiés et des déplacés ont réussi à récupérer leurs propriétés, et, par rapport à d’autres pays dans le monde qui ont connu des conflits armés, c’est déjà très bien. Le problème, c’est qu’ils ont récupéré leurs propriétés ou obtenu des fonds pour reconstruire, mais que beaucoup d’entre eux ont quand même ensuite vendu, ou échangé. CdBiH : A cause des conditions de vie après le retour ? C.R. : Le droit au retour n’est pas une obligation de retour. Il y a aussi le phénomène normal de l’exode rural, qui n’est pas nécessairement lié à la guerre. Il y a aussi le fait que dans les petits villages, il n’y a pas de travail, le fait que les retours des minorités n’ont pas toujours été bien vus par les autorités qui ne leur donnaient pas l’électricité, l’accès à l’eau, et il y a aussi des discriminations en matière d’emploi. Il y a énormément de gens qui n’ont jamais retrouvé leur emploi d’avant-guerre. Cela fait que les gens réfléchissent, en se disant par exemple : « pourquoi rentrer à Srebrenica, où il n’y a pas une école correcte ? Il vaut mieux que j’habite à Sarajevo ou à Tuzla ». En réalité, les gens qui sont vraiment rentrés, à mon avis, sont pour la plupart des personnes âgées. Leurs enfants travaillent dans les grandes villes, ou à l’étranger, et rentrent le week-end ou pour les vacances. Quand je voyage à travers le pays, je vois énormément de maisons reconstruites, mais vides, donc les gens sont ailleurs. Pourtant, ce retour des réfugiés et des déplacés, c’est vraiment une « success story » pour la communauté internationale, mais il n’y a pas du tout de statistiques à l’heure actuelle pour savoir, ce que les gens ont fait de leur maison, disons un an après l’avoir récupérée. Il n’y a pas d’enquêtes là-dessus. On s’est arrêté à la restitution de la propriété, et en l’absence de recensement [1], on n’a aucune idée où sont réellement les gens. CdBiH : Le Conseil de l’Europe fait-il pression sur le gouvernement pour qu’il y ait un recensement ? C.R. : Oui, nous le réclamons depuis 2004 ! CdBiH : Et qu’est-ce qu’on vous répond ? C.R. : C’est revenu à l’ordre du jour, parce que 2011 sera l’année européenne du recensement. C’est remis à l’ordre du jour aussi parce que d’un point de vue macro-économique, pour faire de la planification stratégique, on a besoin de savoir à quelle population on a affaire, et donc avec la signature de l’Accord de Stabilisation et d’Association (ASA, signé avec l’Union européenne en juin dernier), ça va revenir sur le tapis. Malheureusement, le projet de recensement a été totalement politisé. Il y a deux types de recensement : les recensements qui se concentrent sur les questions dites « neutres », comme l’âge ou la profession, et les recensements avec des questions dites ethniques, comme la langue, la religion, la nationalité. Ce genre de recensement, certains pays sont très réticents, par peur de voir apparaître des hommes politiques d’extrême droite qui utiliseraient ces statistiques à leur avantage. En Bosnie, cela dit, je pense que c’est indispensable, parce que toute la structure politique est basée sur le recensement de 1991. Ce n’est plus tenable, ça repose sur une fiction. Par exemple, les Croates représentaient 14% de la population avant la guerre, mais aujourd’hui, la moitié d’entre eux est partie, au moins. Ils représentent donc au mieux 7% de la population, et ils ont un tiers du pouvoir au niveau de l’Etat ! CdBiH : Qui est opposé à un tel recensement, et pourquoi ? Les Croates sont opposés au recensement parce que ça montrerait qu’ils sont beaucoup moins nombreux qu’avant, et ça remettrait donc en cause le partage du pouvoir. Les Serbes, par contre, ont envie d’un recensement. Certaines mauvaises langues disent que le recensement prouverait qu’il y a maintenant, en Republika Srpska, en gros 90% de Serbes, et que ça conforterait Dodik dans ses demandes d’indépendance. Bakir Izetbegović Les Bosniaques, quant à eux, sont 100% opposés au recensement, parce qu’ils considèrent que cela « légaliserait le génocide ». C’est Bakir Izetbegović (fils d’Alija Izetbegović et également membre dirigeant du SDA) qui me dit ça. Je ne comprends pas ce qu’il a voulu dire par là, très honnêtement. Moi je pense tout le contraire. Le recensement prouverait qu’il y a eu un nettoyage ethnique. M. Izetbegovic demande que le recensement soit fait uniquement après que l’annexe 7 de l’accord de Dayton sur le retour des réfugiés et des déplacés ait été totalement mise en oeuvre. CdBiH : Mais on ne pourra jamais prouver qu’elle est totalement mise en oeuvre... C.R. : C’est ce que je lui ai dit, surtout que cela fait 13 ans maintenant que la guerre est finie, et donc il n’y aura plus de retour en arrière : après plus de 10 ans, les gens ont refait leur vie ailleurs. Il m’a répondu « oui, mais il faut quand même qu’on leur offre la possibilité de rentrer ». Si l’on faisait un recensement, on se rendrait compte que les populations ont effectivement bougé, et que maintenant, à mon avis, il y a à peine 20% du territoire qui soit encore veritablement multiethnique : Sarajevo, c’est à 90% musulman, la Republika Srpska est à 90% serbe, certains cantons sont monoethniquement bosniaque ou croate. Il est certain qu’il y a beaucoup moins de réel mélange de populations. Mais en réalité, le problème c’est qu’on n’en sait rien, et que cela arrange tout le monde : ça arrange les Croates, et ça arrange aussi les Bosniaques, qui peuvent toujours prétendre qu’ils sont une majorité. Ils étaient en effet une majorité numérique en 1991, mais sur les 1 million de réfugiés qui ont quitté la Bosnie et qui ne sont pas revenus, il y a probablement une grande majorité de Bosniaques. Ainsi, nous ne sommes même pas certains que les Bosniaques sont toujours une majorité... L’une des solutions proposées est de faire un recensement sans la question religieuse, ethnique ou linguistique, donc par tranche d’âge, par profession etc. Cela serait déjà un outil utile... CdBiH : Mais ce serait une opportunité de perdue pour enfin savoir la vérité... C.R. : Oui, le problème, c’est que l’organisation actuelle du pays repose sur une fiction. Le recensement de 1991 a été effectué dans l’ancienne Yougoslavie, donc vous aviez encore une case « Yougoslave », ce qui ne veut rien dire aujourd’hui. Si on continue de répartir le pouvoir en fonction de ce recensement, on aura un pays réel, et un pays fictif. Je pense qu’à long terme, ça ne peut pas marcher. On a fait tout ce qu’on a pu ces 13 dernières années pour revenir sur le génocide, effacer les traces du nettoyage ethnique, mais il est certain que ce pays ne sera plus jamais comme avant. Au bout de 13, 15 ou 20 ans, je pense qu’il est temps d’admettre la réalité CdBiH : Et même si on acceptait de faire un recensement « ethnique », il faut encore choisir s’il faut demander aux gens ce qu’ils sont par nationalité, ou quel est leur sentiment d’appartenance. En ce moment par exemple, pour certains papiers on demande aux gens s’ils sont Serbes, Bosniaques, ou Croates, mais il n’y a pas de case « Bosnien » (Bosanac) ! C.R. : Il y a la case « autres »… CdBiH : Mais c’est tout de même dur psychologiquement, pour quelqu’un qui se sent tout simplement citoyen de Bosnie, de devoir cocher la case « autres ». C.R. : Oui, et ça pose des problèmes aussi pour les enfants issus de mariages mixtes, qui sont obligés de cocher la case « autres ». Ici, tout cela est uniquement basé sur une auto-déclaration, alors vous ne devez rien prouver. Il faut juste déclarer, par exemple, « je suis croate ». Je trouve cela terrible dans un pays déchiré comme la Bosnie, parce que vous aviez énormément de mariages mixtes, et l’on demande maintenant aux gens de choisir… « Ma mère est croate, mon père est bosniaque, et il faut que je choisisse un camp » : ça doit être psychologiquement très lourd. Cela ne m’étonne pas que les jeunes refusent de voter, parce que toute la politique est basée sur cette identification. Cela fait aussi que les gens qui ne se sentent pas particulièrement serbe, croate ou bosniaque, ont la vie dure, parce qu’ils n’ont pas le patronage du groupe ethique correspondant. CdBiH : Cela a aussi pour conséquence que certaines personnes demandent certains papiers uniquement par intérêt. Il y a beaucoup de gens qui ont un passeport croate, uniquement parce qu’il leur permet d’aller dans certains pays sans visa… C.R. : Bien sur. C’est pour ça que je ne comprends pas pourquoi l’Union européenne refuse de libéraliser le régime des visas. On parle d’une population de 3,8 millions de gens à peu près. Plus de la moitié a déjà des passeports croates ou serbes, sachant qu’avec le passeport croate on peut aller partout. Donc on parle au maximum d’un million de personnes : quel danger cela peut représenter, alors qu’on a déjà libéralisé les visas avec la Russie ?! Il y a proportionnellement autrement plus de bandits en Russie qu’ici, en Bosnie. CdBiH : A quel niveau se situent les obstacles à cette libéralisation des visas ? Au sein de l’Union européenne ? C.R. : Oui. Déjà il y a cette méfiance inavouée de l’UE vis-à-vis des Musulmans, et puis le fait que les frontières sont des passoires, le fait que la Bosnie est un pays de transit pour les trafiquants de cigarettes etc… En théorie, les visas ont été libéralisés l’année dernière pour certaines catégories de personnes, comme les étudiants, les hommes d’affaires etc., mais d’après les gens que je connais, cela n’a pas changé grand chose. On demande toujours des relevés de compte en banque, une invitation… CdBiH : De plus, si l’argument contre les visas est que la Bosnie est en majorité un pays musulman, il y a un contre-effet tout à fait illogique : pour l’instant, les seuls pays où les Bosniens peuvent aller sans visa sont des pays musulmans (Turquie, Tunisie etc.), donc on resserre indirectement les liens entre la Bosnie et les pays musulmans… C.R. : Peut-être. Mais avec les salaires qu’il y a ici, la plupart des gens veulent juste aller voir leur famille en Allemagne ou ailleurs. De toute façon, ils passent leur vacances sur la côte croate, comme ils l’ont toujours fait, donc je ne comprends pas du tout cette hostilité de l’UE en ce qui concerne les visas. CdBiH : Il n’y a donc aucun argument clair à ce sujet ? C.R. : En juin, Bruxelles est venu ici pour donner une feuille de route qui demandait un meilleur contrôle aux frontières, et d’autres choses qui pour moi n’ont rien à voir avec les visas, comme la protection des minorités. Ils ont mis un certain nombre de conditions, parce qu’ils savent très bien que la négociation sur les visas est le seul moyen de faire bouger les hommes politiques sur d’autres sujets. CdBiH : Donc la communauté internationale utilise les mêmes instruments que les hommes politiques qu’elle critique : elle se sert de la population pour arriver à ses fins ? C.R. : Oui… Mais pour revenir au recensement, on pourrait proposer de poser un minimum de questions « ethniques », mais de garder pendant un délai de 5 ans, le système de répartition du pouvoir tel qu’il est maintenant, basé sur le recensement de 1991. Comme ça, les gens auraient le temps de réfléchir. Mais si l’on ne fait pas ce recensement, on va continuer de vivre dans une fiction complète. J’ai entendu dire qu’au Liban, la répartition du pouvoir se fait encore sur la base d’un recensement effectué en 1932, et on voit comment ça marche… CdBiH : Ça pourrait durer encore longtemps finalement ! C.R. : Oui, dans ce pays, tout peut durer longtemps ! On peut garder la constitution actuelle et fonctionner. Cela coûtera très cher à l’UE, on dépensera plein d’argent dans les différents niveaux d’administration etc. Mais en tant que tel, on voit que le pays « fonctionne » : le peu de trains qu’il y a roulent, on peut boire son café, on peut acheter son journal, il y a plein de nouveaux supermarchés, de centres commerciaux… Je ne sais pas de quoi vivent les gens, mais pour l’instant il n’y a pas d’émeutes de la faim… Pour ma part, je pense qu’il faut changer les frontières internes de la Bosnie : le pays est divisé actuellement en deux entités qui suivent le tracé de l’ancienne ligne de cessez-le feu. Cela n’a rien à voir avec des critères logiques, économiques. Donc l’une des idées serait de rediviser la Bosnie en 5 régions par exemple, sur la base des pôles économiques que sont Sarajevo, Mostar, Banja Luka, Tuzla et Bihać, par exemple. Cela serait beaucoup plus logique. CdBiH : C’est une idée qui se discute où, concrètement ? C.R. : Ce sont des propositions qui ont été faites par les Croates, l’année dernière, mais la Republika Srpska ne veut pas en entendre parler : ils acceptent qu’on redécoupe la Fédération, mais pas la Republika Srpska… CdBiH : C’est un obstacle insurmontable, non ? Un pays, deux entités C.R. : Je ne sais pas. Cette organisation territoriale n’est pas pratique pour la Republika Srpska non plus : quand vous regardez la carte, il n’y a pas de continuité territorriale entre l’est et l’ouest. Les gens qui sont dans la partie est, autour de Foča et autres, se plaignent que Banja Luka ne s’occupe pas assez d’eux, et ici, à Sarajevo, on peut aller en Republika Srpska en 5 mn. La ville de Pale, par exemple, devrait être englobée de nouveau dans Sarajevo. La division actuelle du territoire n’a aucun sens objectif, mais elle a un sens humain, pour les raisons que tout le monde connaît. Cependant, d’un point de vue purement économique, ça n’a aucun sens. CdBiH : Cela dit, les politiciens ici, en tout cas la plupart d’entre eux, ne réfléchissent pas selon des critères logiques, parce que ce n’est pas forcément ça qui est à leur avantage. C.R. : Mais vous vous rendez compte de toute l’énergie qu’on dépense ! Je ne dis pas qu’il faut tout organiser simplement en ayant en tête une carte, il faut aussi prendre en compte les critères humains, mais au niveau des gens « normaux », des gens dans la rue, ici comme en Republika Srpska, il n’y a pas d’hostilité inter-ethnique. Aucun problème ! Donc c’est les politiques qui résistent. Comme avec l’éducation. Pour l’instant, vous avez des écoles séparées, avec des enfants qui n’étudient pas la même chose. Chacun des cantons fait comme il veut, il n’y a aucune décision commune… Autrefois, tous les enfants lisaient couramment le cyrillique, ce qui n’est plus le cas aujourd’hui. Si on continue comme ça, dans 15 ans, les langues de ce pays seront mutuellement inintelligibles ! Je ne dis pas qu’il faut pas revenir au système titiste d’ « unité et fraternité », mais il faut tout de même avoir conscience qu’on est en Bosnie-Herzégovine, et pas en Serbie ou en Croatie. Dans les 10 ans à venir, si on continue comme ça, on aura des gens qui, au mieux, seront capables de vivre côte à côte, mais qui vont s’ignorer. CdBiH : Et puis il y a autre chose qui se profile à l’horizon, c’est que la population bosniaque se rapproche de plus en plus de la Turquie, en essayant de se raccrocher à quelque chose… On est ni en Serbie, ni en Croatie, mais on n’est pas non plus en Turquie ! C.R. : C’est le syndrome du « grand frère ». Il y a beaucoup de Musulmans qui se sentent, comme dans un ghetto, prisonniers de leur propre pays. « Les Croates ont toujours la possibilité d’aller en Croatie, les Serbes peuvent se raccrocher à la Serbie, nous on n’a personne. On est vraiment tout seul… ». Moi, je leur ai souvent dit que cette mentalité de prisonnier n’était pas la solution. CdBiH : De plus, cela laisse un autre groupe encore plus « prisonnier », c’est le groupe des gens qui ne veulent se rattacher à personne… C.R. : Aussi. Comme vous le disiez, il y a beaucoup de Bosniaques qui ont pris des passeports croates uniquement pour avoir une certaine sécurité. CdBiH : Finalement c’est cette mentalité qui, individuellement, permet de s’en sortir, de prendre les avantages là où il y’en a, et d’arrêter de parler de tout ça… C.R. : A leur place, je ferai pareil. Je ne suis pas sûre que j’aurais envie de voter dans ce pays... Certains médias critiquent le Haut-Représentant en disant qu’il devrait démettre des gens comme Dodik de leurs fonctions, mais après tout, ces gens ont été élus démocratiquement… Si on ne veut pas d’une politique nationaliste, il ne faut pas voter pour des partis nationalistes. La vraie question est : y’a-t-il des partis non-nationalistes ? CdBiH : Il y a le SDP… C.R. : Oui, mais qu’a fait le SDP de ce potentiel quand il était au pouvoir entre 2000 et 2002 ? Pas grand chose. CdBiH : Que peut faire la communauté internationale face à tout cela ? C.R. : Le gros problème, c’est que comme la communauté internationale ne peut pas ou ne veut changer la structure décidée à Dayton, elle essaye donc d’influer sur la substance. Donc on montre par l’exemple, les voyages d’études, les expertises, quelles sont les meilleures pratiques, pour ensuite amener les autorités à réaliser que la structure n’est pas adaptée. C’est un travail qu’ils doivent faire eux-mêmes, on n’a pas à leur imposer. Le problème c’est que les rares lois qui ont effectivement été adoptées, et qui sont conformes aux standards européens, sont mal appliquées, ou pas appliquées du tout. Il y a un sérieux problème de hiérarchie des normes. Quand une loi est adoptée au niveau de l’Etat, donc par les trois peuples constitutifs, elle devrait pouvoir s’appliquer d’office. Or, il y a un système très compliqué, où chacune des entités, et chacun des cantons de la Fédération, est censé harmoniser sa loi avec la loi adoptée au niveau de l’Etat, et pas nécessairement l’appliquer directement. Cela, je ne le comprends pas. Par exemple, on avait adopté un nouveau code de procédure pénale au niveau de l’Etat en 2003, je pensais qu’il était harmonisé depuis longtemps, mais en fait non ! Ils oublient, par exemple, de changer les décrets d’application… De plus, les institutions qui ont été créées depuis Dayton, au niveau de l’Etat, n’ont aucun pouvoir de sanction. Que font-ils alors ? De la coordination ? Personne ne peut obliger tel ou tel canton à appliquer une loi. Je trouve ça extraordinaire… Cela bloque souvent des réformes qui sont pourtant dans l’intérêt de tout le monde, comme la réforme de l’enseignement supérieur, qui devrait permettre aux diplômes des étudiants d’être reconnus à l’étranger et vice-versa. C’est dans l’intérêt des Bosniaques, des Serbes et des Croates, et pourtant ça ne fonctionne pas ! CdBiH : J’ai l’impression qu’il y a un malaise, et que quand la communauté internationale essaie d’influencer tel ou tel politicien, elle ne réalise pas que ce politicien n’a pas du tout les mêmes objectifs en tête, c’est-à-dire qu’il cherche son intérêt personnel uniquement… C.R. : Oui, mais ça c’est la même chose dans les pays de l’UE. En France aussi, on fait des promesses lors des campagnes électorales et on s’empresse de les oublier une fois élu… Le problème ici, c’est qu’il y a tellement de petits potentats locaux, y compris jusque dans la plus petite municipalité, qu’il n’y a pas de vision d’ensemble ni un sens de l’intérêt commun. Cela dit, je ne veux pas être trop pessimiste non plus, j’espère que les élections locales en octobre changeront un peu les choses. CdBiH : Vous espérez vraiment un changement ? C.R. : Je ne sais pas… qu’ils votent pour les Verts ! Pour les libéraux ! Pour le parti de Danis Tanović ! Cela ne peut pas continuer comme ça, parce qu’avec ces élections, on donne aux partis nationalistes une légitimité démocratique, alors il ne faut pas se plaindre après qu’ils ne font pas ce que veut la communauté internationale. On ne peut pas en même temps être complètement interventionniste, et en même temps prétendre respecter la volonté du peuple, et ne vouloir la respecter que quand les résulats des élections nous arrangent. De toute façon, ces politiciens reviennent à des thèmes nationalistes parce que ça marche. Pourquoi voulez-vous qu’ils parlent de l’économie désastreuse, des 40% de chômage et des retraites de misère ? Aujourd’hui, on arrive à quelque chose de très dangereux, c’est un désintérêt total de la politique. Il y a aussi une culture de dépendance de la communauté internationale, et puis une apathie sociale profonde. Je pense que dans ce pays encore plus qu’ailleurs, il y a un grave clivage entre les individus et la politique, et j’ai bien peur que cela ait des conséquences que les gens n’avaient pas prévues. [1] Le dernier recensement en Bosnie-Herzégovine date de 1991, à l’époque de la Yougoslavie, et donc avant la guerre de 1992-95. |
Vendredi 25 juillet 2008, 13h51
Bosnie: les biens de Karadzic pourraient être utilisés dans le cadre de l'indemnisation de victimes SARAJEVO/BELGRADE - Les biens de Radovan Karadzic pourraient être confisqués et utilisés pour couvrir une partie des 4,5 milliards de dollars d'indemnités qu'un tribunal américain a ordonné à l'ancien responsable politique bosno-serbe de verser à des victimes d'atrocités commises durant le conflit bosniaque, selon un responsable. Raffi Gregorian, l'adjoint du Haut représentant de la communauté internationale en Bosnie Miroslav Lajcak, a déclaré vendredi que diverses options étaient examinées à propos des moyens de saisir les biens de Karadzic afin que des fonds puissent être versés. Les victimes qui ont fui vers les Etats-Unis au cours de la guerre (1992-95) qui a fait plus de 100.000 morts ont cherché à obtenir des indemnités auprès de Karadzic par le biais du Centre pour les droits constitutionnels basé à New York. Un jury a décidé en 2000 de l'octroi de 4,5 milliards de dollars. Sous le coup de 11 chefs d'accusation à La Haye, notamment pour génocide et crimes contre l'humanité, l'ancien chef politique des Serbes de Bosnie a échappé pendant près de 13 ans à la justice, avant d'être arrêté lundi près de Belgrade, selon les autorités. Il a jusqu'à vendredi minuit pour faire appel de son transfert aux Pays-Bas, en vue de son procès devant le Tribunal pénal international de La Haye pour l'ex-Yougoslavie (TPIY). L'avocat de Karadzic, Sveta Vujacic, a fait part de son intention d'envoyer l'appel cinq minutes avant la fermeture des bureaux de poste vendredi à 20h (18h GMT). AP |
Vendredi 30 mai 2008, 20h17 - SARAJEVO
(Reuters)
Trois Serbes de Bosnie condamnés pour crimes de guerre Trois Serbes de Bosnie ont été condamnés à un total de 63 années de prison pour leur implication dans la mort d'une centaine de Musulmans dans deux camps de prisonniers du nord-ouest du pays pendant la guerre civile de 1992-1995. Zeljko Mejakic a été condamné à 21 ans de prison, Momcilo Gruban également à 21 ans et Dusko Knezevic à 31 ans, a annoncé le juge Saban Maksumic, au tribunal spécial de Sarajevo chargé des crimes de guerre. Les trois hommes ont également été reconnus coupables de séquestration, de torture, d'agressions sexuelles, de persécution et d'autres crimes contre l'humanité. Les Serbes de Bosnie avaient installé en 1992 trois camps de détention - Omarska, Keraterm et Trnopolje - près de la ville de Prijedor. Environ 7.000 Musulmans bosniaques, ainsi que des Croates de Bosnie, avaient été rassemblés dans ces camps. Daria Sito-Sucic, version française Guy Kerivel
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Le réalisateur de "No Man's Land" fonde un parti en Bosnie
Par Maja Zuvela - Reuters - Samedi 5 avril, 18h19 SARAJEVO- Le réalisateur bosniaque Danis Tanovic, lauréat de l'Oscar du meilleur film étranger pour "No Man's Land" en 2001, a lancé samedi un nouveau parti politique ouvert à la société civile avec l'espoir d'éloigner le pays du nationalisme. "C'est une tentative pour faire avancer les choses et sortir de l'impasse actuelle. Nous pouvons offrir un nouveau choix aux Bosniaques qui se plaignent depuis des années de n'avoir personne pour qui voter", a expliqué Tanovic, 38 ans, qui espère que sa formation attirera une moitié des abstentionnistes. Une partie importante des électeurs bosniaques boude les urnes depuis plusieurs années, déçue par des programmes de partis aux accents nationalistes dans un pays divisé entre deux régions autonomes, la Fédération croato-musulmane et la République serbe de Bosnie. Célèbre depuis son Oscar, Tanovic a encore gagné en popularité dans son pays depuis qu'il a décidé l'an dernier de quitter Paris pour s'installer avec sa famille à Sarajevo, après plusieurs années passées en Europe de l'Ouest. Il a déclaré que son mouvement, baptisé "Notre Parti", se doterait de dirigeants issus de la société civile, économistes, écrivains, réalisateurs, metteurs en scène, militants des droits civiques, et des trois grandes ethnies du pays. Tanovic est lui-même un Musulman bosniaque. Lors de la convention inaugurale du parti, il a précisé qu'il présiderait la formation aux côtés de trois autres personnes représentant les Croates et les Serbes. Le président du parti est Bojan Bajic, un militant serbe des droits civiques originaire de l'est de la Bosnie. Le premier test de "Notre Parti" surviendra lors des élections locales d'octobre prochain. "Nous sommes conscients du défi", a dit Tanovic. "Ce qui nous attend, ce n'est pas un 100 mètres, c'est un marathon." Tanovic prépare actuellement "Triage", un film adapté d'un scénario de Scott Anderson, qui parle des dilemmes auxquels est confronté un correspondant de guerre. Le rôle principal a été attribué à l'acteur irlandais Colin Farrell, qui est arrivé vendredi en Bosnie. Version française Jean-Stéphane Brosse
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Bosnie-Herzégovine : pas de guerre... mais pas de paix non plus ! Traduit par Mariama Cottrant Publié dans la presse : 17 novembre 2007 La crise politique bosnienne, qui a débuté en octobre 2007 quand les dirigeants des partis n’ont pas réussi à se mettre d’accord sur la réforme de la police, et s’est amplifiée avec la démission du Premier ministre Nikola Špiric début novembre, plonge le pays dans l’inquiétude. Les politiciens rejettent les comparaisons avec la situation qui prévalait à la veille de la guerre, mais l’EUFOR est en état d’alerte. Par Nidžara Ahmetaševic Politiciens et commentateurs cherchent à calmer les peurs et la crainte que le système politique de la Bosnie-Herzégovine puisse s’effondrer. Ils rejettent les comparaisons avec la situation qui avait précédé la guerre de 1992-95. « J’espère que nous n’aurons pas à subir une autre guerre », a dit Azemina S., vendeuse de journaux à Sarajevo, à Balkan Insight. « J’ai très peur pour mes enfants. Moi, je pourrais peut-être le vivre encore une fois, mais que devrais-je faire de mes enfants ? ». Jasna H, qui travaille avec Azemina, a aussi eu peur quand le mot « guerre » a été mentionné en sa présence, et s’est mise à pleurer : « Ca me fait mal au ventre quand vous me demandez une chose pareille », a-t-elle dit, en se tournant pour cacher ses larmes. « J’espère que le monde ne nous laissera pas mourir encore une fois », nous a dit Ibrahim Kumric, retraité. Preque tous les dirigeants politiques en Bosnie ont rapidement écarté la possibilité d’une crise sécuritaire en conséquence de la crise politique. La crise économique est plus probable que la guerre Martin Raguz, de l’Union Démocratique Croate - 1990 (HDZ-1990), affirme que la situation est « très dangereuse », et appelle ses collègues parlementaires à trouver des moyens de calmer le jeu, mais dans une interview avec Balkan Insight, il a écarté la possibilité d’un retour à la guerre. « Je pense que la guerre n’est pas une option possible. Ce serait trop risqué, pas seulement pour la Bosnie mais pour toute la région et pour l’Europe elle-même. Le pire scénario possible, c’est l’isolation et le status quo. » L’opinion de Raguz est partagée par d’autres membres du Parlement, comme Lazar Prodanovic du parti des Sociaux-Démocrates Indépendants (SNSD), qui ne comprend pas le fait même qu’on parle de guerre en Bosnie. « Je vois bien que les gens ont peur. Ce qui m’inquiète le plus, c’est cette pauvreté qui est visible partout. Mon plus grand souci, c’est cette situation tragique de ne pas être en mesure de signer l’Accord de Stabilisation et d’Association (ASA) », dit-il. Un accord sur la réforme de la police aurait ouvert la voie à la Bosnie dans l’initiation de l’ASA avec l’Union européenne. Après que la Serbie a initié cet accord récemment, la Bosnie est maintenant le seul pays de la région sans relation formelle, contractuelle, avec l’Union européenne. « Je lis différentes analyses et déclarations, et tout ce que je peux dire, c’est que nous sommes une région exotique du monde, et que cela amuse les étrangers de prédire ce qui va se passer », a dit Mladen Ivanic, dirigeant du Parti du Progès Démocratique (PDP). « Mais en fait la solution à la crise actuelle réside dans la communauté locale. De notre point de vue, une solution est de continuer à parler des changements constitutionnels qui aideront à résoudre tous les problèmes concernés. » Mladen Ivanic estime que même s’il n’y a pas de danger de retour à la violence, la peur d’une détérioration de la situation actuelle pourrait causer une crise économique. « Ce qui peut se passer, c’est que certains investisseurs auront des réticences à faire du business en Bosnie. » Le dirigeant du parti Social-Démocrate (SDP), Zlatko Lagumdžija, pense qu’il existe beaucoup de raisons pour lesquelles une guerre en Bosnie n’est pas possible, et tout d’abord l’opinion internationale. « Le monde a appris une leçon de la guerre précédente. En même temps, le monde a investi beaucoup dans cette région, beaucoup d’efforts qui prouvent que la démocratie est possible dans une société multinationale. Risquer tout ça donnerait une mauvaise image de la communauté internationale. Rien que ça, c’est déjà une bonne garantie de la paix en Bosnie. » Le dirigeant du Parti des Bosniens Patriotes (BPS), Šefer Halilovic, ancien haut-placé de l’armée bosnienne (Armija BiH) [1], pense que les décisions concernant la guerre et la paix en Bosnie ne sont pas prises par les responsables locaux, mais internationaux. « La communauté internationale ici est à la fois garante de la stabilité et de l’instabilité », dit-il, « on verra bien laquelle des deux prendra l’avantage ». EUFOR : la Bosnie demeure calme et stable Un porte-parole du déploiement militaire de l’UE en Bosnie, l’EUFOR, a dit qu’il n’y avait pas de détérioration visible de la situation sécuritaire. « L’environnement est encore sécurisé et sans danger », a dit le porte-parole britannique de l’EUFOR, le Major David Fielder, à Balkan Insight. « La paix est là depuis 1995 ; l’EUFOR est là pour assurer que cette paix reste en place ». L’EUFOR a actuellement 2.500 troupes en Bosnie-Herzégovine et la capacité d’appeler un nombre important de troupes supplémentaires d’autres endroits de la région. L’EUFOR a dit à Balkan Insight qu’elle a « une capabilité très crédible de réaction aux situations de crise lorsqu’elles émergent. L’EUFOR prévoit aussi de permettre aux renforts d’arriver très rapidement si besoin est. Ces forces, tout comme celles de Bosnie-Herzégovine, seront bien entraînées, équipées et motivées. Nous souhaitons fortement assurer tout le monde en Bosnie que nous sommes préparés à agir si c’est nécessaire, dans n’importe quelles circonstances. Neanmoins, nous souhaitons aussi réaffirmer qu’il n’y a pas de changement dans la situation sécuritaire. La Bosnie-Herzégovine demeure calme et stable ». Le mandat actuel de l’EUFOR expire à la fin de cette année. Le Conseil de Sécurité a discuté d’un prolongement de ce mandat le 21 novembre. Le Bureau du Haut Représentant (OHR) et l’UE soutiennent le prolongement, mais la Russie semble depuis récemment être quelque peu ambivalente. Dans son briefing semi-annuel au Conseil de Sécurité de l’ONU le 15 novembre, Miroslav Lajcak, le Représentant Spécial de l’Union Européenne en Bosnie et le Haut Représentant de la communauté internationale, a fait remarquer que « prolonger le mandat de l’EUFOR est une garantie majeure que les problèmes politiques (...) peuvent être résolus dans un environnement sécurisé et sans danger ». Miroslav Lajcak a souligné que le pays avait maintenant deux options bien définies : l’escalade de la crise, ou la « descalade » qui permettra aux partis de travailler sur les problèmes qui affectent la vie des gens. « Les acteurs locaux peuvent continuer à agir de mauvaise foi et continuer à faire escalader la situation, ou alors il peuvent agir de bonne foi, et rediriger la Bosnie-Herzégovine vers le chemin de l’Europe », a déclaré Miroslav Lajcak. La semaine dernière, l’adjoint de Lajcak, Raffi Gregorian, diplomate américain, a dit à des membres du Comité Helsinki des Etats-Unis que la Bosnie avait atteint un « moment vital » de son histoire et que « sa survie-même pourrait être déterminée dans les mois à venir, si ce n’est les semaines à venir ». « La communauté internationale ne peut se permettre de voir ses efforts post-conflit en Bosnie transformés en une défaite humiliante », a remarqué Gregorian dans son discours au Comité Helsinki. « Elle ne peut pas se permettre non plus de laisser arriver des images de gens en train de fuir des régions où ils sont des minorités ethniques, de peur que le pire n’arrive encore dans l’espace de la même génération », a-t-il ajouté. Arrêtons de semer la panique ! Alexandra Stiglmayer, journaliste et expert des Balkans ayant passé beaucoup d’années, pendant et après la guerre, à travailler en Bosnie, est d’avis qu’il n’y a aucune chance que la situation actuelle ne prenne la forme d’une guerre. « Les gens de Bosnie ont une expérience toute récente de la guerre, et c’est la dernière chose qu’ils veulent. Il est irresponsable d’évoquer la possibilité d’un conflit armé parce que cela créé de l’insécurité et fait fuir les investisseurs dont le pays a tant besoin. Même les préconditions matérielles n’existent plus : la Bosnie est largement désarmée et les forces de défense ont été intégrées », déclare Alexandra Stiglmayer, analyste de l’European Stability Initiative (ESI). Alexandra Stiglmayer, comme d’autres, souligne qu’amplifier l’importance de cette crise pourrait avoir des conséquences économiques graves. « Je pense que vous devriez avoir peur de cette mauvaise image de la Bosnie créée par quelques politiciens locaux, mais aussi, et c’est peut-être plus important, par quelques officiels internationaux. La Bosnie n’est guère proche d’une nouvelle guerre. Elle n’est pas infestée de Wahabbites et de sympathisant d’Al-Qaeda ! Ce n’est pas un foyer de corruption et de crime organisé ! La Bosnie a accompli avec succès de nombreuses réformes difficiles, de la défense à la justice et l’économie. Il y a des choses sur lesquelles les hommes politiques bosniens et les ambassadeurs, ainsi que les officiels étrangers, devraient mettre l’accent. » Le directeur de la communication de l’OHR, Frane Maroevic, prévient aussi des conséquences économiques du bloquage politique. « On voit une énorme hausse des prix ces jours-ci. Avec une telle situation politique, ça n’aidera pas l’économie à s’améliorer », a-t-il dit. L’OHR cite incessamment le chemin européen comme unique solution à la crise actuelle. La guerre est-elle vraiment terminée ? Aleksandar Trifunovic, éditeur de BUKA, une publication online à Banja Luka, pense que les tensions sont plus présentes qu’au début des années 1990, mais il affirme, lui aussi, qu’il n’existe pas de possibilité d’une nouvelle guerre grâce à la présence de la communauté internationale en Bosnie-Herzégovine. Cependant, il pose une autre question importante : « la guerre est-elle vraiment terminée ? » « Mon impression personnelle est qu’après Dayton la guerre a continué, mais que tout simplement, d’autres types d’armes sont utilisés - medias, culture, sport, religion... A mon avis, toutes ces négociations entre politiciens locaux sont comme des cessez-le-feu pendant une guerre. Après un cessez-le-feu, en général, les combats reprennent. » Nerzuk Curak, professeur à Sarajevo, est proche de cette manière de penser. Il ne pense pas que la guerre est possible maintenant ou dans un futur proche, mais il demande également si on peut vraiment qualifier la situation actuelle de « paix ». « Durant ces 12 dernières années depuis Dayton, nous n’avons pas eu la paix en Bosnie, mais la guerre est présente par son absence. La façon dont laquelle l’Etat est organisé ne peut offrir une paix stable mais seulement ajouter à son instabilité. Cela ne peut pas mener à la guerre un jour, parce que ce n’est pas une paix au sens propre du terme. » Nerzuk Curak conclut ironiquement : « Dormez en paix. Nous n’aurons pas de nouvelle guerre. Pour la simple raison qu’il n’est pas possible d’avoir ce que nous avons déjà. Ce n’est pas officiellement une guerre, mais ce n’est rien d’autre que la guerre. Oh mon Dieu, quel pays ! »
