2000 et 2001

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AIM 25 décembre 2001 (Traduit par Pierre Dérens) Yougoslavie : les otages du Procureur Carla del Ponte Par Philip Schwarm 
C’est seulement après que les Serbes se seront regardés dans les yeux, c’ est-à-dire ce qui a été fait en leur nom, que la Serbie pourra faire face au Tribunal de La Haye et cesser d’être une marionnette aux mains des frères de guerre de Ratko Mladic et des fidèles de Slobodan Milosevic. Est-ce que le chef d’état-major de l’armée yougoslave, le général Nebojsa Pavkovic et le chef de la sécurité publique, le général en chef de la police Streten Lukic, font l’objet d’une enquête du Tribunal de La Haye ? Est-ce que l’ancien commandant en chef de l’armée serbe de Bosnie, le général Ratko Mladic est protégé du tribunal par quelque quatre-vingts soldats de l’armée yougoslave (JA) dans une caserne de l’armée quelque part en Serbie ? Qui sera le prochain prisonnier de Scheveningen un véritable gros bras de l’ancien régime ou bien un second rôle militaire ou gouvernemental des guerres passées ? Des éléments de réponse à ces questions font passer des électrochocs dans les rangs de la classe politique serbe. Lorsque Graham Bluit, le vice-procureur général annonça que les généraux Pavkovic et Lukic faisaient l’objet d’une enquête, ce qui veut dire que l’on fait d’eux des «participants d’une entreprise criminelle commune» dans l’accusation sur le Kosovo contre Milosevic et que eux aussi «pourraient être accusés mais pas nécessairement», le président yougoslave, Vojislav Kostunica, s’est empressé de déclarer que de telles déclarations «avaient un impact négatif sur la stabilité du pays à un moment où la stabilité est capitale».

 Alors que le terrain résonnait encore de la «déflagration» du cas des deux généraux, une nouvelle explosion secoua les media : d’après des sources anonymes émanant du gouvernement serbe, l’agence Reuters diffusa l’ information selon laquelle l’ancien commandant de l’armée serbe de Bosnie, le général Ratko Mladic, se cachait dans une unité de l’armée à Belgrade. Les généraux Pavkovic et Lukic affirmèrent avoir strictement respecté les lois de leur pays en état de guerre ainsi que les règlements de la législation internationale.

 Cela ne calma pas le jeu. Il en alla de même quand les autorités fédérales yougoslaves nièrent l’idée d’accorder à Mladic une protection de tout repos en Yougoslavie. Comme il en fut du rejet du Premier ministre Zoran Djindjic pour lequel il ne s’agirait là que d’une autre tentative de déstabilisation contre son gouvernement réformateur. En bref, tout cela ne fait que démontrer combien le tribunal de La Haye est un élément politique de la plus haute importance en Serbie et en Yougoslavie, indépendamment de ce que les politiciens locaux laissent à penser. Aujourd’hui il y a plusieurs raisons à cela. Avant tout il y a la lutte entre le parti démocratique (DS) de Djindjic et le parti démocratique de Serbie (DSS) de Kostunica. Pour ce qui concerne la coopération avec le Tribunal de La Haye, Djindjic et ceux qui le suivent font le choix clair de l’extradition par nécessaire clarté politique et mise en œuvre en accord avec l’application directe des statuts du tribunal pour crimes de guerre de La Haye. Le DSS de son côté souhaite que ce sujet, ô combien épineux, soit tranché par une loi qui n’a pas encore été prise. Si le transfèrt de Milosevic n’a pas tout à fait «clos la question» pour le gouvernement de Djindjic , on ne peut pas non plus dire que Kostunica et ceux qui sont avec lui se sont évertués à respecter les règlements qui régissent la coopération avec La Haye. Alors qu’il a semblé que l’ancien président yougoslave avait été transféré seulement pour des raisons de politique étrangère, à l’époque il était tout à fait évident que le DSS, faisant l’autruche, se cachait la tête dans le sable à ce sujet. De toute façon, les deux partis venaient de découvrir un sujet presque idéal d’accrochages et d’accusations réciproques, quel qu’en soit le prix à payer et la longueur du processus, jusqu’à épuisement total de l’opposant. Ce conflit se retrouve aussi dans la division entre les forces de police et l’armée : L’armée contrôlée par Kostunica, la police par Djindjic. Avant tout, ces deux blocs politiques n’aiment pas les cadres formés pour convenir aux besoins de Milosevic, hérités de l’ancien régime. S’il est vrai que ni l ’armée ni la police ne peuvent renverser de leur fait le présent gouvernement, elles ont le pouvoir de l’ébranler vigoureusement comme vient de le démontrer la rébellion du corps des forces spéciales de la police (les «bérets rouges»), la raison de la révolte étant précisément le transfert à La Haye. Voilà pourquoi les autorités actuelles s’efforcent d’éviter à tout prix de se préoccuper des biographies passées et des actions des responsables de l’armée et de la police ; c’est ainsi que l’on ne sait toujours pas précisément qui, agissant sur l’ordre de qui, a fait transporter en Serbie les corps des Albanais tués au Kosovo, dans des camions réfrigérés. Voilà aussi pourquoi personne ne sait exactement ce que les généraux Pavkovic et Lukic faisaient au Kosovo ou bien qui protége les séjours et les déplacements du général Mladic en Serbie depuis 1995. Puisque, et c’est bien connu, l’officier supérieur de l’armée serbe en Bosnie, vivait à Belgrade dans une villa gardée par la police militaire et s ’il est sorti de la capitale pendant ce temps, les services de sécurité de l ’état, le ministère de l’intérieur (MUP) et les services secrets de l’armée doivent certainement savoir quand et comment cela s’est produit. En raison de tout cela, le pays est devenu l’otage réel du procureur en chef du tribunal de La Haye, Carla del Ponte - et de telles questions doivent être posées par quelqu’un qui choisit le moment qui lui convient le mieux. Toutefois le fond du problème est d’aller dans le sens de l’opinion publique. La coopération avec le tribunal de La Haye apparaît comme une forme de pression politique, à la fois inévitable et en même temps injuste. Les autorités actuelles n’ont pas vraiment essayé de déterminer qui était responsable des guerres de ces dix dernières années. Les raisons en sont nombreuses. Il y a un peu de tout à cela : un peu de mauvaise conscience d’ avoir flirté avec un nationalisme de la plus mortelle espèce, d’avoir participé au régime de Milosevic et d’avoir changé de camp seulement après la disgrâce de ses revers soudains, d’avoir pensé un peu que ce qu’il recherchait était juste mais que ses moyens étaient faux, le sentiment d’une grande injustice par rapport aux souffrances des Serbes de Croatie et du Kosovo, les dégâts de l’intervention de l’OTAN, jusqu’au besoin de garder le calme sur la scène politique afin de faciliter les nécessaires réformes de l ’économie et des institutions… Avec au fond la peur de l’électorat et la possibilité d’apparaître comme traître à la nation. Pour dire la vérité, les interprétations trop zélées et déformées du passé récent venant de certains cercles, trop tard permettent seulement à toutes sortes de nationalistes de marquer des points politiques à bon marché. Alors, que faire ? Pour les nouveaux venus, tous ceux qui occupaient des postes élevés dans l’armée et la police sous le régime de Milosevic devraient répondre de leurs actions pendant les guerres de Croatie, de Bosnie-Herzégovine et du Kosovo. Ainsi pour ne pas prendre leurs paroles pour argent comptant, l’ouverture des dossiers secrets devraient être une nécessité ; de même , les autorités judiciaires locales devraient, au moins ,établirent la liste des bourreaux et ceux qui ont donné les ordres pour des crimes notoires les camions réfrigérés pleins de corps transportés du Kosovo en Serbie, et l’enlèvement et la disparition des passagers d’origine non-serbe tu train qui allait de Belgrade à Bar en Strpci en 1993. C’est seulement après que les citoyens serbes auront la force de regarder en face leurs propres consciences, c’est-à-dire tout ce qui a été fait en leur nom, que la Serbie pourra affronter le tribunal de La Haye et cessera, une fois pour toutes d’être l’otage de Ratko Mladic, de Slobodan Milosevic et de leurs sbires. 

