Remonter ] Sélection d'articles et d'information 2003

   

QUELQUES DOCUMENTS :

Le site officiel du TPIY où vous trouverez le détail des jugements:http://www.un.org/icty/index-f.html

 

Quelques-uns des condamnées de cette année :
Momir Nikolic, condamné à 27 ans de prison Général Galic, condamné à 20 ans de prison
Dragan Obrenovic, condamné à 17 ans de prison Dragan Nikovic condamné à 23 ans de prison
Stakic, condamné à la prison à vie en 2003 Blagoje Simic condamné à 17 ans de prison

Dépêches concernant les activités du TPIY

Le TPI inflige une lourde de peine à un ex-commandant de camp "sadique"
18/12/2003 - 17:28

LA HAYE, 18 déc (AFP) -

Les juges du Tribunal pénal international (TPI) de La Haye ont condamné jeudi un ancien commandant de camp serbe de Bosnie, Dragan Nikolic, à 23 ans de prison, une peine beaucoup plus lourde que ce que réclamait l'accusation, mais "nécessaire dans l'intérêt des victimes".

"Compte tenu de la brutalité des actes, du nombre de crimes commis et de l'intention sous-jacente d'humilier et d'avilir, la peine requise par l'accusation serait injuste", a déclaré le président de la Chambre Wolfgang Schomburg.

L'accusation réclamait 15 ans de prison en échange du plaidoyer de culpabilité de Dragan Nikolic.

"Cette décision est nécessaire dans l'intérêt des victimes" du camp de Susica (Bosnie orientale) dont Dragan Nikolic était le commandant, a-t-il ajouté.

Plus de 8.000 personnes, des hommes, des femmes et des enfants en majorité musulmans de Bosnie, furent détenues dans des conditions "inhumaines" dans ce camp établi par les forces serbes, après la prise de Vlasenica (est de la Bosnie) fin mai 1992.

Première personne mise en accusation par le TPI, en novembre 1994, Dragan Nikolic avait dans un premier temps plaidé non coupable des crimes qui lui étaient reprochés, après son transfert au TPI, en avril 2000.

En septembre dernier, il acceptait cependant de plaider coupable de quatre chefs de crimes contre l'humanité.

Il reconnaissait ainsi sa responsabilité directe dans le meurtre de neuf civils, dans des actes de torture contre cinq autres. Il admettait également avoir facilité le viols de nombreuses femmes détenues, incitant notamment les gardiens du camp à commettre ces violences sexuelles.

Ces crimes s'inscrivaient dans le cadre d'une campagne de persécution contre les populations non serbes. Dragan Nikolic "prenait plaisir" à commettre ces actes, ont souligné les juges.

Pour la Chambre, le rôle hiérarchique de l'accusé, son "sadisme", la "brutalité inouie" des crimes auraient justifié une peine allant jusqu'à l'emprisonnement à vie, notamment au regard des peines appliquées dans de nombreux pays du monde.

Les juges ont cependant accepté comme circonstance atténuante le fait que Dragan Nikolic accepte de reconnaître ses crimes, "ce qui a permis au Tribunal de remplir sa mission d'établir les faits et la vérité". Ils ont également retenu l'expression du remords et la coopération de l'accusé pour réduire la peine.

La Chambre a toutefois souligné qu'un plaidoyer de culpabilité, fruit d'un accord entre l'accusation et la défense devait être "considéré avec la plus grande prudence" et ne pouvait pas occulter la gravité des crimes.

Certains juges ont critiqué la faiblesse des peines recommandées à l'issue de ces plaidoyers de culpabilité.

Le 2 décembre, une autre chambre du TPI avait ainsi refusé de suivre les recommandations de l'accusation, qui réclamait 15 à 20 ans contre un officier serbe de Bosnie impliqué dans les massacres de Srebrenica, Momir Nikolic. Les juges lui avaient infligé une peine de 27 ans de réclusion.

Jeudi, les juges ont estimé que la peine de 15 ans demandée par l'accusation était trop faible et injuste pour les victimes.

"Ces décisions vont forcer l'accusation à revoir sa politique en matière de recommandation de peine", souligne Judith Armatta, qui suit le TPI pour l'association Coalition pour la justice internationale.

"La jugement rendu jeudi est remarquable. Il prend en compte la reconnaissance de culpabilité mais souligne que les crimes commis méritent une peine sévère", ajoute-t-elle.

 

lundi 15 décembre 2003, 16h37

Wesley Clark témoigne à huis clos au procès Milosevic

LA HAYE (AFP) - Le général américain Wesley Clark, ancien commandant des forces alliées durant la guerre du Kovovo, a témoigné à huis clos lundi devant le Tribunal pénal international (TPI) de La Haye, où il a affirmé, lors d'un aparté avec la presse, que le procès Milosevic pouvait servir de "précédent" à celui de Saddam Hussein.

Le procès de Slobodan Milosevic est "un précédent important pour ce qui pourrait se passer avec d'autres dictateurs", a déclaré M. Clark à l'issue de son témoignage. Il a ajouté qu'en tout état de cause les Etats-Unis devraient consulter la communauté internationale pour organiser le procès de l'ancien dictateur irakien.

Le général, qui est l'un des candidats démocrates à la Maison-Blanche, a commencé à témoigner au procès Milosevic peu après 08H00 GMT dans une salle dont l'accès était interdit au public et à la presse. Son témoignage devrait se terminer mardi à 12H45 GMT et être diffusé, en principe, vendredi.

Ce délai de publication d'un peu plus de 48 heures a été décidé par les juges du TPI à la demande de l'administration américaine, qui pourra ainsi expurger la déposition du général des passages qu'elle considérerait comme étant de nature à nuire aux "intérêts nationaux légitimes" des Etats-Unis.

Une telle mesure, pour exceptionnelle qu'elle soit, ne déroge pas au règlement du Tribunal, dont l'article 70 prévoit des conditions particulières de comparution pour les témoins "disposant d'informations sensibles". On note également, au TPI, que le dernier mot restera aux juges qui pourront s'opposer aux requêtes américaines, s'ils les considèrent infondées, et donc décider de publier intégralement le témoignage de Wesley Clark.

Reste qu'une telle fin de non-recevoir des juges augurerait mal des négociations en vue de la comparution, à l'avenir, d'autres responsables américains devant le TPI, notamment celle de Richard Holbrooke, l'artisan des accords de Dayton (1995), que l'accusation souhaite voir figurer au nombre de ses témoins dans le procès de Slobodan Milosevic.

Depuis février 2002, l'ancien chef de l'Etat yougoslave doit répondre, devant le TPI, de plus de 60 chefs d'accusation pour son rôle dans les trois conflits majeurs qui ont déchiré l'ancienne Yougoslavie : Croatie (1991-1995), Bosnie (1992-1995) et Kosovo (1999).

Le général Wesley Clark a été le chef d'orchestre de la guerre du Kosovo. Il a dirigé, dans un contexte de transactions souvent laborieuses avec les alliés, la campagne de bombardements de 79 jours qui a contraint les forces serbes à se retirer, en juin 1999, de cette province à population en majorité albanophone.

Le général, aujourd'hui à la retraite, connaît bien les Balkans puisqu'il fut, auparavant, le principal négociateur militaire des accords de Dayton (1995) qui ont mis fin à la guerre de Bosnie.

Il a eu plusieurs dizaines d'heures d'entretiens avec M. Milosevic.

L'animosité que vouait à l'époque le général américain au président yougoslave est notoire. Dans son ouvrage consacré à la guerre du Kosovo, intitulé "Waging modern war", Wesley Clark lui-même ne fait pas mystère de son peu d'estime pour M. Milosevic : "Je le considérais comme un menteur, un manipulateur et une brute".

Quant à M. Milosevic, il met à profit toutes les occasions qui lui sont données, depuis le début de son procès en février 2002, pour décocher ses flèches contre l'Otan et dénoncer l'agression menée contre son pays par les forces alliées.

 

mercredi 10 décembre 2003, 16h59

Massacre de Srebrenica: 17 ans de prison pour un officier serbe de Bosnie

LA HAYE (AFP) - Dragan Obrenovic, un officier serbe de Bosnie, qui a reconnu sa participation au massacre de Srebrenica, a été condamné mercredi par le Tribunal pénal international (TPI) pour l'ex-Yougoslavie à 17 ans de prison.

"La Cour vous condamne à 17 ans d'emprisonnement", a déclaré le président de la Chambre.

Le procureur avait requis une peine de 15 à 20 ans de prison.

Le Tribunal a accordé au coupable de nombreuses circonstances atténuantes, prenant en compte la reconnaissance de ses responsabilités dans les massacres et son plaidoyer de culpabilité, ses remords et les excuses qu'il a adressé aux victimes ainsi que "sa coopération substantielle avec le procureur".

Les juges ont également estimé que Dragan Obrenovic n'avait pas eu "un rôle de conception" dans les exécutions de Srebrenica (Bosnie orientale).

"Sa punition doit uniquement refléter son rôle et sa participation dans les persécutions", a expliqué le président Liu Daqun dans les attendus du jugement, précisant que "d'autres, qui devraient un jour apparaître devant ce Tribunal, seront jugés et punis selon leur rôle".

En mai dernier, M. Obrenovic, 40 ans, avait reconnu l'existence d'une "attaque généralisée et systématique" contre la population musulmane de Srebrenica ainsi que sa responsabilité personnelle pour des actes "portant atteinte à des droits de l'homme fondamentaux".

En échange de cette reconnaissance de culpabilité, le procureur avait accepté de retirer les charges de génocide et de crime de guerre dont Dragan Obrenovic était également accusé.

Lors des jours qui ont suivi la prise de l'enclave de Srebrenica, le 11 juillet 1995, plus de 7.000 hommes musulmans de Bosnie ont été exécutés ou tués dans des embuscades par les forces du chef militaire des Serbes de Bosnie Ratko Mladic.

Pendant les massacres, Dragan Obrenovic, bien que n'y ayant pas directement participé, était "au courant des opérations de meurtre à grande échelle" qui se déroulaient à Srebrenica, a estimé la Cour.

Selon les juges, sa responsabilité découle pour une grande part de sa position hiérarchique: malgré sa position de commandant d'une brigade des forces armées serbes de Bosnie, il n'a pas empêché certains de ses subordonnés de participer à la détention, au meutre et à l'ensevelissement des Musulmans de la ville.

Début décembre, un autre officier de haut rang qui avait plaidé coupable de crimes contre l'humanité pour le massacre de Srebrenica, Momir Nikolic, avait été condamné à 27 ans de prison. Le procureur avait requis de 15 à 20 ans de réclusion.

MM. Nikolic et Obrenovic sont les premiers responsables militaires serbes de Bosnie à admettre leur implication dans le massacre, le pire commis en Europe depuis la fin de la Seconde guerre mondiale.

Dragan Obrenovic, les yeux cernés, a écouté les attendus du jugement sans broncher. Après avoir appris sa sentence, il a adressé à la Cour un bref signe de la tête.

En tout, 14 personnes ont été inculpées pour Srebrenica. Quatre ont été condamnés jusqu'à présent dont le général Krstic qui a mené l'attaque contre la ville.

Les principaux accusés, les ex-chefs politique et militaire des Serbes de Bosnie, Radovan Karadzic et Ratko Mladic, sont toujours en fuite en dépit d'un mandat d'arrêt émis contre eux depuis plus de huit ans.

 

lundi 8 décembre 2003, 17h14

Ouverture du procès en appel du général Blaskic devant le TPI
LA HAYE (AFP) - Le procès en appel du général croate de Bosnie Tihomir Blaskic, condamné en première instance à 45 ans de prison pour crimes contre l'humanité commis en Bosnie centrale, s'est ouvert lundi devant le Tribunal pénal international (TPI) pour l'ex-Yougoslavie de La Haye.

La défense, qui demande l'acquittement du général, a commencé l'interrogatoire de certains des septs témoins qu'elle compte présenter à la barre lors de ce procès. Ces premières dépositions ont eu lieu à huis clos pour raisons de sécurité.

Pour démontrer l'innocence de leur client, les avocats du général Blaskic vont principalement s'appuyer sur de nouveaux documents découverts au printemps 2000 dans les archives des services de renseignement de Croatie, après la mort de l'ancien président Franjo Tudjman.

Ces documents permettraient de montrer que le général Blaskic n'avait pas autorité sur toutes les unités croates de Bosnie impliquées dans les attaques contre des civils non croates dans la vallée de la Lasva (Bosnie centrale) au début des années 1990.

En revanche, ils mettraient en cause des proches du régime de Franjo Tudjman pour ces crimes.

"La décision de garder secret ces documents lors du procès en première instance était politique. Dans un effort pour cacher tout lien entre Zagreb et les crimes commis en Bosnie centrale, le gouvernement de Franjo Tudjman avait froidement décidé de sacrifier le général Blaskic", affirment les avocats dans un document écrit.

Le 3 mars 2000, la chambre de première instance avait condamné M. Blaskic à 45 ans de prison, une des trois plus lourdes peines infligées par le TPI à ce jour, pour avoir "personnellement ordonné" des attaques systématiques contre les populations civiles musulmanes de la vallée de la Lasva en 1993.

Les juges l'avaient notamment mis en cause pour le massacre de plus de 100 civils musulmans de Bosnie dans le village d'Ahmici, le 16 avril 1993 à l'aube, au début du conflit entre les forces musulmanes et croates de Bosnie (1993-1994).

Tihomir Blaskic commandait les forces croates de Bosnie dans la vallée de la Lasva entre 1992 et 1994. Il s'était rendu au TPI le 1er avril 1996.

L'accusation qui juge l'appel de la défense infondé demande le maintien de la sentence infligée en première instance.

Le procès en appel se poursuivra jusqu'au 17 décembre.

 

vendredi 5 décembre 2003, 17h53

Siège de Sarajevo: le général Galic condamné à 20 ans de prison

LA HAYE (AFP) - Le général serbe de Bosnie Stanislav Galic a été condamné vendredi par le Tribunal pénal international (TPI) de La Haye à 20 ans de prison pour crimes de guerre et crimes contre l'humanité commis alors qu'il commandait les troupes qui assiégeaient Sarajevo.
Le général Galic, âgé de 60 ans, est la première personne à être condamnée pour les crimes survenus lors du siège de la capitale bosniaque, entre avril 1992 et décembre 1995.

Il est également le premier acteur du conflit bosniaque à être reconnu coupable d'avoir "terrorisé une population civile", un crime de guerre.

Sa peine a été jugée "trop faible" par le Musulman Ejup Ganic, membre de la présidence bosniaque durant la guerre.

M. Ganic a estimé la sentence inappropriée au regard des milliers de victimes, pour quelqu'un "qui pendant presque quatre ans a fait souffrir de faim un demi-million de personnes".

Les bombardements et les tirs dirigés sur la ville et ses habitants par le corps Romanija de l'armée des Serbes de Bosnie ont fait 11.700 morts dont plus de 1.500 enfants, selon des chiffres du Comité Helsinki pour les droits de l'homme.

Cet "enfer médiéval", selon les termes du procureur, s'était poursuivi pendant 44 mois - le plus long siège en Europe, depuis la fin de la Deuxième guerre mondiale - devant les caméras des télévisions du monde, sans que la communauté internationale ne soit capable de mettre un terme à la barbarie.

De septembre 1992 à août 1994, le corps Romanija était commandé par le général Galic.

Les juges ont estimé qu'il était responsable des "attaques délibérées" de ses subordonnés, qu'il ne pouvait ignorer, et "qu'il était en fait maître de la fréquence et de l'ampleur de leurs crimes".

Selon la Cour, les civils ont été pris pour cible "alors qu'ils assistaient à des enterrements, circulaient à bord d'ambulances, à bicyclette. Ils ont été attaqués pendant qu'ils s'occupaient de leurs jardins, qu'ils faisaient leur marché".

Selon la Chambre, les attaques contre les civils s'inscrivaient dans une "campagne généralisée" dont le but était de "semer la terreur". A la majorité, elle a condamné le général à une peine de 20 ans de prison.

Le Procureur du TPI avait réclamé la prison à vie. L'accusé avait plaidé non coupable.

Certains survivants du siège de Sarajevo se sont déclarés mécontents de la peine, jugée trop clémente.

Les Serbes de Bosnie "m'ont volé une partie de mon enfance", a déploré Nina Karanjac, aujourd'hui âgée de 18 ans. "Lorsque les adolescents de mon âge allaient à l'école, moi j'étais cachée dans la cave" par crainte de bombardements, a-t-elle expliqué.

Un des trois juges, M. Rafael Nieto-Navia, s'est désolidarisé de ce jugement et a formulé une opinion dissidente.

Il a estimé que l'accusation n'est "pas parvenu à prouver certaines de ses allégations au-delà de tout doute raisonnable".

Selon son interprétation, "les forces placées sous le commandement du général Galic n'ont pas mené de campagne dans le but de prendre pour cible la population civile de Sarajevo".

De plus, estimant qu'il n'y a pas de jurisprudence sur lequel le TPI peut se fonder, M. Nieto-Navia a estimé que "la Chambre n'est pas compétente pour juger l'infraction consistant à répandre la terreur parmi une population civile".

Stanislav Galic est resté de marbre pendant toute l'audience et n'a pas montré plus d'émotion en entendant les opinions divergentes des juges sur sa responsabilité dans le siège de Sarajevo qu'en apprenant sa sentence. A l'issue de l'audience, il a serré la main de ses avocats.

 

mardi 2 décembre 2003, 19h41

Massacre de Srebrenica: un Serbe condamné à 27 ans de prison
Momir Nikolic LA HAYE (AP) - Momir Nikolic, un officier bosno-serbe des services secrets ayant plaidé coupable de crimes de guerre pour son rôle dans le massacre de plus de 7.000 musulmans dans l'enclave de Srebrenica en 1995, a été condamné mardi à 27 ans de prison par le Tribunal pénal international (TPI) pour l'ex-Yougosalvie.

Le Tribunal pénal international (TPI) pour l'ex-Yougoslavie a condamné Momir Nikolic, un officier serbe de Bosnie, a 27 années de prison pour sa responsabilité dans les massacres de Srebrenica (Bosnie).

La Cour est allée au-delà du réquisitoire du procureur qui avait demandé une peine allant de 15 à 20 ans de prison. La défense avait demandé à la Cour de ne pas dépasser 10 ans.

Momir Nikolic avait coordonné les unités chargées de la séparation des hommes et des femmes après la prise de l'enclave musulmane par les forces serbes, en juillet 1995. «Il a vu de ses yeux la séparation des hommes de leurs familles, il a entendu les pleurs des enfants qui voyaient leurs pères emmenés, il a vu la peur dans les yeux des femmes poussées dans les autobus, lorsqu'elles ont compris qu'elles ne pouvaient plus rien pour leurs pères, leurs maris et leurs fils», a martelé le président lors de la lecture des attendus.

Momir Nikolic, qui s'était mis debout à la demande du président de la chambre, a accueilli le jugement le visage déformé par la douleur. Il a dû se rasseoir, a éclaté en sanglots et s'est pris la tête entre les mains.

Arrêté en avril 2002, il avait initialement plaidé non coupable des crimes de guerre, crimes contre l'humanité et génocide qui lui étaient reprochés puis il s'était ravisé. En mai dernier, il avait reconnu le chef de crimes contre l'humanité. En échange de ce nouveau plaidoyer, le procureur avait accepté de ne pas retenir les crimes de guerre ainsi que la charge de génocide qui pesaient initialement contre lui.

 

Le jeudi 04 décembre 2003

Huit personnes inculpées en Serbie pour crimes de guerre en Croatie

Agence France-Presse - Belgrade

Huit personnes ont été inculpées en Serbie pour crimes de guerre commis en 1991 en Croatie, a annoncé jeudi le procureur pour les crimes de guerre à Belgrade dans un communiqué.

Les huit personnes qui se trouvent toutes en détention, sont accusées d'avoir commis «des crimes de guerre contre des prisonniers sur le site d'Ovcara, près de Vukovar, les 20 et 21 novembre 1991», selon le communiqué signé par le procureur Vladimir Vukcevic.

Plus de 200 patients croates de l'hôpital de Vukovar (est de la Croatie) avaient été exécutés par les forces yougoslaves sur le site d'Ovcara après la chute de cette ville en novembre 1991.

Trois officiers de l'ex-armée yougoslave (JNA), Veselin Sljivancanin, Miroslav Radic et Mile Mrksic, inculpés pour ce crime de guerre par le Tribunal pénal international (TPI), se trouvent actuellement à La Haye où ils attendent d'être jugés.

Le ministre serbe de l'Intérieur Dusan Mihajlovic avait annoncé il y a quelques mois que plusieurs personnes responsables du crime d'Ovcara avaient été arrêtées dans le cadre de l'enquête sur l'assassinat du premier ministre serbe Zoran Djindjic le 12 mars à Belgrade.

M. Mihajlovic avait déclaré que ces arrestations jetaient «une nouvelle lumière» sur le crime d'Ovcara et que les informations réunies par la police serbe permettraient de disculper les trois officiers de l'ex-JNA.

Les identités des huit personnes inculpées à Belgrade n'ont pas été rendues publiques. Le communiqué ne précise pas si elles sont également recherchées par le TPI.

Il s'agit des premières inculpations établies par le procureur, précise le communiqué. Le parquet serbe chargé des crimes de guerre a été créé en juillet 2003.

 

Maître Jacques Vergès à Lausanne

Le 29 novembre 2003 eut lieu à Lausanne une conférence, organisée par l’association romande «Femmes, Sécurité et Défense». Dans une salle comble, cette conférence était donnée par Maître Vergès, avocat connu dans le monde entier mais aussi controversé en France. Le sujet: «Les Tribunaux internationaux TPI et CPI – Danger pour la souveraineté des nations?»

AG. Maître Vergès est connu comme «l’avocat des réprouvés» ou l’avocat des causes perdues. Ses clients, souvent jugés «indéfendables» car ayant l’unanimité contre eux, sont condamné d’avance par l’opinion publique; entre autres, Claus Barbie, Carlos et aussi des combattants du FLN en Algérie, considérés comme terroristes dans les années 50, qui aujourd’hui ont droit au tapis rouge.

Dans sa conférence, Me Vergès parle de son expérience d’avocat. Il estime que la justice se trouve maintenant à la croisée des chemins. C’est au nom d’une prétendue «religion des droits de l’homme» et de la morale (mais laquelle?) que justice est rendue. Or, morale et droit sont deux choses différentes, sinon le juge devient inquisiteur en fondant son jugement sur la morale. Des pays sont détruits et envahis au nom des Droits de l’homme. Ce fut déjà au nom des Droits de l’homme que dans les années 60 le Vietnam a été bombardé.

Pour illustrer ses propos, Me Vergès cite le tribunal ad hoc pour l’ex-Yougoslavie (TPI). Cour dont la création n’a pas été décidée par l’Assemblée générale des Nations-Unies telle qu’aurait du être la procédure normale. Sous prétexte d’urgence, se fut le Conseil de sécurité qui s’en chargea. Les fonds pour financer ce tribunal proviennent en partie de M. Soros, un spéculateur américain milliardaire et de fonds privés d’Arabie Saoudite. Que peut-on attendre, dit Me Vergès, d’un tribunal entretenu? Milosevic fut, pour de l’argent, livré comme un colis. D’avance, l’on sait que tous ceux, remis à ce tribunal, seront condamnés; il n’y a donc plus de présomption d’innocence! Le tribunal entend des témoins sans que leurs noms apparaissent. Comment l’accusé peut-il encore se défendre quand les témoins à charge sont masqués? Parfois le dossier contient des témoignages dont l’accusé n’a même pas eu connaissance…

Le fait que Milosevic ait été livré à des tiers hors de son pays viole une règle fondamentale du droit international: un pays n’extrade jamais ses citoyens. D’autre part, il faut toujours instruire une affaire sur les lieux même du crime. Avec de tels tribunaux, selon Me Vergès, même Guillaume Tell aurait été extradé puis jugé par un tribunal à l’étranger!

De tout temps, des crimes ont été commis pour des idéaux. Mais aujourd’hui, les limites sont franchies. Un peu partout, des hommes et des femmes, commencent à se rendre compte que quelque chose va mal, l’opinion publique se réveille et c’est la raison pour laquelle Me Vergès est optimiste.

Dans son travail d’avocat, il cherche avant tout à comprendre comment un homme en arrive à commettre son acte. Or, qui connaît l’accusé, qui connaît les faits? C’est l’avocat! Dans un procès il y a toujours des faits incertains. Mais souvent, on juge d’après son intime conviction et non d’après les faits indéniables. Lors d’un procès, il importe de comprendre l’enchaînement des actes. La défense est aussi un pacte entre l’avocat et son client.

Me Vergès a la passion de comprendre ses clients, même si, tel Barbie, ils furent ses ennemis. C’est pour lui un défi. S’il devait défendre Oussama Ben Laden ce n’est pas alors aux juges qu’il s’adresserait mais à l’opinion publique. Ce qui est déjà certain est que pour l’Afghanistan il n’y aura pas de cour normale mais des cours à huis clos, car Bush craint l’opinion mondiale.

Les gens s’intéressent toujours aux procès, la société se voit à travers les procès. Aussi, chaque citoyen réfléchit à son sort. Selon la règle, plus le crime est abominable, plus vite il faut trouver un coupable.

Le Statut de Rome de la Cour pénale internationale (CPI) fut ratifié par la Suisse en octobre 2001. Cette cour remet en question la souveraineté des Etats parties. Des pays, parmi les plus peuplés, n’ont pas ratifié ce projet (la Chine, les Etats-Unis, l’Inde, le Canada). Sans ratifier la CPI, les Etats-Unis se sont, à travers le Conseil de Sécurité, arrogés le droit de bloquer une enquête pendant un an.