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Quand on reparle de « guerre » en Bosnie-Herzégovine... Traduit par Mariama Cottrant Publié dans la presse : 2 novembre 2007 La crise politique se poursuit en Bosnie-Herzégovine, après la démission du Premier ministre, le Serbe Nikola Spiric. Alors que les troupes de l’EUFOR se disent prêtes à faire face à toute éventualité, on reparle beaucoup de « guerre », un mot tabou en Bosnie depuis douze ans. La crise bosnienne s’inscrit aussi dans un dangereux contexte régional, dominé par la question du Kosovo. Les citoyens sont inquiets : micro-trottoir à Sarajevo, Mostar et Banja Luka. Par Ensar Zgodic L’EUFOR en état d’alerte Les citoyens de Bosnie-Herzégovine se retrouvent dans la même situation que durant la campagne électorale de l’année dernière, avec la rhétorique incendiaire et agressive des hommes politiques et le discours autoritaire de la communauté internationale. Les propos de Milorad Dodik, la façon dont lui a répondu Haris Silajdžic, et ce que disent aussi les Croates... Tout cela remue le couteau dans les plaies encore vives et les silences de la vie réelle des Bosniens et Herzégoviniens. On pourrait parfois croire que nous avons tous oublié la valeur de la paix... Les menaces d’un référendum pour la séparation de la Republika Srpska de la Bosnie-Herzégovine, l’incertitude sur le résultat des négociations sur le statut du Kosovo sont autant d’éléments de troubles. Le membre croate de la présidence collégiale Željko Komšic (Parti social-démocrate, SDP) a déclaré que certains politiciens de Bosnie travaillaient en complète coordination avec Belgrade et « ramenaient » en Bosnie la question du Kosovo pour que les problèmes bosniens soient placés dans un contexte régional, ajoutant que le Premier ministre de Serbie Vojislav Koštunica « recevra des coups sur le nez et sur les doigts », si mêlait aux problèmes intérieurs de la Bosnie des thèmes qui rappellent aux citoyens les guerres des années 1990. Dormez en paix, l’EUFOR veille ! Le commandant de l’EUFOR, la mission militaire européenne en Bosnie-Herzégovine, le contre-amiral Hans Jochen Witthauer, a déclaré que « l’instabilité n’est pas visible qu’en Bosnie, mais dans tout les Balkans occidentaux », et il a décidé que « l’EUFOR maintiendrait un nombre minimal de troupes prêtes à intervenir si une nouvelle guerre éclatait ». En utilisant le mot de guerre, Hans Jochen Witthauer a confirmé le fait que sur tout le territoire des Balkans régnaient encore « de fortes tensions ethniques », et que « la communauté internationale devait être très attentive aux problèmes de la région ». De plus, ce mot de « guerre » confirme que la résolution du statut du Kosovo « crée des problèmes qui se reflètent dans tous les Balkans occidentaux », rendant plus plausible la menace des représentants de la RS de retirer tous leurs fonctionnaires des institutions gouvernementales bosniennes, parce que le Haut-Représentant a décidé d’imposer des sanctions. Qui interviendra si le conflit montait en puissance ? Chaque jour, la télé diffuse des clips vidéo de la EUFOR qui rappellent que la force internationale a commencé son mandat en Bosnie avec 66 000 soldats, et ne compte plus aujourd’hui qu’environ 2 500 hommes. Les membres de l’EUFOR nous ont confirmé que leurs forces étaient prêtes à intervenir, en première ligne du front, dans n’importe quelle situation qui correspondrait au mot de « guerre ». Le porte-parole de l’EUFOR, le major David Fielder, nous a confirmé qu’il existait des forces prêtes à intervenir dans le pays, notamment un bataillon de manoeuvre multinational, qui dispose d’un arsenal et d’équipements militaires suffisants pour repondre à tout ce qui pourrait menacer la paix, et que les citoyens bosniens peuvent être certains que les troupes internationales seront à la hauteur de leur mission de protection. Derrière l’horizon, nema problema Face à une éventuelle escalade du conflit, des forces supplémentaires pourraient être appelées de « derrière l’horizon ». Certains pays de l’Union européenne, notamment le Royaume-Uni et l’Allemagne pourraient fournir des troupes en temps record. Cependant, le major Fielder a refusé de donner des chiffres et de parler de l’équipement de ces forces, arguant que « tout dépendra de la situation ». Il a aussi ajouté que les forces de l’EUFOR devraient être capables d’assurer un cercle de protection autour du pays. En plaisantant, il a ajouté en bosnien que « nema problema » (« il n’y a pas de problème »). Il n’a pas écarté la possibilité que, si les hautes instances politiques le décidaient, les foces de l’EUFOR interviennent aussi en dehors du pays, bien que leur mandat existant soit limité à la Bosnie. Depuis des mois, les forces armées de Bosnie-Herzégovine suivent un entraînement pour une mission de paix hors du pays dans la base militaire de l’EUFOR à Butmir, dans la périphérie de Sarajevo, Puisque les soldats bosniens s’entraînent aussi, quelque part en Afrique de l’Ouest, à répondre aux questions désagréables des journalistes à propos d’incidents dans leurs zones de responsabilité, nous avons demandé au major Fielder si les soldats de l’EUFOR suivaient aussi des cours spéciaux. Il nous a répondu qu’il ne pouvait pas parler du type d’entraînement suivi par les soldats de l’EUFOR... Les forces armées de Bosnie-Herzégovine comptent 12 000 soldats professionnels, 4000 en RS et 8000 dans la Fédération. Ces forces sont divisées en trois régiments « ethniques » - serbe, croate et bosniaque, selon l’héritage militaire de la tradition héritée des années 1990, l’armée de la RS (Vojske Republike Srpske), le Conseil de Défense Croate (HVO) et l’Armée de la République de Bosnie-Herzégovine (Armija RBiH). Le commandement suprême, nous vous le rappelons, revient à la Présidence collégial, puis au ministère de la Défense et aux différents quartiers généraux. Une chose peut être rassurante : ces régiments sont parfaitement incapables d’entreprendre la moindre action militaire. Trois régiments symboliques Les responsabilités des régiments sont de gérer le musée du régiment, de contrôler les fonds et le budget du régiment, de s’occuper de la préparation, de la recherche et de l’entretien de l’historique du régiment, de publier les bulletins du régiment, de prendre soin de l’héritage culturo-historique du régiment, de donner des conseils pour les célébrations particulières et les règles de comportement du régiment, de diriger les officiers, les sous-officiers et les clubs militaires. De plus, aucun mouvement de quelle partie que ce soit des forces armées n’est possible sans l’EUFOR, depuis le décollage des avions et des hélicoptères jusqu’aux mouvements d’artillerie. Autre fait important : les armes des régiments ne sont pas déposées au même endroit que les munitions... Sarajevo : « Bien sûr qu’on a peur ! » Sarajevo : la caršija a peur Sulejman Bajraktarevic (agent de sécurité) : « Je n’ai pas peur d’une nouvelle guerre. Je ne crois pas que ça puisse en arriver à ce point. Je pense et j’espère que le monde ne laissera pas une fois de plus se développer une telle tragédie dans les Balkans. » Bisera Rašidovic (femme au foyer) : « Je ne suis pas vraiment informée de ce qui se passe dans le pays, mais je ne crois pas qu’il soit possible que ça en vienne encore à la guerre. » Ljubica Pejcic (ouvrière) : « Bien sûr que j’ai peur, mais j’espère que ça n’arrivera pas. Qui a vécu ça une fois... Mais vu les grosses têtes de nos politiciens, rien n’est exclu. » Sabina Handžar (fonctionaire) : « J’ai peur qu’il y ait encore une guerre. Je suis sûre que tous ceux qui ont vécu la guerre précédente ont peur. Mais je ne me prépare pas à ça. Je vis au fil des jours comme chaque citoyen. » Hajro Mulic (fonctionnaire retraité) : « Vu la situation dans ce pays, si quelque chose d’intelligent ne se produit pas et si les passions ne se calment pas, on pourrait bien arriver à la guerre. La seule solution serait que la Bosnie soit unie. Mais, comme les choses vont maintenant, il n’y a pas d’unité. » Sanela Tomšic (employée d’administration) : « Je ne crois pas que ça pourrait en venir à la guerre. Le monde a tellement investi dans ce pays, je ne pense pas que l’on permettrait que quelque chose comme cela se produise une nouvelle fois. » Mostar : « chez nous, la guerre n’est pas finie » Selma Kasum : « Je n’ai pas peur qu’une nouvelle guerre éclate. Ce que je regarde à la télé ou ce que je lis dans les journaux n’est rien d’autres que des débats politiques ridicules qui font peur aux citoyens, la même histoire qui se répète depuis des années... » Alija Biljavica : « Je n’ai pas peur de la guerre. Pourquoi aurais-je peur d’elle ? La guerre ne s’est jamais achevé chez nous, la Croatie et la Serbie entretiennent toujours leur appétit pour notre pays. » Asmer Periz : « Il s’agit d’effrayer les citoyens, mais ils ne sont plus naïfs comme ils l’étaient il y a 15 ans, c’est pourquoi je n’ai pas peur de la guerre. » Ramiz Pandur : « Tous ces événements politiques sont trop gonflés et trop amplifiés. Celui qui est compréhensif ne devrait pas avoir peur de quoi que ce soit. Ca a toujours été comme ça et ce sera toujours comme ça. » Banja Luka : « tout est possible » Biljana Popovic (cadre du privé) : « Oui, j’ai peur de la possibilité d’une nouvelle guerre. J’en ai déjà vécu une et je n’ai pas de bons souvenirs de cette guerre. Mon mari et moi avons un petit bébé, et ce serait difficile pour nous tous si une nouvelle guerre survenait. » Lujo Maric (étudiant) : « Ces derniers temps on a beaucoup parlé d’une telle possibilité. La situation politique n’est vraiment pas satisfaisante. Les querelles de nos politiciens n’amènent nulle part. Je crois que chez nous tous est possible. » Saša Kasalovic (musicien) : « Sincèrement, j’ai peur de cette possibilité, parce que la crise politique actuelle n’est pas du tout anodine. Ca me fait mal à la tête rien que d’imaginer que de nouveaux conflits armés pourraient se produire. J’espère que la communauté internationale ne laissera pas une telle chose se produire. » Liljana Nikolic (étudiante en psychologie) : « Moi, je ne crois pas que cette possibilité existe. Je pense que tous les citoyens de Bosnie-Herzégovine ressentent encore les énormes conséquences de la dernière guerre et que la conscience des hommes est différente aujourd’hui de celle des années 1990. » Marko Acic (étudiant) : « Chez nous, tout est possible. Honnêtement, j’espère que ça n’arrivera pas, parce que les blessures de la dernière guerre ne sont pas encore cicatrisées. Les jeunes ne veulent pas la guerre, mais ils souhaitent la prospérité et un avenir plus radieux. »
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Bosnie-Herzégovine : Tuzla engloutie sous les déchets de sa centrale thermique Traduit par Nihad Hasanovic Publié dans la presse : 26 septembre 2007 La rupture unilatérale d’un contrat entre deux compagnies puissantes a provoqué une catastrophe écologique dans les environs de Tuzla. La vie des gens résidant à proximité des décharges de la centrale thermique est en danger. Ils ont déposé des plaintes contre Électricité de Bosnie-Herzégovine, coupable d’une pollution implacable : pluies jaunes, scories, vase, et même substances radio-actives. Un grand lac aux eaux troubles et noires, pleines de scories [1], de cendre et de vase, voilà le paysage apocalyptique que présente Šicki Brod, près de la ville de Tuzla. C’est une véritable bombe écologique, presque inconnue du public. Les décharges ouvertes, où l’on dépose des scories et de la cendre, déchets de la centrale thermique de Tuzla, sont un grave danger non seulement pour ceux qui vivent à proximité et sont habitués à la poussière et aux pluies jaunes, mais aussi pour la ville de Tuzla. Les habitants disent que pendant l’été, quand le lac se tarit, des nuages de poussière assaillent les lieux alentours et parviennent même jusqu’au centre de Tuzla. Pour cette raison, la région entière est une zone dangereuse pour la vie. Malheureusement, ce qui se passe à Šicki Brod n’inquiète pas beaucoup les politiciens reponsables, car une pollution implacable de l’environnement dure depuis des années sans que les coupables soient punis. Les problèmes des habitants de Šicki Brod ont augmenté depuis deux ans, après que la société Électricité de Bosnie-Herzégovine (Elektroprivreda BiH) a unilatéralement rompu le contrat sur la coopération à long terme avec l’usine de ciment de Lukavac dans le domaine de la livraison des scories et des cendres. En violant le contrat, Électricité de Bosnie-Herzégovine a doublé les prix sans l’approbation de l’acheteur. Cette société a ainsi chassé les propriétaires autrichiens de la cimenterie vers la Republika Srpska, où il se procurent maintenant les déchets nécessaires pour la production de ciment. Des déchets à n’en plus finir Au lieu d’être traités dans la cimenterie, les déchets s’entassent à présent à Šicki Brod. Mélangés avec de l’eau, ils sont distribués à travers une tuyauterie et au moyen de pompes spéciales jusqu’aux décharges qui deviennent chaque jour de plus en plus vastes. Le manque de professionalisme au sein du management d’Électricité de Bosnie-Herzégovine coûte cher. Tout d’abord, la cimenterie de Lukavac essuie des pertes puisqu’elle doit se priver d’une arrivée d’argent supplémentaire pour se procurer les déchets de la centrale thermique d’Ugljevik. Deuxièmement, la centrale thermique de Tuzla subit des pertes elle aussi : son déficit annuel à cause de la cessation des livraisons est estimé à 1,5 million de marks (environ 775.000 euros). Mais les plus gros dégâts provoqués par ce comportement sont visibles sur le terrain : les déchets s’accumulent beaucoup plus vite qu’avant en transformant les environs de la centrale en une grande zone de pollution. Les décharges de Drežnik et Jezero sont remplies. Seule la décharge de Divkovici est toujours « en activité ». Bien que sa capacité soit évaluée à 1,5 million de mètres cubes, la vase dangereuse en déborde déjà sans contrôle. Le jour où nous avons visité ce dépôt de scories, nous nous sommes aperçus des machines qui, comme c’était officiellement annoncé, travaillaient sur la deuxième phase de la décharge de Jezero, par quoi sa capacité sera augmentée de 12,5 millions de mètres cubes de vase. Quand on y pompe des déchets de la centrale thermique, le niveau des eaux résiduelles de la décharge de Jezero s’élevera de quinze mètres ! Cela veut dire que beaucoup de biens vont disparaître. La chose la plus triste, des scories et de la vase vont engloutir des maisons et des propriétés. Franjo Jagic, qui habite depuis quinze ans le quartier de Bukinje, à proximité de la décharge, dit que ses problèmes avec les déchets de la centrale thermique sont quotidiens. « Récemment, on m’a comblé la source d’eau avec des scories. Quand le niveau du dépôt de scories se sera élevé, je ne pourrai même pas m’approcher de ma propre maison », dit Franjo Jagic, âgé de 55 ans. Il ajoute qu’il est obligé de vivre sur cette parcelle qui appartenait à sa mère, parce qu’il n’a pas d’autre choix. Dans sa maison il n’y a pas d’électricité, et chaque jour la vie de ce quinquagénaire devient de plus en plus difficile à cause des problèmes de déchets. Bien que de nombreux citoyens aient déjà déposé des plaintes contre la centrale thermique et contre Électricité de Bosnie-Herzégovine, Franjo Jagic dit qu’il n’est pas en état d’entreprende un tel procès parce qu’il n’a pas d’argent. Un mauvais voisin Des analystes spécialistes des eaux résiduelles montrent très bien quels sont les dangers produits par la décharge. Ratko Banovic, le président de l’association écologique Pokret Eko Zeleni, située à Tuzla, affirme que le pH des eaux de la décharge s’élève à 12 (la valeur normale est 7,5). Cela signifie qu’aucun organisme vivant ne peut survivre dans les eaux qui affluent dans la rivière Jala. D’après une analyse, la poussière est phytotoxique et change la composition du sol. À cause de cela, les gens qui habitent les environs ne peuvent pas utiliser leurs champs, potagers, vergers, etc. On a aussi détecté la présence de substances radioactives. Leur quantité atteint le seuil critique, de sorte que les gens qui demeurent longtemps près de la décharge courent un danger. « En raison de ce problème, nous ne sommes pas en bons termes avec les responsables de la centrale thermique et Électricité de Bosnie-Herzégovine. Nous n’avons pas donné notre approbation écrite au plan de construction de la deuxième phase de la décharge Jezero 2 », affirme le chef de l’association Eko Zeleni. « En déposant des déchets là, ajoute-t-il, on détruit des dizaines de milliers de mètres carrés de terres arables. Le problème est aussi que les décharges ne sont pas récyclées après leur emploi. Ainsi, elles restent une source de danger pendant des années. » Les citoyens qui souffrent des caprices de ce mauvais voisin, la centrale thermique, se demandent si quelqu’un peut mettre fin à la pollution impitoyable de l’environnement. Les déchets engloutissent déjà des maisons. Tôt ou tard, ce sont les êtres humains qui vont être engloutis. N’est-il pas urgent de faire, enfin, quelque chose ? [1] Résidus solides (fusion de minerais).
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Dnevni Avaz
Echec de la réforme de la police en Bosnie : Lajcak accuse les politiciens de Republika Srpska Traduit par Haris Hadzic Publié dans la presse : 15 octobre 2007 Après l’échec des négociations sur la réforme de la police, le Haut Représentant international en Bosnie-Herzégovine Miroslav Lajcak a clairement accusé les hommes politiques de Republika Srpska de manquer de sérieux. Visiblement déçu, il appelle à un changement de partenaires politiques pour que cette réforme-clé, qui permettra d’assurer l’avenir européen de la Bosnie-Herzégovine, puisse enfin se faire. Milorad Dodik, premier ministre de Republika Srpska Après avoir parlé durant la journée, à Bruxelles, avec les représentants du groupe de contact sur la faillite des négociations consacrées à la réforme de la police en Bosnie-Herzégovine, Miroslav Lajcak a déclaré que la responsabilité d’un tel état de fait était à attribuer aux hommes politiques de la Republika Srpska (RS), communique un correspondant de BHT (chaîne télévisée de l’Etat). « Je voulais que mon rôle principal en Bosnie-Herzégovine soit le rapprochement de ce pays avec l’Union européenne. En ce moment, nous n’avons pas de partenaires qui nous permettraient d’arriver à ce but. Il faut que nous nous occupions de cela, pour ne pas nous retrouver dans la même situation que la semaine dernière » (négociations échouées), a dit Lajcak. Quand on lui a demandé qui était tenu responsable par la Communauté internationale de l’actuelle crise politique du pays, il a déclaré que c’était les représentants de la Republika Srpska, qui « n’ont pour la plupart pas tenu les promesses qu’ils avaient faites auparavant ». « C’est un fait, et ils le savent bien », a ajouté le diplomate slovaque en ajoutant que, toutefois, « ce n’est pas qu’eux qui en portent la responsabilité ». « Je m’attendais à un peu plus de sérieux, vraiment ! », a tonné Miroslav Lajcak, en remarquant que les acteurs des négociations autour de la réforme de la police se comportaient comme s’ils avaient du temps à gaspiller. L’accord sur la réforme de la police était la condition principale que la Bosnie-Herzégovine devait remplir avant de signer l’Accord de stabilisation et d’association (ASA) avec l’Union européenne. Les négociations à ce sujet ont échoué parce que les hommes politiques de la Republika Srpska n’ont pas accepté que la police de cette entité soit supprimée, ni qu’elle soit placée sous l’autorité d’institutions étatiques.
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Douze
ans après : retour à Srebrenica
Traduit par Mandi Gueguen Mise en ligne : jeudi 23 août 2007 Douze ans après la tragédie de l’été 1995, l’écrivain Predrag Matvejevic revient à Srebrenica, alors que les survivants bosniaques de l’enclave réclament un statut spécial et le détachement de la ville de la Republika Srpska. L’occasion d’une réflexion sur l’état de la Bosnie-Herzégovine, mais aussi sur la guerre, la justice et les responsabilités collectives et individuelles. Par Predrag Matvejevic Le deuil perdure encore en cet été 2007, douze ans après le génocide à Srebrenica. Plus de huit mille musulmans bosniaques, âgés de 14 à 85 ans, furent tués en juillet 1995 dans cette petite région, près de la frontière séparant la Bosnie et la Serbie. « Le plus grand génocide en Europe depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale », comme l’ont appelé les Bosniaques - mais pas seulement eux - est peut-être aujourd’hui ancore plus présent qu’au moment où il fut commis. Il a pris racine dans les sentiments, dans la mémoire, dans les consciences. Les habitants de Srebrenica et des environs qui, après tout ce qui leur est arrivé, sont restés vivre dans leur pays, mais aussi ceux qui s’en sont enfuis pour s’installer ailleurs, ne croient plus en personne, pas même dans leurs représentants élus de Sarajevo. Ils se sentent trahis - d’abord par le général français Morillon, qui avait pathétiquement proclamé que cette zone serait « protégée ». Tous les autres les ont trahis : les soldats hollandais présents sous les drapeaux des Nations Unies et le général Janvier, qui les ont laissés à la merci des assassins, le Secrétaire général des Nations Unies Boutros Boutros Boutros-Gali et même le quartier général de la petite armée bosniaque qui, bien que faible et mal armée, aurait dû aller à leur secours. Tant d’hommes politiques ont trahis ceux-là mêmes qui avaient contribué à leur élection... Les médias internationaux les ont trahis qui ont consacré si peu d’attention aux victimes. Les habitants de Srebrenica n’ont plus rien à perdre. Il ne faut donc pas s’étonner s’ils réclament ce qu’ils ne peuvent pas obtenir : la séparation de leur région de la zone appelée « Republika Srpska de Bosnie-Herzégovine ». Une nouvelle séparation balkanique avec les conséquences que l’on peut imaginer... Il n’est guère facile de se représenter la dimension historique des faits ni leur dimension politique. Celle-ci est toujours déterminée et imposée par les autres, ainsi que par divers intérêts et exigences, qui ne tiennent jamais assez compte de ceux qui sont confrontés à la réalité des choses. Nombreux sont ceux qui continuent à parler de la nécessité d’aider Srebrenica. Bien peu, en revanche, sont ceux qui le font. À certains moments, il est vraiment difficile de comprendre ce qu’il serait nécessaire de faire et la manière dont il faudrait s’y prendre. Il y a aussi, parmi tout ceci, une erreur incontestable des pays occidentaux, déjà commise par le passé. Les musulmans bosniaques, slaves, tardivement islamisés, ont peut-être été les musulmans les plus modérés du monde. Un grand écrivain de leur nation, Mehmed Mesa Selimovic, a écrit un livre extraordinaire, intitulé Le Derviche et la mort, traduit dans quasiment toutes les langues européennes : « Nous avons trop peu nombreux pour devenir un lac, et trop nombreux pour être engloutis par la terre » (Retrouvez la fiche du livre). Les nationalistes serbes de Bosnie et les nationalistes croates d’Herzégovine voulaient faire engloutir tous les musulmans par leur terre natale. L’Europe a écouté, complice, la propagande tendencieuse des disciples de Slobodan Milosevic et de Franjo Tudjman, qui présentaient les musulmans bosniaques comme une « plateforme » ou un coin pouvant servir de plaque tournante à la pénétration de l’Islam en Europe. L’Europe ne les a jamais regardé tels qu’ils sont : l’Islam européen est peut-être le plus laïque du monde, un modèle qui pouvait être opposé très utilement aux vrais fondamentalistes islamiques, un modèle d’Islam européen. Désormais, blessés à mort et recueillis autour des cercueils de leurs frères, ces musulmans ont peut-être perdu une partie de leur laïcité. À qui la faute ? Pas uniquement aux criminels Mladic et Karadzic. Je suis arrivé en juillet à Srebrenica, sans pour autant participer d’aucune manière aux manifestations et aux rituels commémoratifs. J’ai vu le nouveau cimetière musulman de Potocari, où a eu lieu la plus grande partie de la tragédie, j’ai été dans la ville et dans les alentours. J’ai pu voir une longue, si longue colonne de femmes, créatures malheureuses qui ont perdu leurs maris, leurs pères, leurs fils, leurs frères, leurs amants - il s’agit peut-être même de plus de huit mille hommes, - dans le plus horrible pogrom survenu en Europe depuis Hitler et Staline. Même les « femmes en noir » serbes sont venues pour s’associer aux veuves musulmanes. Il est difficile de contrôler ses sentiments en présence de scènes de ce genre. Je ne sais si j’ai pu le faire. Je me sens encore mal de retour à Rome. « Un nombre de victimes presque quatre fois supérieur à celui des Tours Jumelles de New York ! » C’est ce qu’on dit et cela semble être exact. Malgré cela, l’article consacré à Srebrenica était dès le début cantonné dans un coin de page, parmi les événements relevant de l’ordinaire. La tragédie ne passionna pas les écrans du monde extérieur. Et nous-mêmes, ex-citoyens de l’ex-Yougoslavie, nous nous demandions à premier abord si cela avait vraiment été possible. Mais oui, l’impossible avait eu lieu. Ratko Mladic et Radovan Karadzic, les principaux mais pas les seuls coupables du massacre, qualifié par le Tribunal de La Haye de « crime contre l’humanité », sont toujours en liberté. Peut-être le resteront-ils. Récemment j’ai lu dans un numéro de l’hebdomadaire monténégrin Monitor que la police locale avait entre ses mains Karadzic en 1996, mais qu’elle reçut d’une instance supérieure l’ordre de ne pas le toucher. Ils eurent aussi Mladic entre leurs mains, un an plus tard, quand le grotesque personnage vint prendre le soleil sur la côte monténégrine, avec sa garde du corps constituée de quinze acolytes armés jusqu’aux dents. Lui aussi on le laissa aller : l’encercler et le désarmer eut été dangereux, personne ne s’en sentait capable. J’ai séjourné récemment en Grèce, à Thessalonique, à l’occasion d’une manifestation littéraire. Le guide qui nous faisait visiter la ville me conduisit vers une villa fastueuse, résidence royale à l’occasion des visites du souverain. « Radovan Karadzic a habité dans cette maison », me dit-il, en se vantant presque de la référence. Hélas ! Nous sommes dans la partie orthodoxe de l’Union Européenne... Désormais, Karadzic se trouve peut-être en Russie. On dit qu’il pourrait aussi se cacher sur la Montagne Sainte, le Mont Athos. J’ai pu lire en Bosnie une déclaration, aussi cynique que honteuse, faite par un des coryphées ultranationalistes de l’appareil politique du duo Milosevic - Seselj. Il soutient que les musulmans bosniaques auraient amassé autour de Srebrenica des cadavres provenant de n’importe où, et pas seulement de des cadavres bosniaques, mais aussi ceux de victimes appartenant à d’autres communautés. C’est une histoire que nous avons déjà pu entendre quand furent massacré tant d’innocents qui cherchaient un peu de pain au marché de Markale à Sarajevo : « Ils se tuent entre eux pour attirer l’attention mondiale », disait le communiqué des nationalistes serbes de Pale. Je n’ai jamais songé à accuser le peuple serbe de crimes de ce genre, je l’aime et le considère comme un frère, autant que je m’oppose à l’identification de tous les Croates aux Oustachis de la Seconde Guerre mondiale ou au cercle proche de Tudjman. Mais il ne suffit pas de rechercher des excuses générales : les criminels doivent être nommément identifiés, ils doivent être condamnés et punis. C’est l’unique moyen qui rendra sa dignité au peuple. Et qui libérera les consciences. Autrement, les Balkans peuvent s’enflammer de nouveau. Dieu sait quand, où, comment... Après tout ce que j’ai rappelé, on s’étonnera peut-être de voir que les survivants ayant supporté l’impossible recherchent plus que ce qu’il est possible d’obtenir. Si la Bosnie-Herzégovine actuelle avait réussi à sortir de l’étau où l’ont coincée les accords de Dayton, si l’Etat de Bosnie-Herzégovine était devenu un véritable État, entendu comme la communauté de tous les citoyens, sans divisions internes conséquences d’une guerre absurde, ce genre de demande ne serait pas extraordinaire, mais le fruit de l’état naturel des choses. En revanche, nous ne savons pas combien de temps nous devrons attendre pour voir les choses changer.