 

2 décembre 2001 - (Traduit par Persa Aligrudic)

Yougoslavie : le TPI accuse les autorités politiques de cacher des criminels de guerre

"On sait avec certitude que Mladic se cache sur le territoire de la RFY et que l’Armée yougoslave (VJ) en est responsable. C’est pourquoi nous demandons aux organes fédéraux de l’arrêter et de le livrer au Tribunal", a

déclaré à Danas Florence Hartmann, porte-parole du Tribunal pénal international de La Haye (TPI).

Par I. Nikolic

Mardi dernier, le procureur général du tribunal, Carla del Ponte, a critiqué devant le Conseil de sécurité des Nations unies la collaboration actuelle de la RFY avec le TPI et demandé à Belgrade la remise de Ratko Mladic et de trois autres auteurs supposés de crimes de guerre commis à Vukovar, en Croatie. Le lendemain, son adjoint Graham Bluit a annoncé que parmi les personnes soupçonnées de crimes de guerre commis au Kosovo, figurent aussi le chef actuel de l’Etat-major de la VJ, Nebojsa Pavlovic, un général du ministère de l’Intérieur (MUP), Sreten Lukic, ainsi que cinq autres hauts officiers de la VJ et du MUP de Serbie ou des fonctionnaires du Service de la sûreté d’Etat (SDB). " Ils sont inculpés, ce qui ne veut pas dire qu’ils seront automatiquement accusés ", a ajouté Bluit. Le ministre du MUP de Serbie, Dusan Mihajlovic a déclaré au début de la semaine qu’aucun membre du MUP ne figuraient sur les listes secrètes ou publiques du TPI. Dans un communiqué envoyé aux médias jeudi dernier, il a souligné que tant qu’il exercerait la fonction de ministre, " aucun membre de la police ne serait livré au Tribunal de La Haye, pas plus qu’il ne serait interrogé sans son propre consentement ".

Le chef de l’État-major de la VJ, Neboja Pavkovic, a refusé de commenter la déclaration de Carla del Ponte à l’effet que l’ex dirigeant militaire des Serbes bosniaques se trouvait en RFY et qu’il était sous la protection de la

VJ. " Je n’ai aucun commentaire à faire à ce sujet ", a déclaré Pavlovic aux journalistes à Nis, après sa rencontre avec le chef de l’Etat-major de l’Armée bulgare, le général Miha Mihovi. Ainsi que l’apprend notre journal, Ratko Mladic est vu de temps en temps dans une caserne belgradoise, mais il est également un client régulier des cafés et des magasins à proximité de sa maison à Blagoja Parovic, sur la colline de Banovo, à Belgrade. Il se rend aussi régulièrement au cimetière de Topcider, où repose sa fille.

Le procureur général a présenté son rapport annuel le 26 novembre dernier, un rapport qui était notamment consacré aux relations entre les autorités de Belgrade et la MKSJ (Commission internationale pour la Yougoslavie). Estimant que la collaboration était déficiente depuis le transfert de l’ex président Milosevic à La Haye, le rapport demande du même coup l’aide de la communauté internationale pour parvenir à dénouer l’impasse. Après la déclaration de Bluit, qui a fortement ébranlé la population serbe, le MUP de Serbie a émis un communiqué dans lequel il est dit, entre autres, que le Général Sreten Lukic " a agi en conformité avec la loi, ce pour quoi il existe des preuves et des témoins ". Le Général Luic est par ailleurs un proche cousin de Milan Lukic qui figure aussi sur la liste des accusés du TPI à cause de l’enlèvement et du meurtre de 17 musulmans à la gare de

Strpici, et qui se cache à Obrenovac près de Belgrade. Les généraux Pavkovic et Lukic sont mentionnés dans une requête du procès de Slobodan Milosevic relatif à l’acte d’accusation pour le Kosovo. Il y sera démontré que Milosevic exerçait un plein contrôle sur les forces de la VJ et du MUP engagées au Kosovo, " notamment par l’intermédiaire du général Nebojsa Pavkovic, commandant de la Troisième armée et du Général Sreten Lukic, commandant des formes de la police au Kosovo ". Outre ces derniers, on y mentionne le commandant du 52ème corps d’armée, le Général Vladimir Laearevic, les chefs de la Sûreté publique et nationale de Serbie, Vlastimir

Djordjevic et Radomir Markovic ainsi que son adjoint, Nikola Curcic. Enfin, en plus de Frenki Simatovic (qui est nommé dans les actes d’accusation pour la Croatie et la Bosnie comme " complice de l’opération criminelle commune "), Milorad Ulrmek Legija, commandant des Unités spéciales, est également mentionné dans ledit document. " Les autorités en RFY doivent collaborer avec le Tribunal de La Haye. C’est leur obligation. Les instructions sont en cours et nous verrons ce qui en résultera, mais l’acte d’accusation contre Mladic date de six ans et je ne vois pas pourquoi Belgrade empêche son arrestation ", s’impatiente Florence Hartmann.

L’information relative à la présence de Ratko Mladic à Belgrade a été démentie par le ministre fédéral de l’Intérieur, Zoran Zivkovic, affirmant mercredi dernier " qu’il n’avait pas connaissance" du fait que Mladic se

trouvait en territoire yougoslave, pas plus qu’il n’a été délivrée aucune décision par quelque organe yougoslave que ce soit, visant à protéger et à cacher n’importe un accusé sur le territoire national. Le ministre yougoslave de l’Intérieur, Goran Svilanovic, a déclaré lors de son séjour à Londres que le RFY allait continuer également à l’avenir à collaborer avec le TPI. " Nous insistons sur le cadre de la loi pour la collaboration avec La Haye, que nous allons d’ailleurs adopter ", assure Svilanovic. 

(Mise en forme : Alexandre Billette)

 

 

Le vendredi 16 novembre 2001

Un Croate de Bosnie sur le point d'être transféré à La Haye

Agence France-Presse
Zagreb

La Croatie transfèrera la semaine prochaine au Tribunal pénal international de La Haye (TPI) Pasko Ljubicic, un Croate de Bosnie accusé du massacre de Musulmans de Bosnie pendant la guerre de 1992-95, a déclaré vendredi son avocat.

Pasko Ljubicic sera probablement transféré au Tribunal de La Haye «mardi ou mercredi», a indiqué à l'AFP son avocat Tomislav Jonjic.

Une chambre d'appel du tribunal de Zagreb a approuvé vendredi le transfèrement au TPI de M. Ljubicic, qui s'était livré de son plein gré à la police de Zagreb la semaine dernière.

«La défense ne fera pas appel à cette décision», a ajouté M. Jonjic.

Le TPI avait rendu public le 30 octobre un acte d'accusation contre Pasko Ljubicic, 36 ans, l'inculpant pour le rôle qu'il avait joué lors d'attaques de villages musulmans dans les municipalités de Vitez et Busovaca (Bosnie centrale) entre juin 1992 et juillet 1993.

Pasko Ljubicic «a planifié, ordonné et commis un crime contre l'humanité en persécutant des Musulmans de Bosnie», précise l'acte d'accusation, qui souligne notamment que M. Ljubicic a participé à la planification de l'attaque du village d'Ahmici, en Bosnie centrale.

Plus d'une centaine de Musulmans de Bosnie, dont un tiers de femmes et d'enfants, avaient trouvé la mort lors de l'attaque d'Ahmici par les forces croates de Bosnie, le 16 avril 1993.

Ljubicic avait vécu en Croatie après la guerre de Bosnie sous une fausse identité, que lui aurait accordée, à lui ainsi qu'à trois de ses associés, Ante Sliskovic, Tomislav Vlajic et Vlado Cosic, le régime nationaliste de l'ancien président Franjo Tudjman.

Les quatre hommes avaient été logés dans la région de la ville côtière de Zadar, en tant que réfugiés de Bosnie centrale.

Pendant la guerre de Bosnie, le régime de Tudjman soutenait les aspirations sécessionnistes des Croates de Bosnie.

Vlajic et Sliskovic avaient été arrêtés à Zadar en septembre 2000 en relation avec le massacre d'Ahmici et demeurent depuis en détention, alors que Cosic et Ljubicic étaient entrés dans la clandestinité.