A la fin de sa conférence Me Vergès a dit son admiration pour l’homme qui se sacrifie pour ce qu’il croit. Cette attitude fait partie de notre culture. La technique ne peut rien contre le courage des hommes. Mais, il ne faut jamais oublier que le sacrifice ne justifie pas, pour autant, l’idéal. Ceux qui possèdent encore des valeurs et qui s’engagent pour les défendre font peur, encore aujourd’hui.

-------------------------------------------------------

Autres paroles relevées de Jacques Vergès : Conférence du 5 mai 1997 à l'Ecole des Mines de Nancy

"Je pratique une défense de rupture" 

"Il doit y avoir un État qui assure l'ordre par sa police et par sa justice. Mais je pense que les décisions des juges ne sont pas des absolus, ce sont des oeuvres humaines. Les juges doivent être extrêmement prudents sinon on verse vite dans le lynchage du prévenu. Le doute doit exister. C'est pour refuser cela que Napoléon voulait couper la langue aux avocats."

"Ainsi le procès est un combat mais également un acte culturel."

 

mercredi 26 novembre 2003, 17h03

Génocide de Srebrenica: la prison à vie requise contre le général Krstic

LA HAYE (AFP) - Le Procureur du Tribunal pénal international (TPI) a requis mercredi la prison à vie contre le général serbe de Bosnie Radislav Krstic, tandis que la défense niait qu'il y ait eu un génocide à Srebrenica.

Le général Krstic, qui commandait les forces ayant donné l'assaut à la ville en juillet 1995, avait été condamné en première instance, en août 2001, à 46 ans de prison pour génocide. "Quand un accusé est déclaré coupable du meurtre de près de 8.000 personnes et de la déportation de milliers d'autres, quand il est avéré qu'il a joué un rôle central dans l'exécution de tels crimes, alors il n'y a qu'un verdict possible: la prison à vie", a déclaré dans la matinée le Procureur Mathias Marcussen.

Le Procureur a estimé que la peine de 46 ans de prison infligée à Krstic en première instance est "manifestement inadéquate compte tenu de la gravité des crimes commis". Il s'est également efforcé de réfuter les attendus du jugement de première instance, expliquant la relative modération de la peine par le fait que d'autres responsables serbes ont une culpabilité plus lourde dans les événements de Srebrenica.

Les chefs politiques et militaires des Serbes de Bosnie, Radovan Karadzic et Ratko Mladic, ont été inculpés de génocide par le TPI pour leur rôle dans le massacre. Les deux hommes courent toujours, plus de huit ans après les faits. Même si l'accusation a admis qu'il y a sans doute d'autres individus plus impliqués que Krstic dans le génocide de Srebrenica, elle a néanmoins estimé que la gravité des crimes commis est telle qu'il n'y a pas d'autre verdict possible que la prison à vie.

Le général Krstic a été arrêté par la Force de Stabilisation de l'Otan (SFOR) en Bosnie en décembre 1998. Le procès de première instance a commencé en mars 2000. La défense comme l'accusation avaient fait appel.

Dans l'après-midi, l'un des avocats de Krstic Norman Sepenuk a demandé aux juges de rejeter l'accusation de génocide qu'avait retenue la chambre de première instance. A l'appui de sa thèse, Me Sepenuk, tout en soulignant le caractère terrifiant des massacres, a minimisé leur ampleur, soulignant que 7.500 morts ne constituaient, somme toute, qu'une infime minorité (0,5%, selon lui) de la population musulmane de Bosnie.

"C'est un chiffre insignifiant pour parler de génocide", a-t-il dit. Il a estimé que l'objectif des forces serbes de Bosnie n'a jamais été "l'élimination de la population mais le nettoyage ethnique".

"Les forces serbes n'ont tué que les hommes en âge de se battre", a ajouté l'avocat. Il a également estimé que s'il y avait eu une intention génocidaire les femmes et les enfants, qui étaient l'avenir de la communauté de Srebrenica, auraient également été tués.

En première instance, la défense avait soutenu que les crimes de Srebrenica avaient été perpétrés par une chaîne de commandement parallèle à laquelle le général Krstic n'avait pas participé. La charge de génocide est la plus élevée dans l'échelle des chefs d'accusation du TPI. Les audiences doivent se poursuivre jeudi. Le jugement de la Cour d'appel n'est pas attendu avant plusieurs mois.

 

mardi 18 novembre 2003, 15h46
Le tribunal pénal pour l'ex-Yougoslavie inculpe l'ancien chef des Serbes de Croatie Milan Babic

LA HAYE (AP) - Le tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (TPIY) a rendu public mardi son acte d'inculpation contre l'ancien chef de la république autoproclamée des Serbes de Krajina, Milan Babic, poursuivi pour six chefs d'inculpation de crimes de guerre et crimes contre l'humanité pour la campagne de nettoyage ethnique en Croatie au début de la guerre.

Babic, 47 ans, est inculpé pour la persécution, le meurtre et le traitement cruel contre des centaines de non-Serbes, ainsi que la destruction d'écoles, d'églises et de propriétés privées. Il risque la prison à perpétuité.

Dirigeant serbe de Croatie, il devint président de la "république" serbe de Krajina lorsque les Serbes de Croatie firent sécession après l'indépendance de la Croatie en 1991. Il fut déchu de son poste en 1992, à la demande de Slobodan Milosevic.

L'année dernière, Babic avait comparu comme témoin à charge contre l'ancien président de Yougoslavie, qu'il avait accusé de tirer les ficelles des Serbes de Krajina.

Babic est notamment poursuivi pour avoir organisé la déportation de milliers de Croates de Krajina. Plus de 78.000 Croates et 2.000 Musulmans vivaient en Krajina dans le secteur en 1991, ramenée à quasiment zéro.

Une liste de 200 victimes assassinées figure en annexe à l'acte d'inculpation.

Babic s'est enfui pour Belgrade avant que l'armée croate ne reprenne la Krajina en 1995 dans une contre-offensive chassant 250.000 Serbes. Cet ancien dentiste vit reclus depuis son témoignage contre Milosevic. AP

 

MOMIR NIKOLIC CONDAMNÉ À 27 ANS D’EMPRISONNEMENT

La Haye, 2 décembre 2003
CC/P.I.S./806f

     

Veuillez trouver ci-dessous le résumé du jugement rendu par la Chambre de 1ère instance I composée des Juges Liu Daqun (Président), Volodymyr Vassylenko, et Carmen Maria Argibay, tel que lu le Juge Président:

La présente audience est consacrée au prononcé du jugement en l’espèce. Ce qui suit n’est qu’un résumé du jugement écrit, dont il ne fait pas partie intégrante. Le texte écrit du jugement sera mis à la disposition des parties et du public à l’issue de l’audience.

*****

L’audience tenue aujourd’hui a pour objet de condamner Momir Nikolic pour sa participation aux persécutions commises après la chute de l’enclave de Srebrenica en juillet 1995.

Rappel de la procédure et Accord sur le plaidoyer

Momir Nikolic, Serbe de Bosnie âgé de 48 ans, a été mis en accusation par le Bureau du Procureur le 26 mars 2002 pour différents crimes : génocide, persécutions et extermination. Arrêté par la SFOR le 1er avril 2002, il a été transféré au Tribunal, où il est depuis en détention au Quartier pénitentiaire des Nations Unies. Momir Nikolic a été mis en accusation conjointement avec trois autres accusés et la date d’ouverture de son proccs était fixée au 6 mai 2003.

Avant l’ouverture du procès, l’Accusation et la Défense ont présenté à la Chambre de première instance une requête conjointe aux fins d’examen d’un accord sur le plaidoyer conclu entre Momir Nikolic et l’Accusation le 6 mai 2003. Aprcs deux jours d’audiences consacrées au plaidoyer et une modification apportée à celui-ci, la Chambre de première instance a accepté le plaidoyer de Momir Nikolic pour un chef de crimes contre l’humanité, celui de persécutions, sanctionné par les articles 5 h) et 7 1) du Statut, et l’a déclaré coupable de ce chef.

En application de l’accord sur le plaidoyer, l’Accusation a demandé que soient retirés les autres chefs d’accusation, ce qui a été fait par la suite. En outre, dans l’accord sur le plaidoyer, Momir Nikolic a accepté de témoigner dans d’autres affaires portées devant le Tribunal, notamment dans celles ayant trait à Srebrenica. En septembre 2003, Momir Nikolic a témoigné dans le proccs de ses deux anciens coaccusés huit jours durant.

Du 27 au 29 octobre 2003 se sont tenues des audiences consacrées au prononcé de la sentence, au cours desquelles sept témoins ont déposé à la barre et quatre déclarations écrites ont été admises en application de l’article 92 bis du Règlement.

L’accusé ayant plaidé coupable en application d’un accord sur le plaidoyer, la Chambre de première instance s’est penchée sur la place faite aux accords sur le plaidoyer dans les affaires de violations graves du droit international humanitaire. La Chambre de première instance conclut, après mûre réflexion, que les plaidoyers de culpabilité faisant suite à un accord peuvent aider le Tribunal dans ses activités et dans l’accomplissement de sa mission. Elle considère néanmoins que, compte tenu des obligations qui incombent au Procureur et aux chambres de première instance aux termes du Statut du Tribunal, la décision de conclure un accord sur le plaidoyer ou d’accepter un tel accord doit être prise avec la plus grande prudence.

Les faits

L’accord relatif au plaidoyer a été déposé, accompagné d’un exposé écrit des faits concernant le crime et la part qu’y a prise Nikolic. La Chambre de premicre instance va se fonder sur l’exposé des faits et l’acte d’accusation, dont Nikolic a reconnu la véracité, pour fixer la peine. Les faits qui y sont décrits sont les suivants.

Le crime de persécutions, visé au chef 5 de l’acte d’accusation, a été consommé par :

— le meurtre de milliers de civils musulmans de Bosnie, hommes, femmes, enfants et personnes âgées ;

— le traitement cruel et inhumain de civils musulmans de Bosnie, qui a notamment pris la forme de sévices corporels graves à Potocari et dans des centres de détention à Bratunac et à Zvornik ;

— la terrification des civils musulmans de Bosnie à Srebrenica et à Potocari ;

— la destruction des biens et effets personnels des Musulmans de Bosnie ; et

— le transfert forcé de Musulmans de Bosnie de l’enclave de Srebrenica.

C’est la population civile fuyant l’enclave de Srebrenica après l’attaque et la prise du pouvoir par les Serbes qui en a été victime.

À Potocari, les femmes, les enfants et les personnes âgées ont été séparés des hommes en âge de porter les armes. Ceux-ci ont été détenus, tandis que leurs épouses et leurs enfants étaient placés à bord d’autocars et transférés de force en territoire sous contrôle musulman. Ce transfert forcé s’est accompagné d’actes de terreur, d’humiliations et d’actes d’une extrême cruauté.

Les hommes détenus ont été emmenés de Potocari pour ętre exécutés. De męme, les hommes qui avaient fui Srebrenica dans « la colonne » ont été faits prisonniers et retenus, jusqu’à ce qu’ils soient exécutés. Sur le trajet Bratunac — Zvornik, les noms qui désignaient autrefois des hameaux, des communes, des lieux du savoir, de culture, de travail ou des traits géographiques désignent désormais des lieux de massacre : la rivière Jadar, la vallée de la Čerska, l’entrepôt de Kravica, l’école de Petkovci, le centre culturel de Pilica, et les villages de Tišca et Orahovac. Ŕ la ferme militaire de Branjevo, quelque 1 200 hommes musulmans de Bosnie qui avaient été capturés dans la colonne ont été exécutés à l’arme automatique. Plus de 7 000 hommes au total ont été tués.

La peine : finalités de la sanction

La Chambre de première instance a examiné les principes et les finalités de la peine à la lumière du mandat du Tribunal. Elle a conclu que les principes gouvernant la peine dans les systèmes nationaux, à savoir la dissuasion, la rétribution et la réinsertion, sont applicables à l’échelon international, même si dans ce cas, la portée et l’objet de chacun peuvent néanmoins être différents.

Gravité des infractions

Passant en revue les éléments à prendre en considération dans la sentence, la Chambre de première instance a tout d’abord considéré la gravité des infractions, sachant qu’il lui fallait prendre en compte les circonstances propres à l’affaire, ainsi que le mode et le degré de participation de Momir Nikolic au crime.

La Chambre de première instance fait observer que le crime de persécution est, par essence, grave. Sa singularité vient de ce qu'il exige une intention discriminatoire spécifique de la part de l’auteur, et c’est pourquoi ce crime est considéré comme extrêmement grave. En l’espèce, la gravité de l’infraction est mise en évidence par les actes de persécution dont Momir Nikolic a été reconnu coupable.

Les crimes commis après la chute de l’enclave de Srebrenica ne sont malheureusement que trop connus. Le massacre ou le transfert forcé de la population musulmane de cette région de Bosnie orientale en à peine plus d'une semaine a atteint un degré de sauvagerie et de bestialité sans précédent dans le conflit en ex-Yougoslavie, qui avait pourtant déjà coûté de trop nombreuses vies.

Momir Nikolic n’ignorait pas les crimes commis au lendemain de la chute de Srebrenica. Au contraire, il semble avoir joué un rôle de premier plan dans ces agissements criminels, qui se sont étendus de Potocari à Bratunac et à Zvornik. Momir Nikolic se trouvait à l’hôtel Fontana lors des trois réunions durant lesquelles le sort de la population musulmane a été décidé. Il n’a pas soulevé la moindre objection lorsqu’il a appris qu’il avait été prévu de déporter les femmes et les enfants musulmans en territoire musulman, et de séparer, d’incarcérer et, enfin, de tuer les hommes musulmans. Plutôt que de s'y opposer, Momir Mikolic a recommandé des lieux de détention et d’exécution possibles. Le 12 juillet 1995, Momir Nikolic se trouvait à Potocari, où il a vu de ses propres yeux que les hommes étaient séparés de leur famille, il a entendu les pleurs des enfants qui voyaient leurs pères emmenés, il a vu la peur dans les yeux des femmes qui étaient poussées sans ménagement dans les autocars qui les attendaient, alors qu'elles savaient quel serait le sort réservé aux pères, maris et fils, et qu’elles ne pouvaient changer le cours des choses. S’il s'est présenté comme le coordinateur de différentes unités opérant à Potocari, il n’a rien fait pour mettre un terme aux exactions, aux humiliations, aux séparations ou aux exécutions.

Momir Nikolic est retourné à Potocari le 13 juillet 1995 et, selon ses termes, a estimé que « tout se passait bien » ; et les déportations se sont poursuivies comme les séparations. Il s'est chargé des dispositions en maticre de sécurité pour le général Mladic et, lorsqu'ils se sont rencontrés, il lui a indiqué qu'il n'y avait « aucun problcme ». Le même jour, Momir Nikolic a vu des colonnes de prisonniers en marche vers leurs lieux d’exécution. Plus tard dans la soirée, il était présent lorsque trois autres personnes impliquées dans les exécutions ont ouvertement parlé du massacre. Les modalités de l’opération ont été discutées en détail, afin de faciliter l’exécution du projet. Momir Nikolic s’est impliqué dans la mise en oeuvre du projet afin d’en assurer la réalisation des objectifs.

De plus, durant les mois qui ont suivi les exécutions, Momir Nikolic a coordonné l’opération consistant à exhumer les cadavres des Musulmans pour les réinhumer ailleurs. Le soutien qu’il a apporté ainsi sans relâche a permis de faire disparaître des éléments de preuve déterminants, et de nombreuses familles ignorent encore où peuvent se trouver leurs proches disparus.

La Chambre de première instance considère qu’il conviendrait de prononcer à l’encontre de Momir Nikolic une peine de l’ordre de 20 ans d’emprisonnement, si l'on ne tient compte que de la gravité du crime dont il a été reconnu coupable, du rôle qu’il y a joué et de la part qu’il y a prise, et de la grille générale des peines appliquées dans l'ex-Yougoslavie et au Tribunal international. La Chambre s’attachera à présent à déterminer s'il existe des circonstances aggravantes ou atténuantes en l’espèce et, le cas échéant, quelle en sera l’incidence sur la peine qu’encourt Momir Nikolic.

Circonstances aggravantes

L’Accusation fait valoir que la Chambre de première instance devrait tenir compte de trois circonstances aggravantes en l’espèce : i) l’autorité exercée par Momir Nikolic, ii) le rôle joué par celui-ci, et iii) la vulnérabilité des victimes et le caractère odieux des crimes commis. La Défense de Nikolic fait valoir qu’il n’y a pas en l’espcce de circonstances aggravantes, puisque celles invoquées par l'Accusation sont subsumées sous la gravité générale de l'infraction.

La Chambre de première instance considère que Momir Nikolic, en tant que chef de la sécurité et du renseignement, occupait un poste de responsabilité. Alors qu’il avait pour fonctions d’exécuter les ordres et non pas d’en donner, Momir Nikolic dirigeait les activités de la police militaire de la brigade de Bratunac, et coordonnait également les activités d’autres unités, ce qui était important pour l’exécution des actes criminels sous-jacents commis à la suite de l'attaque contre Srebrenica. Le rôle joué par Momir Nikolic et les fonctions qu’il a exercées, si ce n’était pas en sa qualité de commandant, n’en revętaient pas moins une grande importance pour l’opération meurtricre qui se déroulait.

La Chambre de première instance considère que le caractère odieux des crimes est subsumé sous la gravité générale de l’infraction.

La Chambre de première instance souligne en particulier la vulnérabilité des victimes, notamment des femmes, des enfants, des personnes âgées, ainsi que des hommes capturés. Tous se trouvaient démunis et ont fait l'objet de traitements cruels lorsqu’ils étaient aux mains de ceux qui les avaient capturés. Dans ces conditions, la Chambre considère qu’il s’agit là d’une circonstance aggravante s'agissant de la perpétration de ces actes criminels.

Circonstances atténuantes

L’Accusation estime que les circonstances atténuantes que la Chambre de première instance devrait retenir sont le plaidoyer de culpabilité, la reconnaissance de responsabilité, les remords exprimés, la coopération fournie au Bureau du Procureur, et la bonne moralité de l’accusé avant les faits. En plus de ces éléments, la Défense de Nikolic avance que la reddition volontaire de l’accusé, sa bonne conduite au quartier pénitentiaire des Nations Unies et sa situation personnelle constituent des circonstances atténuantes lui donnant droit à une importante réduction de peine.

La Chambre de première instance estime ainsi que le plaidoyer de culpabilité constitue une circonstance atténuante importante, parce qu’il a contribué à établir la vérité, à favoriser la réconciliation, et parce que Momir Nikolic accepte d’assumer une responsabilité pénale individuelle pour son rôle dans le crime de persécutions. Si la Chambre considcre la plaidoyer de culpabilité comme une circonstance atténuante, c’est également parce qu’il a permis d’éviter que certains témoins soient contraints de venir déposer à propos d’événements traumatisants et douloureux. Cela est particulièrement appréciable dans le cas de Srebrenica, à propos duquel l’Accusation a présenté de nombreux actes d’accusation, et pour lequel la présence de ces témoins sera probablement requise dans des procès à l’avenir.

Enfin, la Chambre de première instance observe que d’autres accusés ont été récompensés pour avoir plaidé coupables avant l’ouverture du procès, ou dans ses débuts, permettant ainsi d’économiser les ressources du Tribunal. La Chambre apprécie les économies réalisées, mais estime qu’elles ne sauraient revêtir une importance excessive dans une affaire de cette envergure, où le Tribunal s’emploie à exécuter la mission qui lui a été confiée par le Conseil de sécurité — et, partant, par la communauté internationale — : celle de rétablir la justice en ex-Yougoslavie à travers des procédures pénales équitables et conformes aux normes internationales des droits de l’homme, en respectant pleinement les droits des accusés et les intérêts des victimes.

S’agissant de la coopération fournie, la Chambre note que Momir Nikolic a eu des entretiens avec l’Accusation, qu’il a témoigné à charge dans certaines affaires et qu’il a fourni à l’Accusation des informations dont elle ne disposait pas auparavant. Elle retient que l’Accusation considère qu’il a pleinement coopéré. Pour évaluer le concours fourni, la Chambre de première instance a également pesé la véracité du témoignage de Momir Nikolic au proccs Blagojevic, et a tenu compte des nombreux cas où l’accusé est resté évasif dans ses propos. Elle en conclut que sa volonté de coopérer ne s’est pas entièrement concrétisée pour tous les événements, vu les fonctions qu’il exerçait et sa connaissance des événements.

La Chambre de première instance a soigneusement examiné les remords exprimés par Momir Nikolic, et les excuses qu’il a présentées aux victimes, à leurs familles, et aux Musulmans de Bosnie pour sa participation au crime de persécutions. Elle a pris bonne note des raisons avancées par l’accusé afin d’expliquer pourquoi il a plaidé coupable et pourquoi il a, dans le cadre des négociations relatives au plaidoyer, fourni de fausses informations à l’Accusation. Sachant que les circonstances atténuantes doivent être établies sur la base de l’hypothèse la plus probable, la Chambre de première instance retient les remords exprimés comme une circonstance atténuante, mais ne peut leur accorder un poids important.

La Chambre de première instance a en outre retenu les circonstances atténuantes suivantes : Momir Nikolic n’a pas exercé de discrimination avant la guerre, il était un membre respecté de sa communauté, et il s’est bien comporté en prison. Enfin, la Chambre a pris en compte sa situation familiale.

Conclusions

Momir Nikolic reconnaît sa responsabilité pour les actes criminels par lesquels il a concouru à la commission de ces crimes. Il a coopéré avec l’Accusation et exprimé ses remords aux victimes. Il est probable que son plaidoyer de culpabilité aura des effets bénéfiques sur toutes les communautés de l’ex-Yougoslavie, et il se peut qu’il ait ouvert la voie à la réconciliation. En fixant la peine, la Chambre de première instance a tenu compte de tous ces éléments.

Comme on l’a dit, Momir Nikolic a pris une part active aux crimes commis à Potocari, Bratunac et Zvornik. Il n’a pas essayé de se dérober à ses fonctions officielles ou de prendre ses distances pendant ces jours fatidiques. De son propre aveu, il s’est montré trcs actif — et même activiste — afin que l’opération se poursuive et soit, selon ses propres mots, un « succès ».

La Chambre de première instance a pris en compte les crimes commis de juillet à novembre 1995 dont Momir Nikolic été déclaré coupable, sous la qualification de persécutions, ainsi que le degré et le mode de sa participation à la commission de ces crimes. Elle a accordé un juste poids à chaque circonstance atténuante ou aggravante. Ainsi qu’elle l’a toujours rappelé aux parties et à l’accusé, la Chambre n’est pas liée par leurs recommandations en matière de peine. La Chambre a soigneusement examiné les conclusions des parties, et les peines proposées. Elle estime toutefois qu’elle ne peut accepter ni la peine proposée par la Défense, ni celle requise par l’Accusation, car aucune des deux ne rend compte de l’ensemble du comportement criminel dont Momir Nikolic a été déclaré coupable.

Monsieur Nikolic, veuillez vous lever.

Ayant dûment pesé l’ensemble de ces éléments, la Chambre de première instance vous condamne à 27 ans d’emprisonnement. La durée de détention préventive à déduire de cette peine est de 610 jours à la date du présent jugement portant condamnation, auxquels s’ajoutera toute période supplémentaire de détention dans l’attente d’un éventuel jugement en appel. 

*****

Le texte intégral du jugement est disponible sur le site Internet du Tribunal, ainsi que sur demande auprès des Services d’Information publique (en anglais seulement, provisoirement).

 

Ante Markovic: Milosevic et Tudjman avaient le projet avant la guerre de se partager la Bosnie

AMSTERDAM (AP) - Slobodan Milosevic et l'ancien président croate Franjo Tudjman avaient secrètement caressé le projet de se partager la Bosnie avant que n'éclate la guerre dans les Balkans en 1991, a déclaré jeudi 23 octobre 2003 Ante Markovic, ancien Premier ministre yougoslave lors du procès de l'ancien "maître de Belgrade" devant le tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie à La Haye.

Ante Markovic a souligné que le projet avait été élaboré lors d'une rencontre en mars 1991 à Karadjordjevo, dans le nord de la Serbie.

"Tudjman et Milosevic sont convenus de diviser la Bosnie. Ils souhaitaient également me déloger de ma position parce que je me trouvais sur leur chemin", a-t-il déclaré en ajoutant avoir informé l'ex-président yougoslave qu'il ferait tout en son pouvoir "pour arrêter le plan".

Selon ce témoin présenté par l'accusation, "les deux hommes envisageaient une enclave pour les musulmans, dans laquelle" ils seraient libres de "vivre paisiblement".

L'ancien président yougoslave Slobodan Milosevic, qui a tenu les rênes du pouvoir pendant 13 ans, doit faire face à 66 chefs d'accusation pour crimes de guerre présumés, dont actes de génocide, lors des conflits en Croatie, en Bosnie et dans la province serbe du Kosovo.

Assurant lui-même sa défense, l'ex-"maître de Belgrade" a démenti les propos d'Ante Markovic sur la tenue d'une rencontre avec Franjo Tudjman. A titre de preuve: un agenda des activités quotidiennes de M. Markovic, quand ce dernier était en fonction, et sur lequel n'apparaît aucune mention d'une telle rencontre.

Le contre-interrogatoire doit se poursuivre vendredi. AP

 

mardi 21 octobre 2003, 13h30
Colère en Serbie après l'inculpation de généraux par le TPI

BELGRADE (AFP) - L'annonce par le Tribunal pénal international (TPI) de nouvelles inculpations à l'encontre de généraux serbes pour leur rôle au Kosovo a suscité colère et embarras à Belgrade, et risque d'envenimer davantage les relations entre la juridiction de l'Onu et le pouvoir en Serbie.

Le Premier ministre serbe, Zoran Zivkovic, a reproché au TPI d'avoir "violé un accord informel" conclu avec son prédécesseur Zoran Djindjic, assassiné en mars. 