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Bosnie : les traumatismes de guerre, des blessures qui ne guérissent pas Traduit Nihad Hasanovic Publié dans la presse : 28 mai 2007 Les psychiatres évoquent des désordres psychiques graves, conséquences directes de la dernière guerre. La moitié des habitants des villes de Bosnie-Herzégovine assiégées durant la guerre présenteraient tous les symptômes des syndromes post-traumatiques. La santé mentale de toute la nation se trouve sérieusement mise en danger, mais le système de santé est débordé, et la plupart des gens ne sont même pas conscients de leur état ! Des études-pilotes conduites ces années dernières dans notre pays démontrent, selon les mots du docteur Senadin Ljubovic de la Clinique psychiatrique du Centre clinique de l’Université de Sarajevo, que la moitié de la population qui habitait les villes assiégées pendant la guerre, comme Sarajevo, Gorazde ou Zepa, présentent tous les symptômes du désordre post-traumatique. Malheureusement, ajoute-t-il, beaucoup d’entre eux n’en sont même pas conscients ! Irascibilité et insomnie « Les traumatismes de guerre ainsi que la « re-traumatisation » d’après-guerre ont produit de terribles conséquences. Un grand nombre de citoyens de Bosnie-Herzégovine souffrent aujourd’hui d’une trop grande sensibilité, d’irascibilité, d’insomnie... Sont évidentes aussi la baisse d’énergie, l’incapacité à jouir de la vie, la perte de confiance et d’intimité entre les êtres humains, tandis que le registre émotionnel est très limité », explique le docteur Ljubovic. Ce qui inquiète surtout Senadin Ljubovic et d’autres médecins, c’est le fait que l’on ne prête, dans notre pays, qu’une attention minimale aux maladies psychiques. Et la situation ne devrait pourtant pas être ainsi négligée : au moment de notre entretien, les cent lits de la Clinique psychiatrique étaient tous occupés. C’est ainsi depuis des années, et les lits manquent souvent. De surcroît, des scientifiques soulignent que les répercussions des désordres post-traumatiques de guerre seront éprouvées par les trois prochaines générations ! « Les maladies apparues au cours de la guerre deviennent maintenant chroniques, se compliquent et se multiplient. Nous sommes témoins d’une pathologie complexe et massive, qui se reflète dans la santé physique. Les personnes souffrant de troubles psychiques contractent plus facilement le cancer ou des maladies cardiaques. Ils souffrent aussi des complications de l’appareil digestif et d’hypertension. Et le comble, ils meurent beaucoup plus jeunes comparativement à la moyenne d’autrefois ! Le nombre de suicides est constamment en hausse. Heureusement pour nous, ce chiffre reste encore considérablement inférieur à celui qu’on pourrait attendre en tenant compte de tout ce que nous avons éprouvé en luttant pour survivre », estime le docteur Ljubovic. Reconstruire un environnement social Les difficultés des patients, confirment les médecins à l’unisson, seraient beaucoup moindres si la société s’occupait d’eux d’une manière appropriée. Aujourd’hui encore, il n’est pas trop tard. Il suffirait d’assurer à ces patients un environnement où ils pourraient sauvegarder leur dignité presque perdue. « La nature humaine, affirme docteur Senadin Ljubovic, dispose de possibilité de rétablissement juqu’à un certain degré, mais seulement si certaines conditions sont satisfaites. Tout d’abord, un patient doit décider par lui-même s’il veut se remettre. Je le souligne parce que chez nous, malheureusement, la situation a été différente : nos patients pensaient qu’ils ne devaient pas aller mieux, étant donné qu’ils avaient tout perdu, notamment leurs conditions normales de vie, leurs maisons, leurs emplois... Au niveau subconscient, ils ne voulaient pas guérir. C’est pourquoi il est important d’aider ces gens à résoudre leurs problèmes, ce qui les aiderait beaucoup à recouvrer la santé ». En plus des maladies mentales courantes, présentes dans tous les coins du monde, les carnets de registre des hôpitaux psychiatriques bosniens évoquent beaucoup de désordres qui sont, pour la plupart, liés à des expériences traumatiques de guerre. Les patients sont divisés en cinq catégories : anciens combattants, invalides, membres de familles de soldats péris, ex-déportés et victimes de viol. Pendant les années d’après-guerre, ils ont demandé de l’aide médicale selon cet ordre de priorité. À la surprise des médecins, ce sont désormais les hommes violés pendant la guerre qui se rendent en grand nombre aux cabinets de consultation psychiatriques.
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Jovan
Divjak : l’éducation construit la Bosnie-Herzégovine
Mise en ligne : lundi 9 juillet 2007 Le général Jovan Divjak, ancien membre de l’Armée de Bosnie-Herzégovine, a toujours été reconnu comme une grande figure de l’humanisme dans son pays. Aujourd’hui, avec son association « L’Éducation construit la Bosnie-Herzégovine », il tente de créer un environnement favorable pour les jeunes et leur éducation. Jovan Divjak est également membre de la présidence d’honneur du Courrier des Balkans. Propos recueillis par Haris Hadzic Quelle expérience retirez-vous de votre service en tant que général des Forces armées de la République de Bosnie-Herzégovine ? Au départ, je voulais faire mes études soit en pédagogie soit en psychologie, mais je n’en avais pas la possibilité. Alors, j’ai pensé que l’école militaire serait le meilleur choix, et en effet cela m’a permis d’apprendre beaucoup sur tout ce qui porte sur l’âme, les êtres humains... Pendant mes études, j’y ai mis du mien pour acquérir le plus de connaissances possible, et aider les autres tant que je pouvais. Il en était de même durant la guerre, puisque je n’étais pas vraiment en position de participer à la planification ni à la mise en œuvre d’opérations militaires. J’ai toujours aimé travailler avec les gens. Le contact humain est une chose qui reste gravée dans la mémoire, qui ne disparaît jamais. L’action la plus altruiste que j’aie jamais entreprise, c’est d’avoir été du côté de ceux qu’on a menacés. Conscient du fait qu’un soldat a besoin d’un supérieur dans les moments les plus durs, j’ai décidé d’être là pour ce soldat. Citoyens, médecins, comédiens, boulangers..., on a tous besoin de soutien. C’est pourquoi je me suis engagé dans ce sens-là. En premier lieu, je m’aidais moi-même. L’homme ne peut aider autrui avant de s’aider lui-même. Même aujourd’hui, quand je me promène dans la rue, on m’arrête pour me dire bonjour, me demander si je me souviens « de cette nuit d’orage, où vous nous avez ramené des cigarettes »... Voilà donc mes souvenirs. Or, si je me mets à raconter ma vie, je dois mentionner les trois moments les plus heureux de ma vie. Le premier, c’est celui où ma femme et moi sommes allés chez le gynécologue, et qu’il a constaté qu’elle était enceinte ; le deuxième, c’est la période 1992-1995, où, à mon avis, j’ai réalisé le meilleur de ma vie tant professionnelle que privée. Le troisième, bien sûr, c’est le jour où je me suis mis à aider les enfants sinistrés par la guerre, qui, plus que n’importe qui d’autre, ont besoin d’une main et d’un mot de soutien. Je dirais que tout ce que j’ai fait de bien dans ma vie me revient maintenant, les gens qui me connaissent, quand ils me voient dans la rue, m’abordent pour me dire bonjour. Ils me rappellent toujours quelque chose de grand et d’humain. Et c’est exactement cela que j’ai appris au cours de mes 18 ans de formation militaire et à travers le travail avec mes élèves de l’école militaire. À l’Académie, on nous a fait découvrir la pédagogie et la psychologie. J’ai beaucoup réfléchi sur la formation des jeunes soldats. J’ai toujours insisté beaucoup sur cet aspect car l’acquisition de compétences, c’est le contact avec les humains, l’ouverture et l’enthousiasme envers l’acquisition de nouvelles connaissances. L’homme a besoin de conversation. Tout être humain veut bien s’exprimer et échanger ses expériences avec autrui. Vous savez, beaucoup de boursiers ne viennent ici que pour récupérer leurs mensualités. Et dès que vous leur demandez de faire quelque chose pour l’Association, ou de participer à quelque activité que nous organisons, ils hésitent. Rien que parler aux gens, cela ouvre des possibilités. Il est possible de faire sortir d’un enfant des capacités dont il n’est même pas conscient. C’est pourquoi le travail philanthrope est le plus difficile, mais, en même temps, il donne le plus de plaisir. Vous venez de répondre, dans une certaine mesure, à la question que je voulais vous poser. D’où viennent votre enthousiasme, votre volonté inépuisable d’aider les enfants ? Cela vient sans doute du temps où j’étais gamin moi-même. J’ai grandi dans une famille incomplète. Mes parents ont divorcé, de sorte que nous, les trois enfants, étions livrés à nous-mêmes et devions nous débrouiller seuls dans la vie. Quelques-uns de mes camarades ont grandi dans des orphelinats, et moi, je me suis lié d’amitié avec eux. Quelques-uns parmi eux ont très bien réussi dans la vie, notamment Milan Galic, footballeur de l’ex-Yougoslavie. Un autre est devenu homme de lettres. Donc, je connais bien ces jeunes hommes, et je sais bien ce dont ils avaient besoin. Je suppose qu’il en est de même aujourd’hui, puisque ce sont toujours les enfants qui souffrent le plus. Beaucoup d’enfants ont perdu leurs parents ou sont morts. Cela fait qu’il y a beaucoup de jeunes gens qui ont besoin de soutien et de compréhension. Parfois, j’essaie d’expliquer aux enfants que la vie est impitoyable. Je veux leur montrer la bonne voie, même sans être sûr qu’ils sauront l’apprécier. Je sais que je ne peux tout faire, et, si j’arrive à mener 5 enfants sur 1000 sur la bonne voie, je serai plus que content. J’ai une attitude très positive dans la vie, envers tout ce qui m’entoure. Je puise mon énergie dans la sagesse des philosophes. Je note celles qui me plaisent. « Agis chaque jour comme si c’était le dernier ; l’un de ces jours tu auras raison », dit Goebbels. « Je pense donc je suis », dit Descartes. Je suis marié depuis 48 ans. Mon épouse se plaint chaque matin de sa migraine. Moi, par contre, tout en étant moi aussi à l’âge où l’on a souvent mal quelque part, je ne me permets pas d’y penser. Dès le moment où j’ouvre les yeux le matin, je regarde quel temps il fait, je réfléchis à ce que je vais mettre, à qui je vais rencontrer en me promenant dans l’allée. Souvent je fais de longues promenades, jusqu’à Kozja Cuprija, ce qui fait environ 5 km de marche. J’aime boire un coup, mais jamais trop. Je ne fume pas. Tout cela me remplit d’énergie, et contribue à ce que je veuille toujours améliorer les choses. Comment vous est venue l’idée de fonder cette association ? Chaque pays en paix voit l’importance de l’éducation. Considérons un peu le cas de l’Irlande, qui, après la Seconde Guerre mondiale était une communauté pauvre, avec un pourcentage effroyable de gens illettrés. C’est grâce à ses ministres qui ont vu très clairement l’importance de l’éducation dans le développement du pays que l’Irlande est devenue ce qu’elle est aujourd’hui. Voilà pourquoi, lors de l’assemblée fondatrice de l’association, le 28 juin 1994, nous avons choisi le nom « L’Éducation construit la Bosnie ». Nous étions environ 60 au Kamerni Teatar, et nous avions tous préparé les pièces, les sceaux, nécessaires à la fondation de l’association. Alors, la mère de M. Lagumdzija nous a rappelé d’y rajouter le nom d’Herzégovine, de sorte que, finalement, nous étions arrivés au nom de « L’Éducation construit la Bosnie-Herzégovine » (Obrazovanje gradi BiH) [1]. L’idée de base de notre association était « les enfants des victimes de la guerre - notre souci permanent ». Tout au départ, mes amis de France m’ont aidé à publier un livre. En fait, c’est mon journal de guerre et de la période post-guerre dont je n’avais jamais songé pouvoir faire un vrai livre. Or, en mars 2004, avec l’aide de Madame Florence La Bruyère, le livre intitulé Sarajevo mon amour est finalement paru. Les revenus de cette publication ont été entièrement consacrés aux enfants de victimes de la guerre. Aujourd’hui, les gens disent les enfants ne souffrent plus des conséquences de la guerre. Ce n’est pas vrai. Étant donné que la guerre a fini en 1995, les enfants de victimes de la guerre ont aujourd’hui environ 12 ans, et ils ont besoin d’aide. Quand nous en avons les moyens, nous fournissons une aide aux enfants doués. Tout simplement, dans ce pays où il y a 20% d’analphabètes, nous n’avons pas d’autre solution que l’éducation. Mais la fonction de président de l’association « L’Éducation construit la Bosnie-Herzégovine » est loin d’être le seul poste que vous ayez occupé après-guerre. Il y a peu de temps, nous sommes tombés sur votre CV, qui est conséquent. Pourriez vous nous expliquer de quoi il s’agit exactement ? Il y a une mauvaise administration dans l’État, et, par ailleurs, du sport. En de telles circonstances, il est nécessaire d’attribuer les postes de responsabilité à des gens d’une grande habileté, notamment dans les domaines de la culture et du sport. C’est pourquoi j’ai été très honoré d’être admis dans l’association « Conseil d’intellectuels Cercle 99 ». Pendant la guerre, j’étais président de l’association de basketball. J’étais aussi le président de l’Association sportive de tir à l’arc pendant un an et demi. On m’a offert le poste, et je l’ai accepté. J’espérais pouvoir user de mon autorité afin de trouver des fonds pour l’association, parce que, tout compte fait, cela fait partie intégrante du travail de président. Or, le jour où je me suis rendu compte que je ne pouvais contribuer à l’association de cette manière, j’ai démissionné. Alors, j’ai compris que mon engagement dans l’association « L’Éducation construit la Bosnie-Herzégovine » me suffisait pleinement. Des étrangers me posent souvent la question de savoir de quel parti politique je suis ; je leur dit tout simplement que je suis du parti des enfants, c’est ma seule opinion politique. Quelles sont les associations de l’étranger avec qui « L’Éducation construit la Bosnie-Herzégovine » a réalisé des échanges ? Comment ces échanges se sont-ils produits ? C’était encore pendant la guerre que de nombreux journalistes du monde entier se sont mis à nous fréquenter régulièrement. J’ai même une liste ici, cela fait environ 800 journalistes qui sont venus m’interviewer jusqu’aujourd’hui. Bien sûr, les nouvelles relatives aux activités de notre association se sont vite répandues grâce à eux à travers toute l’Europe, même jusqu’aux États-Unis. Nous sommes un pilier de la vie associative pour de nombreuses personnes et organisations. L’une de ces organisations est « Pour que vive Sarajevo » d’Albertville. C’est avec un profond regret que nous avons appris que cette association a été dissoute. Leurs bénévoles ont été les premiers à nous apporter leur soutien en 1993. Ensuite, il y a Georges Brun, qui est venu à Sarajevo 35 fois pendant la guerre. C’est d’ailleurs grâce à notre association qu’il a reçu la Croix de la Ligue internationale des humanistes de Sarajevo. Il y en a, bien sûr, d’autres, par exemple le « Forum pour la démocratie dans les Balkans » de Grenoble, « Meses per Bosnia » d’Espagne, « Mirsad » de Lyon, et de nombreuses ONG de Nantes, Toulouse, et même dans d’autres pays d’Europe ; Belgique, Norvège, Suède, Danemark, Italie, Pays-Bas... Nous entretenons toujours de bonnes relations avec eux. Il y en a qui viennent nous rendre visite chaque année et qui participent au régulièrement à la marche « Nezruk-Srebrenica » depuis 5 ans déjà. De quel type d’aide les enfants de victimes de la guerre ont le plus besoin ? D’après les données de l’Organisation mondiale de la Santé, à présent, en Bosnie-Herzégovine, les gens en état de stress post-traumatique sont au nombre d’un million et demi. Ces conséquences ne peuvent jamais être complètement éradiquées. Dans ce contexte, le Comité catholique contre la faim et pour le développement (CCFD) nous aide à mettre en place des ateliers psycho-sociaux. L’argent n’est pas le seul moyen de fournir une aide à quelqu’un. Ces enfants grandissent, se marient, fondent des familles, tout en étant remplis d’amertume et de colère. Malheureusement, ces enfants qui ont de très grandes attentes dans la vie finissent souvent par tomber dans une déception profonde. Donc, pour concrétiser, le type d’aide dont nos protégés ont le plus besoin, c’est une aide psycho-sociale. Y a-t-il quelque chose d’autre que vous aimeriez partager avec notre public ? L’éducation, l’éducation, rien que l’éducation. Tout cela est écrit dans les livres religieux. « Ne fais pas aux autres ce que tu ne voudrais pas que les autres te fassent ». Soyons tolérants. Il faut savoir aimer, aimer les autres, les livres, son entourage. Le patriotisme, c’est de la propagande. Tout ce que j’ai fait, je l’ai fait pour moi-même. Aucun soldat ne luttait pour la patrie, sinon pour soi et sa famille. Il ne faut jamais céder à des idéologies. [1] cf. le site Internet de l’association : www.ogbh.com.ba/fr/
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Constitution de Bosnie-Herzégovine : le district de Brcko sur la touche Traduit par Benoît Frogerais Publié dans la presse : 8 juillet 2007 Alors que les esprits s’échauffent autour des discussions sur l’avenir des deux entités de Bosnie-Herzégovine, le futur de Brcko reste incertain. Cette ville, avec son statut spécial et son administration propre, est totalement exclue du dialogue sur la Constitution, qui dure depuis 18 mois. Par Saida Mustajbegovic Brcko se situe dans le Nord-Est de la Bosnie, sur la rive droite de la Sava. La surface du district administré par la ville représente seulement 1% du territoire du pays. Plus précisément, Brcko est une carrefour stratégique entre les routes principales reliant l’Est à l’Ouest et le Nord au Sud, situé à 200 km de Sarajevo et Belgrade et à 300 km de Zagreb. La position stratégique de la ville avait failli torpiller les accords de Dayton en 1995, car ni les Serbes, ni les Croates et les Bosniaques, n’avaient réussi à tomber d’accord sur l’entité à laquelle la ville dvait appartenir. Le médiateur américain, Roberts Owen, s’assura qu’elle n’irait ni à l’une ni à l’autre. Il fût donc décidé de mettre Brcko sous surveillance internationale, de la démilitariser, d’y créer un cadre légal particulier, d’organiser un système d’enseignement multi-ethnique et d’y conduire des élections quatre ans après la formation de ce district. Depuis lors, Brcko est devenue la région la plus prospère de Bosnie. En effet, les autorités locales y travaillent selon des principes civils et non pas nationaux, comme c’est le cas dans le reste du pays. « Le pronostic initial prévoyait que le district tiendrait trois mois au maximum », rappelle Mirsad Djapo, maire de Brcko. Le scepticisme à propos de l’avenir du district de Brcko était dû à l’échec d’un sytème similaire installé à Mostar. La capitale de l’Herzégovine est toujours divisée entre Bosniaques et Croates, l’héritage de la division ethnique y a encore de beaux jours devant lui. « Ce n’est pas sans raisons que nous disons que Brcko est un exemple pour le reste du pays », déclare Asim Mujkic, expert du district de Brcko. « Mais si on appliquait ce modèle au reste du pays, on marcherait sur les plate-bandes des élites politico-ethniques de Banja Luka, de Sarajevo et de l’ouest de Mostar, qui justifient leur existence en provoquant des crises ». Les négociations sur la nouvelle Constitution, qui n’ont pas reçues l’approbation des hommes politiques bosniens en avril dernier, mentionnaient à peine cette région, qui est certes petite, mais dont l’importance ne peut être négligée. Au lieu de cela, les négociations se sont axées sur le statut et les relations futures entre les deux entités. Un an après, alors que la communauté internationale tente de relancer les négociations avortées, Brcko est à nouveau laissée sur la touche. Les experts locaux et internationaux ont suggéré que le district soit intégré aux institutions nationales ou qu’il soit défini par l’article 1 de la Constitution comme une localité spécifique auto-administrée. Lors de notre passage à Brcko, la brigade locale de l’armée de Bosnie-Herzégovine fêtait son quinzième anniversaire, presque aussitôt suivi par celui de la brigade de l’armée de Republika Srpska. Les cérémonies solennelles de chacun des anciens adversaires se sont déroulées sans incidents. Les divisions ethniques n’ont pas totalement disparues de Brcko. Certains restaurants et cafés de la ville ne sont fréquentés que par un seul groupe ethnique. Mais ces divisions ne sont pas omniprésentes dans la vie institutionelle du district, que ce soit dans la police, l’enseignement ou le gouvernement. Le maire pense que le système en vigueur à Brcko a créé un meilleur environnement que celui qui prévaut dans le reste du pays. « Dans les deux entités, les institutions gouvernementales agissent dans un environnement où une ou deux nationalités sont majoritaires », déclare Mirsad Djapo. « Ici, les membres des trois nationalités sont avant tout des citoyens. Cette façon de concevoir les choses a permis de créer un environnement bien plus pacifique et elle devrait être institutionnalisée par la Constitution ». Mais l’avenir de la ville dépend du résultat des négociations sur la Constitution, qui sont supervisées par la communauté internationale. « Nous voudrions avoir un aperçu de la future Constitution de Bosnie-Herzégovine, avant de poursuivre les négociations concernant le district de Brcko », explique Raffi Gregorian. Étant donné que la Constitution actuelle, déterminée par les accords de paix de Dayton, a été rédigée avant la création du district de Brcko ; elle ne dit rien de son statut. Raffi Gregorian pense qu’à présent, il reste à formuler les relations constitutionnelles entre le district de Brcko et l’État. Si les politiciens locaux s’accordaient pour abolir les deux entités, le district de Brcko n’aurait plus de raison d’être. Mais si le principe d’une fédération ethno-territoriale remporte la bataille constitutionnelle, « Brcko deviendra un problème », reconnaît Asim Mujkic. « Brcko ne représente qu’un pour cent du territoire de la Bosnie-Herzégovine. Mais en même temps, c’est la seule partie du pays qui ne soit pas organisée sur l’ethnie, mais sur des principes civiques ». La communauté internationale sait que la plupart des habitants sont satisfaits de cet arrangement. « Le district est une exemple d’administration locale réussie, les gens aiment y vivre et les autorités locales se satisfont de l’état actuel des choses », déclare Gregorian. De plus, si son statut est modifié ou compromis, la ville tombera sans doute sous le coup d’une menace économique. Les institutions du district emploient plus de 2 000 personnes et si la ville devient une simple municipalité, ces emplois seront perdus. C’est la raison pour laquelle certaines personnes veulent que Brcko reste en dehors des négociations sur la Constitution, arguant que le plus petit changement ne pourrait qu’empirer la situation actuelle. « Pourquoi changer quelque chose qui fonctionne à merveille ? », demande Zarko Papic, un analyste politique local. « Inclure ce sujet dans les négociations sur la Constitution ne ferait qu’ouvrir une nouvelle boîte de Pandore ».