 

 

lundi 12 novembre 2001, 16h42

 

 

L'ex-vice amiral yougoslave Miodrag Jokic se rend au TPIY

Par Julijana Mojsilovic

LA HAYE (Reuters) - Miodrag Jokic, ancien vice-amiral yougoslave inculpé pour le bombardement de Dubrovnik (Croatie) en 1991, s'est rendu au Tribunal pénal international (TPIY) de La Haye.

Jokic est l'un quatre anciens officiers supérieurs de l'armée yougoslave inculpés par le TPIY pour leur responsabilité dans la mort de dizaines de civils tués par les pilonnages contre la ville croate de Dubrovnik en 1991.

L'ancien vice-amiral a été transféré vers le centre de détention du TPIY, à la périphérie de La Haye, où il est arrivé lundi par avion de Belgrade, a annoncé un porte-parole du tribunal. Aucune date n'a été fixée pour sa première comparution devant les juges.

"La décision que j'ai prise a été très difficile pour ma famille, mais en tant que militaire, je pense que c'était la seule légitime et honnête, en particulier dans cette situation où la coopération de mon pays avec le tribunal de La Haye rencontre des obstacles", a-t-il dit à l'aéroport de Belgrade.

"J'ai effectué mon devoir en conformité avec les lois reconnues sur le plan international et j'attends de mon pays qu'il soit derrière moi", a ajouté Jokic, accompagné de sa femme, de son fils et de sa fille, mais également du ministre serbe de l'Intérieur.

Dusan Mihajlovic a dit lundi qu'il accompagnait Jokic à La Haye pour demander au TPIY d'autoriser l'ancien officier serbe à être jugé en Serbie, après des audiences préliminaires aux Pays-Bas.

"Je viens avec lui pour montrer (...) que le gouvernement de Serbie est derrière lui", a dit le ministre de l'Intérieur.

Jokic est le deuxième inculpé, concernant Dubrovnik, à se rendre de son plein gré au TPIY.

Coopération avec le TPIY controversée

Le général en retraite Pavle Strugar a quitté le 21 octobre dernier le Monténégro pour se mettre à la disposition du TPIY, face auquel il compte bien faire la preuve de son innocence.

En octobre, le parti de la Nouvelle démocratie, dirigé par Mihajlovic et dont Jokic est membre, avait dit avoir été informé de l'intention de l'ancien vice-amiral de se rendre.

La coopération avec le TPIY est l'objet d'une vive polémique actuellement en Yougoslavie.

Au moment du décollage de l'appareil emmenant Jokic et Mihajlovic aux Pays-Bas, une centaine de membres de la police spéciale serbe portant des tenues de camouflage ont mis en place un barrage filtrant avec 15 voitures blindées sur la principale artère menant à Belgrade, a rapporté un journaliste de Reuters.

Ce barrage érigé en pleine heure de pointe a quasiment paralysé le trafic, mais certains automobilistes ont salué les policiers et ont manifesté leur soutien.

Il y a trois jours, des jumeaux serbes de Bosnie accusé d'avoir battu à mort des prisonniers lorsqu'ils travaillaient comme gardes dans un camp de détention serbe en Bosnie, en 1992, ont été remis au TPIY.

Samedi, la police spéciale serbe avait érigé un barrage routier en Voïvodine, province du nord de la Serbie, car certains de ses membres estimaient avoir été trompés au sujet de l'arrestation de ces jumeaux, qu'ils jugent illégale.

Avant l'arrestation de ces deux frères, des responsables du TPIY avaient indiqué que 37 personnes recherchées pour des atrocités présumées commises lors de la guerre en ex-Yougoslavie étaient toujours en fuite.

La femme de Slobodan Milosevic, Mira Markovic, se trouvait également à bord de l'avion de Jokic. Elle vient rendre visite à l'ancien président yougoslave, détenu aux Pays-Bas dans l'attente de son procès pour crimes de guerre.

 

 

vendredi 9 novembre 2001, 12h18

Deux gardiens de camp bosno-serbes en détention à La Haye

LA HAYE (Reuters) - Deux frères bosno-serbes accusés de crimes contre l'humanité au camp d'internement de Keraterm en 1992 ont été placés en détention à La Haye, a annoncé le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (TPIY).

Predrag et Nenad Banovic, qui étaient gardiens du camp en question, sont inculpés de crimes contre l'humanité, de violations de la Convention de Genève et des usages admis en temps de guerre. Ils ont été arrêtés jeudi à Belgrade et transférés à La Haye, a indiqué le tribunal.

Keraterm était l'un des trois principaux camps administrés par les Serbes dans le nord-ouest de la Bosnie, où des milliers de civils musulmans et croates étaient détenus pendant le conflit bosniaque de 1992-95. Des centaines d'entre eux furent tués ou torturés au nom d'une politique d'épuration ethnique.

Les deux autres camps étaient Omarska et Trnopolje.

Les deux frères, inculpés par le TPIY en juillet 1995, ont été arrêtés par la police secrète de Serbie, a-t-on rapporté de source proche du gouvernement fédéral yougoslave.

"Ils sont arrivés dans notre unité de détention ce matin à trois heures. Nous sommes encouragés par ce signe de coopération et espérons qu'il débouchera sur une coopération renforcée", a déclaré Jim Landale, porte-parole du TPIY.

La semaine dernière, cinq Serbes de Bosnie ont été jugés coupables de crimes contre l'humanité pour les brutalités et le climat de terreur qui régnaient au camp d'Omarska en 1992. Ils ont été condamnés à des peines de cinq à 25 ans de prison.

 

Vreme 25 octobre 2001 (Traduit par Jasna Tatar) 