Aux termes de cet accord, le TPI aurait consenti, selon M. Zivkovic, à s'abstenir de diffuser de nouvelles inculpations concernant des ressortissants de Serbie-Monténégro (ancienne Yougoslavie) ayant eu des responsabilités dans les chaînes de commandement des forces de sécurité.

M. Zivkovic, dont les propos sont rapportés par la presse nationale, a fait savoir qu'il avait refusé de "recevoir" les actes d'inculpation que tentait de lui remettre la procureur du TPI, Carla Del Ponte, lors de sa dernière visite à Belgrade, début octobre.

Parmi les quatre hommes visés par le TPI, le général de police Sreten Lukic est toujours en activité. Il occupe les fonctions de ministre-adjoint de l'Intérieur et de chef de la sécurité publique serbe. Son patron, le ministre de l'Intérieur Dusan Mihajlovic, l'a qualifié de "héros" pour son combat contre le crime organisé.

Outre celle de M. Lukic, le TPI a rendu publiques lundi à La Haye les inculpations du général Nebojsa Pavkovic, ancien chef d'état-major de l'armée, et des généraux Vladimir Lazarevic et Vlastimir Djordjevic.

Tous sont soupçonnés d'avoir pris part à "une campagne de terreur et de violence contre les Albanais du Kosovo" en 1999.

Le vice-Premier ministre, Zarko Korac, a stigmatisé "le manque de compréhension" de Carla Del Ponte à l'égard de la situation dans laquelle se trouve la Serbie, soulignant en filigrane que la fermeté du TPI constitue un facteur de déstabilisation supplémentaire.

Lors de son dernier passage, Mme Del Ponte a eu, selon M. Korac, des discussions "difficiles" avec le gouvernement qui lui a fait part des "conséquences politiques de nouvelles inculpations". "Nous nous attendions à une certaine compréhension, il est clair qu'elle n'existe pas", a regretté le responsable.

Le Premier ministre a laissé entendre que Belgrade ne se presserait pas de souscrire aux dernières exigences du TPI qui, a-t-il estimé, portent "un coup" aux réformes entreprises par le gouvernement.

"Nous avons une loi qui nous oblige à coopérer avec le TPI", a admis M. Zivkovic. "Mais pourquoi de nouvelles inculpations maintenant? Sept jours après la rencontre à Vienne avec les Albanais du Kosovo, en plein milieu d'une campagne électorale (présidentielle, le 16 novembre) et d'un débat parlementaire sur la confiance envers le gouvernement", s'est-il interrogé.

Les relations entre le TPI et la Serbie ont toujours été problématiques, Belgrade considérant que l'institution judiciaire est loin d'être impartiale.

Ce n'est que sous la pression internationale, notamment de Washington, que les dirigeants serbes ont accepté, au cours des deux dernières années, de livrer à l'institution judiciaire une demi-douzaine d'anciens responsables, dont l'ex-président yougoslave Slobodan Milosevic.

Depuis des mois, Belgrade continue d'essuyer les critiques du TPI pour ne pas arrêter Ratko Mladic, ancien chef militaire des Serbes de Bosnie, qui, répète Mme Del Ponte en dépit des dénégations serbes, se trouve en Serbie.

Pierre-Richard Prosper, ambassadeur itinérant américain pour les crimes de guerre, a implicitement rappelé que la comparution de Mladic, accusé du massacre de plus de 7.000 musulmans en 1995, demeurait une priorité.

"Son extradition à La Haye", a-t-il déclaré à l'agence Beta, "pourrait permettre aux quatre généraux nouvellement inculpés d'être traduits devant la justice de leur pays".

 

vendredi 17 octobre 2003, 12h05
Le TPIY condamne trois Bosno-serbes pour nettoyage ethnique

LA HAYE (Reuters) - Le tribunal pénal international de la Haye sur l'ex-Yougoslavie (TPIY) a condamné trois anciens responsables régionaux bosno-serbes à des peines allant jusqu'à 17 ans de prison pour nettoyage ethnique visant les Musulmans et les Croates durant la guerre de Bosnie, de 1992 à 1995.

Blagoje Simic, Miroslav Tadic et Simo Zaric, qui s'étaient tous trois rendus d'eux-mêmes au tribunal, étaient accusés d'avoir planifié et mené une campagne de meurtres, d'arrestations, de torture et de déportations visant les non Serbes dans la région de Bosanski Samac, dans le nord de la Bosnie.

Simic, 43 ans, décrit par les juges comme un des chefs de file de cette entreprise criminelle, a écopé de 17 ans de réclusion. Tadic, 66 ans, a été condamné à huit ans de prison et Zaric, 55 ans, à six ans.

Les trois prévenus avaient plaidé non coupables de deux chefs de crime contre l'humanité et d'un autre portant sur la violation des conventions de Genève.

Selon les procureurs du TPIY, les trois hommes figuraient parmi un groupe de responsables régionaux impliqués dans la prise de Bosanski Samac par les Serbes au printemps 1992.

Ils ont, selon l'acte d'accusation, "commis, organisé, incité, ordonné ou autrement aidé ou encouragé une campagne de persécutions en vue de débarrasser les municipalités de Bosanski Samac et Odzak de tous les non Serbes".

"Personne n'a contraint les prévenus à s'impliquer si volontiers dans le système de terreur qui a saisi cette partie de l'ancienne Yougoslavie", a déclaré le procureur Gramshi di Fazio devant le tribunal.

Leur procès s'était ouvert en septembre 2001.

Deux autres Serbes de Bosnie inculpés avec les trois condamnés de vendredi et qui avaient plaidé coupable de crimes de guerre ont été précédemment condamnés.

L'ancien chef de la police de Bosanski Samac, Stevan Todorovic, qui avait admis des meurtres, des actes de torture et des viols contre des Musulmans et des Croates a écopé de 10 ans de prison en 2001. L'ancien responsable politique régional Milan Simic, qui avait plaidé coupable de deux chefs de crimes contre l'humanité, a été condamné l'an dernier à cinq ans de réclusion.

Un sixième homme figurant sur l'acte d'inculpation originel, Slobodan Miljkovic, a été abattu en Serbie en 1998.

____________________

The Hague, 17 octobre 2003
CC/P.I.S./792-f

JUGEMENT RENDU DANS L’AFFAIRE LE PROCUREUR c/ BLAGOJE SIMIC, MIROSLAV TADIC ET SIMO ZARIC

BLAGOJE SIMIC CONDAMNÉ : 17 ANS D’EMPRISONNEMENT
MIROSLAV TADIC CONDAMNÉ : 8 ANS D’EMPRISONNEMENT
SIMO ZARIC CONDAMNÉ : 6 ANS D’EMPRISONNEMENT

Veuillez trouver ci-dessous le résumé du jugement rendu par la Chambre de 1ére instance II composée des Juges Florence Mumba (Président), Sharon Williams et Per-Johan Lindholm, tel que lu le Juge Président :

Contexte

1. La Chambre de première instance II est réunie ce matin pour rendre son jugement dans le procès des trois accusés Blagoje Simic, Miroslav Tadic et Simo Zaric, conjointement inculpés, aux termes du Cinquième acte d’accusation modifié du 30 mai 2002, d’avoir engagé leur responsabilité pénale individuelle en vertu de l’article 7 1) du Statut du Tribunal, à raison de deux chefs de crimes contre l’humanité sanctionnés par l’article 5 du Statut — persécutions et expulsions — et d’un chef d’infraction grave aux Conventions de Genève de 1949 sanctionnée par l’article 2 du Statut — expulsions et transferts illégaux. Aux fins de la présente audience, la Chambre de première instance présente un résumé de ses constatations et conclusions. Il s’agit uniquement d’un résumé qui ne fait pas partie intégrante du jugement. Seul fait autorité l’exposé des constatations, conclusions et motifs de la Chambre que l’on trouve dans le texte écrit du jugement, dont des copies seront mises à la disposition des parties et du public à l’issue de l’audience. Le résumé présenté aujourd’hui reflète la décision de la majorité des juges. Une opinion individuelle et partiellement dissidente du Juge Lindholm est jointe au jugement.

2. Dans le Premier acte d’accusation en date du 21 juillet 1995, les accusés étaient inculpés avec trois autres personnes : Slobodan Miljkovic alias « Lugar », Milan Simic et Stevan Todorovic. Suite aux plaidoyers de culpabilité de Stevan Todorovic et Milan Simic, l’instance contre ces derniers a été disjointe de celle des autres accusés. Quant à la procédure à l’encontre de Slobodan Miljkovic, elle a pris fin avec le décès de celui-ci.

3. Le procès contre les accusés a porté sur des événements qui se sont produits dans les municipalités de Bosanski Samac et d’Odzak, situées à l’endroit indiqué sur la carte annexée au jugement, ainsi qu'ailleurs en Bosnie-Herzégovine. La ville de Bosanski Samac était d’une importance stratégique pour la conduite des opérations militaires. En effet, cette municipalité faisait partie de ce que l’on appelle le corridor de la Posavina, étroite bande de terre plate longeant la Save, qui reliait les régions de Croatie contrôlées par les Serbes aux territoires serbes de Bosnie et à la République de Serbie. Ce corridor représentait le moyen le plus facile et le plus rapide de mettre en place un axe terrestre reliant, d’ouest en est, les régions de Croatie contrôlées par les Serbes (Republika Srpska Krajina) à la Serbie.

Constatations

4. Les Accusés occupaient des postes clés dans les régions mentionnées dans l’acte d’accusation. Blagoje Simic, médecin, était Président de la section locale du Parti démocrate serbe et Président de la cellule de crise serbe de la municipalité de Bosanski Samac, qu’il a continué de présider lorsqu’elle a été rebaptisée Présidence de guerre. Il occupait le rang le plus élevé dans la hiérarchie civile de la municipalité. Miroslav Tadic, enseignant du secondaire à la retraite, était commandant adjoint chargé de la logistique dans le Quatrième Détachement, chef de l’état-major de la protection civile, membre de plein droit de la cellule de crise et membre dirigeant de la Commission d’échanges dans la municipalité de Bosanski Samac. Simo Zaric était commandant adjoint chargé du renseignement, de la reconnaissance, du moral et de l’information dans le Quatrième détachement, chef du Service de sécurité nationale à Bosanski Samac, du 29 avril 1992 au 19 mai 1992, et adjoint du président du Conseil civil à Odzak.

5. La Chambre de première instance considère que les événements qui se sont produits dans les municipalités de Bosanski Samac et d’Odzak du 17 avril 1992 au 31 décembre 1993 ont constitué une attaque généralisée et systématique contre la population civile. Cette attaque a notamment consisté dans la prise du pouvoir par la force, à Bosanski Samac, par des membres des groupes paramilitaires et de la police serbe, et dans des actes de persécution et d’expulsion commis ensuite contre des civils non serbes. La Chambre de première instance est également convaincue que certains membres du 17e Groupe tactique de la JNA se trouvaient dans la ville de Bosanski Samac le 17 avril 1992. La République de Bosnie-Herzégovine était le théâtre d’un conflit armé pendant la période mentionnée précédemment, et il existait un lien entre ce conflit armé et les actes des accusés.

6. La Chambre de première instance ne se saisit pas de la question de savoir si le conflit armé avait ou non un caractère international. Elle estime que les arguments que l’Accusation a avancés dans l’acte d’accusation à l’appui de l’existence d’un conflit armé n’ont pas informé la Défense des faits importants permettant de fonder juridiquement les accusations d’expulsions ou de transferts illégaux basées sur l’article 2 du Statut. La Chambre estime que, pour se prononcer sur les accusations portées contre les accusés, elle ne peut pas prendre en considération des faits dont il n’est pas fait état dans l’acte d’accusation, et rejette par conséquent le chef 3 de l’acte d’accusation.

7. La Chambre conclut que l’acte d’accusation modifié et les arguments avancés par l’Accusation n’étaient pas suffisamment détaillés et précis pour informer la Défense que l’Accusation entendait invoquer l’existence d’un type d’entreprise criminelle commune allant au-delà de la forme élémentaire. Partant, la Chambre de première instance n’a envisagé que la forme élémentaire de l’entreprise criminelle commune fondée sur l’article 7 1) du Statut, en plus des autres formes de responsabilité pénale mentionnées dans cette disposition.

8. La Chambre va à présent exposer ses constatations et conclusions concernant la responsabilité pénale individuelle de chaque accusé pour les actes sous-jacents constitutifs du crime de persécution tel que reproché au chef 1 de l’acte d’accusation. Elle commencera par exposer ses constatations et conclusions relatives à la participation des accusés à une entreprise criminelle commune visant à commettre des persécutions.

Responsabilité pénale individuelle, entreprise criminelle commune, article 7 1) du Statut

9. Sur la base des éléments de preuve produits, la Chambre de première instance est convaincue que des membres de la cellule de crise, dont Blagoje Simic en tant que son Président ; des membres de la police serbe, dont le chef de la police Stevan Todorovic, lequel était également membre de la cellule de crise ; des membres de groupes paramilitaires serbes, dont « Debeli » (Srcko Radovanovic, « Pukovnik »), « Crni » (Dragan Ðordevic), « Lugar » (Slobodan Miljkovic) et « Laki » (Predrag Lazarevic) ; et des membres du 17e Groupe tactique de la JNA ont participé à une forme élémentaire d’entreprise criminelle commune, et qu’ils partageaient l’intention de mettre à exécution un plan commun de persécution des civils non serbes dans la municipalité de Bosanski Samac.

10. La Chambre de première instance conclut à l’existence de ce plan commun propre à l’entreprise criminelle commune sur la base de l’ensemble des circonstances. Il existe suffisamment d’éléments de preuve permettant d’affirmer que les participants à l’entreprise criminelle commune ont agi de concert pour mettre à exécution un plan qui prévoyait, entre autres, la prise de la ville de Bosanski Samac par la force, l’occupation d’installations et d’institutions clés de la ville, et la persécution de civils non serbes de la municipalité de Bosanski Samac durant la période couverte par l’acte d’accusation. Ce plan commun visait à commettre des persécutions contre des non-Serbes, y compris des actes d’arrestation et de détention illégales, des traitements cruels et inhumains, et notamment des sévices corporels, la torture, les travaux forcés, l’emprisonnement dans des conditions inhumaines, les expulsions et le transfert forcé.

11. En tant que Président de l’Assemblée municipale et de la cellule de crise (rebaptisée par la suite Présidence de guerre), Blagoje Simic a dirigé l’entreprise criminelle commune à l’échelon municipal. Il occupait la place la plus élevée dans la hiérarchie civile de la municipalité de Bosanski Samac et savait que son rôle et son autorité étaient essentiels pour mettre à exécution le dessein commun, à savoir les persécutions. La Chambre de première instance est convaincue que Blagoje Simic et les autres participants ont agi dans l’intention partagée d’œuvrer à ce but commun. Elle estime toutefois que si Blagoje Simic a bien participé à l’entreprise criminelle commune, rien ne permet de conclure que tel ait également été le cas pour Miroslav Tadic et Simo Zaric.

12. La Chambre va maintenant présenter ses constatations détaillées relatives à la participation de Blagoje Simic à l’entreprise criminelle commune ayant visé à commettre les actes sous-jacents de persécutions. Elle exposera également ses conclusions sur la responsabilité de Miroslav Tadic et de Simo Zaric au regard de l’article 7 1) du Statut, pour le crime de persécution reproché dans le chef 1 de l’acte d’accusation.

Crimes contre l’humanité, Persécutions, Chef 1

a) Prise de pouvoir par la force

13. S’agissant de la prise de pouvoir par la force, qualifiée d’acte constitutif de persécutions au chef 1, la Chambre de première instance conclut que cet acte n’atteint pas le degré de gravité requis pour les autres crimes contre l’humanité et qu’il n’est pas à lui seul assimilable à des persécutions. La Chambre note cependant qu’une prise de pouvoir par la force peut donner lieu à la commission d’autres actes de persécution car elle crée les conditions nécessaires à l’adoption et à l’exécution de décisions privant les citoyens de leurs droits fondamentaux pour des raisons politiques, ethniques ou religieuses.

b) Arrestations et détentions illégales

14. La Chambre de première instance est convaincue qu’après la prise de la municipalité de Bosanski Samac le 17 avril 1992, et durant toute l’année 1992, des arrestations massives de civils musulmans et croates de Bosnie ont été effectuées dans la municipalité par des membres de la police locale serbe et d’unités paramilitaires venues de Serbie. Certains membres du Quatrième détachement ont également procédé à des arrestations. Les non-Serbes ont été arrêtés pour des raisons politiques et raciales, et non parce qu’ils étaient soupçonnés d’avoir commis des infractions réprimées par le droit interne ou international. Les civils non serbes ont été détenus à Bosanski Samac, dans différents lieux, au poste de police (SUP), dans les locaux de la Défense territoriale (TO), à l’école primaire et au lycée, à Zasavica et à Crkvina, ainsi que dans d’autres lieux de Bosnie-Herzégovine, y compris Brcko et Bijeljina. Les arrestations et le maintien en détention de ces personnes étaient arbitraires et illégaux. Les détenus n’ont reçu aucune explication justifiant leur arrestation et leur maintien en détention, et lors des rares procès qui ont eu lieu à Bijeljina et Batkovic, le droit à un procès équitable et le droit à la liberté et à la sûreté des personnes, consacrés aux articles 5 et 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, et aux articles 9 et 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, ont été bafoués.

15. La Chambre de première instance conclut que la seule déduction qu’elle puisse raisonnablement tirer de ces faits est que Blagoje Simic partageait l’intention des autres participants à l’entreprise criminelle commune, à savoir l'exécution du plan commun de persécutions, et qu’il a pris part à cette entreprise criminelle commune en permettant l’arrestation et la détention illégales de civils non serbes. La police, les unités paramilitaires, la cellule de crise et le 17e groupe tactique de la JNA ont œuvré ensemble au maintien de ce système d’arrestations et de détentions. À la tête de la cellule de crise, Blagoje Simic a présidé des réunions portant sur le fonctionnement des autorités municipales. Le chef de la police, Stevan Todorovic, rendait compte à la cellule de crise des arrestations et des placements en détention à Bosanski Samac. Blagoje Simic occupait un poste qui lui assurait une influence et un pouvoir considérables, et à ce poste, il n’a pris aucune mesure significative pour mettre fin aux arrestations et aux placements en détention.

16. La Chambre de première instance n’est pas convaincue que les éléments de preuve établissent à suffisance que Miroslav Tadic a participé aux arrestations et détentions illégales de non-Serbes. Même si Miroslav Tadic, en tant que membre de la Commission d’échanges, avait connaissance de l’intention discriminatoire présidant à l’entreprise criminelle commune, on ne peut considérer que ses actes ou omissions ont eu un effet important sur les arrestations et détentions illégales, et par conséquent, il n’a pas participé en tant que complice à l’entreprise criminelle commune.

17. La Chambre de première instance n’est pas convaincue que Simo Zaric a participé à l’arrestation et à la détention illégales de non-Serbes. En tant que commandant adjoint chargé du renseignement, de la reconnaissance, du moral et de l’information du Quatrième détachement, il a interrogé des détenus au SUP et à Brcko. La Chambre n’est pas convaincue que ces actes ont eu un effet important sur les arrestations et les détentions illégales. Simo Zaric n’a pas ordonné d’arrestations et il a, à plusieurs reprises, recommandé la libération de détenus.

c) Interrogatoires

18. Concernant l’allégation selon laquelle Simo Zaric aurait interrogé des Croates et des Musulmans de Bosnie ainsi que d’autres civils non serbes, qui avaient été arrêtés et détenus, et les aurait contraints à signer de fausses déclarations, la Chambre conclut que s’il a été établi que Simo Zaric a interrogé des détenus au SUP à Bosanski Samac et à Brcko, rien ne prouve qu’il les ait contraints à signer de fausses déclarations. La Chambre estime en outre que les interrogatoires, qualifiés à eux seuls d’actes de persécution, ne présentent pas le degré de gravité requis pour constituer des persécutions et un crime contre l’humanité. La Chambre de première instance a donc examiné les interrogatoires sous le chef de persécutions, en tant que traitements cruels et inhumains.

d) Traitements cruels et inhumains

19. La Chambre de première instance considère que l’accusation de « traitements cruels et inhumains […], y compris des sévices corporels, la torture, les travaux forcés et l’emprisonnement dans des conditions inhumaines » [non souligné dans l’original] était trop vague et générale pour permettre à la Défense d’être informée des faits qui n’étaient pas expressément mentionnés dans l’acte d’accusation modifié, et elle estime que cela a considérablement nui à la capacité des Accusés de préparer efficacement leur défense. Par conséquent, la Chambre n’a examiné aucun traitement cruel et inhumain ne relevant pas des sévices corporels, des travaux forcés et de l’emprisonnement dans des conditions inhumaines. Elle est toutefois convaincue que les tortures n’étaient pas qualifiées d’actes constitutifs de traitements cruels et inhumains, mais qu’elles étaient, au même titre que les traitements cruels et inhumains, qualifiées d’actes constitutifs de persécutions.

20. La Chambre de première instance constate que les détenus ont subi, de manière répétée, des sévices corporels qui leur ont été infligés par des membres des unités paramilitaires et de la police serbe. Ces sévices qui ont provoqué des douleurs et des souffrances aiguës à la fois physiques et mentales constituaient des traitements cruels et inhumains. Ces actes ont été commis pour des motifs discriminatoires et constituent, de ce fait, des persécutions. D’autres, tels que les violences sexuelles, l’extraction de dents et les menaces d’exécution, constituent, quant à eux, des tortures. Ces actes qui ont provoqué des douleurs et des souffrances aiguës, physiques et mentales, ont été commis dans le but d’opérer une discrimination au détriment des victimes, pour des motifs ethniques. Les civils non serbes détenus dans les centres situés à Bosanski Samac, Crkvina et Bijeljina, ont été emprisonnés dans des conditions inhumaines, ce qui constituait un traitement cruel et inhumain. Les détenus manquaient de place, de nourriture ou d’eau, et faisaient l’objet de traitements humiliants et dégradants. Ils souffraient du manque d’hygiène et étaient privés des soins médicaux nécessaires. La Chambre de première instance conclut qu’ils ont été détenus dans des conditions inhumaines pour des motifs discriminatoires. Toutefois, elle n’est pas convaincue au-delà de tout doute raisonnable que la détention des non-Serbes à Zasavica constituait un emprisonnement dans des conditions inhumaines.

21. La Chambre de première instance est convaincue que Blagoje Simic a pris part à l’entreprise criminelle commune visant à persécuter les prisonniers non serbes dans les centres de détention de la ville de Bosanski Samac, en leur infligeant des traitements cruels et inhumains, à savoir notamment des sévices corporels, des tortures et leur emprisonnement dans des conditions inhumaines. Toutefois, elle n’est pas convaincue qu’il ait participé à l’entreprise criminelle commune visant à persécuter, par des traitements cruels et inhumains, les civils non serbes détenus dans les centres de Crkvina, Brcko et Bijeljina.

22. La Chambre n’est pas convaincue que les éléments de preuve produits par l’Accusation suffisent à établir que le comportement de Miroslav Tadic a eu un effet important sur la commission du crime. Elle n’est pas convaincue que Miroslav Tadic avait le pouvoir d’empêcher les auteurs de commettre des persécutions, à savoir notamment des sévices corporels, des tortures et l’emprisonnement dans des conditions inhumaines, à l’encontre de prisonniers non serbes détenus dans les centres de Bosanski Samac, Crkvina, Brcko ou Bijeljina.

23. La Chambre est convaincue que Simo Zaric a participé en tant que complice à l’entreprise criminelle commune visant à persécuter les prisonniers non serbes dans les centres de détention de Bosanski Samac, en leur infligeant des traitements cruels et inhumains, à savoir notamment des sévices corporels, des tortures et leur emprisonnement dans des conditions inhumaines. Simo Zaric a interrogé des prisonniers non serbes qui avaient été battus. La Chambre de première instance reconnaît qu’il n’a pas pris part aux sévices et qu’il ne les a pas approuvés. Toutefois, la Chambre considère que sa participation aux interrogatoires et son rôle lors de l’interview de prisonniers non serbes par TV Novi Sad ont apporté des encouragements et un soutien moral aux auteurs des traitements cruels et inhumains infligés aux prisonniers non serbes. Dans ce contexte, la Chambre de première instance a pris en compte le fait que Simo Zaric était un ancien chef du SUP de Bosanski Samac, qu’il était le commandant adjoint chargé du renseignement au sein du Quatrième détachement, ainsi que son rôle très actif dans la vie sociale et culturelle de Bosanski Samac, où il jouissait aussi d'un grand respect. La Chambre n’a pas pris en considération sa nomination en tant que chef du service de sécurité nationale. La Chambre conclut que ces éléments prouvent au-delà de tout doute raisonnable que la participation de Simo Zaric aux interrogatoires a eu un effet important sur la perpétration des mauvais traitements. Bien qu’elle ne soit pas convaincue que Simo Zaric partageait l’intention discriminatoire des auteurs de ces actes, la Chambre conclut que l’accusé avait connaissance de cette intention. Pour ces raisons, la Chambre de première instance est convaincue au-delà de tout doute raisonnable que Simo Zaric est pénalement responsable de persécutions, en tant que complice. Il est pénalement responsable des traitements cruels et inhumains infligés jusqu’en juillet 1992, date à laquelle il a été nommé vice-président du conseil militaire civil de la municipalité d’Odzak.