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Slobodna Bosna
Comment s’organise le pillage des ressources énergétiques de Bosnie-Herzégovine Traduit par Nihad Hasanovic Publié dans la presse : 28 juin 2007 Trois magnats serbes - Vuk Hamovic, Branko Montenegro, Vojin Lazarevic - sont engagés dans la course pour le contrôle des ressources naturelles les plus précieuses de Bosnie-Herzégovine, le potentiel énergétique. L’hebdomadaire Slobodna Bosna passe au crible leurs carrières professionnelles, l’origine de leurs immenses fortunes ainsi que leurs ambitions en Bosnie-Herzégovine. Derrière eux, se dresse aussi l’ombre de leur partenaire albanais Bexhet Pacolli. « Fraternité et unité » pour le pillage de la Bosnie. Il y a quelques jours, des quotidiens bosnien ont publié un article accusant la société Électricité de Bosnie-Herzégovine (Elektroprivreda BiH) d’avoir trompé le gouvernement de la Fédération de Bosnie-Herzégovine. L’affaire concerne la construction d’un complexe de la Centrale thermique de Tuzla, un chantier estimé à plus de 40 millions de marks convertibles (20 milions d’euros), qui n’a pas été attribué à la compagnie hongroise Transelektro, mais à la compagnie Minel de Belgrade, qui n’avait même pas participé à l’offre publique, mais qui a racheté après coup l’affaire aux Hongrois. La nouvelle des opérations de Minel en Bosnie-Herzégovine ne serait pas très intéressante si, derrière cette compagnie belgradoise, ne se cachait pas le très controversé businessman serbe Vojin Lazarevic, l’un des fondateurs et co-propriétaires de la compagnie londonienne EFT, dont le président est Vuk Hamovic, « le roi de l’électricité » balkanique. Aux basques du régime Milosevic L’irrésistible ascension de Vojin Lazarevic débute dans les années 1990, à l’époque de la désintégration de la Yougoslavie, du temps où le régime de Slobodan Milosevic effectuait le gros de ses affaires par l’intermédiaire d’entreprises chypriotes offshore et de banques nouvellement fondées en Russie. Ainsi, il se servait de la Veksim banka de Moscou, dont les futurs marchands d’électricité Vojin Lazarevic et Vuk Hamovic possédaient une part importante. De plus, Vojin Lazarevic et Vuk Hamovic étaient aussi co-propriétaires de la Caisse d’épargne nationale [Nacionalna stedionica], avec une participation de 37 %. Veksim banka de Moscou était le théâtre des manœuvres financières de Slobodan Milosevic, surtout durant l’embargo international contre la Serbie. C’est dans cette banque que Slobodan Milosevic a mis de côté la plus grande partie des réserves de changes de l’ex-Yougoslavie. Les transactions les plus considérables liées à l’acquisition de pétrole et d’autres marchandises stratégiques se sont déroulées par le truchement de Veksim banka. Jusqu’à la fin de l’année 2000, parallèlement à son business, Vojin Lazarevic était également actif en politique. Il fut député du Parlement monténégrin pendant deux législatures, puis ministre sans portefeuille dans le gouvernement de Filip Vujanovic, et enfin conseiller économique de celui-ci. À la fin de l’année 2000, lorsqu’il fonde la compagnie EFT avec Vuk Hamovic, il se retire complètement de la vie politique afin de se consacrer au secteur privé. L’opinion publique a appris les activités économiques antérieures de Vojin Lazarevic quelques années plus tard, quand une affaire de corruption au sein de la compagnie d’Électricité de la Republika Srpska (Elektroprivreda RS) a éclaté au grand jour. Une enquête internationale sur les trois compagnies d’électricité a révélé des malversations financières dans la revente d’électricité, dans lesquelles la compagnie londonienne EFT, propriété de Vojin Lazarevic et de Vuk Hamovic, jouait le rôle principal. Par ailleurs, en plus d’une enquête menée en Bosnie-Herzégovine par le procureur international Jonathan Ratel, leur entreprise s’est aussi trouvée sous l’oeil des organes d’enquête de Serbie. Le Parlement de Serbie s’est aussi engagé dans cette action judiciaire, étant donné le rôle d’EFT, en formant une commission d’enquête spéciale, qui a interrogé à plusieures reprises les propriétaires d’EFT, y compris Vojin Lazarevic. L’enquête a été élargie pour englober non seulement la période du commerce d’électricité mais aussi le début de la carrière du propriétaire d’EFT, laquelle est sans aucun doute beaucoup plus intéressante. Pendant l’enquête, Vojin Lazarevic a avoué avoir fait de la contrebande de pétrole au début de la guerre et avoir eu des liens de coopération très proches avec le criminel de guerre Zeljko Raznatovic Arkan. Après une coopération de quatre ans avec Vuk Hamovic à EFT, Vojin Lazarevic est devenu indépendant. Avec l’argent gagné grâce à des transactions illégales, il a commencé à acheter des entreprises énergétiques serbes. Ainsi, dans son portefeuille figure notamment Minel kotlogradnja, compagnie belgradoise spécialisée dans la réparation de centrales thermiques. Des affaires avec Arkan Peu de temps auparavant, Vojin Lazarevic avaient également participé à l’offre publique pour la vente d’Energoinvest à Sarajevo, ce qui lui permit de s’assurer une excellente position sur le marché, avant la construction d’une dizaine de grandes centrales thermiques et hydroélectriques et de quelques centaines de petites usines électriques. Des notes sténographiques prises au cours de l’nquête du Parlement de Serbie offre le témoignage le plus éclairant des activités de Vojin Lazarevic au début de sa carrière dans les affaires. Le député Aleksandar Vucic, secrétaire du Parti radical de Vojislav Seselj, était le président du conseil d’enquête. Nous reproduisons ici un fragment de la sténographie que nous avons réussi à obtenir auprès du Parlement de Serbie. « Vucic : Depuis quand faites-vous le commerce de denrées énergétiques ? Lazarevic : Depuis 1991. Vucic : Connaissiez-vous le défunt Zeljko Raznatovic ? Lazarevic : Oui. Vucic : Faisiez-vous du commerce avec lui ? Lazarevic : Par l’intermédiaire d’une des ses entreprises, je ne me rappelle plus laquelle, Monsieur Raznatovic achetait des dérivés du pétrole de mon entreprise Pima Beograd. Vucic : Par quels moyens la circulation financière se déroulait-elle ? Je vous demande si cela s’effectuait par des factures ou en cash ? Lazarevic : Cela s’effectuait d’après les règles prévues par la loi. » Le roi de l’électricité balkanique Le fils du héros populaire Rade Hamovic, Vuk Hamovic, président de l’entreprise londonienne EFT, est classé parmi le plus riches businessmen serbes. Sa fortune est estimée à environ 300 millions d’euros et le magazine polonais Wprost l’a classé parmi les cent personnes les plus riches d’Europe post-communiste. Le fameux premier million de Hamovic a été gagné au début de la désintégration de l’ex-Yougoslavie, lorsqu’il s’est associé à Slobodan Drakulic (alors directeur adjoint de Genex), avec qui il a fondé, à Chypre, la compagnie offshore Yu point, filiale d’East Point de Belgrade. Leur coopération n’a pas duré longtemps, mais elle a apporté aux deux hommes un capital solide qui leur permit plus tard de se lancer dans les affaires. Après Chypre, Vuk Hamovic a déménagé à Londres, où, selon ses propres mots, il a fondé « une petite boutique d’investissements bancaires » sous le nom GLM International, qui était en fait le précurseur d’une compagnie aujourd’hui beaucoup plus connue : Energy Financing Team (EFT). Grâce à ses liens avec le régime serbe de cette époque, la « petite boutique d’investissements bancaires » de Vuk Hamovic a conclu des projets d’affaires avec de nombreuses banques, que le régime de Slobodan Milosevic avaient fondé à Chypre et en Russie pour accomplir la plupart des transactions d’import-export de l’ancienne République fédérale de Yougoslavie. Plus tard, on a découvert que Vuk Hamovic était non seulement leur client, mais aussi un de leurs actionnaires majoritaires. Entre autres, on estime que ses part dans Trust banka, Eksim banka et à la Caisse d’épargne nationale atteignent quelques dizaines de millions d’euros. Excédent d’électricité - déficit d’argent C’est en Republika Srpska que Vuk Hamovic entreprit ses premières opérations d’affaires dans le domaine d’électricité, début 2000. Son associé Svetozar Acimovic dirigeait Électricité de Republika Srpska (EPRS), dont un autre ami, Bosko Lemez, présidait le conseil d’administration. Ces deux hommes ont été ultérieurement destitués par un arrêt du Haut Représentant Paddy Ashdown. Ils ont été accusés d’avoir soustrait plus de 166 millions de marks convertibles (83 millions d’euros) à EPRS par une série de contrats préjudiciables, dont celui signé avec EFT. Dans le rapport du réviseur spécial, on constate que « la totalité de l’excédent de courant électrique était vendu à la compagnie londonienne EFT, souvent au-dessous du prix le plus bas du marché et au-dessous du tarif. Par une manipulation de l’offre publique, EFT a obtenu, en tant que seul offrant ’valide’, un contrat sur l’échange de l’énergie avec la Republika Srpska. Ce contrat a permis à EFT d’execer un contrôle total sur les capacités de transmission en Republika Srpska ». C’est ce qui est écrit, entre autres, dans le rapport du réviseur spécial du Bureau du Haut Représentant pour la Bosnie-Herzégovine [OHR], dont la publication, début 2003, a provoqué un coup de tonnerre sur la scène politique de la Republika Srpska. L’enquête sur les affaires de Vuk Hamovic s’est bientôt élargie à la Serbie, plus tard à Londres, mais sans apporter de faits tangibles ni de preuves matérielles. C’est pourquoi Vuk Hamovic a porté plainte, demandant à l’OHR la compensation du dommage matériel produit par de « fausses accusations ». En très peu de temps, l’OHR a renoncé à ses accusations et cette affaire a été bientôt oubliée. Entre-temps, la compagnie EFT de Vuk Hamovic a réussi à mener à terme la première phase du projet titanesque Gornji horizonti, qui prévoit le détournement des eaux de pluie de deux plaines, Fatnicko et Dabarsko, vers le lac de Bilecko, dans le but d’augmenter la production d’électricité de 140 mégawatts. Cet excédent de mégawatts, créé par le détournement des eaux, appartient à la compagnie de Vuk Hamovic pour une période de cinq ans. De plus, entre temps, Vuk Hamovic a réussi à devenir actionnaire majoritaire de la mine de charbon de Stanari, où il est en train de finir la préparation de la construction d’une grande centrale thermique d’une capacité de 370 mégawatts. Fraternité et unité au Kazakhstan Le représentant général de l’entreprise KazTransGas du Kazakhstan, le docteur Branko Montenegro, est l’intermédiaire principal entre le ministre fédéral de l’Énergie Vahid Heco et KazTransGas dans l’objectif de conclure une affaire d’environ deux milliards de dollars. Selon les affirmations de Branko Montenegro, cette coopération a été lancée au milieu de l’année dernière, quand son « parrain », Bexhet Pacolli, businessman controversé originaire du Kosovo et considéré comme l’homme le plus riche des Balkans, lui avait téléphoné. « Il m’a dit que le Kazakhstan voulait pénétrer dans le marché énergétique européen et que toutes les voies passaient par la Bosnie, étant donné que le Kosovo n’était pas encore officiellement indépendant », explique Branko Montenegro. Il est ensuite entré en contact avec Vahid Heco, avant que KazTransGas ne présente une offre officielle d’investissement et de reconstruction des centrales thermiques déjà existantes en Bosnie-Herzégovine, ainsi que de la construction de nouvelles usines électriques. « Pour être sincère, lorsque j’ai visité le Kazakhstan l’année dernière, j’y suis allé par courtoisie, sans m’attendre à quoi que ce soit. Mais après avoir découvert leur potentiel, leurs richesses et leurs investissements, ayant compris l’ampleur et la diversité des possibilités du Kazakhstan ainsi que le profit que l’économie de Bosnie-Herzégovine pourrait tirer d’une coopération future dans le secteur énergétique, j’ai changé d’avis », explique Vahid Heco. C’est ainsi que l’histoire de la coopération économique entre la Bosnie-Herzégovine et le Kazakhstan a commencé, une coopération dont le cadre a été clarifié après une visite récente de notre délégation économique dans ce pays éloigné de l’Asie Centrale. Alors qu’il y a six mois, le ministre Vahid Heco ne savait que bien peu de choses sur le Kazakhstan, comment aurait-il pu en savoir sur le directeur de KazTransGas pour l’Europe, Branko Montenegro ? Pour être plus précis, il s’agit en fait de Branko Crnogorac, businessman controversé originaire du Monténégro. En fait, ce Branko Crnogorac, qui a changé son nom en « Montenegro », est né dans la ville de Brcko, où ses parents avaient déménagé du Monténégro pour une courte période. Actuellement, il vit et travaille en Suisse et, dans le monde des affaires, il est apparu en tant que propriétaire de l’entreprise d’import-export, BC Pacifik, qui faisait du commerce de pétrole et de ses dérivés pendant la guerre en Bosnie-Herzégovine et au cours des sanctions contre la Serbie et le Monténégro. Branko Crnogorac est censé avoir possédé quelques stations d’essence, qu’il a revendues plus tard à Momcilo Mandic, l’aide de Radovan Karadzic et propriétaire de l’entreprise Manco, contre lequel un procès pour des crimes économiques en Bosnie-Herzégovine a été ouvert. Avec le capital provenu de cette vente, Branko Crnogorac a fondé BC Eksport kredit banka. Cependant, en août 2001, cette banque a perdu son permis de travail. Le problème essentiel résidait dans le fait que BC banka affirmait qu’elle possédait à peu près 12 millions de marks allemands déposés à la Montenegro banka de Podgorica, laquelle subissait à cette époque un processus de liquidation des biens. Mais il s’est avéré que BC banka avait, au total, 3,43 millions de marks allemands sur ce compte. Un formulaire de Montenegro banka, selon lequel BC banka disposait d’un revenu de 17 millions de marks, avait été falsifié. Selon des données de l’ancienne Banque nationale de Yougoslavie (NBJ), les revenus de BC banka provenaient pour l’essentiel de deux compagnies des îles Caïmans. Il faut souligner que BC banka n’avait jamais eu de permission pour entreprendre des affaires à l’étranger. Aux dires de Mladjan Dinkic, l’ancien ministre des Finances du gouvernement de Serbie, qui remplissait la fonction du gouverneur de la Banque nationale de Yougoslavie à cette époque, une accusation pénale a été portée contre Branko Crnogorac, mais rien ne s’est passé car celui-ci était très lié avec l’establishment politique au pouvoir en Serbie. Enfin, en 2005, le nom de Branko Crnogorac s’est trouvé de nouveau à la une des journaux serbes et monténégrins. En effet, Branko Crnogorac est apparu en tant qu’intermédiaire pendant la cession d’édifices militaires en échange de la construction de 400 appartements. À cette époque, Branko Crnogorac avait annoncé que l’entreprise américaine Merdian Homes, dont il était conseiller, poursuivrait en justice le ministère de la Défense de Serbie et Monténégro auprès de la cour de Washington pour dédommagement de la rupture d’un contrat. Ce contrat envisageait que Merdian House construise 400 appartements et qu’on leur cède, en échange, le bâtiment de l’Institut technique militaire au centre de Belgrade. Les amis de Bexhet Pacolli En plus de Branko Montenegro, Bexhet Pacolli, ami intime du président à vie du Kazakhstan, Noursoultan Nazarbayev, s’est aussi engagé dans les affaires avec ce pays. Selon les dires de Bexhet Pacolli, grâce à son aide au début des années 1990, l’un des premiers grands crédits a été assuré au Kazakhstan, à une époque où personne ne savait rien de ce pays ni sur ses richesses. Grâce à cela, les portes du Kazakhstan sont ouvertes à Bexhet Pacolli et à ses entreprises pour toujours, y compris la porte de la résidence présidentielle de Noursoultan Nazarbayev, dont l’approbation est indispensable pour la réalisation de toutes les affaires importantes au Kazakhstan. Par exemple, Bexhet Pacolli, de retour du Kazakhstan, nous a dit qu’on lui avait proposé d’acheter des champs de pétrole. Il ajoute qu’il ne s’y intéressait pas mais a confirmé que ses entreprises construiraient « une toute nouvelle ville » sur la côte de la mer Caspienne. C’est pourquoi personne n’a été surpris lorsque Daniyar A. Berlibaïev, vice-président de la compagnie nationale kazakhstanienne KazTransGas, a déclaré que son entreprise travaillait en collaboration avec l’entreprise suisse BMG, possédée par Bexhet Pacolli. Selon les termes de Daniyar Berlibaïev, KazTransGas veut signer un contrat de partenariat stratégique avec le gouvernement de la Fédération de Bosnie-Herzégovine avant la fin du mois de juin. « KazTransGas voudrait investir dans les centrales thermiques de Kakanj et de Tuzla, ainsi que pour la construction d’une centrale thermique dans la ville de Bugojno. Nous sommes prêts à investir tout de suite près de deux milliards de dollars dans ces projets », déclare Daniyar Berlibaïev en ajoutant qu’il connaissait les problèmes auxquels notre pays faisait face en ce qui concerne l’exportateur russe du gaz naturel Gasprom. « Ce sont des partenaires avec qui nous sommes en bons termes d’affaires. Si une coopération entre la Bosnie-Herzégovine et le Kazakhstan se crée dans le domaine énergétique, je suis sûr que ces problèmes seront résolus », affirme Daniyar Berlibaïev. Le Kazakhstan, partenaire stratégique De retour du Kazakhstan, le ministre Vahid Heco a déclaré que KazTransGas serait choisi, par décision du gouvernement de la Fédération de Bosnie-Herzégovine, comme partenaire stratégique. Il a aussi annoncé que KazTransGas était le candidat le plus sérieux pour la construction des édifices à Kakanj. En plus de KazTransGas, Vahid Heco a annoncé que son ministère allait établir des rapports de partenariat avec l’entreprise allemande ENBW, le consortium autrichien APET et la compagnie tchèque CEZ. « Mon intention est d’offrir à chacun de ces quatre partenaires stratégiques deux sites pour qu’ils y réalisent leurs investissements : l’un sera très attractif et l’autre le sera beacoup moins. Nous offririons ainsi Kakanj, site très attractif, au Kazakhstan et puis Bugojno, une site moins attractif pour la construction d’une centrale thermique », déclare Vahid Heco. Cependant, le choix de ce partenaire stratégique a détérioré les relations entre le ministre Vahid Heco et le PDG de l’Électricité de Bosnie-Herzégovine Enver Kreso, qui avait demandé au ministre de signer un contrat avec Karaden, un fonds des îles Caïmans, aux avoirs estimés à 100 millions d’euros. Vahid Heco a refusé. De même, Enver Kreso a refusé l’invitation de KazTransGas et n’est pas parti pour le Kazakhstan. Mais après la première visite rendue à ce pays par Vahid Heco et son retour en Bosnie-Herzégovine, Enver Kreso a demandé d’avoir une entrevue avec Branko Montenegro. Selon ses propres termes, Branko Montenegro a refusé de joindre Enver Kreso, après avoir reçu l’information que celui-ci accusait, pendant des rencontres informelles, Vahid Heco « d’avoir obtenu des mallettes pleines d’argent de la part de Branko Montenegro au Kazakhstan ». « Ayant entendu de telles histoires, j’ai refusé de rencontrer Monsieur Kreso. Je travaille pour une entreprise nationale du Kazakhstan où je touche mon salaire. Les histoires sur des mallettes pleines d’argent n’ont rien à voir avec la réalité », déclare Branko Montenegro. Quoi qu’il en soit, la visite d’une délégation du Kazakhstan en Bosnie-Herzégovine a été planifiée pour le 28 juin. Cette réunion devrait écarter tous les dilemmes concernant les modalités de coopération et de partenariat stratégique entre la Fédération de Bosnie-Herzégovine et KazTransGas. Si une telle coopération voit le jour après toutes ces péripéties.
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jeudi 28 juin 2007, 12h04
Un ancien "chef de guerre" musulman abattu à Sarajevo SARAJEVO (Reuters) - Ramiz Delalic, dit "Celo", l'un des chefs de guerre musulmans les plus célèbres de Bosnie, a été abattu devant l'entrée de son immeuble, dans le centre de Sarajevo, a annoncé jeudi la police bosniaque, en précisant que son assassinat remontait à la veille au soir. Delalic était en cours de jugement devant un tribunal de la capitale pour le meurtre d'un convive lors d'un mariage serbe dans le Vieux Sarajevo, en mars 1992, un épisode dans lequel de nombreux Serbes voient l'étincelle qui a déclenché la guerre d'indépendance de 1992-95. Delalic, qui était âgé de 44 ans, était l'une des nombreuses figures du milieu qui ont contribué à défendre la capitale bosniaque durant son long siège par l'armée yougoslave et les séparatistes serbo-bosniaque, tout en se livrant au racket et à des exactions contre des civils serbes.
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Bosnie : Srebrenica veut un statut spécial hors de la Republika Srpska Traduit par Asja Hadzismajlovic Publié dans la presse : 7 mars 2007 La petite ville de Srebrenica fait partie de la Republika Srpska. Ses habitants bosniaques veulent être soustraits à l’autorité de cette « entité » et réclament un statut de « district ». Ils ont posé un ultimatum : si leurs revendications ne sont pas satisfaites sous dix jours, ils quitteront en masse la ville où ils sont peu à peu revenus vivre depuis la fin de la guerre. Par J. Sarac Le maire de Srebrenica Abdurahman Malkic soutient les demandes du Comité d’Initiation pour le déménagement collectif de Srebrenica, qui réclame que cette municipalité soit soustraite à l’autorité de la Republika Srpska et la revitalisation de la ville. Pendant la réunion avec les représentants du Comité, Abdurahman Malkic a également soutenu la création d’un « district de Srebrenica ». Il y a cinq ans, la municipalité avait déjà adopté une résolution à ce sujet. Sadik Ahmetovic, un des membres du Comité, a déclaré que celui-ci était satisfait des réactions du maire à ses demandes. Par contre, Abdurahman Malkic n’a pas soutenu l’ultimatum prévoyant un déménagement collectif des habitants de Srebrenica, si les revendications du comité ne sont pas satisfaites, et il a proposé que le Comité change de nom, afin que les citadins de Srebrenica d’origine ethnique serbe puissent se sentir libres d’y rester. « Ils doivent changer de nom puisqu’il porte des connotations de ‘nettoyage ethnique’, et j’ai proposé qu’il devienne un Comité pour assurer une meilleure vie à Srebrenica, sans référence à l’appartenance ethnique », a déclaré Abdurahman Malkic. Sadik Ahmetovic a souligné qu’il n’était pas contre la cohabitation à Srebrenica, et que leur initiative avait été entreprise pour montrer que la vie dans cette petite ville était insupportable et sans perspectives d’avenir. « Nous sommes conscient que dix jours, l’ultimatum que nous avons posé, ne peuvent réparer toute l’injustice qui dure depuis quinze ans, mais nous attendons de la part des politiciens quelques dates limites raisonnables, et des garanties sur leur volonté de s’occuper de Srebrenica », explique Sadik Ahmetovic. Abdurahman Malkic a annoncé un prochain rendez-vous, au cours duquel les membres de la Présidence de Bosnie-Herzégovine, les représentants du Conseil des ministres et des gouvernements des deux entités pourraient se prononcer au sujet de la demande des citadins de Srebrenica. Belzic Belkic, député à la Chambre des représentants du Parlement de Bosnie-Herzégovine, Haris Silajdzic, membre de la Présidence de Bosnie-Herzégovine, et l’ambassadeur américain à Sarajevo, Douglas McHelhaney, ont confirmé leur participation à cette réunion. Une séance extraordinaire du Conseil municipal de Srebrenica a également été convoquée.
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Le Courrier de la Bosnie-Herzégovine
Sentence de la CIJ : satisfaction en Republika Srpska Publié dans la presse : 27 février 2007 Faisant contraste avec la consternation qui prévaut à Sarajevo ou parmi les survivants de Srebrenica, les dirigeants de la Republika Srpska se sont réjouis de la sentence de la Cour internationale de Justice. Pour Milorad Dodik, le Premier ministre de l’entité serbe de Bosnie, seuls des individus peuvent être reconnus coupables de génocide, « pas des peuples ou des États ». Par Haris Hadzic La Cour internationale de Justice de La Haye a défini le massacre de Srebrenica en 1995 comme un génocide, mais pas les autres événements de la guerre, estimant qu’il n’y avait pas assez de preuves pour conclure à un génocide sur tout le territoire de la Bosnie-Herzégovine. Cependant, la Cour a considéré que la partie accusée, la Serbie, n’avait pas rempli ses obligations pour prévenir et réprimer le génocide. Les réactions dans l’opinion bosnienne vont de l’approbation à la consternation. D’après les Nezavisne Novine, quotidien de Banja Luka, les habitants de Srebrenica et des villes de la vallée de Drina, où le génocide a eu lieu, sont les plus choqués par cette sentence. « Cependant, tout en étant blessés par ces nouvelles, les habitants de Srebrenica et de Bratunac n’ont pas perdu leur calme », note le journal. Le maire de Srebrenica, Abdurahman Malkic, trouve que cette sentence n’est en fait qu’un compromis entre le droit international et la politique internationale, compromis qui se pratique toujours au détriment du plus faible. « Toutefois, la Cour internationale de Justice a bien noté que la Serbie-et-Monténégro de l’époque a manqué à son obligation d’empêcher et réprimer le génocide, ce qui va sans doute conduire à l’arrestation et à la livraison des coupables devant le TPI de La Haye », a conclu Abdurahman Malkic pour Nezavisne Novine, appelant les citoyens de Srebrenica à accepter la décision de la Cour, et à continuer leurs efforts pour la reconstruction du pays et le rétablissement de la confiance. A Banja Luka, les représentants de la Republika Srpska ont salué la décision de la Cour. Le Président de cette entité, le Premier ministre et le Président de l’Assemblée, respectivement Milan Jelic, Milorad Dodik et Igor Radojicic, estiment tous que cette sentence était attendue, et qu’elle reflète « l’illégitimité et l’illégalité de la plainte déposée par la Bosnie auprès de la Cour internationale de Justice, qui ne représentait pas toutes les institutions de Bosnie-Herzégovine ». « Il est vrai que des crimes de guerre abominables ont eu lieu à Srebrenica. Cependant, il ne s’agit pas d’un génocide, puisque cette qualification a seulement été reprise dans les arrêts du Tribunal de la Haye. Un peuple et ses institutions ne peuvent être accusés de génocide, seulement des individus », a déclaré Milorad Dodik aux Nezavisne Novine. Paradoxalement, il a profité de cette occasion pour présenter ses excuses aux familles des victimes, au nom de la Republika Srpska et de ses institutions. Le Président de la Serbie, Boris Tadic, a lui aussi donné son point de vue : « La sentence prononcée est d’une grande importance pour la Serbie, puisqu’elle confirme que notre pays n’a pas pris part au génocide qui a eu lieu en Bosnie-Herzégovine ». Il a aussi appelé le Parlement de Serbie à adopter promptement une résolution condamnant le génocide de Srebrenica, tout en exprimant la crainte que son pays pourrait subir des conséquences négatives, aussi bien économiques que politiques, s’il tardait encore à remplir ses obligations envers le Tribunal de La Haye. Vojislav Kostunica, le Premier ministre serbe, a trouvé trop dure la partie de la sentence qui précise que la Serbie a manqué à l’obligation de prévenir et de réprimer le génocide, ajoutant que la Serbie ferait des efforts pour réaliser la coopération avec La Haye, puisque cela est d’un grand intérêt pour le pays et son peuple. Muhamed Filipovic, intellectuel bosnien très connu, a cité un proverbe pour décrire ses sentiments à l’énnoncé de la sentence : « le loup est rassasié, et les moutons restent vivants ».
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Bosnie : le retour du nationalisme agressif Traduit par Ivana Germain Publié dans la presse : 13 février 2007 La protection des droits de la personne en Bosnie-Herzégovine n’est toujours pas adéquate. Le rapport du Comité Helsinki pour 2006 dénonce les retards dans la réforme des institutions du pays chargées de l’application des principes universels, et propose la création d’une loi anti-discrimination. Les analyses des dernières élections montrent bien que la terreur, plutôt que la modération et le compromis, reste l’arme préférée des politiciens. Par S. Rozajac Analysant la situation des droits de la personne en Bosnie-Herzégovine en 2006, le Comité Helsinki pour les droits de la personne estime indispensable que la réforme des institutions chargées de la protection des droits de l’homme soit très rapidement menée à son terme. Il a également jugé très important que la charge de médiateur en Bosnie-Herzégovine se transforme en une institution indépendante, qui sera en mesure d’appliquer des principes universels dans la protection des droits de la personne. « Il était prévu que la réforme du rôle des médiateurs soit achevée à la fin de l’année dernière, mais ce processus n’est pas encore terminé. Cela remet en cause le fonctionnement et l’existence même des instruments de protection des droits de la personne », a déclaré Srdjan Dizdarevic, président du Comité Helsinki de Bosnie-Herzégovine, lors de la présentation du Rapport sur la situation des droits de la personne en Bosnie-Herzégovine en 2006. Le Comité Helsinki a lancé à cette occasion un appel aux autorités bosniennes en les invitant à se consacrer plus particulièrement aux questions du retour durable, et à voter, au niveau de l’Etat de Bosnie-Herzégovine, une loi anti-discrimination, qui permettrait de poser des bases légales contre la discrimination. Les autorités devraient s’employer également à rendre la police plus efficace dans l’élucidation des délits. « Les autorités devraient avoir plus d’écoute envers la position des groupes minoritaires dont les membres sont plus vulnérables et sont les victimes les plus fréquentes des violations des droits de la personne. Il s’agit plus particulièrement des femmes, des enfants, des personnes âgées, des personnes handicapées, des membres des famille de personnes disparues, des victimes de la torture, des minorités sexuelles et autres », souligne le rapport. Le retour du nationalisme agressif Le rapport souligne également le fait que l’année 2006 a été marquée par des phénomènes découlant de ce qu’on pourrait nommer le nationalisme agressif, comme de nombreux cas de voitures piégées ou de vandalisme sur les édifices sacrés. L’intérêt pour les retours décroît fortement et la division ethnique du pays est beaucoup plus visible. Les données présentées par le Comité Helsinki montrent également des violations des droits de la personne lors de déportations d’étrangers et des demandeurs d’asile, ainsi que ceux des femmes et des enfants. Commentant les dernières élections, le Comité Helsinki a conclu que les leaders politiques et les candidats ont opté, dans le plus grand nombre des cas, et dans le but de s’attirer la sympathie des électeurs, pour une rhétorique nationaliste pouvant créer un climat de peur à l’encontre des autres groupes ethniques. « Les interventions des politiciens ont très souvent rappelé la période précédant la guerre. Les options politiques radicales ont été récompensées par les résultats électoraux, tandis que les politiciens modérés prêts pour le dialogue et le compromis ont été mis à l’écart », a affirmé Srdjan Dizdarevic. Des cas d’utilisation des rassemblements religieux pour la promotion de certaines options politiques et de leurs candidats ont été également enregistrés pendant la campagne électorale, tandis qu’un certain nombre de dirigeants religieux et du clergé ont donné des consignes de vote à leurs fidèles.
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Bosnie : des ONG engagées dans le développement de la société civile Traduit par Selma Kuljuh Publié dans la presse : 28 décembre 2006 L’engagement des citoyens est un facteur essentiel du développement et du renforcement de la démocratie. Droits des femmes, formation, engagement des jeunes... Voici trois histoires de Zenica, Brcko et Banja Luka, où les organisations non gouvernementales ont apporté beaucoup au développement de l’un des piliers les plus importants de la démocratie. L’Agence suédoise de développement et de coopération internationaux (SIDA) a financé les projets de plusieurs organisations qui, par définition et par leurs activités, sont à la base du développement de la société civile. Enquête et rencontres à Zenica, Brcko et Banja Luka. Le Centre d’aide judiciaire aux femmes de Zenica Zuhra Cajo a fait l’expérience d’une chose bizarre. Il lui fallait beaucoup de courage pour parler de son problème en public, devant les caméras. Son mari a quitté la Bosnie pendant la guerre, s’est installé à l’étranger, et non seulement il a trouvé un nouveau pays mais aussi une nouvelle épouse, si bien qu’il s’est séparé de Zuhra sans que celle-ci le sache. Actuellement, Zuhra est en procès contre lui et elle reçoit l’appui du Centre d’aide judiciaire aux femmes de Zenica. Ce centre est une organisation non partisane et non gouvernementale à but non lucratif fondée en 1996, et qui a pour objectif la défense et la promotion des droits des femmes. « Nous croyons que l’égalité des sexes est la base du développement de la démocratie et de la société civile. Le Centre soutient le développement de tous les droits de la personne définis par les documents internationaux. Nous insistons surtout sur les droits des femmes : égalité de traitement entre hommes et femmes en ce qui concerne l’accès à l’emploi et à la formation, protection de la vie publique et de la vie privée des femmes et égale participation à la vie politique », explique Hilarija Pojskic du Centre d’aide judiciaire. Le Centre maintient le contact avec un grand nombre d’organisations de cette nature en Bosnie-Herzégovine et dans les pays de l’ex-Yougoslavie. Depuis sa création jusqu’aujourd’hui, le Centre a offert une aide judiciaire gratuite aux femmes, analysé plusieurs lois concernant l’égalité des sexes, insisté sur les modifications et les annexes de certaines lois auprès du Parlement, contribué au projet de Loi de l’égalité des sexes. « Dans le cadre de nos activités, nous avons organisé des ateliers et des conférences sur les droits des femmes. Nous avons également publié des brochures et des livres. » Le Centre essaie de constater l’état civil des citoyennes, c’est-à-dire de faire obtenir aux femmes les pièces d’identité, ainsi que de les aider à réclamer leurs propriétés immobilières et les droits acquis grâce à leur participation à la guerre. « Ce qui montre qu’un projet comme le notre est justifié, c’est le fait que durant les dernières dix années, 9000 femmes ont demandé l’aide du Centre. 50% des cas sont liés à des problèmes domestiques, alors que le reste concerne des problèmes liés à la vie professionnelle, aux difficultés sociales, aux difficultés de logement... Tout cela montre que le Centre commence l’année 2007 avec beaucoup de travail devant lui », précise Hilda Pojskic. Le travail des jeunes Le projet PRONI de Brcko aide les jeunes gens en Bosnie-Herzégovine. C’est l’un des trois projets réalisés par l’organisation non gouvernementale Forum Syd, qui ont été financés par la SIDA. Il s’agit d’une organisation non gouvernementale de jeunes, qui s’occupe de l’éducation sociale dans le but de faire avancer la communauté locale. PRONI s’adresse tous sans tenir compte du sexe, de l’age ou de la nationalité des personnes. Le travail de cette organisation se traduit par l’engagement des jeunes, par des cours universitaires et d’autres activités qui favorisent la multiethnicité, la coopération et la sécurité de vie dans le District de Brcko et ailleurs. Eleonora Ekmic, directrice du projet PRONI, explique : « PRONI a commencé ses activités en 1998 et à cette époque-là il était divisé en deux parties - le PRONI à Rahic et celui à Brcko. Ces deux centres se sont unis en 2002. Deux ans plus tard, PRONI a été « localisé » et depuis ce moment-là il porte le nom Proni - Centre de développement de la jeunesse. Nos travaillons sur l’éducation sociale des jeunes gens, afin de dépasser le conflit et de stimuler le développement humain et l’intégration des jeunes dans la société. Le travail des jeunes est divisé en deux secteurs : éducation des jeunes et travail des jeunes, qui leur permet de progresser dans leurs communautés locales. Cela est réalisé au moyen d’ateliers, de débats et de tables rondes. Nous avons établi les clubs des jeunes à Brcko, à Potocari, à Maoca et à Bijela. Nous avons ouvert, il y a deux ans, un bureau à Bijeljina, où nous essayons d’organiser des cours universitaires. En coopération avec le Programme des Nations Unies pour le développement (UNDP), l’OSCE et le Gouvernement du District de Brcko, nous avons donné des cours aux représentants des communautés locales et aux représentants des gouvernements ». Ainsi, chaque année en juin ou en juillet, PRONI organise un festival de la jeunesse, où les jeunes peuvent présenter leurs projets. Ce festival réunit des jeunes de toutes les républiques de l’ex-Yougoslavie. Outre le festival de la jeunesse, cette organisation non gouvernementale de Brcko travaille beaucoup sur le développement des communautés locales : chaque année, des groupes de volontaires donnent des cours d’administration, d’élaboration de projets etc. « Nous avons aussi un fonds destiné aux jeunes. De cette façon, nous pouvons financer leurs projets en leur accordant des sommes allant de 500 à 1000 KM. Nous avons participé à plusieurs ateliers en Europe. Quelques 4200 personnes ont travaillé avec PRONI », explique Eleonora Ekmic. L’Assemblée Helsinki des citoyens de Banja Luka Peu nombreuses sont les organisations non-gouvernementales qui ont osé lancer, dès la fin de la guerre, des projets de coopération entre les deux entités, et qui ont réussi à unir des personnes appartenant aux différents groupes ethniques. C’était justement la SIDA, à travers les organisations Kvinna till Kvinna et Olof Palme International Center, qui a financé les premiers pas de l’Assemblée Helsinki des citoyens (HPG) pour établir des contact avec « l’autre coté ». « Au cours de ces dix dernières années, nous sommes arrivés à établir une collaboration qui contribue au développement de notre organisation et également à celui de la communauté, ce qui a pour but de faire progresser toute la Bosnie-Herzégovine » explique Bojana Trninic du HPG. Depuis 1997, le HPG de Banja Luka réalise des programmes destinés aux jeunes gens en Bosnie-Herzégovine. Ces programmes sont réunis sous le titre de « Création des conditions pour l’engagement des jeunes dans la vie politique ». Au cours de cette période, 1200 jeunes gens ont reçu une formation profesionnelle qui peut leur permettre de poursuivre leurs objectifs dans l’avenir. Au moyen de cours sur la gestion stratégique, la communication pacifique, la résolution des conflits, la présentation médiatique et la négociation, le HPG soutient les efforts des jeunes en Bosnie-Herzégovine pour développer leur État. Les participants de ces ateliers ont proposé plusieurs fois d’organiser des campagnes et de réaliser des projets. Certains d’eux affirment qu’ils ont réussi, grâce aux ateliers, à trouver un emploi ou à créer leur propre entreprise. Bojana Trninic précise : « En coopération avec d’autres organisations, des milliers de jeunes gens de toute la Bosnie-Herzégovine ont organisé différentes campagnes à l’aide de ces projets. La campagne intitulée « Les jeunes contre la corruption » a permis aux jeunes gens d’exprimer leur opinion sur ce problème. Dans 11 municipalités, les jeunes ont réussi à obtenir soit des espaces publics, soit une aide financière pour leurs activités au moyen de la campagne « Rendez-nous notre espace », ce qui a motivé les autres organisations à s’occuper de ce problème. « Mon vote est original » était le titre de la campagne qui incitait les jeunes à voter lors des dernières élections, et celle intitulée « On a voté. Que faire maintenant ? » a permis d’interroger les dirigeants politiques sur leur responsabilité. Nous avons aidé les jeunes engagés en politique à se faire remarquer dans les campagnes électorales « YOUTHMOVE » et « Jeunes, soyez visibles ». Résultat direct de pareils efforts des ONG en Bosnie-Herzégovine, l’augmentation du nombre des jeunes dans les institutions gouvernementales. Après les élections de 2000, il n’y en avait que 5,9 % ,tandis qu’aujourd’hui ce pourcentage est de 12,4 %. Le nombre des jeunes dans les plus hauts niveaux du gouvernement est aussi en augmentation : actuellement, il est de 7 %.