Monténégro : Pavle Strugar se présente au TPI 

« Les destructions et les souffrances m'ont fait de la peine. J'ai sincèrement partagé les sentiments des citoyens de Dubrovnik, mais la conviction d'avoir personnellement contribué à limiter la destruction me rassérénait. Comme dit le proverbe populaire, misérable est le pays par lequel passe l'armée. » Par Velizar Brajovic Pavle Strugar, général de la JNA en retraite, commandant de la deuxième zone d'opération durant le siège de Dubrovnik de 1991 à 1992, s'est rendu volontairement à La Haye dimanche dernier. L'avion de la compagnie aérienne monténégrine « Pelikan » a atterri sur la base militaire d'Ogburg. Son fils Nenad n'a pu, pour des problèmes de visa avec la douane batave, accompagner son père et quitter l'aéroport. Il a toutefois déclaré : « Les représentants du TPI qui l'attendaient ont montré qu'ils ne portaient ni armes ni menottes. Ils sont partis ensemble à Scheveningen. » L'avocat de Strugar, Goran Rodic, a déclaré que son client avait eu un accueil décent. Il a fait l'objet d'un examen médical, et il a pu, ensuite, téléphoner chez lui. La date de comparution de Pavle Strugar n'a toujours pas été précisée. Le TPI devra se prononcer sur le chef d'accusation suivant : « infraction aux lois et coutumes de guerre et graves violations de la convention de Genève ». L'acte d'accusation contient seize points et concerne trois autres personnes encore : – le vice-amiral Miodrag Jokic qui commandait à l'époque le neuvième secteur maritime ; – le vice-amiral Milan Zec, chef d'état-major dudit secteur ; – le capitaine Vladimir Kovacevic, surnommé « Rambo », commandant du troisième bataillon de la brigade de Trebinje, qui a participé aux opérations à Dubrovnik. Il y a sept mois, les actes d'accusation scellés ont été transmis aux autorités serbes et monténégrines. Ils ont été ouverts le 2 octobre. Le général Strugar, qui était retourné au Monténégro après une hospitalisation à la clinique militaire VMA de Belgrade, a déclaré qu'il était prêt à se rendre volontairement au TPI. Il souhaitait apporter la preuve de son innocence. Deux semaines auparavant, Strugar, bien que malade et hospitalisé à Podgorica, avait accepté de nous accorder un entretien que nous n'avons pu finir. La santé du général ne nous l'a pas permis. De son lit d'hôpital, et en présence de ses fils Predrag et Nenad, Pavle Strugar nous a expliqué pourquoi il avait décidé de se rendre au TPI. Il nous a confié que son engagement sur le front de Dubrovnik avait deux origines : l'obéissance aux ordres et le sentiment patriotique. Le général ne voulait pas que sa famille, le Monténégro et son peuple, aient à souffrir à cause de lui. Il souhaitait communiquer au TPI les éléments qui le libéreraient des graves accusations portées à son endroit : « Je souhaite expliquer aux peuples monténégrin et croate ce qui se passait durant les opérations de Dubrovnik. » Le général Strugar nous déclaré qu'il avait repris le commandement du deuxième groupe d'intervention douze jours avant le début de l'opération à Dubrovnik. Il aurait immédiatement ordonné un cessez-le-feu  dans la région de Cavtat et aurait demandé la mise en place de négociations avec les représentants de la ville. D'après lui, un accord aurait même été trouvé. L'armée devrait entrée sans heurt dans la ville, et avec la coopération des autorités civiles, il y aurait eu un retour à la vie normale. Une collaboration devait avoir lieu entre les villages de Dubrovacka Rijeka et Slano. Strugar dit avoir ordonné de traiter les prisonniers selon les dispositions de la convention de Genève, et d'assurer la sécurité et de porter assistance à la population locale : « Avant la retraite de mes unités du front de Dubrovnik, il y avait plus de 500 prisonniers croates sur le territoire monténégrin. Dans la prison, il n'y a eu aucun mort. Tout le monde a pu rentrer chez soi. Je m'attends à ce que mes affirmations soient confirmées par les Croates qui étaient chargés de négocier. » Nous avons demandé à Pavle Strugar s'il se sentait responsable des événements survenus dans la région de Dubrovnik, et la façon dont  il avait vécu les destructions et les souffrances. Il nous a répondu de la façon suivante : « Chaque commandant est responsable des événements qui surviennent dans la zone qui est sous sa compétence. Je n'ai pas honte des ordres que j'ai donnés car ils étaient en accord avec le droit international et la convention de Genève. Quand j’ai constaté que certaines personnes ne respectaient pas mes consignes, j'appliquais des mesures légales.  Je puis en fournir les preuves. Les destructions et les souffrances m'ont causé beaucoup de peine. J'ai sincèrement partagé les sentiments des citoyens de Dubrovnik, mais la conviction d'avoir personnellement contribué à limiter la destruction me rassérénait. Comme dit le proverbe populaire, misérable est le pays par lequel passe l'armée. » L'expression du visage de Strugar prouvait qu'il souffrait. Il avait pris une dose de médicaments juste avant notre entretien. La proposition du journaliste d'interrompre l'entrevue était accueillie avec gratitude par les deux fils du général. L'entretien n'a pas eu de suite, le vieil homme étant soumis dès le lendemain à une intervention chirurgicale complexe, provoquée par un dysfonctionnement rénal. Pavle Strugar a été placé sous étroit contrôle médical jusqu'à vendredi dernier. La famille et les médecins ont essayé de le convaincre de remettre son voyage à La Haye. Il a refusé catégoriquement en déclarant qu'il aurait droit sur place aux soins médicaux, et qu'il souhaitait, au plus vite, être confronté au TPI. Le général reconnaît le TPI parce que son pays a fait de même. Il est de plus persuadé que le tribunal prendra en compte les preuves qu'il apporte. Les autorités monténégrines considèrent comme très moral le comportement du général Strugar. Elles lui promettent toutes les garanties afin qu'il puisse se défendre en toute liberté. Il est évident que l'attitude de Strugar a beaucoup aidé le Monténégro dans ses rapports avec le TPI. Predag, un des fils du général, ancien lieutenant colonel de l'armée yougoslave, affirme qu ’il n'y a eu aucune pression. Son père a décidé d'aller au TPI le 2 octobre, dès qu'il a eu connaissance des accusations portées contre lui. Lors de son séjour à Belgrade, il ignorait tout de l'affaire. La famille Strugar est connue au Monténégro pour avoir donné beaucoup de héros et de brillants militaires dans l'histoire du pays. Les trois frères de Pavle Strugar, Petar, Ivo et Filip sont morts dans la lutte pour la libération durant la Deuxième Guerre mondiale. Le quatrième frère, Blazo, a été commandant de la JNA. Il a été arrêté et emprisonné à Goli Otok où étaient incarcérés les partisans de Staline et tous ceux qui étaient suspectés de soutenir la politique russe à la fin des années 1940. Les trois sœurs de Strugar, Kosa, Velika et Jovanka ont également participé à la résistance. Pavle Strugar est né en 1933 et a fait toutes les écoles militaires de l'époque. Sa carrière a duré 42 ans. Il a fait son service dans 17 villes de l'ancienne Yougoslavie. Son épouse Katica, originaire de l'île de Brac, est Croate. Leurs fils, Predrag et Nenad, affirment que la famille de leur mère habite toujours en Croatie et que les relations sont restées excellentes : « Nos cousins croates pensent que notre père n'est pas un criminel. Nous le croyons également, ainsi que ma mère. Nous soutenons notre père et croyons que le TPI en apportera la confirmation. Notre famille a eu des liens et des relations dans toute l'ex-Yougoslavie, et nous avons très mal vécu tout ce qui s'est passé. Nous savons qu'il en est de même pour notre père. A l'occasion de sa promotion en 1991, il a déclaré (et les médias en ont fait écho) qu'il renoncerait volontiers à toutes ses promotions en échange de la paix ». Reste à savoir si Strugar dévoilera au TPI des informations qu'il garde, jusqu'à présent, secrètes. Certains officiers de la JNA affirment qu'il y avait plusieurs lignes de commandement au front de Dubrovnik et qu'on savait précisément qui faisait quoi. Pavle Strugar est le premier général du Monténégro et de la RFY qui ait souhaité se rendre volontairement au TPI. Il est le neuvième des 49 prisonniers de Scheveningen. Il est le seul à être accusé en tant que général de la JNA, tous les autres ayant pris soin de changer de camp durant les guerres en ex-Yougoslavie. (Mise en forme : Stéphan Pellet)

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vendredi 2 novembre 2001, 20h31

Cinq Serbes de Bosnie condamnés par le TPI pour leur rôle à Omarska

LA HAYE (AP) -- Le Tribunal pénal international (TPI) pour l'ex-Yougoslavie a condamné vendredi cinq Serbes de Bosnie à des peines de réclusion allant jusqu'à 25 ans pour leur rôle dans ''une orgie de persécutions'' dans le camp de détention d'Omarska en 1992.

Le juge portugais Almiro Rodrigues a souligné que les accusés étaient informés ou avaient participé aux viols, meurtres et persécutions à Omarska. Ce camp faisait partie d'un vaste système visant à éliminer la population non Serbe de Prijedor (nord de la Bosnie), a-t-il ajouté.

Les procureurs avaient réclamé des peines allant de 25 ans de réclusion à l'emprisonnement à vie, alors que les accusés avaient tous plaidé innocents des faits qui leur sont reprochés.

La peine la plus lourde, 25 ans de réclusion, a été infligée à Zoran Zigic, 43 ans, reconnu coupable de tortures et de meurtres de prisonniers dans les camps d'Omarska, Keraterm et Trnopolje.

Quatre autres accusés, Miroslav Kvocka, 44 ans, Milojica Kos, 38 ans, Mlado Radic, 49 ans, et Dragoljub Prcac, 64 ans, reconnus coupables d'exactions dans le cadre de leurs fonctions de commandants ou de commandants adjoints du camp, ont été condamnés à des peines allant de cinq à vingt ans d'emprisonnement.

''Vous avez participé à cette infernale orgie de persécution'', a lancé Almiro Rodrigues en donnant lecture, pendant plus d'une heure, du verdict. ''Vous saviez ce qui se passait''.

Les camps d'Omarska, Keraterm et Trnopolje sont les plus tristement connus des 39 centres de détentions instaurés en 1992 par les Serbes de Bosnie dans ce que le tribunal a qualifié de programme de ''nettoyage ethnique'' visant les populations musulmanes et non-serbes. Des centaines de prisonniers y furent torturés, violés et souvent tués, certains lors d'exécutions de masse.