24. Toutefois, la Chambre de première instance n’est pas convaincue que Simo Zaric partageait l’intention discriminatoire des auteurs de persécutions, ayant infligé des traitements cruels et inhumains, à savoir notamment des sévices corporels, des tortures et l’emprisonnement dans des conditions inhumaines, à Brcko et Bijeljina, ni qu’il avait connaissance de cette intention. Les éléments de preuve produits par l’Accusation n’établissent pas au-delà de tout doute raisonnable que Simo Zaric avait connaissance de cette intention. Simo Zaric lui-même a seulement reconnu qu’il avait connaissance des persécutions dont ont été victimes les civils non serbes dans les centres de détention de Bosanski Samac. La Chambre de première instance n’est pas convaincue au-delà de tout doute raisonnable que Simo Zaric a contribué de manière importante à la persécution des prisonniers non serbes auxquels ont été infligés des traitements cruels et inhumains, à savoir notamment des sévices corporels, des tortures et leur emprisonnement dans des conditions inhumaines, à Crkvina.

e) Travaux forcés en tant que traitements cruels et inhumains

25. La Chambre de première instance est convaincue qu’en violation des normes du droit international humanitaire, des civils étaient contraints de creuser des tranchées, de construire des casemates et d’effectuer d’autres travaux de caractère militaire sur la ligne de front, où ils étaient exposés au danger et couraient de grands risques d’être blessés ou tués. La Chambre de première instance convient que le fait de forcer des civils à travailler dans des conditions mettant leur vie en péril viole l’obligation, consacrée par les Conventions de Genève, de les traiter humainement, et constitue un traitement cruel et inhumain. La Chambre de première instance est convaincue que ces travaux forcés obéissaient à des motifs discriminatoires et qu’ils atteignent le degré de gravité requis pour constituer des persécutions.

26. En outre, la Chambre de première instance est convaincue que les civils non serbes étaient affectés à des travaux forcés humiliants. Si les exemples isolés de travaux humiliants peuvent demeurer en-deçá du degré de gravité requis pour être qualifiés de persécutions, la Chambre de première instance tient pour constant que ces travaux s’inscrivaient dans le cadre d’une série d’actions visant les Musulmans et Croates de Bosnie exerçant des fonctions politiques et économiques importantes. La Chambre de première instance est convaincue que les travaux humiliants atteignent le degré de gravité requis pour être qualifiés de persécutions.

27. La Chambre de première instance admet que certains types de travaux, notamment la préparation des repas, l’entretien du réseau électrique et du système d’approvisionnement en eau et les travaux agricoles, étaient nécessaires pour le bien de la communauté et que ceux-ci, bien qu’effectués sous la contrainte, sont autorisés par le droit international humanitaire. Il n’a pas été établi au-delà de tout doute raisonnable que les conditions dans lesquelles ces travaux étaient accomplis étaient telles qu’elles constituaient des traitements cruels et inhumains, ni que les travaux présentaient un degré de gravité suffisant pour constituer des persécutions.

28. La Chambre de première instance tient pour constant que les Musulmans et les Croates de Bosnie contraints de piller les maisons appartenant à des personnes qu’ils connaissaient bien parfois et qu’ils tenaient en haute estime, étaient soumis à des traitements humiliants. Toutefois, la Chambre n’est pas convaincue qu’il ait été établi au-delà de tout doute raisonnable que la cellule de crise, par sa participation au programme de travail forcé, a contraint les civils à des actes de pillage.

29. La Chambre de première instance estime que le Secrétariat à la défense nationale, l’organe responsable de la gestion du programme de travail forcé, rendait des comptes à la cellule de crise. Elle conclut, en conséquence, que cette dernière assumait en dernier ressort la responsabilité de faire travailler des personnes dans des conditions dangereuses.

30. La Chambre de première instance est convaincue que les travaux forcés dangereux et humiliants auxquels étaient astreints les Musulmans et les Croates de Bosnie s’inscrivaient dans le cadre de l’entreprise criminelle commune visant à persécuter les civils non serbes des municipalités de Bosanski Samac et d’Odzak. La Chambre de première instance est convaincue que Blagoje Simic avait l’intention de contraindre les Musulmans et les Croates de Bosnie à accomplir des travaux dangereux ou humiliants. En sa qualité de président de la cellule de crise, et plus tard de la présidence de guerre, il a pris part à la nomination et au licenciement du chef de la direction municipale de la défense. Il avait connaissance de la situation générale régnant dans la municipalité et savait que des civils étaient employés au creusement des tranchées et à d’autres travaux militaires dangereux. Il n’a pris aucune des mesures en son pouvoir pour mettre fin à cette pratique.

31. Si la Chambre de première instance est convaincue que Miroslav Tadic connaissait l’existence du programme de travail forcé, elle n’est pas convaincue, en revanche, qu’il ait partagé, ni même connu, l’intention de Blagoje Simic et celle des autres membres de l’entreprise criminelle commune, de contraindre les Musulmans et les Croates de Bosnie à effectuer des travaux dangereux ou humiliants. Bien que les éléments de preuve établissent que Miroslav Tadic a pris part au programme de travail forcé, la Chambre de première instance n’est pas convaincue qu’il ait, par sa participation, contraint les non-Serbes à accomplir des travaux dangereux ou humiliants.

32. La Chambre de première instance n’est pas convaincue que les éléments de preuve présentés permettent de conclure que Simo Zaric a contribué de manière importante à contraindre des non-Serbes à effectuer des travaux forcés dangereux ou humiliants.

f) Pillage

33. La Chambre de première instance convient que des actes isolés de pillage ont été perpétrés à grande échelle immédiatement après la prise par la force de Bosanski Samac. S’il a été établi que des unités paramilitaires, des membres du Quatrième détachement et de la police, ainsi que des civils serbes ordinaires ont pris part aux actes de pillage de biens appartenant aux non-Serbes, la Chambre de première instance n’est pas convaincue que le rôle joué par la cellule de crise dans ces actes ait été établi au-delà de tout doute raisonnable. La Chambre de première instance retient les dépositions des témoins à décharge selon lesquelles la cellule de crise a pris certaines mesures pour protéger les biens abandonnés par les familles ou les biens des entreprises publiques.

34. La Chambre de première instance tient pour acquis que certains civils qui se rassemblaient chaque matin devant le bâtiment de la commune locale pour être affectés à des travaux ont pris part aux actes de pillage, mais elle n'est pas convaincue qu'il a été établi de manière concluante au-delà de tout doute raisonnable que la cellule de crise a ordonné ces actes. Les témoins contraints de se livrer au pillage ont déclaré qu’ils recevaient parfois des ordres de civils serbes qui pillaient en même temps qu'eux ou de conducteurs qui agissaient pour leur propre compte. Ces témoins ont indiqué que les biens pillés étaient chargés dans des véhicules privés et qu’il n’existait aucun contrôle d’aucune sorte.

35. Au vu de ce qui précède, la Chambre de première instance n’est pas convaincue que les pillages généralisés de biens appartenant aux Musulmans et aux Croates de Bosnie s’inscrivent dans le cadre du plan commun visant à persécuter les civils non serbes. Si, en l’espèce, la connaissance qu’avaient les Accusés des actes de pillage ne prête pas à controverse, la Chambre de première instance n’est pas convaincue que leur participation délibérée à ces actes, sous quelque forme que ce soit, ait été prouvée au-delà de tout doute raisonnable.

g) L’émission d’ordres, de mesures, de décisions et autres dispositions réglementaires au nom de la cellule de crise serbe et de la présidence de guerre

36. Bien que la cellule de crise de la municipalité serbe de Bosanski Samac ait pris certaines décisions enfreignant le droit des civils non serbes à un traitement égal, la Chambre de première instance n'est pas convaincue que ces décisions présentent un caractère suffisamment grave pour constituer des persécutions.

h) Expulsion et transfert

37. La Chambre de première instance est convaincue que des civils non serbes ont été expulsés de la municipalité de Bosanski Samac vers la Croatie et de Batkovic vers Lipovak. D’autres civils non serbes ont également été déplacés à l’intérieur de la Bosnie-Herzégovine, à savoir de la municipalité de Bosanski Samac vers Dubica. La Chambre de première instance n’est pas convaincue au-delà de tout doute raisonnable que les transferts de civils non serbes de la municipalité de Bosanski Samac vers Zasavica et Crkvina aient été effectués dans l’intention de les déplacer de façon définitive. Elle conclut, en conséquence, que ces non-Serbes n’ont pas fait l’objet de transferts forcés. De même, la Chambre de première instance n’est pas convaincue que le transfert de prisonniers non serbes d’un centre de détention à un autre à l’intérieur du territoire contrôlé par les Serbes en Bosnie-Herzégovine constitue un transfert forcé dès lors qu’il n’a pas été constaté que l’intention des Accusés était d’empêcher le retour des victimes. La Chambre de première instance conclut qu’aucun des Accusés n’est pénalement responsable du transfert forcé de prisonniers non serbes d’un centre de détention vers un autre, et elle n’est pas non plus convaincue que les Accusés aient été animés de l’intention de déplacer définitivement ces prisonniers.

38. S’agissant de la responsabilité pénale de Blagoje Simic, la majorité des Juges est convaincue qu’il a pris part à l’entreprise criminelle commune visant à persécuter les civils non serbes au moyen d’expulsions et de transferts forcés. La Chambre de première instance a estimé que la cellule de crise, présidée par Blagoje Simic, était régulièrement informée des échanges de prisonniers effectués par Miroslav Tadic. Le 2 octobre 1992, Blagoje Simic, à la tête de la présidence de guerre, a signé la lettre portant nomination des membres de la Commission d’échanges de civils qui transmettait tous les mois à la présidence de guerre un rapport sur ses activités. La Chambre de première instance a également estimé que le système d’échanges a duré environ un an et demi et elle conclut que Blagoje Simic n’a pas pris des mesures suffisantes pour empêcher le déplacement illégal de non-Serbes. La Chambre de première instance est convaincue que Blagoje Simic savait que les personnes illégalement déplacées étaient des non-Serbes. Elle est convaincue que les mauvais traitements infligés à grande échelle et de manière continue aux civils non serbes et les mesures de déplacement dont ceux-ci ont été victimes par la suite prouvent que les participants à l’entreprise criminelle commune visant à persécuter ces civils partageaient l’intention de les déplacer de manière définitive. La seule déduction que l’on puisse raisonnablement tirer de ces actes de persécution est que leurs auteurs n’entendaient pas que leurs victimes retournent chez elles. Aussi, la Chambre de première instance est-elle convaincue que Blagoje Simic était animé d’une intention discriminatoire en ce qui concerne le déplacement illégal de ces civils non serbes. Pour ces raisons, la Chambre conclut que Blagoje Simic a participé à l’entreprise criminelle commune visant à persécuter les civils non serbes au moyen d’expulsions et de transferts forcés.

39. En ce qui concerne la responsabilité pénale de Miroslav Tadic, la Chambre de première instance conclut qu’il n’a pas été prouvé au-delà de tout doute raisonnable que ce dernier a participé à l’entreprise criminelle commune visant à persécuter les civils non serbes en les déplaçant de manière illégale. Elle est toutefois convaincue au-delà de tout doute raisonnable que Miroslav Tadic a largement contribué à l’expulsion de civils non serbes en se faisant le complice de cet acte. Miroslav Tadic savait que les participants à l’entreprise criminelle commune visant à persécuter les civils non serbes au moyen d’expulsions étaient animés d’une intention discriminatoire. À cet égard, la Chambre prend en considération le fait que Miroslav Tadic savait que les prisonniers détenus à Bosanski Samac et déplacés par la suite étaient des non-Serbes et qu’il avait connaissance de leur arrestation, de leur détention et des traitements cruels et inhumains qui leur étaient infligés dans les centres de détention à Bosanski Samac. Quant à la question de savoir si Miroslav Tadic entendait déplacer de façon définitive les civils non serbes, la Chambre rejette les déclarations de ce dernier lorsqu’il affirme qu’il n’a jamais souhaité que certains de ses concitoyens quittent définitivement la région et qu’il était toujours possible pour eux de revenir. La Chambre est convaincue au-delà de tout doute raisonnable que les éléments de preuve produits par l’Accusation démontrent à suffisance que Miroslav Tadic entendait bien déplacer de façon définitive les civils non serbes en les obligeant à quitter leur domicile dans la municipalité de Bosanski Samac. Pour la Chambre, il ne fait aucun doute que la seule conclusion pouvant être déduite de la participation substantielle et ininterrompue de Miroslav Tadic aux échanges de civils non serbes est que ce dernier entendait que les civils non serbes ne retournent jamais chez eux, ou savait du moins que ses actes auraient pour conséquence probable leur déplacement définitif, et qu’il ne s’en est pas soucié. Pour ces raisons, la Chambre estime que la responsabilité pénale de Miroslav Tadic est engagée pour avoir aidé et encouragé les persécutions au moyen d’expulsions.

40. S’agissant de Simo Zaric, la Chambre de première instance conclut que ce dernier, à l’instar de Miroslav Tadic et Bozo Ninkovic, a été chargé par la cellule de crise d’établir la liste des Serbes détenus à Odzak avant l’échange organisé à Dubica les 25 et 26 mai 1992, étant donné qu’il était originaire de Trnjak Zorice, dans la municipalité d’Odzak, et pouvait fournir des informations concernant bon nombre de ces détenus serbes. Toutefois, la Chambre n’est pas convaincue que les éléments de preuve produits par l’Accusation suffisent à établir au-delà de tout doute raisonnable que Simo Zaric ait agi en étant animé d’une quelconque intention discriminatoire ou qu’il ait eu connaissance de l’intention des participants à l’entreprise criminelle commune de persécuter les civils non serbes au moyen de transferts forcés. La Chambre n’est pas non plus convaincue que Simo Zaric ait participé à l’expulsion illégale de civils non serbes les 4 et 5 juillet 1992 à Lipovac. Bien que la Chambre accepte les éléments de preuve faisant état de la présence de Simo Zaric sur le lieu de l’échange, elle estime que l’Accusation n’a pas prouvé au-delà de tout doute raisonnable que, par sa présence sur place ou par tout autre acte accompli avant cet échange, il y aurait participé.

Crimes contre l’humanité, expulsion, chef 2

41. La Chambre de première instance est convaincue au-delà de tout doute raisonnable que Blagoje Simic et Miroslav Tadic sont pénalement responsables de l’expulsion de civils non serbes, un crime contre l’humanité sanctionné par l’article 5 d) du Statut, et ce, à raison du même comportement que celui constituant l’acte constitutif du crime d’expulsion visé au chef 1.

42. Pour ce qui est de Simo Zaric, la Chambre estime que les éléments de preuve produits par l’Accusation ne suffisent pas à établir au-delà de tout doute raisonnable que la responsabilité pénale de celui-ci est mise en cause pour les expulsions reprochées en application de l’article 5 d) du Statut.

Fixation de la peine

43. La Chambre de première instance va se pencher maintenant sur la question de la fixation de la peine. Conformément à la jurisprudence de la Chambre d’appel en matière de cumul de déclarations de culpabilité, la Chambre de première instance, en déterminant la peine à infliger, a pris en considération le fait que le cumul de déclarations de culpabilité à raison de crimes sanctionnés par différentes dispositions du Statut mais fondés sur le même comportement n’est possible que si chacun des crimes comporte un élément nettement distinct qui exige la preuve d’un fait que n’exigent pas les autres. Si l’un seulement des crimes reprochés comporte un élément nettement distinct, la Chambre se fondera uniquement sur ce crime, en l’occurrence le plus spécifique, pour prononcer une déclaration de culpabilité.

44. Alors que l’expulsion en tant que crime contre l’humanité ne comporte pas d’élément nettement distinct de la persécution, cette dernière en revanche exige la preuve d’une intention discriminatoire. Aussi la Chambre conclut-elle que le cumul de déclarations de culpabilité à raison du crime d’expulsion en tant que crime contre l’humanité et du crime de persécution au moyen d’expulsions n’est pas possible. Elle se fondera donc uniquement sur le crime de persécution, le plus spécifique, pour prononcer une déclaration de culpabilité.

45. La Chambre de première instance a par conséquent reconnu Blagoje Simic coupable de crimes contre l’humanité à raison de persécutions, pour l’arrestation et la détention illégales de civils croates et musulmans de Bosnie, de traitements cruels et inhumains, y compris les sévices corporels, la torture, les travaux forcés et l’emprisonnement dans des conditions inhumaines, ainsi que de la déportation et du transfert forcé, tels qu’allégués au chef 1. Compte tenu du cumul de déclarations de culpabilité, aucune déclaration de culpabilité n’est prononcée à son encontre pour le chef 2. Miroslav Tadic est reconnu coupable de crimes contre l’humanité à raison de persécutions, pour la déportation et le transfert forcé, tels qu’allégués au chef 1. Compte tenu du cumul de déclarations de culpabilité, aucune déclaration de culpabilité n’est prononcée à son encontre pour le chef 2. Simo Zaric est reconnu coupable de crimes contre l’humanité à raison de persécutions, pour les traitements cruels et inhumains, y compris les sévices corporels, la torture, les travaux forcés et l’emprisonnement dans des conditions inhumaines, tels qu’allégués au chef 1.

46. S’agissant de Blagoje Simic, la Chambre de première instance considère que son rôle majeur au sein de l’entreprise criminelle commune dont l’objectif était de prendre par la force le pouvoir dans la municipalité de Bosanski Samac et d’en expulser les Musulmans et les Croates de Bosnie au moyen de persécutions odieuses constitue un facteur aggravant. En outre, la Chambre souligne qu’en sa qualité de dirigeant civil le plus haut placé de la municipalité, Blagoje Simic avait des responsabilités particulières à l’égard de l’ensemble de la population. La Chambre reconnaît par ailleurs que l’état de vulnérabilité des victimes placées en détention et le fait qu’en sa qualité de médecin, Blagoje Simic avait parfaitement conscience de leurs souffrances, constituent des circonstances aggravantes. Au titre de circonstances atténuantes, la Chambre retient la reddition volontaire de Blagoje Simic au Tribunal, son attitude générale au cours du procès, sa bonne conduite en détention et son casier judiciaire vierge.

47. S’agissant de Miroslav Tadic, la Chambre de première instance a pris en considération le rôle actif qu’il a joué dans les échanges, ainsi que la situation des victimes, qui, en raison de leur placement en détention et d’autres facteurs, n’étaient pas en mesure de véritablement faire un choix concernant leur échange. Au titre de circonstances atténuantes, la Chambre retient l’aide apportée par Miroslav Tadic à plusieurs Musulmans de Bosnie pendant la guerre, sa reddition volontaire au Tribunal, les remords qu’il a exprimés, sa situation personnelle, ainsi que l’absence de condamnations antérieures.

48. S’agissant de Simo Zaric, la Chambre de première instance estime que le rôle qu’il a joué en tant que membre actif du Quatrième détachement, la position d’autorité qu’il occupait, ainsi que l’état de vulnérabilité des victimes qui étaient régulièrement soumises à des mauvais traitements lors de leur détention, constituent des circonstances aggravantes. Au titre de circonstances atténuantes, la Chambre retient les efforts entrepris par Simo Zaric pour atténuer la souffrance de certaines victimes et pour prendre des mesures contre certains des crimes commis, les remords qu’il a exprimés, sa reddition volontaire, sa situation personnelle, ainsi que l’absence de condamnations antérieures.

Dispositif

La Chambre de première instance conclut par le dispositif suivant :

49. S’agissant de Blagoje Simic, ce dernier est déclaré coupable du chef 1, persécutions, un crime contre l’humanité, pour l’arrestation et la détention illégales de civils croates et musulmans de Bosnie, pour les traitements cruels et inhumains, y compris les sévices corporels, la torture, les travaux forcés et l’emprisonnement dans des conditions inhumaines, ainsi que pour la déportation et le transfert forcé. Aucune déclaration de culpabilité n’est prononcée pour le chef 2, la Chambre de première instance ayant jugé impossible que des déclarations de culpabilité soient prononcées cumulativement pour les chefs 1 et 2. Le chef 3 est rejeté au motif que l’acte d’accusation modifié est entaché de vices de forme. En application de l’article 101 C) du Règlement, suite à la reddition volontaire de Blagoje Simic au Tribunal le 12 mars 2001 et à sa détention ultérieure au Quartier pénitentiaire du Tribunal, une période de 949 jours sera déduite de la peine qui lui sera infligée. Sera également déduite la période passée en détention en attendant que le Président du Tribunal, en application de l’article 103 A) du Règlement, choisisse l’État où il doit purger sa peine. Dans l’attente de cette décision, Blagoje Simic restera sous la garde du Tribunal.

Blagoje Simic est condamné à 17 ans d’ emprisonnement.

50. S’agissant de Miroslav Tadic, ce dernier est déclaré coupable du chef 1, persécutions, un crime contre l’humanité, pour la déportation et le transfert forcé. Aucune déclaration de culpabilité n’est prononcée pour le chef 2, la Chambre de première instance ayant jugé impossible que des déclarations de culpabilité soient prononcées cumulativement pour les chefs 1 et 2. Le chef 3 est rejeté au motif que l’acte d’accusation modifié est entaché de vices de forme. Une période de 1 568 jours sera déduite de la peine qui lui sera infligée. Sera également déduite la période passée en détention en attendant que le Président du Tribunal, en application de l’article 103 A) du Règlement, choisisse l’État où il doit purger sa peine. Dans l’attente de cette décision, Miroslav Tadic restera sous la garde du Tribunal.

Miroslav Tadic est condamné à 8 ans d’emprisonnement.

51. S’agissant de Simo Zaric, ce dernier est déclaré coupable du chef 1, persécutions, un crime contre l’humanité, pour les traitements cruels et inhumains, y compris les sévices corporels, la torture, les travaux forcés et l’emprisonnement dans des conditions inhumaines. La Chambre de première instance acquitte Simo Zaric du chef 2. Le chef 3 est rejeté au motif que l’acte d’accusation modifié est entaché de vices de forme. Une période de 1 558 jours sera déduite de la peine qui lui sera infligée. Sera également déduite la période passée en détention en attendant que le Président du Tribunal, en application de l’article 103 A) du Règlement, choisisse l’État où il doit purger sa peine. Dans l’attente de cette décision, Miroslav Tadic restera sous la garde du Tribunal.

Simo Zaric est condamné à 6 ans d’emprisonnement.

Opinion dissidente du Juge Lindholm

En accord avec les observations de la Chambre de première instance concernant le cumul de déclarations de culpabilité,
a) Je conclus comme la majorité à la culpabilité de Blagoje Simic s’agissant du chef 1 : persécutions, un crime contre l’humanité.
Je considère qu’une peine de sept (7) d’emprisonnement est proportionnée et juste.
b) J’estime en outre que Miroslav Tadic et Simo Zaric ne sont coupables ni du chef 1 ni du chef 2.
c) Je rejette comme la majorité le chef 3.

*****
Le texte intégral du jugement est disponible sur le site Internet du Tribunal, ainsi que sur demande auprès des Services d’Information publique.

 

Le lundi 13 octobre 2003

 Le TPI a besoin des É.-U. et de l'UE pour remplir sa mission

Agence France-Presse - Zagreb

Le Tribunal pénal international (TPI) a besoin du soutien des États-Unis et de l'Union européenne pour achever sa mission dans les délais établis par le Conseil de sécurité de l'ONU, a affirmé le procureur du TPI Carla Del Ponte dans une interview publié lundi par la presse croate.

«Nous serions capables d'achever notre mission (en 2008) uniquement avec le soutien total des États-Unis et de l'UE», a déclaré Mme Del Ponte au quotidien indépendant Jutarnji List.

Mme Del Ponte précise avoir rencontré récemment le secrétaire d'État américain Colin Powell qui lui a fait part de l'appui des États-Unis notamment pour l'«arrestation de (...) Karadzic, Mladic et Gotovina», en fuite depuis leur inculpation par le TPI.

L'ex-chef politique des Serbes de Bosnie, Radovan Karadzic, et son chef militaire, Ratko Mladic, ont été inculpés il y a huit ans de génocide, de crimes contre l'humanité et de crimes de guerre pour leur rôle dans la guerre de Bosnie (1992-1995).

Inculpé en 2001, le général croate Ante Gotovina est recherché pour son rôle dans le massacre de Serbes de Croatie à la fin de la guerre serbo-croate (1991-1995).

Le procureur du TPI avait accusé jeudi devant le Conseil de sécurité des Nations Unies les autorités de Belgrade de ne pas coopérer suffisamment.

Dans l'interview accordée à Jutarnji List, Mme Del Ponte, affirme souhaiter une «pression croissante» de l'UE sur Zagreb afin d'aboutir à l'arrestation du général Gotovina.

La coopération avec le TPI est l'un des critères à remplir par la Croatie dans ses démarches d'intégration à l'Union européenne, la priorité «numéro un» de Zagreb en matière de politique étrangère.

 

La Haye, 28 octobre 2003
CC/S.I.P/ 795f

JUGEMENT RELATIF À LA SENTENCE DANS L’AFFAIRE LE PROCUREUR C/ PREDRAG BANOVIC

PREDRAG BANOVIC CONDAMNÉ À 8 ANS D’EMPRISONNEMENT

Veuiller trouver ci-dessous le résumé du jugement rendu par la Chambre de 1ère instance III composée des Juges Patrick Robinson (Président), Richard May et O-Gon Kwon, tel que lu par le Juge Président :

La présente audience est consacrée au prononcé du jugement en l’espèce. Ce qui suit n’est qu’un résumé du jugement écrit, dont il ne fait pas partie intégrante. Le texte écrit du jugement sera mis à la disposition des parties et du public à l’issue de l’audience.

À l’audience tenue le 26 juin 2003, l’Accusé a plaidé coupable du chef 1 de l’acte d’accusation consolidé, persécutions, un crime contre l’humanité sanctionné par les articles 5 h) et 7 1) du Statut du Tribunal. L’Accusé a plaidé coupable conformément à un accord intervenu entre les parties le 5 juin 2003 sur le plaidoyer. Dans cet accord, le Procureur s’est engagé à demander, à la suite du plaidoyer de culpabilité et de la déclaration de culpabilité, l’autorisation de retirer, irrévocablement, tous les autres chefs d’accusation, ainsi que les allégations de responsabilité pénale et celles formulées contre l’Accusé qui ne figurent pas dans le plaidoyer. La Chambre de première instance a en conséquence rejeté tous les autres chefs retenus contre l’Accusé et écarté sa responsabilité pénale pour les actes commis par d’autres ainsi qu’il est allégué dans l’acte d’accusation.