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Partenariat pour la paix de l’OTAN : qu’est-ce que la Bosnie va y gagner ? Traduit par Ivana Germain Publié dans la presse : 8 décembre 2006 Après le sommet des pays de l’OTAN, fin novembre à Riga, la Bosnie-Herzégovine, le Monténégro et la Serbie sont invités à rejoindre le Partenariat pour la paix, programme de l’OTAN considéré comme une forme non officielle de pré-adhésion. Les politiciens bosniens célèbrent une grande victoire. Cette adhésion ne va pourtant rien apporter à la Bosnie, sauf la possibilité de participer aux aventures militaires en Irak ou en Afghanistan... Par Faruk Boric « C’est le couronnement de mon mandat. Je pense que c’est un grand succès, que nous avons d’ailleurs mérité, car nous avons travaillé pendant quatre années sur les réformes qui mèneraient la Bosnie-Herzégovine vers les intégrations euro-atlantiques. C’est également un grand encouragement pour les citoyens de Bosnie-Herzégovine ». Telle a été la première réaction de l’actuel président du Conseil des Ministres (en mandat technique), Adnan Terzic, après l’invitation de la Bosnie-Herzégovine à rejoindre le Partenariat pour la paix. Lorsque l’on sait qu’Adnan Terzic avait, sur la réforme de l’armée et sur Nikola Radovanovic, Ministre de la Défense de « son » gouvernement, autant d’influence que sur le Ministre des Affaires étrangères Mladen Ivanic, qu’il a essayé en vain de limoger pendant plus d’une année, il est clair que la politique intérieure et le Conseil des Ministres ont eu bien peu de poids dans ce très inattendu appel à rejoindre le Partenariat pour la paix. « Il s’agit d’une décision politique. À un moment, il faut décider si vous voulez faire quelque chose ou non. Alors les Alliés, avec mon soutien personnel, en ont décidé ainsi », a expliqué aux journalistes le Secrétaire général de l’OTAN, Jaap de Hoop Schefer. Cela semble paradoxal : pour des raisons politiques, l’OTAN récompense la dépolitisation de l’armée de Bosnie-Herzégovine et de son système de défense. Il faut rappeler que le Ministre de la Défense Nikola Radovanovic a été nommé hors des calculs des partis, et qu’il représente surtout le volet « militaire et défensif » de la Direction de l’Intégration européenne. Sauf qu’il est ici question d’un ministère qui représente le lien entre le pouvoir politique local et l’OTAN, et non avec l’Union européenne. La plupart des félicitations ont été d’ailleurs adressées à Nikola Radovanovic et à Sifet Podzic, chef de l’état-major commun des forces armées de Bosnie-Herzégovine. La Bosnie associée « malgré elle » Il était clair qu’il s’agit d’une décision politique même sans l’aveu de Shefer. Les années précédentes, alors que les espoirs étaient plus grands, on recevait régulièrement des douches froides de la part de l’OTAN. Le plus grand obstacle à l’entrée dans le Partenariat pour la paix, qui est communément perçu comme une autoroute vers une adhésion à part entière à l’OTAN, a été, à plusieurs reprises, la non-coopération avec le Tribunal de La Haye. Et pas seulement pour la Bosnie-Herzégovine, mais aussi pour la Serbie (voir le cas de Ratko Mladic), tandis que le Monténégro et la possibilité que Radovan Karadzic se cache dans ses monastères ne sont plus du tout mentionnés dans les cercles internationaux. La non-coopération, qui était constamment reprochée à ces pays, sera surveillée attentivement, et il faudra au contraire intensifier la coopération dans la période à venir. Tel est le message adressé par Javier Solana Haut-Représentant de l’UE pour la Politique extérieure et de sécurité commune, et cela après la réaction du Procureur général du Tribunal de La Haye, Carla Del Ponte, qui a exprimé « son étonnement et son insatisfaction face à une telle décision », pour laquelle « personne ne l’a consultée ». D’un autre côté, les sources de Belgrade rapportent que l’on savait depuis trois semaines qu’une « surprise » de la part de la communauté internationale se préparait, pour donner « un coup de pouce aux forces démocratiques [serbes] » avant les prochaines élections fixées pour le 21 janvier 2007. Il est dans le très grand intérêt de la communauté internationale que la politique irrationnelle des radicaux de Vojislav Seselj ne parvienne pas au pouvoir. C’est donc dans cette optique qu’elle est prête à relâcher sa pression sur Vojislav Kostunica. Sous la houlette de Milo Dukanovic, probablement le politicien le plus habile des Balkans, le Monténégro s’est transformé d’allié servile de Milosevic en un exemple éclatant du chemin à emprunter vers l’intégration européenne. Dans cette constellation de forces, la Bosnie-Herzégovine est devenue malgré elle une partie du paquet de Riga. Nous ne pouvons pas en dire de même à propos du succès politique d’Adnan Terzic. Tendre une main vers la réconciliation Le Partenariat pour la paix est un programme créé en 1994 par l’OTAN, dont le but essentiel est l’amélioration de la stabilité et de la sécurité en Europe. Concrètement, c’est un programme bilatéral de coopération entre certains pays partenaires et l’OTAN, qui leur permet de développer une coopération individuelle à partir de leurs priorités, naturellement dans le cadre des normes de l’OTAN. La base formelle du Partenariat pour la paix est l’Accord-cadre qui contient les obligations spécifiques de chaque pays membre. Chaque pays partenaire s’engage à remplir des obligations politiques à long terme pour préserver la démocratie : application des principes du droit international, réalisation des obligations qui découlent de la charte des Nations Unies, de la Déclaration universelle des droits de l’homme, de l’Acte final d’Helsinki sur le désarmement, de l’accord sur le contrôle de l’armement, du respect des frontières existantes et de la résolution des conflits par une voie pacifique. Tout cela résonne très bien sur le papier, et l’accomplissement de ces obligations serait bienvenu dans les Balkans, car cela signifierait l’arrêt des changements de frontières et l’apaisement des tensions nationalistes. En consultant la liste des pays faisant partie du Partenariat pour la paix, apparaît la mission initiale de ce programme de l’OTAN, que l’on ne doit jamais perdre de vue. Ces pays sont l’Arménie, l’Azerbaïdjan, la Biélorussie, l’Estonie, la Géorgie, le Kazakhstan, le Kirghizstan, la Lettonie, la Lituanie, la Moldavie, le Tadjikistan, le Turkménistan, l’Ukraine, l’Ouzbékistan. Les pays ayant adhéré en 1994 au Partenariat pour la paix sont tous d’anciennes républiques de l’Union soviétique. Même si l’accent est passé de la menace communiste à la menace islamiste, on ne doit jamais perdre la Russie de vue. Cependant, elle aussi est membre du Partenariat pour la paix, mais cela ne signifie rien de plus qu’un jeu diplomatique entre Moscou et Washington, qui se joue toujours sous les tapis démocratiques. Son sens est aisé à comprendre, comme il est clair que la Russie ne veut pas rejoindre l’OTAN, même si elle a adhéré au Partenariat pour la paix. Concrètement ? Mais laissons la Russie et ses guerres en Moldavie, Géorgie et Tchétchénie : que représente le Partenariat pour la paix pour la Bosnie-Herzégovine et ses citoyens ? Sur un plan symbolique, nous pourrions imaginer beaucoup de choses. Mais en réalité, les choses sont ainsi : le fait d’être membre du Partenariat pour la paix ne veut pas forcément dire que nous sommes plus près de l’Union européenne, et pas même de l’OTAN. Le meilleur exemple est la Turquie, qui est candidate à l’UE quasiment depuis Atatürk. Cela veut dire que notre petite armée sera plus professionnelle et pourra devenir un élément du soutien international dans certaines régions de crise comme l’Irak, l’Afghanistan, ou peut-être l’Iran. Il n’est même plus question d’une utilisation intérieure. Les budgets de la Bosnie-Herzégovine et des entités seront alourdis avec des programmes et des projets supplémentaires. Mais pour se consoler, on peut se dire à la fin : il n’y avait pas d’alternative. Pour la paix !
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Le Courrier de la
Bosnie-Herzégovine
Jovan Divjak raconte le siège de Sarajevo - Mise en ligne : samedi 23 décembre 2006 Aujourd’hui responsable de l’association « l’Education construit la Bosnie-Herzégovine », le général Jovan Divjak, ancien commandant de la défense de la capitale bosniaque, est le meilleur guide pour se rappeler les épreuves que Sarajevo a traversé. Souvenirs de guerre, d’espoir et de résistance à l’occasion d’un séminaire de l’OFAJ à Sarajevo. Par Haris Hadzic À l’occasion d’un séminaire de l’Office franco-allemand de la jeunesse (OFAJ) à Sarajevo, l’ancien général de l’Armée bosniaque Jovan Divjak a commenté une visite de la ville, montrant encore une fois sa très bonne connaissance de l’histoire et de l’actualité de Sarajevo, et de toute la Bosnie-Herzégovine. Commençant par un petit historique de l’association « l’Education construit la Bosnie-Herzégovine », dont il est le responsable depuis sa fondation en 1994, il a évoqué le drame des enfants morts pendant la guerre, soit 1621 victimes de moins de 18 ans à Sarajevo même. Ayant abandonné sa carrière militaire, Jovan Divjak s’est ensuite complètement investi dans son association, et avec le slogan « les enfants des victimes de la guerre - notre souci permanent », il fournit une aide matérielle et morale à ceux qui en ont besoin. Faisant le tour de la ville, il rappelle les moindres détails du siège de Sarajevo, qui a duré 44 mois. Le tout premier endroit visité a été la maison de la famille Kolar, où se trouvait la « bouche » du tunnel de sauvetage, qui était le seul corridor par lequel Sarajevo communiquait avec le reste du monde pendant deux ans et demi. C’était un passage souterrain creusé au-dessous de la piste de l’aéroport de Sarajevo, car beaucoup de gens sont morts en tentant de fuir par l’aéroport. L’incroyable histoire de ce tunnel a donné le frisson à une assistance très attentive. « Un officier des forces de l’OTAN, Jules Carreaux, qui était en tête d’un convoi d’aide humanitaire a trouvé la mort aux environs de Butmir, touché par une balle de sniper serbe », raconte Jovan Divjak, indiquant la plaque en marbre à côté du chemin. Le père de cet officier est venu en Bosnie-Herzégovine en mars 1996 visiter cet endroit, et a décidé de fonder l’association « Orphelins de Bosnie », qui aide les enfants dont les parents sont morts au cours de la guerre. Il a aussi acheté un terrain, sur lequel il a fait construire un centre de réhabilitation physique et morale pour les enfants. L’étape suivante de la visite de Sarajevo est le quartier de Kovaci, qui domine la ville et qui offre un superbe panorama. Ce n’est que pendant la guerre qu’une grande partie de cette colline s’est transformée en cimetière où sont aujourd’hui enterrés 1400 défenseurs de Sarajevo. Le premier Président de la Bosnie-Herzégovine, Alija Izetbegovic, a exprimé le souhait d’être enterré sur la même colline, à côté de ses combattants. Toutefois, continue Jovan Divjak, « la plus grande contribution à la défense de la ville a été apportée par les citoyens ; surtout par les femmes qui soutenaient leurs hommes, et qui faisaient la lessive au bord de Miljacka, même quand la température était en-dessous de zéro. L’esprit était inébranlable », conclut-il. Chose incroyable, Sarajevo hébergeait de nombreux artistes du monde entier en pleine guerre. Des événements culturels tels que des inaugurations de livres, des concerts, des pièces de théâtre, tout vivait, sans égard pour le siège ni pour les obus. Le quatuor lyrique de Sarajevo a donné plus de 200 concerts. Des requiems pour les soldats de l’OTAN morts en Bosnie avaient lieu à Vijecnica, la Bibliothèque nationale. Celle-ci comptait avant la guerre nombre de manuscrits d’une valeur inestimable, dont quelques-uns ont été à moitié ou complètement consumés par le feu. À la lumière des bougies, on organisait également l’élection des « Miss de Bosnie-Herzégovine ». Oslobodjenje, qui était le principal quotidien du pays avant la guerre, n’a jamais cessé de fournir des informations aux Sarajéviens. 3 ou 4 photocopies étaient régulièrement affichés aux endroits qui étaient à l’abri des obus, et les gens venaient les lire.
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Le Courrier de la Bosnie-Herzégovine
Bosnie : le bilinguisme pour avancer vers un système éducatif sans ségrégation Mise en ligne : mardi 19 décembre 2006 Dans la Fédération de Bosnie-Herzégovine, les jeunes Bosniaques et Croates suivent des cursus scolaires séparés, sauf au lycée bilingue franco-bosnien de Mostar... Comment le français peut aider à dépasser les cloisonnements et les ségrégations scolaires. Rencontre avec les responsables du projet. Propos recueillis par Ursula Burger Oesch Dans le cadre de sa section bilingue franco-bosnienne, le Lycée de Mostar offre à un nombre croissant d’élèves un double accès à l’enseignement supérieur bosnien et français. Grâce à ce programme, les élèves, relevant des systèmes éducatifs bosniaque et croate, peuvent enfin étudier ensemble, suivant un même programme, avec les mêmes professeurs, dans les mêmes locaux et aux mêmes horaires ! Entretien avec les initiateurs du projet : Frédéric Germain, Attaché de coopération pour le français auprès du Service de Coopération et d’Action Culturelle de l’Ambassade de France en Bosnie-Herzégovine, et Valérie Sombrun, professeur et coordinatrice des enseignements bilingues. Le Courrier des Balkans (CdB) : Comment est née l’idée du projet de l’enseignement bilingue à Mostar et quel est son historique ? Pourriez-vous préciser en quoi consiste son programme ? Frédéric Germain (FG) : L’idée du projet est venue en réaction à la situation dans laquelle se trouve actuellement le système éducatif de la ville de Mostar mais aussi celui de la Bosnie-Herzégovine en général, à savoir que les élèves de différentes nationalités sont séparés et privés de la possibilité d’étudier ensemble. A Mostar, vous avez en ce moment deux programmes sur lesquels se basent les écoles : un programme fédéral bosniaque et un programme croate. Le programme fédéral devrait normalement accepter des élèves bosniaques et croates mais dans la réalité, les Croates suivent un programme à part. Puisqu’il n’est pas possible de les faire étudier ensemble dans le programme de leur pays, l’idée est de les faire étudier ensemble dans une langue tierce, une langue autre que la leur. Le contexte du lycée de Mostar s’y prêtait particulièrement. Il s’agit du seul établissement du pays dans lequel les élèves étudient au même moment, même s’ils ne sont toujours pas dans les mêmes salles de cours, ce qui dans la Bosnie actuelle est déjà un progrès. Le principe d’une section bilingue est qu’il y a une partie des cours consacrée à l’enseignement du français renforcé et une autre à l’enseignement de disciplines non linguistiques, telles que les mathématiques, la chimie, la musique, l’histoire. Ce programme va entrer en vigueur au lycée de Mostar en septembre 2007. CdB : Quels ont été la réception du projet à Mostar, les défis à relever, les difficultés à surmonter ? Quelles sont vos impressions en tant que professeur qui reste en contact quotidien avec des élèves qui suivent ce cursus ? Valérie Sombrun (VS) : Comme tout nouveau projet, l’idée est très bien reçue à Mostar, elle suscite beaucoup d’enthousiasme. L’année dernière, quand j’ai commencé à donner des cours de français renforcé d’une façon régulière, j’avais au total, dans mes deux classes, entre trente et quarante élèves. Très vite, ce nombre a diminué et s’est limité à partir du 2ème semestre sur un groupe de douze élèves. A partir du mois de décembre, dès qu’ont commencé les tests, beaucoup d’élèves ne sont plus venus. Comme il s’agit de cours facultatifs, forcément, quand on décroche à un moment, il est très difficile de raccrocher de nouveau. Pour combler d’éventuelles lacunes aussi bien chez mes élèves que chez les professeurs qui assureront l’enseignement bilingue, j’ai organisé en juin de cette année un séjour linguistique à Kakrinje, une petite ville près de Sarajevo, où chaque jour, ils suivaient cinq heures de cours, avec en plus, en fin d’après-midi, de l’équitation. Le cours destiné aux professeurs a été animé par une collègue de Zagreb, Martina Detelj, qui leur a expliqué le fonctionnement de la section bilingue de Zagreb. Les difficultés le plus souvent rencontrées sont de parvenir à maintenir un groupe homogène et régulier sur toute l’année, puisque notre programme n’est pas obligatoire. Le projet est également confronté à un problème de locaux : pour l’instant, notre lectrice Malika Flici donne des cours au Centre culturel français de Mostar. A court terme, nous souhaitons rattacher le français et le programme de la section bilingue au lycée. Il est donc question que la France finance une salle pour le français et les autres matières enseignées en français. Une donnée encourageante est quand même le fait que l’effet « de bouche-à-oreille » fonctionne très bien à Mostar, c’est-à-dire que les effectifs de français en première année de lycée ont augmenté en 2006 de 35%. CdB : Comment avez-vous identifié des enseignants qualifiés qui assurent le bon déroulement des cours ? FG : Nous les avons identifiés grâce à une conférence de presse et une journée de promotion organisée avec l’Ambassadeur de France au lycée de Mostar en avril 2005. A cette occasion, nous avons à la fois annoncé le projet de l’enseignement bilingue et invité tous les professeurs du lycée à une réception au cours de laquelle ceux qui étaient francophones et souhaitaient participer au projet pouvaient nous rencontrer. C’est à ce moment-là que nous avons donc identifié six professeurs francophones, dont trois collaborent aujourd’hui au projet de l’enseignement bilingue. Il s’agit d’un professeur d’histoire, un professeur de chimie et un professeur d’informatique. Pour assurer une formation supplémentaire à ces professeurs qui devront être capables d’enseigner leur matière en français, nous collaborons avec une association de professeurs de France, dont les membres viennent s’installer à Mostar sur toute l’année et former nos professeurs, de sorte qu’ils soient capables d’enseigner leurs disciplines en français. CdB : Quel est le niveau de français de vos élèves, quel pourcentage de cours suivent-ils en français ? VS : Etant donné que les élèves ont commencé l’apprentissage en français la première année du lycée, nous avons estimé que pendant les deux premières années, nous devons assurer d’abord une mise à niveau. Pour atteindre un niveau nécessaire pour l’apprentissage d’autres matières en français, les élèves ont besoin de deux ans d’apprentissage intense de la langue. En ce qui concerne le niveau des élèves, je constate que plus que la moitié d’entre eux commence à faire des phrases et à comprendre tout ce que je dis. Quant aux élèves de la deuxième année, leur niveau leur permet déjà de s’impliquer dans le travail d’un projet de théâtre. Il s’agit de la pièce Ubu roi, qu’ils sont en train de monter avec une jeune comédienne française. Les premières années collaborent avec le ciné-club du Centre culturel Abrasevic sur l’élaboration d’un court-métrage consacré à la section bilingue afin de présenter la section bilingue aux autres élèves du lycée. Ces activités sont importantes car elles leur permettent de travailler sur des projets concrets et visibles, avec une finalité évidente et stimulante pour l’apprentissage. CdB : Comment le programme est-il perçu de la part des ministères de ressort et des autorités municipales locales, notamment dans le contexte d’une récente signature du protocole international entre les gouvernements bosnien et français qui a comme objectif la formalisation de différents aspects de la collaboration entre ces deux pays dans le domaine de l’enseignement du français ? FG : Effectivement, en mars 2006, nous avons signé un Protocole de coopération entre le gouvernement français et le Conseil des ministres de Bosnie-Herzégovine, qui recouvre les différents aspects de notre collaboration. Il faut souligner que c’est la première fois qu’un texte officiel est signé par l’Etat de BiH dans le domaine éducatif ; d’habitude, c’est toujours du ressort de l’un des 13 ministres de l’Education qui existent dans ce pays. Le protocole en question a été signé par le ministère des affaires civiles au nom de tous les ministres de l’Education, qui ont été consultés préalablement et ont donné leur accord. Les deux premiers articles de ce protocole ont justement trait au programme de sections bilingues, et s’appliquent aux projets que nous montons à Sarajevo et à Mostar. Cependant, notre projet est pour l’instant seulement toléré en Herzégovine. Mme Sombrun et moi travaillons également à la signature d’un deuxième document qui serait signé uniquement avec les autorités de Mostar, et ceci au sujet du projet de la section bilingue de Mostar. En effet, nous estimons qu’il serait important que celui-ci devienne entièrement intégré au programme des élèves et formalisé par le Lycée comme en faisant partie. Cette clarification institutionnelle est nécessaire car toutes les parties participant au projet s’y investissent fortement. Les professeurs, par exemple, consentent à un grand effort étant donné que les activités dans lesquelles ils s’impliquent avec notre programme dépassent leur emploi du temps habituel. Ils vont ainsi suivre nos formations, partir trois semaines à Bergerac pendant leurs vacances, etc. Même chose pour les élèves, qui eux, suivent des cours de français renforcé en plus de leurs cours habituels. Notre objectif, c’est qu’à partir de la prochaine rentrée scolaire, les cours que nos professeurs donneront soient au maximum intégrés au programme du pays. A plus long terme, l’objectif est que nos élèves puissent entrer dans les universités françaises aussi facilement que des étudiants français. C’est le principe d’un enseignement bilingue. CdB : Quels sont les objectifs du projet pour l’année prochaine ? Le programme prévoit-il des séjours des élèves en France ? VS : L’année prochaine, en plus des cours de français renforcé, nous comptons rajouter un cours d’histoire qui propose des thèmes liés à la construction européenne, aux problématiques franco-allemandes, des thématiques qui ne seront pas forcément abordées dans leurs programmes locaux. Pour ce travail, nous allons nous baser sur le premier manuel d’histoire franco-allemand intitulé L’Europe et le monde depuis 1945 (Klett & Nathan, 2006) destiné aux classes terminales françaises, ce qui correspond aux classes de la 4ème année ici. Je souligne encore une fois que, comme il s’agit d’un programme facultatif, tout dépendra beaucoup de la volonté des élèves. En plus de ce cours d’histoire, ils auront un choix entre l’informatique et la chimie. Un autre projet est celui du voyage à Bergerac, en France, où grâce à une collaboration qui nous a été proposée par le lycée de cette ville, nous organisons en janvier 2007 un échange scolaire d’une durée de trois semaines. Leurs élèves sont déjà venus à Mostar et ont rencontré nos élèves, le contact s’est très bien passé et certains des élèves sont restés en contact par courriel. A Bergerac, nos élèves seront reçus dans les familles, afin qu’on leur assure un bain linguistique complet. Le matin, je proposerai des cours préparatoires pour l’enseignement de l’histoire en français avec un accent sur le vocabulaire spécifique lié à ce domaine. Nous prévoyons également l’immersion dans les classes - les élèves iront voir comment se passe un cours en France. Les après-midi seront consacrés à des visites de la région. Les quatre derniers jours, nous irons à Blanquefort près de Bordeaux, dans une Maison de la culture et des jeunes. Une formation supplémentaire sera également assurée pour les professeurs qui, eux aussi, partent avec nous en voyage. Il est important de souligner que la formation organisée en juin 2006 et celle prévue pour janvier 2007 à Bergerac vont vraiment permettre de souder le groupe, ce qui est important parce qu’il s’agit d’enfants croates et bosniaques qui d’habitude ne sont pas sensés interagir. Vient s’y rajouter également un projet de la chaîne Arte qui viendra en septembre 2007 préparer un docu-fiction sur la section bilingue à Mostar. Ces marques de soutien et d’intérêt pour notre projet nous font espérer que nos efforts commencent à porter leurs fruits...
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Bosnie : une école wahhabite qui fonctionne selon les programmes jordaniens Traduit par Selma Podzic Publié dans la presse : 8 décembre 2006 Vingt familles de « frères wahhabites » ont transformé le village de Gornja Maoca, près de Brcko, en petit bastion islamiste. L’école du village fonctionne selon les programmes scolaires... jordaniens ! Les wahhabites locaux seraient prêts à ce que leur école soit réintégrée dans le système scolaire bosnien, mais à condition que garçons et filles restent séparés. Par A. Avdic « N’écris rien ! Tu ne veux pas avoir des ennuis ensuite... T’as compris ? » Nusret Imamovic, enseignant de religion à l’école élémentaire illégale de Gornja Maoca, près de Brcko, nous a mis en garde. Il était surtout géné de nos question à propos des programmes sur lesquels était organisé l’enseignement et sur le nombre d’enfants qui suivent les cours dans les salles de l’école usurpée, qui devrait être gérée par le ministère de l’Éducation du Canton de Tuzla. « Le ministère a négligé cette école et nous l’avons restaurée à nos frais. Autrefois, c’étaient les palefreniers qui habitaient ici. Maintenant nous, à nos frais, nous y éduquons nos enfants », explique Nusret Imamovic, en nous interdisant de filmer le bâtiment occupé. Un peu plus tôt, lorsque nous venions juste d’arriver dans le village de Maoca, habité par une vingtaine de familles wahhabites, Hajrudin Ribic, soi-disant « porte-parole des frères wahhabites », nous avait affirmé que l’enseignement se déroulait « sur la base des programmes scolaires prévus par l’Etat ». « Mais pas l’État bosnien, l’État jordanien », précise Ribic. Il ajoute que les habitants de Maoca avaient récemment proposé au gouvernement du Canton de Tuzla d’organiser l’enseignement sur la base du système scolaire bosnien, mais que la commission spéciale du ministère de l’Éducation n’avait pas accepté la proposition. « S’il n’est pas possible de séparer les garçons des filles, nous cherchons qu’on installe un rideau au milieu de la salle de classe. Les garçons seraient d’un côté du rideau et les filles de l’autre », explique Hajrudin Ribic, qui ajoute qu’une vingtaine d’enfants scolarisés en ce moment dans l’école sont séparés de cette manière. Par contre, le porta-parole autoproclamé Ribic n’a pas voulu expliquer comment cette école jordanienne était financée. Le ministère de l’Éducation du Canton de Tuzla ne connaît l’existence d’aucune école élémentaire à Maoca. « Il est vrai que nous avions constitué une commission qui aurait dû prendre en considération la possibilité d’ouvrir d’une école dans ce village. Pour l’instant, les conditions élémentaires ne sont pas remplies », nous explique Fikret Vrtagic, collaborateur du Ministère. De « bonnes gens » financent l’école Lorsque les délégués du ministère avaient fait le tour des classes, a souligné Fikret Vrtagic, ils n’ont pas pu vérifier si des enseignements étaient assurés à Gornja Maoca. « Nous ne reconnaissons pas l’existence de cette école, cela n’a rien à voir avec nous », ajoute Fikret Vrtagic. Ce n’est donc pas le ministère de l’Éducation du canton qui finance cette école. Nous avons essayé d’en savoir plus du porte-parole Ribic. « Ce sont de bonnes gens qui le font », nous a-t-il répondu brièvement. Ce sont ces même « bonnes gens » qui financent la construction de la mosquée car, comme le dit le porte-parole, « les frères wahhabites » ne veulent avoir aucun lien avec la Communauté islamique. Nous supposons que ces même « bonnes gens » ont aussi fourni une centaine de milliers de marks bosniens, qui ont servi à payer la voiture tout-terrain du porte-parole Ribic. Ce qui est clair, selon ce que nous avons vu et que nous n’avons pas pu enregistrer, c’est que personne ne travaille à Gornja Maoca, excepté ceux qui travaillent à la construction de la mosquée.