 

 

Peines de 18 à neuf ans de prison pour trois geôliers du camp de Celebici

LA HAYE, 9 oct (AFP) - Le Tribunal pénal international (TPI) pour l'ex-Yougoslavie a condamné mardi deux Musulmans bosniaques et un Croate à des peines de 18, 15 et neuf ans de prison pour des crimes commis contre des Serbes de Bosnie dans un camp de détention à Celebici (Bosnie centrale), en 1992.

Hazim Delic, 37 ans et Esad Landzo, 28 ans, les premiers Musulmans bosniaques jugés par le TPI, ont écopé respectivement de 18 et 15 ans de détention pour violations des lois et coutumes de la guerre et violations des Conventions de Genève sur la protection des civils.

Leur co-accusé croate Zdravko Mucic, commandant du camp a écopé de neuf ans de prison.

Les trois hommes ont été condamnés pour des meurtres, violences sexuelles et traitements inhumains commis contre des Serbes bosniaques dans une ancienne caserne militaire transformée en camp de détention par les Croates et Musulmans de Bosnie en 1992.

Les peines imposées mardi peuvent encore faire l'objet d'un appel, ce qui pourrait encore prolonger une affaire souvent qualifié au TPI de "procès oublié".

Le procès des trois geôliers de Celebici avait débuté en mars 1997. Le 16 novembre 1998, Delic, Landzo et Mucic avaient été reconnus coupables et condamnés à des peines respectives de 20, 15 et 7 ans de réclusion.

Leur co-accusé Zejnil Delalic avait été acquitté.

La Chambre d'appel du TPI avait confirmé une partie de la culpabilité des trois hommes le 20 février dernier mais s'était dite incapable de fixer une sentence définitive en raison d'une question juridique irrésolue.

Elle avait donc renvoyé à une chambre de première instance le soin de fixer la sentence des trois hommes.

Cette chambre de première instance a estimé mardi que les décisions de la Chambre d'appel avaient apporté "une certaine réduction sur la totalité de la criminalité" des accusés.

"Cette réduction est toutefois très légère au regard des sérieux crimes commis par les accusés", a souligné le juge britannique Richard May qui présidait l'audience.

La Chambre a donc baissé de deux ans la peine d'Hazim Delic, l'ancien commandant-adjoint du camp, maintenu à 15 ans celle d'Esad Landzo, un garde et relevé à neuf ans celle contre Mucic, l'ancien commandant du centre de détention Celebici.

L'avocat d'Hazim Delic a indiqué qu'il comptait faire appel de cette sentence.

Premiers Musulmans bonsiaques incarcérés au TPI, Delic et Landzo ont été rejoints par quatre officiers supérieurs musulmans, dont l'ancien chef de l'Etat major de l'Armée bosniaque Sefer Halilovic.

 

lundi 10 septembre 2001, 17h49

Deux Croates accusés du nettoyage ethnique de Mostar devant le TPI

LA HAYE, 10 sept (AFP) - Le procès de deux Croates de Bosnie, Mladen Naletilic et Vinko Martinovic, accusés d'être responsables d'une campagne de nettoyage ethnique contre la population musulmane de Mostar, en Bosnie, a débuté lundi devant le Tribunal pénal international (TPI) pour l'ex-Yougoslavie.

"La population musulmane bosniaque a été victime d'une campagne systématique de violences, de nettoyage ethnique et de persécutions" de la part des nationalistes croates de Bosnie de 1993 à 1994, a déclaré le procureur Kenneth Scott.

"Mladen Naletilic et Vinko Martinovic étaient parmi les principaux responsables de cette campagne" à Mostar et dans deux autres villages d'Herzégovine, région du sud de la Bosnie, a-t-il ajouté.

Les deux hommes doivent répondre de crimes contre l'humanité et crimes de guerre.

Ce "nettoyage ethnique" avait pour objectif de prendre le contrôle de Mostar et des localités avoisinantes afin d'y installer la République autonome des Croates de Bosnie, la "Herceg Bosna". Selon le plan des nationalistes croates, Mostar aurait été la capitale de cette entité qui aurait ensuite été rattachée à la Croatie de Franjo Tudjman.

Jamais reconnue, la Herceg Bosna fut officiellement dissoute par les Américains en 1994 à la suite des accords de Washington qui ont mis fin à la guerre croato-musulmane.

Le représentant de l'accusation a raconté comment les Musulmans bosniaques avaient été victimes "d'expulsions de masse, de tortures, meurtres" ou utilisés comme des "boucliers humains" par les hommes de Naletilic et Martinovic.

Quatre d'entre eux furent ainsi sélectionnés pour couvrir l'approche d'un char des forces croates de Bosnie vers la ligne de front qui traversait le centre de Mostar.

"Ils s'attendaient à être tués à chaque instant. L'un d'entre eux vous dira comment il priait pour au moins mourir sur le coup", a poursuivi M. Scott.

Décrivant ensuite les transferts forcés de Musulmans de Mostar ouest vers les zones sous contrôle musulman de Mostar Est, M. Scott a rappelé qu'une des conséquences fut de rendre "les conditions à Mostar Est de pire en pire avec des bombardements et des tirs continus, le blocage de toute aide humanitaire".

Le résultat de ces opérations fut une division de Mostar, "une situation qui malheureusement continue encore aujourd'hui", a remarqué M. Scott.

Sur le banc des accusés, Naletilic, dit "Tuta" et Martinovic, dit "Stela", vêtus de costumes sombres, sont restés impassibles à l'énoncé de ces accusations.

Revenu d'Allemagne juste avant le début des guerres yougoslaves en 1990, Naletilic créa en 1991 l'unité spéciale "Kaznjenicka Bojna" (KB : "bataillon de repris de justice"), dont les tâches principales étaient de procéder à des attaques contre les Musulmans bosniaques, selon l'acte d'accusation.

Connu comme un des parrains de la mafia de Mostar, Naletilic disposait d'entrées privilégiées à Zagreb sous le régime de Franjo Tudjman. Après un bras de fer entre le TPI et la Croatie, il avait finalement été transféré vers La Haye en mars 2000.

Son co-accusé, "Stela" était aussi une des figures du banditisme de Mostar. Chef d'une des compagnies du "bataillon des repris de justice", il était sous l'autorité de Mladen Naletilic.

Deux autres procès se sont ouverts lundi au TPI. L'un concerne un Serbe de Bosnie, Mitar Vasiljevic, accusé de massacres de Musulmans bosniaques à Visegrad, dans l'est de la Bosnie, de 1992 à 1994.

L'autre concerne quatre Serbes de Bosnie, Milan Simic, Blagoje Simic, Miroslav Tadic et Simo Zaric, accusés d'avoir participé au nettoyage ethnique dans la région de Bosanski Samac, dans le nord de la Bosnie.

 

« Le procès Milosevic est un rituel de diabolisation »

Comment avez-vous rejoins le Comité pour la défense de Slobodan Milosevic ? 

Jacques Vergès : J’ai été invité par le doyen de la faculté de Droit de Belgrade, pour donner deux conférences aux étudiants, début décembre. L’une dont le thème était : « la justice aujourd’hui, mon expérience de la profession. » Elle ne concernait, finalement, que la défense et son illustration, de Me Verges par lui-même... Ce qui ne va pas très loin ! Et le deuxième sujet, le lendemain, portait sur le tribunal pénal international concernant la Yougoslavie. 
J’y suis allé. J’ai rendu visite au ministère serbe de la Justice, et j’ai fais une visite normale auprès des autorités ordinales. Puis j’ai tenu ces deux conférences. 
Lors de la deuxième conférence, j’ai pu constater qu’aucune voix ne s’est élevée pour défendre le TPI ou l’enlèvement de monsieur Milosevic. Alors j’ai été contacté par les amis de monsieur Milosevic qui m’ont demandé si je pouvais m’associer aux efforts de différents juristes. J’ai accepté, étant donné ce que je pense, et ce que j’avais dit. 

Qu’aviez-vous dit, précisément ? 
Le TPI est un scandale juridique. Il est né par une décision du Conseil de sécurité, alors que le Conseil de sécurité n’a aucun pouvoir en ce sens. Certes, le Conseil de sécurité dans la défense de la paix, a des pouvoirs extrêmement larges. Mais il faut un pouvoir exprès pour créer une telle institution. Et le Conseil de sécurité n’a pas ce pouvoir exprès. D’ailleurs, monsieur Kofi Annan, dans sa déclaration de mai 1993, disait lui-même que « la procédure normale aurait été la tenue d’une conférence internationale ». Comme celle qui a eu lieu à Rome récemment, pour la création d’un tribunal pénal permanent. Mais on était pressé. 