Le 3 septembre 2003 s’est tenue une audience consacrée au prononcé de la sentence en l’espèce, au cours de laquelle les parties ont développé les arguments exposés dans leurs mémoires respectifs au sujet des éléments à prendre en considération pour fixer la peine. L’Accusation et la Défense ont toutes deux demandé à la Chambre de première instance de prononcer une peine d’emprisonnement de huit ans. La Chambre a mis l’affaire en délibéré.

L’accord relatif au plaidoyer a été déposé, accompagné d’un exposé écrit des faits incriminés. L’Accusé, assisté de son conseil, a souscrit à l’exposé des faits, sur la base duquel la Chambre de première instance va se fonder pour fixer la peine. Les faits qui y sont décrits sont les suivants.

Le procès contre l’Accusé porte sur des événements qui se sont déroulés dans la municipalité de Prijedor, située dans le nord-ouest de la Bosnie-Herzégovine. Suite au renversement des autorités municipales de Prijedor durant l’été 1992, les autorités serbes de Bosnie de la municipalité ont isolé, détenu et emprisonné illégalement un grand nombre d’hommes, de femmes et d’enfants dans trois grands camps, parmi lesquels le camp de Keraterm, installé dans une usine de céramique de la banlieue est de Prijedor.

Tout cela aurait été organisé et ordonné par les autorités serbes de Bosnie en exécution de l’objectif global de l’entreprise criminelle commune des dirigeants serbes de Bosnie, objectif qui était d’expulser à jamais par la force les habitants non serbes de la municipalité de Prijedor pour pouvoir créer et contrôler un territoire serbe distinct au sein de la Bosnie-Herzégovine.

Le camp de Keraterm est entré en service le 23 mai 1992 et a hébergé jusqu’à 1 500 détenus. Ce camp, et d’autres, a été géré de manière à maltraiter et persécuter les non-Serbes de Prijedor et d’autres secteurs pour débarrasser le territoire de ceux qui restaient ou les assujettir. Les interrogatoires, les sévices graves, les violences sexuelles et les meurtres auraient été quotidiens au camp de Keraterm. Les conditions de vie y étaient terribles et inhumaines.

Predrag Banovic était gardien au camp de Keraterm entre le 20 juin 1992 et le 6 août 1992. La participation de l’Accusé à l’entreprise criminelle commune se limitait à ses activités dans le camp de Keraterm, où il prenait part aux sévices et aux mauvais traitements infligés aux détenus. Les conditions de vie dans le camp étaient terribles, inhumaines et dégradantes, et les détenus y ont en outre été victimes d’humiliations, de harcèlement, et de mauvais traitements physiques et psychologiques.

Les conditions de vie déplorables qui régnaient dans le camp de Keraterm sont également décrites dans l’exposé des faits. Les cellules étaient surpeuplées et les détenus manquaient souvent de place pour s’allonger ou bouger ; ils n’avaient pas de vêtements de rechange, pas de matériel de couchage, et les soins médicaux étaient limités. La nourriture était très insuffisante et l’accès à l’eau limité. Les installations sanitaires étaient insuffisantes et dans un état lamentable. Les détenus ne pouvaient pas faire de l’exercice et n’étaient pas autorisés à sortir prendre l’air régulièrement.

Les responsables de Keraterm, ainsi que des « visiteurs », soumettaient régulièrement les détenus à de graves sévices, à des interrogatoires, et à des traitements cruels et humiliants ; nombre d’entre eux ont été tués. Les sévices se déroulaient souvent sous les yeux des autres détenus et étaient accompagnés de commentaires humiliants et dégradants. Les sévices ont causé de graves souffrances physiques et psychologiques. Les soins médicaux après les sévices étaient insuffisants ou inexistants. De nombreux détenus sont décédés dans le camp.

L’Accusé était un simple gardien au camp de Keraterm. Cependant, il était au courant du système de mauvais traitements qui avait cours dans le camp ; il a pris part aux sévices commis contre les détenus et a apporté sciemment son concours à ce système concerté d’exactions. L’Accusé a pris part aux sévices qui ont causé la mort de détenus du camp de Keraterm. En particulier, il a reconnu avoir participé à cinq meurtres énumérés dans l’exposé des faits et le texte écrit du jugement. Il admet aussi avoir participé au passage à tabac de vingt-sept autres détenus.

Pour ce qui est des éléments à prendre en considération dans la sentence, la Chambre de première instance a tout d’abord considéré la gravité de l’infraction, tout en sachant qu’il fallait tenir compte des circonstances propres à l’espèce ainsi que de la forme et du degré de participation de l’Accusé au crime.

L’Accusation a affirmé qu’en l’espèce, les infractions qui sous-tendent le crime de persécutions dont l’Accusé a plaidé coupable, à savoir cinq meurtres et vingt-sept passages à tabac infligés à des détenus du camp de Keraterm, sont intrinsèquement graves. Les conditions de détention dans les camps ont été qualifiées de terribles, inhumaines et dégradantes pour tous les détenus. L’Accusé aurait abusé de son pouvoir de gardien du camp en soumettant constamment les détenus à des humiliations, à des violences et à des actes de harcèlement gratuits.

La Chambre de première instance fait remarquer que le crime de persécutions est intrinsèquement très grave. Il tire sa singularité de l’intention discriminatoire spécifique exigée, qui en fait une infraction particulièrement grave. En l’espèce, la gravité de l’infraction ressort des actes de persécution dont l’Accusé a été déclaré coupable, à savoir :

  1. le meurtre de cinq détenus,
  2. le passage à tabac de vingt-sept détenus, et
  3. la détention dans des conditions inhumaines, le harcèlement, les humiliations et les sévices psychologiques infligés à des non-Serbes détenus dans le camp de Keraterm.

La Chambre de première instance admet que, replacés dans leur contexte, ces actes, pris isolément ou ensemble, sont d’une extrême gravité. Les parties ont reconnu, et la Chambre de première instance est persuadée, que l’emprisonnement et la détention de non-Serbes dans des conditions inhumaines au camp de Keraterm étaient dictés par la volonté d’exercer des discriminations à l’encontre des détenus non serbes. La participation directe de l’Accusé à la commission de ces crimes, ainsi que sa présence lors de crimes commis par d’autres, dont il avait connaissance, sont autant d’éléments dont la Chambre de première instance a tenu compte dans son jugement.

La Défense a fait valoir que pour apprécier la gravité du crime et le rôle joué par l’Accusé, la Chambre de première instance devrait tenir compte d’un certain nombre d’autres éléments ; premièrement, le fait que l’Accusé était un subalterne ; deuxièmement, l’état d’esprit de l’Accusé qui, a-t-elle affirmé, n’a jamais eu l’intention de tuer quiconque ; et troisièmement, l’influence de la propagande agressive des temps de guerre sur l’Accusé.

La Chambre de première instance ne saurait retenir l’argument selon lequel le fait que l’Accusé était un subalterne est un élément à prendre en compte pour juger de la gravité de l’infraction en l’espèce. Le fait que l’Accusé se situait au plus bas de la structure de commandement du camp de Keraterm ou à Prijedor ne diminue en rien la gravité des infractions dont il a été déclaré coupable non plus qu’il ne modifie les circonstances dans lesquelles il les a commises.

Pour ce qui est de l’état d’esprit de l’accusé, on ne saurait affirmer qu’il atténue la gravité de l’infraction. La Chambre de première instance est en outre convaincue que l’Accusé a pris part à ces sévices avec l’intention de causer de graves atteintes à l’intégrité physique des victimes ou de leur donner la mort.

Pour ce qui est du troisième élément, à savoir le rôle joué par la propagande de guerre, il est clair qu’il ne diminue en rien la gravité du comportement criminel de l’Accusé, et il convient plutôt de l’examiner dans le cadre des circonstances atténuantes.

L’Accusation a affirmé que, pour apprécier la gravité du crime, la Chambre de première instance devrait aussi tenir compte de la situation des victimes, et notamment de leur état de santé. La Chambre reconnaît que cet élément a une incidence sur la gravité de l’infraction. Le fait que les détenus aient été des civils emprisonnés pendant une période allant jusqu’à trois mois est un élément dont il faut tenir compte pour juger de la gravité du crime. Cependant, le statut de civils des victimes ne constitue pas nécessairement une circonstance aggravante, la qualité de civils des victimes étant un élément constitutif indispensable des persécutions dont l’Accusé est déclaré coupable.

La Chambre de première instance reconnaît également que l’état d’infériorité et la vulnérabilité des victimes ainsi que les circonstances dans lesquelles ont été commises les infractions sont des éléments à prendre en compte pour juger de la gravité de celles-ci.

S’agissant des circonstances aggravantes, l’Accusation a affirmé que la vulnérabilité des victimes et le fait que l’Accusé ait abusé de son pouvoir quand il était de service sont des circonstances qui devraient jouer dans le sens d’une aggravation de la peine.

Si la Chambre de première instance reconnaît que la vulnérabilité des victimes et le contexte dans lequel ont été commises les infractions pourraient constituer des circonstances aggravantes, elle estime les avoir déjà prises en compte en jugeant de la gravité desdites infractions. Toutefois, l’abus de pouvoir dont l’Accusé s’est rendu coupable, en maltraitant et en battant les détenus au mépris de la vie et de la dignité humaines, constitue une circonstance aggravante en l’espèce.

S’agissant des circonstances atténuantes, tant l’Accusation que la Défense ont soutenu que le plaidoyer de culpabilité et la reconnaissance par l’Accusé de sa responsabilité devraient jouer dans le sens d’une atténuation de la peine. La Défense a également fait valoir que le grade de l’Accusé, placé au bas de la hiérarchie policière, sa moralité, sa situation personnelle et son comportement au Quartier pénitentiaire des Nations Unies devraient être considérés comme des circonstances atténuantes.

La Chambre de première instance note que la seule circonstance atténuante explicitement prévue par le Règlement est « le sérieux et l’étendue » de la coopération que l’accusé a fournie au Procureur. Ensuite, l’appréciation portée sur cette coopération dépend de la quantité et de la qualité des informations fournies par l’accusé.

En l’espèce, l’Accusation reconnaît qu’il y a coopération et promesse de coopérer davantage. Toutefois, elle affirme que cette coopération ne peut être qualifiée de « sérieuse et étendue », ce que conteste la Défense en arguant du plaidoyer de culpabilité de l’Accusé, de ses interrogatoires par l’Accusation, et de la promesse de coopérer davantage.

La Chambre de première instance note que, de manière générale, la coopération avec le Procureur est retenue comme circonstance atténuante. Elle ne considère pour autant pas que l’absence de pareille coopération constitue une circonstance aggravante. En l’espèce, la Chambre de première instance relève qu’en acceptant d’être interrogé par l’Accusation, l’Accusé a montré qu’il était disposé à coopérer. Les informations qu’il a données pendant les interrogatoires et son engagement à coopérer davantage avec l’Accusation, dans les conditions définies dans l’accord sur le plaidoyer, sont des éléments que la Chambre de première instance a pris en compte pour conclure au sérieux et à l’étendue de sa coopération et considère comme des circonstances atténuantes.

La Chambre de première instance a déjà considéré la situation de subalterne de l’Accusé lorsqu’elle a apprécié la gravité des infractions commises. La Chambre de première instance n’est pas convaincue qu’elle devrait retenir cette place au sein de la police comme une circonstance atténuante. En outre, rien ne permet de dire que l’Accusé a agi sous la contrainte.

La Chambre de première instance a admis et retenu l’argument de la Défense selon lequel l’Accusé s’est montré coopératif et s’est bien comporté pendant sa détention par le Tribunal. La Chambre de première instance a toute latitude pour prendre en considération d’autres éléments dont elle considère qu’ils constituent des circonstances atténuantes.

S’agissant tout d’abord du plaidoyer de culpabilité, la Chambre de première instance reprend à son compte l’idée avancée dans plusieurs affaires portées devant le Tribunal, selon laquelle il devrait, en principe, être retenu comme circonstance atténuante. Assurément, le plaidoyer de culpabilité contribue grandement à la réalisation de la mission première du Tribunal, qui est de rechercher la vérité. Il peut également servir les intérêts de tous lorsque, comme c’est le cas en l’espèce, il intervient avant l’ouverture du procès, ce qui permet au Tribunal d’économiser son temps et ses ressources. La Chambre de première instance estime donc qu’il faut pleinement retenir comme circonstance atténuante le plaidoyer de culpabilité de l’Accusé. La Chambre est également convaincue que les déclarations faites par l’Accusé tant pendant les interrogatoires de l’Accusation que pendant l’audience consacrée à la fixation de la peine témoignent de remords sincères.

Par ailleurs, la Chambre de première instance est tenue de prendre en considération la « situation personnelle du condamné ». La Défense a soutenu que l’âge de l’Accusé, sa situation familiale et l’absence d’antécédents judiciaires sont autant d’éléments qui devraient être retenus comme circonstances atténuantes.

La Chambre de première instance relève que, dans certaines affaires, l’âge a été retenu comme circonstance atténuante. En l’espèce, la Chambre observe que l’Accusé avait 23 ans à l’époque des faits. Avant le conflit, Predrag Banovic était serveur. Plusieurs déclarations produites par la Défense témoignent de la bonne moralité de l’Accusé avant la guerre. Peu de temps après le début du conflit à Prijedor, l’Accusé a été mobilisé dans la police, puis affecté en tant que gardien au camp de Keraterm. Il n’avait guère d’expérience et n’a reçu aucune formation avant d’entrer en fonction. La Chambre de première instance estime que ces éléments, conjugués à l’absence de toute condamnation pénale antérieure, sont à prendre en compte dans la sentence. Toutefois, la Chambre de première instance souhaite insister sur le fait qu’ils ne peuvent jouer de rôle important dans l’atténuation de la peine. La Chambre a retenu comme circonstance atténuante le fait que l’Accusé est à présent marié et père de famille.

La Chambre de première instance estime qu’en l’espèce, elle ne peut retenir comme circonstance atténuante le fait qu’il avait un niveau d’intelligence au-dessous de la moyenne et qu’il présentait des signes d’immaturité émotionnelle. La Chambre de première instance n’est pas non plus convaincue que l’Accusé souffrait d’un quelconque handicap mental qui pourrait être considéré comme une circonstance atténuante. La Chambre n’accepte pas non plus l’argument selon lequel l’Accusé n’avait pas la force de caractère nécessaire pour résister à la propagande de guerre. Comme il a été dit, l’Accusé a perpétré des crimes très graves. Rien ne permet de croire qu’il agissait sous la contrainte. La Chambre de première instance est convaincue que l’Accusé a de son plein gré pris part aux mauvais traitements, aux sévices et aux meurtres de détenus au camp de Keraterm.

La Défense a présenté des déclarations de témoins établissant que l’Accusé avait aidé certains détenus lorsque des parents et des amis de ceux-ci le lui avaient demandé. D’autres déclarations établissent que l’Accusé a aidé certaines familles non serbes de Bosnie pendant la guerre. Bien que l’on ne puisse dire que, de manière générale, la condition des détenus non serbes au camp de Keraterm en ait été sensiblement améliorée, la culpabilité de l’Accusé s’en trouve atténuée.

La Chambre de première instance a examiné et pesé tous les éléments à prendre en considération pour fixer la peine en l’espèce, notamment la gravité des infractions, et l’ensemble des circonstances aggravantes et atténuantes. La Chambre a aussi tenu compte de la finalité de la sanction et de grille générale des peines d’emprisonnement telles qu’appliquées par les tribunaux de l’ex-Yougoslavie.

En application de l’accord sur le plaidoyer de culpabilité, les parties ont conjointement recommandé une peine d’emprisonnement de huit ans. La Chambre de première instance n’est nullement liée par cet accord.

Les persécutions apparaissent particulièrement graves lorsque l’on considère les actes criminels sous-jacents. L’Accusé a reconnu avoir directement et personnellement causé de grandes souffrances à des détenus du camp de Keraterm et avoir porté gravement atteinte à leur intégrité physique en les battant violemment. Fait plus important encore, Predrag Banovic a été reconnu coupable d’avoir participé aux exactions qui ont causé la mort de cinq détenus et aux passages ŕ tabac de vingt-sept autres. La peine doit nécessairement en rendre compte.

La Chambre de première instance a estimé qu’en maltraitant et en humiliant des détenus du camp au mépris le plus total de la vie et de la dignité humaines, l’Accusé avait abusé de son pouvoir quand il était de service au camp. Sa place au bas de la hiérarchie au camp de Keraterm n’enlève rien à la gravité des infractions dont il a été reconnu coupable. En revanche, la Chambre de première instance a tenu compte de toutes les circonstances atténuantes applicables en l’espèce.

Dispositif

Predrag Banovic, après avoir dûment pesé les différents éléments exposés dans le présent Jugement, la Chambre de première instance vous condamne à une peine de 8 années d’emprisonnement.

La peine prend effet ce jour. Vous êtes en détention au Quartier pénitentiaire des Nations Unies depuis 716 jours. Cette période sera déduite de votre peine. Vous resterez sous la garde du Tribunal en attendant que soient prises toutes les dispositions relatives à votre transfert dans l’État dans lequel vous purgerez votre peine.

Le texte intégral du jugement est disponible sur le site Internet du Tribunal, ainsi que sur demande auprès des Services d’Information publique (en anglais).

 

Le mardi 30 septembre 2003

Un responsable serbe de Bosnie plaide coupable de crime contre l'humanité

Agence France-Presse - La Haye

Miroslav Deronjic, président de la cellule de crise de la municipalité de Bratunac (Bosnie) durant la guerre de Bosnie, a plaidé coupable mardi devant le Tribunal pénal international (TPI) de crimes contre l'humanité.

M. Deronjic, qui comparaissait lors d'une audience procédurale, a accepté de plaider coupable du chef d'accusation de «persécution», considéré comme un crime contre l'humanité, après avoir conclu un accord avec l'accusation.
Il est accusé d'avoir donné l'ordre d'attaquer le village de Glogova, le 8 mai 1992. Le village, peuplé majoritairement de Musulmans, avait été incendié par les forces serbes de Bosnie. Plusieurs dizaines de ses habitants avaient été exécutés. L'accusation a requis contre lui 10 ans de prison. Son avocat a réclamé «un maximum de six ans».
Aux termes de l'accord passé avec l'accusation, sa famille sera protégée des éventuelles représailles que pourrait entraîner son plaidoyer de culpabilité.
En vertu du règlement du TPI, un plaidoyer de culpabilité dispense de la tenue d'un procès. L'accusation et la défense présenteront du 27 au 30 janvier prochain les arguments susceptibles d'atténuer ou d'aggraver sa peine. Le jugement sera prononcé ultérieurement.
Miroslav Deronjic, 49 ans, avait été arrêté par la Force de stabilisation de l'OTAN en Bosnie (SFOR) le 7 juillet 2002 et transféré à la prison du TPI à La Haye le lendemain.

 

mercredi 24 septembre 2003, 7h09
Milosevic inculpé pour le meurtre de Stambolic

BELGRADE (Reuters) - Le Parquet de Serbie a inculpé Slobodan Milosevic pour avoir commandité le meurtre de son ancien allié Ivan Stambolic et une tentative d'assassinat d'un autre opposant, Vuk Draskovic.

L'ancien président yougoslave, âgé de 62 ans, est détenu dans une cellule du Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (TPIY) à La Haye où il comparaît depuis février 2002 pour génocide et crimes de guerre lors des guerres qui ont fait voler en éclats la Fédération yougoslave dans les années 1990.

L'acte d'inculpation vise également l'ancien chef de l'unité des opérations spéciales (JSO) Milorad Ulemek Legija, l'ancien chef de la sûreté d'Etat Radomir Markovic, l'ancien chef d'état-major de l'armée Nebojsa Pavkovic et l'ancien conseiller à la sécurité de la JSO Milorad Bracanovic.

Le dossier d'inculpation sera présenté à la cour mercredi, a précisé le procureur spécial chargé de l'affaire, Jovan Prijic, à l'agence de presse Tanjug.

La Serbie a mis en place en mars dernier, après l'assassinat du Premier ministre Zoran Djinjdic, un tribunal spécial chargé de juger les affaires liées au terrorisme et au crime organisé.

La police a entamé dès le mois suivant une procédure contre Milosevic, accusé d'avoir commandité le meurtre d'Ivan Stambolic, ancien président serbe qui avait disparu alors qu'il faisait son jogging dans un parc de Belgrade en août 2000, deux mois avant la chute de l'ancien président yougoslave.

Ses restes ont été découverts quelques jours après l'assassinat de Djindjic le 12 mars dernier.

Selon la police, Stambolic a été enlevé et exécuté par cinq membres de la JSO, une unité de police mise sur pied par Milosevic et démantelée après le meurtre de Djindjic.

Draskovic a été la cible d'une tentative d'assassinat en octobre 1999 dans laquelle avaient péri quatre de ses collaborateurs. Il n'avait été que légèrement blessé dans cette action maquillée en accident de voiture. Une autre tentative de meurtre l'avait visé en juin 2000 alors qu'il se trouvait dans sa résidence sur la côte monténégrine.

 

17 septembre Le tribunal de l'ONU double la peine de
M. Krnojelac convaincu de crimes contre l'humanité commis en Bosnie-Herzégovine

Le Tribunal de l'ONU chargé de juger les crimes de guerre commis dans l'ex-Yougoslavie a rendu aujourd'hui son verdict dans le procès en appel de Mirolad Krnojelac, ancien Directeur serbe de la prison de Kaznevo-Popravni Dom en Bosnie-Herzégovine, en le condamnant à 15 ans d'emprisonnement, le double de la peine initiale.

La Chambre d'appel du Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (TPIY) a infirmé cinq des motifs soumis par la défense et reconnu six sur les sept présentés par l'accusation dans l'affaire mettant en cause Mirolad Krnojelac, un ancien professeur de mathématiques devenu, en 1992, directeur de la prison de Kaznevo-Popravni Dom, de sinistre réputation en raison des conditions qui y étaient réservées aux prisonniers non-serbes.

Dans son jugement, la Chambre d'appel rappelle « qu'au sein du KP Dom, on a délibérément nourri les détenus non-serbes juste assez pour qu'ils survivent », certains ayant perdu entre 20 et 40 kilos pendant leur détention et que ceux-ci étaient « victimes de terribles sévices psychologiques », ayant « entendu pendant des mois, en particulier en juin et juillet 1992, des gens être frappés et torturés et craignant constamment d'être les prochains. »

Elle a donc déclaré Mirolad Krnojelac, coupable de torture en tant que crime contre l'humanité et de violations des lois ou coutumes de la guerre en tant que co-auteur, d'assassinat en tant que crime contre l'humanité et de meurtre en tant que violations des lois ou coutumes de la guerre.

Elle a également conclu à sa culpabilité en tant que coauteur du crime contre l'humanité de persécutions (travaux forcés, déportations et expulsions.)

 

IWPR
TPI : l'armée yougoslave et le nettoyage ethnique
TRADUIT PAR PIERRE DÉRENS

Publié dans la presse : 5 septembre 2003
Mise en ligne : lundi 8 septembre 2003

La semaine dernière, un témoin au procès de Slobodan Milosevic a accusé l'ancienne Armée populaire yougoslave (JNA) d'avoir passé la frontière avec la Bosnie pour pratiquer le nettoyage ethnique de la ville de Visegrad en 1992.

Par Emir Suljagic

Cette accusation est capitale, puisque l'accusation affirme que Slobodan Milosevic, alors Président de Serbie, avait le contrôle des forces de sécurité yougoslaves.

Témoignant sous le pseudonyme B-1505, le témoin a dit que les troupes de la JNA étaient venues à Visegrad, avaient pris le contrôle de cette ville à l'est de la Bosnie et en avaient chassé la population musulmane.

Les troupes de la JNA sont arrivées à Visegrad à la mi-avril 1992, sous les ordres du Colonel Dragoljub Odjanic, un des commandants préférés de Slobodan Milosevic.

B-1505 a expliqué qu'il avait rencontré le colonel en personne à deux reprises dans la ville. La première fois, alors qu'il l'attendait au quartier général, il aurait entendu cinq officiers de la JNA projeter le nettoyage ethnique des musulmans locaux.

L'un d'eux avait étalé une carte de la ville sur une table, et avait affirmé que la rive droite de la Drina était « dégagée ». « Et demain, nous nettoierons cette autre partie », aurait dit l'officier.

B-1505 a prétendu que le colonel l'avait amené là où trois à quatre mille personnes s'étaient réfugiées. Le témoin a insisté pour dire que la JNA les protégeait. Puis, Dragoljub Odjanic a donné l'ordre à un de ses subordonnés de faire en sorte de les conduire en ville.

Le lendemain, des milliers de civils ont été escortés jusqu'au terrain de football. À leur arrivée, ils ont été séparés en quatre groupes et fouillés avant de pouvoir repartir. Cependant, ils n'ont pas eu le droit de revenir chez eux.

Un officier de la JNA, que le témoin a identifié comme le Colonel Jovanovic, leur a expliqué qu'ils ne pouvaient se rendre que dans les villages qu'il contrôlait. Il a ajouté qu'en dehors de cette région, il y avait des unités paramilitaires serbes, les Aigles Blancs, qui occupaient le terrain et qui tuaient les Musulmans qu'ils voyaient.

Les liens entre les Serbes de Bosnie et l'Armée yougoslave n'ont été confirmés qu'ultérieurement. En attendant de rencontrer le colonel à l'hôtel de Visegrad, le témoin a vu arriver la vice-Présidente des Serbes de Bosnie, Biljana Plavsic, en compagnie de Branimir Savovic, le chef de la section locale du Parti démocratique serbe (SDS). Ils venaient discuter avec les officiers de la JNA.

« Ils se sont enfermés dans une pièce. On m'a dit plus tard que le colonel ne pouvait pas me voir et que je devrai revenir le lendemain ». Les jours suivants, la JNA a pris le contrôle de Visegrad.