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Sarajevo : à la recherche de la vérité sur les souffrances de la guerre Traduit par Ivana Germain Publié dans la presse : 6 octobre 2006 A Sarajevo, une Commission pour la recherche de la vérité sur les souffrances subies pendant la guerre par les populations vient d’être mise en place. Financée par le budget de l’État avec un premier mandat d’un an, la Commission sera supervisée par des observateurs d’organisations internationales et d’institutions. Par S. Rozajac Le travail mené par la Commission pour la recherche de la vérité sur les souffrances à Sarajevo sera supervisé par des observateurs étrangers. Un groupe d’experts a été mis en place pour élaborer le projet de recherche, et le budget de l’Etat va financer le projet à hauteur de 340.000 KM. Les activités de la Commission pour la recherche de la vérité sur les souffrances subies par les Serbes, Croates, Bosniaques, Juifs et autres à Sarajevo entre 1992 et 1995 vont être supervisées ultérieurement par des observateurs étrangers. Le président de la Commission Ivica Marinovic a informé la presse que les observateurs du tribunal de La Haye, du Bureau du Haut Représentant, du PNUD, de la Commission européenne et de l’OSCE ont été choisis. « Nous avons décidé d’accepter les observateurs des organisations internationales, ainsi que ceux des institutions qui ont montré un intérêt pour notre travail. Nous avons formé la semaine dernière un groupe d’experts qui va travailler sur ce projet de recherche scientifique », a dit Marinovic. Il a estimé que ce groupe d’experts devrait finaliser le projet dans les 30 jours à venir et que les conditions adéquates de travail étaient finalement acquises, après que la question du financement de la Commission a finalement été résolue. « La décision du financement de la Commission jusqu’à la fin de l’année a enfin été prise. Le budget de l’Etat va financer le projet à hauteur de 340.000 KM. Nous avons ainsi pu commencer à chercher des locaux appropriés pour la Commission. Il existe trois choix possibles : Sarajevo-Est, l’immeuble de l’Institut de géodésie, ainsi que l’immeuble d’Energoinvest. Nous n’avons pas encore décidé, mais la troisième option est la plus probable », a dit Marinovic. A la question de savoir si la Commission parviendra à terminer son travail dans le délai prévu d’un an, Martinovic a répondu qu’il en sera discuté après avoir réglé tous les détails techniques liés au fonctionnement de la Commission. « Quand le Conseil des ministres de Bosnie-Herzégovine a déterminé le mandat de la Commission, il était difficile de prévoir le temps nécessaire à l’achèvement du travail. Nous avons une période préliminaire d’un an, mais il est possible que nous ne puissions pas terminer dans les délais prévus, a dit Marinovic. Selon la décision du Conseil des ministres, la priorité sera donnée aux souffrances humaines, même si les dégâts matériels entreront aussi dans le champ de la recherche. Nous nous sommes efforcés de ne pas être influencés par les élections. J’espère que le changement de pouvoir n’influera en aucun cas sur le travail de la Commission. Il aura son poids lors du vote du budget pour l’année prochaine. Et, finalement, après avoir examiné les résultats de notre travail, le nouveau pouvoir décidera de la prolongation ou non de notre mandat », a dit le président de la Commission.
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Croates d’Herzégovine
: il est temps de se tourner vers Sarajevo
Traduit par Caroline Target Publié dans la presse : 19 octobre 2006 Rien ne va plus chez les Croates de Bosnie-Herzégovine, toujours écartelés entre Zagreb et Sarajevo. Loin des aspirations séparatistes des années 1990, les récentes divisions politiques risquent de marginaliser la communauté croate, à moins qu’elle ne comprenne enfin que son avenir passe plus par Sarajevo que par Zagreb. Par Dario Terzic « Ici, c’est la Croatie ! Ici, c’est la Croatie ! » criaient les paysans croates des environs de Siroki Brijeg, à la frontière croato-bosniaque, en avril 1991, lorsque passaient les chars de l’Armée populaire yougoslave (JNA) en direction du camp de Kupres. La guerre en Croatie allait commencer et, pour ces paysans, ces chars s’en allaient tuer leurs frères. A cette époque, en Herzégovine, les manifestants unissaient les drapeaux croates à ceux de l’Islam. Ils étaient tous ensemble contre l’agresseur serbe. Alors que l’on évoquait une dissolution de la Yougoslavie, ils étaient nombreux à croire à un nouveau pays indépendant nommé Bosnie-Herzégovine, puisque la Constitution yougoslave de 1974 le permettait. Mais dans l’Herzégovine occidentale, c’est surtout l’idée d’une union avec la Croatie qui faisait son chemin. On peut même affirmer qu’il s’agissait là d’un projet en gestation depuis plus de 40 ans. La diaspora croate (en Argentine, au Canada, en Allemagne) rêvait depuis des années de faire sortir la Croatie de « l’esclavage serbe » et de fonder un État croate indépendant. Avec l’Union démocratique croate (HDZ) de Franjo Tudjman, ces rêves pouvaient bien se réaliser. Mais, dans la diaspora, il y avait aussi beaucoup de Croates d’Herzégovine. Certains d’entre eux, grâce à la victoire de Tudjman, ont même obtenu des postes élevés dans le nouveau gouvernement croate. C’est le cas de Gojko Susak, par exemple, qui est devenu ministre de la Défense. Ainsi, les Croates d’Herzégovine étaient de plus en plus convaincus que la région finirait par se rattacher à la Croatie. Mais, par une ironie du sort, au référendum sur l’indépendance de la Bosnie-Herzégovine, les Musulmans ont voté dans le même sens que les Croates, c’est à dire pour faire sortir la Bosnie-Herzégovine de la Yougoslavie. Les Serbes, quant à eux, ont boycotté le référendum. Pourtant, une fois l’indépendance obtenue, les Croates de l’Herzégovine ne se sentaient toujours pas chez eux et continuaient de n’afficher que le drapeau croate. Ils avaient voté au référendum pour sortir de la Yougoslavie, pas pour appartenir à la Bosnie-Herzégovine. Avec le HDZ et Tudjman, les Croates d’Herzégovine s’imaginaient faire partie de la nouvelle Croatie, mais avec le temps, ils ont bien compris que les choses tourneraient différemment. Une fois reconnu, l’État bosnien devait bien survivre. Les accords de Washington de mars 1994 ont mis fin à la guerre entre les Croates et les Bosniaques. Tudjman et Izetbegovic se sont entendu pour la création de la Fédération croato-musulmane ainsi qu’une possible confédération avec la Croatie. Puis, il y a eu les fameux accords de Dayton qui ont mis un point final à la guerre en Bosnie. Avec ces accords, deux entités ont été établies : la Republika Srpska et la Fédération croato-musulmane. Pendant la guerre, l’Herzégovine occidentale ne faisait pas partie des régions les plus touchées par les conflits. Quelques grenades sont tombées à Siroki Brijeg, en avril 1992, mais rien de plus. Il est vrai que les hommes de la région sont allés combattre à Mostar, Vitez, etc, mais par chance, il n’y a pas eu de véritables combats dans la région. La vie suivait son cours beaucoup plus tranquillement qu’ailleurs en Bosnie-Herzégovine. La région faisait surtout office de corridor pour le transport des armes et du ravitaillement. Cette situation a également profité aux Croates de l’Herzégovine qui se prenaient une part sur la marchandise en transit. Profiteurs de guerre Ainsi, tout ce qui était envoyé comme aide humanitaire pouvait s’acheter dans les magasins de la région (en fait, une partie de l’aide humanitaire qu’ils prenaient pour eux était ensuite revendue). La région n’a donc pas véritablement souffert de la crise économique. Du moins, il y avait à manger pour tout le monde. À Medjugorje, par exemple, un endroit assez tranquille, logeaient beaucoup de représentants de la communauté internationale. Ils payaient leur loyer, mangeaient dans les restaurants, et ainsi de suite ; des circonstances qui profitaient évidemment à la population locale. Et puis surtout, on ne payait plus de taxes, puisqu’en pratique, l’Etat n’existait plus. Quelques-unes des entreprises les plus riches donnaient de temps à autre une certaine somme au HVO (l’armée croato-bosniaque), mais gardaient bien sûr la majeure partie des profits. Ainsi, en quelques années, ont pu se construire de grandes maisons, des restaurants de luxe, des centres commerciaux... Pourtant, au même moment en Croatie, notamment en Slavonie, la situation était fort différente. C’était bel et bien la guerre (Vukovar) et on ne vivait pas aussi tranquillement qu’en Herzégovine. C’est pour cela que les Croates de Croatie se sont indignés contre leurs frères d’Herzégovine, car ces derniers ont réussi à tout avoir. Tout de suite après la guerre, en 1996, les institutions de l’État bosnien et surtout de la Fédération, sous la pression de la communauté internationale, ont dû se mettre en activité. En Herzégovine, on utilisait la kuna croate comme monnaie officielle. Il a donc fallu passer au mark convertible, la monnaie bosniaque, et malgré les problèmes du début, la kuna a fini par disparaître. Même chose pour les plaques minéralogiques qui, dans la région appelée Herceg-Bosna, portaient l’échiquier croate et que l’on a dû changer pour la plaque unique, commune à toute la Bosnie-Herzégovine. Pendant longtemps, les Croates d’Herzégovine pouvaient entrer en Croatie avec une simple carte d’identité. Mais à partir de 1997, le passeport bosnien est devenu obligatoire pour passer la frontière. Seul flotte le drapeau croate Forcément, beaucoup de Croates d’Herzégovine n’étaient pas satisfaits de la nouvelle situation. Pourtant, avec le temps, ils se sont habitués et ont accepté les changements. Seuls les drapeaux sont restés. En fait, dans toute l’Herzégovine occidentale et les autres régions de l’ancienne Herceg-Bosna, il est presque impossible de voir flotter un drapeau de la Bosnie-Herzégovine ou de la Fédération. On ne voit que celui du peuple croate en Bosnie-Herzégovine, qui ressemble d’ailleurs beaucoup au drapeau croate officiel. Pour les Croates de l’Herzégovine, la cohabitation avec les Bosniaques est donc devenue une obligation, une situation imposée. Mais il faut bien vivre... En vérité, la Fédération ne fonctionne bien que sur le papier, car en pratique, bien des choses restent divisées : le réseau électrique, la Poste, ... En fait, toutes les administrations publiques sont doubles, une pour la région à majorité croate, l’autre pour la région bosniaque. Il reste le problème de la télévision fédérale dont le siège se trouve à Sarajevo et qui est davantage bosniaque, c’est à dire musulmane, que croate. L’éclatement du HDZ Durant les années 1990, les Croates de l’Herzégovine étaient guidés par la branche de Bosnie du HDZ (HDZ-BiH). Pour eux aussi, la victoire de Tudjman en Croatie avait été considérée comme une victoire. Mais il y a eu, ces quinze dernières années, plusieurs changements au HDZ-BiH. Pendant la guerre, le chef du HDZ-BiH était Mate Boban, un grand ami de Tudjman, du ministre Susak et de Ivic Pasalic, un autre Herzégovinien dans le HDZ croate de Zagreb. Il y a huit ans, Boban a été assassiné dans de mystérieuses circonstances. D’autres ont ensuite pris la tête du parti : d’abord Ante Jelavic, puis Dragan Covic. Tous deux ont actuellement des problèmes avec la justice. Il y a un mois, Jelavic, actuellement en fuite, a été condamné à dix ans d’incarcération. Covic est également au prise avec la justice. Les accusations sont multiples : fraude, escroquerie, obtention de fonds de provenance douteuse... Au fil des années, certains conflits sont nés au sein du parti, jusqu’à ce qu’une fraction se décide à se séparer. C’est ainsi qu’est né, il y a quelques mois, le nouveau HDZ 1990, avec Bozo Ljubic comme chef. Ce schisme du parti a également fait naître de nouvelles divisions à l’intérieur du peuple croate dl’Herzégovine. Ainsi, aux élections d’octobre, une partie d’entre eux a voté pour Ivo Miro Jovic (du parti de Covic) et l’autre pour Ljubic. Ces événements pourraient signifier le début d’une nouvelle époque pour les Croates d’Herzégovine. Pour le moment, il semble que Ljubic, en coalition avec Jurisic du HSP (le Parti croate du droit), aura la majorité aux parlementaires des cantons qui couvrent la région « purement croate » de la Bosnie-Herzégovine. Les Croates d’Herzégovine sont déçus de l’élection du social-démocrate Zeljko Komsic à la présidence tripartite. Ils déplorent le fait que Komsic, s’il est légalement élu, n’a pas, pour eux, la légitimité de représenter le peuple croate de Bosnie-Herzégovine. Et leurs frères de Zagreb, que disent-ils ? Le Premier ministre actuel de la Croatie, Ivo Sanader, est très clair : « nous ne nous immiscerons pas dans les affaires d’un autre pays ». Suite à cela, la diaspora herzégovinienne en Allemagne a déclaré qu’il était temps désormais de regarder davantage vers la Bosnie-Herzégovine : « puisque nous avons été trahis par Zagreb, il nous faut maintenant comprendre que notre capitale n’est autre que Sarajevo ». Petit à petit, les autres citoyens croates de la Bosnie-Herzégovine devront également accepter cette vérité, triste pour eux. Zagreb est loin et leur patrie, malgré tout, reste la Bosnie-Herzégovine. |
Bosnie
: les femmes victimes de viol réclament justice
Traduit par Selma Kuljuh Publié dans la presse : 6 octobre 2006 Nombre de femmes de Bosnie, violées durant la guerre, entre 1992 et 1995, attendent toujours que leurs bourreaux passent devant les tribunaux. Devant les lenteurs administratives et les blocages politiques, elles manifestent afin de faire entendre leur voix. Elles dénoncent les contradictions du TPI de La Haye et le rapatriement prévu de certains procès en Bosnie. Par A.Becirovic « Il est faux que le Bureau du Procureur manquait d’information sur les viols commis par Lukic. Nous avons dit à Carla del Ponte qu’il était évident qu’on avait caché nos témoignages ». Le 5 octobre, devant le siège de l’ONU à Sarajevo, plusieurs dizaines de femmes violées par Milan Lukic ont manifesté, car l’acte d’accusation, modifié plusieurs fois, n’inclut pas le viol de femmes bosniaques. « L’acte d’accusation n’incorpore pas certains actes alors que le Bureau du Procureur dispose d’informations. Les viols de centaines de femmes, de jeunes femmes et de petites filles n’y sont même pas mentionnés » explique Bakira Hasecic, présidente de l’Association « Femmes victimes de la guerre ». Bakira elle-même est une victime de Milan Lukic. Pendant une réunion que les femmes violées membres de cette association ont eu avec Carla del Ponte le 11 juillet dernier, la procureure générale a expliqué que le Conseil de Sécurité des Nations unies coupait le financement du Tribunal. « Nous avons demandé que tout ce qu’a commis Lukic soit inscrit dans l’acte d’accusation. Qu’il soit accusé des viols massifs et systématiques des petites filles, des adolescentes et des femmes ! » se souvient Bakira. Rappelons-nous la déclaration d’Anton Nikiforov, porte-parole de la procureure générale, qui affirmait que le Bureau du Procureur ne disposait pas, lors de la constitution de l’acte d’accusation, d’informations sur les viols qu’avait commis Lukic. « C’est faux, tout simplement ! Nous avons dit à Carla del Ponte que quelqu’un avait caché nos témoignages. Elle sait que c’est le Conseil de Sécurité de l’ONU qui est responsable de tout », se fâche Bakira Hasecic. Dans les mains des femmes qui manifestent, des pancartes. Une femme aux mains tremblantes en tient une qui porte l’inscription : « Nous demandons la prolongation de la mission de l’OHR en Bosnie ». « Je n’ai pas été violée par Milan lui-même. Mais il y a beaucoup de Lukic » , a-t-elle expliqué. « Si la communauté internationale quitte la Bosnie, nous, les victimes de guerre, nous finirons très mal. Certains politiciens sont impatiens de voir le Haut représentant international s’en aller car il empêche leurs mauvaises intentions. S’ils partent, alors il faudra qu’on nous chasse et qu’on nous brûle comme en 92. Nous voulons que l’OHR reste ici et particulièrement les forces militaires américaines », déclare Bakira. Elle ajoute aussi que le Tribunal international de La Haye ne devrait pas cesser de fonctionner tant que Radovan Karadzic et Ratko Mladic ne sont pas détenus et condamnés. « Dieu merci, ils ne m’ont pas violée » Admira Sabanovic avait sept ans lorsqu’elle a été emmenée avec d’autres femmes par Milan Lukic et Boban Simic à l’école Hasan Veletovic. « Ils ont emmené ma mère, mes deux frères, mes grands-parents. J’étais petite, mais ils ne savaient pas que les enfants se souviennent de tout. Lukic et Simic ont violé ma mère. Je me souviens lorsqu’ils l’ont emmenée. Moi, petite fille de sept ans, ils me déshabillaient et me regardaient. Dieu merci, ils ne m’ont pas violée. Ils ont emmené mes frères au pont de Visegrad pour les égorger. Ils ont battu à mort mon grand-père. Simic a tué mon père. On n’a jamais retrouvé son corps », nous dit Admira. La Haye doit juger Après les manifestations, dix femmes, membres de l’Association « Femmes victimes de la guerre » ont rencontré Howard Tucker, enquêteur du Bureau du Procureur pour le TPIY à Sarajevo. Elles lui ont exprimé leur mécontentement et ont demandé que Lukic soit jugé auprès du Tribunal de La Haye. Tucker n’a rien pu leur dire. Il leur a expliqué que le Tribunal cesserait son travail en 2009, et que Lukic serait probablement jugé en Bosnie-Herzégovine. « Nous croyons au bon fonctionnement du Tribunal de Bosnie. Toutefois, Lukic est un criminel qui doit être jugé au Tribunal de la Haye. On nous a dit qu’il était possible que dans l’acte d’accusation de Lukic soit incorporé le chef d’accusation de viol une fois transporté en BiH », nous a expliqué Mirsada Tabakovic, vice-présidente de l’Association « Femmes victimes de la guerre ».
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Bosnie
: le social-démocrate croate Komsic veut être le «Président de tous
les citoyens»
Traduit par Ursula Burger Oesch Publié dans la presse : 4 octobre 2006 L’élection de Zeljko Komsic comme membre croate de la Présidence collégiale de Bosnie-Herzégovine provoque la colère des nationalistes croates, qui lui dénient toute légitimité et menacent de bloquer les institutions. Zeljko Komsic entend représenter et défendre « tous les citoyens », pas seulement les Croates. « Désethniciser » la Présidence collégiale sera-t-il possible ? Entretien. Propos recueillis par D.Mumunovic Dans son interview aux Nezavisne novine, Zeljko Komsic, le membre croate fraîchement élu à la Présidence de Bosnie-Herzégovine, souligne qu’il sera Président de tous les citoyens du pays. Il sait qu’il a sur les épaules un rôle extrêmement important, mais il reste persuadé qu’il pourra travailler pour le bien de tous les citoyens de Bosnie-Herzégovine. Nezavisne Novine (NN) : Êtes-vous surpris par un tel triomphe sur les autres candidats comme Ivo Miro Jovic et Bozo Ljubic ? Comment commentez-vous le fait que vous ayez eu beaucoup plus de succès que votre parti politique, le SDP ? Zeljko Komsic (ZK) : Ce n’est pas vrai que j’ai eu plus de voix que le SDP. Par ailleurs, cela peut sembler ridicule, on dira que je fais le malin après avoir été élu, mais en ce qui concerne la victoire sur Jovic et Ljubic, nous étions persuadés qu’elle était possible. Ma victoire évidente a peut-être été facilitée par les divisions au sein du HDZ, mais je m’y attendais vraiment. Dans nos prévisions préliminaires, nous nous attendions au résultat réalisé. NN : Vesna Pusic, la présidente du Parti national croate (HNS) de Croatie, prétend que vous êtes le premier membre de la Présidence de Bosnie-Herzégovine à être élu par des citoyens et non pas par des peuples. Sa conclusion était qu’il s’agissait d’un événement très important pour la Bosnie-Herzégovine mais que cela impliquait aussi une grande responsabilité pour vous. Êtes-vous conscient de cette responsabilité ? ZK : Je suis d’accord avec Vesna Pusic. Ma position est spécifique, c’est vrai, mais elle n’est pas nouvelle ni surprenante. Pendant toute la campagne électorale, nous faisions tout pour inciter les Croates à voter Zeljko Komsic, en tant que candidat croate du SDP, car je suis Croate. J’espère cependant qu’ils n’ont pas voté pour moi uniquement pour cette raison. Des Bosniaques et des Serbes ont également voté pour moi, et eux, personne ne les mentionne, alors qu’ils seraient quand même, selon certaines estimations, au nombre de 110 000 en Fédération. Mes électeurs appartiennent également à la catégorie des « autres » [« autre nationalité », NdT], catégorie que tout le monde a oublié. Le fait qu’ils aient tous voté pour moi représente un signe positif pour la Bosnie-Herzégovine. Après, s’il y en a qui tordent les faits, qui prétendent que ma victoire est une mauvaise chose pour la Bosnie-Herzégovine, ce n’est pas mon problème. NN : Avez-vous l’intention de visiter les régions du pays ayant une population majoritairement croate et de discuter avec les gens ? ZK : Bien entendu, c’est mon travail. Ce qui me différentie de Ivo Miro Jovic par exemple, c’est le fait que mon travail sera également d’aller à Konjevic Polje [région serbe, NdT]. De voir comment les gens vivent là-bas, et comment l’on pourrait résoudre le problème avec cette église orthodoxe construite sur le terrain de Fata Orlovic... NN : Cela veut dire que vous allez être président de tous les citoyens, quelque soit leur nom de famille... ZK : Absolument. Le travail à la Présidence ressemble à mon travail précédent, celui de président de la municipalité. Indépendamment de qui a voté pour moi, mon obligation est de m’occuper de tous, du mieux que je puisse. Je dis vraiment ceci sans aucune démagogie. Jusqu’à maintenant, nous avions une logique tordue en Bosnie-Herzégovine, où il était entendu que chaque membre de la Présidence veille uniquement sur ceux qui l’ont élu. Quand on assure la plus haute magistrature d’un Etat, le travail consiste à s’occuper du pays entier et de tous ses citoyens, quelle que soit leur orientation, quelque soit leur nationalité, quel que soit le bulletin de vote qu’ils ont glissé dans l’urne. C’est là, ma logique. NN : Le HDZ ne reconnaît pas votre victoire, le HDZ 1990 met en question votre légitimité, et le fait est que beaucoup de Croates n’étaient pas favorables à votre nomination. Qu’allez-vous faire pour gagner la confiance des gens de Siroki Brijeg ou Capljina [en Hezégovine occidentale, NdT], cette confiance que vous avez déjà obtenue auprès des gens de Sarajevo ? IK : L’idée que la majorité des Croates serait contre moi est seulement un piège de Ivo Miro Jovic. Depuis toujours, je suis à l’aise en Herzégovine et ceci ne va pas changer. Je suis Croate, et je tiens de là ma légitimité. Une partie de ma famille vit dans cette région. Ils sont de Kiseljak. Je suis l’un d’eux. Une logique tordue règne en Bosnie-Herzégovine sur la représentation exclusive des communautés. Cela ne fonctionne pas. D’ailleurs, ces gens qui m’attaquent et contestent ma légitimité ont été au pouvoir pendant quinze ans. Parlant du peuple croate, posons-nous la question : où se trouvent désormais la moitié des Croates de Bosnie-Herzégovine ? Messieurs, vous étiez au pouvoir, répondez à cette question. Encore aujourd’hui, vous vous vantez d’être les seuls à avoir le droit de représenter les Croates, alors que la moitié d’eux n’est même plus dans le pays. Par ma naissance, je suis ce que je suis, et c’est de là que je tiens ma légitimité. Le fait que cela dérange quelqu’un n’est pas mon problème. C’est mon pays, et je veux me sentir chez moi sur chaque millimètre de son sol. NN : Quels seront vos premiers actes, une fois que vous serez officiellement installé sur un des trois fauteuils de la Présidence ? Avez-vous déjà un plan en vue pour vos premiers cent jours à cette fonction ? ZK : Ma position personnelle, qui résulte également de la position politique du SDP, est que la Présidence de Bosnie-Herzégovine doit changer son rôle. Les pouvoirs opérationnel et exécutif doivent absolument être transférés au Conseil des ministres, qui doit pleinement jouer le rôle d’un gouvernement. NN : Oui, mais ceci n’est pas possible sans changements constitutionnels... ZK : Exact. Voilà donc la réponse sur mes premières activités, une fois arrivé à la Présidence. Il faut rouvrir le débat sur les changements constitutionnels, car notre État, tel qu’il fonctionne maintenant, est bloqué par la bureaucratie et l’administration. Il y a beaucoup de mécanismes qui bloquent un travail normal. Il faut attendre que la majorité parlementaire soit confirmée officiellement et voir si on peut enfin adopter ce qui a déjà été entendu. Est-ce la Bosnie-Herzégovine dont je rêve ? Non ! Mais un consensus a été adopté là-dessus. Tôt ou tard, nous devons aborder le sujet des changements constitutionnels. NN : Croyez-vous que vos collègues au sein de la Présidence de BiH, notamment Haris Silajdzic, vont changer la rhétorique qu’ils utilisaient avant les élections ? ZK : Je ne peux pas savoir ce que vont faire les autres. Cependant, on peut déjà observer que les ballons se dégonflent, qu’une rhétorique offensive se met en place. On verra comment les choses vont évoluer, et le premier véritable test sera le processus de réformes constitutionnelles. Le travail de membre de la Présidence ne dépend pas des positions personnelles des uns envers les autres. Il repose sur le fait que nous sommes tous obligés par la loi, par l’éthique mais aussi par la Constitution, de travailler ensemble et de collaborer.