Qui est ce « on » ? 
C’est l’Otan et les Etats-Unis d’Amérique. 
La deuxième chose qui m’apparaît indécente relève du fonctionnement du tribunal. Il y a deux choses qui sont scandaleuses. D’abord les ressources, le financement. Ses ressources proviennent soit des états et des fondations, soit de particuliers comme monsieur Soros. Pour moi, c’est une justice entretenue. Comme on dit d’une femme qu’elle est entretenue quand elle ne vit pas de ressources légitimes, mais des cadeaux de ses amants. De ceux qui l’aiment. Or le TPI fonctionne avec les cadeaux de ceux qui l’aiment. Aujourd’hui, le TPI répond : « ce n’est pas vrai, 8,6% de notre budget provient de l’Onu. » Cette réponse me comble ! Car il reste 1,4% qui proviennent d’ailleurs. 

Est-ce à dire que les juges sont partiaux ? 
Imaginez. Je suis locataire, pendant les vacances, d’une villa. J’ai un conflit avec mon propriétaire qui me dit : « Nous allons aller devant le juge, c’est moi qui le paye. » Est-ce que je peux accepter un tel juge ? Pour en revenir à ces donateurs, aux états donateurs, il ne faut pas oublier que ce sont les états musulmans, la Malaisie, l’Arabie Saoudite. L’Arabie Saoudite qui, comme on le sait, est un exemple de démocratie... Et puis c’est aussi monsieur Soros ! 
La troisième chose qui me choque, toujours à propos de son fonctionnement, c’est sa procédure. Depuis Montesquieu, on n’a de cesse d’affirmer qu’il existe trois pouvoirs distincts : C’est l’exécutif, le législatif, et le pouvoir judiciaire. Les parlements sont là pour faire les lois, et les juges pour les appliquer. Le tribunal pénal international élabore lui-même ses propres procédures. Et en change comme de chemise ! Tous les six mois, on change la procédure. Pour moi, c’est une violation claire de la règle de la séparation des pouvoirs. 
Donc naissance illégale, financement douteux et confusion des pouvoirs. Adieu Montesquieu ! 
Mais une justice entretenue est forcément une justice soumise. Comme on le dit d’une femme entretenue quand on l’appelle une fille soumise ! On le voit par le comportement des magistrats du TPI. Par exemple, lorsque la guerre est engagée au Kosovo, l’opinion pose des problèmes. Et madame Arbour, va dresser un mandat d’accusation contre Milosevic. Quel est le sens de cette inculpation ? Ce sens est donné le jour même par madame Albright : ce mandat d’arrêt, cette inculpation, justifient la guerre. 

C’est une récupération politique, à un moment donné, d’une décision judiciaire. Mais cela ne signifie pas pour autant que le procureur pose un acte politique...
Certes, il y a la présomption d’innocence. Mais il y a une coïncidence qui est étrange. 
Madame Arbour va dire : « Je respecte la présomption d’innocence. » Mais les crimes qu’on reproche à Milosevic sont si graves, qu’on se demande s’il peut être un interlocuteur valable. Là encore, c’est peut-être une coïncidence, mais c’est une coïncidence regrettable. 
Troisièmement, vous avez un serbe qui demande à madame Arbour, « mais pourquoi ne déterrez-vous que les cadavres bosniaques et croates, et jamais les cadavres serbes ? » Elle répond : «  Je n’ai pas d’argent pour cela... » 

Elle regrette aussi et surtout l’absence de coopération de la Serbie nécessaire à la réalisation des enquêtes...
Les cadavres serbes, elle peut en trouver dans la Krajina. Donc elle a de l’argent pour les exhumations que demandent ces généreux donateurs, qu’elle appelle les organisations de bienfaisance. Et elle n’en a pas pour les Serbes. Vous avez d’ailleurs aujourd’hui madame del Ponte qui dit : « Moi ce qui m’intéresse, c’est Milosevic. » 
Nous avons une justice entretenue, une justice souillée. A partir du moment ou on a laissé cette justice élaborer ses propres règles, on aboutit à un ordre monstrueux. 
Prenez l’application rétroactive de la loi pénale. Ce tribunal a été créé en 1993, il s’occupe de faits qui ont eu lieu en 1991. Je disais à l’occasion de la conférence à Belgrade : la France a commis un scandale. Très grave. Qui a eu lieu pendant l’occupation allemande ! C’était le premier attentat. Un militant communiste avait abattu un officier, de la Kriegsmarine au métro Barbès. En l’apprenant, Hitler était entré dans une grande fureur et avait exigé l’exécution d’une dizaine d’otages. 
Vichy avait négocié avec l’armée allemande, en disant, « si vous exécutez les otages vous-mêmes, vous allez entrer dans le jeu des communistes, parce que vous allez braquer l’opinion. Laissez-nous exécuter les otages nous-mêmes. » Les Allemands ont accepté. Et ensuite Vichy a dit aux Allemands : « ces otages, nous ne les qualifierons pas d’otages. Nous prendrons la précaution de les faire condamner d’abord par une cour de justice. » Ils créeront les Sections Spéciales à la Cour d’appel de Paris, avant de les condamner et les exécuter. A ce moment là, se tient un dialogue extrêmement offensant. Le représentant de l’armée allemande, dit à monsieur Algran qui représente le ministre de l’Intérieur : « En somme, si je comprends bien, vous allez appliquer rétroactivement la loi pénale. Algran répond : « C’est bien ce que nous comptons faire. » Et le major lui dit : « Et bien je vous félicite de cette intervention. » Je me demande ce que dirait ce major, s’il vivait aujourd’hui.
Il y a donc rétroactivité de la loi pénale. Il y a aussi violation de la présomption d’innocence, par une série de mesures de procédure, dont la première est que le parquet peut s’opposer à la communication de documents à la défense. 
En France encore, nous avons une expérience dans ce domaine. C’est l’affaire Dreyfus qui a duré 12 ans, et qui a provoqué une crise de conscience nationale. Elle a commencé par un procès où le tribunal disposait d’informations qui n’ont pas été communiquées à la défense. 
D’autre part, devant le tribunal de La Haye, on peut entendre des témoins masqués, avec un appareil pour déformer leur voix. Il y a un précédent avec le procès de monsieur Dimitrov, agent communiste, bulgare, condamné à mort en Bulgarie, voyageant avec un passeport soviétique, arrêté en Allemagne, accusé d’être le commanditaire de l’incendie du Reishtag sous le régime nazi. Il y avait eu des témoins masqués, et d’ailleurs Dimitrov a été acquitté. C’est toujours des coïncidences...
Donc voilà ce que je peux dire sur la présomption d’innocence. Et j’en arrive au dernier point : l’enlèvement de monsieur Milosevic. Aucun Etat démocratique n’extrade les siens. Là-dessus, la France est très claire, et l’Amérique aussi. Même à propos de la ratification du traité de Rome. D’ailleurs, le traité de Rome ne prévoit pas d’extradition internationale. 

Il s’agit d’un transfert et non d’une extradition, dont l’obligation est inscrite dans les textes. 
Bien sur, bien sur... Cela s’appelle une extradition déguisée. 
Un état n’extrade pas un national, surtout quand les faits qu’on lui reproche ont été commis dans le pays. Traditionnellement, on estime que c’est une question de bon sens. C’est dans le pays qu’il y a le témoin, c’est dans le pays qu’il y a les indices. C’est une question de bon sens et de fierté, de souveraineté nationale. C’est d’ailleurs ce qu’a dit la Cour suprême de Belgrade, lorsqu’elle a été consultée. A ce moment là, le Premier ministre de la République serbe, qui n’a pas d’existence internationale, pas plus que la Bavière, s’arroge d’autorité un pouvoir qu’il n’a pas. L’entité internationale, c’est la République Fédérale de Yougoslavie. Donc le Premier ministre de la République serbe prend un décret... de façon illégale. C’est clairement une procédure que nous comptons dénoncer devant la Cour européenne des droits de l’Homme. La Yougoslavie n’a pas signé la Convention européenne, mais la Hollande l’a signé. Et c’est elle le receleur de cet enlèvement. La livraison d’un national est une chose qui est déshonorante pour un pays. Et encore plus quand elle se fait pour de l’argent. 
D’autre part, quand la sentence sera rendue, les Pays-Bas ayant signé la Convention européenne des droits de l’Homme, on pourra poursuivre devant la Cour européenne, également, les Pays-Bas pour la seconde fois. Pour la violation des droits de la défense, la violation de la présomption d’innocence, la rétroactivité de la loi pénale... 