Des atrocités ont ensuite eu lieu dans la ville, des Musulmans ont été conduits sur son célèbre pont, fusillés et jetés dans la rivière.

Slobodan Milosevic a nié que la JNA ait pu prendre part au nettoyage ethnique dans cette ville, affirmant que le témoignage était un tissu de mensonges.

Pour le témoin, un seul fait confortait ce qu'il affirmait : « Avant la guerre, on comptait treize à quatorze mille musulmans. Il n'y en avait plus en 1993. Aujourd'hui, ils sont encore seulement 1500 à être revenus vivre dans la ville ».

 

 

Vendredi 15 août 2003

Un Serbe de Bosnie accusé de crimes contre l'humanité tranféré au TPI

Un Serbe de Bosnie, Mitar Rasevic, accusé de crimes contre l'humanité et de crimes de guerre commis contre des Musulmans bosniaques de Foca (sud-est de la Bosnie) durant la guerre est transféré ce vendredi au Tribunal pénal international (TPI) pour l'ex-Yougoslavie. 
Selon son acte d'accusation, émis en 1997 mais rendu public seulement en 2001, Mitar Rasevic commandait une équipe de 37 gardiens actifs dans le centre de détention KP Dom à Foca. Plusieurs centaines de civils non-serbes furent détenus dans ce centre de détention après la prise de la ville par les forces nationalistes serbes, en 1992.

 

jeudi 31 juillet 2003, 18h44
Le TPI condamne un médecin serbe de Bosnie à la prison à vie
LA HAYE (AFP) - Le Tribunal pénal international (TPI) de La Haye a prononcé jeudi la plus lourde condamnation de son histoire, la prison à vie, contre un médecin bosno-serbe, Milomir Stakic, reconnu coupable de persécutions contre des Musulmans et Croates de Bosnie.
Les juges ont estimé que Milomir Stakic, un médecin de 41 ans, chef des autorités municipales de Prijedor (nord-ouest de la Bosnie) pendant la guerre de Bosnie (1992-1995), était coupable de crimes contre l'humanité et de crime de guerre, notamment pour la mise en place de trois camps de détention pour civils, tout en l'acquittant du chef d'accusation de génocide.

Entre mai et août 1992, plusieurs milliers de Musulmans et de Croates de Bosnie ont été détenus dans ces camps, Omarska, Trnopolje et Keraterm, où les tortures, les viols et les exécutions sommaires étaient monnaie courante.

"Le docteur Stakic est donc condamné à la prison à vie", a déclaré le juge allemand Wolfgang Schomburg qui s'est solennellement levé pour l'occasion.

Sur le banc des accusés, Milomir Stakic, petite barbichette brune bien taillée et costume sombre, a gardé un visage grave et fermé.

Le tribunal l'a en revanche acquitté pour la question du génocide, estimant que le but des nationalistes serbes à Prijedor était de "déplacer" les populations musulmanes et croates de la ville pour créer une zone serbe homogène et non de les détruire, en tout ou en partie, comme le précise la définition de ce crime.

Les juges ont cependant tenu à préciser que leurs conclusions sur l'absence d'une intention génocidaire au plus haut niveau pouvaient être remises en cause par de nouveaux éléments de preuve dans un autre procès.

Cette incidente pourrait se révéler importante pour le procès de Slobodan Milosevic, où les événements de Prijedor ont été retenus par l'accusation comme un exemple de la politique génocidaire de l'ancien président yougoslave.

Les magistrats ont justifié la peine de prison à vie, la plus lourde prévue dans les statuts du TPI, par "la gravité des crimes" et la "position hiérarchique" de l'accusé.

"Sa responsabilité dans la planification et l'organisation de l'expulsion forcée" d'au moins 20.000 Musulmans et Croates de Bosnie "constitue également une circonstance aggravante", précise le jugement.

La plus lourde peine imposée auparavant par le TPI, 46 ans de prison, avait été prononcée en août 2001 contre le général serbe de Bosnie Radislav Krstic pour sa responsabilité dans le génocide de Srebrenica.

Dans leur verdict contre Milomir Stakic, les juges précisent que la prison à vie n'est pas réservée exclusivement au crime le plus grave, le génocide.

Le procureur Nicholas Koumjian, qui avait requis la prison à vie, s'est dit "très heureux" de cette condamnation. Il a estimé que la peine "lance un message clair: ceux qui planifient de tels crimes devront faire face aux conséquences".

Les parties disposent maintenant de quinze jours pour faire appel de ce jugement. La défense avait demandé un acquittement en estimant que Milomir Stakic ne disposait d'aucune autorité à Prijedor.

Le TPI a déjà condamné neuf Serbes de Bosnie, dont plusieurs gardiens de camp, pour les persécutions commises contre les Musulmans et les Croates de Prijedor. Deux co-accusés de Milomir Stakic, Milan Kovacevic et Simo Drljaca, sont décédés, l'un dans sa cellule du TPI, l'autre lors d'une tentative d'arrestation par la Sfor en 1998.

La semaine dernière, plus de 200 Musulmans bosniaques ont apposé une plaque commémorative sur le site du camp de Keraterm, la première jamais posée en territoire serbe bosniaque depuis la fin de la guerre.

----------------------------------------------------------

Identité de l'accusé

  • Milomir Stakic est né le 19 janvier 1962 à Mabricka, dans la municipalité de Prijedor, en Bosnie Herzégovine.
  • Le 30 avril 1992, Milomir Stakic est nommé président de l'Assemblée municipale, président de la Cellule de crise et président du Parti démocratique serbe (SDS). Il est resté à ce poste jusqu'au 30 septembre 1992. 

 

Procédure

  • Milomir Stakic a été mis en accusation le 13 mars 1997. Initialement, il était accusé avec Milan Kovacevic (décédé le 1er août 1998 en prison) et Simo Drljaca (le 12 mai 1998, le procureur a retiré l'acte contre ce dernier).
  • Le 22 mars 2001, Milomir Stakic est arrêté à Belgrade.
  • Le 23 mars 2001, les autorités de Belgrade remettent Milomir Stakic au tribunal international, à Belgrade. 
  • Le 28 mars 2001, Milomir Stakic plaide "non coupable". 
  • Le 2 août 2001, il plaide "non coupable" de nouveaux chefs d'accusation. 
  • Le 30 octobre 2001, la chambre rejette la requête de la défense sur l'illégalité du tribunal, faisant référence à la décision Tadic, du 2 octobre 1995. La défense fait appel de la décision.
  • Ouverture du procès le 16 avril 2002. L'accusé plaide à nouveau "non coupable" sur un nouvel acte d'accusation modifié.

Chambre

  • Wolfgang Schomburg (président), Fatoumata Diarra

Procureur
  • Joanna Korner, Nicholas Koumjian.


Défense

  • Me. Branko Lukic, Me John Ostojic.

 

mercredi 2 juillet 2003, 7h22
Le dernier des "Trois de Vukovar" transféré au TPIY de La Haye

AMSTERDAM (Reuters) - Veselin Sljivancanin, ancien colonel de l'armée yougoslave recherché dans le cadre d'un des massacres de sinistre mémoire de la guerre d'indépendance de la Croatie (1991-95), a été transféré mardi au tribunal pénal international de La Haye (TPIY).

Sljivancanin est arrivé aux Pays-Bas mardi soir et devra répondre devant le TPIY d'accusations relatives au massacre de 200 personnes près de la ville croate de Vukovar en 1991, a déclaré un porte-parole du tribunal.

Sljivancanin a été inculpé en 1995 par le TPIY pour complicité dans le massacre de ces 200 personnes, commis le 20 novembre 1991 après la chute de Vukovar, port au bord du Danube, aux mains de l'armée fédérale yougoslave.

Il a été arrêté à la mi-juin à Belgrade au terme d'un face à face qui a duré dix heures entre les policiers et ses partisans devant l'immeuble où il se trouvait pour fêter ses 50 ans.

Sljivancanin est l'un des "Trois de Vukovar", un trio d'anciens officiers de l'armée yougoslave inculpés pour les atrocités commises durant la guerre d'indépendance de la Croatie. Les deux autres coaccusés du massacre de Vukovar sont déjà en détention au TPIY.

 

vendredi 27 juin 2003, 12h31
Biljana Plavsic purgera sa peine en Suède

STOCKHOLM (AP) - L'ancienne présidente de la république serbe de Bosnie Biljana Plavsic, condamnée à 11 ans d'emprisonnement pour crime contre l'humanité par le tribunal pénal international de La Haye, purgera sa peine dans une prison suédoise, a annoncé vendredi le ministère suédois de la Justice.

Le ministre de la Justice Thomas Bodström a expliqué que son pays tenait à promouvoir ainsi l'administration de la justice par le TPI. Selon une porte-parole du ministère, Cecilia Bergman, Biljana Plavsic est arrivé jeudi soir à Stockholm.

Il est vraisemblable qu'elle soit incarcérée dans la prison des femmes d'Hinseberg, un établissement pénitentiaire de haute sécurité situé aux abord de Derebro, à 197km à l'ouest de la capitale suédoise, selon Jonna Hudden, porte-parole de l'administration pénitentiaire suédoise. La prison abrite aujourd'hui 18 détenues et possède plusieurs équipements, dont un sauna.

Biljana Plavsic, 72 ans, a été condamnée en février dernier pour son rôle dans les persécutions des populations croates et musulmanes lors de la guerre en Bosnie. Celle qui était autrefois connue comme la "dame de fer" de Bosnie est le plus haut responsable de l'ex-Yougoslavie condamnée par le Tribunal pénal international (TPI).

Elle est aussi le premier ancien dirigeant qui ait plaidé coupable devant l'instance chargée de juger les crimes de guerre et les crimes contre l'humanité perpétrés dans l'ex-Yougoslavie.

Biljana Plavsic, l'un des responsables les plus proches du chef des Serbes de Bosnie Radovan Karadzic durant la guerre de 1992-1995, s'était rendue en janvier 2001 au TPI. Dans le cadre d'un accord avec l'accusation, Biljana Plavsic avait accepté en octobre dernier de plaider coupable d'un chef de persécution, un crime contre l'humanité, en échange de l'abandon des autres charges qui avaient été retenues contre elle, dont celle de génocide.

Les personnes condamnées par le TPI purgent leurs peines dans des pays européens qui se sont portés volontaires pour les garder en détention. Dix autres condamnés sont emprisonnés en Allemagne, en Finlande, en Espagne, en Autriche, en Norvège et en Italie. AP

 

mardi 24 juin 2003, 15h23
Un Croate de Bosnie extradé vers le TPI de La Haye

ZAGREB/AMSTERDAM (AP) - Un Croate de Bosnie suspecté d'avoir commis des atrocités contre des civils musulmans pendant la guerre de Bosnie (1992-1995) a été extradé mardi vers le Tribunal pénal international (TPI) pour l'ex-Yougoslavie à La Haye.

Ivica Rajic, 45 ans, avait été arrêté en Croatie en avril dernier, huit ans après avoir été inculpé par le TPI pour avoir ordonné le massacre d'une quinzaine de civils musulmans dans le village de Stupni (centre de la Bosnie).

A son arrivée à Amsterdam, il a été transféré au centre de détention du TPI à Scheveningen, près de La Haye. Chef d'une milice bosno-croate, Rajic aurait ordonné le raid contre Stupni le 23 octobre 1993. Ce attaque se solda par l'exécution d'au moins 16 civils et la destruction du village comptant 260 maisons. AP

 

MONITOR
TPI : les documents qui accablent la police secrète serbe
TRADUIT PAR PERSA ALIGRUDIC

Publié dans la presse : 13 juin 2003
Mise en ligne : dimanche 15 juin 2003

Des documents révèlent que Franko Simatovic, l'ancien cadre de la Sécurité d'État serbe (DB) inculpé par le Tribunal de La Haye (TPI), a joué un rôle très important en envoyant plusieurs milliers de membres des unités paramilitaires serbes en Croatie et en Bosnie. Franko Simatovic et Jovica Stanisic, tous deux maintenant détenus à La Haye, ont directement participé aux préparatifs de la guerre en Bosnie.

 

Par Emir Suljagic

Selon ces documents, transmis à IWPR par des sources occidentales, il apparaît que la DB avait toute compétence pour le financement et le commandement d'un grand nombre de groupes paramilitaires, responsables du nettoyage ethnique et de crimes de guerre commis sur les territoires de Croatie et de Bosnie.

Nous ne savons pas si ces documents ont été également transmis au parquet. Mais si cela était le cas, le parquet, comme l'affirment les analystes juridiques, va probablement arriver à une entente avec l'accusé concernant son témoignage dans le procès contre Slobodan Milosevic.

Simatovic a comparu devant le TPI le 2 juin dernier et s'est déclaré non coupable sur les cinq points de l'acte d'accusation lancé contre lui. Il est accusé de crimes contre l'humanité et de violation de la loi et des coutumes de guerre. Il semblait assez maître de lui dans la salle d'audience, surtout si l'on considère le fait qu'il avait été détenu deux mois à Belgrade avant son arrivée à La Haye.

La police serbe avait arrêté Simatovic en mars dernier et ce, dans le cadre de l'action menée à la suite de l'assassinat de Zoran Djindjic. Bien que l'acte d'accusation du TPI datait du 1er mai, Simatovic n'est arrivé que le 30 mai à La Haye. Au sein de la DB, Simatovic était chargé du service de la sécurité qui, entre autres, avait fondé l'Unité pour les opérations spéciales (JSO), tant décriée. Il jouissait de la confiance du chef de la DB, Jovica Stanisic. De plus, tous deux, dans les années 1990, faisaient partie des très proches collaborateurs de Milosevic.

Il est mentionné dans l'acte d'accusation que Simatovic, en tant que chef de la sécurité de la DB, a grandement contribué « à la création, au financement, au ravitaillement et à la subsistance des unités spéciales » des services secrets. Et ces unités comptaient, outre les unités officielles de police, de nombreux groupes paramilitaires qui, en fait, avaient été créés par la DB.

Les documents en possession de l'IWPR contiennent les sténogrammes des réunions tenues entre les fonctionnaires de Serbie et les représentants des Serbes de Bosnie, ainsi que les transcriptions des conversations téléphoniques enregistrées en secret et différents rapports. Ces documents prouvent le rôle important qu'a joué Simatovic dans l'envoi des volontaires serbes en Croatie et en Bosnie. Il s'agissait des membres des Tigres, de la Garde serbe, du Mouvement tchétnik serbe, des Aigles blancs, de la Garde nationale serbe, mais aussi d'autres groupes paramilitaires moins connus : les Guêpes jaunes et les Loups gris.

Parmi ces documents, se trouve un rapport de 1991 qui aurait été rédigé par Velibor Ostojic, l'un des plus proches collaborateurs de Radovan Karadzic, après une réunion tenue avec le Premier ministre de cette époque, Radoman Bozovic. Ce document, rédigé bien avant le début de la guerre en Bosnie, montre que Belgrade avait pensé à l'avance à l'aide qui a été plus tard fournie aux forces serbes en équipement militaire et en instructeurs.

Ces documents font la preuve de l'implication de Simatovic et Stanisic dans les préparatifs de la future guerre. . Parmi les conversations téléphoniques enregistrées, les documents rapportent une conversation entre Karadzic et Stanisic, où le chef de la DB déclare : « nous avons fait du bon travail », à propos des préparatifs de la prochaine guerre. Il est révélateur que, dans ces conversations Stanisic fasse allusion à plusieurs reprises à Milosevic en l'appelant « le grand patron ».

Dans une autre conversation, Stanisic transmet à Karadzic les saluts que Simatovic lui a envoyés du front de Croatie, en mentionnant qu'il était convaincu que Karadzic et Simatovic allait à l'avenir avoir l'occasion de « travailler ensemble ».

Une autre conversation indique que les hommes de Stanisic ont participé à l'été 1995 à des actions militaires aux alentours de Sarajevo. En fait, la transcription de cette conversation contient le rapport d'un des régiments de la police de Serbie qui, en juin 1995, participait aux combats autour de Trnovo, où il est mentionné que deux de ses membres avaient été tués.

Les conversations enregistrées prouvent également que, même au début du mois de juillet 1995, à l'époque où les troupes serbes prenaient Srebrenica, les hommes de Simatovic participaient aux combats autour de Sarajevo, sur la montagne de Treskavica. Ils ne sont revenus à Belgrade que dans la dernière semaine de juillet.

Il y a aussi un document relatif à un journal opérationnel de l'année 1995, contenant les notes des officiers de permanence avec des informations précises sur les opérations militaires, par ex. l'opération « Pauk » par laquelle l'armée et la police serbes ont aidé le transfuge Fikret Abdic à créer toute une région autonome en Bosnie occidentale.

Le journal montre qu'à Velika Kladusa, la capitale des rebelles de Fikret Abdic, plusieurs centaines de membres des forces spéciales de la police serbe avaient été envoyées sur l'ordre de Simatovic. Il s'agissait de la formation des Tigres, à la tête de laquelle se trouvait alors Miodrag Lukovic Legija (pour lequel un avis de recherche a été lancé à Belgrade à cause du meurtre de Zoran Djindjic), ainsi que des Bérets rouges, alors commandés par Radojica Bozovic.

 

vendredi 13 juin 2003, 13h03
Arrestation d'un ex-colonel inculpé par le TPI

BELGRADE (AFP) - Un colonel de l'armée de l'ex-Yougoslavie, la JNA, Veselin Sljivancanin, inculpé de crimes de guerre par le Tribunal pénal international (TPI), a été arrêté dans la nuit de jeudi à vendredi à Belgrade.

Des forces de la police spéciale serbe ont dispersé au gaz lacrymogène plusieurs centaines de partisans de l'ancien colonel qui s'étaient rassemblés devant son immeuble pour empêcher son arrestation. Dans un communiqué publié dans la nuit, le ministère de l'Intérieur a confirmé l'arrestation, opérée sur ordre de la justice.

"Attaquée, la police a été contrainte de refouler des hooligans" qui s'étaient massés devant l'immeuble où habitait l'ancien officier, indique le communiqué, précisant que plusieurs policiers ont été blessés. L'opération d'arrestation a duré une dizaine d'heures. Elle avait commencé jeudi vers 14H00 locales (12H00 GMT). Vers 00H30 (22H30), la police antiterroriste a fait sauter la porte blindée de l'appartement de l'ancien officier inculpé et l'a emmené à la prison centrale de Belgrade.

Plusieurs conteneurs à ordures fumants, une voiture retournée et des tas de pierres devant l'immeuble témoignaient de la violence des heurts.

M. Sljivancanin, âgé de 50 ans, est inculpé par le TPI de l'exécution de plus de 200 civils croates qui se trouvaient à l'hôpital de Vukovar, en novembre 1991, lors de la prise de cette ville de l'est de la Croatie par les forces serbes.

Deux autres anciens officiers de la JNA, inculpés en même temps que M. Sljivancanin pour le massacre de Vukovar, Mile Mrksic et Miroslav Radic, se sont rendus volontairement au TPI, le premier en 2002 et le second en mai dernier.

M. Sljivancanin est originaire du Monténégro, qui forme une union avec la Serbie. Son arrestation avant le 15 juin était une des conditions posées par les Etats-Unis pour débloquer la tranche 2003 de leur aide financière à Belgrade, qui en a cruellement besoin. Les Etats-Unis et le TPI insistent aussi sur l'arrestation de l'ancien chef militaire des Serbes de Bosnie, Ratko Mladic, supposé se cacher en Serbie.

Les autorités de Belgrade assurent cependant ignorer où se trouve le général Mladic, inculpé de crimes de guerre et de génocide pour le massacre, entre autres, de plus de 7.000 Bosniaques musulmans de Srebrenica, dans l'est de la Bosnie, en juillet 1995.

 

mercredi 11 juin 2003, 19h33
L'ancien chef de la sécurité de Milosevic extradé aux Pays-Bas

LA HAYE, Pays-Bas (AP) - L'ancien chef de la sécurité de Slobodan Milosevic a été extradé mercredi aux Pays-Bas pour être jugé pour crimes de guerre devant le Tribunal pénal international (TPI) de La Haye.

Ancien haut responsable de la sécurité sous l'ancien président yougoslave et expert des opérations clandestines, Jovica Stanisic est arrivé à bord d'un vol commercial parti de Belgrade vers les Pays-Bas. Il a été écroué dans le centre de détention du TPI.

Selon les procureurs de l'ONU, la redoutée police secrète serbe, sous les ordres de Stanisic, a perpétré des atrocités contre les non-Serbes lors des guerres en Croatie et en Bosnie au début des années 1990. L'acte d'accusation du TPI affirme que Stanisic et son adjoint Franko Simatovic, se sont engagés dans "une entreprise criminelle commune" en envoyant les force paramilitaires serbes combattre aux côtés des Serbes de Croatie et de Bosnie.

Franko Simatovic, qui est déjà entre les mains du TPI, a plaidé son innocence la semaine dernière lors de sa première comparution.

Les deux hommes, qui avaient servi sous Milosevic jusqu'en 1998, avaient été arrêtés à Belgrade dans l'enquête sur l'assassinat du Premier ministre serbe Zoran Djindjic le 12 mars dernier. Ils n'ont pas été liés à cet assassinat mais leur inculpation par le TPI avait été révélée après leur arrestation. AP

 

Le mercredi 21 mai 2003

MASSACRE DE SREBRENICA 

Un officier serbe de Bosnie reconnu coupable

Agence France-Presse

La Haye, Pays-Bas

Un officier serbe de Bosnie, Dragan Obrenovic, qui a avoué avoir participé au massacre de plusieurs milliers de Musulmans de Srebrenica (Bosnie orientale) a été reconnu coupable de crime contre l'humanité par le Tribunal pénal international (TPI) pour l'ex-Yougoslavie mercredi.

«Nous avons étudié l'accord de plaidoirie entre l'accusation et la défense et nous estimons qu'il contient suffisamment d'éléments pour reconnaître l'accusé coupable», a déclaré le juge chinois Liu Daqun lors de l'audience.

Vêtu d'un costume sombre, l'air grave, Dragan Obrenovic, 40 ans, avait confirmé quelques minutes auparavant qu'il plaidait coupable de crime contre l'humanité pour sa responsabilité dans le massacre de Srebrenica, le pire commis sur le sol européen depuis la Deuxième Guerre mondiale.

Plus de 7000 Musulmans de Bosnie, dont certains n'avaient pas encore atteint l'âge adulte, ont été exécutés ou tués dans des embuscades après la prise de Srebrenica, le 11 juillet 1995 par les forces serbes de Ratko Mladic.

 


Qui protège Ratko Mladic et Ante Gotovina ?
TRADUIT PAR JASNA TATAR

Publié dans la presse : 10 mai 2003
Mise en ligne : jeudi 15 mai 2003

Qui protège les deux accusés les plus célèbres du TPI, le général croate Ante Gotovina, et le serbe Ratko Mladic ? Dans son émission « Le Pont » de Radio Free Europe, Omer Karabeg interroge deux avocats de Zagreb et de Belgrade, Ante Nobilo et Nikola Barovic, connus pour leur engagement contre les régimes nationalistes et la défense des droits de la personne.

 

Omer Karabeg : Nos interlocuteurs sont deux avocats, Ante Nobilo de Zagreb et Nikola Barovic de Belgrade. Les autorités de Serbie et de Croatie demandent depuis longtemps au TPI de laisser les justices nationales mener les procès contre les accusés de crimes de guerre. Le TPI tient à ce que les procès contre les principaux accusés aient lieu à La Haye. La justice de ces deux pays est-elle capable de juger avec équité les criminels de guerre ?

Ante Nobilo : La Croatie n'est pas encore capable de juger ses criminels de guerre. Franjo Tudjman s'opposait à la mise en accusation de Croates pour les crimes commis en Bosnie et en Croatie. Depuis l'arrivée du gouvernement Racan, il y a eu quelques tentatives en ce sens, mais peu de succès. Nous avons un seul cas de condamnation, c'est celui du procès mené à Rijeka contre Mirko Norac et du groupe de Gospic. Dans tous les autres cas, comme ceux de Bjelovar, de Karlovac, de Split et de Sibenik, les procès se sont conclu par la libération des prévenus.

Nikola Barovic : Les autorités de Serbie déclarent leur volonté de poursuivre les criminels, mais il n'est pas sûr qu'elles soient capables de le faire. Les juges de Serbie ont été nommés en 1992, pour un mandat illimité, par une assemblée nationale contrôlée par Milosevic et le SPS. Il est clair que les juges choisis étaient les favoris du régime, des gens qui ne menaçaient Milosevic, Seselj ou la JUL. Quelle intégrité peut avoir un juge auquel faisaient confiance des gens qui se trouvent aujourd'hui devant le TPI ? La justice de Serbie et d'autres pays de l'ex-Yougoslavie ne progressera pas, sans un remaniement complet du personnel judiciaire.

Omer Karabeg : Ante Nobilo, le général Norac a été jugé en Croatie pour les crimes commis contre les Serbes à Gospic. Pensez-vous que ce jugement a été honnête ?

Ante Nobilo : Oui, tout à fait. Avec mon collègue Draguljevic, j'ai représenté les intérêts des familles des Serbes assassinés et je connais bien ce procès. L'enquête a été détaillée et honnête, c'est un exemple à suivre pour la justice croate. Le juge Ika Saric a réussi à mener à son terme ce procès extrêmement difficile et à apporter une décision juste, malgré de fortes pressions.

Omer Karabeg : Le résultat du procès des crimes commis dans la prison militaire Lora, près de Split, est bien différent du résultat de procès Norac. Le tribunal a libéré les policiers qui étaient accusés de torture et de meurtres. Quel est votre commentaire ?