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Débats
sur un référendum en Republika Srpska : la Bosnie régresse de dix
ans
Traduit par Ursula Burger Oesch Publié dans la presse : 2 juin 2006 Mise en ligne : mardi 6 juin 2006 Sur la Toile Les déclarations du Premier ministre de Republika Srpska, Milorad Dodik, sur un éventuel référendum dans cette entité ont provoqué le plus grand tremblement de terre de la période post-Dayton en Bosnie-Herzégovine. Cette question va parasiter les élections de l’automne. Une violente charge de Senad Pecanin, qui estime que Milorad Dodik fait régresser la Bosnie à la situation de l’année 1996. Par Senad Pecanin La scène remonte à seulement quelques semaines après l’attentat contre Zoran Djindjic, en mars 2003. Venu pour la première fois de ma vie à Laktasi, j’ai passé des heures dans le siège de la Ligue des sociaux démocrates indépendants (SNSD) - parti qui faisait à l’époque partie de l’opposition, en attendant l’arrivée de Milorad Dodik pour l’interview que nous avons fixée. À l’époque, j’étais fasciné par le courage avec lequel cet homme luttait contre le Parti démocratique serbe (SDS) et le réseau extrêmement organisé des criminels et des assassins de Republika Srpska. Après l’assassinat du Premier ministre serbe, les criminels de RS ont, de surcroît, reçu le renfort de certains de leurs collègues de Serbie, que l’action « Sablja » du gouvernement de Belgrade avait temporairement obligés de changer d’adresse. Or, leur abri fraternel était dans le voisinage. Et tandis que je l’attendais à Laktasi, Milorad Dodik m’appela à plusieurs reprises depuis Banja Luka, pour s’excuser du retard et signaler qu’il était bien sur le chemin. Ma patience diminuait. Au moment où je m’apprêtais à rentrer sans avoir accompli ma tâche, quand l’attente et le sentiment de ma dignité professionnelle ont prévalu sur mon envie de réaliser l’interview, Dodik apparut enfin, en s’excusant pour son retard. Après une excellente interview, au moment où je m’apprêtais à partir, il m’a soudainement proposé de rester pour discuter avec lui d’une façon informelle, sans micro ni enregistrement. C’est pendant les minutes qui ont suivi que je lui ai fait part de mon admiration pour son courage et son audace de désigner publiquement tous les grands criminels de la RS et leurs protecteurs au sein de la police et du Gouvernement. J’avais peur pour sa vie, j’avais peur qu’il ne connaisse le même destin que Djindjic. Il n’essayait pas de m’impressionner par son courage ; j’avais l’impression de reconnaître chez lui certaines caractéristiques que je me découvre parfois moi-même - une obstination et une rage souvent confondues, par ceux qui ne connaissent pas la situation, avec le courage. J’étais certain qu’il était sincère. Ainsi, confiant, j’ai décidé d’utiliser ce fait pour lui poser une question liée à son engagement politique, qui depuis des années me travaillait. Je lui ai dit que mon équipe de Dani et ses sympathisants de Sarajevo étaient souvent surpris par ses positions politiques radicales, qui déstabilisaient les espoir que nous mettions en lui, comme une personne susceptible de devenir porteur d’une alternative démocratique, non-nationaliste, non seulement serbe mais aussi bosno-herzégovinienne. En accompagnant sa réponse de nombreux compliments pour le magasine Dani, en expliquant qu’il était notre lecteur régulier et que, contrairement aux critiques en provenance du Parti de l’action démocratique (SDA) ou du Parti pour la Bosnie et Herzégovine (SBiH), nos critiques de ses positions nationalistes le touchaient vraiment, il a continué : « Mais vous devez me comprendre : imaginez, par exemple, ma campagne électorale à Teslic. La ville entière vient au meeting. Je me mets à leur parler des droits de l’homme, de la démocratie, des intégrations européennes, de l’état de droit... mais le public demeure muet, il n’y a pas de réactions, comme si je parlais à un troupeau de vaches. Puis je clame : « On ne cèdera jamais la Republika Srpska ! » et la masse se réveille, applaudit, scande... Je ne leur explique pas la façon dont on nous en prive, ni qui veut nous la prendre, ni pourquoi... mais l’effet est là. Vous devez comprendre : si je veux lutter contre ces criminels en RS, je dois me servir de leurs méthodes ». En sachant que Dodik ne parle pas anglais, j’ai évité de citer la fameuse phrase anglaise « That is about leadership », qui illustre pourtant bien les différences entre les véritables leaders politiques qui arrivent à attirer leurs électeurs en affirmant leurs propres convictions politiques et d’autres, qui collectent les voix électorales en s’assujettissant aux masses et leur disant exactement ce qu’elles veulent entendre, même si cela est contraire à leurs propres convictions. Il était difficile d’accepter l’explication de Dodik, mais je mentirais si je disais que je n’avais pas de la compréhension pour sa position. Pour la Bosnie-Herzégovine, mais seulement contre la Turquie L’interview suivante réalisée avec Dodik, je l’avais faite en étant extrêmement énervé contre lui à cause de sa déclaration : « je ne peux soutenir l’équipe de foot de la Bosnie-Herzégovine que quand celle-ci joue contre la Turquie ». C’était juste avant le match décisif pendant les qualifications pour la Coupe du monde, contre la représentation de Serbie et Monténégro à Belgrade. Le parti de Dodik, à cette occasion, avait organisé le transport de supporteurs de la RS vers la Serbie. Pendant le match, ces gens faisaient fort de scander le nom de Ratko Mladic ou dees paroles telles que « Noz, zica, Srebrenica ». J’aurais aimé qu’il décide de mentir, qu’il me dise que sa déclaration était inventée. Mais Dodik n’a pas été « dupe » : il a confirmé l’authenticité de sa phrase. (...) Depuis, je n’ai plus de dilemmes en ce qui concerne le politicien Milorad Dodik. Débattre pour savoir s’il s’agit d’un véritable nationaliste ou de quelqu’un qui utilise le nationalisme uniquement comme moyen de conquête des électeurs est totalement déplacé. Il s’agit d’un politicien odieux, prêt à utiliser les méthodes les plus répugnantes si celles-ci s’avèrent utiles pour la réalisation de son objectif. Or, le seul objectif de Dodik est le pouvoir. Il a compris que la façon la plus facile pour réaliser cet objectif est de rajouter à son aura de brave combattant opposé aux crimes du SDS et de Mladen Ivanic, le rôle de défenseur le plus acharné des « intérêts nationaux serbes ». C’est en ayant en vue cette perspective qu’il faut comprendre sa déclaration récente sur un éventuel référendum sur l’indépendance de la RS. Milorad Dodik ne manque pas d’intelligence : il sait qu’il ne pourrait pas réaliser cette idée sans déclencher une guerre. D’un autre côté, il est évident que même si à la place de Radovan Karadjic, il y avait Dodik à la tête de l’armée, les tchétniks n’arriveraient jamais à réaliser leurs ambitions ratées pendant la dernière guerre. Et ceci, non seulement à cause de la présence de la communauté internationale ou du mauvais état de l’Armée de la Serbie, dont le slogan se réduit à « l’important, c’est de participer », mais aussi parce que les patriotes bosniens ont payé trop cher l’indépendance de leur pays pour la perdre maintenant contre un ennemi aussi pathétique. Il n’y a aucun doute sur le fait que la déclaration de Dodik sur un éventuel référendum en RS a provoqué en Bosnie-Herzégovine le plus grand tremblement de terre depuis Dayton. Il est également évident qu’avant de se refroidir, le sol politique bosnien va encore longtemps être agité par des séismes qui ne vont pas cesser avant les élections en octobre 2006. Ce n’est d’ailleurs pas par hasard que ladite déclaration est prononcée à ce moment précis : c’est une bonne façon de Dodik d’assurer une campagne électorale basée sur l’échange d’artillerie nationaliste verbale de gros calibre. Par son choix d’outils pour la lutte électorale, à l’image des premières élections d’après la guerre, Dodik a également choisi ses partenaires. Du point de vue de ses intérêts de court terme, il a joué un coup exceptionnel. Premièrement, parce que, par de telles déclarations, il a réussi de repousser dans la deuxième ligue des politiciens proserbes le SDS et Mladen Ivanic. Deuxièmement, il a fait une grande faveur à Haris Silajdzzic : il lui a facilité le chemin vers le trône car, pour la population frustrée bosniaque, Silajdzic est le seul défenseur digne de ce nom de la dignité et des intérêts bosniaques. Troisièmement, en sympathisant avec le Parti de l’action démocratique (SDA) dans la tentative ratée d’adoption des amendements constitutionnels, aux yeux des électeurs bosniaques, il a discrédité le SDA et son président Sulejman Tihic personnellement. Dernier point, mais tout aussi important, il a totalement paralysé le Parti social-démocrate de Bosnie et Herzégovine (SDP), dont il était depuis des années le partenaire « naturel » pour les coalitions. Tout le monde perd, seul Silajdzic gagne À présent, il est difficile de dire qui aura le plus de peine à profiler sa campagne électorale : Dragan Covic (SDS), Mladen Ivanic (PDP), Sulejman Tihic (SDA) ou Zlatko Lagumdzija (SDP). Pour les deux premiers, qui portent le fardeau des crimes lourds commis par les cadres de leurs partis au pouvoir, il est pratiquement impossible d’être plus grand Serbe que Dodik. Quant à Sulejman Tihic, il luttera encore longtemps pour prouver tout le non-sens des inculpations séduisantes du « Bloc patriotique » bosniaque, à savoir que c’est seulement grâce à l’échec des réformes constitutionnelles qu’a été écarté la possibilité d’un référendum sur l’indépendance de la RS. La position de Zlatko Lagumdzija et du SDP est la plus compliquée. En plus de ce même problème qu’ont Tihic et le SDA, ils doivent en plus imaginer comment mener une campagne électorale dans la zone étroite limitée par les coordonnées établies par Dodik. D’un côté, il ne faut pas oublier qu’encore à présent, les voix des Bosniaques représentent l’appui électoral le plus solide des sociaux-démocrates. Mais à quel point un Bosniaque moyen sera-t-il intéressé par les propositions d’amendements législatifs du SDP, les intégrations européennes ou les mesures de politique économique si le nouveau thème-clé de la campagne se résume à la question : « la RS peut-elle ou pas devenir indépendante » ? De l’autre côté, une réponse « bosniaque » au défi serbe de Dodik dévaloriserait tout ce que le parti de Lagumdzija a fait jusqu’à présent en tant que véritable parti multiethnique et bosniaco-herzégovien. Même s’il accepte le gant jeté par Dodik, le SDP cognerait contre Haris Silajdzic - le grand mage de la démagogie nationaliste bosniaque. Confronté à lui, et sur son terrain, le SDP peut difficilement s’en sortir avec le résultat, qui, avant la dernière aventure nationaliste de Dodik, semblait encore tout à fait probable. Dodik a-t-il fait plus de dégâts au SDP ou a-t-il encore davantage aidé Silajdzic ? La Bosnie régresse Cependant, une chose est certaine : par ces déclarations, Milorad Dodik a réussi à provoquer une régression de la Bosnie et Herézgovine vers l’année politique 1996. Ce fait parle de lui, mais malheureusement aussi de la Bosnie-Herzégovine. Quand Dodik dit : « J’ai crû davantage en l’avenir de la Bosnie-Herzégovine immédiatement après la guerre que je ne le crois aujourd’hui », il ne parle pas de la Bosnie-Herzégovine, il parle de lui-même. Pourquoi ? Et bien, à cette époque, Slobodan Milosevic et Radovan Karadzic étaient encore les leaders serbes les plus forts en BiH ; Dodik n’avait pas encore un centième de l’influence qu’il a aujourd’hui en tant que politicien dans le pays, pays qui est otage de son délire. Malheureusement, la Bosnie-Herzégovine toute entière ainsi que tous ses citoyens payeront le prix du manque de scrupules de Milorad Dodik. Toute personne qui ne se laissera pas influencer par des démagogies nationalistes et qui ne donnera pas sa voix à Silajdzic ou Dodik mérite un gouvernement bien meilleur que celui qui pendra au coup de la Bosnie-Herzégovine jusqu’aux prochaines élections. Celles de 2010. |
Le Courrier de la Bosnie-Herzégovine
L’avenir de la Bosnie passe par l’éducation : voyage au cœur du labyrinthe éducatif Mise en ligne : dimanche 4 juin 2006 Programmes et manuels scolaires distincts, ségrégation ethnique dans les communes où se maintient la règle « deux écoles sous le même toit » : l’école ne va pas mieux en Bosnie-Herzégovine. L’éducation est pourtant reconnue comme un secteur prioritaire, mais toute réforme se perd dans le labyrinthe administratif des bureaucraties bosniaques... Par Marion Salines Un jour de mars à l’école primaire de Solina, petit village près de Tuzla, dans le nord-est de la Bosnie-Herzégovine : dans la cour de récréation, les enfants se livrent à une joyeuse bataille de boules de neige, avant que la sonnerie ne retentisse, invitant petits Serbes, Croates et Bosniaques à rejoindre les mêmes salles de cours, loin des tensions ethniques qui déchirent encore la Bosnie, dix ans après la signature des accords de paix de Dayton. Si on lui demande pourquoi la situation est si harmonieuse dans la région de Tuzla, l’une des rares villes du pays dirigée par un maire non nationaliste, le vieux directeur de l’école montre du doigt d’un air malicieux le sous-sol : « les mines de sel »... Difficile de trouver une explication plus rationnelle à la diversité des situations, qui varient d’un extrême à l’autre à quelques dizaines de kilomètres d’écart. La visite des écoles fait en effet vite prendre conscience de l’extrême fragmentation du système scolaire bosnien, qui est encore largement divisé par les lignes de conflit ethniques. Dans ce pays à peine plus étendu que la région Midi-Pyrénées sont en vigueur trois programmes scolaires différents. « Les livres scolaires dont certains passages gênants sur la guerre sont rayés à l’encre noire, sont encore monnaie courante dans certaines écoles », rapporte un collaborateur du Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) à Sarajevo. À plusieurs reprises s’est déjà réunie une commission sur les manuels scolaires placée sous l’égide du Berghof Research Center. L’histoire, du fait de l’enjeu qu’elle représente au niveau politique, reste toutefois la matière qui cristallise le plus de tensions. Guerre civile pour les uns, attaque d’une puissance extérieure pour les autres, difficile de s’accorder sur une version commune à enseigner aux jeunes générations. La ségrégation communautaire existe toujours Plus inquiétant encore est le phénomène de « deux écoles sous le même toit », dont une cinquantaine subsiste toujours, malgré les injonctions répétées du Haut Représentant. « Elles furent conçues par la communauté internationale comme une mesure provisoire afin de permettre à tous les enfants de retourner le plus tôt possible à l’école », explique un collaborateur de l’OSCE. « Je me souviens du cas d’un village à majorité croate, dont les enfants bosniaques, du fait des destructions de la guerre, allaient en classe dans des maisons privées. L’école croate disposait de plusieurs salles libres, mais immédiatement après la guerre, les deux communautés se refusaient catégoriquement à un enseignement commun. Il a finalement été décidé que les petits bosniaques suivraient des cours différents dans le même bâtiment. Par la suite, la direction de l’école, soutenue par les autorités locales, a imposé une stricte ségrégation (entrée séparée, temps de récréation décalé, etc), afin qu’aucun contact ne puisse s’établir entre les enfants ». Au lycée de Mostar, ville où les tensions interethniques sont parmi les plus exacerbées, les élèves des deux communautés reçoivent des enseignements rigoureusement séparés, à l’exception notable du français. Depuis la récente création d’une section bilingue, Croates et Bosniaques apprennent ensemble la langue de Molière, sans qu’aucune tension significative entre les élèves ne soit à déplorer. Cette expérience positive démontre s’il en était besoin l’absurdité du système éducatif discriminatoire bosnien, dont les jeunes générations sont les premières victimes. Bien qu’à des degrés variables selon les groupes ethniques, la ségrégation scolaire est dans l’ensemble condamnée par la population [1] ; le statu quo se maintient avant tout par la volonté des hommes politiques au pouvoir, qui appartiennent dans leur immense majorité aux partis nationalistes issus de la guerre. « L’éducation est un enjeu décisif pour l’avenir de la Bosnie, et les nationalistes l’ont bien compris. Ils se livrent à une instrumentalisation sans limites de l’école afin de parvenir aux buts non atteints par la guerre », analyse une jeune étudiante de Mostar, membre du club de débat fraîchement fondé. Cette extrême politisation de l’éducation représente l’obstacle majeur à l’unification du système scolaire. Un système qui doit être modernisé Au-delà des problèmes de ségrégation ethnique, la visite des écoles de Bosnie fait apparaître la nécessité d’une modernisation du système éducatif, encore bien éloigné des standards occidentaux. « Les programmes sont surchargés et l’enseignement trop peu individualisé : les enfants doivent beaucoup apprendre par cœur », se plaignent des étudiants de la faculté de pédagogie de Banja Luka. Certes, les méthodes d’enseignement issues de l’ère socialiste se transforment progressivement sous l’influence du processus de Bologne, auquel la Bosnie participe. Mais la vieille génération d’instituteurs est encore en exercice et les instituts pédagogiques, par manque de moyens, n’offrent aucune formation continue. Le changement de mentalités nécessaire ne saurait donc se produire du jour au lendemain. De plus, la motivation, en raison des possibilités réduites d’avancement et des bas salaires, fait parfois défaut. « Le métier d’enseignant me plaît beaucoup mais est mal rémunéré : 500 KM par mois ! [250 euros] C’est pourquoi je compte travailler comme interprète pour la communauté internationale à Banja Luka », confie le jeune professeur d’anglais de l’école primaire de Teslic, petite ville située à une cinquantaine de kilomètres de Banja Luka. En outre, se fait ressentir un cruel manque en personnel extrascolaire, notamment en psychologues. La plupart des enfants furent traumatisés par la guerre et ne bénéficient d’aucun suivi psychologique. A cela s’ajoute la quasi-inexistence de prise en charge après la classe. L’expérience positive du centre de loisirs de Solina mérite d’être évoquée car elle pourrait être à l’avenir étendue. Accolé à l’école primaire, le centre « Bolje Sutra » accueille les enfants tous les après-midi et leur propose différentes activités sportives et culturelles. Il est financé par les autorités locales ainsi que par plusieurs ONG, dont l’association française « Enfants réfugiés du monde ». Longtemps négligée par la communauté internationale, la réforme de l’éducation apparaît aujourd’hui essentielle à la construction d’une Bosnie multiethnique prospère. Le nouveau Haut Représentant Christian Schwarz-Schilling la considère même comme l’un des deux chantiers les plus urgents - avec le développement économique -, sur lequel il faut concentrer ses efforts [2]. L’OSCE, en charge du dossier depuis juillet 2002, s’efforce entre autres d’encourager l’engagement civique par le biais des conseils des élèves et de la nouvelle matière « Droits de l’Homme et Démocratie », introduite il y a peu dans les lycées. Rencontres inter-entités, magazine commun, voyage d’études : autant d’exemples d’initiatives constructives venant directement des élèves et qui confirment le potentiel de changement présent au sein de la jeune génération. Le labyrinthe administratif Malheureusement, les efforts de la communauté internationale et de la société civile bosnienne se heurtent à l’inertie, voire à l’obstructionnisme de certaines autorités locales. Comme bien d’autres domaines, l’éducation relève en effet principalement de la compétence des deux entités ; en Fédération croato-musulmane, la décentralisation est poussée jusqu’au niveau des cantons, voire des municipalités. Ce pays d’à peine 4 millions d’habitants dispose donc de 13 ministères de l’Education ! « La Bosnie a signé toute une panoplie d’accords internationaux, mais la plupart reste lettre morte car l’absence d’exécution de la part des cantons n’entraîne aucune sanction. Nous disposons de carottes, mais pas de bâton ! », se plaint un collaborateur de l’OSCE. Dans le cadre des négociations en vue de la signature d’un accord d’association et de stabilisation, la Commission européenne exige des progrès significatifs dans le domaine de l’éducation. Il est donc à espérer que la perspective d’adhésion à l’UE, très attendue pour des motifs économiques, accélérera l’unification et la modernisation du système éducatif. Dix ans après la fin de la guerre, seule la jeunesse peut aujourd’hui arracher cette perle des Balkans aux démons nationalistes et construire une Bosnie multiethnique prospère. Le système scolaire actuel ne lui facilite pas la tâche, d’où l’urgente nécessité de le réformer en profondeur. Certes, la route vers une école unifiée et de qualité est encore longue et semée d’embûches, mais l’enjeu mérite qu’on y concentre ses efforts : l’avenir de la Bosnie, tant politique qu’économique, passe par l’éducation ! [1] Sondage mené par l’OSCE en décembre 2005. À la question : « Should children of different ethnicities attend school together ? », ont répondu positivement 97% des Bosniaques, 70% des Croates et 54% des Serbes. [2] Discours de Christian Schwarz-Schilling devant le Conseil de Sécurité des Nations Unies le 18 avril. Lire Conseil de sécurité : il est temps pour la Bosnie de prendre en main son destin |
Droits de la personne : O pointé pour la Fédération de Bosnie-Herzégovine Traduit par Ursula Burger Oesch Publié dans la presse : 10 mai 2006 Selon le rapport annuel des ombudsmen de Fédération de la Bosnie-Herzégovine pour les droits de la personne, la situation est catastrophique. Qu’il s’agisse du droit de la propriété ou du retour des réfugiés, les choses ne s’améliorent toujours pas. Et en termes de multiethnicité, l’administration publique donne le mauvais exemple ! Par A.Terzic Le pouvoir législatif représente le plus grand obstacle à la mise en œuvre et au respect des droits de la personne, constatent, dans leur rapport annuel présenté mercredi 10 mai à Sarajevo et consacré à l’appréciation de la situation dans le domaine des droits de la personne en Fédération de Bosnie-Herzégovine, les médiateurs Vera Jovanovic, Branka Raguz et Esad Muhibic. Selon eux, par l’absence de lois ou le vote de lois discriminatoires et souvent non applicables, le pouvoir législatif favorise des violations massives des droits de la personne. Comme exemple particulier de violation directe de droits de la personne, les médiateurs signalent l’absence de loi sur la restitution des biens, ainsi que l’entrée en vigueur de lois discriminatoires telles les directives sur la restitution, l’attribution et la vente des appartements, ainsi que le rôle de cabinets d’avocats qui exercent déjà un impact négatif sur le déroulement des procès en cours et les cas actuellement en procédure. De sérieuses lacunes dans le respect des droits de la personne ont également été enregistrées dans le retard de la loi sur la protection sociale, celle sur les victimes civiles de guerre et les familles avec enfants. Des violations nombreuses des droits de la personne ont également été relevées dans le cadre de la Loi du travail. Selon les médiateurs fédéraux, la réforme dans le domaine de la justice n’est que partiellement mise en œuvre. Ils ont constaté que la durée des procès continue à dépasser les délais normaux, que les personnes affectées aux positions de juges ont un niveau de connaissances spécialisées très bas, surtout dans les cours municipales. « Dans le domaine de l’économie publique de la Fédération, la tendance vers une démocratisation n’existe pas, la présence de la concurrence ou l’abolition de prix de monopole ne sont pas autorisées. Dans ce domaine, au lieu de démocratisation, tous les partis au pouvoir ont jusqu’à maintenant maintenu l’essentiel de ce secteur, ainsi que les recettes qu’il procure, en-dehors du contrôle public, ce qui est contraire aux principes démocratiques », a souligné Esad Muhibic. Le rapport des médiateurs signale également le problème des opérateurs de téléphonie et des entreprises de diffusion d’électricité : les salaires des employés travaillant au sein de ces entreprises sont trois à quatre fois plus élevés que ceux des employés des mines. On présume également que les critères d’embauche dans ces compagnies sont fortement marqués par le népotisme et non pas par le niveau réel de compétences des personnes engagées. Branka Raguz a attiré l’attention sur le fait que les autorités n’ont rien fait jusqu’à présent dans le domaine de la création de conditions économiques et sociales pour un véritable retour des réfugiés, qui continuent à être favorisé uniquement « en théorie ». « La Bosnie-Herzégovine est un pays partagé en territoires à dominante mononationale, les municipalités continuent à obstruer le retour », a-t-elle souligné. L’administration donne le mauvais exemple La situation parmi les fonctionnaires de l’administration est catastrophique, constate Vera Jovanovic. Elle a souligné que la situation est la plus alarmante dans l’administration municipale de Mostar qui reste complètement désorganisée. La situation est également très mauvaise dans le Canton de Sarajevo qui essaie de donner l’image de l’administration la plus multiethnique de la Fédération. Comme exemple de violation de directives sur l’égalité des droits, les médiateurs ont cité le cas de la municipalité de Novi Grad, à Sarajevo, où parmi 211 employés, on compte185 fonctionnaires de nationalité bosniaque. |
Bosnie : vers un accord sur les réformes constitutionnelles Publié dans la presse : 22 mars 2006 L’ accord sur un paquet global de changements à apporter à la Constitution de Dayton a finalement été signé à Sarajevo le 18 mars par les représentants de sept partis parlementaires bosniens. La discussion de la réforme au Parlement devrait commencer le 23 mars, et le texte être adopté avant le 14 avril, pour qu’il cadre avec les élections d’octobre. L’ accord sur un paquet global de changements à apporter à la Constitution de Dayton a finalement été signé à Sarajevo le 18 mars par les représentants de sept partis parlementaires bosniens, quatre principalement implantés dans la Fédération, le SDA, le SDP, le HDZ et le HNZ, trois en RS : le SDS, le SNSD et le PDP. Le Parti pour la Bosnie (SBiH), qui avait été partie prenante de la déclaration de Washington par laquelle les principales formations politiques de Bosnie-Herzégovine s’engageaient à réformer la Constitution, est resté à l’écart des dernières discussions. Ce parti critique vivement, avec son principal inspirateur, Haris Silajdzic, le compromis adopté, au motif qu’il maintient la division ethnique du pays, qui se trouverait légitimée. Il est rejoint dans ce rejet par d’autres partis, actuellement non représentés au Parlement, comme le SDU (parti social-démocrate dissident du SDP) et les partis croates opposés au HDZ, celui-ci étant lui-même divisé, le cardinal Puljic s’étant de son côté déclaré hostile aux formules proposées. À l’autre bout de l’arc politique et pour des raisons inverses, la condamnation vient des radicaux de la RS. Les Etats-Unis, qui ont patronné le projet, l’Union européenne, qui l’a soutenu, le Haut-Représentant, qui se réjouit de son adoption, y voient un pas important dans le renforcement des institutions de la Bosnie-Herzégovine et du pouvoir de ses dirigeants, qui deviendraient, si le Parlement de Sarajevo ratifiait l’accord, des partenaires responsables pour la mise en œuvre d’une politique d’intégration aux structures euro-atlantiques, alors que les négociations pour la conclusion d’un Accord de stabilisation et d’association ont commencé. La discussion de la réforme au Parlement devrait commencer le 23 mars, et le texte être adopté avant le 14 avril, pour qu’il cadre avec les élections d’octobre. La discussion publique permettra d’en connaître tous les détails. Outre une charte de protection des droits de la personne approuvée dès le début des discussions, les dispositions nouvelles portent sur l’accroissement du nombres des députés des deux chambres, l’élargissement des compétences du Conseil des Ministres central, dont le Président deviendrait un véritable Premier Ministre à l’autorité renforcée, et la substitution d’un Président de l’Etat, assisté de deux vice-présidents, à l’actuelle Présidence collégiale, qui requiert l’accord unanime de ses trois membres. Le Président et les vice-présidents choisis pour représenter les trois peuples constituants de l’Etat seraient élus parmi les députés à la Chambre des Représentants, selon un mécanisme de sélection associant la Chambre des Peuples. La Présidence serait tournante, avec une rotation des fonctions tous les seize mois, soit un mandat présidentiel total de quatre années. La Chambre des Peuples n’interviendrait pas dans le processus législatif, mais uniquement pour la protection éventuelle d’« intérêts nationaux ». La règle selon laquelle tout acte législatif doit obtenir au moins un tiers des voix des représentants de chaque entité resterait en vigueur. Au gouvernement, ce droit de « veto » fonctionnerait sous la forme d’une opposition possible à une décision d’un ministre de chaque « peuple ». Dans la Fédération, l’hostilité à la réforme se concentre sur les dispositions qui maintiennent l’ensemble des droits de veto attribuées aux entités dans les différentes institutions de l’Etat, qui perpétuent la division imposée à Dayton. Les partisans du compromis expliquent pour leur part qu’il importe d’abord d’avancer sur la voie de la construction d’un Etat central, aux pouvoirs élargis par rapport à la situation actuelle et que la transformation de la Bosnie-Herzégovine continuera, notamment pour revoir les structures de la Fédération et de la RS, après les élections d’octobre, parallèlement aux progrès réalisés sur la voie de l’intégration européenne. Ressortent du non dit des considérations sur la nouvelle conjoncture politique qui pourrait se former après les élections et plus encore sur la position des intervenants extérieurs qui n’entendent pas forcer la main des Serbes de la RS, qui font b loc pour préserver l’intégrité de leur entité. Le Haut-Représentant Christian Schwarz-Schilling, vient ainsi, selon Oslobodjenje de déclarer à la récente réunion du Conseil de mise en œuvre des accords de Dayton (PIC) que la « réconciliation ne peut pas être imposée par décret » et que les « institutions établies par la contrainte ne fonctionnent jamais efficacement ». C’est le discours que tiennent toutes les autorités internationales, qui assortissent constamment leurs souhaits que la Bosnie-Herzégovine surmonte sa division ethnique, de la condition qu’elle le fasse par l’accord de toutes ses composantes, ce qui rend le renversement de l’architecture de Dayton impossible à court terme. La « Commission de Venise » du Conseil de l’Europe, qui a présenté en mars 2005 un long rapport sur les problèmes constitutionnels de la BH, a clairement explicité ce qui est l’opinion des tuteurs internationaux du pays en se prononçant pour le maintien des entités et d’un système de représentation « ethnique », jugés par ailleurs regrettables, mais modifiables seulement dans une approche progressive. Les forces politiques bosniennes soucieuses de construire un pays viable et démocratique se trouvent ainsi placées devant un dilemme insupportable : tenir compte de la réalité du contexte international et avancer autant que faire se peut pour améliorer la situation générale du pays, sans remettre en cause un ordre injuste ou s’insurger contre celui-ci au risque de bloquer un peu plus toute possibilité de sortir la Bosnie-Herzégovine du marasme dans lequel elle est plongée, cette alternative étant instrumentalisée par des positionnements tactiques qui sont le lot de toutes les démocraties, particulièrement en période électorale. |
Bosnie : colère autour
de deux huis clos
Traduit par Thomas Claus Publié dans la presse : 9 mars 2006 La justice bosnienne a décidé de fermer deux procès au public. Elle affirme ainsi protéger des témoins victimes de viol. Mais plusieurs avocats et ONG contestent ce huis clos. Selon eux, seuls des procès publics peuvent susciter la confiance des citoyens. Par Nidzara Ahmetasevic et Mirna Mekic Plusieurs avocats, ONG et représentants des victimes ont exprimé leur colère face à la décision prise par la Chambre pour les crimes de guerre de Bosnie-Herzégovine de fermer deux procès au public. Une première dans cette juridiction. Les affaires en question concernent des hommes accusés de crime contre l’humanité, parmi lesquels de nombreux viols de femmes musulmanes, en 1992 et 1993, dans la région de Foca (est de la Bosnie). Parmi eux, Radovan Stankovic. Il fut le premier inculpé à être transféré du Tribunal Pénal International pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) aux tribunaux bosniens, dans le but de réduire les activités de l’institution internationale au cours des prochaines années. Mais, en Bosnie, les procureurs de l’Etat ont demandé que les procès respectifs de Radovan Stankovic et Nedjo Samardzic soient fermés au public. Les procureurs affirment que les procès doivent se tenir à huis clos afin de protéger l’identité et la liberté des femmes venant témoigner à propos de leurs épreuves. Or, nous avons appris que certains témoins demandent un procès public. « L’un des témoins n’avait que quatorze ans lorsqu’elle a été violée. Elle ne veut pas être protégée », explique Mirsada Tabakovic, de l’association des Femmes Victimes de la Guerre. « Elle a décidé de faire face au criminel, et de le faire sans protection. » Le bureau du procureur d’Etat a avancé que ce témoin pourrait révéler au public le nom d’autres personnes susceptibles d’avoir participé aux faits, mais qui n’auraient pas encore été inculpées. La Chambre pour les crimes de guerre a accepté l’argument, et s’est prononcée pour le huis clos. Mais plusieurs juristes protestent. Ils soutiennent que la Chambre aurait pu trouver d’autres moyens de protéger les témoins sans recourir une solution aussi extrême. Selon eux, cette décision va priver les citoyens de l’accès à la vérité et à la justice qu’ils attendent depuis longtemps. Le Centre de Recherche et de Documentation (IDC), une ONG locale qui surveille les procès de crimes de guerre, critique également cette décision. « Fermer un procès au public signifie empêcher ce dernier d’avoir accès à temps aux informations, ce qui est très important pour développer une certaine confiance vis-à-vis de la Cour de Bosnie-Herzégovine », affirme Mirsad Tokaca, le directeur de l’IDC. « En ce moment, construire la confiance envers les institutions judiciaires est primordial. » Mirsad Tokaca ajoute espérer que l’IDC et d’autres ONG seront autorisées à assister au procès. « Même après la décision de fermer un procès aux médias, il reste nécessaire que soient présents les équipes d’observateurs citoyens et les représentants d’organisations qui travaillent avec les victimes », insiste-t-il. « Ce sont ces organisations qui ont fourni les déclarations des témoins et les témoins eux-mêmes au tribunal. » « La justice doit être vue à l’œuvre » La décision a suscité un choc, étant donné que le TPIY n’a jamais eu recours à un huis clos intégral depuis qu’il a commencé ses audiences en 1996. « Il est possible de tenir un procès dans une salle fermée lorsque des victimes de viol sont concernées », explique Aleksandra Milenov, porte-parole du TPIY. « Mais ces procès ne sont que partiellement fermés au public. Le procès complet, cela n’arrive pas », ajoute-t-elle. Mirsada Tabakovic, des Femmes Victimes de la Guerre, se dit également insatisfaite de la décision de la Chambre. « Nous voulions assister [au procès], avec la conviction qu’en agissant ainsi nous apporterions un soutien aux femmes qui témoigneront dans la salle d’audience », explique-t-elle. « C’est plus facile pour elles lorsque nous sommes là. » Chris Stephen, qui a fréquenté le TPIY en tant que journaliste, se dit perplexe. « La justice ne doit pas seulement être rendue, elle doit aussi être vue à l’œuvre », explique-t-il. « La publicité des procès est la seule garantie que les juges procèdent correctement. Cette garantie ne peut qu’être affaiblie si les procès se tiennent dans le secret. » Sa conclusion : « si les témoins, et particulièrement les victimes de viols, ont le droit de voir leur identité protégée, la cour doit se souvenir qu’elle est au service des gens. Pas l’inverse. » |