Avez-vous été témoin de dissensions au sein du comité ? 
Quand tous les avocats appartiennent à un même pays, de qui Le Monde va parler ? C’est difficile. Mais quant les avocats sont de pays différents ? Monsieur Ramsey Clark a sa clientèle, particulière. Il ne me fera pas de l’ombre et je ne lui fais pas d’ombre. 
Au niveau médiatique, je pense qu’il est plus facile à lui de s’adresser à CNN et ABC qu’à moi. Pour TF1, France 2 et LCI, ce sera plus facile à moi, qu’à lui. Si demain, je dois organiser un comité de soutien en France, pour l’action que nous menons, je suis plus à même de le faire. 
Aux Etats-Unis, c’est à Clark de le faire. Je ne vois pas du tout de concurrence. 
Et Milosevic confirme que j’ai mon entrée dans ce groupe d’étude. 

Que pensez-vous de l’attitude de Slobodan Milosevic à la Cour ? 
C’est l’accusé qui décide de son attitude et je crois que l’attitude de Milosevic est fondée. Il n’y a pas de dialogue possible avec ce tribunal, ce tribunal est fait pour le condamner. Et sa condamnation est faite pour justifier l’agression. Ces éléments de preuve, on peut les apporter devant l’opinion. C’est toute la stratégie des procès de rupture. 
Le tribunal n’est pas là pour l’entendre. Quand il dit des choses qui déplaisent, on lui coupe la parole. Mais ses avocats, qui constituent ce groupe de réflexion, peuvent très bien s’adresser à la presse et à l’opinion, monsieur Clark aux Etats-Unis et moi en France. 
Le dialogue, de toute évidence, est impossible devant ce tribunal. 
Comment puis-je accepter moi, accusé, de répondre à un type qui est masqué ? Même aux procès de Moscou, il n’y avait pas de témoins masqués. Ni dans les procès de Moscou, ni dans les procès de l’Allemagne nazie. Le fait même qu’un témoin masqué puisse se présenter à la barre rend la procédure nulle. Un témoignage n’est pas une chose en soit. Un témoignage est l’expression d’un témoin. Je devrai pouvoir démontrer que ce témoin est faux, qu’on l’a sortie d’un asile d’aliénés ou bien que ce témoin est un agent de la police ou que ce témoin était oustachi. Ici, je ne peux pas ! Le problème, et j’ai employé cette image à la faculté de Droit, c’est que quand on habite l’Alabama, et que les petits blancs s’apprêtent à lapider un noir, la question n’est pas de savoir si le noir a vraiment violé une femme blanche, le problème est d’empêcher la lapidation. 
C’est ça le crime imminent. Or, ici, nous sommes en train d’assister à une lapidation. Il y a des témoins qui vont affirmer n’importe quoi. Qu’est-ce qu’il peut répondre ? 
De quels éléments peut-il disposer ? Il est en hollande. S’il était à Belgrade ce serait différent, mais il est en Hollande. Et ce n’est pas aux avocats de trouver les éléments de preuve. C’est à la Cour de faire ce travail. 
Si je suis accusé de meurtre, je vais demander au tribunal d’entendre toutes les personnes qui habitaient autour de la place où la personne a été tuée. Je ne peux pas les entendre, je suis en prison. Mais on va me dire : vos avocats peuvent le faire. Pourtant, la règle, c’est que vous, tribunal, vous convoquiez les gens. Et si au lieu de siéger à La Haye, vous siégiez à Belgrade ? Vous pourriez le faire. Il y a dans les tribunaux ce qu’on appelle des transports sur les lieux. Souvent, vous dites, cela ne correspond pas à la configuration des lieux. Et le tribunal se rend sur les lieux. Et c’est l’utilité de juger des crimes ou réputés tels, commis dans un pays, dans le pays lui-même. Plutôt que La Haye, on pourrait aussi bien aller à Tokyo. Ce serait exactement la même chose. Je ne vois pas du tout comment on peut juger dans ces conditions. En fait, c’est une cérémonie expiatoire... Le procès Milosevic est un rituel de diabolisation, et entrer dans ce jeu, c’est en être dupe très rapidement. 

Ne pas contester l’accusation devant le tribunal n’est-elle pas la meilleure façon de laisser s’établir une vérité à sens unique ? 
Qui défend à ses avocats de faire connaître, par différents moyens, dans chacun des pays où il travaille, cette situation ? Personne. 

S’il conteste l’institution, pourquoi continue t-il de se présenter devant la Cour ? C’est déjà une façon d’accepter son autorité. 
Je ne sais pas du tout s’il pourrait avoir la possibilité de ne pas se présenter. Je ne sais pas du tout parce que je ne l’ai pas encore rencontré. Cette situation est très récente. 
Mais le problème qui est posé est le suivant : Il est prisonnier. On l’emmène devant le tribunal. Que fait-il ? Une déclaration. Une déclaration politique. En faisant cela, ce n’est pas au tribunal qu’il s’adresse. C’est au peuple serbe. Et toutes les télévisions du monde reproduisent la scène. Y compris la radio et la télévision de Belgrade. Les Serbes sont les seuls juges, dans cette affaire. 
Le tribunal lui offre une tribune, effectivement. J’ai fais cette conférence devant un amphithéâtre plein, à craquer, il n’y a pas eu une seule question ambiguë sur le TPI.  Tout le monde était d’accord. Tous les Serbes que j’ai rencontrés - qu’ils aient été pour Milosevic ou dans l’opposition - vivent cette affaire comme une humiliation nationale. Par exemple, Politika, qui n’était pas pro-Milosevic, produit un compte-rendu de la conférence qui est plutôt favorable. Un étudiant me dit, « il y a un officier français qui est actuellement jugé en France pour avoir transmis des informations secrètes aux autorités serbes, sur les bombardements. Si vous étiez son défenseur, qu’est-ce que vous diriez ? [affaire Bunnel, ndlr] » Je dirai d’abord, je ne suis pas son défenseur. Deuxièmement, je ne sais pas si les faits sont reconnus par lui ou non. Mais de façon générale, je répondrai : si un officier français, à la veille des bombardements, ayant connaissance des bombardements, avait informé les autorités serbes, je crois que non seulement on ne devrait pas le condamner, mais le féliciter. Parce que la loi exige de tout citoyen de tout faire pour empêcher un crime imminent, dont il est averti. Or la guerre zéro mort est un crime. 

En imaginant que le procureur décide, demain, de s’intéresser à l’opération Force Alliée et à ses auteurs, le tribunal deviendrait-il, à vos yeux, légal ? 
On peut rêver, on peut rêver... Mais alors qui paiera ? 
En poursuivant, le tribunal prouverait que malgré sa dépendance financière, malgré son existence illégale, il y a un dernier réflexe d’indépendance des magistrats. Mais c’est tout ce qu’on pourrait dire. Sa naissance est illégale et reste illégale, dans tous les cas de figure. Ses règles de fonctionnement sont contraires aux règles démocratiques, c’est un fait. Et demain, s’il poursuivait les auteurs de la guerre d’agression, j’en serai forte aise... Comme tout homme je rêve, mais pas à ce point... Là, cela devient une hallucination, un délire... Et je n’accepterai toujours pas qu’on appelle, pour témoigner contre eux, des témoins masqués. 