Ante Nobilo : La conviction générale en Croatie est qu'il ne faut pas commenter les décisions de remise en liberté, pour que les juges des plus hautes instances puissent décider sans pressions. C'est pourquoi je ne parlerai pas de l'issue du procès, mais je peux dire qu'il n'a pas été régulier. Le tribunal n'a pas pris en compte les excuses des témoins qui ne sont pas venus à Split parce qu'ils ne se sentaient pas en sécurité. Plus de 100 000 personnes ont protesté dans les rues de Split, et même les témoins croates étaient poursuivis et menacés. Dans la salle du tribunal, les anciens combattants croates étaient trop bruyants et le juge a sûrement fait une erreur. Il n'aurait pas dû prendre de décision sans avoir interrogé les victimes. À la différence de ce juge, Ika Saric est allée à Belgrade, en Allemagne, partout où il le fallait, pour interroger les témoins.

Nikola Barovic : Je crois que se qui s'est produit à Split est typique des tribunaux en Croatie, en Bosnie-Herzégovine et en Serbie, et je n'exagère pas si je dis que les tribunaux ont été détruits au cours des dernières dix années. En dépit de toutes les actions menées après l'assassinat de Djindjic, il est toujours difficile de conduire un procès juste en Serbie. Prenons l'exemple de l'attentat sur la route de l'Ibar ou de la tentative d'attentat contre Vuk Draskovic à Budva, ou encore de l'assassinat de l'ancien président Ivan Stambolic, dans lequel ont participé au moins une dizaine de personnes de plus haut niveau, depuis le chef de l'État jusqu'aux commandants des unités de la police spéciale.

Omer Karabeg : Est-il possible de juger les crimes commis au cours de l'opération « Oluja » (reprise de la Krajina par les forces croates à l'été 1995, NdT) en Croatie ? L'Assemblée nationale croate a adopté en 2000 une Déclaration sur la guerre patriotique, qui définit cette guerre comme une défense face à l'agression serbe, excluant que des crimes aient pu être commis dans cette guerre défensive.

Ante Nobilo : Il y a un an ou deux, il y avait beaucoup de solidarité avec les criminels de guerre. Aujourd'hui, les gens prennent plus de distance et n'aiment pas en parler. En ce qui concerne la Déclaration sur la guerre patriotique, la définition de la guerre n'est pas problématique. Je suis d'accord avec le fait que la Croatie a mené une guerre de défense et de libération. Pourtant, cela ne veut pas dire que des crimes n'ont pas pu être commis car, malheureusement, cela a été le cas : plus de 16 000 maisons ont été brûlées dans l'opération " Oluja ". Le problème de cette Déclaration est qu'elle nie le fait que la Croatie a été agresseur dans la guerre en Bosnie-Herzégovine. Tel a pourtant été le cas, malgré ce qu'affirme la déclaration. J'ajouterais que la Croatie a le même problème avec les juges que la Serbie. Les années 1990 et l'arrivée de Tudjman au pouvoir ont entraîné des purges dans la justice. Tous les juges et les procureurs serbes et tous les juges croates qui n'étaient pas fidèles au régime ont été chassés. En Croatie, les juges sont élus à vie, et le nouveau pouvoir n'a pas osé les destituer, parce qu'il avait peur d'être accusé de le faire pour nommer ses fidèles. Je ne crois pas qu'il y ait actuellement beaucoup de juges prêts à juger les faits liés à « Oluja » d'une manière honnête.

Ivica Racan a peur de connaître le même sort que Zoran Djindjic

Omer Karabeg : Pensez-vous que les pouvoirs croates oseront extrader le général Gotovina, accusé par le TPI de crimes commis durant l'opération « Oluja » ?

Ante Nobilo : Si vous me l'aviez demandé il y a six mois, j'aurais dit non, parce que nos autorités ont donné un signal d'alerte à Gotovina, en annonçant l'acte d'accusation contre Gotovina dans la presse avant même sa publication officielle. Le tribunal a ensuite appelé Gotovina à se présenter, ce qu 'il n'a pas fait. Après une vérification policière, il a été constaté que Gotovina n'était plus chez lui et, seulement à ce moment-là, on a rendu public le mandat d'arrêt. Cette attitude a offert à Gotovina la chance de s'enfuir. Il y a six mois, nos dirigeants n'auraient pas livré Gotovina parce qu'ils avaient peur. Ivica Racan a peur de connaître le même sort que Zoran Djindjic. Cependant, la Croatie a récemment déposé une demande officielle d'adhésion à l'Union européenne, et le gouvernement Racan ne pourra plus s'opposer au travail du TPI. Je pense que s'il était arrêté, Ante Gotovina serait livré au TPI. Ivica Racan est conscient d'avoir déjà perdu tout son crédit en Occident.

Omer Karabeg : Nikola Barovic, pensez-vous que le pouvoir serbe oserait arrêter Ratko Mladic ? Le nouveau ministre de la Défense de Serbie-Monténégro prétend qu'il ne sait pas où se trouve Mladic.

Nikola Barovic : Il est possible que le ministre Tadic n'ait pas d'informations, mais il est évident que quelqu'un protège Mladic. Nos dirigeants ont pensé qu'après le 5 octobre 2000, il était possible de faire la paix avec tous ceux qui ont fait partie du régime criminel de Milosevic. Malheureusement, cela n'a pas été possible, et l'assassinat de Zoran Djindjic l'a brutalement rappelé. Je ne crois pas que l'on pourra réussir à changer la situation tant que la police et l'armée ne seront pas nettoyées de ceux qui ont caché et toléré le crime et de ceux qui y ont participé.

Omer Karabeg : D'après vous, qui protège actuellement Ratko Mladic ?

Nikola Barovic : En ce moment, Mladic est protégé par les mêmes structures qui ont tué le Premier ministre Djindjic. Ces structures sont toujours présentes dans le système, même là où l'on croit que des purges ont été faites. Après la chute de Milosevic, on a formé une agence de sécurité, le BIA, indépendante du ministère de l'Intérieur, qui a remplacé la Sécurité d'État de Milosevic ou l'ancienne UDBA yougoslave. C'était une tentative de modernisation, mais on a constaté que deux employés du BIA informaient les assassins des mouvements de Djindjic. C'est pourquoi l'unique solution est de licencier toutes les personnes qui ont appartenu à la police secrète de Milosevic.

Omer Karabeg : Pensez-vous que les services secrets protègent toujours Ratko Mladic ?

Nikola Barovic : Seuls les services secrets peuvent le faire. Il faut se rappeler que les services secrets ont maintenu entre eux des rapports fraternels durant toutes les guerres. Aucun service secret n'a fait du mal aux services secrets des autres pays. Il n'y avait pas de publications des dossiers secrets, ni d'attentats contre les membres des autres services. Les services de renseignements de toutes les républiques ex-yougoslaves ont gardé de très bons rapports entre eux.

Omer Karabeg : Ante Nobilo, qui, d'après vous, protège Gotovina en Croatie ?

Ante Nobilo : Des structures similaires à celles qui protègent Mladic en Serbie. Beaucoup d'anciens membres des services secrets, de la police et de l'armée qui sont partis en retraite avec l'arrivé de Racan au pouvoir, restent toujours liés aux hommes du régime de Tudjman qui restent dans les institutions. Gotovina ne pourrait pas se cacher sans la protection des services secrets, de leurs informateurs et leur soutien logistique. Le pouvoir doit s'attaquer au réseau des policiers et des agents de Tudjman qui sont toujours actifs et qu'il ne contrôle pas. Le pouvoir devrait s'inquiéter non seulement de son impossibilité de trouver Gotovina et de remplir ses obligations internationales, mais encore plus de son incapacité à contrôler l'appareil policier et les services de renseignement.

 

samedi 17 mai 2003, 12h31
Un ex-officier accusé du massacre de Vukovar incarcéré à La Haye

LA HAYE (AFP) - Un ancien officier de l'armée de l'ex-Yougoslavie (JNA), Miroslav Radic, accusé de crimes de guerre pour le massacre de l'hôpital de Vukovar, en Croatie, a été incarcéré samedi à la prison du Tribunal pénal international (TPI) de La Haye, a indiqué le TPI.

Miroslav Radic "est arrivé. Il a été incarcéré au centre de détention", a déclaré à l'AFP le porte-parole du TPI, Jim Landale.

L'ancien officier avait quitté Belgrade samedi matin pour se rendre volontairement au TPI, selon son avocat.

Miroslav Radic et deux autres anciens officiers de la JNA, Veselin Sljivancanin et Mile Mrksic, sont accusés par le TPI d'être responsables de la liquidation de plus de 200 patients de l'hôpital de Vukovar (est) en 1991, lors du conflit serbo-croate (1991-1995). Mile Mrksic s'est rendu au TPI au printemps dernier. Veselin Sljivancanin est toujours en fuite.

Les trois officiers avaient participé aux opérations de guerre ayant mené à la prise de Vukovar en novembre 1991. Plus de 200 personnes, qui se trouvaient à l'hôpital au moment de la prise de la ville par les forces serbes, ont été exécutées sur le site d'Ovcara, à proximité de Vukovar.

Selon le procureur du TPI, Miroslav Radic et ses co-accusés sont responsables de violations des conventions de Genève sur la protection des civils en temps de guerre, de crimes contre l'humanité et de violations des lois et coutumes de la guerre pour "coups et blessures" et "homicides" commis contre des civils.

Miroslav Radic devrait comparaître dans les prochains jours devant le TPI pour indiquer s'il plaide coupable ou non coupable des crimes qui lui sont reprochés. La date exacte de cette comparution initiale n'a pas encore été fixée.

Son avocat a estimé que le procureur devrait abandonner les accusations contre Miroslav Radic.

L'ancien officier s'était rendu aux autorités serbes le 21 avril, quelques semaines après une déclaration du ministre serbe de l'Intérieur Dusan Mihajlovic faisant état de l'arrestation de plusieurs suspects qui auraient été impliqués dans le massacre d'Ovcara.

"La participation (de ces suspects) et leur responsabilité pour le massacre à Vukovar ont été presque entièrement élucidées", avait déclaré le 9 avril M. Mihajlovic, ajoutant que "des éléments" nouveaux avaient été découverts dans cette affaire.

Ces nouvelles informations ont démontré que "des éléments locaux et hors de contrôle" étaient responsables du crime, avait indiqué M. Mihajlovic, appelant les deux suspects encore en fuite, dont Miroslav Radic, à se rendre, et promettant que l'Etat les aiderait à prouver leur innocence.

 

mardi 29 avril 2003, 18h37
Mort de Bobetko, ex-chef d'état-major de l'armée croate, inculpé par le TPI

ZAGREB (AP) - Janko Bobetko, l'ancien chef d'état-major de l'armée croate dans la guerre d'indépendance de 1991, est mort mardi à l'âge de 84 ans, selon son médecin. Il était inculpé de crimes de guerre par le Tribunal pénal international (TPI) des Nations unies pour l'ex-Yougoslavie.

Son état de santé avait empêché son extradition au TPI La Haye (Pays-Bas), au soulagement de Zagreb, délivré d'un choix difficile.

Bobetko a passé ses derniers jours chez lui à Zagreb, après être sorti le 23 avril de l'hôpital où il était soigné depuis novembre pour des problèmes de coeur et de reins, a précisé le Dr Mijo Bergovec, cité par l'agence de presse HINA.

L'ancien chef d'état-major croate, considéré comme un héros par les Croates, était tenu pour responsable de la mort d'une centaine de civils et soldats serbes pendant l'offensive de 1993 pour reprendre aux Serbes le contrôle de la poche de Medak, dans le centre de la Croatie. Il refusait de se livrer au TPI. AP

 

lundi 21 avril 2003, 19h31
Le Serbe Miroslav Radic se rend aux autorités de Belgrade

BELGRADE (Reuters) - Le Serbe Miroslav Radic, inculpé par le Tribunal pénal international pour crimes de guerre présumés commis lors de la guerre de Croatie en 1991, s'est rendu aux autorités de Belgrade, a annoncé lundi l'agence de presse Beta.

Selon des sources autorisées serbes citées par Beta, Radic, membre du "trio de Vukovar", a été présenté devant un magistrat belgradois. On ne disposait pour l'instant d'aucune autre information sur cette audience.

Le Tribunal pénal international de La Haye sur les crimes dans l'ex-Yougoslavie (TPIY) a inculpé trois anciens officiers de l'armée yougoslave - Radic, Veselin Sljivancanin et Mile Mrksic - à la suite de la mort d'environ 200 personnes d'origine non serbe aux environs de Vukovar, en Slavonie orientale, en novembre 1991.

L'acte d'inculpation stipule que ces trois hommes sont responsables de la mort de 200 civils battus et tués par balles après avoir été enlevés de l'hôpital de Vukovar.

Mrksic s'est rendu l'an dernier à la justice mais Sljivancanin court toujours.

Radic est le membre le moins connu du "trio de Vukovar". L'acte d'inculpation du TPIY, qui date de 1995, ne mentionne pas précisément son âge, indiquant seulement qu'il a "environ 35 ans".

Le document spécifie par ailleurs qu'il a été capitaine et a dirigé une unité spéciale d'infanterie qui était incorporée à la Première brigade des gardes motorisés, sous le commandement de Mrksic et Sljivancanin.

La presse locale rapporte qu'il a quitté l'armée en 1993 pour créer une société privée en Serbie.

Les réformistes au pouvoir en Serbie ont fait l'objet d'intenses pressions de l'Occident pour qu'ils collaborent plus activement avec le TPIY. Mais de nombreux Serbes estiment que cette instance internationale leur est naturellement hostile.

L'assassinat le mois dernier de l'ancien Premier ministre serbe Zoran Djindjic, imputé à un gang du crime organisé, a ravivé les efforts visant à arrêter et transférer à La Haye les Serbes accusés d'avoir perpétré des atrocités pendant les guerres qui ont ensanglanté les Balkans dans les années 1990.

 

 

vendredi 11 avril 2003, 10h50
TPI: Naser Oric inculpé pour crimes de guerre commis en 1992 et 1993

LA HAYE (AFP) - L'ancien commandant musulman de Srebrenica, Naser Oric, arrêté jeudi en Bosnie et écroué vendredi matin à La Haye, a été inculpé par le Tribunal pénal international (TPI) pour des crimes de guerre commis en Bosnie entre le 10 juin 1992 et le 20 mars 1993.Selon son acte d'accusation rendu public vendredi matin par le TPI, Naser Oric devra répondre de meurtres et traitements inhumains, de destructions de biens et de pillage.

Les membres de la police militaire qui se trouvaient sous son commandement à Srebrenica sont accusés d'avoir battu, parfois à mort, des prisonniers serbes avec des barres de fer, des battes de base-ball ou des crosses d'armes automatiques.

L'acte d'accusation mentionne notamment le cas de Nedeljko Radic, un Serbe dont les dents ont été extraites avec des tenailles rouillées avant qu'un policier musulman urine dans sa bouche.

En 1992 et 1993, des unités musulmanes de Srebrenica, Bratunac et Skelani ont attaqué une cinquantaine au moins de villages et hameaux à majorité serbe, les ont brûlés, détruits et pillés. "Le résultat est que des milliers de Serbes ont fui la région", indique l'acte d'accusation. Naser Oric a commandé personnellement une partie de ces attaques.

Ancien caporal de la JNA (l'armée yougoslave), ancien policier, Naser Oric a reçu en 1994 la plus haute décoration de l'armée musulmane. "Un Certificat de Mérite" lui a été octroyé en 1993, précise l'acte d'accusation.

Naser Oric ne se trouvait pas à Srebrenica au moment de la prise de l'enclave par les forces serbes en juillet 1995. Ses supérieurs musulmans à Tuzla lui avaient en effet donné l'ordre d'évacuer la ville en mars 1995, avec ses principaux adjoints.

Plus de 7.000 musulmans ont été tués par les forces serbes du général Ratko Mladic après la prise de Srebrenica en juillet 1995. Le général Mladic, ainsi que le chef politique des Serbes de Bosnie, Radovan Kradzic, sont inculpés de génocide pour leur rôle dans les massacres de Srebrenica.

Naser Oric est le premier musulman inculpé dans ce dossier par le TPI dans le cadre des malversations commises par des Musulmans à Srebrenica.

 

mardi 8 avril 2003, 17h08
Premières condamnations définitives contre des Musulmans de Bosnie au TPI

LA HAYE (AFP) - Le Tribunal pénal international (TPI) pour l'ex-Yougoslavie a confirmé mardi en appel des peines de neuf à dix-huit ans de prison contre deux Musulmans et un Croate de Bosnie reconnus coupables de crimes de guerre contre des civils serbes, dans le camp de Celebici, en Bosnie centrale.

Il s'agit des premières condamnations définitives prononcées par le Tribunal de La Haye contre des Musulmans de Bosnie pour des crimes commis durant la guerre qui a déchiré cette ancienne république yougoslave, entre 1992 et 1995.

Les trois hommes condamnés mardi, les Musulmans Hazim Delic et Esad Landzo, et le Croate de Bosnie Zdravko Mucic, se sont rendus coupables d'exactions dans le camp de détention de Celebici, un village des environs de Konjic.

Des dizaines de civils serbes furent internés de manière illégale et soumis à des traitements inhumains dans ce camp établi par les forces croato-musulmanes en 1992.

Hazim Delic, le commandant-adjoint du camp, avait été condamné à la plus lourde peine en première instance, soit dix-huit ans de prison. Les juges d'appel ont maintenu cette sentence mardi en soulignant la "gravité des crimes" qui lui sont reprochés. Hazim Delic a été reconnu coupable de "meurtre", "torture" et du viol de deux femmes serbes "sans défense".

"M. Delic prenait un plaisir sadique à faire souffrir les détenus, et infligeait très souvent des chocs électriques à ces derniers", avaient conclu les juges de première instance. Vêtu d'un survêtement bicolore bleu et gris, le crâne rasé et la stature imposante, Hazim Delic est resté de marbre à l'énoncé de sa peine.

La chambre d'appel a également maintenu la peine de neuf ans prononcée contre Zdravko Mucic, un Croate de Bosnie de 47 ans, qui était le commandant du camp. A ce titre, "il était directement responsable des grandes souffrances infligées ou des atteintes graves portées à l'intégrité physique ou à la santé des détenus", précise le jugement d'appel.

Esad Landzo, qui était un des gardiens du camp de Celebici, a vu sa peine de quinze ans confirmée en appel. Il est le seul à avoir exprimé des remords lors du procès. L'affaire de Celebici a souvent été qualifiée de "procès oublié". Il s'est écoulé plus de six ans entre l'ouverture du procès le 10 mars 1997 et la décision finale de la Chambre d'appel mardi.

Les débats furent par ailleurs émaillés de polémiques, notamment au sujet du "juge endormi". La défense des accusés s'était plainte du fait que le juge nigérian Adolphus Karibi-Whyte se soit endormi durant de longues phases du procès. En appel, les magistrats avaient dû reconnaître que le juge avait effectivement dormi durant de courtes périodes, allant tout de même parfois jusqu'à dix minutes. Ils avaient toutefois estimé que les accusés n'avaient pas été pénalisés par ce comportement.

Hazim Delic, Esad Landzo et Zdravko Mucic devront purger leur peine dans un des neuf pays ayant signé un accord avec le Tribunal pour l'accueil des détenus après leur condamnation définitive.

 

vendredi 4 avril 2003, 21h18
Un mandat d'arrêt délivré à l'encontre de la femme de Slobodan Milosevic

BELGRADE (AP) - Un mandat d'arrêt a été délivré à l'encontre de Mirjana Markovic, l'épouse de Slobodan Milosevic, dans le cadre de l'enquête sur l'assassinat de l'ancien président serbe Ivan Stambolic, a-t-on appris vendredi de source policière.

Ce haut fonctionnaire de police ayant requis l'anonymat n'a pas précisé les chefs d'inculpation mentionnés sur le mandat d'arrêt. La police serbe accuse Mirjana Markovic et son mari d'avoir commandité le meurtre d'Ivan Stambolic, un adversaire politique de Slobodan Milosevic.

Son corps a été retrouvé la semaine dernière dans le nord de la Serbie au cours d'une opération de police liée à l'assassinat du Premier ministre serbe Zoran Djindjic. Président de Serbie de 1986 à 1987, Ivan Stambolic était porté disparu depuis son enlèvement en août 2000 à Belgrade. Il a été tué de deux balles.

Les autorités serbes soupçonnent Mirjana Markovic d'avoir fui en Russie le 23 février dernier et elles avaient informé ses avocats qu'un mandat d'arrêt international serait délivré si elle ne rentrait pas en Serbie.

Renversé en octobre 2000, Slobodan Milosevic est actuellement jugé par le Tribunal pénal international (TPI) de La Haye pour génocide et crimes contre l'humanité. AP

 

The Hague, 31 mars 2003
C.C./ P.I.S. /742f

 

JUGEMENT DANS L’AFFAIRE LE PROCUREUR c/. MLADEN NALETILIC ET VINKO MARTINOVIC

Ce jour, la Chambre de première instance I Section a, composée du Juge Liu Daqun (président), du Juge Maureen Harding Clark et du Juge Fatoumata Diarra a rendu son Jugement dans l’affaire ci-dessus.

Les Juges ont lu une déclaration détaillée, introduite et conclue par le Juge Président, dont le texte intégral est disponible (en anglais) sur le site internet du Tribunal à l’adresse www.un.org/icty.

Déclaré coupable de huit chefs de crimes contre l’humanité (persécutions pour des motifs politiques, raciaux et religieux; torture), de violations des lois ou coutumes de la guerre (travail forcé illégal; destruction de biens non justifiée par nécessité militaire; pillage de biens publics ou privés) et d’infractions graves aux Conventions de Genève (torture; infliction intentionnelle de grandes souffrances ou d’atteintes graves à l’intégrité physique ou à la santé; transfert illégal d’un civil), Mladen Naletelic a été condamné "à la peine unique de 20 ans d’emprisonement".

Déclaré coupable de neuf chefs de crimes contre l’humanité (persécutions pour des motifs politiques, raciaux et religieux; acte inhumain; torture), de violations des lois ou coutumes de la guerre (travail forcé illégal; pillage de biens publics ou privés) et d’infractions graves aux Conventions de Genève (traitement inhumain; infliction intentionnelle de grandes souffrances ou d’atteintes graves à l’intégrité physique ou à la santé; homicide intentionnel; transfert illégal d’un civil), Vinko Martinovic a été condamné "à la peine unique de 18 ans d’emprisonnement".

 

*****

Deux Croates de Bosnie accusés d'exactions jugés à La Haye

LA HAYE (AFP) - Le Tribunal pénal international (TPI) pour l'ex-Yougoslavie prononcera lundi son jugement contre deux Croates de Bosnie accusés de crimes contre l'humanité et crimes de guerre commis à Mostar (sud de la Bosnie-Herzégovine).

Pour l'accusation, Mladen Naletilic, 56 ans, et Vinko Martinovic, 39 ans, ont joué un rôle-clé dans la campagne de nettoyage ethnique menée contre les Musulmans de cette cité, lors du conflit croato-musulman, entre 1993 et 1994.

Mladen Naletilic, surnommé "Tuta", était le fondateur et le commandant d'une unité spéciale des forces croates de Bosnie baptisée "Le Bataillon des repris de justice" (KB) et qui s'était spécialisée dans les attaques contre les Musulmans de Mostar et de villages environnants. Vinko Martinovic, dit Stela, était commandant d'une des compagnies du Bataillon des repris de justice.

Les deux hommes sont accusés de persécutions, meurtres, traitements inhumains et torture pour leurs actes et ceux de leurs subordonnés, au titre de la responsabilité de commandement. En novembre dernier, le procureur a requis une peine d'au moins 35 ans de prison contre Tuta et de 25 ans contre Stela. La défense a demandé un acquittement en considérant que les éléments de preuve apportés par le procureur étaient insuffisants et en contestant le rôle imputé aux deux hommes.

La campagne de nettoyage ethnique menée par les forces croates de Bosnie avait pour objectif de prendre le contrôle de Mostar et des localités avoisinantes afin d'y installer la République autonome des Croates de Bosnie, la "Herceg Bosna". Selon le plan des nationalistes, soutenu par le régime du défunt président croate Franjo Tudjmann, la Herceg Bosna aurait ensuite été rattachée à la Croatie voisine.

La Herceg Bosna fut dissoute lors des accords de Washington qui ont mis fin aux combats entre les Croates et les Musulmans bosniaques, en 1994. "On ne doit pas oublier que sans des personnes comme Tuta et Stela, qui étaient préparées et désiraient mener les opérations sur le terrain, des responsables comme Franjo Tudjmann et Slobodan Milosevic n'auraient jamais pu commettre leurs crimes", a souligné le procureur lors de son réquisitoire.

L'accusation a rappelé lors du procès que les exactions commises par les deux hommes et leurs subordonnées avaient abouti "à la division de Mostar", qui se poursuit encore aujourd'hui, et à "la destruction de la diversité ethnique traditionnelle de la ville".

Le conflit à Mostar s'était notamment caractérisé par la destruction du célèbre "Vieux Pont" (Stari Most), un joyau de l'architecture ottomane du XVIe siècle, bombardé par les Croates de Bosnie. Après trois années d'enquêtes archéologique et géologique préalables, la reconstruction du Vieux Pont a démarré en 2002 sous le parrainage de l'Unesco.

 


TPI : Pourquoi Seselj a-t-il pris la route de La Haye ?
TRADUIT PAR PERSA ALIGRUDIC

Publié dans la presse : 20 février 2003
Mise en ligne : lundi 3 mars 2003

En se rendant volontairement à La Haye, Vojislav Seselj a bien l'intention d'entrer dans l'histoire par la grande porte. Deviendra-t-il le Dreyfus ou le Dimitrov serbe ? L'éditorialiste de Vreme se demande déjà si le nouveau détenu de la prison de Scheveningen sera soumis à des examens psychiatriques réguliers...