Bosnie-Serbie : le procès pour génocide attise les tensions Traduit par Stéphane Surprenant Publié dans la presse : 10 mars 2006 Alors que les avocats représentant la Bosnie ont développé leur argumentation pendant sept jours dans le procès pour génocide contre Belgrade devant la Cour de justice internationale (CIJ), les tensions risquent de s’exacerber dans la région. D’autant plus que le procès devra désormais se poursuivre sans que Milosevic ne puisse être reconnu coupable... Par Merdijana Sadovic Sarajevo espère convaincre les juges de la Cour Internationale de Justice (CIJ) que la Serbie et Monténégro, en tant qu’État ayant succédé à la Yougoslavie, est responsable du génocide contre les non-Serbes durant la guerre de 92-95 en Bosnie. C’est la première fois qu’un procès pour génocide à l’échelle étatique dépasse le stade des audiences préliminaires. À mesure que la cause était exposée devant le tribunal, le climat initial d’euphorie qui prévalait en Bosnie a laissé place à un optimisme prudent, tandis que des observateurs croient que des considérations politiques pourraient faire dérailler le processus. Jusqu’à maintenant, l’équipe bosniaque a insisté pour dire qu’il ne s’agissait aucunement de démoniser les Serbes en général, mais bien de réparer les injustices des années 1990 en blâmant les personnes qui le méritaient et obtenir des compensations financières. Par contre, dans l’entité serbe de Bosnie, la possibilité que l’initiative de Sarajevo soit couronnée de succès a pour conséquence que le scepticisme ambiant du début soit progressivement remplacé par une vague d’émotions allant de la colère à l’indignation, en passant par l’apitoiement sur soi-même. Pendant les sept premières journées d’audiences, qui se sont terminées le 7 mars, les avocats et les experts défendant la cause de la Bosnie ont présenté les grandes lignes de leur très complexe plaidoirie. Malgré la quantité impressionante de documents et de preuves diverses à leur disposition, il est vite devenu clair à quel point il sera difficile d’invoquer des concepts aussi épineux que la responsabilité d’État et de démontrer que des intentions génocidaires ont existé au plus haut niveau du pouvoir à Belgrade. L’avocate australienne Magda Karagiannakis a consacré beaucoup de temps à démontrer, le 6 mars, toute l’ampleur de l’implication des forces irrégulières - dont les « soi-disant unités de volontaires, les unités du Ministère de l’Intérieur de Serbie et autres unités paramilitaires serbes » - dans les exactions commises contre les populations non-serbes de Bosnie. Belgrade, a-t-elle affirmé, a joué un rôle décisif dans le « contrôle, la direction et ou le support » de ces unités. Me Karagiannakis a déclaré que ces troupes - dont les sinistres Bérets Rouges et les hommes de main du commandant paramilitaire Zeljko « Arkan » Raznatovic -, « de facto et de jure sous le contrôle » du Ministère serbe de l’Intérieur, avaient imposé un véritable climat de terreur chez les habitants non-serbes de Bosnie pendant la guerre. Leurs méthodes, a-t-elle poursuivi, incluaient « le viol, le meurtre, le pillage et la destruction des propriétés ». L’expert financier norvégien Morten Torkildsen a aussi expliqué à la Cour comment Belgrade avait financé l’Armée serbe de Bosnie (VRS), impliquée dans des activités de nettoyage ethnique à travers la Bosnie et dans des milliers d’exécutions extra-judiciaires de prisonniers à Srebrenica. Cet épisode de la guerre a par ailleurs déjà été défini comme un génocide par les juges du Tribunal Criminel International sur l’ancienne Yougoslavie (TCIY). Morten Torkildsen, qui avait précédemment travaillé pour les procureurs de la poursuite au TCIY lors du procès de l’ancien Président yougoslave Slobodan Milosevic, a soutenu que la Yougoslavie constituait effectivement une seule et même entité économique avec les républiques serbes auto-proclamées de Bosnie et de Croatie. Cette structure était, a-t-il assuré, contrôlée par Belgrade. Bonnes plaidoieries pour la Bosnie Des observateurs interrogés à Sarajevo ont paru satisfaits de la manière dont la cause s’est déroulée jusqu’ici. « Je pense que l’équipe bosniaque a eu une excellente présentation initiale », a confié le journaliste de la télévision Boris Grubesic qui a couvert cette première semaine d’audiences. L’équipe de Bosnie, a-t-il continué, a énuméré les preuves à sa disposition « d’une façon très efficace » et lui a donné l’impression que Sarajevo a « de bonnes chances de gagner sa cause ». Edina Becirevic, conférencière émérite dans l’étude des questions de sécurité de l’Université de Sarajevo, a dit n’avoir vu aucune faille dans l’argumentaire des avocats de la Bosnie. Cependant, tous deux ont émis des réserves. « Il y a toujours la possibilité que certains groupes de pression internationaux décident qu’un jugement en faveur de la Bosnie puisse avoir des effets négatifs sur la stabilité dans la région », a expliqué Becirevic. « Il est fort possible que les juges de la CIJ auront à ajuster leur décision en fonction de celle de leurs gouvernements respectifs ». Boris Grubesic a suggéré que la communauté internationale pourrait même, « pour le bien de la paix dans la région et l’avenir de l’intégration européenne », s’arranger pour que le litige se règle hors de la Cour. Sead Numanovic, reporter au quotidien de Sarajevo Dnevni Avaz, est d’accord avec cette hypothèse. « Déclarer la Serbie et Monténégro coupable de génocide ne cadre pas avec les plans actuels qu’a la communauté internationale pour la Serbie », a-t-il constaté. « Si les juges suivent ce raisonnement, je suis certain qu’ils trouveront une façon d’éviter de prononcer un tel verdict ». Bien sûr, tous les observateurs ne sont pas aussi impressionnés par l’approche des avocats bosniaques. Mirsad Tokaca, Directeur du Centre de Recherche et de Documentation basé à Sarajevo, s’est dit surpris par le fait que cette équipe ait choisi de ne faire appel qu’à trois experts pour étayer leur cause. Le début des comparutions des experts et des témoins est prévu pour le 17 mars. Vers un règlement hors de la Cour ? Francis Boyle, un professeur de Droit de l’Université de l’Illinois, qui a initié la procédure judiciaire pour la partie bosniaque en 1993 mais qui ne travaille plus à cette cause aujourd’hui, a été cité dans la presse locale, affirmant que cela constituait un indice clair que l’équipe bosniaque avait cédé aux pressions internationales et se préparait à accepter un règlement hors de la Cour. Eric Gordy, professeur associé de sociologie à l’Université Clark aux États-Unis, ne partage pas cette opinion. « La Bosnie n’a pas besoin de beaucoup de témoins parce qu’elle a peu à démontrer du strict point de vue des faits », a-t-il affirmé. « Ils doivent surtout persuader les juges que les forces actives en Bosnie prenaient leurs ordres de Belgrade ; tout le reste n’est qu’une question de procédure. » Depuis le début du procès le 27 février dernier, l’équipe bosniaque a bien tenu à établir une distinction entre l’attribution de la responsabilité pour génocide à un État et l’attribution de celle-ci à la population entière de cet État. « Considérer le répondant comme responsable d’un génocide ne signifie pas que le peuple de Serbie et Monténégro soit coupable de ce génocide », a précisé le professeur Thomas Franck, un membre américain de l’équipe. « Mais cet État a sciemment dirigé, aidé, entraîné, armé, équipé, payé et inspiré ceux qui ont perpétré le génocide », a-t-il ajouté. « Bien qu’un grand nombre de Serbes ne partagent pas la culpabilité des criminels, ils partagent tous la responsabilité citoyenne d’admettre l’énormité de ce qui a été commis en leur nom et de faire amende honorable ». Critiques et craintes en Republika Srpska Il semble cependant que Franck et ses collègues aient eu assez peu de succès à convaincre les Serbes à travers les Balkans. Dans l’entité serbe de Bosnie, la Republika Srpska (RS), l’opinion domine toujours qu’il s’agit d’une accusation contre la nation serbe en entier. On y a fait peu de cas des arguments des Musulmans et des Croates de Bosnie selon lesquels une victoire de Sarajevo devant la Cour donnerait droit aux réparations à toute la Bosnie, incluant la population serbe. S’exprimant sur les ondes d’une station de télévision de Banja Luka le 5 mars, le ministre des Affaires étrangères Mladen Ivanic - lui-même serbe - a réitéré ses critiques selon lesquelles la poursuite est illégitime puisqu’une proportion significative de la population du pays ne l’appuie pas. « Le résultat final de la poursuite ne sera pas bonne pour la situation politique générale en Bosnie », a-t-il déclaré. Le groupe serbe à l’Assemblée nationale de RS a demandé à toutes les institutions de l’entité de « s’opposer fermement » au procès et de tout mettre en œuvre pour y faire obstruction. Le groupe serbe a également répété ses accusations à l’effet que l’objectif ultime de la procédure est de remettre à l’ordre du jour l’abolition de la RS. Le Premier Ministre de RS Milorad Dodik a prévenu que le procès pourrait conduire à « une nouvelle instabilité politique » en Bosnie. Une source proche du gouvernement bosniaque a résumé ce que plusieurs pensent tout bas : « Si la Serbie et Monténégro est reconnue coupable de génocide, cela laissera un stigmate moral pour tous les Serbes, y compris ceux de Republika Srpska ». Des conséquences « dramatiques » pour la région selon Belgrade Des politiciens de Serbie et Monténégro ont aussi attaqué le procès. Alors que le procès a commencé fin de février, le vice-Premier Ministre Miroljub Labus a déclaré à l’agence de presse Tanjug que si la CIJ ne rejetait pas les accusations de génocide, les conséquences pour toute la région pourraient se révéler « dramatiques ». Il est allé encore plus loin en ajoutant : « Je ne crois pas que la Bosnie serait capable de demeurer un État intègre après cela ». Pour les citoyens de Serbie et Monténégro, l’une des questions primordiales est celle des réparations. L’équipe de Sarajevo s’est refusée jusqu’à maintenant à spécifier le montant que la Bosnie pourrait demander à Belgrade dans le cas où la Cour trancherait en faveur de compensations financières. Mais des rumeurs non confirmées parlent d’une somme approximative de 100 milliards de dollars américains. Lors d’un récent débat sur le site web de la station de radio B92 basée à Belgrade - écoutée par les populations urbaines aux opinions politiques habituellement modérées -, la plupart des participants ne voyaient aucune raison de payer pour les dommages causés par le régime de Milosevic, qu’ils n’ont d’ailleurs jamais soutenu. Les Serbes ne veulent pas payer pour les crimes de Milosevic Condamnant les crimes perpétrés en Bosnie, les qualifiant même à l’occasion de génocide, les participants ont dit entre autres que « les Serbes de Bosnie sont à blâmer », que la plupart des gens en Serbie « n’avaient rien à voir avec tout cela », et que de payer des réparations « ruinerait la Serbie financièrement ». « Je ne me sens pas responsable de ce que Milosevic et le gouvernement serbe ont fait. Au contraire, j’en suis une victime moi aussi ! » a lancé l’un des participants. Il a continué : « Je ne vais pas donner un seul centime pour des réparations, pour la simple et bonne raison que je n’ai pas de centime à donner ». « Le plus tragique là-dedans est que moi, qui ai toujours combattu le régime de Milosevic, je devrais en plus payer pour des réparations ! » s’est exclamé un autre. Certains observateurs espèrent que le procès entraînera un changement dans les attitudes qui prévalent à propos des conflits armés des années 1990. « Les gens en Serbie et Monténégro et en RS ne sont pas encore prêts à regarder la vérité en face, mais le processus qui se déroule à la Cour Internationale de Justice va les y forcer », a affirmé Mirela Hukovic, une reporter de Radio 1 de Bosnie qui a couvert la première semaine d’audiences. Mirela Hukovic a ajouté que les Serbes de Bosnie sont manipulés par leurs dirigeants, lesquels n’hésitent pas à exploiter les craintes suscitées par le procès pour marquer des points dans la course en vue des prochaines élections générales prévues pour la fin de cette année. Mais même en Serbie, l’opposition au procès n’est pas unanime. « Nous étions ici, nous étions majeurs, mais nous n’avons pas fait assez pour arrêter la guerre et les crimes dont il est question », a écrit un professeur de Belgrade sur le site web de B92. « Si seulement nous pouvions imaginer la douleur des autres peuples de l’ancienne Yougoslavie engendrée par cette injustice, alors notre propre détresse deviendrait le fondement de la compassion et non pas de la colère ». |
la plainte pour génocide contre la Serbie Publié dans la presse : 2 mars 2006 La Cour internationale de justice (CIJ), principal organe judiciaire des Nations Unies tient, depuis lundi 27 février, des audiences publiques sur l’affaire de l’Application de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine contre Serbie-Monténégro). Historique et détails de la plainte. Par Dzevad Sabljakovic Lorsqu’en février 2002 Slobodan Milosevic, ancien Président de la Serbie et de la République fédérale de Yougoslavie est apparu devant ses juges au Tribunal de La Haye, les médias internationaux avaient parlé du « procès du siècle ». C’était en effet la première fois dans l’histoire de la justice internationale que le président d’un État était traduit en justice et accusé des crimes de guerre et de génocide. Les médias ont à nouveau qualifié le début de la procédure finale concernant la plainte déposée par la Bosnie-Herzégovine contre la Serbie-Monténégro auprès de la Cour Internationale de Justice « de procès du siècle », mais il s’agit cette fois-ci d’un procès entre États : pour la première fois dans l’histoire, un État doit répondre, devant la plus haute instance judiciaire internationale, du crime de génocide, crime le plus grave reconnu par la justice internationale. Historique de la procédure Le 20 mars 1993, la Bosnie-Herzégovine a déposé au Greffe de la Cour une requête introductive contre la Serbie-Monténégro (alors appelée République Fédérale de Yougoslavie) au sujet d’un différend alléguant des violations de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, telle qu’adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies le 9 décembre 1948. Dans sa requête, la Bosnie-Herzégovine avait notamment demandé à la Cour de déclarer que la Serbie-Monténégro, par le truchement de ses agents et auxiliaires, « avait tué, assassiné, blessé, violé, volé, torturé, enlevé, détenu illégalement et exterminé les citoyens de la Bosnie-Herzégovine », et qu’il lui incombait de cesser sans délai cette pratique de « purification ethnique ». Cette procédure avait été entamée bien avant la signature des accords de Dayton, mais à un moment où la Bosnie-Herzégovine existait déjà en tant quÉtat souverain et internationalement reconnu, et la Cour a considéré que cette plainte pouvait être retenue. Pourtant, les autorités de la République Fédérale, et par la suite celles de la Serbie-Monténégro, ont toujours contesté les faits, tout au cours des 13 années de la procédure. Belgrade conteste la compétence de la Cour Les juristes de Belgrade ont tout d’abord contesté la compétence même de la Cour. Leur argument de base étant qu’en 1993, lorsque la Bosnie-Herzégovine avait déposé cette plainte, la République Fédérale de Yougoslavie n’était soi-disant pas membre des Nations Unies et que la Cour Internationale de Justice étant un organe de l’ONU, elle n’était pas compétente pour traiter cette affaire. Ils ajoutaient par ailleurs que ceux qui étaient au pouvoir à l’époque étaient précisément jugés un kilomètre plus loin par le Tribunal pénal de la Haye et que c’étaient eux, et non pas l’État, les véritables responsables de ces crimes. La CIJ a rejeté à deux reprises, en 1996 et 2003, l’argument de la RFY, réitéré par la Serbie-Monténégro, invoquant son incompétence. Car pour la CIJ, la RFY avait, dès 1992, insisté sur la continuité de la République Fédérale Socialiste de Yougoslavie, ce que réfutait l’Assemblée générale des Nations unies demandant que le nouvel Etat demande à devenir membre de l’Organisation mondiale. Il a été stipulé, dans la décision de la Cour internationale de justice : « Dans le strict respect de la continuité de la personnalité internationale de la Yougoslavie, la République Fédérale de Yougoslavie continuera à exercer tous les droits conférés à la République Socialiste Fédérale de Yougoslavie et à s’acquitter de toutes les obligations assumées par cette dernière dans les relations internationales, y compris en ce qui concerne son appartenance à toutes les organisations internationales et sa participation à tous les traités internationaux que la Yougoslavie a ratifiés ou auxquels elle a adhéré ». Les juges ont tenu compte du fait que la RFY avait versé pendant huit ans sa contribution aux Nations Unies, jusqu’au mois de novembre 2000. Puis, après la chute de Milosevic, elle a renoncé à insister sur la « continuité » et a été admise à l’ONU. Derniers blocages en provenance de Republika Srpska Pour les quinze juges, l’affaire est claire et nette. Il s’agit d’un différend entre États, parfaitement légal, où la partie plaignante est la Bosnie-Herzégovine - à titre d’Etat - et la partie accusée la Serbie-Monténégro, également à tire d’Etat. Pour la Cour Internationale de Justice, l’Etat reste toujours égal à lui-même, quels que soient ceux qui le dirigent ; donc juridiquement parlant, l’affaire était close. Mais pas pour la direction politique de la Republika Srpska, ni pour ses représentants au sein des institutions du pouvoir en Bosnie-Herzégovine. Alors que les experts de la Serbie-Monténégro se préparaient sérieusement pour ce procès, conscients qu’il s’agissait d’une affaire sérieuse et conforme à la logique du droit international, Borislav Paravac, membre serbe de la Présidence de Bosnie-Herzégovine et Mladen Ivanic, ministre des Affaires étrangères ont tenté, il y a deux mois, d’empêcher la poursuite de ce procès en usant d’une ruse. Ils ont demandé à la Cour d’arrêter la procédure jusqu’à ce que la preuve soit donnée que la plainte, déposée 13 ans auparavant, était bien conforme à la Constitution. La CIJ n’a pas confirmé avoir reçu cette demande, mais même si cela était le cas, cela n’aurait aucun effet, la CIJ reconnaissant uniquement les demandes envoyées par la Présidence collégiale de Bosnie-Herzégovine et ce par l’intermédiaire de son représentant agréé. En un mot, les représentants de la RS ne sont pas en mesure de faire stopper la procédure au nom de l’État de Bosnie-Herzégovine. Ainsi, juridiquement parlant, l’affaire est close. D’autre part, les juristes engagés par la Serbie-Monténégro ont renoncé à leur argumentation, considérée par la CIJ comme étant inacceptable, à savoir que la plainte de la Bosnie-Herzégovine contre la Serbie-Monténégro - pour agression et génocide - était contraire aux intérêts du peuple serbe de Bosnie, que ce peuple n’avait pas été consulté au moment du dépôt de cette plainte. Ils s’efforcent de contester la compétence de cette Cour sur le plan formel et juridique. Aux dires de M.Vojin Dimitrijevic, professeur à la Faculté de droit de Belgrade (nommé juge ad hoc de la CIJ), c’est là la seule manière permettant de sortir la Serbie-Monténégro « de cette mélasse ». Le professeur Dimitrijevic considère que cette affaire de plainte est extrêmement sérieuse et avance lui-même certains arguments qui ne sont pas précisément en faveur de la SCG. Premièrement, le Tribunal pénal international, qui se trouve à 1 kilomètre de la CJI, a constaté, dans l’une de ses premières sentences prononcée contre Dusko Tadic, un bosno-serbe, qu’entre 1992 et 1995 « il y avait eu en Bosnie-Herzégovine un état de guerre internationale, donc, pas une guerre civile ou ethnique, comme le soutiennent inlassablement les autorités officielles et les médias de Belgrade ». Deuxièmement, Slobodan Milosevic a lui-même confirmé cet « état de guerre international » en avouant que Belgrade envoyait secrètement d’importants moyens à la Republika Srpska avant tout sous forme d’aide militaire. Troisièmement, le Tribunal de la Haye a établi, dans l’énoncé du jugement de Radoslav Krstic, qu’au cours de la guerre en Bosnie-Herzégovine, entre 1992-1995, la situation constituait un « état de génocide ». Momcilo Krajisnik, ancien président du Parlement de le RS, a été accusé de génocide en Bosnie-Herzégovine et dans 11 autres des cas jugés par le TPI, il est question de génocide ou de participation à un génocide. Tous ces faits pourront, ou non, être acceptés par les 15 juges de la CIJ. Cependant, les représentants de la Serbie-Monténégro ont fini par comprendre qu’ils n’obtiendraient rien en rejetant en bloc tous les crimes commis en Bosnie-Herzégovine par les unités de l’armée serbe et en prétendant que les Serbes en Bosnie étaient eux les victimes et ont à nouveau basé leur défense sur le fait qu’au moment où la Bosnie a déposé sa plainte, la Serbie-Monténégro n’était pas membre de l’ONU et que, par conséquent la Cour de justice Internationale, en tant qu’agence de l’ONU, n’était pas compétente pour juger cette affaire. Au cours des audiences publiques, qui ont débuté le 27 février, ce sont d’abord les représentants de la Bosnie-Herzégovine qui présenteront leurs arguments pendant sept jours. Puis, ce sera au tour des avocats de la SCG, qui disposeront eux aussi d’une semaine. Ensuite, les deux parties feront appel à leurs témoins. Le procès doit se prolonger jusqu’au 9 mai et le jugement est attendu au début de 2007. Il faut rappeler que les réparations de guerre, que l’on a souvent évoquées, ne font pas partie du dossier et les juges n’auront pas à s’exprimer à ce sujet. Mais, au cas où la Bosnie-Herzégovine devait gagner ce procès, elle pourrait alors réclamer à la Serbie-Monténégro des réparations pour dommages de guerre . |
Pour une sexualité
responsable : l’association XY en Bosnie
Par Anouche Topalian Mise en ligne : mardi 14 février 2006 Feda Mehmedovic, anime des ateliers informels sur la sexualité. La semaine dernière, il s’est rendu dans une école secondaire de Ilidza, dans la banlieue de Sarajevo, pour animer une classe de jeunes de treize, quatorze ans. Si l’humour accompagne souvent ces séances, elles sont utiles et permettent de répondre aux questions parfois timides des élèves, des questions restées trop souvent sans réponses : le programme de biologie n’abordant que très succinctement et très pudiquement l’anatomie, la physiologie et la reproduction sexuelle. Retour sur un combat contre le conservatisme. Tijana Medvedec, présidente de l’association XY [1] et Feda Mehmedovic ont animé, dans les locaux du Forum International Bosnie, une rencontre sur le thème de la reproduction sexuelle, des risques de MST et des moyens de prévention et de contraception. Même si de réels tabous existent encore en Bosnie des centres d’informations pour les jeunes tentent de libérer la parole sur les pratiques sexuelles et les risques de transmission des virus. La ville de Sarajevo soutient l’association XY, comme elle soutient les initiatives associatives dans le domaine de la santé, grâce au programme intitulé « Sarajevo - Zdravi Grad ». Svjetlana Fabijancic-Grbic, présente à cette réunion soulève le problème du conservatisme de certains dirigeants et représentants politiques. Ils ralentissent volontairement les tentatives du secteur informel par peur de les voir prendre une autonomie grandissante. Malgré tout, tout comme l’association XY, de nombreuses initiatives existent à des échelles locales. Plus de dix centres médicaux sont ouverts dans toute la Bosnie et accueillent les jeunes pour répondre à leurs demandes : information sur les pratiques sexuelles, débats ouverts et paroles libres, moyens de contraceptions existants, connaissance des risques pour mieux se protéger etc.... Ces centres à l’image des plannings familiaux en France sont les seuls à permettre au public des consultations gynécologiques, des tests HIV ainsi que des ordonnances de contraceptifs gratuits. Autrement, ces services restent payants et bien trop chers pour la jeunesse de Bosnie : 15 KM pour un test HIV. La parole est-elle libre ? Les jeunes se rendent-ils facilement dans ces centres ? Encore une fois l’habitus social et certaines traditions conservatrices barrent la route de l’autonomie et des choix individuels des jeunes, garçons et filles. A Sarajevo, cela se fait moins ressentir. Mais dans les villes plus petites, dans les villages, le tabou social reste dominant et si de tels centres d’accueils et d’informations existent, encore faut-il qu’ils soient fréquentés. L’association XY a bien compris l’importance de la prévention et de la communication. L’une ne va pas sans l’autre. Aussi cette association organise t-elle se qu’on appelle « vršnjacka educacija », c’est- à - dire une éducation informelle, d’un jeune à l’autre, auprès des écoles secondaires, des lycées et des facultés. L’association XY a été sollicité récemment par une école secondaire, dans le village de Vitez, au alentour de Sarajevo, pour intervenir et informer les élèves - trois jeunes filles de l’école étant enceinte dans cet établissement. A côté de ces progrès, le conservatisme et les tabous sévissent encore comme à l’image de cette école en Republika Srpska où le principal a interdit à ses élèves toute discussion relative au sexe. Si des centres de santé et de prévention parsèment le pays, si des associations comme XY sont effectivement sollicitées par certains établissements scolaires, ces initiatives sont encore trop peu nombreuses, ne sont pas suffisamment encouragées par le gouvernement et surtout elles ne représentent pas un changement radical dans les mentalités. Merima, étudiante en économie à la faculté de Sarajevo, indique qu’ici, c’est assez facile de parler de ce sujet entre amis. Elle se rappelle d’ailleurs que lors de la journée de prévention du SIDA, chaque 1er décembre, l’association XY distribuait des fascicules de prévention dans les bars, les cafés et dans les rues. Ces fascicules parlent de ce que les jeunes veulent savoir mais n’osent pas toujours demander. A qui s’adresser : aux parents, aux enseignants, ou au médecin de famille ? Ces démarches risqueraient de s’ébruiter du médecin au père de famille, aux voisins et ici le contrôle social reste pesant pour cette jeunesse partagée entre tradition et modernité. Aussi ces dépliants sont-ils d’une importance considérable pour la prévention du Sida et la connaissance des différents moyens de contraceptions : ils abordent sans tabous des thèmes transversaux, de la première fois chez le gynécologue, à la masturbation, à l’utilisation du diaphragme, de la pilule, et des préservatifs jusqu’aux rapports sexuels et l’écoute de l’autre... Les supports existent donc, et même si l’Etat ne subventionne que trop peu ces associations, quelques bailleurs étrangers leurs viennent en aide pour pérenniser leurs projets. Pourtant tout le travail reste à faire, celui-là difficile de faire évoluer les mœurs de la société : la jeunesse bosnienne sera-t-elle protagoniste de ce changement progressif ? [1] Asocijacija za seksualno i reproduktivno zdravlje - XY http://www.xy.com.ba , bhfpa.xy@bih.net.ba |
Traduit par Thomas Claus
Publié dans la presse : 19 janvier 2006
Le premier janvier, le gouvernement bosnien a introduit la TVA sur son territoire. A long terme, des effets positifs sont attendus. Mais beaucoup dénoncent la mesure : avec son taux fixe, la TVA risque de tirer vers le bas la moitié de la population qui avoisine le seuil de pauvreté ou qui vit en dessous. Par Nidzara Ahmetasevic Le premier janvier 2006, les Bosniens se sont réveillés avec quelque chose en plus dans leur vie : la TVA. La taxe sur la valeur ajoutée vient d’être introduite, afin de stimuler les finances désespérément maigres de l’Etat. Mais, avec son taux fixe, la TVA frappera durement les citoyens les plus pauvres. La Bosnie-Herzégovine est le dernier pays de la région à introduire la TVA, mais aussi le seul à avoir choisi un taux fixe de 17%. Les citoyens ont demandé que les produits essentiels soient laissés hors du champ d’application de la TVA, ou que la taxe soit mise en œuvre à des taux variant selon les produits. En dépit de cela, le gouvernement s’est prononcé pour un taux fixe. Le Bureau du Haut Représentant de la communauté internationale, qui soutient cette mesure, a tenté de faire passer la pilule en décrivant l’introduction de la TVA comme « un prérequis essentiel pour la poursuite de l’intégration de la Bosnie-Herzégovine dans le courant européen. » Mais beaucoup de gens n’en verront que l’augmentation du prix de leurs courses hebdomadaire par rapport au mois de décembre. Certains économistes décrivent cette mesure comme un travail bâclé. Selon eux, aucune préparation n’a été faite pour adoucir le choc que l’introduction de la TVA provoquera sur les pauvres. Les syndicats sont également en colère. Edhem Biber, le dirigeant du Syndicat Indépendant, affirme que la nouvelle taxe va fortement miner le niveau de vie d’au moins un million de personnes. Le gouvernement refuse de renoncer au système à taux fixe, mais il a essayé d’en adoucir les effets en plaçant des limites sur les marges de profits pour quatre produits : la farine, le pain, l’huile et le lait. Manque d’informationsDes inspecteurs contrôlent les magasins afin de s’assurer que les marchands ne tentent pas de profiter de la confusion pour augmenter leur prix au-delà du taux requis. Ces contrôles, à l’efficacité limitée, n’ont pas empêché certains détaillants de majorer leurs prix, y compris sur les quatre produits protégés. Le gouvernement a également ouvert une ligne téléphonique visant à fournir des informations et à détecter les irrégularités concernant la hausse des prix. « La plupart du temps, ce sont des retraités qui nous appellent, pour dénoncer des prix trop élevés sur les produits alimentaires et les produits d’hygiène », explique Dragan Tomic, le responsable de ce service. « D’après ce que nous entendons, certains marchands abusent de la TVA et augmentent fortement leurs prix. » Pour les observateurs, une bonne partie de ce chaos aurait pu être évitée si les consommateurs et les détaillants avaient été informés. Le professeur Dragomir Stojanov, de la Faculté d’Economie de l’Université de Sarajevo, dénonce un manque d’informations sur beaucoup de questions et sur des failles possibles. Comme la possibilité de créer des sociétés fictives à l’étranger afin de récupérer le montant de la TVA. « Je ne sais même pas si des solutions à ces problèmes ont été recherchées ou si l’introduction de la TVA a été une décision hâtive visant à renflouer les caisses de l’Etat », souligne-t-il. Pour Dragomir Stojanov, recourir à un taux fixe est une seconde erreur, qui va surtout frapper les pauvres. « L’explication selon laquelle c’est la manière la plus simple de collecter les taxes n’est pas satisfaisante », continue-t-il. « Le nouveau système pousse tout le monde vers la limite, ou laisse les gens vaciller au bord du seuil de pauvreté. » Une aide publique encore à l’état de projetLa pauvreté touche en effet beaucoup de gens en Bosnie-Herzégovine. La Banque Mondiale (BM) considère que presque 20% de la population vit sous un seuil de pauvreté de 150 marks convertibles (KM) par mois, soit 75 euros. Mais un autre tiers de la population vit à peine au-delà de ce seuil. La pauvreté est aggravée par un taux de chômage élevé, qui atteint à présent environ 510.000 personnes, selon les syndicats. Un chiffre étonnant dans un pays de quatre millions d’habitants. Surtout si on le compare au nombre officiel de travailleurs : un peu moins de 640.000. La Bosnie-Herzégovine reste bloquée dans un cycle de croissance basse. L’argent qui rentre dans le pays sert à financer les institutions d’état plus qu’à créer des emplois via le développement économique. Le Gouvernement affirme que des programmes sociaux vont amoindrir l’impact de la TVA sur les pauvres. Radovan Vignjevic, ministre du Travail et des Affaires sociales dans le gouvernement de la Fédération, l’une des deux entités du pays, affirme avoir prévu 25 millions de KM (12 millions d’euros) pour ces programmes. Son plan est d’identifier les 150.000 citoyens de la Fédération vivant seuls avec un revenu mensuel inférieur à 200 KM (100 euros). Mais ce programme n’a pas encore été approuvé. Le budget 2006 de la Fédération n’a lui-même pas encore été adopté. L’autre entité de la Bosnie-Herzégovine, la Republika Srpska, prévoit de mettre en place un programme similaire. Mais de ce côté non plus, le budget n’a pas encore été voté. Les deux entités unies par la même taxeLes hauts représentants de l’Etat maintiennent que le nouveau système de TVA fournira des bénéfices à long terme. Pour Kemal Kozaric, le gouverneur de la Banque centrale de Bosnie-Herzégovine, l’accueil négatif de la TVA est dû à un manque d’explications. « Les effets positifs de la TVA n’ont pas été assez soulignés », affirme-t-il. « Au contraire, les dirigeants font sans cesse référence aux aspects sociaux de la question, et essaient de convaincre les gens que ce sont les programmes sociaux - encore hors d’application - qui vont résoudre les problèmes. » Selon Kemal Kozaric, les dirigeants ne soulignent pas assez la capacité de cette taxe à unir l’espace économique de Bosnie-Herzégovine. « Auparavant, les taxes n’étaient pas les mêmes dans les deux entités, à cause de quoi les sociétés actives sur l’ensemble du territoire devaient maintenir des comptes séparés », explique-t-il. Il affirme que la TVA va réduire le marché noir, qui représente actuellement 30% de l’activité économique. La taxe va également augmenter les exportations. « C’est très important pour nous, puisque notre déficit commercial dépasse 7 milliard de KM en 2005 [3,5 milliards d’euros] », souligne Kemal Kozaric. Selon la BM, la taille du déséquilibre entre l’import et l’export est un problème important pour l’économie bosnienne. A long terme, la stabilité de la Bosnie-Herzégovine pourrait être mise en danger si les autorités échouaient à résoudre trois problèmes économiques fondamentaux : le profond déficit du commerce extérieur ; le taux élevé de chômage ; et la situation du secteur public, qui nécessite une réforme, dont le financement pourrait se faire aux dépens du développement du pays. Le test majeur du système surviendra à la fin de l’année fiscale, lorsque les entreprises demanderont à être remboursées de la TVA par l’Etat. Si l’opération se passe mal, l’entièreté du projet pourrait s’écrouler et être assimilée à un échec. Dragomir Stojanov reste sceptique sur la pertinence de l’introduction de la TVA en Bosnie. Pour lui, cela revient à apprendre à courir avant de savoir marcher. « Nous n’avons pas de banque de développement, ni même de politique monétaire ou de politique de taux de change. Nous ne protégeons pas notre production domestique... Nous n’avons qu’une politique fiscale sévère et la TVA », lance-t-il. « Il est difficile de gérer le développement d’un pays qui n’a encore aucun des instruments nécessaires pour cela, ni une réelle politique de développement. » La plupart des citoyens sont inquiets. Une enquête récente de l’institut de sondage Gallup place la Bosnie-Herzégovine à la première place de soixante pays parmi les plus moroses. Environ 60% de la population affirme être pessimiste quant à l’avenir. Jusqu’ici l’introduction de la TVA ne leur a pas remonté le moral. |