Chez ce type d’accusés, il existe toujours une promesse... Celle de révéler des faits permettant de comprendre des pans de l’Histoire jusqu’ici ignorés. Mais c’est souvent une promesse vaine.
Tout le monde connaît les choses. Il n’y a aucune révélations à faire sur le plan de la politique internationale. Il y a eu un accord à Dayton. Monsieur Milosevic a été considéré comme un partenaire respectable et légitime. C’est un fait. Il y a eu une guerre menée, pour défendre les malheureux Kosovars. On sait que la guerre a provoqué plus de morts au Kosovo qu’il y en avait avant. Qu’elle a provoqué un génocide et un exode des Serbes. Il y a eu cette guerre. Tout le monde sait que les militaires serbes ont subi très peu de pertes. Mais que ce sont les civils qui ont subi. Il existe une différence entre la bataille de Verdun qui est une infâme boucherie, mais qui n’est pas un génocide. Il y a deux armées face à face, avec des généraux incapables, qui pendant des mois s’étripent. Tandis que lorsque vous dites « je fais la guerre zéro mort », cela ne veut pas dire, je vais détruire l’armée ennemie, puisqu’elle est planquée. Cela veut dire : « je vais faire des bombardements de terrain pour que le moral de l’arrière craque. » Là-dessus, le cas de la Serbie est intéressant. Nous avons trois puissances qui ont été éminentes. L’Allemagne, elle a l’expérience... C’est Coventry, qui n’avait aucune importance militaire, et qu’on a détruit pour briser la volonté de résistance des Anglais. C’est les Anglais, qui ont détruit Dresde en 44, alors que Dresde était encombrée de réfugiés, et que la Wechmacht ne s’y trouvait pas. C’est les Américains qui ont bombardé Hiroshima et Nagasaki, alors que le Japon était à genoux. Mais c’était pour hâter la paix d’une semaine... Et avoir zéro mort pendant cette semaine là, au prix de 200 000 morts, asiatiques... Vous voyez, tous ces faits sont connus. 

Les chefs d’accusation portés contre Milosevic ne seraient alors, à vos yeux, que pure invention ?
Je crois en plusieurs sortes d’innocence. L’acte d’accusation n’est jamais que le cadre d’un procès. Je vous ai dit qu’en Allemagne nazie, l’acte d’accusation porté contre Georges Dimitrov indiquait que c’est lui qui avait donné l’ordre de mettre le feu au Reichstag. Qu’il était en séjour illégal en Allemagne, qu’il était un agent du communisme. Il a été acquitté. Il est vrai que l’Allemagne nazie, ce n’était pas des démocrates... Les démocrates font mieux. 
Regardez le tribunal pour le Rwanda. L’autre jour l’un des accusés est acquitté [Ignace Bagilishema, ndlr], et le tribunal ne sait pas quoi faire... Le tribunal est embêté. On n’a pas prévu la procédure d’acquittement ! Comment faire confiance en de tels tribunaux... 

Voyez-vous des similitudes entre la défense de Klaus Barbie et celle de Slobodan Milosevic ? 
Il n’y a aucun rapport. Il n’y a aucun rapport, parce que les tribunaux français sont compétents pour juger de crimes, fondés ou pas, commis en France. 
Aucune comparaison. Les procédures utilisées aujourd’hui par les démocraties - et je place le terme démocratie entre guillemets - ressemblent plus aux procédures installées par les amis de monsieur Barbie, que par les résistants. Donc faire une telle comparaison me semble... gratuit. 
Je crois simplement qu’actuellement, la Justice ressemble un peu à la Cour des miracles... 

Propos recueillis par Stéphanie Maupas, Le 8 janvier 2001

 

REPORTER
Srebrenica : Le Général Krstic accuse
TRADUIT PAR JASNA TATAR

Publié dans la presse : 20 septembre 2000
Mise en ligne : mardi 26 septembre 2000

Selon Krstic, « Mladic commandait en personne le chargement des gens dans les cars, tandis que ses officiers et les soldats de sa garde et du bataillon de la police militaire en faisaient descendre les hommes. »

Face aux investigateurs du Tribunal de la Haye, Radislav Krstic, ancien Général de l’armée de Republika Srpska (VRS) a essayé de transférer la responsabilité des crimes commis sur les soldats et les civils musulmans à Srebrenica en juillet 1995 vers Ratko Mladic et les unités soumises à l’Etat-major de la VRS.

Pourtant, Krestic devra bien assumer une partie de la responsabilité car on a les preuves de certaines de ses activités : et d’après les juges, celles-ci ne l’innocentent pas. Le Tribunal possède des enregistrements de conversations, des signatures portant sur les mouvements des unités…

Krstic est le premier haut fonctionnaire de la RS ayant avoué l’existence de crimes de masse à Srebrenica. Il avait estimé un nombre de quatre mille cinq cents à cinq mille morts, lors d’un entretien d’investigation avec Jean-René Rouez, chef des investigations sur les crimes à Srebrenica, le 18 et le 19 février 2000.

Krstic explique que la décision de lancer une offensive vers la zone protégée de Srebrenica fut prise conformément à la directive de l’Etat-Major de la VRS. « Le commandement du corps de la Drina n’aurait jamais pris une telle décision indépendamment », précise Krstic.

Krstic nie la participation du Corps de la Drina aux assassinats de militaires et de civils. Il en fut le chef d’Etat-Major avant les événements à Srebrenica et le commandant à partir du 20 juillet 1995 (huit jours après la chute de l’enclave).

L’ancien général de la VRS affirme que les brigades du corps de la Drina ont été engagées pour resserrer le siège autour de la ville jusqu’à l’après-midi du 11 juillet 1995. Il explique avoir plus tard repris le commandement direct de toutes les unités dans la zone de Srebrenica. Les unités du corps de la Drina se sont, d’après Krstic, rendues sur la ligne de front sur la Zepa, et n’étaient pas au courant de la situation à Srebrenica.

Intouchables

« Le général Mladic et ses adjoints sont responsables des évènements entre le 11 juillet au soir et le 20 juillet 1995 sur le territoire de Srebrenica, Bratunac, Zvornik, Miliciet Vlasenica », accuse Krstic. Il parle également de la responsabilité des officiers engagés par Mladic pour le commandement et le contrôle de la situation sur ce territoire : le colonel Ljubo Beara, chef du service de sécurité de l’Etat-Major, son supérieur hiérarchique Zdravko Tolimir, vice-commandant de l’Etat-Major chargé des questions de sécurité et d’information, et le major Pecanac, chef de sécurité personnelle de Ratko Mladic. Krstic cite encore le lieutenant Misa Pelemis, commandant de la XIe unité de diversion, et le colonel Salapura, chef du service d’information de l’Etat-Major qui dirigeait les manœuvres de la XIe unité de diversion mais qui, à l’époque, ne se trouvait pas à Srebrenica. Il cite ensuite comme responsables le major Malinic, commandant du bataillon de police militaire et le lieutenant-colonel Vujadin Popovic, chef de sécurité du corps de la Drina mis par Mladic sous le commandement du colonel Beara.

« Ce groupe d’officiers suivait le général Mladic depuis le commencement des guerres en ex-Yougoslavie, depuis Knin. Mladic leur vouait une véritable confiance », explique Krstic. Il considère ce groupe d’« intouchables » comme les commandants et les exécuteurs principaux de tous les évènements du 11 au 20 juillet à Srebrenica.

« Aucune des unités sous commandement des chefs des brigades n’a participé à ces évènements. Je n’exclus toutefois pas la possibilité d’un engagement individuel, suivant les ordres personnels du général Mladic, ou du colonel Beara Par exemple, dans le cas du lieutenant Popovic qui a été chef de sécurité du corps de la Drina », affirme Krstic. Il parle d’un groupe de commandement qui a fouillé les cars remplis de civils pour mettre les hommes de côté. Ce groupe était mené par « le chef de la police auprès de l’Etat-Major, le lieutenant Keserovic, le lieutenant Trkulja et un autre officier… »

Selon Krstic, les prisoniers ont été liquidés par la Xe unité de diversion et le bataillon de la police militaire. Et Mladic commandait toutes ces activités.

« Mladic commandait en personne le chargement des gens dans les cars, tandis que ses officiers et les soldats de sa garde et du bataillon de police militaire en faisaient descendre les hommes pour les soumettre à un traitement de sécurité mené par les chefs de sécurité engagés sur ce territoire », conclut Radislav Krstic.

(mise en forme : Emmanuelle Rivière)