Par Milos Vasic

Vojislav Seselj, chef du Parti radical serbe (SRS), a décidé de quitter la scène politique et les pays serbes afin de passer à l'Histoire. Il promet qu'il y entrera par la grande porte. Vojislav Seselj veut aller en héros dans la tanière de l'ours, comme Milos partit chez Murat au Kosovo, selon la vieille tradition serbe. Il va s'en prendre à ce Tribunal - duquel il n'attend aucune justice - et l'Histoire se souviendra de lui. C'est du moins ce qu'il dit...

Carla del Ponte est une femme au cœur de pierre : depuis des années que Seselj voulait se rendre à La Haye, elle est restée inflexible, du moins jusqu'à tout récemment. Puis s'est entrebâillée la porte de la prison de Scheveningen où, dans les griffes du nouvel ordre mondial, languissent les chevaliers serbes, croates, bosniaques et, dernièrement, albanais. Enfin voici l'occasion pour "Vojo" (Seselj) de « défoncer » ce tribunal anti-serbe, de démasquer ce « menteur de général Vasiljevic... ces traîtres d'Anastasijevic et Dulovic et cette Olivera Kovacevic-Vuco... Biljana » (TV BK). Seselj aura tout son temps à La Haye pour se consacrer aux livres et aux documents, libéré des soucis quotidiens liés à sa famille, à son parti, à ses fonctions de député, etc.

Il est clair que Seselj a tout fait pour aller à La Haye. Mais pourquoi ? Il ne semble pas y avoir de réponse simple. Y en a-t-il pour penser que Voja va effectivement défoncer le TPI, que ses membres vont s'enfuir devant lui comme des rats honteux et vaincus ? Qu'il va libérer les captifs du nouvel ordre mondial sous les applaudissements des bons citoyens de Scheveningen ? Que le juge Richard May va se repentir et se faire moine sur le mont Athos ? Et que lui, Vojo Seselj, ramènera Slobodan Milosevic par la main à Belgrade pour que Radmila Hrustanovic (maire de Belgrade, NdT), profondément confuse, lui remette les clés de la ville ? Ou bien encore que Saddam Hussein, victorieux de la prochaine guerre, le nommera gouverneur du Koweït ? Que le monde entier comprendra soudainement que les Serbes avaient raison depuis le début et que les Nations Unies rétabliront sans plus attendre la République de la Krajina serbe avec Milan Martic comme président ? Personne, pas même Aleksandar Vucic, ne croit pareilles foutaises.

La question qui se pose ici est la suivante : est-ce qu'à La Haye Seselj sera soumis à un examen psychiatrique complet ou seulement à des examens réguliers ?

Les frontières

Vojislav Seselj a toujours dit à haute voix ce que Slobodan Milosevic pensait tout bas. Sa géopolitique était précise, pas arbitraire : tous les Serbes dans un seul État - et les frontières de cet État devaient suivre la ligne Karlobag-Ogulin-Karlovac-Virovitica, plus « le grand État serbe avec sa frontière sur la rive gauche de la Neretva et sa principale ville Dubrovnik » (dixit Mihalj Kertes, 16 juillet 1991 ; il est curieux que celui-là ait été oublié de tous). À peu près à la même époque, le général Stevan Mirkovic traçait à la rédaction de Vreme une carte semblable, mais avec un tout autre contenu politique : il ne s'agissait pas dans cette vision d'une « Grande Serbie » ethniquement pure, mais d'un « nouvel État » (dixit le général Veljko Kadijevic), d'une Yougoslavie démocratique et multinationale, c'est-à-dire de ce qu'il en restait sans la Slovénie et des parties de la Croatie où les Serbes ne formaient pas une majorité compacte, plus quelques champs de pétrole... Voja Seselj savait très bien quelles frontières il dessinait dans l'ombre de Milosevic et quelles en seraient les répercussions sur les officiers sidérés et paniqués de l'Armée populaire yougoslave (JNA).

Emporté par ses succès, Seselj conclut aux élections parlementaires de 1993 qu'il peut exiger beaucoup plus que ce que Milosevic ne lui offre. Mais les choses se gâtent quand il affronte Milosevic pour départager qui dirige la Serbie : comme d'autres avant lui, il perd ce round. Les relations resteront tendues en 1994 en raison de la dispute autour du blocus de Karadzic ; en 1995, c'est la « trahison des Serbes de Krajina et la trahison de Dayton », et ainsi de suite jusqu'à la guerre de Milosevic au Kosovo. Puis, d'un seul coup, nous voici devant le « gouvernement d'unité populaire » de 1998 : SPS, JUL et SRS. Bravo !

Le pouvoir et l'opposition

À cette époque, Seselj pense que les choses vont mieux pour lui qu'en 1991. En effet, l'amour et l'harmonie règnent parmi les radicaux, les membres de la gauche (JUL) et les socialistes purs et durs, qui procèdent immédiatement à l'élaboration des lois sur l'information et l'université. Commence alors une série de théories ineptes sur les complots, les falsifications et les exterminations. Tout cela nous mène à la guerre de 1999, à l'accord de Kumanovo et à la victoire héroïque sur l'OTAN, au renouvellement et à la reconstruction du pays. Voja Seselj, devenu Vice premier ministre de Serbie, ne se démonte pas, comme d'ailleurs dans toutes les situations graves : il refuse de soutenir l'absurde projet de loi sur le terrorisme conçu par le trust des cervelles d'oiseaux de la JUL.

Vers la fin de l'été critique de 2000, Seselj est plus que prudent. Il est clair pour lui et pour ses services que Milosevic n'a plus d'avenir et que son règne achève. À la différence de ses partenaires de la coalition gouvernementale d'unité populaire, Seselj n'est pas stupide. Tranquillement, la conscience en paix, il traverse la crise des présidentielles du 24 septembre 2000 et est le premier à reconnaître la victoire de Vojislav Kostunica, le soir même. Et après le renversement du 5 octobre, le Parti radical serbe et son leader ne réagissent pas, estimant que de toute façon le DOS est gagnant.

Par la suite, la tension nerveuse de Seselj s'élèvera de manière constante et il déploiera une véritable hyperactivité : il se lancera dans une lutte frénétique pour « défoncer le crime organisé » de Canet à Cumet, de Covic à Djindjic, et il redeviendra insupportable avec ses « découvertes », ses « criminels », « espions » et autres « traîtres »... Ceux qui ont bonne mémoire se souviennent de Branislav Vakic et de Ljubisa Petkovic, anciens chefs paramilitaires des radicaux, qui ont décrit en détail les liens que Seselj entretenait avec les Services de la sécurité d'État, avec le secteur de l'armement et le reste...

Finalement, le voeu de Seselj a été exaucé quand l'acte d'accusation du TPI lui a été remis vendredi dernier.

Que va-t-il arriver maintenant ? On peut toujours concevoir, du moins en principe, que quelqu'un soit travaillé par l'ambition hérostratique de passer le restant de sa vie dans une prison européenne et civilisée alors qu'il est possible de l'éviter. Car Seselj aurait pu facilement se décharger et tout mettre sur le dos de la Sécurité d'État, des Milosevic, Martic et Karadzic et feindre l'ignorance : il n'était qu'un pion, qu'un simple propagandiste dans une vaste opération, sans aucun contrôle opérationnel sur les unités, il se vantait, il n'était qu'un politicien d'opposition auquel tout était permis, mensonges, diffamation, injures...

Nous revenons donc à la question de l'examen psychiatrique : logiquement, un bon avocat plaiderait l'irresponsabilité : toute cette folie des grandeurs, ces manies du sacrifice, l'obsession de sauver l'humanité des griffes du nouvel ordre mondial, l'auto-accusation, etc. Cependant, même si cela devait arriver, cela n'aiderait pas Seselj. Au contraire, il perdrait ainsi l'occasion de déblatérer au Tribunal pendant des années, de se disputer à qui mieux mieux et de jouer au plus fin pour son public de sympathisants - tout comme Milosevic d'ailleurs. Enfin réunis à se défendre sur le banc des accusés, tous deux rêvent d'être le Georgi Dimitrov (chef bulgare du Komintern, accusé par Hitler de l'incendie du Reichstag, NdT) du XXIe siècle, modèle de la victoire héroïque de l'individu sur le système, rien de moins que des nouveaux Dreyfus. L'histoire, dit-on, se répète : la première fois, c'est un drame ou une tragédie ; la seconde fois, c'est une farce ou une triste parodie. Si ces deux petits imposteurs, Milosevic et Seselj, croient qu'ils sont en mesure de rejouer les drames de Dreyfus ou de Dimitrov, ils se trompent lourdement. Tous deux sont sortis de l'Histoire par la grande porte, laquelle s'est refermée assez vite derrière eux. Aujourd'hui, ils sortent tout droit de La Haye pour échouer à la télévision dans un opéra à l'eau de rose, diffusé au moment du repassage, quand les gens sirotent leur café matinal.

(Mise en forme : Stéphane Surprenant)

 

samedi 8 mars 2003, 10h27
Bosnie: décès du général Alagic accusé de crimes de guerre par le TPI pour l'ex-Yougoslavie

SARAJEVO (AP) - Le général bosniaque Mehmed Alagic, un haut responsable militaire musulman accusé de crimes de guerre par le Tribunal pénal international (TPI) de La Haye pour l'ex-Yougoslavie, est mort à son domicile, a rapporté samedi la télévision nationale.

Agé de 56 ans, le général Alagic a apparemment succombé à une crise cardiaque vendredi soir à Sanski Most, à quelque 175km au nord-ouest de Sarajevo, la capitale.

Il faisait partie des trois commandants musulmans qui avaient été arrêtés en août 2001 sous l'accusation d'avoir exécuté des civils et des prisonniers de guerre civils et croates, de s'être servis d'otages comme boucliers humains au moment de tirs et d'être responsables d'actes de pillage et de destruction de villages en 1993, pendant la guerre en Bosnie (1992-95).

En décembre 2001, le TPI de La Haye avait décidé de remettre les trois hommes en liberté, les autorisant à attendre dans leur pays la tenue de leur procès.

Le général Alagic a été le maire de Sanski Most de 1996 à 1999. Il a obtenu un large soutien des habitants de la ville, et des milliers d'entre eux ont manifesté en 2001 pour protester contre son arrestation. Aucune précision n'a été donnée sur ses obsèques. AP

 

jeudi 27 février 2003, 18h23

La "dame de fer" des Balkans condamnée à 11 ans de prison

Par Paul Gallagher

LA HAYE (Reuters) - Le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie a condamné jeudi à 11 ans de prison l'ancienne présidente des Serbes de Bosnie, Biljana Plavsic, coupable de crimes contre l'humanité.

La "dame de fer" des Balkans est la plus haute dirigeante condamnée par cette juridiction dépendant des Nations unies depuis sa création, par une résolution de l'Onu, en mai 1993.

Plavsic avait fait sensation l'année dernière en décidant de plaider coupable de persécutions pour des raisons raciales, religieuses et politiques pendant la guerre de Bosnie, de 1992 à 1995.

Elle est apparue tendue lors de l'énoncé du verdict.

"Le tribunal vous condamne à une peine de 11 années d'emprisonnement", a déclaré Richard May, président du tribunal. "Cette chambre a déjà estimé que ces crimes étaient de la plus haute gravité."

"Mme Plavsic n'a tenu aucun compte des informations faisant état de nettoyage ethnique généralisé et l'a publiquement rationalisé et justifié. Aucune peine que prononcera ce tribunal ne peut refléter entièrement l'horreur de ce qui s'est produit", a expliqué May.

Quelque 200.000 personnes ont été tuées ou portées disparues lors de ce conflit.

COLERE EN BOSNIE

Plavsic côtoyait l'autre dirigeant des Serbes de Bosnie, Radovan Karadzic - aujourd'hui l'un des hommes les plus recherchés par le TPIY - alors que Serbes, Croates et Musulmans se livraient une guerre meurtrière sur les ruines de la Yougoslavie communiste.

Le parquet avait requis entre 15 et 25 ans de prison contre Plavsic, la seule femme poursuivie jusqu'alors par le tribunal. Mais la défense avait fait valoir que, pour une dame de 72 ans, cela revenait à la réclusion à vie et elle avait demandé que la peine ne dépasse pas huit ans de prison.

Les trois juges du tribunal ont pris en compte le fait que Plavsic ait contribué à la paix et à la réconciliation en travaillant à la mise en place des accords de paix de Dayton, signés en 1995. Ils ont également tenu compte des remords de l'accusée, du fait qu'elle ait plaidé coupable et qu'elle se soit volontairement rendu au TPIY, a expliqué May.

Mais cette condamnation a suscité la colère en Bosnie.

"Je suis sans voix, j'en tremble, je suis complètement secouée", a déclaré Mujesira Memisevic, dont le mari et les enfants ont été tué lors d'une campagne de nettoyage ethnique menée par des Serbes de Bosnie dans l'est de la Bosnie.

En 2001, l'ancien général serbe de Bosnie Radislav Krstic, reconnu coupable de génocide pour avoir participé au massacre de Srebrenica en 1993, avait été condamné à 46 ans de prison par le TPY

PAS SUFFISANT?

Le tribunal va devoir décider, lors d'une prochaine audience, où Plavsic purgera sa peine. Neuf pays européens, dont la France, l'Italie, l'Espagne, l'Allemagne ou la Suède, ont des prisons disposant de places réservées aux personnes coupables de crimes contre l'humanité.

Plavsic avait au départ plaidé non coupable de plusieurs chefs d'inculpation relevant de crimes de guerre ou de crimes contre l'humanité après s'être rendue au TPIY en janvier 2001. Elle a finalement changé de mode de défense en octobre pour un chef d'inculpation relevant du crime contre l'humanité. Les autres accusations ont été abandonnées et Plavsic a donc évité un procès.

"Je pense que de nombreuses victimes considéreront que ce n'est pas suffisant. Je crois que le tribunal a voulu marquer ses efforts en vue de la réconciliation", a estimé Judith Armatta, de la Coalition pour la justice internationale.

Lors des audiences prévues pour déterminer une peine à Plavsic, l'ancienne secrétaire d'Etat américaine Madeleine Albright, ou le rescapé d'Auschwitz et lauréat du prix Nobel de la Paix Elie Wiesel, avaient été appelés à témoigner.

La première avait notamment fait le parallèle entre l'épuration ethnique en Bosnie et l'Holocauste. Le second s'était demandé comment Plavsic pouvait rester humaine "au vu d'une telle trahison à l'égard de l'humanité".

 

mercredi 19 février 2003, 16h45
Arrestation en Slovénie d'un ancien chef de l'UCK

LJUBLJANA, Slovénie (AP) - Les autorités slovènes ont déclaré mercredi qu'elles attendaient de recevoir l'acte d'inculpation du Tribunal pénal international (TPI) des Nations unies pour extrader Fatmir Limaj, un ancien chef de l'Armée de libération du Kosovo (UCK, dissoute) accusé de crimes contre l'humanité et de crimes de guerre commis en 1998 pendant la guerre du Kosovo.

Fatmir Limaj a été arrêté mardi soir à la demande du TPI, à Kranjska Gora, près de la frontière avec l'Italie et l'Autriche, à environ 80km au nord-ouest de la capitale, Ljubljana, selon le porte-parole de la police, Miran Koren.

Ce dernier a ajouté que Fatmir Limaj, qui siège au Parlement du Kosovo, devait être présenté à un juge d'instruction dans la journée de mercredi. Après lecture de l'inculpation au suspect, la Cour suprême devrait donner le feu vert à son extradition pour La Haye, aux Pays-Bas, probablement dans les prochains jours. C'est la première fois que la Slovénie, ancienne république yougoslave, livrerait un inculpé au TPI.

Fatmir Limaj, 32 ans, est le plus haut responsable d'un premier groupe d'Albanophones inculpé par le TPI. Trois autres -Haradin Bala, Isak Musliu et Agim Murtezi- ont été arrêtés lundi par les troupes de l'OTAN au Kosovo mais Limaj se trouvait alors en déplacement.

Le Premier ministre de hors de la province serbe sous administration de l'ONU, Bajram Rexhepi, s'est dit convaincu mardi de l'innocence de Limaj, qui avait déclaré mardi qu'il se livrerait lui-même au TPI. AP

 

Seselj poursuivra son combat à La Haye

L’inculpation de Vojislav Seselj par le Tribunal pénal international de La Haye (TPI), vendredi dernier, était attendue depuis plusieurs semaines.

De notre correspondant à Belgrade Aussi étrange que cela paraisse, Vojislav Seselj n’a pourtant participé directement à aucun conflit, mais les milices de son parti ont été engagées sur les fronts de Croatie et de Bosnie, tandis que lui-même multipliait les propos outranciers. Il s’est notamment rendu célèbre pour avoir appelé à égorger les Croates non pas avec des couteaux, mais avec des petites cuillères rouillées. Serbe de Sarajevo, Vojislav Seselj est devenu très jeune assistant à la Faculté de droit de sa ville natale. D’abord militant communiste intransigeant, il ne tarde pas à se convertir au nationalisme serbe le plus radical. Il est emprisonné en 1984 en raison de ses professions de foi nationalistes : condamné à huit ans de prison, sa sentence fut ensuite réduite à quatre années, qu’il purgea à la prison de Zenica, en Bosnie. Après sa libération, Vojislav Seselj alla soutenir une thèse de droit à Belgrade, où il proposait entre autres la réhabilitation des crimes de Staline. L’opinion libérale s’était mobilisée, par principe, contre son arrestation, mais Vojislav Seselj resta très marginal sur la scène politique jusqu’en 1989, tout en commençant à se lier avec des rescapés du mouvement nationaliste serbe des tchetniks de la Seconde Guerre mondiale. Dès 1990, l’ancien assistant de droit commence à se «spécialiser» dans les déclarations assassines et les appels au meurtre à l’encontre des autres nations yougoslaves. Au contraire d’autres leaders nationalistes serbes comme Vuk Draskovic, Vojislav Seselj ne se bat pour la restauration de la monarchie et ne cultive guère l’amitié de l’Eglise orthodoxe. Vojislav Seselj crée une formation paramilitaire, et se pare lui-même du titre de «voïvode», chef traditionnel des unités tchetniks. Dès ce moment, les gros bras de Vojislav Seselj ont bénéficié de l’appui discret de Slobodan Milosevic : ils étaient utiles pour faire taire les opposants démocrates. En février 1991, plusieurs groupes nationalistes fusionnent pour former le Parti radical serbe (SRS). Dès ses premiers pas, le SRS prend le contre-pied des autres formations de l’opposition serbe, en ne participant pas aux manifestations démocratiques de mars 1991. Dans le même temps, Vojislav Seselj se préoccupait de plus en plus du soutien aux «frères serbes» de Croatie. Dès l’automne 1990, il achemine des armes vers la Krajina, ce qui lui vaut un nouveau et bref séjour en prison, mais par contre les autorités de Belgrade voient d’un fort bon œil l’engagement des volontaires du SRS au printemps 1991. Selon Vojislav Seselj lui-même, le premier détachement de volontaires de son parti serait arrivé à Borovo Selo, près de Vukovar, en avril 1991, et il expliqua par la suite que la coopération avec la police était fructueuse dès cette période, qu’il s’agisse de l’acheminement d’armes ou de volontaires. L’engagement dans les milices devint un critère essentiel de promotion au sein du parti, et les unités paramilitaires du SRS jouèrent un rôle tragique dans les guerres de Croatie ! et de Bosnie. Les commandos du SRS se livrèrent également à des exactions à l’encontre des minorités nationales de Voïvodine, contraignant au départ certains Hongrois, mais surtout des Croates de la province. Les nostalgiques de l’ancien régime En 1992, le SRS s’oppose aux tentatives réformistes du gouvernement de Milan Panic, et le parti choisit de soutenir la candidature de Slobodan Milosevic qui se présente justement contre Milan Panic aux élections présidentielles serbes de décembre 1992. L’alliance inédite entre les Socialistes et les Radicaux permet à ces deniers d’entrer en force au Parlement fédéral ainsi qu’au parlement républicain de Serbie. Le SRS refusa toutefois de participer au gouvernement, en expliquant qu’il se contenterait de soutenir le président Milosevic aussi longtemps que celui-ci défendrait une ligne «patriotique». En mai 1993, les Serbes de Bosnie rejetèrent par référendum le plan de paix de Cyrus Vance et de Lord Owen, mais toute l’année est occupée par des tractations secrètes entre Belgrade et Pale qui devait amener à un progressif désaveu des Serbes de Bosnie par Belgrade. Le SRS s’oppose à toute perspective de paix négociée, et rompt son alliance avec les Socialistes, en menant aussi campagne en direction des couches les plus déshéritées du pays. Une longue traversée du désert commence alors pour le SRS, qui peut que dénoncer, impuissant, la signature des accords de Dayton à l’automne 1995. Vojislav Seselj prend désormais la posture du défenseur de l’idée nationaliste serbe, «trahie» par Slobodan Milosevic, parvenant de la sorte à attirer une large fraction de l’électorat, notamment les réfugiés serbes de Croatie et de Bosnie auxquels le droit de vote est très libéralement accordé en Serbie. Au cours de ces mêmes années, Vojislav Seselj développe les contacts de son parti avec l’extrême droite européenne, notamment avec le Mouvement social italien (MSI, aujourd’hui Allianza nazionale, membre de la majorité de Silvio Berlusconi) et le Front national français. Les événements du Kosovo décidèrent d’un nouveau retour en grâce de Vojislav Seselj. Un gouvernement de grande coalition est formé le 24 mars, réunissant la JUL dirigée par Mira Markovic et le SRS autour de Parti socialiste de Slobodan Milosevic. Vojislav Seselj devient vice-premier ministre de Serbie. Le chef de l’extrême droite occupe surtout un ministère de l’imprécation, multipliant les propos enflammés et les accusations violentes à l’encontre non seulement de l’Occident mais aussi de l’opposition démocratique serbe et des médias indépendants, accusés systématiquement de «trahison». La chute de Slobodan Milosevic, le 5 octobre 2000, n’entraîne pas celle de la maison Seselj, comme certains observateurs s’y attendaient. Bien au contraire, le leader de l’extrême droite parvient à réunir autour de lui les mécontents des politiques de réforme et les nostalgiques de l’ancien régime. Lors des élections présidentielles de l’automne dernier – invalidées faute d’une participation suffisante – Vojislav Seselj parvient à réunir sur son nom près d’un tiers des suffrages. Il entend en fait se servir de son procès pour poursuivre sa dénonciation véhémente du TPI, qu’il accuse d’être une juridiction antiserbe. Son éventuel départ pour La Haye risque cependant de priver durablement l’extrême droite serbe de dirigeant.

Jean-Arnault DERENS

RFI Actualités

 

Le jeudi 16 janvier 2003

L'ex-président de Serbie se rend de son plein gré au TPI

Agence France-Presse
Belgrade

L'ex-président de Serbie, Milan Milutinovic, se rendra de son plein gré à La Haye pour comparaître devant le Tribunal pénal international (TPI), a déclaré jeudi à la presse le premier ministre serbe, Zoran Djindjic.

«M. Milutinovic se rend à La Haye de son plein gré et il y sera prochainement», a déclaré M. Djindjic, sans préciser de date.

M. Milutinovic, 60 ans, a été inculpé en mai 1999, selon le principe de commandement, pour son rôle dans les crimes de guerre et crimes contre l'humanité commis la même année contre la population civile albanaise au Kosovo.

«Les gouvernements yougoslave et serbe ont donné à M. Milutinovic des assurances qu'ils demanderaient au TPI de le laisser en liberté jusqu'à l'ouverture de son procès», a ajouté M. Djindjic.

M. Milutinovic a été inculpé pour le Kosovo en même temps que l'ancien président yougoslave Slobodan Milosevic et deux autres de ses proches collaborateurs, qui se sont rendus à La Haye, après l'adoption par Belgrade, en avril 2002, d'une loi sur la coopération avec le TPI.

Il s'agit du général Dragoljub Ojdanic, ancien chef de l'état-major de l'armée yougoslave, et de Nikola Sainovic, ancien vice-premier ministre yougoslave.

Les deux hommes avaient répondu à un appel à se rendre lancé en avril par les autorités de Belgrade.

M. Milutinovic avait pour sa part bénéficié d'un traitement de faveur de la part des autorités de Belgrade grâce à ses fonctions de président de Serbie, qui ont pris fin le 29 décembre 2002.

«J'ai demandé au bureau du procureur (du TPI) de considérer la venue de M. Milutinovic comme intervenant dans les délais prévus», a encore dit M. Djindjic, ajoutant qu'en raison des fonctions qu'il exerçait, l'ancien président serbe ne pouvait comparaître plus tôt.

Le TPI a «pris cet argument en considération. Tout le reste est une affaire entre La Haye et Milutinovic», a ajouté M. Djindjic.

L'annonce de la reddition de M. Milutinovic intervient au moment où les États-Unis accroissent leurs pressions sur les autorités de Belgrade pour qu'elles livrent au TPI d'ici au 31 mars un des deux hommes les plus recherchés, l'ex-chef militaire des Serbes de Bosnie, le général Ratko Mladic, et deux autres anciens officiers de la JNÀ (armée de l'ex-Yougoslavie), Veselin Sljivancanin (50 ans) et Miroslav Radic (46 ans environ).

Les deux anciens militaires sont tenus pour responsables, avec un troisième qui s'est rendu au TPI en mai 2002, du massacre de civils perpétré lors de la prise par les forces serbes de la ville de Vukovar (est de la Croatie), en novembre 1991.

Le procureur du TPI, Mme Carla del Ponte, a déploré mercredi que 24 inculpés de crimes de guerre soient encore en liberté, parfois plus de sept ans après leur mise en accusation.

Le général Mladic (60 ans) et l'ancien président des Serbes de Bosnie Radovan Karadzic (48) sont recherchés depuis 1995 pour crimes de guerre, crimes contre l'humanité et génocide en Bosnie.

M. Djindjic a expliqué à la presse que si les suspects réclamés par le TPI n'avaient «pas encore été arrêtés, c'est parce que la police serbe, dont c'est le travail, ne les a pas trouvés».